samedi, 28 octobre 2017
CoeXister
- Aujourd'hui, pas de guerre, quelle qu'elle soit, pas de film d'animation, pas de film de gangster non plus... et pas de documentaire iranien svp !
- On va voir quoi, alors ?
- Une co-mé-die ! Et basique de préférence.
- Française ?...
- Il y en a de bonnes !
- Je sais bien ! On a vu Le Sens de la fête il n'y a pas longtemps !
- Il y en a d'autres au programme... On va quand même éviter Les Nouvelles Aventures de Cendrillon...
- Ça c'est bon pour tes collègues de boulot, les gros beaufs !
-Tsss... et je ne te sens pas très "chaud" pour L'Ecole buissonnière...
- Celui-là, tu iras le voir avec ta mère !
- Pendant ce temps-là, toi, tu iras voir tout seul un film art et essai ouzbek sur un mendiant borgne qui découvre une caisse à outils dans un hamburger !... Bon, du coup, il ne nous reste plus que... CoeXister, tiens ! Un curé, un imam et un rabbin qui chantent ensemble ! Tu vas a-do-rer !
Et c'est parti pour une séance de cinéma populaire, dans une salle assez bien garnie, de personnes âgées de dix à soixante-dix ans, à peu près.
Je dois dire que le début m'a agréablement surpris. Certes, j'ai toujours un problème avec Fabrice Eboué. Il sait écrire un scénario qui tient à peu près la route, il filme correctement, mais, franchement, il ne joue pas très bien. Il aurait dû embaucher un mec pour tenir le rôle de Nicolas.
Par contre, les gugusses qu'il a recrutés pour former le trio de chanteurs font le boulot avec un bel entrain. Pour moi, le meilleur des trois est Jonathan Cohen (vu l'an dernier dans Papa ou maman 2). Son personnage souffrant de sautes d'humeur assez importantes, il lui a fallu interpréter tantôt le juif dépressif, tantôt le rabbin arrogant, tantôt le type survolté. Il s'en sort très bien. Les deux autres jouent davantage sur leurs acquis. Ramzy fait du Ramzy (en faux imam). Guillaume de Tonquédec incarne de nouveau un mec coincé du cul (le curé). Mais, à travers les trois, Eboué fait passer quelques messages salutaires et se moque (gentiment) des religions. (Au passage, comme je sais que les producteurs français se ruent régulièrement sur ce blog, je leur conseille de dégoter un scénariste qui bâtisse une histoire solide autour d'un tueur en série ou d'un flic torturé, lequel aurait les traits de Guillaume de Tonquédec, un excellent acteur hélas sous-utilisé.)
Le début m'a plu parce qu'il contient une séquence tordante, celle de la découverte des "démos" envoyées par d'apprentis-artistes qui se croient bourrés de talent. On a donc droit à des rappeurs homosexuels très très virils, une lolita vulgaire et un couineur boboïsant, sorte de mélange de Grégoire, Bénabar et Vincent Delerm (vidéos à l'appui). Dans sa voiture, Nicolas écoute la suite, un pot-pourri de ce que l'industrie du disque produit de plus débile... C'est réjouissant, tout comme les auditions qui suivent !
C'est d'autant plus drôle que, lors de cette séquence, on découvre Sabrina, l'assistante du héros, interprétée par Audrey Lamy, qui est sensationnelle. En réalité, c'est elle qui porte le film, avec sa gouaille et son charme... ses gaffes aussi. Dans un rôle complètement différent (la patronne autoritaire et âpre au gain), Mathilde Seigner est elle aussi très bonne.
Evidemment, au début, rien ne marche. Bien que Nicolas et Sabrina pensent avoir trouvé les bons chanteurs, ceux-ci ne s'entendent pas. Au-delà des opinions généreuses que chacun professe, il y a beaucoup de préjugés et des rancoeurs. Eboué en profite pour lancer quelques piques, tout en restant dans le registre de l'humour. Du coup, c'est parfois ambigu, puisque toutes les idées reçues et les propos dégradants ne sont pas explicitement condamnés. Chacun y voit ce qu'il veut y voir. Le film cherche visiblement à ratisser large. Quant aux premières productions du groupe, elles sont nunuches et sans saveur. Le clip vidéo constitue un bon moment de dérision.
La suite semble être un décalque de Stars 80. Cette bande de branquignols va finir par rencontrer le succès, mais à partir du moment où les abcès auront été crevés et où c'est la sincérité qui l'emporte sur le produit fabriqué. Le succès va poser d'autres problèmes, sources de nouveaux gags. Le tout se dirige vers une fin prévisible (avec la formation d'un couple qu'on sent venir à des kilomètres), mais, franchement, j'ai passé un bon moment.
PS
Au niveau du message, j'ai apprécié que Fabrice Eboué ne tombe pas dans le politiquement correct à la mode, à savoir que la tolérance consiste à accepter les différences des autres (y compris celles qui nous paraissent parfois choquantes). C'est l'amour et les plaisirs de la vie qui réunissent les personnes de toutes origines et de toutes opinions (sauf les extrêmes).
22:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 27 octobre 2017
Autour de "Blade Runner"
Aux Etats-Unis, la sortie de Blade Runner 2049 été précédée par la mise en ligne de trois courts-métrages évoluant dans l'univers des films, et faisant le lien entre le premier et le deuxième.
L'intrigue de Black Out 2022 se situe trois ans après celle du premier Blade Runner. C'est un film d'animation de Sinichiro Watanabe, un Japonais auquel on doit notamment Cowboy Bebop. On suit les aventures de deux réplicants (un homme et une femme), qui semblent avoir une mission à accomplir :
Ce n'est pas un travail bâclé en vue d'une banale promotion. La réalisation est soignée et l'intrigue donne des éléments permettant de comprendre le changement d'atmosphère sur Terre entre les deux films ainsi que la cause de la disparition des archives numériques. A l'écran, les images sont parfois superbes :
Les deux autres courts-métrages sont signés Luke Scott (l'un des fils de Ridley) et ont la même signature visuelle que le film sorti cette année, dont ils constituent des scènes additionnelles. 2036 : Nexus Dawn met en scène Niander Wallace (interprété, comme dans le film, par Jared Leto). L'entrepreneur rencontre des pontes gouvernementaux, pour tenter de les convaincre de le laisser relancer la production de réplicants.
Enfin, 2048 : Nowhere to run nous présente le personnage clé du début du deuxième film, Sapper Morton, un "vieux" réplicant. On comprend comment il a réussi à survivre dans sa ferme pendant toutes ces années et l'on découvre pourquoi il a fini par être débusqué.
Comme les héros du film d'animation, il cherche à comprendre ce que c'est qu'être humain. A certains égards, il fait d'ailleurs preuve de plus d'humanité que les authentique humains... ce qui va causer sa perte.
12:10 Publié dans Cinéma, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Autour de "Blade Runner"
Aux Etats-Unis, la sortie de Blade Runner 2049 été précédée par la mise en ligne de trois courts-métrages évoluant dans l'univers des films, et faisant le lien entre le premier et le deuxième.
L'intrigue de Black Out 2022 se situe trois ans après celle du premier Blade Runner. C'est un film d'animation de Sinichiro Watanabe, un Japonais auquel on doit notamment Cowboy Bebop. On suit les aventures de deux réplicants (un homme et une femme), qui semblent avoir une mission à accomplir :
Ce n'est pas un travail bâclé en vue d'une banale promotion. La réalisation est soignée et l'intrigue donne des éléments permettant de comprendre le changement d'atmosphère sur Terre entre les deux films ainsi que la cause de la disparition des archives numériques. A l'écran, les images sont parfois superbes :
Les deux autres courts-métrages sont signés Luke Scott (l'un des fils de Ridley) et ont la même signature visuelle que le film sorti cette année, dont ils constituent des scènes additionnelles. 2036 : Nexus Dawn met en scène Niander Wallace (interprété, comme dans le film, par Jared Leto). L'entrepreneur rencontre des pontes gouvernementaux, pour tenter de les convaincre de le laisser relancer la production de réplicants.
Enfin, 2048 : Nowhere to run nous présente le personnage clé du début du deuxième film, Sapper Morton, un "vieux" réplicant. On comprend comment il a réussi à survivre dans sa ferme pendant toutes ces années et l'on découvre pourquoi il a fini par être débusqué.
Comme les héros du film d'animation, il cherche à comprendre ce que c'est qu'être humain. A certains égards, il fait d'ailleurs preuve de plus d'humanité que les authentique humains... ce qui va causer sa perte.
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jeudi, 26 octobre 2017
Des Rêves sans étoiles
Ce documentaire iranien suit un groupe d'adolescentes et de jeunes femmes, âgées de 15 à 20 ans environ, toutes incarcérées dans une prison spéciale, sorte de refuge carcéral où sont envoyées les jeunes délinquantes et les fugueuses. Il a sans doute été tourné il y a plusieurs années puisque, la seule fois que l'on voit les héroïnes parler politique, elles mentionnent le président Mahmoud Ahmadinejad, en poste de 2005 à 2013.
On commence avec du lourd. La première que l'on voit à l'écran a été mariée de force à 14 ans et a eu son premier enfant à 15. Âgée de 17 ans au moment du tournage, elle n'a pas revu son enfant depuis 7 mois. Elle était sous la tutelle d'un oncle, drogué et trafiquant, qui l'a forcée à participer à son "commerce". Elle n'avait pas de soutien à attendre de sa mère, elle-même droguée, qui n'hésitait pas à battre sa fille... voire à la brûler au réchaud à gaz.
L'histoire de l'une des suivantes (Khatereh) n'est pas plus réjouissante. Elle a été violée par son père (me semble-t-il) et, rejetée par sa famille, s'est retrouvée à la rue, où elle est devenue une voleuse. Lorsqu'elle a été arrêtée, elle menaçait les gens avec une arme à feu, pour leur prendre leur voiture. Il lui est déjà arrivé auparavant de poignarder des personnes... et pourtant, cette jeune femme est lumineuse, malgré son désespoir. Elle fait partie de celles qui considèrent cette prison comme un havre de paix, faute de mieux. Un peu plus tard dans le film, on découvre qu'elle tient un journal intime (dans lequel le père est surnommé "Supplice"...), qu'elle illustre de ses dessins. Elle passe tellement bien à la caméra qu'elle pourrait être actrice. Mais, parfois, quand elle ne voit pas le bout du tunnel, elle craque, comme une enfant.
Toutes ces jeunes femmes sont touchantes, chacune dans son style. Il y a la rebelle, qui ne porte pas le voile, se fout de la religion... et joue la comédie au tribunal. Il y a celle qui a connu une histoire d'amour avec un pauvre type et qui s'empare du micro-perche pour chanter à tue-tête. Il y a plusieurs jeunes mères qui se désespèrent de ne pas revoir leurs enfants. (L'une d'entre elles va gagner le droit de s'occuper de son nourrisson.) Il y a celle qui a tué son père, qui battait sa mère à coups de chaise. Il y a celle qui a fui le domicile familial, après avoir été violée par un oncle (supposé très pieux), le même qui avait abusé de sa sœur aînée. Une autre, droguée sévère, battait sa mère. Quant elles n'ont pas subi de violence dans le cercle familial, les jeunes femmes ont été rejetées par leurs proches, pour des raisons diverses.
A l'arrière-plan, on perçoit les efforts des travailleurs sociaux, qui tentent de démêler le vrai du faux dans les déclarations des uns et des autres, et qui ont pour objectif principal de réinsérer les détenues, pour qu'elles retrouvent une ambiance familiale (au besoin auprès de grands-parents, quand les géniteurs sont défaillants). C'est donc, au-delà du cas des adolescentes, un portrait de société que nous offre ce film. C'est à la fois une tranche de vie iranienne (qui montre les ravages de la drogue et les problèmes sociaux) et une œuvre à portée universelle, tant les difficultés évoquées ne sont pas inconnues des autres pays.
Les rares visites que reçoivent les jeunes femmes revêtent une importance capitale, tout comme les coups de fil autorisés sous la surveillance d'un agent de la prison. Au quotidien, elles sont rassemblées dans un dortoir, où elles disposent d'une chaîne hi-fi et de la télévision. Cette prison-refuge semble adepte de méthodes ouvertes concernant le traitement des délinquantes. On les informe à propos du sida. On les initie au maniement des marionnettes (qui vont faciliter leur prise de parole, avec la distanciation nécessaire)... et on leur impose le culte hebdomadaire, avec un imam qui débat avec elles de sujets de société... sans trop de succès, apparemment. On en voit aussi plusieurs lire... ô surprise !... des bandes dessinées : les aventures de Tintin et Milou !
Dans la seconde partie du documentaire, le ton se fait plus optimiste, avec le cas d'une fugueuse qui va se réconcilier avec sa famille et ceux d'autres détenues qui trouvent une porte de sortie. Celles qui restent sont autorisées à préparer une fête pour le nouvel an persan, avec des tapis d'occasion, des décorations... et de la musique dance ou techno !
