vendredi, 13 mai 2016
Emmanuel et Jeanne
Le ministre de l'Economie s'est illustré lors de la seconde fête nationale française, celle du patriotisme, qui rend hommage à Jeanne d'Arc et -on l'a souvent oublié- a été instaurée en 1920. Quand elle tombe le 8 mai (c'est-à-dire quand celui-ci est le deuxième dimanche du mois), on la confond avec la commémoration de la capitulation allemande, en 1945. Des dizaines d'années de désinformation du Front national ont aussi fait croire que c'était le premier mai qu'il fallait rendre hommage à la Pucelle. (Rappelons que l'extrême-droite n'a fixé cette date que pour contrecarrer les manifestations de salariés organisées le premier mai.)
On l'a aussi oublié, mais il est prévu qu'un représentant de l'Etat (éventuellement membre du gouvernement) assiste la commémoration de la délivrance d'Orléans. La présence d'Emmanuel Macron ne résulte donc pas d'un caprice, mais plutôt du désintérêt de ses collègues pour la chose. (Et ça le rapproche un peu de Nicolas Sarkozy...) Le discours qu'il a prononcé est plutôt bien tourné, même si l'on comprend assez vite qu'à travers Jeanne, c'est sa propre cause qu'il défend.
Certains caricaturistes ont sauté sur l'occasion pour comparer les deux personnages, dont les préoccupations ont pourtant l'air si éloignées les unes des autres. Voilà donc Emmanuel Macron traité à la sauce johannique. Vu la jalousie qu'il suscite jusque dans son camp, on ne s'étonne pas que certains de ses "camarades" souhaitent le voir finir sur un bûcher. Ornikar voit plutôt Manuel Valls y mettre le feu :
... alors que Nono, dans Le Télégramme, est d'avis que c'est François Hollande lui-même qui pourrait avoir envie de se débarrasser du jeune ambitieux :
Notez l'inscription qui figure sur le socle de la statue, dont le dessin évoque celle qui se trouve non pas à Orléans, mais à Paris, place Saint-Augustin :
Ce rapprochement est tout sauf innocent, puisque c'est à cet endroit qu'en 2016, Marine Le Pen a choisi de célébrer la Pucelle, laissant la place des Pyramides aux groupies de son père (qui comptaient peut-être sur une nouvelle intervention des Femen....). C'est d'ailleurs la statue d'un autre Emmanuel (Frémiet) qui semble avoir inspiré Le Canard enchaîné (dans le numéro sorti le 11 mai) :
... à moins que ce ne soit plutôt une image de propagande nazie (Le Porte-drapeau), célébrant Adolf Hitler. Vous allez voir, la ressemblance est troublante (et, si l'intention est confirmée, c'est vraiment minable de la part du dessinateur du Canard) :
Les statues nous mènent immanquablement à l'armure, un détail vestimentaire qui ne va pas trop mal au ministre de l'Economie, que ce soit sur un site droitier...
... ou un autre, plus neutre :
Cette fois encore, la statuaire johannique est mise à contribution... et de manière plus rigoureuse que ci-dessus, puisque la tête du ministre a été placée au sommet de la très belle statue de la place du Martroi, à Orléans. (Concernant cette oeuvre, l'histoire se fait ironique, puisqu'elle aurait été sculptée dans un bronze issu... de canons anglais !)
Une fois vêtu comme Jeanne, il n'est pas étonnant que le ministre se mette lui aussi à entendre des voix, comme l'imagine Zonz :
A ceux qui trouveraient cette posture familière, je précise qu'elle est calquée sur celle de l'actrice Ingrid Bergman qui, en 1948, incarna la paysanne lorraine dans un film réalisé par Victor Fleming :
Plus terre-à-terre, Lacaï fait le lien avec le petit comité d'accueil hostile qui s'est exprimé lors de la venue d'Emmanuel Macron :
Très majoritairement, les caricaturistes dénoncent la tentative de récupération, que ce soit à pieds...
... ou à cheval :
A ma connaissance, une seule personne a suggéré (par le dessin) que le ministre pouvait avoir perdu la tête :
Mais, après tout, pourquoi ne serait-il pas (au moins un peu) sincère ? Pourquoi un ministre du XXIe siècle ne pourrait-il pas "en pincer" pour la révoltée du XVe ? C'est ce qu'a imaginé l'un des caricaturistes de Charlie Hebdo (qui s'appuie aussi sur le fait que l'épouse d'Emmanuel Macron soit beaucoup plus âgée que lui) :
P.S.
