mardi, 16 février 2021
Donald Trump pas "empêché"
Donald Trump est non seulement le premier président des États-Unis soumis deux fois à la procédure d'impeachment, mais aussi le premier à avoir été deux fois "acquitté". Voilà un résultat qui peut surprendre quand on sait que 57 des 100 sénateurs l'ont déclaré coupable d'avoir "incité à l'insurrection". Mais, pour qu'un accusé soit condamné, il faut qu'au moins 67 sénateurs votent dans ce sens.
Pourquoi une telle majorité ? Pour éviter que ce soit un procès politique, avec jugement partisan (même si, à l'usage, c'est quand même un peu le cas). En gros, les élus (représentants et sénateurs) d'un parti disposant de la majorité simple seraient tentés de vouloir renverser le président appartenant au parti opposé. Pour qu'une majorité de 67 voix soit atteinte au Sénat, il faut que le président en place soit complètement discrédité, soit par la défaite totale de son camp aux élections législatives intermédiaires (ce qui donnerait une écrasante majorité au camp opposé), soit par le retournement d'une partie des élus de son camp, prêts à voter contre lui avec le bord opposé. C'est ce sur quoi comptaient les démocrates dans le cas Trump.
Mais revenons un peu en arrière. En 1998-1999, les mêmes questions s'étaient posées lors du procès de Bill Clinton (président démocrate). Le Sénat (à majorité républicaine 55-45) l'avait déclaré coupable de «parjure» à seulement 45 voix (contre 55) et d'«obstruction» à 50-50. En allant regarder le détail des votes, on s'apercevait qu'à chaque fois, les démocrates avaient fait bloc derrière "leur" président. Ce sont donc uniquement des républicains qui ont voté "contre leur camp" (mais peut-être avec leur conscience), dix pour le premier chef d'accusation, cinq pour le second.
Cela nous amène à Donald Trump et à son premier impeachment. Il était accusé d'«abus de pouvoir» et d'«obstruction au Congrès». À la Chambre des représentants (l'équivalent de notre Assemblée nationale), le vote de la mise en accusation a presque parfaitement suivi le découpage politique : presque tous les élus démocrates (à deux exceptions près) ont voté pour, alors que tous les élus républicains l'ont rejetée. Les premiers étant majoritaires, le procès a eu lieu.
Au Sénat, les résultats furent sans appel... mais dans l'autre sens. Tous les sénateurs démocrates et indépendants (ceux-ci classés à gauche, comme Bernie Sanders) ont voté la culpabilité de Donald Trump (pour les deux chefs d'accusation) et tous les sénateurs républicains ont voté son acquittement... tous sauf un, Mitt Romney, qui a voté coupable pour l'abus de pouvoir (d'où le léger écart entre les deux verdicts) :
Comme les républicains détenaient à l'époque la majorité des sièges au Sénat (et que Trump avait encore fortement prise sur le Parti républicain), c'était couru d'avance. Mais le geste de défi de Mitt Romney mérite d'être expliqué. Ce milliardaire est un mormon, élu de l'Utah (et autrefois du Massachusetts), ancien candidat à la présidence de la République contre Barack Obama, en 2012. (Il n'avait d'ailleurs pas fait un si mauvais score que cela.). En tant que gouverneur du Massachusetts, il a eu l'image d'un républicain plutôt centriste. Au sein du Parti républicain, c'est un représentant du big business, mais il n'est ni un extrémiste religieux ni un adepte des théories complotistes. On va voir qu'il a fait preuve d'une certaine constance.
Nous voilà en 2021, pour le second impeachment de Donald Trump. Le vote de la mise en accusation (cette fois-ci pour avoir "incité à l'insurrection", en liaison avec l'invasion du Capitole) n'a pas plus posé de problème qu'en 2019 à la Chambre des représentants :
Vous remarquerez que c'est quasiment la même répartition des cotes qu'en 2019... sauf, qu'entre temps, les républicains ont grappillé quelques sièges... certains d'entre eux ayant même, sur ce sujet, rejoint le camp démocrate. Ils sont dix.
Sur la carte ci-dessus, j'ai croisé l'État d'élection de ces dix "rebelles" avec le résultat de la présidentielle 2020 : les États où Donald Trump est arrivé en tête sont coloriés en rouge, ceux où Joe Biden l'a devancé sont coloriés en bleu. Résultat ? Sept des dix "frondeurs" ont été élus (sous l'estampille républicaine) dans des États qui ont placé Biden en tête. Ceci a pu influencer cela.