Ce court documentaire (1h15) est une fabuleuse pépite, à saisir si elle passe près de chez vous.
00:41 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Des Rêves sans étoiles
Ce documentaire iranien suit un groupe d'adolescentes et de jeunes femmes, âgées de 15 à 20 ans environ, toutes incarcérées dans une prison spéciale, sorte de refuge carcéral où sont envoyées les jeunes délinquantes et les fugueuses. Il a sans doute été tourné il y a plusieurs années puisque, la seule fois que l'on voit les héroïnes parler politique, elles mentionnent le président Mahmoud Ahmadinejad, en poste de 2005 à 2013.
On commence avec du lourd. La première que l'on voit à l'écran a été mariée de force à 14 ans et a eu son premier enfant à 15. Âgée de 17 ans au moment du tournage, elle n'a pas revu son enfant depuis 7 mois. Elle était sous la tutelle d'un oncle, drogué et trafiquant, qui l'a forcée à participer à son "commerce". Elle n'avait pas de soutien à attendre de sa mère, elle-même droguée, qui n'hésitait pas à battre sa fille... voire à la brûler au réchaud à gaz.
L'histoire de l'une des suivantes (Khatereh) n'est pas plus réjouissante. Elle a été violée par son père (me semble-t-il) et, rejetée par sa famille, s'est retrouvée à la rue, où elle est devenue une voleuse. Lorsqu'elle a été arrêtée, elle menaçait les gens avec une arme à feu, pour leur prendre leur voiture. Il lui est déjà arrivé auparavant de poignarder des personnes... et pourtant, cette jeune femme est lumineuse, malgré son désespoir. Elle fait partie de celles qui considèrent cette prison comme un havre de paix, faute de mieux. Un peu plus tard dans le film, on découvre qu'elle tient un journal intime (dans lequel le père est surnommé "Supplice"...), qu'elle illustre de ses dessins. Elle passe tellement bien à la caméra qu'elle pourrait être actrice. Mais, parfois, quand elle ne voit pas le bout du tunnel, elle craque, comme une enfant.
Toutes ces jeunes femmes sont touchantes, chacune dans son style. Il y a la rebelle, qui ne porte pas le voile, se fout de la religion... et joue la comédie au tribunal. Il y a celle qui a connu une histoire d'amour avec un pauvre type et qui s'empare du micro-perche pour chanter à tue-tête. Il y a plusieurs jeunes mères qui se désespèrent de ne pas revoir leurs enfants. (L'une d'entre elles va gagner le droit de s'occuper de son nourrisson.) Il y a celle qui a tué son père, qui battait sa mère à coups de chaise. Il y a celle qui a fui le domicile familial, après avoir été violée par un oncle (supposé très pieux), le même qui avait abusé de sa sœur aînée. Une autre, droguée sévère, battait sa mère. Quant elles n'ont pas subi de violence dans le cercle familial, les jeunes femmes ont été rejetées par leurs proches, pour des raisons diverses.
A l'arrière-plan, on perçoit les efforts des travailleurs sociaux, qui tentent de démêler le vrai du faux dans les déclarations des uns et des autres, et qui ont pour objectif principal de réinsérer les détenues, pour qu'elles retrouvent une ambiance familiale (au besoin auprès de grands-parents, quand les géniteurs sont défaillants). C'est donc, au-delà du cas des adolescentes, un portrait de société que nous offre ce film. C'est à la fois une tranche de vie iranienne (qui montre les ravages de la drogue et les problèmes sociaux) et une œuvre à portée universelle, tant les difficultés évoquées ne sont pas inconnues des autres pays.
Les rares visites que reçoivent les jeunes femmes revêtent une importance capitale, tout comme les coups de fil autorisés sous la surveillance d'un agent de la prison. Au quotidien, elles sont rassemblées dans un dortoir, où elles disposent d'une chaîne hi-fi et de la télévision. Cette prison-refuge semble adepte de méthodes ouvertes concernant le traitement des délinquantes. On les informe à propos du sida. On les initie au maniement des marionnettes (qui vont faciliter leur prise de parole, avec la distanciation nécessaire)... et on leur impose le culte hebdomadaire, avec un imam qui débat avec elles de sujets de société... sans trop de succès, apparemment. On en voit aussi plusieurs lire... ô surprise !... des bandes dessinées : les aventures de Tintin et Milou !
Dans la seconde partie du documentaire, le ton se fait plus optimiste, avec le cas d'une fugueuse qui va se réconcilier avec sa famille et ceux d'autres détenues qui trouvent une porte de sortie. Celles qui restent sont autorisées à préparer une fête pour le nouvel an persan, avec des tapis d'occasion, des décorations... et de la musique dance ou techno !
Ce court documentaire (1h15) est une fabuleuse pépite, à saisir si elle passe près de chez vous.
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mercredi, 25 octobre 2017
Barry Seal
C'est l'histoire d'un mec, pilote doué, qui s'ennuyait à convoyer des civils dans des avions de ligne, à l'intérieur des Etats-Unis. L'occasion lui est donnée de travailler dans l'intérêt de son pays... et de se faire un max de blé. Le tout n'est pas sans risques, mais, comme le jeune homme est à la recherche de sensations fortes, il ne va pas trop se faire prier.
Tordant quelque peu la réalité des faits, l'intrigue mêle trafic de drogue, lutte anti-communiste et jeux politiques washingtoniens, pour déboucher sur un film d'action drôle et rythmé, presque complètement immoral, mais qui a le mérite de mettre à jour certains aspects de l'interventionnisme états-unien en Amérique latine, au début des années 1980.
Tom Cruise (qui n'en finit plus de rajeunir) incarne avec fougue le jeune pilote qui rêve d'une vie moins conventionnelle. Attention toutefois : s'il va enfreindre quantité de lois, il reste fidèle à son épouse bien aimée (qu'il couvre de cadeaux) et, quand il s'éclate, il boit de l'alcool mais ne consomme pas de cocaïne. C'est qu'il fallait un héros positif à cette histoire remplie de crapules. (Dans la réalité, si Barry Seal était bien un pilote doué -mais pas aussi beau gosse que Cruise, c'était un type foncièrement malhonnête, qui n'a pas eu besoin des agences gouvernementales pour tomber du côté obscur du commerce de marchandises... et sa vie privée fut plus chaotique que ce qui nous est dit.)
Mais, bon, tout cela nous est présenté de manière humoristique, dans un habillage vintage. Ce n'est pas sans rappeler le récent Infiltrator, qui traite d'un sujet très proche. L'un des atouts du film est le choix des retours en arrière, commentés par le "héros". Cela donne davantage de recul à l'histoire.
Celle-ci est drôle parce qu'on y croise une brochette de pieds-nickelés qui vont considérablement s'enrichir en profitant du contexte de Guerre froide. La description de la corruption politique en Amérique centrale vaut aussi son pesant de cacahuètes. Quant aux Contras nicaraguayens, ils sont un peu facilement réduits à une bande de désoeuvrés, surtout attirés par les lunettes de soleil, le whisky et les revues porno que Barry Seal leur apporte pour les amadouer. Ah, le Rêve américain...
Toutes ces facilités passent parce que c'est bien mis en scène. Le réalisateur Doug Liman n'est d'ailleurs pas un inconnu : on lui doit, entre autres, La Mémoire dans la peau et Edge of tomorrow (avec Tom Cruise). Les avions sont très bien filmés... et c'est important, au vu du rôle qu'ils jouent dans l'intrigue. (Dans la réalité comme dans la fiction, ce fut parfois très limite.) J'ai aussi aimé les scènes qui montrent la problématique accumulation de pognon (illégal), qu'on cherche à stocker par tous les moyens possibles (après en avoir déjà beaucoup dépensé). Le réalisateur (tout comme le trafiquant) sait aussi jouer avec les cabines téléphoniques publiques, dont les appels sont à l'époque intraçables. L'un des moments les plus drôles reste celui d'un atterrissage forcé de Barry, qui finit couvert de poudre, dans un quartier défavorisé, s'enfuyant sur un vélo trop petit pour lui !
Voilà. C'est techniquement très bien fait. Mais les aspects négatifs des activités du héros sont atténués voire passés sous silence. On ne nous dit rien des ravages causés par la drogue et on n'a qu'un petit aperçu de la violence dont les trafiquants colombiens étaient capables.
PS
L'histoire se déroule sous les présidences de Jimmy Carter et Ronald Reagan. Mais l'on entend et aperçoit trois autres (futurs) présidents. Ainsi, la procureure de l'Arkansas reçoit un coup de téléphone du gouverneur de l'époque, un certain... Bill Clinton. De son côté, Barry, quand il se retrouve à la Maison Blanche, discute brièvement avec un jeune homme qui lui dit avoir été pilote dans la Garde nationale. Très vite, "Junior" est prié d'entrer dans un bureau, dont on devine qu'il s'agit de celui du vice-président de l'époque, George Bush, son père, accessoirement ancien chef de la CIA et coordonnateur de la lutte anti-drogue...
13:17 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Barry Seal
C'est l'histoire d'un mec, pilote doué, qui s'ennuyait à convoyer des civils dans des avions de ligne, à l'intérieur des Etats-Unis. L'occasion lui est donnée de travailler dans l'intérêt de son pays... et de se faire un max de blé. Le tout n'est pas sans risques, mais, comme le jeune homme est à la recherche de sensations fortes, il ne va pas trop se faire prier.
Tordant quelque peu la réalité des faits, l'intrigue mêle trafic de drogue, lutte anti-communiste et jeux politiques washingtoniens, pour déboucher sur un film d'action drôle et rythmé, presque complètement immoral, mais qui a le mérite de mettre à jour certains aspects de l'interventionnisme états-unien en Amérique latine, au début des années 1980.
Tom Cruise (qui n'en finit plus de rajeunir) incarne avec fougue le jeune pilote qui rêve d'une vie moins conventionnelle. Attention toutefois : s'il va enfreindre quantité de lois, il reste fidèle à son épouse bien aimée (qu'il couvre de cadeaux) et, quand il s'éclate, il boit de l'alcool mais ne consomme pas de cocaïne. C'est qu'il fallait un héros positif à cette histoire remplie de crapules. (Dans la réalité, si Barry Seal était bien un pilote doué -mais pas aussi beau gosse que Cruise, c'était un type foncièrement malhonnête, qui n'a pas eu besoin des agences gouvernementales pour tomber du côté obscur du commerce de marchandises... et sa vie privée fut plus chaotique que ce qui nous est dit.)
Mais, bon, tout cela nous est présenté de manière humoristique, dans un habillage vintage. Ce n'est pas sans rappeler le récent Infiltrator, qui traite d'un sujet très proche. L'un des atouts du film est le choix des retours en arrière, commentés par le "héros". Cela donne davantage de recul à l'histoire.
Celle-ci est drôle parce qu'on y croise une brochette de pieds-nickelés qui vont considérablement s'enrichir en profitant du contexte de Guerre froide. La description de la corruption politique en Amérique centrale vaut aussi son pesant de cacahuètes. Quant aux Contras nicaraguayens, ils sont un peu facilement réduits à une bande de désoeuvrés, surtout attirés par les lunettes de soleil, le whisky et les revues porno que Barry Seal leur apporte pour les amadouer. Ah, le Rêve américain...
Toutes ces facilités passent parce que c'est bien mis en scène. Le réalisateur Doug Liman n'est d'ailleurs pas un inconnu : on lui doit, entre autres, La Mémoire dans la peau et Edge of tomorrow (avec Tom Cruise). Les avions sont très bien filmés... et c'est important, au vu du rôle qu'ils jouent dans l'intrigue. (Dans la réalité comme dans la fiction, ce fut parfois très limite.) J'ai aussi aimé les scènes qui montrent la problématique accumulation de pognon (illégal), qu'on cherche à stocker par tous les moyens possibles (après en avoir déjà beaucoup dépensé). Le réalisateur (tout comme le trafiquant) sait aussi jouer avec les cabines téléphoniques publiques, dont les appels sont à l'époque intraçables. L'un des moments les plus drôles reste celui d'un atterrissage forcé de Barry, qui finit couvert de poudre, dans un quartier défavorisé, s'enfuyant sur un vélo trop petit pour lui !
Voilà. C'est techniquement très bien fait. Mais les aspects négatifs des activités du héros sont atténués voire passés sous silence. On ne nous dit rien des ravages causés par la drogue et on n'a qu'un petit aperçu de la violence dont les trafiquants colombiens étaient capables.
PS
L'histoire se déroule sous les présidences de Jimmy Carter et Ronald Reagan. Mais l'on entend et aperçoit trois autres (futurs) présidents. Ainsi, la procureure de l'Arkansas reçoit un coup de téléphone du gouverneur de l'époque, un certain... Bill Clinton. De son côté, Barry, quand il se retrouve à la Maison Blanche, discute brièvement avec un jeune homme qui lui dit avoir été pilote dans la Garde nationale. Très vite, "Junior" est prié d'entrer dans un bureau, dont on devine qu'il s'agit de celui du vice-président de l'époque, George Bush, son père, accessoirement ancien chef de la CIA et coordonnateur de la lutte anti-drogue...
