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samedi, 25 mars 2023

De Grandes Espérances

   Doté d'un titre évoquant un roman de Charles Dickens avec lequel l'intrigue a (à mon avis) peu de points communs, ce film est présenté comme un thriller politique servi par une brillante distribution.

   Le début n'est pourtant pas très engageant. On nage en pleine boboïtude : des candidats à l'ENA aux préoccupations sociales (ne visant ni l'Inspection des Finances ni le Conseil d'Etat), des vacances en Corse dans une très chic villa... et un dîner de famille où les deux "jeunes" font montre de leur fibre sociale, à grand renfort d'anticapitalisme bourgeois.

   J'ai de plus un problème avec le personnage d'Antoine (Benjamin Lavernhe, dont le jeu ressemble un peu trop à ce qu'il a déjà produit dans d'autres films, comme Antoinette dans les Cévennes). Il a au moins dix ans de plus que sa compagne Madeleine. Or, ils préparent tous les deux le concours externe de l'ENA. On ne nous dit rien quant à d'éventuelles précédentes (longues) études d'Antoine... de surcroît fort antipathique. Il est hypocrite, suffisant, lâche... et assez égoïste. Né une cuillère en argent dans la bouche, il n'a jamais eu besoin de beaucoup forcer dans la vie... sauf peut-être pour conquérir (et tenter de garder) la belle Madeleine. Dans ce rôle-ci, Rebecca Marder est assez convaincante, davantage dans les deuxième et troisième parties que dans le premier tiers. Au repas, sa déclamation est très scolaire et, dans la voiture, avant et pendant « l'événement », son jeu manque de naturel. (Elle était bien meilleure dans Simone, le voyage du siècle.)

   Heureusement, il finit par se passer quelque chose en Corse... et sur l'écran. On sent la montée de tension, avec des dialogues mieux écrits et des acteurs plus percutants.

   Toutefois, la deuxième partie manque de rythme. L'ascension politique de Madeleine n'est pas inintéressante, mais surtout en raison de la personnalité de Gabrielle (Emmanuelle Bercot, formidable). La comédienne excelle à transmettre un tas de choses avec un minimum de jeu (Rebecca a encore des progrès à faire...). J'ai aussi beaucoup aimé le personnage du père, que l'on voit moins. Il est interprété par une autre pointure, Marc Barbé. Tout ce qui se passe aussi autour de l'usine suscite l'intérêt... et nous sort du huis-clos entre CSP+ progressistes.

   Clairement, c'est la troisième partie qui emporte le morceau... et, du coup, je suis peut-être moins sévère que prévu avec ce film. Là, on est vraiment dans le thriller politique. Les rebondissements sont mieux maîtrisés et l'on sent même un poil de subtilité. Pour moi, cela culmine dans la visite du père à la prison, où, à l'aide d'un simple morceau de tissu, il fait comprendre à sa fille le geste extraordinaire qu'il a accompli pour elle. (Les spectateurs les moins stupides comprendront qu'il a fait un petit séjour en Corse...)

   Du coup, ce n'est pas si mal que cela. Le film bien-pensant du début s'est transformé en quelque chose de moins politiquement correct, mais de plus authentiquement humain.

Commentaires

Le film à tiroirs multiples est de belle tenue.

Je suis d'accord sur certains points.
Il faut que Benjamin Lavernhe change de registre. Le personnage de connard va finir par lui coller à la peau. Il en est conscient manifestement, il l'a évoqué sur France Inter.
Leur différence d'âge visible m'a aussi fait tiquer. Pourquoi en sont-ils au même niveau d'études ? Mais comme je te le disais chez moi, il y a une limite d'âge pour présenter l'ENA : de 28 à 35 ans. Vu son milieu, il a dû procrastiner mais c'est invraisemblable que des gens de cet âge semblent sans emploi.
Tout comme j'ai trouvé invraisemblable que Madeleine quitte l'oral.
Sa façon scolaire de s'adresser à Gabrielle au début est je pense voulue. Elle prépare l'oral ou son entretien d'embauche.

Pour le reste, le film est haletant jusqu'au bout et je trouve Rebecca Marder bien, opaque souvent et au bord de la folie.

Mais ceux qui emportent le morceau sont évidemment Emmanuelle Bercot, plus vraie que vraie, exceptionnelle et Marc Barbé absolument merveilleux. Quelles scènes magnifiques il a !!! Et il faudrait être complètement stupide pour ne pas comprendre qu'il est allé faire un tour à Corse. Et moi qui anticipe rarement, lorsqu'elle lui explique qu'une pièce à conviction a disparu, je me suis dit : il va y aller.
J'ai adoré la scène, cruelle mais j'avais quand même envie d'applaudir rapport au connard, où elle explique à la juge comment ça s'est passé...

Écrit par : Pascale | dimanche, 26 mars 2023

EN corse of course.

Écrit par : Pascale | dimanche, 26 mars 2023

Bonsoir Henri Golant, la différence d'âge entre les deux personnages ne m'a pas gênée. J'ai trouvé le film passionnant de bout en bout. Rebecca Marder joue un rôle intéressant et elle n'est pas une innocente victime. La fin amorale m'a plu car on se dit qu'elle s'en est sortie. Antoine est en effet un lâche et un homme à fuir. Et j'avoue que Benjamin Lavernhe n'est pas ma tasse de thé. Emmanuelle Bercot devrait faire de la politique. J'aimerais voir Marc Barbé dans Sombre de Philippe Grandrieux, le film qui l'a révélé. Bonne soirée.

Écrit par : dasola | vendredi, 31 mars 2023

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