Intéressons-nous aux trois autres, élus dans des territoires républicains. Tom Rice (Caroline du Sud) ne doit pas sa carrière à Donald Trump, puisque sa première élection remonte à 2012. Quant à Liz Cheney (Wyoming), en tant que fille de l'ancien vice-président de George W Bush (Dick Cheney), elle bénéficie d'appuis qui la rendent relativement indépendante. C'est une néo-conservatrice, pas une populiste.
De son côté, Tom Rice est tellement perçu comme un républicain fidèle que, dans un premier temps, ses collègues ont pensé qu'il s'était trompé de vote ! Comme Liz Cheney, il doit s'attendre à une prochaine campagne législative difficile, avec un opposant républicain dans les pattes. (Rappelons que les représentants sont élus pour deux ans.)
Il reste Anthony Gonzalez, élu en 2018 dans l'Ohio. On va le voir avec les sénateurs : la "promotion 2018", au creux de la vague trumpiste, est proportionnellement la plus fidèle au président sortant (plus encore que celles de 2016 et de 2020). Le concernant, on a pu remarquer au cours des derniers mois du mandat de Trump qu'il prenait de plus en plus souvent ses distances avec le président sortant. Mais son avenir politique est compromis.
Passons à présent au Sénat (dont les membres sont élus pour six ans). Même si la culpabilité de Donald Trump n'y fut pas légalement reconnue, elle a quand même réuni davantage de suffrages qu'en 2019 :
Sept sénateurs ont eu le courage de passer outre les consignes et les pressions qui s'exerçaient sur eux. Seulement deux d'entre eux ont été élus dans des États "bidenistes". Les cinq autres sont issus de bastions républicains :
Sans surprise, on retrouve Mitt Romney, une des rares figures du Grand Old Party à s'opposer ouvertement au président battu. C'est aussi le seul à avoir été (ré)élu en 2018. Tous les autres sénateurs de cette "promotion" ont voté pour l'acquittement. C'est dans les "cuvées" 2016 et 2020 que l'on trouve les autres rebelles (3 pour chaque année d'élection).
Parmi les élus (républicains) de 2016, il y a un représentant de Pennsylvanie ("bideniste"), un de la Caroline du Nord (dont l'avenir politique est lui aussi compromis) et une de l'Alaska, Lisa Murkowski, qui avait appelé Trump à démissionner après l'assaut du Capitole... et qui a fini par déclarer qu'elle n'avait pas voté Trump ! (Bon courage pour la suite, madame !)
Terminons par les "bébés 2020". Signalons d'abord que l'écrasante majorité de cette promotion (18 sur 21 sénateurs républicains élus cette année-là) a voté l'acquittement du président battu. L'une des trois non-conformistes est issue du Maine, État plutôt démocrate. Mais Bill Cassidy vient de Louisiane et Ben Sasse du Nebraska. Le premier avait été réélu comme pro-Trump. Son vote a suscité la même stupeur que celui du représentant Tom Rice. Les deux hommes ont ceci en commun d'avoir des principes et de s'être prononcés pour la défense des institutions démocratiques états-uniennes. Le second (Ben Sasse), dont le conservatisme ne fait aucun doute, est depuis un moment déjà critique du président sortant, auquel il reproche l'instauration d'une sorte de culte de la personnalité et l'attachement aux théories du complot.
Pour moi, le Parti républicain est encore fortement marqué par le trumpisme. La suite nous dira si ces francs-tireurs auront été la graine du renouveau ou un feu de paille vite éteint par les grandes gueules populistes.
21:08 Publié dans Politique, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, politique internationale, états-unis, etats-unis, amérique, donald trump, actu, actualite, actualites, actualité, actualités
mardi, 25 décembre 2018
Utøya, 22 juillet
Ce film d'Erik Poppe est consacré au massacre perpétré par l'extrémiste Anders Breivik sur l'île d'Utøya, en 2011, lors de l'université d'été des jeunes du Parti travailliste norvégien, alors au pouvoir à Oslo.
Cette fiction à caractère documentaire (les personnages ont été inventés en partant des récits des rescapés) se présente sous une forme particulière : un seul plan séquence d'environ 1h30, tourné sur une île voisine d'Utøya, avec des acteurs pour la plupart non professionnels. Un sacré défi, qui a été relevé.
Le début est constitué d'images d'archives, celles de l'attentat d'Oslo qui a précédé la tuerie. Ensuite démarre le plan-séquence, qui suit certains des jeunes, en particulier Kaja, une militante engagée, espoir du Parti (ravissante de surcroît). Je n'étonnerai personne en ajoutant qu'une partie des personnes que l'on voit au début ne va pas survivre à cet après-midi sordide.