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mardi, 24 octobre 2017
Les Oubliés
J'avais raté ce film à sa sortie. Il n'était resté qu'une semaine au programme à Rodez, en version française, à des horaires peu compatibles avec mon emploi du temps. Actuellement, il continue à tourner dans quelques cinémas et il est sorti en DVD.
Il raconte l'histoire vraie de soldats allemands (ici des adolescents mobilisés à la fin de la Seconde guerre mondiale), faits prisonniers et envoyés déminer les plages danoises, en 1945. C'est un type de sujet qu'on a évité d'aborder pendant des années : l'armée allemande ayant commis tant de crimes horribles, on n'a pas jugé utile de dénoncer le sort de ces jeunes soldats. Rappelons tout de même que ces mines avaient été posées par l'occupant allemand. Les gamins eux-mêmes avaient subi l'endoctrinement des Jeunesses hitlériennes... et il n'est pas impossible que certains d'entre eux fussent des fils de SS.
Le film pose la question de la responsabilité collective. Alors que les Danois, à l'image de tant de peuples européens, ont souffert à cause des Allemands pendant la guerre, devaient-ils le faire payer aux enfants de ces soldats ?
On leur a confié une tâche délicate et ultra-dangereuse. Ils n'ont reçu qu'une formation express, suffisante toutefois pour effectuer un travail basique, insuffisante quand ils se trouvent face à un dispositif plus élaboré... voire vicieux (une mine en cachant une autre).
Au départ, le sous-officier danois (Roland Møller, vu dans Hijacking, excellent) qui s'occupe d'eux se montre extrêmement dur, déversant sur eux sa haine des Allemands. Mais, petit à petit, il réalise que ce ne sont que des gamins et qu'on fait peser sur leurs épaules une charge qui n'est pas de leur âge. Au fur et à mesure que le temps passe, la petite troupe s'amenuise, amputée de ceux qui périssent dans une explosion. Notons que, si la mise en scène joue avec nos nerfs, elle ne tombe pas dans la facilité. Le réalisateur a voulu éviter que certains événements ne soient trop prévisibles. De la même manière, l'amélioration des relations entre le tuteur danois et la troupe de jeunes démineurs ne suit pas une courbe régulière. Il y a des hauts et des bas.
Je trouve que tous les acteurs sont bons, qu'ils incarnent les Allemands ou les Danois, les civils ou les militaires. Sur un sujet casse-gueule, le réalisateur a construit un film subtil, qui se conclut par un acte d'une grande humanité.
21:40 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Les Oubliés
J'avais raté ce film à sa sortie. Il n'était resté qu'une semaine au programme à Rodez, en version française, à des horaires peu compatibles avec mon emploi du temps. Actuellement, il continue à tourner dans quelques cinémas et il est sorti en DVD.
Il raconte l'histoire vraie de soldats allemands (ici des adolescents mobilisés à la fin de la Seconde guerre mondiale), faits prisonniers et envoyés déminer les plages danoises, en 1945. C'est un type de sujet qu'on a évité d'aborder pendant des années : l'armée allemande ayant commis tant de crimes horribles, on n'a pas jugé utile de dénoncer le sort de ces jeunes soldats. Rappelons tout de même que ces mines avaient été posées par l'occupant allemand. Les gamins eux-mêmes avaient subi l'endoctrinement des Jeunesses hitlériennes... et il n'est pas impossible que certains d'entre eux fussent des fils de SS.
Le film pose la question de la responsabilité collective. Alors que les Danois, à l'image de tant de peuples européens, ont souffert à cause des Allemands pendant la guerre, devaient-ils le faire payer aux enfants de ces soldats ?
On leur a confié une tâche délicate et ultra-dangereuse. Ils n'ont reçu qu'une formation express, suffisante toutefois pour effectuer un travail basique, insuffisante quand ils se trouvent face à un dispositif plus élaboré... voire vicieux (une mine en cachant une autre).
Au départ, le sous-officier danois (Roland Møller, vu dans Hijacking, excellent) qui s'occupe d'eux se montre extrêmement dur, déversant sur eux sa haine des Allemands. Mais, petit à petit, il réalise que ce ne sont que des gamins et qu'on fait peser sur leurs épaules une charge qui n'est pas de leur âge. Au fur et à mesure que le temps passe, la petite troupe s'amenuise, amputée de ceux qui périssent dans une explosion. Notons que, si la mise en scène joue avec nos nerfs, elle ne tombe pas dans la facilité. Le réalisateur a voulu éviter que certains événements ne soient trop prévisibles. De la même manière, l'amélioration des relations entre le tuteur danois et la troupe de jeunes démineurs ne suit pas une courbe régulière. Il y a des hauts et des bas.
Je trouve que tous les acteurs sont bons, qu'ils incarnent les Allemands ou les Danois, les civils ou les militaires. Sur un sujet casse-gueule, le réalisateur a construit un film subtil, qui se conclut par un acte d'une grande humanité.
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Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
C'est le titre original (traduit) du roman qui a inspiré le film Blade Runner. Je ne sais plus si je l'avais déjà lu. En tout cas, il ne faisait pas partie de ma bibliothèque. La récente sortie (au cinéma) de la suite, Blade Runner 2049, m'a donné envie de me (re)plonger dans l'oeuvre de Philip K. Dick.
Le livre a d'ailleurs été récemment réédité en collection de poche. Je note que, bien que J'ai lu soit une filiale de Flammarion (maison d'édition française), elle-même intégrée au groupe Madrigall (une holding contrôlée par Gallimard), l'exemplaire que j'ai acheté en librairie a été imprimé... en Slovaquie.
Mais revenons au roman. A sa lecture, on constate que Ridley Scott y a apporté de nombreux changements que, grosso modo, j'approuve. Ils ont contribué à rendre le film plus romantique et plus poétique que l'oeuvre d'origine, qui est noire voire empreinte de désespoir. (Et je ne parle pas de l'ambiance visuelle, ni de la musique de Vangelis, qui n'ont pas peu contribué au succès du film.)
Dans le roman, Rick Deckard est marié... et pas très heureux en ménage. Tout cet aspect de sa vie quotidienne a été gommé, pour mettre l'accent sur sa rencontre avec Rachael, qui est moins romantique que dans le film.
De manière générale, les "réplicants" sont présentés comme plus froids que dans le film, où Scott a insisté sur leur part d'humanité. Question spectacle, leur chasse par Deckard comporte plus de péripéties que dans l'oeuvre de Dick, à part un épisode, qui a été exclu de l'adaptation : Deckard se fait arrêter par d'autres policiers, certains étant des humains, d'autres des "réplicants". Les scénaristes ont préféré resserrer l'intrigue, mais sans négliger complètement le matériau de départ, qui introduit le doute quant à la nature même de Deckard.
Un autre élément du fond du roman a disparu au moment de l'adaptation : l'aspect religieux, avec le mercérisme, sorte de doctrine officielle, propagée par la télévision et qui sert en quelque sorte d'opium du peuple (en complément des drogues autorisées, que les habitants de la Terre s'auto-administrent). Ce n'est pas qu'un décorum, puisque, vers la fin, un événement surnaturel sauve la mise à Deckard, qui n'était pas censé survivre à la traque des trois derniers "réplicants" en fuite.
Quant au contexte post-apocalyptique (nucléaire), il est utilisé dans la suite se déroulant trente ans plus tard... en fait trente ans après le premier film, le roman (écrit dans les années 1960) situant l'action en 1992. De ce point de vue, c'est bien une oeuvre de Guerre froide, qui imagine que tôt ou tard, la rivalité entre les deux Blocs va dégénérer. (Le roman a été écrit quelques années après la crise de Cuba de 1962.) Mais, en 1966, Philip K. Dick voit encore des policiers soviétiques en 1992...
Toutes ces différences rendent le roman encore plus passionnant à lire. Je l'ai dévoré presque d'une traite. Dans l'édition que j'ai eue entre les mains se trouve une postface, qui donne quelques éléments d'explication et des informations inédites. Sachez que les producteurs du film voulaient au départ que Dick réécrive son roman, en fasse l'équivalent d'une novélisation qui aurait remplacé l'oeuvre originale. L'écrivain a refusé, ce qui a conduit à l'embauche de scénaristes pour reformater l'intrigue, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
12:23 Publié dans Cinéma, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, littérature, cinéma, film, cinema, films
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
C'est le titre original (traduit) du roman qui a inspiré le film Blade Runner. Je ne sais plus si je l'avais déjà lu. En tout cas, il ne faisait pas partie de ma bibliothèque. La récente sortie (au cinéma) de la suite, Blade Runner 2049, m'a donné envie de me (re)plonger dans l'oeuvre de Philip K. Dick.
Le livre a d'ailleurs été récemment réédité en collection de poche. Je note que, bien que J'ai lu soit une filiale de Flammarion (maison d'édition française), elle-même intégrée au groupe Madrigall (une holding contrôlée par Gallimard), l'exemplaire que j'ai acheté en librairie a été imprimé... en Slovaquie.
Mais revenons au roman. A sa lecture, on constate que Ridley Scott y a apporté de nombreux changements que, grosso modo, j'approuve. Ils ont contribué à rendre le film plus romantique et plus poétique que l'oeuvre d'origine, qui est noire voire empreinte de désespoir. (Et je ne parle pas de l'ambiance visuelle, ni de la musique de Vangelis, qui n'ont pas peu contribué au succès du film.)
Dans le roman, Rick Deckard est marié... et pas très heureux en ménage. Tout cet aspect de sa vie quotidienne a été gommé, pour mettre l'accent sur sa rencontre avec Rachael, qui est moins romantique que dans le film.
De manière générale, les "réplicants" sont présentés comme plus froids que dans le film, où Scott a insisté sur leur part d'humanité. Question spectacle, leur chasse par Deckard comporte plus de péripéties que dans l'oeuvre de Dick, à part un épisode, qui a été exclu de l'adaptation : Deckard se fait arrêter par d'autres policiers, certains étant des humains, d'autres des "réplicants". Les scénaristes ont préféré resserrer l'intrigue, mais sans négliger complètement le matériau de départ, qui introduit le doute quant à la nature même de Deckard.
Un autre élément du fond du roman a disparu au moment de l'adaptation : l'aspect religieux, avec le mercérisme, sorte de doctrine officielle, propagée par la télévision et qui sert en quelque sorte d'opium du peuple (en complément des drogues autorisées, que les habitants de la Terre s'auto-administrent). Ce n'est pas qu'un décorum, puisque, vers la fin, un événement surnaturel sauve la mise à Deckard, qui n'était pas censé survivre à la traque des trois derniers "réplicants" en fuite.
Quant au contexte post-apocalyptique (nucléaire), il est utilisé dans la suite se déroulant trente ans plus tard... en fait trente ans après le premier film, le roman (écrit dans les années 1960) situant l'action en 1992. De ce point de vue, c'est bien une oeuvre de Guerre froide, qui imagine que tôt ou tard, la rivalité entre les deux Blocs va dégénérer. (Le roman a été écrit quelques années après la crise de Cuba de 1962.) Mais, en 1966, Philip K. Dick voit encore des policiers soviétiques en 1992...
Toutes ces différences rendent le roman encore plus passionnant à lire. Je l'ai dévoré presque d'une traite. Dans l'édition que j'ai eue entre les mains se trouve une postface, qui donne quelques éléments d'explication et des informations inédites. Sachez que les producteurs du film voulaient au départ que Dick réécrive son roman, en fasse l'équivalent d'une novélisation qui aurait remplacé l'oeuvre originale. L'écrivain a refusé, ce qui a conduit à l'embauche de scénaristes pour reformater l'intrigue, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
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lundi, 23 octobre 2017
Kingsman : Le Cercle d'or
Le premier opus (sorti il y a deux ans et demi) était plutôt divertissant. On se demande néanmoins ce qui pouvait justifier une suite (à part tenter d'amasser encore plus de pognon, bien sûr). Le début m'a quand même mis dans de bonnes dispositions, avec une séquence totalement hallucinante de baston en voiture. Ces 5-10 minutes de folie justifient peut-être à elles seules la vision du film. Le problème est qu'il s'agit de la meilleure séquence. Après ça, il reste donc encore plus de deux heures à s'enquiller...
Ne soyons pas trop sévères : on nous ménage d'autres moments de bravoure, notamment quand un cowboy prend les choses en mains dans un bar glauque du Kentucky, ou quand un vol d'antidote dégénère en téléphérique fou... un épisode qui se conclut de manière proprement merdique !!! Je signale aussi la séquence qui voit les héros s'attaquer au refuge de la méchante de l'histoire (Julianne Moore, qui fait le job, sans brio mais sans déshonneur). On peut compléter par le combat final, qui oppose deux personnages à un adversaire plutôt inattendu. On notera au passage la contribution d'Elton John, ridiculisé au début de l'histoire, mais à qui la production permet par la suite de prendre sa revanche.
