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samedi, 09 décembre 2023

Pierre Feuille Pistolet

   Le titre de ce documentaire est un décalque du nom du jeu "pierre feuille ciseaux", auquel a été ajouté un élément : l'arme à feu, qui ne l'emporte toutefois pas systématiquement, comme on peut le constater quand on voit une jeune Ukrainienne y jouer avec le caméraman.

   C'est donc de la guerre en Ukraine (sa première année) qu'il est question dans ce huis-clos automobile. Le réalisateur polonais Maciek Hamela s'est lancé dans l'action humanitaire, transportant des réfugiés ukrainiens des zones (parfois très) proches des combats vers l'ouest du pays, voire la Pologne. Au volant de son Espace, il discute au téléphone ou avec ses passagers et les personnes qu'il croise au cours de ses "courses", des autoroutes asphaltées aux chemins de campagne.

   Le dispositif n'est pas sans rappeler celui de Taxi Téhéran (qui était une fiction), à ceci près qu'une seule caméra (me semble-t-il) filme les scènes et que le cinéaste évite en général d'apparaître à l'écran.

   Le montage introduit une intensité dramatique. Le début évoque les difficultés du quotidien et la douleur du départ chez des Ukrainiens ordinaires. Une gamine voudrait qu'on lui prête un smartphone, celui de sa mère ayant sa batterie épuisée... le grand frère gardant le sien pour lui. Un trio de ruraux se désole d'avoir dû abandonner son chien et son unique vache, Beauté, dont on apprend qu'elle est vraiment exceptionnelle, vu qu'elle mange tout ce qu'on lui donne ! D'autres passagers sont séparés des membres de leur famille, soit que les hommes se soient enrôlés (dans le véhicule, on ne voit quasiment que des femmes, des enfants et des personnes âgées), soit que les adultes aient laissé les anciens sur place, pour diverses raisons.

   Ces témoins de la guerre m'ont semblé parfois très proches. Ils pourraient être nos voisins. Indirectement, à travers les vêtements et les objets du quotidien, le film montre que la classe moyenne ukrainienne a un mode de vie occidental, même si le pays n'était (avant guerre) qu'émergent. D'autres habitants (en particulier les personnes âgées vivant à la campagne) m'ont plus fait penser à des Européens de l'Est ou des Russes tels qu'on se les représente.

   Le coffre de la voiture est bien rempli. Les passagers ont tenté d'emporter le maximum, parfois jusqu'au chat de la famille, telle cette femme qui demande au chauffeur de procéder à un arrêt, pour que le minou puisse faire ses besoins à l'extérieur... évitant ainsi d'empester le véhicule.

   Il y a aussi ce qu'on ne dit pas, mais qu'on voit à l'écran. De temps en temps, le caméraman tourne son équipement vers l'extérieur du monospace. On ne voit pas de cadavre, mais des soldats à un point de contrôle, des chars, des véhicules de l'armée, parfois impressionnants, parfois camouflés, parfois à moitié détruits.

   La deuxième partie du film introduit des passagers qui ont des histoires moins gaies à raconter. Il est question de deuil, de tortures infligées par les soldats russes. Pour les spectateurs, c'est parfois un peu difficile à suivre, parce qu'il faut faire l'effort de lire des sous-titres (pendant 1h20), et parce que certaines histoires sont terribles, quand bien même il ne s'agit que de mots.

   Notons que ce film est polyglotte. On y entend parler ukrainien, russe aussi me semble-t-il, polonais, anglais... et même français.

   Alors que, dans le cœur des indignés professionnels, l'Ukraine a été (depuis longtemps) remplacée par d'autres causes à la mode, il est urgent de voir ce film. La guerre, que l'état-major poutinien comptait boucler en moins d'une semaine, dure depuis près de deux ans. Sans doute plus de 200 000 personnes (tous bords confondus) ont été tuées, sans parler des blessés.

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