samedi, 05 avril 2014
Fléchettes municipales
La claque prise par la gauche aux récentes élections municipales a conduit les médias à se contenter parfois d'une analyse de surface, où l'on pourrait éventuellement percevoir un poil de partialité.
Dans l'Aveyron, ce fut flagrant dans le commentaire des résultats à Villefranche-de-Rouergue et Onet-le-Château, deux communes où la gauche pensait l'emporter. Pour souligner l'éclatante victoire de la droite (J-F Keroslian n'étant subitement plus classé "sans étiquette"...), plusieurs journalistes n'ont pas craint de dire voire d'écrire qu'elle avait été obtenue dès le premier tour. Le Petit Journal en est l'illustration, avec un billet figurant page 8 du numéro du 29 mars 2014 :
Le clou est enfoncé dans le même numéro, page 26 :
Rappelons qu'à Villefranche-de-Rouergue (comme à Onet-le-Château), seules deux listes étaient en concurrence :
Le vainqueur ne pouvait donc l'emporter qu'au premier tour ! Il n'y a aucun mérite à cela ! La même remarque s'impose à propos de la commune de Lavaur (citée dans l'article du Petit Journal) :
Vous aurez aussi noté l'optimisme excessif du journaliste à l'égard de l'avenir de la liste UMP à Lourdes : elle "n'a pas encore gagné"... elle a même été battue au second tour. On sent que la plume de droite avait perçu le risque puisque, juste au-dessous de l'article, figurait un appel où l'on avait bien du mal à retrouver une quelconque impartialité :
A ceux qui croiraient que ce papier s'adressait aux électeurs ruthénois de la liste Bérardi, dont le maintien était (éventuellement) susceptible de mettre en difficulté Christian Teyssèdre, je rappellerais qu'à Lourdes, c'est une liste Front National qui jouait le rôle de l'invité surprise. (Accessoirement, c'est révélateur de la mentalité de pas mal de personnes, à droite, qui estiment que les voix du FN ont vocation à se reporter sur les candidats UMP. Ils sous-estiment le rejet du système de ces électeurs... et oublient qu'une partie d'entre eux viennent de la gauche et qu'ils n'ont aucune envie de faciliter l'élection des amis de Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé.)
Plus rares ont été les médias à proposer une analyse approfondie. Cela a été plus souvent le cas concernant la commune d'Onet. Pour Villefranche-de-Rouergue, il faut se tourner vers un article de La Dépêche du Midi (signé Jean-Paul Couffin)... et lire entre les lignes des tribunes publiées dans Le Villefranchois. Ce dernier est globalement très favorable à Serge Roques, le maire réélu. On peut d'ailleurs reconnaître à celui-ci un indéniable savoir-faire, qui lui a permis de perturber le jeu de la gauche dans l'ouest aveyronnais depuis plus de vingt ans. Voici donc ce qu'on pouvait lire dans l'hebdomadaire du 27 mars dernier :
Le signataire n'est autre que Jean-Michel Bouyssié, un cadre du Parti socialiste local, dont les ambitions ont été contrariées par la percée du radical de gauche Eric Cantournet. J-M Bouyssié fut adjoint au maire (radical de gauche) Jean Rigal. Il avait tenté sa chance en 2008... et l'on peut dire qu'il s'était "ramassé" :
Les électeurs de gauche avaient visiblement privilégié la liste (déjà) conduite par le radical Eric Cantournet. Par contre, le spectacle de la désunion à gauche avait sans doute (déjà) favorisé la réélection de Serge Roques.
La hache de guerre n'était pas enterrée pour autant entre le PS et le PRG. Les cantonales de 2011 en ont été la preuve, avec, à Villefranche-de-Rouergue, un premier tour en forme de primaire à gauche, entre Eric Cantournet et Claude Penel, ancien maire socialiste de Villefranche (bénéficiant de la démission de Jean Rigal, quand il était devenu député en 1997), qui avait échoué à se faire élire en 2001.