Une âme charitable m'a signalé que le prénom Emmanuel, d'origine hébraïque, signifie "Dieu avec nous". Voilà qui le lie encore plus à Jeanne d'Arc. De surcroît, il me semble que le prénom a aussi été utilisé pour désigner le Messie. Macron sera-t-il celui de la gauche ?
17:56 Publié dans Jeanne d'Arc, Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, ps, parti socialiste, actualité, 8 mai 2016;presse, médias, journalisme, jeanne d'arc, macron
samedi, 28 janvier 2012
Troisième salve sur Jeanne d'Arc
J'ai attendu qu'un peu de temps soit passé avant de procéder à un dernier sondage de la Toile. Cela m'a permis de récupérer des caricatures publiées dès le début du mois de janvier (et qui m'avaient échappé) ainsi que d'autres, plus récentes. On peut les classer en plusieurs catégories.
Logiquement, ainsi que je l'ai relevé dans mon premier billet consacré à ce sujet, on remarque que les dessinateurs internautes ont souvent choisi d'illustrer la concurrence entre Nicolas Sarkozy et le Front national. Ainsi, Romain Broussard (qui a un joli coup de pinceau numérique, je trouve), pointe le côté nécrophile de la tentative de récupération :
Reste à savoir qui prend l'avantage sur l'autre. Reginald Stockart propose une interprétation ambiguë :
Nicolas Sarkozy est-il à la poursuite de la Pucelle, dont il essaie de récupérer une partie de l'aura dont elle jouit auprès de la population française ou bien a-t-il une longueur de retard sur une grande blonde (Marine Le Pen) dans la récupération de Jeanne ?
C'est aussi ce que semble sous-entendre Frap :
Mais plusieurs caricaturistes ont plutôt senti que le président de la République avait réussi son coup. Ainsi, sur le site islamogauchiste al-har, on trouve l'une des rares représentations (peu ressemblante) d'un Jean-Marie Le Pen furieux :
Aurel, lui, a choisi de montrer le dépit de sa fille Marine, qui peine(rait) à recueillir les 500 parrainages nécessaires à sa candidature à l'élection présidentielle :
On retrouve ici je jeu de mots sur les "voix" (celles qu'on croit entendre et celles qu'on espère récupérer). Au passage, je suis d'avis qu'il y a une belle hypocrisie chez ceux qui évoquent la collecte des 500 parrainages. Tout le monde sait très bien que Marine Le Pen sera candidate en 2012 et donc qu'elle aura recueilli les fameuses 500 signatures. Mais, comme le nombre d'élus FN est trop faible, elle a besoin du paraphe de politiques qui ne sont pas de sa sensibilité... et ceux-ci ne doivent pas donner l'impression qu'ils donnent leur parrainage trop facilement... N'oublions pas que 2014 sera une autre année électorale cruciale, pour le personnel politique local.
Sur Rue89, j'ai trouvé une autre illustration du rôle des voix, que l'on trouvera plus ou moins angélique :
La réponse de Jeanne a aussi souvent inspiré les dessinateurs de la Toile, soit en réponse brute de décoffrage, dans le style très stylisé de Z'arno (dont je recommande le blog, où l'on peut notamment trouver une fort belle illustration des ralliements de droite à François Bayrou...) :
... soit en liaison avec les Le Pen, comme chez Axl :
On remarque aussi que, dans l'épopée johannique, certains caricaturistes privilégient l'image du bûcher. Il s'agit éventuellement de suggérer que l'on inflige un nouveau supplice à la pauvre Jeanne, comme sur le site lafenschagauche :
Si l'association avec la flamme du FN n'est pas des plus originales, l'ajout du commentaire de Jeanne ne manque pas de sel.