Sur le fond, il s'agit pour nos héros de contrer un cartel de la drogue très vilain et très puissant... et de se méfier d'un président des Etats-Unis odieux. (Eh oui, c'est un film engagé !) Dans un premier temps, les espions britanniques vont se faire damner le pion par les méchants. Ils vont avoir besoin de l'aide de leurs "cousins" d'Amérique, membres d'une succursale qui fonde sa richesse sur la production de... whisky ! Le deuxième tiers de l'intrigue nous met en contact avec ces agents totalement décomplexés, arrogants sur les bords... et pas très attirés par les méthodes subtiles. Comme ce sont nos amis britanniques qui sont aux commandes, de petites piques sont régulièrement lancées en direction des alliés yankees, dont on sous-entend qu'ils sont des dragueurs pitoyables (dotés de surcroît d'un petit pénis) et d'incurables profiteurs, mus principalement par l'appât du gain. Autant de considérations susceptibles de séduire les spectateurs français...
Le problème est qu'entre les scènes d'action (réussies) que j'ai signalées plus haut, on s'ennuie ferme. J'ai plusieurs fois regardé ma montre et esquissé un bâillement ou deux. Si la production d'un troisième épisode se confirme (ce qui est sous-entendu par la conclusion de l'intrigue), il va falloir resserrer tout ça.
23:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Kingsman : Le Cercle d'or
Le premier opus (sorti il y a deux ans et demi) était plutôt divertissant. On se demande néanmoins ce qui pouvait justifier une suite (à part tenter d'amasser encore plus de pognon, bien sûr). Le début m'a quand même mis dans de bonnes dispositions, avec une séquence totalement hallucinante de baston en voiture. Ces 5-10 minutes de folie justifient peut-être à elles seules la vision du film. Le problème est qu'il s'agit de la meilleure séquence. Après ça, il reste donc encore plus de deux heures à s'enquiller...
Ne soyons pas trop sévères : on nous ménage d'autres moments de bravoure, notamment quand un cowboy prend les choses en mains dans un bar glauque du Kentucky, ou quand un vol d'antidote dégénère en téléphérique fou... un épisode qui se conclut de manière proprement merdique !!! Je signale aussi la séquence qui voit les héros s'attaquer au refuge de la méchante de l'histoire (Julianne Moore, qui fait le job, sans brio mais sans déshonneur). On peut compléter par le combat final, qui oppose deux personnages à un adversaire plutôt inattendu. On notera au passage la contribution d'Elton John, ridiculisé au début de l'histoire, mais à qui la production permet par la suite de prendre sa revanche.
Sur le fond, il s'agit pour nos héros de contrer un cartel de la drogue très vilain et très puissant... et de se méfier d'un président des Etats-Unis odieux. (Eh oui, c'est un film engagé !) Dans un premier temps, les espions britanniques vont se faire damner le pion par les méchants. Ils vont avoir besoin de l'aide de leurs "cousins" d'Amérique, membres d'une succursale qui fonde sa richesse sur la production de... whisky ! Le deuxième tiers de l'intrigue nous met en contact avec ces agents totalement décomplexés, arrogants sur les bords... et pas très attirés par les méthodes subtiles. Comme ce sont nos amis britanniques qui sont aux commandes, de petites piques sont régulièrement lancées en direction des alliés yankees, dont on sous-entend qu'ils sont des dragueurs pitoyables (dotés de surcroît d'un petit pénis) et d'incurables profiteurs, mus principalement par l'appât du gain. Autant de considérations susceptibles de séduire les spectateurs français...
Le problème est qu'entre les scènes d'action (réussies) que j'ai signalées plus haut, on s'ennuie ferme. J'ai plusieurs fois regardé ma montre et esquissé un bâillement ou deux. Si la production d'un troisième épisode se confirme (ce qui est sous-entendu par la conclusion de l'intrigue), il va falloir resserrer tout ça.
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dimanche, 22 octobre 2017
Blade Runner 2049
J'ai hésité avant de me décider à aller voir cette suite. C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'un de mes films-cultes est "retouché" (Ghost in the Shell) ou gratifié d'une suite. J'avais d'autant plus d'appréhension que c'est à Denis Villeneuve qu'on a confié la tâche délicate de succéder à Ridley Scott. Je trouve que ce réalisateur a beaucoup de talent, mais sa première incursion dans le genre de la science-fiction (Premier Contact) ne m'a pas convaincu.
Honnêtement, le boulot est bien fait. Villeneuve et son (abondante) équipe ont réussi à se couler dans l'univers graphique créé par Ridley Scott, en y apportant leur touche, qui se justifie d'autant plus que l'action se déroule des années après le premier film. Les séquences du début sont de toute beauté.
On peut y ajouter plusieurs références explicites à l’œuvre de l'auguste devancier. Le héros K (Ryan Gosling, très bon) rencontre une réplicante d'élite avec laquelle on sent que cela pourrait "accrocher" (comme entre Rachel et Deckard). Sur sa route, il croise une autre réplicante, une prostituée dont la tenue et le comportement ne sont pas sans évoquer Pris (interprétée par Daryl Hannah, dans le premier opus).
En fait, ce personnage a été dédoublé, donnant naissance aux deux femmes précédemment citées. Autre retour à l'écran, celui de l'ancien collègue de Deckard, le passionné d'origami, dans une courte scène correctement troussée. Et puis il y a cette autopsie numérique, dont la mise en scène rappelle les interrogatoires menés jadis par Deckard... interrogatoires dont on nous propose quelques extraits audio. La musique aussi est pleine de réminiscences "vangélisiennes". (Je suis d'ailleurs en train d'écouter le CD de la BO.) Un morceau du premier film est même repris note pour note, à la fin, dans une scène qui fait écho à l'un des plus beaux moments de l’œuvre de Ridley Scott
Villeneuve a quand même eu l'opportunité d'apposer sa patte, d'autant qu'il a pu s'appuyer sur un scénario bien charpenté. En clair : on a permis au créatif de s'exprimer, sans pour autant lui autoriser n'importe quoi. La meilleure trouvaille est peut-être cette assistante numérique qui fait office de femme au foyer. Au départ, son image est hyper-traditionnelle, misogyne même. Elle va se révéler très utile au héros et forme avec lui un couple inhabituel, furieusement romantique... qui n'est pas sans rappeler ce qu'on a vu dans Her.
C'est l'occasion d'évoquer la place des personnages féminins. Ils sont assez développés... et toujours incarnés par des femmes au physique très avantageux, dont on ne nous laisse guère ignorer de détails. C'est le côté "film de mecs" (hétérosexuels), avec nudité (au moins partielle) obligatoire pour certaines actrices, sans que cela se justifie pleinement. Dans le rôle de l'assistante numérique, il y a Ana de Armas (déjà vue dans War Dogs), qui arrive de temps à autre à sortir du statut de femme-objet :
Mais le personnage le plus marquant est celui de la "méchante" de l'histoire, Luv (Sylvia Hoeks, très convaincante, un peu dans le style de Sofia Boutella dans Kingsman), l'une des rares réplicantes de nouvelle génération à avoir reçu un nom.
C'est à la fois une rivale et une partenaire potentielle du héros, qui lui sauve la mise au cours d'une embuscade, à distance, à l'aide de drones commandés à la voix et au scanner rétinien. La séquence est bluffante. Soulignons aussi la bonne prestation de Robin Wright, la patronne de K, qui, à un moment, est tentée de se la jouer cougar avec son employé modèle. (Je trouve quand même un peu gros que toutes les femmes canons tombent sous le charme du héros ! On est au XXIe siècle, merde !)
Du côté masculin, force est de constater qu'on n'a pas laissé beaucoup d'espace autour de Ryan Gosling. Seul Harrison Ford parvient à exister. Jared Leto, sorte de milliardaire de la nouvelle économie qui se prend pour un nouveau Dieu tout-puissant, m'a laissé une impression médiocre. Et que dire des considérations pseudo-philosophiques, le pire survenant dans une scène putassière, qui voit Niander Wallace triturer son nouveau "produit". C'est inutilement grandiloquent et voyeuriste.
Quoi qu'il en soit, le meilleur atout de ce film est sans doute ses effets spéciaux. C'est à la fois beau et emballant du point de vue de la mise en scène. Les décors sont vraiment réussis, y compris dans des scènes plus anodines, comme celles qui se déroulent dans un orphelinat installé dans un ancien complexe industriel.
L'intrigue recèle quelques mystères, qu'un spectateur averti décryptera sans trop de problème. La première partie de l'histoire nous incite gentiment à croire quelque chose concernant le passé de K. Mais, pour qui sait voir et écouter, sa rencontre avec un personnage inattendu donne déjà les clés pour comprendre de quoi il retourne. Cela n'enlève rien au plaisir de la découverte de la suite. On attendait la rencontre K-Deckard avec impatience et Villeneuve ne déçoit pas : il la traite de manière surprenante... et en introduisant un troisième intervenant, du genre poilu sur quatre pattes (et qui aime le whisky !).
La dernière partie de l'intrigue reprend la trame policière, avec une séquence achment bien foutue dans l'eau, comme une réponse au combat du premier Blade Runner, qui s'achève sous la pluie. On se demande longtemps comment le scénariste a décidé de conclure l'histoire. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a matière à une suite...
PS
Sur le fond, ce film se démarque légèrement du premier, en tentant de le prolonger. Chez Ridley Scott (et Philip K Dick), c'est la capacité à aimer qui fait l'humain. Villeneuve ajoute la capacité à enfanter, qui semble prendre le dessus. Je trouve cela un peu restrictif... et pas forcément juste. (Cela ne distingue pas l'humain des autres mammifères.) La faculté de créer quelque chose et la conscience de soi me paraissent de meilleurs critères d'humanité.
18:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Blade Runner 2049
J'ai hésité avant de me décider à aller voir cette suite. C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'un de mes films-cultes est "retouché" (Ghost in the Shell) ou gratifié d'une suite. J'avais d'autant plus d'appréhension que c'est à Denis Villeneuve qu'on a confié la tâche délicate de succéder à Ridley Scott. Je trouve que ce réalisateur a beaucoup de talent, mais sa première incursion dans le genre de la science-fiction (Premier Contact) ne m'a pas convaincu.
Honnêtement, le boulot est bien fait. Villeneuve et son (abondante) équipe ont réussi à se couler dans l'univers graphique créé par Ridley Scott, en y apportant leur touche, qui se justifie d'autant plus que l'action se déroule des années après le premier film. Les séquences du début sont de toute beauté.
On peut y ajouter plusieurs références explicites à l’œuvre de l'auguste devancier. Le héros K (Ryan Gosling, très bon) rencontre une réplicante d'élite avec laquelle on sent que cela pourrait "accrocher" (comme entre Rachel et Deckard). Sur sa route, il croise une autre réplicante, une prostituée dont la tenue et le comportement ne sont pas sans évoquer Pris (interprétée par Daryl Hannah, dans le premier opus).
En fait, ce personnage a été dédoublé, donnant naissance aux deux femmes précédemment citées. Autre retour à l'écran, celui de l'ancien collègue de Deckard, le passionné d'origami, dans une courte scène correctement troussée. Et puis il y a cette autopsie numérique, dont la mise en scène rappelle les interrogatoires menés jadis par Deckard... interrogatoires dont on nous propose quelques extraits audio. La musique aussi est pleine de réminiscences "vangélisiennes". (Je suis d'ailleurs en train d'écouter le CD de la BO.) Un morceau du premier film est même repris note pour note, à la fin, dans une scène qui fait écho à l'un des plus beaux moments de l’œuvre de Ridley Scott
Villeneuve a quand même eu l'opportunité d'apposer sa patte, d'autant qu'il a pu s'appuyer sur un scénario bien charpenté. En clair : on a permis au créatif de s'exprimer, sans pour autant lui autoriser n'importe quoi. La meilleure trouvaille est peut-être cette assistante numérique qui fait office de femme au foyer. Au départ, son image est hyper-traditionnelle, misogyne même. Elle va se révéler très utile au héros et forme avec lui un couple inhabituel, furieusement romantique... qui n'est pas sans rappeler ce qu'on a vu dans Her.
C'est l'occasion d'évoquer la place des personnages féminins. Ils sont assez développés... et toujours incarnés par des femmes au physique très avantageux, dont on ne nous laisse guère ignorer de détails. C'est le côté "film de mecs" (hétérosexuels), avec nudité (au moins partielle) obligatoire pour certaines actrices, sans que cela se justifie pleinement. Dans le rôle de l'assistante numérique, il y a Ana de Armas (déjà vue dans War Dogs), qui arrive de temps à autre à sortir du statut de femme-objet :
Mais le personnage le plus marquant est celui de la "méchante" de l'histoire, Luv (Sylvia Hoeks, très convaincante, un peu dans le style de Sofia Boutella dans Kingsman), l'une des rares réplicantes de nouvelle génération à avoir reçu un nom.
