mercredi, 10 juillet 2013
Cumul mon amour !
Les socialistes ont fini par s'y mettre. Ils ont mis le temps, ils se sont montrés très timides, mais ils ont accouché d'une nouvelle loi limitant le cumul des mandats. Attention toutefois : votée par l'Assemblée nationale, elle doit encore passer devant le Sénat, dont les membres semblent majoritairement hostiles aux principes de bon sens que le texte contient.
Rappelons tout d'abord qu'il s'agit d'une promesse du candidat Hollande, contenue dans l'engagement numéro 48 (au passage, je conseille à ceux qui ont joué la surprise quand le gouvernement a mis au programme le mariage homo de lire l'engagement numéro 31) :
"J’augmenterai les pouvoirs d’initiative et de contrôle du Parlement, notamment sur les nominations aux plus hauts postes de l’État afin de les rendre irréprochables. Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. Je renforcerai la parité entre les femmes et les hommes en alourdissant les sanctions financières contre les partis politiques qui ne la respectent pas. J’introduirai une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale."
Le formulation était vague, contrairement à ce qui est écrit dans d'autres articles. J'aurais aimé que le gouvernement aille plus loin, mais, pour l'instant, il faut se contenter de la loi que vient de voter la majorité absolue des députés. Le principe est simple : à partir de 2017, on ne pourrait plus être député (ou sénateur ou député européen) ET maire, adjoint, (vice) président de Conseil départemental, de Conseil régional ou d'un établissement intercommunal (genre la Communauté d'agglomération du Grand Rodez).
Le diable se niche dans les détails... et dans ce qui n'est pas écrit. Cela veut donc dire que l'on pourra être parlementaire et conseiller départemental ou régional, mandats qui sont rémunérés. Les parlementaires pourront aussi rester conseillers municipaux ou intercommunaux, ces fonctions étant très souvent (mais pas toujours) bénévoles. Voilà qui ruine l'un des arguments des opposants (comme le sénateur Stéphane Mazars, qui s'est récemment exprimé dans les colonnes de Centre Presse), qui prétendent qu'un parlementaire déconnecté des réalités locales fait du moins bon travail. Grâce à cette loi sur le non-cumul, les parlementaires pourront garder un pied en province. (Selon moi, on aurait dû seulement tolérer les fonctions de conseiller municipal ou intercommunautaire... ou alors interdire le cumul des indemnités.) Notons que la loi ne change rien aux règles actuelles de cumul des mandats locaux.
Il va être intéressant de suivre le passage au Sénat. En effet, d'après Le Monde, le texte a été voté par la grande majorité des députés PS, Verts et Front de Gauche, alors que ceux du PRG ont plutôt voté contre (en compagnie de l'UDI et de l'UMP). Quelle va être l'attitude des sénateurs radicaux du groupe RDSE (dont S. Mazars) ?
Le piquant dans cette affaire est que les récentes péripéties de la vie politique ruthénoise ont conduit le maire de Rodez, Christian Teyssèdre, qui est aussi (depuis mars 2013) vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, à s'emparer de la présidence de la Communauté d'agglomération du Grand Rodez. A droite, on avait déjà "Cumuluche". Faudra-t-il désormais aussi parler de Christian "Excèdre" ?
Blague à part, cette loi sur le cumul des mandats, bien que positive, n'en est pas moins révélatrice du conservatisme des élus de gauche comme de droite et du manque d'autorité de l'exécutif parisien. On a déjà pu le constater à propos de la transparence des richesses. Rappelez-vous : en avril dernier, tous les membres du gouvernement avaient dû publier leur déclaration de patrimoine. Ce fut indéniablement un pas important, mais, à la lecture desdites déclarations, il était clair que certains ministres avaient rusé. (Sur ce sujet, je conseille les articles que Donato Pelayo a signés, les 19 et 26 avril ainsi que le 3 mai 2013, dans Le Nouvel Hebdo.)
En dépit (entre autres) de l'affaire Cahuzac (et de ses conséquences électorales), beaucoup de députés ont persisté à s'opposer à l'application de la transparence à leur patrimoine. La loi votée fin juin par l'Assemblée (actuellement examinée par le Sénat) est pourtant modérée dans son ambition. Si la déclaration concerne un grand nombre d'élus (ainsi que des hauts fonctionnaires), la publicité du contenu est interdite : le citoyen lambda pourrait consulter mais pas révéler publiquement ce qu'il a lu...
Nos parlementaires sont décidément bien cachottiers... Certains jouent un peu plus franc-jeu, comme Stéphane Mazars. Dans l'entretien publié dans Centre Presse, il affirme : "Je gagne mieux ma vie en étant avocat que sénateur !" Examinons la chose. L'an dernier, j'ai salué sa décision de renoncer à ses émoluments d'adjoint au maire de Rodez. Du coup, il ne touche plus que son indemnité de sénateur, soit environ 5 500 euros nets par mois... auxquels il faut ajouter environ 6 000 euros d'I.R.F.M. (Indemnité Représentative de Frais de Mandat)... non soumise à l'impôt sur le revenu.