Mais, plus fréquemment, le bûcher est relié à l'avenir politique de Nicolas Sarkozy, qu'on imagine sombre, comme sur Bakchich :
Le point de vue est encore plus militant sur le blog de Joël Heirman (on passe du questionnement hypothétique à l'invitation à l'action) :
Quand ce n'est pas le bûcher qui a inspiré les dessinateurs, c'est le verbe "bouter"... parfois de manière vraiment peu subtile, comme sur onceuponatribe, qui propose un drôle de mélange entre Jeanne d'Arc, Claude Guéant, l'expulsion des immigrés et les élections à venir :
Mais c'est parfois plus élaboré. J'ai noté le lien étabi avec la difficulté à lutter contre la crise économique, par exemple chez Iturria :
Les lecteurs attentifs auront remarqué l'erreur de datation sur le site de Sud-Ouest. Le dessin a été mis en ligne le 7 janvier, pour une publication papier dans l'édition du 8 janvier (2012), qui était bien un dimanche, contrairement au 8 décembre (2011), qui était un jeudi.
La meilleur caricature du genre est pour moi celle de Makowh :
Il réussit le tour de force de réunir la pêche aux voix, le verbe "bouter" (jeux de mots à la clé) et la crise économique... avec, en bonus, l'assimilation des électeurs aux moutons ! Cela nous ramène d'ailleurs aux représentations du FN. Nombre d'internautes, dessinateurs (comme Damien Chavanat) ou pas, pensent que ceux qui tombent dans le panneau (qu'il soit tendu par N. Sarkozy ou M. Le Pen) sont des benêts :
Mais le plus étonnant est qu'en raison de la richesse de l'actualité du mois de janvier, François Hollande a fait irruption dans les commentaires johanniques, ainsi que je l'avais déjà remarqué dans mon deuxième billet consacré à ce sujet. Nicolas Sarkozy doit se battre sur deux fronts... et, finalement, le plus périlleux n'est pas celui qu'on croit, selon Mediapart :
C'est au point que Jeanne est parfois représentée (par Reginald Stockart) préférant le président du Conseil général de Corrèze à l'ancien maire de Neuilly :
Cela culmine quand, au Panthéon hollandien, sous la plume de René Le Honzec, la Pucelle fusionne avec la référence mitterrandienne, la seule véritablement revendiquée par le candidat du PS :
Notons que ce dessin est une sorte d'image en miroir de celui proposé la veille :
Mais cessons-là l'examen de ces tentatives de récupération (que l'on pourrait poursuivre, tant l'iconographie johannique numérique est riche). Sachez qu'elles ont lassé certains internautes, qui n'ont voulu représenter la Pucelle que vierge de toute référence politique. C'est sans doute à une femme, Ancelotte, que l'on doit la production la plus exaspérée :
Plus douce (voire sulpicienne) est la protestation de Bap (signature de "blogue à part") :
C'est d'ailleurs sur le même site que, deux jours plus tard, on peut trouver l'une des plus belles représentations de Jeanne en armes... mais neutre politiquement :
Cette dernière est une sorte de pied-de-nez aux nationalistes intransigeants, puisqu'elle est un détournement de la statue d'Emmanuel Frémiet, située place des Pyramides, qui elle-même fait l'objet d'un détournement de sens par le Front national :
16:31 Publié dans Jeanne d'Arc, Politique, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, actualité, actualite, politique, médias, jeanne d'arc, sarkozy, hollande
vendredi, 20 janvier 2012
Pauvre Jeanne !
La Pucelle de Lorraine intervient dans l'actualité de manière décidément bien surprenante... toujours à son corps défendant, d'ailleurs. Récemment, on l'a associée à Nicolas Sarkozy, les Le Pen père et fille... et même François Hollande !
La semaine dernière, c'est dans l'Aveyron qu'un curieux événement s'est produit. On en a eu l'écho dans la presse locale, notamment dans Le Petit Journal, photographie à l'appui :
Il y a fort à parier que le sacrilège se soit produit à l'occasion d'une de ces beuveries étudiantes dont on peut percevoir les conséquences sonores et (semi-)liquides chaque semaine que Dieu fait. Mais regardons plus attentivement la photographie :
Eh, oui ! Il semble bien qu'une personne facétieuse ait placé un gobelet dans la main gauche de la sainte. Voici ce à quoi ressemblait la statue avant cet acte de terrorisme :
C'est à propos du contenu du gobelet que les organes de presse divergent. Si le correspondant du Petit Journal se désole que le verre soit rempli d'eau, son confrère de La Dépêche du Midi semble y a voir vu autre chose quelques jours plus tôt :
Il n'est tout simplement pas impossible que les pluies récemment tombées sur l'Aveyron aient contribué à modifier le contenu du gobelet... Voilà une "intervention du ciel" que n'aurait pas reniée celle qui s'est évertuée à moraliser le comportement de ses troupes !