C'est à la fois une rivale et une partenaire potentielle du héros, qui lui sauve la mise au cours d'une embuscade, à distance, à l'aide de drones commandés à la voix et au scanner rétinien. La séquence est bluffante. Soulignons aussi la bonne prestation de Robin Wright, la patronne de K, qui, à un moment, est tentée de se la jouer cougar avec son employé modèle. (Je trouve quand même un peu gros que toutes les femmes canons tombent sous le charme du héros ! On est au XXIe siècle, merde !)
Du côté masculin, force est de constater qu'on n'a pas laissé beaucoup d'espace autour de Ryan Gosling. Seul Harrison Ford parvient à exister. Jared Leto, sorte de milliardaire de la nouvelle économie qui se prend pour un nouveau Dieu tout-puissant, m'a laissé une impression médiocre. Et que dire des considérations pseudo-philosophiques, le pire survenant dans une scène putassière, qui voit Niander Wallace triturer son nouveau "produit". C'est inutilement grandiloquent et voyeuriste.
Quoi qu'il en soit, le meilleur atout de ce film est sans doute ses effets spéciaux. C'est à la fois beau et emballant du point de vue de la mise en scène. Les décors sont vraiment réussis, y compris dans des scènes plus anodines, comme celles qui se déroulent dans un orphelinat installé dans un ancien complexe industriel.
L'intrigue recèle quelques mystères, qu'un spectateur averti décryptera sans trop de problème. La première partie de l'histoire nous incite gentiment à croire quelque chose concernant le passé de K. Mais, pour qui sait voir et écouter, sa rencontre avec un personnage inattendu donne déjà les clés pour comprendre de quoi il retourne. Cela n'enlève rien au plaisir de la découverte de la suite. On attendait la rencontre K-Deckard avec impatience et Villeneuve ne déçoit pas : il la traite de manière surprenante... et en introduisant un troisième intervenant, du genre poilu sur quatre pattes (et qui aime le whisky !).
La dernière partie de l'intrigue reprend la trame policière, avec une séquence achment bien foutue dans l'eau, comme une réponse au combat du premier Blade Runner, qui s'achève sous la pluie. On se demande longtemps comment le scénariste a décidé de conclure l'histoire. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a matière à une suite...
PS
Sur le fond, ce film se démarque légèrement du premier, en tentant de le prolonger. Chez Ridley Scott (et Philip K Dick), c'est la capacité à aimer qui fait l'humain. Villeneuve ajoute la capacité à enfanter, qui semble prendre le dessus. Je trouve cela un peu restrictif... et pas forcément juste. (Cela ne distingue pas l'humain des autres mammifères.) La faculté de créer quelque chose et la conscience de soi me paraissent de meilleurs critères d'humanité.
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samedi, 21 octobre 2017
Une Famille syrienne
C'est à Beyrouth (dans le Liban voisin) qu'a été tournée cette fiction ayant pour cadre une ville syrienne touchée par la guerre. Ce pourrait être Alep, dans le nord-ouest du pays. Néanmoins, on ne saura pas à quelle communauté sont censés appartenir les héros : sont-ils chrétiens, chiites ou sunnites ? A observer le grand-père (qui manipule son chapelet musulman à côté de sa bibliothèque) et sa (belle-) fille (attentive à la pudeur mais ne portant pas le voile) on se dit qu'on a affaire à des sunnites modérés.
C'est sans doute une famille de la bourgeoisie alépine, qui possède un grand appartement en ville. Celui-ci sert de refuge à trois générations : le grand-père, le couple (dont on ne voit que l'épouse), leurs deux filles et un fils. S'ajoutent des voisins (deux jeunes adultes et leur bébé), le fils d'amis de la famille (qui en pince pour l'une des filles de l'héroïne) et l'employée de maison.
Cela nous donne un excellent huis-clos, tendu presque du début à la fin, où il est d'abord question de survie, mais aussi d'amour, d'honnêteté... et d'hygiène.
L'appartement en lui-même est un personnage de l'histoire. Le principal meuble est... la porte d'entrée, barricadée comme si ses occupants étaient paranoïaques. Mais, quand on a ne serait-ce qu'un aperçu de ce qu'il se passe à l'extérieur, on trouve cette barricade encore trop fragile...
A l'opposé, les fenêtres sont masquées par des rideaux occultants, le balcon étant protégé par une sorte de moucharabieh, le tout permettant de voir sans être vu. Situé au deuxième étage de l'immeuble, l'appartement semble relativement protégé d'une intrusion venue de la rue.
Le début est empreint de douceur, celle d'un matin calme. On nous fait découvrir les principaux protagonistes. J'ai été particulièrement touché par le jeune couple, en particulier la femme, une blonde incarnée par Diamand Bou Abboud (la révélation du film, pour moi). Vu les vêtements qu'elle porte, il est possible qu'on veuille sous-entendre que cette arabophone est d'origine russe. Clin d'oeil du réalisateur : dans la chambre qu'elle occupe avec son compagnon et leur bébé, les spectateurs attentifs remarqueront la présence d'une affiche (en russe) célébrant le cosmonaute Youri Gagarine. Comme c'est l'une des chambres de la famille qui les accueille, on peut présumer qu'elle révèle qu'un de ses membres a été communiste ou sympathisant, du temps où le pays, gouverné par Hafez el-Assad (le père de Bachar), était dans le camp soviétique.
C'est dire le soin qui a été apporté aux détails, dans ce petit film où l'ingéniosité compense largement la modestie des moyens.
Mais le personnage principal est une autre femme, l'épouse du combattant qu'on ne voit jamais, la mère des deux filles et du garçon, Oum Yazan. Elle a les traits de Hiam Abbass, une formidable actrice israélienne qu'on a pu voir il y a deux ans dans Dégradé. Faute de mari à la maison, elle devient la patronne, régissant la vie des occupants, ne reconnaissant que l'autorité morale du grand-père et pourrissant, si besoin est, le quotidien des enfants et de la bonne, si elle estime que leur comportement met en danger la survie du groupe.
C'est aussi une obsédée de la propreté, une gageure dans un contexte de pénurie d'eau. Cela nous vaut quelques moments cocasses quand il est question d'assouvir des besoins naturels. Passer derrière le grand-père n'est visiblement pas une partie de plaisir...
Ces pointes d'humour ne doivent pas faire oublier le drame dans lequel baigne l'histoire. Un événement traumatisant, survenu au début du film, va changer le comportement de certains personnages, qui vont tenter de garder un secret. Vers la fin du deuxième tiers, un nouvel événement traumatisant, d'un autre genre, fait basculer l'intrigue et va inciter certains personnages à tenter une sortie.
Je me garderai bien de révéler la fin, mais je peux vous dire que je suis sorti de là assez secoué.
PS
Le réalisateur, Philippe Van Leeuw, semble sensible à la cause des femmes. Il a, entre autres, été chef opérateur de Claire Denis sur le tournage des Bureaux de Dieu, il y a un peu moins de dix ans.
22:43 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Une Famille syrienne
C'est à Beyrouth (dans le Liban voisin) qu'a été tournée cette fiction ayant pour cadre une ville syrienne touchée par la guerre. Ce pourrait être Alep, dans le nord-ouest du pays. Néanmoins, on ne saura pas à quelle communauté sont censés appartenir les héros : sont-ils chrétiens, chiites ou sunnites ? A observer le grand-père (qui manipule son chapelet musulman à côté de sa bibliothèque) et sa (belle-) fille (attentive à la pudeur mais ne portant pas le voile) on se dit qu'on a affaire à des sunnites modérés.
C'est sans doute une famille de la bourgeoisie alépine, qui possède un grand appartement en ville. Celui-ci sert de refuge à trois générations : le grand-père, le couple (dont on ne voit que l'épouse), leurs deux filles et un fils. S'ajoutent des voisins (deux jeunes adultes et leur bébé), le fils d'amis de la famille (qui en pince pour l'une des filles de l'héroïne) et l'employée de maison.
Cela nous donne un excellent huis-clos, tendu presque du début à la fin, où il est d'abord question de survie, mais aussi d'amour, d'honnêteté... et d'hygiène.
L'appartement en lui-même est un personnage de l'histoire. Le principal meuble est... la porte d'entrée, barricadée comme si ses occupants étaient paranoïaques. Mais, quand on a ne serait-ce qu'un aperçu de ce qu'il se passe à l'extérieur, on trouve cette barricade encore trop fragile...
A l'opposé, les fenêtres sont masquées par des rideaux occultants, le balcon étant protégé par une sorte de moucharabieh, le tout permettant de voir sans être vu. Situé au deuxième étage de l'immeuble, l'appartement semble relativement protégé d'une intrusion venue de la rue.
Le début est empreint de douceur, celle d'un matin calme. On nous fait découvrir les principaux protagonistes. J'ai été particulièrement touché par le jeune couple, en particulier la femme, une blonde incarnée par Diamand Bou Abboud (la révélation du film, pour moi). Vu les vêtements qu'elle porte, il est possible qu'on veuille sous-entendre que cette arabophone est d'origine russe. Clin d'oeil du réalisateur : dans la chambre qu'elle occupe avec son compagnon et leur bébé, les spectateurs attentifs remarqueront la présence d'une affiche (en russe) célébrant le cosmonaute Youri Gagarine. Comme c'est l'une des chambres de la famille qui les accueille, on peut présumer qu'elle révèle qu'un de ses membres a été communiste ou sympathisant, du temps où le pays, gouverné par Hafez el-Assad (le père de Bachar), était dans le camp soviétique.
C'est dire le soin qui a été apporté aux détails, dans ce petit film où l'ingéniosité compense largement la modestie des moyens.
Mais le personnage principal est une autre femme, l'épouse du combattant qu'on ne voit jamais, la mère des deux filles et du garçon, Oum Yazan. Elle a les traits de Hiam Abbass, une formidable actrice israélienne qu'on a pu voir il y a deux ans dans Dégradé. Faute de mari à la maison, elle devient la patronne, régissant la vie des occupants, ne reconnaissant que l'autorité morale du grand-père et pourrissant, si besoin est, le quotidien des enfants et de la bonne, si elle estime que leur comportement met en danger la survie du groupe.
C'est aussi une obsédée de la propreté, une gageure dans un contexte de pénurie d'eau. Cela nous vaut quelques moments cocasses quand il est question d'assouvir des besoins naturels. Passer derrière le grand-père n'est visiblement pas une partie de plaisir...
Ces pointes d'humour ne doivent pas faire oublier le drame dans lequel baigne l'histoire. Un événement traumatisant, survenu au début du film, va changer le comportement de certains personnages, qui vont tenter de garder un secret. Vers la fin du deuxième tiers, un nouvel événement traumatisant, d'un autre genre, fait basculer l'intrigue et va inciter certains personnages à tenter une sortie.
Je me garderai bien de révéler la fin, mais je peux vous dire que je suis sorti de là assez secoué.
PS
Le réalisateur, Philippe Van Leeuw, semble sensible à la cause des femmes. Il a, entre autres, été chef opérateur de Claire Denis sur le tournage des Bureaux de Dieu, il y a un peu moins de dix ans.
22:43 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
The Square
Cela fait déjà un paquet d'années que je ne me rue plus avec gourmandise sur la palme d'or de l'année à Cannes. Le "Carré" primé en 2017 est à sens multiple. C'est bien entendu une figure géométrique qui, par certains aspects, peut exprimer la perfection ou l'égalité (moins que le cercle toutefois). C'est aussi, pour le réalisateur suédois, une allusion aux gated communities, ces quartiers fermés (urbains) qui sont apparus dans son pays après tant d'autres. Enfin, dans le film, c'est le titre d'une exposition d'art contemporain qui va susciter la polémique... et bouleverser la vie de certains personnages.
Le héros Christian (Claes Bang, impeccable) est presque une caricature de bobo. Conservateur du musée royal, il a de l'allant : très sûr de lui, plutôt bel homme, le style savamment négligé (barbe de trois jours, chemise avec deux boutons défaits... mais costume de prix et chaussures chics), il est présenté comme un type à la fois brillant et un peu puant. Au fur et à mesure que l'intrigue évolue, ses défauts ressortent.
Un incident qui se produit dans la rue, au début, va prendre des proportions insoupçonnées, sans doute à cause d'un pickpocket. Cela va notamment conduire Christian dans un quartier populaire, dont les habitants sont les anonymes de l'histoire (et de la vie publique en Suède, selon le réalisateur).