Comparons aux revenus des avocats. En 2008, en moyenne, il s'agissait d'environ 6 200 euros par mois. Mais, comme les écarts sont énormes dans la profession, il peut être utile de comparer avec le revenu médian, celui qui sépare en deux groupes égaux les membres de la profession : 3 800 euros. Je pense que les revenus du sénateur aveyronnais se rapprochaient plutôt du premier chiffre, ce qui explique qu'il affirme gagner (un peu) plus en exerçant sa profession... si l'on ne compte que l'indemnité de base (6 200 euros contre 5 500). Ou alors, il gagnait vraiment très très bien sa vie et ses revenus dépassaient le cumul des deux indemnités, soit 11 500 euros par mois. Bigre ! Voilà que je me mets à regretter de ne pas porter la toge !
23:44 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise, Presse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, ps, actualité, presse, médias, france, parti socialiste
Commentaires
Et voilà que les sénateurs viennent de rejeter la publication du patrimoine des élus (dans le cadre de l'examen de la loi sur la transparence) :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/07/12/transparence-journee-de-dupes-au-senat-sur-la-publication-du-patrimoine-des-elus_3447203_823448.html
Au palais du Luxembourg, l'opposition au texte a été menée (parfois avec humour) par l'UMP Gérard Longuet, un vieux routier de la politique française... et sans aucun doute un exemple d'intégrité morale...
http://www.senat.fr/cra/s20130712/s20130712_som.html
Dans ce vote (167 - 172), l'UMP a été appuyée par les élus du groupe RDSE qui, à une exception près (Robert Hue) ont TOUS rejeté le texte de l'article 1 qui avait été adopté à l'Assemblée nationale. Signalons que dans le groupe RDSE l'on trouve les radicaux de gauche, dont S. Mazars.
http://www.senat.fr/scrutin-public/2012/scr2012-307.html
L'autre sénateur aveyronnais, Alain Fauconnier, comme la quasi-totalité des élus socialistes, a voté le texte.
Écrit par : Henri Golant | samedi, 13 juillet 2013
Concernant la loi sur la transparence, il m'avait échappé que sept parlementaires UMP (principalement des députés) avaient publié une tribune dans "Le Monde" (le 24 juin dernier) :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/24/parlementaires-de-droite-nous-voterons-en-faveur-de-la-loi-de-transparence_3435857_3232.html
Bien que pas totalement satisfaits par le texte, ils s'engageaient à le voter, affirmant que l'ambiance politique est suffisamment dégradée pour que cessent certaines postures. Je suis donc allé vérifier que, quelques jours plus tard, ils avaient bien tenu leur promesse...
Commençons par les députés. O surprise ! Des six qui ont signé la tribune, AUCUN n'a voté la loi ! Patrick Hetzel, Alain Marc, Arnaud Robinet, Jean-Pierre Vigier et Laurent Wauquiez ont même voté contre le texte. Un seul s'est abstenu : Paul Salen.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/scrutins/jo0560.asp
Quant au sénateur Alain Houpert, il a aussi bien voté contre l'article 1er (sur la publication du patrimoine) que contre l'ensemble du projet de loi, même atténué par les élus (très timorés) de la Haute Assemblée :
http://www.senat.fr/scrutin-public/2012/scr2012-307.html
http://www.senat.fr/scrutin-public/2012/scr2012-312.html
Quelle bande de faux-jetons !
Rectificatif (le 23 juillet) - Mea Culpa !
Je me suis emmêlé les pinceaux entre les votes sur la loi contre le cumul des mandats et les votes sur la loi de transparence. Des six députés qui s'étaient engagés à voter le texte, quatre ont tenu parole : P. Hetzel, A. Marc, J-P Vigier et L. Wauquiez. Les deux autres (P. Salen et A. Robinet) se sont abstenus :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/scrutins/jo0536.asp
Lors de la deuxième lecture, seuls P. Hetzel et L. Wauquiez ont maintenu leur approbation. P. Salen a renouvelé son abstention, alors qu'A. Robinet est passé dans le camp du refus :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/scrutins/jo0590.asp
Je n'ai pas trace de participation au vote de J-P Vigier ni d'A. Marc. Sont-ils partis en vacances ? (Entre le premier et le deuxième vote, 27 députés ont disparu de la circulation ; au total, il en manquait une cinquantaine à l'Assemblée.)
Signalons aussi l'évolution du vote des élus d'extrême-droite. En première lecture, les trois s'étaient exprimés en faveur du texte. En deuxième lecture, aucun. Jacques Bompard et Gilbert Collard ont voté contre. Marion Maréchal-Le Pen s'est courageusement abstenue.
Écrit par : Henri Golant | vendredi, 19 juillet 2013
Les commentaires sont fermés.