On découvre l'héroïne en animatrice du camp, sermonnant sa jeune soeur plus fêtarde que militante. A partir des premiers coups de feu, on va suivre Kaja avec le groupe réfugié dans une baraque, puis avec un petit nombre d'amis dans la forêt, ensuite seule avec une jeune fille blessée (très belle scène), puis n compagnie d'un garçon abandonné, enfin sur la plage rocheuse, cachée dans une anfractuosité. Le réalisateur veut nous montrer l'évolution du personnage, qui ne peut envisager de quitter l'île sans savoir ce qu'est devenue sa soeur, avec laquelle elle s'était disputée.
L'habileté du réalisateur est d'avoir filmé en caméra subjective, sans presque jamais nous montrer le tueur. (On l'entraperçoit juste une fois.) Par contre, on entend distinctement les coups de feu... et les cris de ceux qui tentent d'échapper au prédateur. Leurs réactions sont souvent filmées en plan rapproché ou gros plan.
Je trouve que c'est à la fois une qualité et la limite du film. On n'est pas dans la réflexion, mais dans l'hommage et l'apitoiement. On découvrira sans surprise que, face au danger, les humains adoptent une grande diversité de comportements, la majorité cédant à la panique, faisant preuve de lâcheté. Je n'ai pas été particulièrement ému. Je trouve que les acteurs jouent bien, mais leurs personnages m'ont paru très immatures et imprudents. Ceci dit, il est facile de formuler ces critiques confortablement installé derrière l'écran de mon ordinateur. Je pense malgré tout que le réalisateur a voulu mettre en scène des personnages faibles, d'autant plus vulnérables face à un adulte déterminé et sans pitié. Malheureusement, cet aspect-ci n'est pas abordé par le film.
PS
Je pense qu'en évitant de représenter Anders Breivik à l'écran, le réalisateur a voulu lui dénier son humanité et éviter qu'il tire la moindre fierté de cette tentative de reconstitution. Néanmoins, je pense qu'il aurait été possible de filmer un acteur uniquement à partir du torse (en évitant le visage donc), ce qui aurait accentué son caractère impitoyable. Mais cela aurait sans doute rendu plus difficile le pari du plan-séquence.
PS II
Le tueur Breivik a bénéficié de la clémence de la justice norvégienne, qui ne prévoit pas de peine supérieure à 21 ans d'emprisonnement, dont dix incompressibles. En théorie, il pourrait donc sortir en 2021 (peut-être en semi-liberté). A mon avis, le mieux serait qu'il reste enfermé jusqu'en 2032 : le gars n'a rien renié de ses opinions extrémistes.
PS III
Breivik est indirectement arrivé à ses fins : en 2013 comme en 2017, la gauche, menée par le Parti travailliste, a perdu les élections législatives (même si le PT reste la première formation au Parlement). De plus, le Parti du Progrès, auquel a appartenu Breivik, est désormais solidement implanté dans l'hémicycle : avec 27 sièges, il en est la troisième formation.
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mercredi, 11 février 2015
Eau argentée
Ce documentaire d'Ossama Mohammed (présenté à Cannes en mai dernier) est consacré à la guerre civile syrienne. Dans sa première partie, il est composé d'un montage d'extraits vidéo postés par des Syriens sur internet. On y découvre la révolte d'un peuple (essentiellement masculin, ceci dit) avide de liberté et la férocité de la répression par le gouvernement de Bachar el-Assad.
C'est donc un film difficile à regarder, d'abord en raison de la dureté de certaines images (qui montrent les victimes de la répression) et aussi parce qu'il s'agit de vidéo numérique de qualité très moyenne (voire mauvaise).
Je ne m'étendrai pas sur les cadavres de jeunes hommes (voire d'enfants, victimes de bombardements), ni sur les têtes éclatées, les blessures sanguinolentes. Le plus étonnant est que certaines de ces images ont été tournées par des bourreaux, des militaires syriens qui ont torturé ces jeunes hommes. Le réalisateur insiste particulièrement sur l'un d'entre eux, dont les ongles des mains ont été arrachés et qui a été bastonné et, sans doute, violé.
Dans les scènes d'extérieur, on ne voit pratiquement jamais les actes de violence, juste leurs dramatiques conséquences. Même si des indications de date et de lieu dont données, cela pose quand même la question de la source, pour certains extraits. On est prié de faire confiance au coréalisateur...