Le héros nous est aussi montré en Don Juan, un dragueur en vérité assez pathétique, pour qui le sexe est une sorte de gymnastique. Mais, lors de la scène de copulation, le meilleur arrive à la fin (après son orgasme à lui... mais pas celui de sa partenaire). Je ne dirai rien ici, mais sachez que la scène prend un tour boulevardier inattendu et fort plaisant. C'est dû aussi à la composition d'Elisabeth Moss (vue récemment dans Truth, l'étonnant Outsider et High Rise). Son personnage n'est pas particulièrement gâté par le début de cette scène, mais elle est délicatement resplendissante lors de sa rencontre avec le conservateur, une scène là encore piquante, puisqu'elle voit la jeune femme questionner Christian sur des propos abscons qu'il a tenus naguère et que lui-même peine à clairement expliquer. Il y a donc de la satire dans ce film, mais à la scandinave, de manière subreptice... et "à froid". (Je fais partie de ceux qui ont particulièrement goûté les conséquences de l'action d'un homme de ménage sur l'un des "dispositifs" de l'exposition, un de ces exemples de création prétentieuse et vide.)
Le tout est mis en scène de manière brillante. Les plans sont très bien construits. Chaque chose, chaque personne est à sa place. C'est aussi très bien éclairé. Comme le film est long (et le rythme peu soutenu), je me suis parfois amusé à rechercher des défauts dans certains plans. Franchement, tout est nickel... et c'est parfois brillant, comme ces vues de l'intérieur de l'appartement du conservateur, quand on finit par comprendre que l'on ne voit que le reflet de la scène sur une paroi vitrée... interne ! C'est d'un chic !
Le film a donc un aspect conceptuel. Au premier degré, il dénonce l'inadéquation entre les propos généreux tenus par les bobos suédois et leur mode de vie, qui évite soigneusement tout contact avec les pauvres, voire les instrumentalise, comme dans la campagne de publicité provocatrice ou comme lorsque Christian, à la recherche de ses filles perdues dans le centre commercial, redécouvre l'existence du mendiant qu'il avait auparavant rembarré... Certains de ces bobos ont d'ailleurs mauvaise conscience, puisqu'ils répugnent à exclure d'une conférence de presse un homme atteint du syndrome Gilles de La Tourette, alors qu'il leur pourrit la vie, certes involontairement. (En poussant l'analyse très loin, on pourrait affirmer aussi que leur mauvaise conscience les pousse à accepter l'inacceptable, sorte de préfiguration de la séquence-choc ultérieure.)
Au second degré, il me semble que le film tente d'illustrer certains des propos artistiques tenus par les personnages. Le tout début est une sorte de mise en abyme, avec cet ouvrier qui construit le carré de pavés qui va symboliser l'exposition dont il est exclu (alors que le carré est sensé être inclusif). Je pense aussi au questionnement concernant l’œuvre d'art, au surgissement incongru d'un objet (ou d'une personne, considérée comme un objet...) dans un lieu.
C'est dans cette optique qu'il faut considérer la "performance" de l'homme-singe (incarné par Terry Notary, qui fut Alpha, dans La Planète des singes : les origines, et Rocket dans les suites, L'Affrontement et Suprématie). A la base, il s'agit d'une création artistique, en liaison avec le thème de l'exposition, puisque cet homme incongru pénètre dans le "carré VIP" des bobos invités à l'inauguration. Pour les spectateurs attentifs, c'est le signe que quelque chose de sexuel (et lié au pouvoir) va se passer, comme la dernière fois qu'on a vu un gorille à l'écran (chez Anne). Je ne vais pas aller plus loin, mais le dérapage dans le dérapage est chargé sur le plan métaphorique : c'est l'expression de la revanche des riches, face à la peur que leur a inspirée le pauvre. Mais la séquence instille le malaise, en raison de son ambiguïté : qu'est-ce que le réalisateur est réellement en train de filmer ? Peter Greenaway et le Festen de Thomas Vinterberg ne sont pas loin.
Le film aurait dû s'arrêter là, au bout de deux heures. Malheureusement, on nous a rajouté un épilogue d'une vingtaine de minutes qui prend la forme d'un horrible prêchi-prêcha moralisateur... et d'une rédemption de l'un des personnages. C'est lourdingue et inutile. Cela n'enlève rien aux qualités qui précèdent, mais, du coup, je suis sorti de là moins enthousiaste que prévu.
11:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
The Square
Cela fait déjà un paquet d'années que je ne me rue plus avec gourmandise sur la palme d'or de l'année à Cannes. Le "Carré" primé en 2017 est à sens multiple. C'est bien entendu une figure géométrique qui, par certains aspects, peut exprimer la perfection ou l'égalité (moins que le cercle toutefois). C'est aussi, pour le réalisateur suédois, une allusion aux gated communities, ces quartiers fermés (urbains) qui sont apparus dans son pays après tant d'autres. Enfin, dans le film, c'est le titre d'une exposition d'art contemporain qui va susciter la polémique... et bouleverser la vie de certains personnages.
Le héros Christian (Claes Bang, impeccable) est presque une caricature de bobo. Conservateur du musée royal, il a de l'allant : très sûr de lui, plutôt bel homme, le style savamment négligé (barbe de trois jours, chemise avec deux boutons défaits... mais costume de prix et chaussures chics), il est présenté comme un type à la fois brillant et un peu puant. Au fur et à mesure que l'intrigue évolue, ses défauts ressortent.
Un incident qui se produit dans la rue, au début, va prendre des proportions insoupçonnées, sans doute à cause d'un pickpocket. Cela va notamment conduire Christian dans un quartier populaire, dont les habitants sont les anonymes de l'histoire (et de la vie publique en Suède, selon le réalisateur).
Le héros nous est aussi montré en Don Juan, un dragueur en vérité assez pathétique, pour qui le sexe est une sorte de gymnastique. Mais, lors de la scène de copulation, le meilleur arrive à la fin (après son orgasme à lui... mais pas celui de sa partenaire). Je ne dirai rien ici, mais sachez que la scène prend un tour boulevardier inattendu et fort plaisant. C'est dû aussi à la composition d'Elisabeth Moss (vue récemment dans Truth, l'étonnant Outsider et High Rise). Son personnage n'est pas particulièrement gâté par le début de cette scène, mais elle est délicatement resplendissante lors de sa rencontre avec le conservateur, une scène là encore piquante, puisqu'elle voit la jeune femme questionner Christian sur des propos abscons qu'il a tenus naguère et que lui-même peine à clairement expliquer. Il y a donc de la satire dans ce film, mais à la scandinave, de manière subreptice... et "à froid". (Je fais partie de ceux qui ont particulièrement goûté les conséquences de l'action d'un homme de ménage sur l'un des "dispositifs" de l'exposition, un de ces exemples de création prétentieuse et vide.)
Le tout est mis en scène de manière brillante. Les plans sont très bien construits. Chaque chose, chaque personne est à sa place. C'est aussi très bien éclairé. Comme le film est long (et le rythme peu soutenu), je me suis parfois amusé à rechercher des défauts dans certains plans. Franchement, tout est nickel... et c'est parfois brillant, comme ces vues de l'intérieur de l'appartement du conservateur, quand on finit par comprendre que l'on ne voit que le reflet de la scène sur une paroi vitrée... interne ! C'est d'un chic !
Le film a donc un aspect conceptuel. Au premier degré, il dénonce l'inadéquation entre les propos généreux tenus par les bobos suédois et leur mode de vie, qui évite soigneusement tout contact avec les pauvres, voire les instrumentalise, comme dans la campagne de publicité provocatrice ou comme lorsque Christian, à la recherche de ses filles perdues dans le centre commercial, redécouvre l'existence du mendiant qu'il avait auparavant rembarré... Certains de ces bobos ont d'ailleurs mauvaise conscience, puisqu'ils répugnent à exclure d'une conférence de presse un homme atteint du syndrome Gilles de La Tourette, alors qu'il leur pourrit la vie, certes involontairement. (En poussant l'analyse très loin, on pourrait affirmer aussi que leur mauvaise conscience les pousse à accepter l'inacceptable, sorte de préfiguration de la séquence-choc ultérieure.)
Au second degré, il me semble que le film tente d'illustrer certains des propos artistiques tenus par les personnages. Le tout début est une sorte de mise en abyme, avec cet ouvrier qui construit le carré de pavés qui va symboliser l'exposition dont il est exclu (alors que le carré est sensé être inclusif). Je pense aussi au questionnement concernant l’œuvre d'art, au surgissement incongru d'un objet (ou d'une personne, considérée comme un objet...) dans un lieu.
C'est dans cette optique qu'il faut considérer la "performance" de l'homme-singe (incarné par Terry Notary, qui fut Alpha, dans La Planète des singes : les origines, et Rocket dans les suites, L'Affrontement et Suprématie). A la base, il s'agit d'une création artistique, en liaison avec le thème de l'exposition, puisque cet homme incongru pénètre dans le "carré VIP" des bobos invités à l'inauguration. Pour les spectateurs attentifs, c'est le signe que quelque chose de sexuel (et lié au pouvoir) va se passer, comme la dernière fois qu'on a vu un gorille à l'écran (chez Anne). Je ne vais pas aller plus loin, mais le dérapage dans le dérapage est chargé sur le plan métaphorique : c'est l'expression de la revanche des riches, face à la peur que leur a inspirée le pauvre. Mais la séquence instille le malaise, en raison de son ambiguïté : qu'est-ce que le réalisateur est réellement en train de filmer ? Peter Greenaway et le Festen de Thomas Vinterberg ne sont pas loin.
Le film aurait dû s'arrêter là, au bout de deux heures. Malheureusement, on nous a rajouté un épilogue d'une vingtaine de minutes qui prend la forme d'un horrible prêchi-prêcha moralisateur... et d'une rédemption de l'un des personnages. C'est lourdingue et inutile. Cela n'enlève rien aux qualités qui précèdent, mais, du coup, je suis sorti de là moins enthousiaste que prévu.
11:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 18 octobre 2017
Le Sens de la fête
L'année 2017 aura été un grand cru pour Jean-Pierre Bacri : avant d'interpréter Max, l'organisateur de mariages festifs, il a incarné (avec talent) l'un des croque-mort de Grand froid. C'est donc pour moi l'occasion de retrouver celui que j'ai considéré, à une époque, comme mon alter ego cinématographique, quand il se glissait dans la peau du râleur désabusé, prompt à se lancer dans d'improbables tirades, sous les yeux d'un entourage tendrement amusé ou agacé.
Il m'a quand même fallu quelques minutes pour me réhabituer à ce nouveau Bacri, amaigri (certains diront svelte), vieilli et peut-être aussi sortant de maladie. On est malgré tout rapidement pris dans les mailles du filet de cette comédie très écrite. Le duo Nakache-Toledano (auquel on doit Intouchables) a soigné les dialogues, il est vrai servis par des acteurs formidables. Outre Bacri, on remarque les performances de Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve (qui nous la joue un peu Jean-Claude Dusse), Eye Haidara, Hélène Vincent... et Benjamin Lavernhe (vu l'an dernier dans L'Odyssée), une révélation dans le rôle de Pierre, le mari... un connard de première ! C'est du niveau de ce que pourrait faire un Laurent Lafitte, c'est dire !
Si le film n'innove pas au niveau de la mise en scène, il s'inspire de recettes qui ont fait leurs preuves, oscillant entre le rythme trépidant d'un Birdman (avec plusieurs plans-séquences à la clé) et la satire un brin misanthrope de La photo de mariage de Jean-Marie Bigard. Le plus étonnant est que cet attelage acrobatique fonctionne ! Dès le début, j'ai marché à ces détails cocasses, comme la voiture du héros. J'ai souri à cette peinture des travers, des faiblesses voire des ridicules de nos contemporains. C'est juste sans être méchant. Bacri lui-même n'en fait pas trop, se révélant parfois touchant.
Évidemment, le repas de mariage ne va pas se dérouler comme prévu. Je dois dire que la succession de contretemps est assez inattendue, avec quelques facilités parfois (comme les gags récurrents). Particulièrement croustillante est la découverte de la cause d'un incident de cuisine...
L'action culmine dans le dernier tiers de l'histoire, avec une séquence au départ grand-guignolesque (avec le mari mégalomane), qui se révèle finalement poétique. Bacri/Max jusque-là plutôt pince-sans-rire finit par se lâcher (façon Bigard dans le sketch). Mais, même quand on est au fond du trou, une lueur peut surgir et (presque) tout rattraper. C'est un autre point fort de cette histoire que d'ouvrir de nouvelles portes là où l'on pensait que l'intrigue était conclue.
La salle où je me trouvais était bien garnie et le public a beaucoup ri. J'ai passé un très bon moment.
23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Le Sens de la fête
L'année 2017 aura été un grand cru pour Jean-Pierre Bacri : avant d'interpréter Max, l'organisateur de mariages festifs, il a incarné (avec talent) l'un des croque-mort de Grand froid. C'est donc pour moi l'occasion de retrouver celui que j'ai considéré, à une époque, comme mon alter ego cinématographique, quand il se glissait dans la peau du râleur désabusé, prompt à se lancer dans d'improbables tirades, sous les yeux d'un entourage tendrement amusé ou agacé.
