mercredi, 05 septembre 2018
Des infiltrés au Ku Klux Klan
Après avoir vu BlacKkKlansman, le film de Spike Lee, je me suis procuré le livre qui l'a inspiré, Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan, de Ron Stallworth, qui fut le premier enquêteur afro-américain du Colorado.
Le bouquin permet de mieux comprendre certains aspects de l'intrigue du film. Ainsi, les policiers infiltrés bénéficient d'une ligne téléphonique intraçable et de plusieurs identités fictives. On apprend aussi que la police de Colorado Springs (aidée finalement par celle de Denver) a réussi à infiltrer non pas un, non pas deux, mais trois agents dans le Ku Klux Klan, à l'époque.
A la surprise sans doute de certains spectateurs du film, le livre confirme certains éléments jugés invraisemblables, comme le fait que les interlocuteurs téléphoniques de Stallworth n'aient jamais suspecté quoi que ce soit... et pourtant, le policier a parfois poussé le bouchon très très loin. Les scènes montrant ses collègues pouffant de rire derrière lui, alors qu'il converse avec un membre du Klan, n'ont pas été inventées par Spike Lee.
Le réalisateur a cependant créé le personnage de Patrice, tout comme l'intrigue sentimentale avec Stallworth et l'attentat qui la vise. Mais surtout, Spike Lee a totalement laissé de côté une magnifique anecdote du bouquin, qui montre à quel point le policier noir était opposé à tout communautarisme. Stallworth a refusé de soutenir un mouvement en faveur d'un ado noir qui avait descendu un type, sans raison. Il a même incité un proche de feu Martin Luther King, invité par les militants locaux, à ne pas se dévoyer dans ce combat. C'est un très beau passage, que, dans le film, Spike Lee a remplacé par le récit de Jerome Turner (Harry Belafonte, très émouvant), qui fait référence à une époque plus ancienne, quand le Klan était bien plus violent.
On peut découvrir cette époque grâce au récit d'un autre infiltré, Stetson Kennedy, un journaliste blanc, neveu d'un authentique membre du Klan, qui a publié en 1959 J'ai appartenu au Ku Klux Klan.
Le Blanc floridien antiraciste a commencé à s'intéresser au Klan avant la Seconde Guerre mondiale. L'essentiel de son livre décrit son infiltration entre 1946 et 1952, d'abord en Géorgie, puis en Alabama et en Floride, où il est revenu sous sa véritable identité.
La durée de cette infiltration explique l'importante quantité d'informations recueillies et la précision des descriptions de l'intérieur. C'est accablant, tant la violence est présente dans les Etats du Sud à cette époque. L'auteur a même assisté à l'assassinat d'un Noir qui avait eu la malchance de croiser la route de deux voitures bourrées d'abrutis suprémacistes. L'inaction voire la complaisance des forces de police et de la justice (d'Etat comme fédérale) sont consternantes. L'auteur, d'une audace folle, a réellement risqué sa vie à plusieurs reprises pour obtenir des informations susceptibles de mettre fin aux agissements du Klan. On constate que, dans cette entreprise, la presse peut être une authentique alliée et que, tout comme contre Al Capone, l'enquête fiscale est un bon moyen de faire condamner d'habiles criminels endurcis.
C'est un document coup-de-poing, qui est ressorti en poche aux éditions de l'aube.
16:48 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique étrangère, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, cannes, société
Commentaires
Bonjour Henri Golant, je note le deuxième ouvrage. Avec Trump au pouvoir, on n'a jamais autant parler du KKK. Bonne journée.
Écrit par : dasola | dimanche, 09 septembre 2018
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