A l'issue de ces élections, Eric Cantournet apparaissait comme l'opposant numéro 1 à Serge Roques... et preuve était faite que la gauche unie pouvait, au second tour, renverser l'UMP. Restait à conclure un accord entre le PS et le PRG. Il semblerait qu'une partie des dirigeants socialistes locaux aient été mécontents des conditions qui leur étaient proposées par le PRG, à qui devait revenir la tête de liste (et la majorité des places de délégué à la communauté de communes), alors qu'à Rodez, le socialiste Teyssèdre a compris qu'il ne fallait pas se montrer hégémonique. (De son côté, le radical de gauche Mazars semble avoir saisi que les sirènes de droite, du centre et d'ailleurs, qui lui susurraient de se présenter contre le sortant, ne cherchaient qu'à faire tomber la municipalité de gauche.) Le PRG villefranchois aurait pu conclure un deal réservant la présidence de la communauté de communes au PS, en cas de conquête de la mairie.
Bref, à Villefranche-de-Rouergue, la participation a été étonnamment basse et Eric Cantournet a réalisé qu'il lui avait manqué des voix de gauche pour l'emporter. On a avancé (non sans raison) que le manque de charisme du candidat, associé à une campagne assez terne, expliquaient au moins en partie son échec. Mais les félicitations adressées par l'ancien rival de gauche au maire de droite réélu me semblent être un incontestable pied-de-nez au radical vaincu.
Quelques mauvaises langues insinuent aussi qu'à la discorde PS-PRG se superposerait un antagonisme personnel. L'un des deux ne supporterait pas les succès de l'autre (de surcroît un peu plus jeune que lui)... succès qui feraient obstacle à ses propres ambitions.
Mais laissons là les gamineries villefranchoises pour nous intéresser à un autre échec de la gauche à ces municipales : la commune de Baraqueville, où la campagne fut particulièrement animée. On a souligné la défaite de la sortante de gauche, dont le choix d'adhérer au Grand Rodez aurait facilité la tâche de ses adversaires de droite, coalisés contre elles au second tour. C'est sans doute pertinent mais, force est de constater que, malgré le matraquage dont elle a été victime dans tout le canton, la liste conduite par Mme Marty est quand même arrivée en tête au premier tour, réunissant 658 voix, loin toutefois des 1 027 qui s'étaient portées sur son nom en 2008 (avec un autre mode de scrutin).
En théorie, elle ne disposait d'aucune réserve de voix pour le second tour, à l'exception de quelques abstentionnistes supplémentaires par rapport à 2008. Or, le dimanche suivant, la liste Marty, si elle a bien été battue, a obtenu 780 voix, soit 122 de plus qu'au premier tour. Ses adversaires ont plafonné à 870, alors qu'ils pouvaient en espérer au moins 950. Notons que la participation a été quasi identique, mais que le nombre de bulletins blancs a fortement diminué. Une partie de l'électorat a semble-t-il commencé à tourner casaque...
... et la nouvelle équipe municipale risque de décevoir ceux qui ont voté pour elle en espérant qu'elle retourne à la communauté de communes du pays baraquevillois ! Le nouveau maire (ancien rugbyman) a tendance à botter en touche, reportant à plus tard les questions douloureuses. Il est une qui risque d'emporter la décision : la dette. Baraqueville comme la communauté de communes ont des marges de manoeuvre réduites, marges qui s'étaient améliorées pour Baraqueville grâce au soutien de la communauté d'agglomération du Grand Rodez. Il suffit de consulter le compte-rendu de la réunion du 25 février dernier (pages 9-10) pour constater que l'agglo a repris à son compte un reliquat d'emprunt d'un million d'euros et qu'elle a accordé une subvention de plus de 500 000 à la commune de Baraqueville. Comment le nouveau maire de cette commune compte-t-il faire pour rembourser ces sommes, si sa commune quitte le Grand Rodez ? Il ne le dit pas. Cerise sur le gâteau, l'ancienne maire a publié un communiqué dans Le Petit Journal pour rappeler les tenants et les aboutissants de l'affaire... et pour souligner les difficultés qui attendent la nouvelle équipe si elle persiste dans son projet irréaliste :
Dans l'Aveyron, la gauche ne fut pas la seule à connaître des déconvenues. La majorité départementale UMP-UDI a vu deux des siens mordre la poussière, à Saint-Côme-d'Olt et à Nant. On a entendu parler du premier résultat parce que la sortante, Nathalie Auguy-Périé, ne se représentait pas sur place, mais à Rodez, sur la liste conduite par Yves Censi. Son bilan était sujet à polémique, mais l'on ne savait pas dans quelle mesure cela allait influer sur les votes en 2014.