Il m'a quand même fallu quelques minutes pour me réhabituer à ce nouveau Bacri, amaigri (certains diront svelte), vieilli et peut-être aussi sortant de maladie. On est malgré tout rapidement pris dans les mailles du filet de cette comédie très écrite. Le duo Nakache-Toledano (auquel on doit Intouchables) a soigné les dialogues, il est vrai servis par des acteurs formidables. Outre Bacri, on remarque les performances de Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve (qui nous la joue un peu Jean-Claude Dusse), Eye Haidara, Hélène Vincent... et Benjamin Lavernhe (vu l'an dernier dans L'Odyssée), une révélation dans le rôle de Pierre, le mari... un connard de première ! C'est du niveau de ce que pourrait faire un Laurent Lafitte, c'est dire !
Si le film n'innove pas au niveau de la mise en scène, il s'inspire de recettes qui ont fait leurs preuves, oscillant entre le rythme trépidant d'un Birdman (avec plusieurs plans-séquences à la clé) et la satire un brin misanthrope de La photo de mariage de Jean-Marie Bigard. Le plus étonnant est que cet attelage acrobatique fonctionne ! Dès le début, j'ai marché à ces détails cocasses, comme la voiture du héros. J'ai souri à cette peinture des travers, des faiblesses voire des ridicules de nos contemporains. C'est juste sans être méchant. Bacri lui-même n'en fait pas trop, se révélant parfois touchant.
Évidemment, le repas de mariage ne va pas se dérouler comme prévu. Je dois dire que la succession de contretemps est assez inattendue, avec quelques facilités parfois (comme les gags récurrents). Particulièrement croustillante est la découverte de la cause d'un incident de cuisine...
L'action culmine dans le dernier tiers de l'histoire, avec une séquence au départ grand-guignolesque (avec le mari mégalomane), qui se révèle finalement poétique. Bacri/Max jusque-là plutôt pince-sans-rire finit par se lâcher (façon Bigard dans le sketch). Mais, même quand on est au fond du trou, une lueur peut surgir et (presque) tout rattraper. C'est un autre point fort de cette histoire que d'ouvrir de nouvelles portes là où l'on pensait que l'intrigue était conclue.
La salle où je me trouvais était bien garnie et le public a beaucoup ri. J'ai passé un très bon moment.
23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 16 octobre 2017
La Passion Van Gogh
C'est à une coproduction anglo-polonaise que l'on doit cet hommage à l'un des peintres les plus imaginatifs de tous les temps. Au lieu de se contenter d'un biopic poussiéreux, les auteurs nous proposent une enquête picturale, qui voit l'une des connaissances de Van Gogh chercher à transmettre une lettre, avant d'enquêter sur la mort du peintre, sur laquelle plane un mystère.
Techniquement, on a utilisé la rotoscopie, déjà à l’œuvre dans A Scanner darkly, Valse avec Bachir ou encore Aloïs Nebel. A l'écran, les décalques des acteurs se meuvent dans les oeuvres du peintre, soudain mises en mouvement. On a notamment beaucoup puisé dans la période arlésienne, ainsi que dans son séjour à Auvers-sur-Oise.
Au début, il faut s'accrocher un peu, pour s'habituer au procédé et à la conception de l'intrigue. Notre guide est un personnage réel, Armand Roulin, qui a été peint par Van Gogh :
Dans ses pas, on découvre plusieurs des lieux visités par le peintre, à commencer par le fascinant café nocturne, où l'on va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur :
Parmi ceux qui m'ont marqué, dont on voit les traits fixes soudain s'animer, je peux citer le soldat zouave ou encore Paul-Eugène Milliet :
A partir de là, le héros-enquêteur va aller à la rencontre des logeurs de Van Gogh, notamment la patronne d'un bar et la fille du docteur Gachet, ce dernier finissant par apparaître à l'écran, sous les traits de Jerome Flynn :
Cette juxtaposition de l’œuvre d'origine et de sa transposition cinématographique est très représentative du talent mis en œuvre dans cette fiction picturale, particulièrement réussie au niveau des portraits. On pense évidemment à ceux que Van Gogh a faits de lui-même, spécialement à ceux qui le montrent avec l'oreille coupée (droite sur les tableaux peints en miroir, gauche dans la réalité). Mais le plus beau (pour moi) est sans conteste celui qui le montre portant un chapeau et que l'on voit s'animer sous l'effet de coups de pinceau numériques :
On comprend pourquoi l'on considère Van Gogh comme un précurseur du fauvisme. Cela nous conduit tout naturellement aux paysages peints par l'artiste. Les champs de Provence sont superbement emballés de couleurs chaudes, tandis que les scènes nocturnes prennent un relief particulier quand les lumières s'animent :
Je recommande aussi la scène qui montre l'une des chambres où a logé Van Gogh, avec une flamme d'huile (numérique) qui vacille et fait danser les ombres de la pièce.
C'est une œuvre extraordinaire, à voir a-bso-lu-ment !
PS
En complément, je conseille la lecture du numéro 1 de la nouvelle collection "Le Musée idéal", publiée par Le Monde en partenariat avec Géo :
19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, peinture, culture
La Passion Van Gogh
C'est à une coproduction anglo-polonaise que l'on doit cet hommage à l'un des peintres les plus imaginatifs de tous les temps. Au lieu de se contenter d'un biopic poussiéreux, les auteurs nous proposent une enquête picturale, qui voit l'une des connaissances de Van Gogh chercher à transmettre une lettre, avant d'enquêter sur la mort du peintre, sur laquelle plane un mystère.
Techniquement, on a utilisé la rotoscopie, déjà à l’œuvre dans A Scanner darkly, Valse avec Bachir ou encore Aloïs Nebel. A l'écran, les décalques des acteurs se meuvent dans les oeuvres du peintre, soudain mises en mouvement. On a notamment beaucoup puisé dans la période arlésienne, ainsi que dans son séjour à Auvers-sur-Oise.
Au début, il faut s'accrocher un peu, pour s'habituer au procédé et à la conception de l'intrigue. Notre guide est un personnage réel, Armand Roulin, qui a été peint par Van Gogh :
Dans ses pas, on découvre plusieurs des lieux visités par le peintre, à commencer par le fascinant café nocturne, où l'on va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur :
Parmi ceux qui m'ont marqué, dont on voit les traits fixes soudain s'animer, je peux citer le soldat zouave ou encore Paul-Eugène Milliet :
A partir de là, le héros-enquêteur va aller à la rencontre des logeurs de Van Gogh, notamment la patronne d'un bar et la fille du docteur Gachet, ce dernier finissant par apparaître à l'écran, sous les traits de Jerome Flynn :
Cette juxtaposition de l’œuvre d'origine et de sa transposition cinématographique est très représentative du talent mis en œuvre dans cette fiction picturale, particulièrement réussie au niveau des portraits. On pense évidemment à ceux que Van Gogh a faits de lui-même, spécialement à ceux qui le montrent avec l'oreille coupée (droite sur les tableaux peints en miroir, gauche dans la réalité). Mais le plus beau (pour moi) est sans conteste celui qui le montre portant un chapeau et que l'on voit s'animer sous l'effet de coups de pinceau numériques :
On comprend pourquoi l'on considère Van Gogh comme un précurseur du fauvisme. Cela nous conduit tout naturellement aux paysages peints par l'artiste. Les champs de Provence sont superbement emballés de couleurs chaudes, tandis que les scènes nocturnes prennent un relief particulier quand les lumières s'animent :
Je recommande aussi la scène qui montre l'une des chambres où a logé Van Gogh, avec une flamme d'huile (numérique) qui vacille et fait danser les ombres de la pièce.
C'est une œuvre extraordinaire, à voir a-bso-lu-ment !
PS
En complément, je conseille la lecture du numéro 1 de la nouvelle collection "Le Musée idéal", publiée par Le Monde en partenariat avec Géo :
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lundi, 09 octobre 2017
Le Jeune Karl Marx
Méfiez-vous des programmes de présentation : ce film n'est diffusé que dans une seule version, multilingue, puisqu'on y parle (principalement) allemand, (sinon) français et (occasionnellement) anglais. C'est lié à la distribution (internationale) et aux péripéties de la vie du jeune Karl Marx, qui a vadrouillé entre Prusse (rhénane), France, Belgique et Royaume-Uni.
Il est incarné par un très bon acteur allemand, August Diehl, qu'on a récemment pu voir dans En mai, fais ce qu'il te plaît et Diamant noir. Je suis moins convaincu par Stefan Konarske en Friedrich Engels, un rôle certes difficile, puisque c'est un fils à papa qui va se révéler très sensible à la cause ouvrière.
Le film mérite aussi le détour pour les interprètes féminines, en particulier Vicky Krieps (vue dans Colonia) en Jenny Marx et Hannah Steele en Mary Burns, la compagne d'Engels. Subrepticement, le film montre que nos esprits (masculins) rebelles ont encore du chemin à faire, puisque, dans leurs rapports aux femmes, ils se révèlent des mecs comme les autres... et encore, le film n'ose suggérer que Marx a engrossé la bonne de la famille, comme n'importe quel bourgeois phallocrate !
La fin des années 1840, sur laquelle se concentre le film, est celle des révélations pour le duo Marx-Engels, qui va se constituer et, au contact l'un de l'autre, affiner sa pensée. Ils vont notamment se démarquer de Proudhon (Olivier Gourmet, excellent) et de Bakounine, tout en récupérant le mouvement socialiste prophétique anglais. Pour que le tableau soit complet, il nous manque les "socialistes utopiques" (sans doute caricaturés par la catégorie précédente), qui ont hélas été oubliés dans l'histoire de la gauche contestataire, alors que les doctrinaires souvent sectaires tiennent encore aujourd'hui le haut du pavé.
Quant à la classe ouvrière, elle fait l'objet d'assez peu d'attention dans le film. Le début est chargé de nous montrer la difficile condition des employées du textile, mais, à l'image du personnage d'Engels, le réalisateur et le scénariste n'en ont qu'une connaissance externe, limite intellectualisée. Du coup, le film perd beaucoup en force, d'autant plus qu'il manque de rythme. Cela m'a un peu fait l'impression d'une collection de vignettes, plutôt destinée à des intellos. Le capitalisme sans foi ni loi a encore de beaux jours devant lui, vu la maladresse de ceux qui le critiquent...
21:36 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Le Jeune Karl Marx
Méfiez-vous des programmes de présentation : ce film n'est diffusé que dans une seule version, multilingue, puisqu'on y parle (principalement) allemand, (sinon) français et (occasionnellement) anglais. C'est lié à la distribution (internationale) et aux péripéties de la vie du jeune Karl Marx, qui a vadrouillé entre Prusse (rhénane), France, Belgique et Royaume-Uni.
Il est incarné par un très bon acteur allemand, August Diehl, qu'on a récemment pu voir dans En mai, fais ce qu'il te plaît et Diamant noir. Je suis moins convaincu par Stefan Konarske en Friedrich Engels, un rôle certes difficile, puisque c'est un fils à papa qui va se révéler très sensible à la cause ouvrière.
Le film mérite aussi le détour pour les interprètes féminines, en particulier Vicky Krieps (vue dans Colonia) en Jenny Marx et Hannah Steele en Mary Burns, la compagne d'Engels. Subrepticement, le film montre que nos esprits (masculins) rebelles ont encore du chemin à faire, puisque, dans leurs rapports aux femmes, ils se révèlent des mecs comme les autres... et encore, le film n'ose suggérer que Marx a engrossé la bonne de la famille, comme n'importe quel bourgeois phallocrate !
La fin des années 1840, sur laquelle se concentre le film, est celle des révélations pour le duo Marx-Engels, qui va se constituer et, au contact l'un de l'autre, affiner sa pensée. Ils vont notamment se démarquer de Proudhon (Olivier Gourmet, excellent) et de Bakounine, tout en récupérant le mouvement socialiste prophétique anglais. Pour que le tableau soit complet, il nous manque les "socialistes utopiques" (sans doute caricaturés par la catégorie précédente), qui ont hélas été oubliés dans l'histoire de la gauche contestataire, alors que les doctrinaires souvent sectaires tiennent encore aujourd'hui le haut du pavé.
Quant à la classe ouvrière, elle fait l'objet d'assez peu d'attention dans le film. Le début est chargé de nous montrer la difficile condition des employées du textile, mais, à l'image du personnage d'Engels, le réalisateur et le scénariste n'en ont qu'une connaissance externe, limite intellectualisée. Du coup, le film perd beaucoup en force, d'autant plus qu'il manque de rythme. Cela m'a un peu fait l'impression d'une collection de vignettes, plutôt destinée à des intellos. Le capitalisme sans foi ni loi a encore de beaux jours devant lui, vu la maladresse de ceux qui le critiquent...
