mardi, 11 novembre 2025
Otages du Hamas
Dans ce billet, il va être question du récit de l'Israélien Eli Sharabi, qui est resté presque un an et demi aux mains du Hamas. Fait prisonnier le 7 octobre 2023, il a fait partie des premiers otages libérés, au début de 2025.
En rédigeant son livre, il s'est évertué à éviter deux écueils : l'esprit revanchard et la tentation de l'empathie pour ses geôliers (le syndrome de Stockholm). Cela nous donne un récit passionnant, nourri de détails sur la vie quotidienne des prisonniers comme des gardiens.
Cela commence par le pogrom du 7 octobre, vu du kibboutz Be'eri, situé juste à l'est de la bande de Gaza.
A l'angoisse des habitants s'ajoute la stupéfaction de ne pas être secouru par l'armée israélienne, qui a été prise de court par une attaque méticuleusement préparée. Eli Sharabi n'a pas pu échapper à l'enlèvement parce que la pièce de sûreté dont sa maison était dotée avait pour seul objectif de protéger les occupants d'un bombardement du Hamas. La pièce ne pouvait donc pas être verrouillée de l'intérieur, afin de faciliter la tâche des secours, en cas d'effondrement de la maison.
Sharabi a été séparé de son épouse et de ses deux filles. Lui a été emmené comme otage. Les trois autres membres de la famille bénéficiant d'un passeport britannique, il a pensé qu'elles avaient été libérées.
Dans un premier temps, il a été emprisonné dans une maison gazaouie, pas au même étage que la famille. Le chef de celle-ci était sans doute membre du Hamas. Sharabi partage cette première phase de captivité avec Khun, un travailleur thaïlandais qui ne parle ni arabe, ni hébreu ni même anglais. Le quinquagénaire tente de l'aider à supporter les conditions de la détention... et à écarter les soupçons de ses geôliers, qui le prennent pour un militaire.
Ce n'est que dans la deuxième phase de captivité que les otages sont emmenés dans les tunnels. Il y en a eu trois au total, plus un aller-retour entre deux d'entre eux. Les bombardements de l'armée israélienne n'ont que peu perturbé cet aspect de la détention, les tunnels ayant été creusés profondément (plusieurs dizaines de mètres sous terre). Leurs entrées sont souvent masquées par des bâtiments : maison, école, déchetterie et même mosquée.
Sharabi (qui parle arabe) économise ses forces pour survivre et ne pas perdre la tête. Il en profite aussi pour observer ses geôliers, dont il nous offre des portraits nuancés, mais sans concession (surtout vu la manière dont ils traitent leurs prisonniers). C'est l'un des apports majeurs de ce livre, que de décrire le point de vue de l'autre bord, avec la diversité d'attitudes et de tempéraments.
Au sein du groupe d'otages formé dans le tunnel principal, Sharabi fait un peu office de patriarche. Les autres sont des hommes jeunes, capturés lors du festival techno Tribe of Nova (dont plus de 350 participants ont été massacrés). Certains d'entre eux vont assez rapidement quitter le premier tunnel. On ne découvre ce qu'ils sont devenus qu'à la fin.
A de rares moments, les otages ont été ramenés à la surface, principalement pour changer de tunnel. Ce fut l'occasion pour eux de constater qu'il y a avait une vie animée à Gaza... et de grands écarts de niveau de vie, de l'extrême pauvreté à une incontestable aisance.
C'est quand il s'est trouvé dans le troisième tunnel, après plus d'un an de captivité, que l'auteur a failli craquer. Les conditions d'hygiène sont déplorables, la nourriture très insuffisante (les geôliers ayant récupéré -pour eux uniquement- des rations de l'ONU). De surcroît, l'attitude des terroristes devient de plus en plus agressive, au fur et à mesure qu'il apparaît que le Hamas a été vaincu sur le terrain par l'armée israélienne. Les derniers jours sont particulièrement poignants.
Je recommande donc vivement ce livre, pour la hauteur du point de vue, mais aussi pour sa richesse en informations. On comprend aussi que, ces derniers mois, nombre de nos médias occidentaux ont peut-être un peu trop souvent relayé les éléments de langage du Hamas et de ses amis...
15:58 Publié dans Livre, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, livres, livre, proche orient, moyen orient, levant, méditerranée, politique internationale
mercredi, 11 février 2015
Eau argentée
Ce documentaire d'Ossama Mohammed (présenté à Cannes en mai dernier) est consacré à la guerre civile syrienne. Dans sa première partie, il est composé d'un montage d'extraits vidéo postés par des Syriens sur internet. On y découvre la révolte d'un peuple (essentiellement masculin, ceci dit) avide de liberté et la férocité de la répression par le gouvernement de Bachar el-Assad.
C'est donc un film difficile à regarder, d'abord en raison de la dureté de certaines images (qui montrent les victimes de la répression) et aussi parce qu'il s'agit de vidéo numérique de qualité très moyenne (voire mauvaise).
Je ne m'étendrai pas sur les cadavres de jeunes hommes (voire d'enfants, victimes de bombardements), ni sur les têtes éclatées, les blessures sanguinolentes. Le plus étonnant est que certaines de ces images ont été tournées par des bourreaux, des militaires syriens qui ont torturé ces jeunes hommes. Le réalisateur insiste particulièrement sur l'un d'entre eux, dont les ongles des mains ont été arrachés et qui a été bastonné et, sans doute, violé.
Dans les scènes d'extérieur, on ne voit pratiquement jamais les actes de violence, juste leurs dramatiques conséquences. Même si des indications de date et de lieu dont données, cela pose quand même la question de la source, pour certains extraits. On est prié de faire confiance au coréalisateur...
... parce qu'il y a une coréalisatrice, qu'il a d'abord rencontrée sur la Toile. A l'époque, elle habite la Syrie, plus précisément la ville d'Homs. C'est une Kurde, sans doute issue de la classe moyenne et d'esprit très indépendant. (Elle ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée de combattants islamistes dans sa ville... et c'est réciproque.) Elle se prénomme Simav, qui signifie "eau argentée". Elle va prendre des risques fous pour témoigner de l'atrocité de la guerre.
On retrouve donc dans cette partie des images horribles, en général de meilleure qualité que ce que l'on nous a montré auparavant. La jeune femme filme avec une caméra numérique, alors que les "youtubeurs" ont souvent posté des vidéos prises à l'aide de téléphones portables.
L'originalité des séquences fournies par Simav est qu'elle suit des enfants (un en particulier) et qu'elle tente de leur faire classe. Elle est aussi attentive à tout ce qui vit, végétal comme animal. Au détour d'une rue, ce ne sont pas seulement des cadavres d'humains que l'on croise, mais aussi ceux de chevaux, d'ânes, d'animaux domestiques... Cela nous vaut quelques scènes très émouvantes avec des chats. On en voit de faméliques, qui mendient un peu de nourriture en miaulant. On en voit d'autres blessés, soit qu'ils ont été touchés par une explosion, soit qu'il ont été la cible de snipers particulièrement abrutis.
Aux images sont ajoutés un commentaire sobre et une musique en général émouvante. Cela donne un ensemble hétéroclite, un peu long, parfois trop répétitif, mais qu'il faut avoir vu pour connaître un peu mieux les conséquences de ce conflit qui n'en finit pas.
13:49 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, politique internationale, actualité, femme, syrie, monde arabe, proche orient, moyen orient, levant



