samedi, 31 mai 2025
The Phoenician Scheme
J'étais à la fois excité et anxieux avant d'aller voir ce film. Il y a deux ans, Wes Anderson m'avait déçu avec Asteroid City, mais les deux précédents (L'Ile aux chiens et The French Dispatch) m'avaient emballé.
Les deux premières scènes sont un régal. On y voit le premier accident d'avion (traité avec cet humour à froid qu'affectionne le réalisateur) et une salle de bains, filmée du dessus, comme une maquette, au ralenti, pendant que se déroule le générique. On y retrouve les effets géométriques caractéristiques du style d'Anderson... à ceci près que la symétrie apparente n'est jamais totale. Dans chaque plan, il y a quelque chose qui cloche, ou un détail comique, sur lequel le réalisateur attire plus ou moins l'attention.
Sur le fond, l'intrigue est relativement simple. Un richissime homme d'affaires, Korda (Benicio del Toro, excellent) aussi ingénieux que peu scrupuleux, s'est lancé dans le projet le plus ambitieux de sa carrière (une combinaison de projets, en fait). Il veut y associer la seule fille de ses dix enfants, Liesl, une apprentie religieuse (maquillée !) qu'il a quelque peu négligée, mais qui lui semble avoir l'étoffe pour prendre sa succession. C'est une certaine Mia Threapleton qui incarne (efficacement) la religieuse. En l'observant, je ne cessais de me demander où je pouvais avoir vu auparavant cette jeune actrice (dans Le Jeu de la reine ?), dont le visage me disait quelque chose... peut-être parce qu'elle ressemble un peu à sa talentueuse môman !
Korda embarque donc sa progéniture (qui a l'espoir de moraliser son empire économique) dans un incroyable périple. Ils vont à la rencontre des principaux associés de l'entrepreneur, avec lesquels il n'a pas été très franc du collier. Au cœur de l'histoire se trouve le devenir de cet empire, contre lequel agit, en sous-main, le gouvernement des États-Unis. En coulisse, un autre complot est à l’œuvre, visant à assassiner Korda.
Comme d'habitude chez Anderson, cette intrigue, pour intéressante qu'elle soit, est secondaire. C'est la construction des plans et la cocasserie de certains dialogues (vraiment bien écrits... privilégier la V.O.) qui méritent le détour. Je signale notamment les retrouvailles entre le père et la fille, pleines de sous-entendus. J'ai aussi beaucoup apprécié les interventions d'un groupe de guérilleros marxistes... qui se découvrent des points communs avec le tycoon.
Parmi les gags récurrents, il y a la remarque faite par chaque nouvel interlocuteur à Liels : « J'ai bien connu ta mère. » Le sous-entendu est clair, la défunte épouse de Korda étant connue pour avoir eu des amants (son époux la trompant lui-même allègrement). Du coup, l'incertitude plane sur la paternité biologique de Liesl. Son géniteur est-il Korda ? Son demi-frère ? Un ancien secrétaire particulier ? Quelqu'un d'autre ? La filiation est donc au cœur de l'histoire, le voyage d'affaires étant une manière pour le père et la fille d'apprendre à se connaître vraiment.
Au passage, on appréciera la galerie de personnages pittoresques qui nous sont proposés, incarnés par une pléiade d'invités... parmi lesquels j'ai eu du mal à reconnaître Benedict Cumberbatch !
Même si ce n'est pas le meilleur film de Wes Anderson, je l'ai trouvé plus accessible et plus intéressant qu'Asteroid City.
17:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
La Venue de l'avenir
Le dernier film de Cédric Klapisch commence (et se termine) au musée de l'Orangerie, mais dans des circonstances très différentes. La séquence inaugurale nous présente un shooting, au cours duquel on croise l'un des protagonistes de cette improbable histoire familiale, Seb le photographe, incarné par Abraham Wapler (qui a des airs de François Civil).
