jeudi, 01 mai 2008
Petit dérapage antisémite au "Monde"
Abonné à la version papier du "quotidien de référence", je n'en épluche qu'une partie chaque jour. C'est plus tard que j'achève la lecture de chaque numéro. Ce n'est donc qu'hier que j'ai terminé celui du vendredi 25 avril. J'y ai trouvé un article consacré au centenaire de la naissance d'Herbert von Karajan, considéré (à juste titre, à mon humble avis) comme l'un des plus grands chefs d'orchestre de tous les temps.
Karajan a adhéré au parti nazi après l'arrivée de celui-ci au pouvoir. (Et même plus tôt qu'on ne l'a longtemps cru : dès avril 1933, comme l'a révélé un article du Monde du 25 février 2008.) Cela lui a été longtemps reproché... à raison. Les spécialistes tendent à penser qu'il a procédé ainsi davantage par opportunisme (et même carriérisme) que par adhésion idéologique. S'il apparaît ne pas avoir été un fanatique antisémite, il est par contre incontestable qu'il était, à cette époque (les années 1930-1940), un jeune con talentueux et arriviste, qui a profité de l'exclusion des juifs pour lancer sa carrière. Sous la plume de Renaud Machart (du Monde), cela donne : "Le jeune Salzbourgeois apprendra le métier méthodiquement, à l'ancienne, dans de petites structures provinciales, prendra sa carte au parti nazi pour ne pas se fermer les portes qu'il souhaitait franchir [...]". Admirez la litote ! Ce journaliste a du mal à admettre qu'on puisse être un grand chef d'orchestre et un sale type. Du coup, il atténue le carriérisme et l'insensibilité du personnage.
Mais le pire est à venir. Croyant bien faire (toujours pour défendre Karajan), R. Machart ajoute une parenthèse à la phrase précédente :
"(mais sa seconde femme, épousée en 1942, avait du sang juif)". Il faut d'abord préciser au journaliste qu'Anita Gütermann, épousée en 1942, ne fut pas la seconde mais la deuxième épouse du chef d'orchestre, puisque, après leur divorce en 1958, il s'est de nouveau marié, avec un mannequin français, Eliette Mouret, une jeunette de 19 ans.
Mais le problème n'est pas là. Ce journaliste utilise le vocabulaire des antisémites pour exprimer la judéité de la deuxième épouse de Karajan. Qu'est-ce qu'un "sang juif" ? Est-il moins rouge qu'un "sang non-juif" ? Est-il d'une autre couleur ? On nage en plein délire ! De surcroît, quand on apprend que ladite épouse n'avait qu'un seul de ses quatre grands-parents juif, on se demande ce que ce journaliste a dans la tête.
14:13 Publié dans Histoire, Musique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique
jeudi, 07 février 2008
Les Faussaires
Dans une guerre, tous les coups sont permis pour faire chuter l'ennemi... y compris la fabrication de fausse monnaie. Je connaissais les manœuvres des nazis entre 1940 et 1945, mais j'ignorais qu'ils avaient utilisé des déportés juifs dans cette "entreprise".
Le film, construit à partir d'une histoire vraie, tourne autour d'un faux-monnayeur juif (brillamment interprété par Karl Markovics), qui nous est d'abord présenté dans son contexte berlinois de 1936. La séquence du bar est très enlevée... et riche de sens : elle offre une vision contrastée de la société allemande en général et des juifs en particulier. Il finit par être arrêté. Déporté à Mauthausen, il est recruté par un officier SS qui n'est autre que le policier qui l'a naguère interpellé.
La déportation est montrée à travers le regard de ces relatifs privilégiés : imprimeurs, photograveurs, graphistes... par la bande, on est donc informé de ce qui se passe dehors... y compris dans la partie du camp où sont détenus les autres, qui ne bénéficient pas d'un lit douillet. L'une des forces du film est de nous faire percevoir les contrastes dans la situation des déportés ainsi que leurs divergences d'opinion : faut-il saboter ou pas ? jusqu'où s'abaisser pour survivre ?
L'image joue elle aussi sur les contrastes, avec des scènes situées à Monaco (ach, on aime pien fotre pognon, t'où qu'il fienne !), à Berlin et dans le camp de Sachsenhausen (à l'intérieur de l'imprimerie ou à l'extérieur). Les auteurs semblent avoir été particulièrement sensibles aux salles de bains et cabinets de toilettes (et il y a une scène de douche...). On a aussi travaillé le son, lorsque le héros est concerné : sa perception des choses est transmise au spectateur. Tour à tour, les scènes peuvent donc être joyeuses, angoissantes, troubles. Pas mal du tout.
A noter que ce Salomon Sorowitsch n'était pas que faussaire : doué pour le dessin, féru d'innovation picturale, il aurait pu mener une carrière artistique.
19:10 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
mercredi, 21 septembre 2005
Un citoyen est mort
En 1989, Simon Wiesenthal avait publié Justice n'est pas vengeance. Une autobiographie (éditions Robert Laffont). Ce livre m'avait beaucoup intéressé quand je l'avais lu, quelques années plus tard (je l'avais déniché chez un bouquiniste). Wiesenthal y décrit par le menu sa traque des anciens nazis (Eichmann bien sûr, mais aussi Mengele, sur les activités duquel l'auteur revient en détail...), nombreux à s'être enfuis en Amérique du Sud... ou à n'avoir pas été poursuivis dans leur pays d'origine : des seconds couteaux ont refait carrière, jusque dans le parti social-démocrate autrichien ! (Ou encore en R.D.A. : durant la guerre froide, chaque camp a pas mal "recyclé"). A ce propos, le livre est une mine d'informations sur l'implication d'Autrichiens dans les rouages du régime nazi (une anecdote concerne le père de Jörg Haider... nul ne peut être tenu pour responsable des actes de son père, mais reconnaissons qu'il est des filiations qui sont aussi "intellectuelles"...) ou sur l'indulgence (pour ne pas dire autre chose) dont ont bénéficié nombre de criminels après la seconde guerre mondiale.
13:45 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0)

