samedi, 03 août 2024
Les Fantômes
Ces fantômes sont parfois des morts, parfois des vivants. Les morts sont les victimes de la dictature de Bachar el-Assad, comme l'épouse et la fille unique du héros, dont il ne parvient pas à faire le deuil. Les vivants sont les rescapés des geôles syriennes... et certains de leurs anciens bourreaux, qui ont fui en Occident et tentent, sous une nouvelle identité, de s'y faire oublier.
Ce film prend la forme d'un polar, puisque le héros a rejoint un groupe clandestin, parmi les réfugiés en Europe (principalement en Allemagne), qui traque les anciens (?) serviteurs du dictateur sanguinaire, pour les faire juger. Dans le même temps, les rencontres faites par Hamid nous mettent en contact avec différentes catégories de victimes. Comme presque tout le monde se méfie de (presque) tout le monde (à cause des agents infiltrés), il est difficile de savoir si tel ou tel interlocuteur est sincère. S'ajoutent à cela les effets secondaires de la détention d'Hamid. Il peine à surmonter les séquelles des tortures qu'il a subies, cumulées au traumatisme de la perte de son épouse et de sa fille. Par moments il se demande (et nous aussi) s'il n'a pas perdu sa lucidité.
C'est plutôt bien joué, avec Adam Bessa en réfugié justicier mutique, pas encore prêt à nouer une nouvelle relation. J'ai surtout remarqué Tawfeek Barhom, vu il y a deux ans dans La Conspiration du Caire... et surtout remarqué naguère en chanteur de Gaza ! Il réussit parfaitement à semer le trouble concernant son personnage, un étudiant en chimie qui ne veut surtout pas retourner en Syrie... mais pour quelle raison exactement ? La scène la plus marquante est celle du déjeuner, qui le voit partager une table avec Hamid, censé le traquer discrètement. Le dialogue entre les deux hommes, en arabe et en français (la scène se déroule à Strasbourg), est plein d'ambiguïtés.
Il y a d'autres réussites dans ce film, comme la mise en scène de l'utilisation de l'espace dialogue d'un jeu vidéo en ligne pour communiquer secrètement à distance. J'ai aussi aimé la sorte d'enquête auditive menée par Hamid, qui commence par essayer de capter la voix actuelle du suspect (il n'a jamais vu le visage de son tortionnaire), puis récupère des enregistrements de témoignages d'autres rescapés de la même prison. Le moindre détail peut être important. Ce n'est pas tout à fait du niveau du Chant du loup, mais c'est quand même bien foutu.
Le film, inspiré nous dit-on d'une histoire vraie (je dirais plutôt de plusieurs histoires vraies, dont celle d'Omar Alshogre et celle du tortionnaire Abdulhamid C.) est minutieusement construit, avec un évident souci du détail, essayant peut-être de pallier le manque de moyens. Les personnages secondaires sont assez bien construits.
Je n'aurais peut-être qu'une réserve à émettre : quelques longueurs, le film se traînant un peu inutilement par moments (durée officielle : 1h40... au moins 2h en ressenti). Mais il est bien construit, autour d'une histoire forte.
P.S.
La traque des criminels syriens se poursuit. Récemment, c'est aux États-Unis qu'elle a abouti.
20:18 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
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