Le résultat est sans appel : la liste d'opposition a raflé plus de 56 % des suffrages exprimés. En face, c'est une équipe sortante fortement renouvelée qui a mené campagne : en plus de la maire en titre, trois des quatre adjoints ne se représentaient pas. C'est une simple conseillère municipale qui a tenu la barre et dû assumer la défaite : sa liste n'a recueilli que 384 voix, loin des 600 et quelques obtenues six ans plus tôt (avec un autre mode de scrutin, il est vrai). La campagne a visiblement là aussi été rude, si l'on se fie au communiqué que Mme Besombes-Palous a envoyé à Centre Presse (qui l'a publié le 3 avril) :
Les journaux se sont beaucoup moins étendus sur les résultats de la commune de Nant, située dans le Sud du département. Elle se trouve juste sous la barre des mille habitants (929 en 2011, sans les "comptés à part"). Elle devait donc désigner 15 conseillers municipaux, au scrutin majoritaire. Les listes complètes n'étaient pas obligatoires, mais, curieusement, 30 candidats (deux fois 15) se sont présentés. On a compris qu'il y avait deux "obédiences".
A l'issue du premier tour, le suspens était à son comble. La liste soutenue par le maire sortant Bernard Saquet (qui ne se représentait pas) a vu six des siens se faire élire (dont la tête de liste Richard Fiol), contre cinq pour la liste adverse, pourtant conduite par le conseiller général Jean-François Galliard (issu de la majorité départementale UMP-UDI), ce dernier étant d'ailleurs bien élu, en deuxième place.
Au soir du second tour, ô surprise, ce sont quatre membres de la liste Fiol qui ont décroché les dernières places, avec une trentaine de voix d'avance sur leurs concurrents. C'est net et sans bavure. C'est donc un nouvel échec pour celui qui, devenu maire de Nant en 1995, fut une première fois battu en 2008.
Pour la petite histoire, le contentieux est ancien dans la commune. En 2001, l'élection municipale (qui avait vu finalement la victoire des troupes de J-M Galliard) avait été annulée par le Tribunal administratif de Toulouse, saisi par le candidat d'opposition Alain Lourdel. L'année suivante, le Conseil d'Etat avait finalement donné raison au maire sortant.
Si vous voulez connaître les détails de cette histoire pittoresque (où est en cause une lettre du curé de la paroisse...), je vous conseille de lire la décision du Conseil d'Etat, accessible sur la Toile. Vous devinerez sans difficulté qui se cache derrière les formulations "Jean-François G..." et "Alain L...". Pour certains des autres noms (ceux des plaignants qui contestent l'annulation du scrutin), il faut piocher dans la liste des élus de 2001 :
La Dépêche du Midi, 12 mars 2001
Centre Presse, 13 mars 2001
Bon, c'est pas tout ça, mais je m'aperçois que je n'ai plus le temps de vous parler de Saint-Affrique. La situation mérite que j'y consacre un prochain billet.
18:39 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, municipales, 2014, actualité
lundi, 31 mars 2014
Qui imprime qui ?
Les élections mettent un peu de beurre dans les épinards des imprimeurs locaux... surtout quand elles s'étalent sur deux tours ! Le sujet a inspiré un article à l'hebdomadaire Le Villefranchois, publié le 20 mars dernier :
Il y était question de Grapho 12, une entreprise qui était en difficulté il y a quelques années, et qui semble remonter la pente. Elle a imprimé une partie du matériel électoral utilisé dans l'ouest du département. Mais à Rodez ?
Le nom de l'imprimeur doit figurer sur les documents officiels. Je me suis donc intéressé aux professions de foi des cinq listes en piste au premier tour.
Le Front de Gauche a recouru aux services de l'imprimerie du Progrès, qui appartient au groupe qui édite l'hebdomadaire Le Ruthénois.
La liste du maire sortant (et confortablement réélu, malgré les arguments biaisés avancés contre lui) a recouru, comme en 2008, aux services de la ruthénoise SIAG (société d'imprimerie d'art graphique).
La liste "Rodez Citoyen", comme la précédente, a fait imprimer sur papier recyclé, mais s'est adressée à une autre entreprise, le groupe Burlat :
La liste UMP-UDI est passée par Grapho 12... et donc, curieusement, pas par un imprimeur du Grand Rodez :
Enfin, la liste Danen s'est offert les services de...