... parce qu'il y a une coréalisatrice, qu'il a d'abord rencontrée sur la Toile. A l'époque, elle habite la Syrie, plus précisément la ville d'Homs. C'est une Kurde, sans doute issue de la classe moyenne et d'esprit très indépendant. (Elle ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée de combattants islamistes dans sa ville... et c'est réciproque.) Elle se prénomme Simav, qui signifie "eau argentée". Elle va prendre des risques fous pour témoigner de l'atrocité de la guerre.
On retrouve donc dans cette partie des images horribles, en général de meilleure qualité que ce que l'on nous a montré auparavant. La jeune femme filme avec une caméra numérique, alors que les "youtubeurs" ont souvent posté des vidéos prises à l'aide de téléphones portables.
L'originalité des séquences fournies par Simav est qu'elle suit des enfants (un en particulier) et qu'elle tente de leur faire classe. Elle est aussi attentive à tout ce qui vit, végétal comme animal. Au détour d'une rue, ce ne sont pas seulement des cadavres d'humains que l'on croise, mais aussi ceux de chevaux, d'ânes, d'animaux domestiques... Cela nous vaut quelques scènes très émouvantes avec des chats. On en voit de faméliques, qui mendient un peu de nourriture en miaulant. On en voit d'autres blessés, soit qu'ils ont été touchés par une explosion, soit qu'il ont été la cible de snipers particulièrement abrutis.
Aux images sont ajoutés un commentaire sobre et une musique en général émouvante. Cela donne un ensemble hétéroclite, un peu long, parfois trop répétitif, mais qu'il faut avoir vu pour connaître un peu mieux les conséquences de ce conflit qui n'en finit pas.
13:49 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, politique internationale, actualité, femme, syrie, monde arabe, proche orient, moyen orient, levant
mercredi, 15 octobre 2014
NCIS et le(s) drapeau(x)
Le mois dernier, la diffusion par M6 d'un épisode (le douzième) de la saison 11 de la célèbre série états-unienne avait provoqué maintes discussions sur la Toile, à cause de la présence, discrète mais répétée, d'un drapeau israélien à l'écran (dans le labo d'Abby).
Ce n'était pourtant pas la première fois. Déjà, dans la saison 10 (rediffusée actuellement en complément des épisodes inédits de la saison 11), on avait pu remarquer le curieux objet, dans un contexte toutefois moins surprenant :
A plusieurs reprises, dans l'épisode 15, on peut voir l'emblème de l'Etat hébreu sur le bureau de Ziva David. Pourtant, l'ex-agent du Mossad est à l'époque devenue citoyenne américaine... mais elle vient de perdre son père, qui dirigeait l'agence d'espionnage à laquelle elle avait appartenu. Dans la psychologie du personnage (mais peut-être pas dans l'esprit des scénaristes de la série), il faut y voir plus une manifestation de sentimentalisme que l'expression d'un quelconque nationalisme. Pourtant, sur le bureau d'en face, il n'y a guère d'ambiguïté dans l'organisation de l'espace de l'agent DiNozzo :
Dans l'épisode 16 (toujours de la saison 10), c'est moins flagrant, mais un téléspectateur attentif saura repérer l'objet insolite :
Je n'en parle qu'aujourd'hui pour la bonne et simple raison que, depuis environ un an, j'avais un peu laissé de côté mon ancienne série fétiche. Je n'en ai repris la vision qu'il y a quelques semaines, profitant des rediffusions pour assimiler la saison précédente.
20:18 Publié dans Politique étrangère, Proche-Orient, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, société, géopolitique, médias, états-unis
dimanche, 31 août 2014
Un logo poutinien ?
Il n'a échappé à personne que les récents championnats du monde de judo se sont déroulés en Russie, dans la riante cité de Chelyabinsk (ou Tcheliabinsk). Pendant la Seconde guerre mondiale, elle devint un centre important de fabrication de tanks. Elle est aussi tristement célèbre pour un accident nucléaire qui s'y est déroulé durant la Guerre Froide (en 1957). En 2013, elle fit la Une de l'actualité, frappée par une météorite.
C'est en écoutant la radio, au volant de ma luxueuse, voiture que j'ai entendu ce qui m'est apparu d'abord être une plaisanterie : le logo des championnats se serait inspiré de la personne de Vladimir Poutine. Certes, on connaît l'affection que le dictateur président de la Russie éprouve pour ce sport, qu'il a beaucoup pratiqué. Mais ce serait quand même pousser un peu loin le culte de la personnalité.