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mercredi, 04 octobre 2017
Confident Royal
Opération My taylor is rich aujourd'hui, avec le nouveau film de Stephen Frears, en version originale sous-titrée à Rodez ! Ces derniers temps, le cinéma britannique aime à revisiter les moments marquants du passé national (antérieurs à l'adhésion à la CEE...). En juin dernier, on a pu voir un Churchill compatissant au sort des soldats participant au débarquement de Normandie. En juillet, c'est le stoïcisme et le sens du devoir des tommies en 1940 qui fut à l'honneur dans Dunkerque. On a aussi eu droit à l'abnégation du couple Mountbatten dans Le Dernier Vice-Roi des Indes.
Le récent auteur de Florence Foster Jenkins s'est attaqué à un autre monument national, la reine Victoria (vieillissante), remarquablement interprétée par Judi Dench, qui retrouve ainsi le réalisateur de Philomena. Dans le rôle principal, l'actrice assume ses rides et ses dents manquantes, pour composer un formidable portrait de la souveraine, à la fois protégée et corsetée par l'étiquette de la cour. C'est l'occasion de découvrir une brochette de seconds rôles bien campés, entre vieilles badernes et culs pincés, le tout sur fond d'ambitions personnelles.
L'arrivée de serviteurs indiens musulmans va mettre le feu aux poudres. On a un peu rapidement présenté cette histoire comme une totale révélation, issue de la découverte des carnets de l'ancien favori de la reine, en 2010. En réalité, des historiens spécialisés avaient déjà évoqué la chose (certes sans y consacrer un livre entier). En français, une biographie de Victoria datant de l'an 2000 (et signée Roland Marx) consacrait un peu moins d'une demi-page à la petite révolution de cour qui agita le microcosme à l'extrême fin du XIXe siècle.
C'est donc un film orienté (à l'image des récentes productions historiques britanniques), tout à la gloire de la reine, très dur pour "Bertie" (le futur Édouard VII) qui pourtant, une fois devenu roi, engagea le rapprochement avec la France, qui mena à la signature de l'Entente Cordiale. Un autre personnage subit un traitement (à mon avis) injuste : Lady Churchill (la maman de Winston, une Américaine qui a des ancêtres... français), présentée comme une intrigante revêche... sans qu'on ose préciser qu'elle fut (entre autres) l'une des (nombreuses) maîtresses du futur Édouard VII.
Le début est assez drôle, avec la découverte d'une reine gourmande, pas très propre à table et dont le médecin s'enquiert de la qualité des selles... La rencontre avec l'Indien Abdul est aussi assez comique, avec, au centre de l'attention, un de ces horribles desserts à la gelée dans lequel je n'ai pas pu m'empêcher de voir des allusions sexuelles.
La suite est hélas plus plan-plan, manquant de rythme, malgré la qualité de l'interprétation. (Je recommande tout particulièrement la déclaration que Judi/Victoria assène, en gros plan, à un trio d'emmerdeurs masculins dans son bureau.) A voir si l'on se pique d'anglomanie, ou si l'on peut se contenter de suivre les évolutions de Judi Dench à l'écran.
PS
C'est la deuxième fois que Stephen Frears gâche un splendide matériau. Il y a une dizaine d'années, la performance d'Helen Mirren (Elizabeth II dans The Queen) n'avait été que médiocrement servie par un film décevant.
22:55 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Confident Royal
Opération My taylor is rich aujourd'hui, avec le nouveau film de Stephen Frears, en version originale sous-titrée à Rodez ! Ces derniers temps, le cinéma britannique aime à revisiter les moments marquants du passé national (antérieurs à l'adhésion à la CEE...). En juin dernier, on a pu voir un Churchill compatissant au sort des soldats participant au débarquement de Normandie. En juillet, c'est le stoïcisme et le sens du devoir des tommies en 1940 qui fut à l'honneur dans Dunkerque. On a aussi eu droit à l'abnégation du couple Mountbatten dans Le Dernier Vice-Roi des Indes.
Le récent auteur de Florence Foster Jenkins s'est attaqué à un autre monument national, la reine Victoria (vieillissante), remarquablement interprétée par Judi Dench, qui retrouve ainsi le réalisateur de Philomena. Dans le rôle principal, l'actrice assume ses rides et ses dents manquantes, pour composer un formidable portrait de la souveraine, à la fois protégée et corsetée par l'étiquette de la cour. C'est l'occasion de découvrir une brochette de seconds rôles bien campés, entre vieilles badernes et culs pincés, le tout sur fond d'ambitions personnelles.
L'arrivée de serviteurs indiens musulmans va mettre le feu aux poudres. On a un peu rapidement présenté cette histoire comme une totale révélation, issue de la découverte des carnets de l'ancien favori de la reine, en 2010. En réalité, des historiens spécialisés avaient déjà évoqué la chose (certes sans y consacrer un livre entier). En français, une biographie de Victoria datant de l'an 2000 (et signée Roland Marx) consacrait un peu moins d'une demi-page à la petite révolution de cour qui agita le microcosme à l'extrême fin du XIXe siècle.
C'est donc un film orienté (à l'image des récentes productions historiques britanniques), tout à la gloire de la reine, très dur pour "Bertie" (le futur Édouard VII) qui pourtant, une fois devenu roi, engagea le rapprochement avec la France, qui mena à la signature de l'Entente Cordiale. Un autre personnage subit un traitement (à mon avis) injuste : Lady Churchill (la maman de Winston, une Américaine qui a des ancêtres... français), présentée comme une intrigante revêche... sans qu'on ose préciser qu'elle fut (entre autres) l'une des (nombreuses) maîtresses du futur Édouard VII.
Le début est assez drôle, avec la découverte d'une reine gourmande, pas très propre à table et dont le médecin s'enquiert de la qualité des selles... La rencontre avec l'Indien Abdul est aussi assez comique, avec, au centre de l'attention, un de ces horribles desserts à la gelée dans lequel je n'ai pas pu m'empêcher de voir des allusions sexuelles.
La suite est hélas plus plan-plan, manquant de rythme, malgré la qualité de l'interprétation. (Je recommande tout particulièrement la déclaration que Judi/Victoria assène, en gros plan, à un trio d'emmerdeurs masculins dans son bureau.) A voir si l'on se pique d'anglomanie, ou si l'on peut se contenter de suivre les évolutions de Judi Dench à l'écran.
PS
C'est la deuxième fois que Stephen Frears gâche un splendide matériau. Il y a une dizaine d'années, la performance d'Helen Mirren (Elizabeth II dans The Queen) n'avait été que médiocrement servie par un film décevant.
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samedi, 30 septembre 2017
Mon Garçon
A ma grande surprise, la salle a presque fait le plein, avec un public plus diversifié que ce à quoi je m'attendais. En gros, ça allait de 7 à 77 ans. C'est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un film quasi expérimental, avec certes quelques pointures à l'affiche.
Je pense que c'est aussi le sujet qui a attiré ce monde. Il est question de l'enlèvement d'un enfant, mais aussi d'un couple divorcé et d'un père qui a privilégié son travail. Les deux parents sont d'ailleurs magnifiquement interprétés. Dans la première partie, c'est Mélanie Laurent qui sort du lot. Dans la seconde, Guillaume Canet occupe presque en permanence l'écran, avec talent.
Christian Carion est l'un des réalisateurs français capables de proposer du divertissement populaire de qualité. On l'a vu avec Une Hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël (déjà avec G. Canet), L'Affaire Farewell (encore avec Canet) et En mai, fais ce qu'il te plaît. En terme de mise en scène, c'est un modèle de ce qu'il est possible de faire avec peu de moyens (mais sans que le film soit cheap). L'idée de filmer en gros plan les occupants des véhicules, de l'intérieur, en laissant floue à l'écran la vision du pare-brise (et du paysage au-delà) est très bonne. En extérieur, Carion n'abuse pas de la caméra à l'épaule. Enfin, il intercale des extraits de vidéos tournées par la mère du garçon. La solution de l'énigme se trouve peut-être à l'intérieur de celles-ci.
Cependant, les gendarmes qui mènent l'enquête sur la disparition de Mathys ne privilégient pas cette piste. C'est dans l'activité professionnelle du père qu'ils voient une possible explication. Du coup, ce dernier décide de mener sa propre enquête. La caméra se fait subjective, nous mettant dans les pas (voire dans la tête) de ce père déboussolé, mais déterminé à retrouver son fils.
Cela donne un très bon suspens, tendu du début à la fin, sur une musique au poil, avec aussi une très bonne utilisation des sons. Même si je regrette quelques facilités dans la dernière partie, j'ai beaucoup aimé ce thriller filmé au plus près du quotidien.
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Mon Garçon
A ma grande surprise, la salle a presque fait le plein, avec un public plus diversifié que ce à quoi je m'attendais. En gros, ça allait de 7 à 77 ans. C'est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un film quasi expérimental, avec certes quelques pointures à l'affiche.
Je pense que c'est aussi le sujet qui a attiré ce monde. Il est question de l'enlèvement d'un enfant, mais aussi d'un couple divorcé et d'un père qui a privilégié son travail. Les deux parents sont d'ailleurs magnifiquement interprétés. Dans la première partie, c'est Mélanie Laurent qui sort du lot. Dans la seconde, Guillaume Canet occupe presque en permanence l'écran, avec talent.
Christian Carion est l'un des réalisateurs français capables de proposer du divertissement populaire de qualité. On l'a vu avec Une Hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël (déjà avec G. Canet), L'Affaire Farewell (encore avec Canet) et En mai, fais ce qu'il te plaît. En terme de mise en scène, c'est un modèle de ce qu'il est possible de faire avec peu de moyens (mais sans que le film soit cheap). L'idée de filmer en gros plan les occupants des véhicules, de l'intérieur, en laissant floue à l'écran la vision du pare-brise (et du paysage au-delà) est très bonne. En extérieur, Carion n'abuse pas de la caméra à l'épaule. Enfin, il intercale des extraits de vidéos tournées par la mère du garçon. La solution de l'énigme se trouve peut-être à l'intérieur de celles-ci.
Cependant, les gendarmes qui mènent l'enquête sur la disparition de Mathys ne privilégient pas cette piste. C'est dans l'activité professionnelle du père qu'ils voient une possible explication. Du coup, ce dernier décide de mener sa propre enquête. La caméra se fait subjective, nous mettant dans les pas (voire dans la tête) de ce père déboussolé, mais déterminé à retrouver son fils.
Cela donne un très bon suspens, tendu du début à la fin, sur une musique au poil, avec aussi une très bonne utilisation des sons. Même si je regrette quelques facilités dans la dernière partie, j'ai beaucoup aimé ce thriller filmé au plus près du quotidien.
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Wind River
Ce polar-western un brin sordide a pour cadre les montagnes enneigées du Wyoming, un Etat rural du nord-ouest des Etats-Unis. On y rencontre des cowboys, des Indiens (nous sommes dans une réserve)... et des motos-neige, qui remplacent les chevaux.
Ces derniers, assez rares à l'écran, sont parfois victimes de prédateurs (les pumas, mais aussi les loups). Aux éleveurs du Larzac excédés par les atermoiements des politiques et le baratin des bobos, je recommande l'une des premières scènes, qui montre le héros "s'occupant" de certains dévoreurs de bétail.
Ainsi nous est présenté le personnage principal, Cory Lambert, interprété par Jeremy Renner. Il compose très bien une sorte de monolithe fissuré : ce tireur d'élite, membre du corps des Eaux-et-Forêts, n'arrive pas à surmonter le décès de sa fille aînée... et le divorce qui lui a succédé.
Le meurtre d'une autre jeune femme indienne va lui donner l'occasion de (peut-être) se racheter. Mais l'enquête se révèle difficile. La police indienne, certes de bonne volonté, est dépassée par les événements et le FBI n'envoie qu'une stagiaire inexpérimentée (Elizabeth Olsen, très correcte, dans un rôle stéréotypé), dont cette affaire va constituer une sorte de bizutage. Pour mener à bien l'enquête, il va falloir conjuguer les talents de pisteur de Cory, le procédurisme de Jane et les rares renseignements fournis par les habitants du coin.
Dans le même temps, Cory doit faire son boulot de garde-forestier et traquer une famille de pumas (qu'on finit par découvrir, dans un plan superbe). Cela nous vaut de belles scènes dans les montagnes enneigées. Mais les prédateurs les plus redoutables ne sont pas ceux que l'on croit. Ils sont plus sournois... et plus dangereux pour les humains.
Notons que le réalisateur (Taylor Sheridan, scénariste, entre autres, de Sicario) prend son temps. Le film entremêle les scènes de tension et des moments plus tendres, plus poétiques. C'est d'ailleurs le cas du retour en arrière introduit dans le dernier tiers de l'histoire. Il est à mon avis inutile, puisque, rien qu'avec le jeu des acteurs et la mise en scène, on avait compris que les enquêteurs tenaient le bon bout. Mais il faut bien s'adresser aussi aux spectateurs un peu mous du bulbe... et justifier le basculement dans l'extrême violence. Dans ces contrées reculées, où, en cas de pépin, il est inutile d'espérer l'arrivée de secours, la justice prend parfois un caractère expéditif.
14:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films