Cette séquence fait intervenir des personnages assez antipathiques, pour lesquels le musée semble avoir été privatisé. Leur suffisance transparaît dans la manière dont ils considèrent l’œuvre du peintre impressionniste, qui sert de "fond d'écran" aux évolutions du mannequin. De manière très gentille, Klapisch met en scène la superficialité de ce petit monde, ainsi que la fragilité de la relation qui lie le photographe au mannequin. Le projet du cinéaste est une sorte de retour aux sources, dans tous les sens du terme.
Ce retour s'effectue par l'entremise d'un héritage, celui d'une maison délabrée de la campagne normande, dont une notaire a fini par retrouver tous les ayants droit, au nombre de... quarante. Ils descendent des trois enfants de la personne qui l'habita jadis, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Quatre d'entre eux (dont le jeune photographe) sont désignés pour explorer la demeure, avant qu'elle ne soit vendue (avec le terrain) pour permettre l'agrandissement d'une zone commerciale.
Autant la découverte du passé des occupants de la maison est passionnante, autant l'intrigue contemporaine, très "politiquement correcte", est peu palpitante. Chacun des quatre héritiers est un cliché ambulant : le vieux prof de français qui corrige ses copies dans le train, la cadre commerciale scotchée à son ordinateur portable, le photographe de mode rivé à son smartphone et aux réseaux sociaux... le pire étant atteint avec l'apiculteur altermondialiste, incarné, ô surprise, par Vincent Macaigne (qui fait du Macaigne... une fois de plus).
Cette trame contemporaine alterne avec des plongées dans le Paris de 1895. Là, cela devient intéressant, puisqu'on se demande comment certains objets découverts dans la maison normande (des photographies, un tableau) ont pu arriver là, et dans quelles circonstances.
Au début, l'esthétique du Paris de la Belle époque est un peu agaçante, chaque personnage semblant sortir de chez la costumière, avec des habits impeccables, quelle que soit la catégorie de population. Cela s'arrange par la suite.
Je fais partie des spectateurs qui aiment les reconstitutions historiques. Je suis donc client de cette vision d'un Paris en bord de campagne, sans tags ni déchets divers jonchant les trottoirs (qui d'ailleurs, la plupart du temps, n'existaient pas). La plongée dans l'univers des peintres et des photographes mérite vraiment le détour, même si certains aspects sont un peu schématiques ou convenus. (Par exemple, la mère comme la fille, à vingt ans d'intervalle, ont le cœur qui balance entre un peintre et un photographe).
En 1895, la jeune Normande Adèle est partie à Paris à la recherche de ses parents, qu'elle n'a jamais connus. Sur cette quête familiale, Klapisch et son scénariste Santiago Amigorena greffent un roman d'apprentissage, une histoire d'amour et... une intrigue artistique.
Les deux trames (celle du XXIe siècle et celle du XIXe) s'intercalent assez élégamment... et finissent par se croiser, au cours d'une séquence au départ totalement improbable... mais qui tient la route. Je ne dirai pas dans quelles circonstances, mais les héritiers finissent par se retrouver immergés dans le Paris des années 1870. C'est franchement cocasse.
Je trouve d'ailleurs que, globalement, l'humour sauve le film (qui, sinon, serait très plan-plan, trop gentillet). Klapisch a régulièrement inséré de petites touches qui pointent les ridicules de ses personnages (sans les dénigrer) ou de certaines situations. Cela donne de la saveur à cette histoire rocambolesque, qui, à défaut d'emballer, se suit sans déplaisir.
PS
A celles et ceux que l'ennui gagnerait, durant la projection, je recommande un petit jeu, celui de l'identification de tous les invités prestigieux qui font une apparition dans le film.
Celles et ceux qui sont mieux introduits dans le petit monde du Septième Art hexagnal s'amuseront à reconnaître les "fils et fille de" dont la distribution est parsemée... Cela nous vaut d'ailleurs une scène (ratée) à double sens, celle du grand restaurant parisien, au cours de laquelle l'héroïne Adèle (interprétée par Suzanne Lindon, fille de Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon) croise la route de Sarah Bernhardt, que la mère biologique de la comédienne vient d'incarner à l'écran.
Quelle belle et grande famille que celle du cinéma français !
10:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, peinture, arts