... ben de personne, si l'on se fiait au recto-verso distribué avec les bulletins de vote. Fort heureusement, j'ai en ma possession un document de quatre pages qui détaille (un peu) le programme et donne la liste complète des candidats. Y figure la mention de l'imprimeur :
Précisons qu'Hérail avait été retenu par Bernard Saules pour sa campagne aux cantonales de 2011 et par Régine Taussat pour les municipales de 2008.
Je voulais aussi revenir sur les couleurs des tracts et professions de foi. Au début de mars 2014, la chroniqueuse des "Roquets Rouges" (sur CFM) s'était émue de la confusion des repères, le tract de la liste Teyssèdre (PS) étant bleu et celui de la liste Censi (UMP) étant rouge :
Je ne sais pas si cela a rassuré Miss Roquette, mais le programme de la liste Teyssèdre qui a ensuite été distribué dans les boîtes aux lettres comporte des couleurs plus "conformes" aux valeurs de la gauche :
Et puis, quand on remonte à 2008, on s'aperçoit que cette ventilation des couleurs n'est pas une nouveauté. Ainsi, la liste PS-PCF-Verts-MRC-PRG était présentée dans une ambiance à dominante bleue :
En face, les deux listes de droite (celle de Régine Taussat et celle de Frédéric Soulié, soutenu par Censi père) baignaient fièrement dans le rouge et l'orange :
01:16 Publié dans Economie, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, économie, municipales, 2014, actualité
vendredi, 28 mars 2014
Yves Censi et le MoDem
C'est Le Nouvel Hebdo qui, la semaine dernière, a levé le lièvre. Dans un encadré intitulé "Censi et le MoDem", il est question des multiples références à un supposé soutien du mouvement de François Bayrou à la liste menée par Yves Censi.
En janvier dernier, le député déclarait vouloir réunir tout le centre et la droite. Il espérait parvenir à un accord avec le MoDem. Depuis, pas de nouvelles. Ah, si : le 13 mars, sur CFM, il a affirmé être soutenu par le mouvement centriste. Voici l'extrait crucial (situé au début de l'entretien) :
Cela s'est poursuivi par des tracts, puis la profession de foi :
Le problème est qu'aucun soutien officiel du MoDem Aveyron ne semble avoir été exprimé. Aucun membre de la liste Censi n'a cette étiquette, alors que, sur les deux autres listes encore en course à Rodez, on note la présence d'anciens membres ou de sympathisants de ce parti (Maïté Laur sur la liste Teyssèdre, par exemple).
On trouve aussi un autre ancien du MoDem à la tête de la rédaction du Petit Journal de l'Aveyron : Hugues Robert. Or, cet organe de presse est le seul, à ma connaissance, à avoir continué à présenter la liste Censi comme étant soutenue par le MoDem. C'était particulièrement apparent dans deux articles du 15 février dernier. Le premier était consacré à la liste Censi, présentée comme une liste d'union UMP-UDI-MoDem. Le second se faisait le relais des déclarations d'Yves Censi, toujours sous l'étiquette union UMP-UDI-MoDem.
Mais cette supercherie n'a pas pour auteur Hugues Robert. Les articles qu'il rédige sont signés "H.R." (et, quand il évoque la liste Censi, il n'est question que de l'UMP et de l'UDI). Tel n'était pas le cas ici. Sur internet, l'auteure n'est pas mentionnée. Il faut se plonger dans la version papier. On constate que les deux articles sont signés "MLG" :
Derrière ces initiales se cache Myriam Laur, rédactrice au Petit Journal, qui intervient aussi régulièrement sur la radio CFM. Beaucoup de gens ignorent qu'en 2007, elle a milité pour le candidat Nicolas Sarkozy, jouant le rôle d'animatrice pour le quartier de Rodez-Ouest :
Elle est aujourd'hui candidate, en 22e position sur la liste Censi :
Rétrospectivement, on comprend mieux la manière dont elle a rendu compte de la procédure judiciaire engagée puis close contre le maire de Rodez. Voilà une belle leçon de déontologie journalistique !