22:07 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Jeanne d'Arc, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, histoire, jeanne d'arc, société
mercredi, 11 janvier 2012
Une actualité décidément très johannique
Il y a quelques jours de cela, je ne m'étais pas trompé en affirmant que la parution des hebdomadaires politiques allait nous valoir de nouvelles représentations de la Pucelle.
Ainsi, Le Canard enchaîné de ce mercredi contient plusieurs allusions à Jeanne d'Arc, ma préférée étant celle-ci :
Lefred-Thouron a dû, comme d'autres, entendre de beaux esprits déplorer les tentatives de récupération dont Jeanne a fait l'objet... l'indignation conduisant ces mêmes personnes à oublier quelque peu la manière dont le parcours de la jeune femme s'était achevé...
Charlie Hebdo (dont le site internet a bien survécu à l'attaque subie à la fin de 2011) fait plus fort, consacrant une page entière à récupérer à son tour la "bonne Lorraine". Ce n'est pas toujours drôle, mais c'est parfois piquant. Ainsi Charb nous propose une version communiste de la Pucelle :
Je suis sûr que certains se disent que cette image a comme un air de déjà vu... Pas faux... si l'on se souvient de l'Exposition internationale de 1937 et du pavillon soviétique, au sommet duquel se trouvait ceci :
Une autre des caricatures fait référence à un aspect marquant de la vie culturelle des Français d'après la Seconde guerre mondiale :
Cette fois-ci, c'est Moulinex qui doit se retourner dans sa tombe !
Notons au passage que Riss a pris soin d'encrer en bleu-blanc-rouge le texte d'accompagnement. L'hebdomadaire satirique contient d'autres dessins mettant en scène Jeanne d'Arc, plus loin dans le numéro de la semaine. L'un d'entre eux m'a fait sourire :
C'est encore de Riss, qui a réussi à faire s'entrechoquer deux sujets qu'a priori rien ne reliait !
Sur la Toile, c'est toujours le scrutin de 2012 et la concurrence entre le président de la République et la famille Le Pen qui inspirent les internautes "croqueurs". On retrouve donc logiquement les jeux sur le mot "voix", comme chez Dilem :
On a aussi assisté au retour de Jean-Marie Le Pen au premier plan médiatique. Lui et Nicolas Sarkozy sont présentés dans des positions alternatives, le dindon de la farce n'étant pas toujours le même.
Pour laplote, c'est Sarkozy qui semble avoir réussi son coup :
Pour Placide, le vieux lion semble garder la main sur l'héritage symbolique de Jeanne d'Arc :
On remarque la présence de sa fille Marine sur cette caricature. Elle revient assez souvent, en compagnie de Nicolas Sarkozy et, une fois, ô surprise, en présence d'un autre (ex) homme politique qui a défrayé la chronique en 2011 :
Si, dans ce cas, le ton est graveleux, sans être vulgaire, sur d'autres dessins, il peut devenir un peu moins léger :
La référence aux origines hongroises du président revient plutôt sous les crayons (ultra)conservateurs, pas forcément sans talent, d'ailleurs :
Je dois reconnaître que cette Jeanne rigolarde, néanmoins inspirée, a de la gueule. On note aussi une nouvelle référence au vocabulaire associé à la geste johannique ("bouter").
Quand la droite nationaliste ne pointe pas l'arbre généalogique métissé de Nicolas Sarkozy, elle se gausse de son inculture (supposée) :
Mais la nouveauté de ce début de semaine est l'arrivée dans le bain caricatural de l'adversaire numéro 1 de Nicolas Sarkozy pour la prochaine présidentielle : François Hollande. C'est deusa qui a dégainé le premier (la première ?), associant la modernité du fameux "sale mec" (le genre même de polémique bidon gonflée par la valetaille médiatique, associée à des politicards de bas étage) au traditionnel "boutons" :
Plus croquignolesque est le "dessin identitaire" proposé par croColive :
A Sarkozy d'Arc est opposé un double François, Hollande s'évertuant à régulièrement manifester un grand respect pour ce qu'incarne l'unique président de la République issu de son parti politique. C'est habile de sa part, parce que, dans ce domaine au moins, il fait preuve d'une relative constance. Qui plus est, avec le temps, une partie du mauvais bilan des présidences tontonnesques est passée à l'as. Restent quelques magouilles, ainsi que de bons souvenirs. C'est aussi un bon moyen de fédérer son camp. La démarche de François Hollande n'est finalement pas très éloignée de celle de son rival.
