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dimanche, 10 avril 2016

Merci patron !

   Le documentaire militant de François Ruffin est enfin arrivé à Rodez, pour une petite semaine de projection. C'est l'occasion de découvrir pourquoi cette piqûre de moustique (un film à diffusion confidentielle ayant coûté moins de 200 000 euros) a pu subir à sa sortie ce qui ressemble à une forme de censure médiatique... qui l'a finalement bien servi.

   C'est d'abord un film social, qui évoque la condition des ménages ouvriers des "Hauts-de-France" comme il faut dire maintenant. Ruffin et son équipe sont partis à la rescousse d'un couple d'ouvriers licenciés. Au passage, on découvre (ou pas) l'un des paradoxes de notre économie : l'un de ses fleurons du luxe (LVMH) a bâti sa prospérité sur l'exploitation d'une main-d'oeuvre mal payée, d'abord française, aujourd'hui polonaise ou autre. A cet égard, je conseille la scène qui voit le réalisateur essayer un costume dans une boutique du groupe, tout comme celle tournée dans une usine polonaise. Tendez l'oreille pour saisir les chiffres, en particulier l'écart entre le coût de la main-d'oeuvre et le prix d'un costume...

   C'est aussi une satire politique, la "gauche de la gauche" ne se privant pas d'égratigner au passage la "gauche de gouvernement" (le PS), à travers la personne d'un élu socialiste, très proche de Bernard Arnault et bien vu de François Hollande.

   Mais c'est surtout une excellente comédie satirique, dans laquelle, le plus souvent, Ruffin adopte l'antiphrase et se fait passer pour un benêt (faussement) admirateur de Bernard Arnault, aussi bien devant l'ancienne déléguée CGT que devant les employés de LVMH. Il y a comme une parenté avec le style de l'humoriste Guillaume Meurice. On sent aussi l'influence de Pierre Carles.

   Au coeur du film se trouve une grosse entourloupe, la menace proférée par le couple d'ouvriers de lancer une campagne médiatique contre Bernard Arnault s'il ne les aide pas à rompre la spirale de l'endettement. Ce ménage, dont les ressources plafonnent à quelques centaines d'euros, en a des milliers à payer, la maison, construction d'une vie, risquant d'être saisie. Les deux ouvriers se prêtent de bon coeur à la manoeuvre de François Ruffin, qui a placé des caméras et des micros à leur domicile.

   Cela nous vaut certaines des plus belles scènes du film, avec une sorte d'homme à tout faire du groupe LVMH, un ancien policier engagé pour gérer les problèmes d'image qui peuvent se poser. Au départ méfiant, l'homme finit par s'exprimer avec une franchise déconcertante devant un couple qu'il sous-estime. Il n'est d'ailleurs lui-même pas méchant au fond. Il est le sbire d'un homme puissant, qu'il sert sans état d'âme, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide.

   C'est donc drôle, militant, rageant parfois, accompagné d'une musique entraînante, d'où se détache une chanson méconnue des Charlots.

   P.S.

   Une soirée débat est programmée au Cap Cinéma de Rodez lundi 11 avril, à 20h :

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(La Dépêche du Midi, 8 avril 2016)

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