Mais revenons au MoDem. Il semble qu'Yves Censi (ou un membre de son entourage) ait souhaité prendre des précautions vis-à-vis de la supposée alliance. C'est pourquoi elle n'est pas mentionnée sur les affiches de campagne :
Cependant, vous aurez remarqué la couleur avec laquelle l'orientation politique de la liste est écrite : l'orange, utilisée par le MoDem. C'est vraiment prendre les gens pour des cons !
Le résultat du premier tour n'étant pas satisfaisant, le tract édité pour le second ne s'embarrasse pas de ces précautions :
21:19 Publié dans Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, municipales, 2014, élections, actualité
mercredi, 26 mars 2014
Yves Censi, le roi du gag
A Rodez, la campagne municipale qui s'achève n'aura pas marqué les esprits par sa subtilité, ni par l'enthousiasme qu'elle a suscité. Ce sont plutôt les aigreurs que l'on a remarquées : aigreur du Front de Gauche de s'être fait éconduire par la liste "Rodez Citoyen" ; aigreur ressentie par certains membres du "collectif citoyen" à l'égard de Christian Teyssèdre ; aigreur de ce dernier face à la multiplication des pains dans la gueule listes de gauche ; aigreur des candidats UMP face aux attaques de Teyssèdre contre Yves Marc Censi... et à sa prétention de mieux gérer que la droite ; aigreur de la liste Danen de ne pas se retrouver au second tour, contrairement à ce que les sondages laissaient présager.
Toutefois, dans cet océan d'acidité électorale s'est glissé un lutin facétieux : Yves Censi (le fils de l'autre, rappelons-le). Ce matin, en passant chez le marchand de journaux pour me procurer un exemplaire d'un hebdomadaire satirique cher à mon coeur, j'ai machinalement jeté un oeil aux gros titres de la presse locale. J'ai frôlé l'arrêt cardiaque en regardant la "une" de Midi Libre :
Deuxième couche, page 2 (c'est ce que l'on appelle le comique de répétition) :
Il faut dire qu'une campagne municipale, c'est usant. Il faut un peu se dévoiler aux électeurs, aller à leur rencontre, se laisser toucher, faire semblant de les écouter, de les comprendre... de les approuver. Arrive l'accident bête : l'usage du second degré devant un journaliste de la presse régionale. Risqué, comme procédé. Va-t-il comprendre ? Un sourire complice va-t-il apparaître sur son visage ? Ah ben, non. Le voilà qui prend des notes !
- Chaque quartier... par coeur ? fait-il répéter. Trop tard pour nier ou rectifier.
Et pourtant... Combien de fois, à peine sorti de l'avion, le député parisien a-t-il arpenté, les cheveux la barbe au vent, les rues du Piton, vêtu simplement de sa cape d'invisibilité ? Combien de fois est-il allé sur Google Street View taper la discute avec ses potes du quartier Ramadier, ou de Gourgan ? On sous-estime le nombre de paires de pompes à 300 euros qu'il a niquées en allant fraterniser avec le peuple.
P.S.
Au détour de l'article, on apprend quand même que l'exercice de la fonction de député -façon Yves Censi- représente 2,5 à 3 jours de boulot à Paris. En voulant briser son image d'élu "hors sol", souvent loin de l'Aveyron (et donc de Rodez), il se tire une balle dans le pied. Il passe pour un dilettante, lui qui touche une indemnité de plus de 5 000 euros nets par mois, à laquelle s'ajoutent quelque 6 400 euros pour frais de représentation (en gros, il s'habille et voyage aux frais de la princesse).
20:19 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise, Presse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, municipales, france, 2014, ump, actualités, élections
lundi, 24 mars 2014
Mètres carrés de gauche, mètres carrés de droite
C'est la lecture d'un article paru aujourd'hui dans Le Monde (demain dans la version papier) qui m'a interpellé, plus précisément la carte qui l'illustre :
On y retrouve la traditionnelle coupure entre l'ouest et l'est de la commune de Paris, certains arrondissements centraux constituant parfois des "anomalies" sociologiques. Cette carte m'a immanquablement rappelé celle du prix des logements en 2013 :
C'est encore plus explicite quand on fusionne les deux bleus les plus foncés, qu'on remplace le bleu clair par le rose, et qu'on élève la limite de cette couleur à 8 200 euros le m² :
Il y a quasi-concordance du vote à droite avec un prix élevé du foncier du vote à gauche avec un prix du foncier plus bas. Intéressons-nous aux exceptions. Dans le XIVe arrondissement, le PS est arrivé en tête et la gauche est majoritaire, alors que les prix des logements y sont plus élevés qu'à l'est... mais d'assez peu, finalement. Notons que c'est l'arrondissement où Nathalie Kosciusko-Morizet a choisi de se présenter... et où elle est en ballottage défavorable. C'était néanmoins louable de sa part... et tactiquement bien joué : éviter une candidature du MoDem (Marielle de Sarnez a concouru en 2008) devait lui permettre de gagner cette circonscription... et ensuite de rêver à la mairie de Paris. Cet objectif semble difficile à atteindre, d'autant plus que le PS et EELV ont signé un accord dans la capitale.
