samedi, 13 février 2021
House of Cards
Il ne va pas être question ici de la série venue d'outre-Atlantique (avec l'excellent Kevin Spacey). C'est de son inspiratrice que je vais causer... eh, oui ! À l'origine se trouve une production britannique, dont la chaîne Arte vient de mettre en ligne les quatre épisodes de la première saison, datant de 1990.
Londres. Margareth Thatcher vient de quitter la direction du gouvernement. Le paradoxe est que ce long exercice du pouvoir (plus de onze ans) ne s'est pas achevé par une défaite électorale, mais par la démission de la seule femme Premier ministre du Royaume-Uni en raison des dissensions au sein de sa majorité, plus précisément du Parti conservateur. Ces divisions sont au coeur de la guerre de succession qui se déclenche.
Au coeur du jeu politique se trouve Francis Urquhart, le chief whip, autrement dit la courroie de transmission entre le gouvernement et le parti majoritaire, dont il est chargé de veiller au bon comportement des élus. Ce personnage de l'ombre est incarné par Ian Richardson. Il s'adresse régulièrement à la caméra, avec laquelle il entretient une certaine complicité.
Issu de la "bonne société", ce conservateur bon teint, toujours tiré à quatre épingles, s'exprime dans un langage châtié (à écouter en version originale, bien sûr). De temps à autre, il se permet une saillie, sans se départir de son élégance. Vu de l'extérieur, c'est un homme pondéré, un ami fidèle, un travailleur infatigable, modeste et un peu terne. Mais, à l'intérieur, l'homme bout d'une ambition inassouvie. Il rêve d'entrer au gouvernement... voire plus. Les circonstances vont lui donner l'occasion de tenter sa chance, à l'aide de manigances particulièrement tortueuses.
Sur son chemin, il croise une jeune journaliste politique, la séduisante et ambitieuse Mattie Storin (Susannah Harker, elle aussi très bien). Ces deux loups solitaires, plus intelligents et lucides que leurs entourages respectifs, vont se rencontrer, s'apprécier, dans un jeu du chat et de la souris nourri de sous-entendus.
Le premier épisode voit arriver au 10, Downing Street un nouveau locataire, assez populaire dans un premier temps, mais pas très estimé des hiérarques conservateurs. Les scénaristes rendent intelligible le processus politique à l'oeuvre dans cette démocratie parlementaire différente de la nôtre. On comprend très vite que diverses manoeuvres tentent de détourner le processus démocratique. On découvre aussi le rôle au quotidien du chief whip, chargé de "tenir la maison"... ce qui l'amène à connaître les petits secrets de ses collègues, entre consommation de drogues et fréquentation des prostituées.
Le deuxième épisode met en scène un congrès du Parti conservateur, qui serait bigrement ennuyeux si notre "héros" n'y mettait son grain de sel. Alors qu'on sent l'assise politique du Premier ministre devenir de plus en plus fragile, les ambitieux commencent à poindre le bout de leur nez. Le chief whip se fait un malin plaisir de pointer leurs ridicules, petits et grands. Dans le même temps, une réception huppée est donnée, à laquelle participent le gratin du Parti et ses alliés, parmi lesquels un investisseur grossier et sans scrupule, qui n'hésite pas à régler ses affaires dans les toilettes des messieurs :
Dans le troisième épisode, la journaliste Mattie poursuit son enquête, pensant que le Premier ministre et sa famille sont victimes d'un complot. Elle se rapproche de plus en plus d'Urquhart, qui continue à tisser sa toile. Notons que la journaliste se déplace dans une voiture de marque française, l'une des automobiles emblématiques de cette époque :
Dans le quatrième épisode, la course à l'échalote est lancée. Petit à petit, la liste des prétendants au poste de Premier ministre se réduit, à coups de révélations dans la presse ou de discrètes pressions.
Le machiavélique chief whip se rapproche de son but... mais un contretemps pourrait faire s'effondrer son "château de cartes", patiemment construit. Ne risque-t-il pas de connaître la même fin que l'empereur français qu'il admire secrètement ? (À l'arrière-plan se trouve sans doute une reproduction d'un portrait de Napoléon par David.) Cet épisode, tout en conservant une valeur quasi-documentaire sur les moeurs politiques de l'élite conservatrice, prend le tour d'un thriller. Premiers comme seconds rôles sont excellents.
C'est une pépite méconnue, à savourer en ces temps de couvre-feu.
16:09 Publié dans Politique étrangère, Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, médias, cinéma, cinema, film, films
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