21:52 Publié dans Jeanne d'Arc, Politique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, jeanne d'arc, france, femme, sarkozy
dimanche, 08 janvier 2012
Une pucelle de 600 ans
Le déplacement de Nicolas Sarkozy (à Domremy et Vaucouleurs) pour la célébration du 600e anniversaire (présumé) de la naissance de Jeanne d'Arc a donné lieu à une débauche d'articles de presse, plus ou moins intéressants. Cela a sans doute permis à leurs lecteurs de se (re)familiariser avec l'histoire de Jeanne d'Arc, qui n'est plus enseignée et dont la majorité de nos concitoyens ne savent bien souvent que ce qu'ils en ont vu à la télévision (qui privilégie un peu trop souvent le clinquant des théories fumeuses).
Plus intéressant fut le florilège de caricatures publiées principalement sur la Toile. Les auteurs ont souvent fait le lien entre le président de la République et un aspect de l'épopée johannique. Sur Le Post, olivero a mis en valeur l'approche de l'élection présidentielle (le second tour, puisqu'il est question du mois de mai) :
Sur agoravox, na! est moins optimiste pour l'actuel occupant de l'Elysée :
Sur Le Post encore, jocelynjosso semble aller dans le même sens, mais lui s'appuie sur un élément plus tragique de la vie de Jeanne :
Bien évidemment, les observateurs ont relevé la pêche aux voix à laquelle se livre Nicolas Sarkozy, notamment Tropicalboy, foncièrement antisarkozyste :
On notera le souci de doter le président-en-campagne-mais-qui-ne-veut-pas-le-dire d'un costume médiéval... et d'un âne pour monture, sans doute pour relever la majesté de la démarche présidentielle.
Jusqu'à il y a peu, on avait tendance à accuser l'ancien maire de Neuilly de marquer Jean-Marie Le Pen à la culotte. On retrouve encore cette interprétation à l'occasion de ce 600e anniversaire, chez Christian Creseveur :
Le dessinateur s'est appuyé sur la passion entretenue par le président pour le cyclisme. Cependant, depuis une paire d'années, ce n'est plus au "père" du FN que l'on compare Nicolas Sarkozy, mais à sa fille. Il est donc logique que la majorité des caricatures parues ces derniers jours ménagent une place à Marine Le Pen.
C'est sur la rivalité entre les deux (futurs) candidats que les satiristes se sont penchés. A tout seigneur tout honneur, Plantu, dans Le Monde daté du 7 janvier, met en scène la dispute autour de Jeanne d'Arc:
Avec son sens de l'à-propos, Plantu fait se télescoper deux événements apparemment non liés. Mais il donne du sens à ce rapprochement : à quoi sert de se quereller à propos de Jeanne d'Arc quand des puissances financières se servent de la France comme terrain de jeu ? Le déchirement du drapeau national pourrait être interprété comme l'affaiblissement de notre pays dans des disputes sans fin, pendant que l'essentiel se joue ailleurs.
La rivalité devient frontale sous le crayon de GdB :
S'il n'est pas inintéressant, ce dessin n'en souffre pas moins de la comparaison avec la production de Plantu. Je l'ai choisi parce qu'il est aussi révélateur de l'un des emprunts effectués par les caricaturistes à l'imagerie johannique : le verbe "bouter".
On retrouve celui-ci dans deux créations antagonistes, l'une (de wingz) mettant en scène Nicolas Sarkozy...
... l'autre (trouvée sur lasemainedegaby) centré la nouvelle présidente du Front national :
Les connaisseurs auront deviné quel est le document source du photomontage : l'affiche du film de Jacques Rivette Jeanne la Pucelle (plus précisément du premier volet : Les Batailles)... qui ne m'avait pas enthousiasmé, à l'époque.