A l'inverse, dans le XVIIe arrondissement (celui en bleu, au nord, à la limite de la zone rose), où les prix des logements sont légèrement plus bas, le PS a connu une véritable déroute. La gaulliste Brigitte Kuster a été largement vainqueur dès le premier tour, succédant brillamment à Françoise de Panafieu (qui l'avait emporté difficilement au second tour en 2008). Son adversaire socialiste, Annick Lepetit, a perdu plus de 5 000 voix en six ans.
Légèrement au sud-est du précédent, dans le IXe arrondissement, les logements sont un peu plus chers qu'à l'est. Mais ce n'est que d'extrême justesse qu'une candidate UMP a devancé son adversaire socialiste, qui semble disposer d'une plus grande réserve de voix. Mais, par rapport à 2008, environ 2 000 voix ont basculé d'un camp à l'autre.
IIe arrondissement. On se rapproche du centre et les prix montent. Pourtant, c'est la gauche qui est en position favorable, avec un candidat écologiste en tête (Jacques Boutault) et de bonnes réserves de voix du côté socialiste. Au second tour, il pourrait renouveler sa performance de 2008, quand il avait intégré la liste PS pourtant arrivée devant la sienne. Nous sommes au coeur du "boboland" parisien.
Trois autres arrondissements centraux (les IIIe, IVe et Ve), plus indécis, transgressent le déterminisme socio-économique. Dans le IIIe, où les logements sont encore un peu plus chers (toujours "boboland"...), le socialiste sortant est bien parti pour l'emporter, même s'il perd plus de 1 000 voix par rapport à 2008. Dans la même fourchette de prix se trouve l'immobilier du Ve (le fief des Tiberi). Même si c'est une liste de gauche qui est en tête, ses adversaires de droite disposent de plus grandes réserves de voix... mais il faut qu'ils se mettent d'accord, sachant que le dissident UMP (arrivé troisième) n'est autre que Dominique Tiberi...
Il nous reste le IVe arrondissement, le troisième plus cher de la capitale. La situation y est différente du cas précédent, puisqu'un candidat UMP y est arrivé légèrement en tête, la gauche semblant disposer de meilleures réserves de voix. Elle est toutefois nettement en retrait par rapport à 2008, quand Dominique Bertinotti (aujourd'hui ministre déléguée à la Famille dans le gouvernement Ayrault) l'avait largement emporté.
Ces quelques exemples exceptés, l'orientation politique des votes et les prix de l'immobilier de la capitale semblent fortement corrélés. (Le talent de Bertrand Delanoë a été de parvenir à faire passer à gauche des arrondissements aisés où sont fortement représentées les professions artistiques et intellectuelles.)
La coupure Ouest/Est ne date pas d'aujourd'hui. Déjà, au XIXe siècle, elle était perceptible dans le comportement des Parisiens lors de la Commune, en 1871, les plus tenaces adversaires des Versaillais étant les habitants des arrondissements de la moitié est :
P.S.
Les médias m'ont paru bien tendres avec Anne Hidalgo. Certes, son camp est bien placé pour conserver la gestion de la capitale... mais sa situation personnelle, dans le XVe arrondissement, est très mauvaise. Son adversaire UMP a frôlé l'élection dès le premier tour et, par rapport à 2008, la socialiste perd 5 000 voix tandis que Philippe Goujon en a gagné 12 000. Comme sa rivale Nathalie Kosciusko-Morizet, elle a eu le courage de se présenter dans une circonscription qui n'était pas gagnée d'avance mais, dimanche prochain, elle risque de se prendre une grosse claque.
21:28 Publié dans Politique, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, france, 2014, ps, municipales, presse, médias