Pour en avoir le coeur net, observons le logo des championnats :
On y voit la silhouette d'un judoka, sans doute assis en tailleur sur un tatami. Cette posture ne m'est pas étrangère. Quelques recherches sur la Toile m'ont rapidement conduit à une photographie qui date un peu (de 2006, semble-t-il... mais je la pense plus ancienne) :
La silhouette du logo est clairement un décalque de l'image de Vladimir Poutine. Le soviétisme n'est pas encore mort !
P.S.
On peut aussi trouver une affiche de promotion des championnats du monde, sur laquelle apparaît officiellement le dirigeant russe... qui a n'a pas rechigné à mettre la main au kimono.
11:17 Publié dans Politique, Politique étrangère, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique, sport, russie, politique internationale
mercredi, 12 février 2014
L'Union européenne contre la démocratie ?
L'information révélée dès hier par les médias a de quoi inquiéter sur le fonctionnement de l'Union européenne : une mesure (la culture d'un nouveau maïs OGM) pourrait être autorisée alors que la grande majorité des pays membres s'y opposent. Comment est-ce possible ?
(Centre Presse, 12 février 2014)
Il faut d'abord comprendre la procédure de vote au sein du Conseil de l'Union européenne qui, en fonction du sujet abordé, réunit les 28 ministres du domaine concerné. Les décisions courantes sont prises à la majorité qualifiée. Tous les ministres n'ont pas le même poids, qui dépend du nombre d'habitants du pays qu'ils représentent.
Ainsi, les ministres allemand, français, britannique et italien, qui représentent chacun entre 60 et 81 millions d'habitants, disposent de 29 votes. A l'opposé, le ministre maltais, qui représente moins de 500 000 habitants, ne dispose que de 3 votes. Vous noterez toutefois qu'on a "limé" les écarts, pour ne pas trop avantager les représentants des pays les plus peuplés : la France a beau être 120 fois plus peuplée que Malte, son ministre dispose d'un pouvoir de vote qui n'est même pas dix fois plus important que celui de son homologue maltais. En gros, les six pays les plus peuplés sont un peu désavantagés, alors que les 22 autres bénéficient d'un pouvoir de vote un peu (voire beaucoup) plus important que ce qu'il serait si l'on suivait la stricte logique démographique.
Mardi, pour faire passer le refus du nouveau maïs OGM, il aurait fallu réunir 260 voix (la majorité qualifiée) sur les 352 que compte le Conseil. Regardons cela en détail :
En jaune sont mis en valeur les pays dont les ministres ont voté contre l'autorisation du maïs OGM. Ils sont 19 au total (sur 28 membres de l'Union européenne), totalisant 210 votes. Il en a donc manqué 50.
En face, en bleu, se trouvent les pays dont les ministres ont voté pour l'autorisation du maïs OGM. Ils ne sont que 5, totalisant seulement 77 votes (presque trois fois moins que leurs adversaires). C'est pourtant leur position qui risque de s'appliquer. Notons que ces pays sont tous dirigés par des coalition de droite ou de centre-droit... et, que, l'Espagne mise à part, ils ne promeuvent pas la culture des OGM sur leur propre sol. En clair : ils ont voté pour que les OGM puissent être cultivés... dans les autres pays de l'Union européenne ! Bel exemple de solidarité !
Cependant, quelle que soit l'hypocrisie de ces dirigeants, ils n'ont pas pesé bien lourd dans ce vote. Ce sont les abstentionnistes qui l'ont fait basculer. Dans le tableau, je les ai laissés sur fond blanc. Ces quatre pays (dont deux fondateurs de la C.E.E. en 1957) cumulent 65 votes. Leur apport au groupe majoritaire aurait permis de rejeter l'autorisation du maïs OGM.
Signalons que (d'après un article du Monde) dans deux d'entre eux est déjà cultivé un autre maïs OGM (celui de Monsanto). Il s'agit du Portugal et de la République tchèque, entourés en noir sur la carte ci-dessous :
Alors, quelle va être la suite ? La Commission européenne pourrait décider d'autoriser la culture du nouveau maïs OGM, mais elle doit aussi tenir compte du fait que le Parlement européen a voté un avis (non contraignant) s'y opposant... et que les élections européennes approchent. Elles auront lieu en mai et leur résultat influera sur la composition de la nouvelle Commission européenne, qui devrait être désignée en octobre 2014...
19:02 Publié dans Economie, Politique étrangère, Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, europe, actualité, politique internationale, union européenne, affaires européennes