Mais le plus étonnant est la place accordée par les caricaturistes à Nadine Morano, ministre chargée de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle, donc a priori pas super concernée par la commémoration de la naissance de Jeanne d'Arc. Mais elle est née à Nancy (elle a d'ailleurs passé son enfance dans un quartier populaire emblématique : le Haut du Lièvre) et est élue de Toul, deux villes de Lorraine donc.
De surcroît, avant de prendre le nom de Morano, elle s'est appelée Pucelle... cela ne s'invente pas ! Comme en plus la dame n'est pas réputée pour sa subtilité, elle en prend plein la figure :
On commence gentiment avec Baudry (sur Le Post), qui pointe deux travers de la ministre : sa passion compulsive pour Twitter et son côté groupie de Nicolas Sarkozy. C'est joliment dit, je trouve.
L'identification progresse avec un nouveau photomontage trouvé sur lasemainedegaby :
Il est inspiré d'une photographie extraite du film de Victor Fleming (pas emballant non plus), dans lequel Ingrid Bergman incarnait la "bonne Lorraine" :
On retrouve Tropicalboy, plus incisif : il fait le parallèle entre la démarche du patron (N. Sarkozy) et le comportement de son employée dévouée :
C'est sur le site d'une talentueuse dessinatrice (qui signe Kate ou Kat) que j'ai trouvé la plus ancienne dénonciation de cette tentative de récupération, à la date du 30 décembre 2011 :
On n'ose en effet imaginer ce que certains auraient pu faire dire à cette pauvre Jeanne si elle avait été blonde ! (Oui, elle était bien brune... et pas très grande : autour d'1m60 !)
Pour la petite histoire, la dessinatrice a récidivé le 6 janvier :
Sur le fond, on pourrait objecter à l'auteure que c'est bien au cours de la Guerre de 100 ans qu'un début de conscience nationale a émergé dans notre pays, même si ce fut variable dans l'espace et dans le temps. Vercingétorix, lui, a vu son rôle "national" exalté à partir du XIXe siècle.
Cela nous amène à aborder un aspect a priori anecdotique de la représentation de Jeanne d'Arc : le drapeau (ou plutôt l'étendard) qu'elle brandit. Le véritable était blanc, à fleurs de lys. S'y trouvaient deux anges et surtout l'expression "Jhesus Maria". On la retrouve très souvent sur les tableaux et les sculptures consacrées à la sainte... par exemple à Rodez, dans l'église Saint-Amans :
Tel n'est pas le cas dans les caricatures publiées ces jours derniers. Ainsi, Bar-zing nous montre la Pucelle accoutrée d'une drôle de manière, les couleurs semblant fantaisistes :
Je vois bien quelle est l'intention derrière : cet héritage monarchiste de droite, xénophobe, est comparé à du crottin. C'est pertinent dans le contexte actuel, mais la référence historique est approximative concernant Jeanne.
Sur urtikan.net, Deligne n'est pas plus dans le vrai quand il affuble la Pucelle d'un drapeau tricolore :
Là encore, le propos est construit, et pas idiot sur le fond : Nicolas Sarkozy compte sur le sentiment patriotique de certains électeurs pour assurer sa victoire en 2012. Pour cela, il ressort de "vieilles références". Notons que le dessinateur a croisé ce sujet avec la réforme des retraites (sans cesse remise sur l'établi...).
Rappelons toutefois que le drapeau tricolore, créé lors de la Révolution française, n'est devenu emblème national que dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Ce florilège risque de s'enrichir la semaine qui vient : les hebdomadaires qui paraissent entre le mercredi et le vendredi devraient contenir quelques caricatures savoureuses. Il est même possible que le sujet refasse l'actualité des quotidiens. Plantu, qui s'était lancé naguère dans une série strauss-kahnienne (il en a même fait un bouquin), vient à nouveau (dans le numéro daté du 8 janvier 2012) de puiser dans les références johanniques pour commenter l'actualité :
Pour drôle que soit le dessin, il s'appuie, comme tant d'autres, sur une idée reçue : Jeanne a très peu gardé les moutons, même si elle a beaucoup contribué aux travaux de la ferme. Il faut dire que l'idée a été longtemps véhiculée par les histoires saintes et illustrée par des peintres reconnus, comme Lenepveu :
20:20 Publié dans Jeanne d'Arc, Politique, Presse, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, jeanne d'arc, sarkozy, femme, france