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Polisse
C'est donc le film de Maïwenn (la soeur d'Isild Le Besco), consacré à la Brigade de Protection des Mineurs (la BPM pour les intimes), qui dépend de la préfecture de police de Paris. On a évidemment cherché à le comparer à d'illustres prédécesseurs, comme le Police de Maurice Pialat (qui ne raconte pas le même genre d'histoire) et L627 de Bertrand Tavernier (axé sur le trafic de drogue).
Ici, aucun héros ne se détache vraiment. On nous offre un portrait de groupe (de policiers) et des tranches de vies de citoyens de tout milieu, des immigrés roumains (séquence poignante de "rafle" à la clé) à la grande bourgeoisie parisienne (où se distingue Sandrine Kiberlain, peu présente mais impressionnante à chaque fois), en passant par les jeunes des "quartiers difficiles".
Avant d'aller voir ce film, j'ai entendu dire qu'il se rapprochait (trop ?) du documentaire. C'est parce qu'il joue sur le réalisme des situations. Le scénario s'est inspiré de faits réels et les dialogues comme le jeu des acteurs ont sans doute été influencés par ce qu'ils ont observé et ressenti au contact des vrais flics.
Du coup, c'est très cru, trop même parfois (et pourtant, je ne pense pas être particulièrement bégueule). On comprend vite que les flics ne pratiquent pas la langue de bois entre eux. Quant aux rapports avec les justiciables, s'ils ne sont pas nécessairement marqués par la violence physique, ils sont souvent émaillés de violence verbale. On nous met dans le bain dès le début avec cette ado insultante embarquée dans la voiture, confrontée à Naidra Ayadi et Joey Starr (excellents tout au long du film).
Mais la pire violence n'est pas dans les actes qui sont montrés à l'écran, ni dans les insultes ou grossièretés qui pleuvent parfois. Elle est dans certaines situations, souvent ignobles, dont l'accumulation a pour certains spectateurs franchi la limite du supportable. On passe ainsi deux heures plongé dans les affaires de viol, pédophilie, inceste, prostitution, le tout assaisonné de violences diverses, de perte de logement, de divorces.
Certains cas sont tellement énormes qu'ils suscitent le rire. Il y a cette mère qui masturbe son enfant en bas âge "pour le calmer", cette adolescente prête à tout pour récupérer le téléphone mobile qu'on lui a volé... "parce que c'est quand même un très beau portable" ! C'est le moment de signaler la qualité du jeu de la pléiade de figurants qui peuple ce film, en particulier celui des enfants, toujours vraisemblables. Le casting a été soigné et la direction d'acteurs est sans faille.
Il reste cette équipe de flics, qui encaisse tous les chocs et doit, par dessus le marché, gérer une vie privée souvent chaotique. C'est pour moi la plus belle partie du film, autour de Karin Viard et Marina Foïs, épatantes (je recommande en particulier le "pétage de plombs" de K. Viard).
De son côté, Maïwenn ne s'est pas attribué un rôle particulièrement facile. Elle est la photographe qui suit l'équipe de la BPM. Elle vient des beaux quartiers (c'est visiblement une "bobo") et a bénéficié d'un gros piston. Elle est donc bousculée par cette équipe de flics, peut-être un peu à l'image de ce qu'a vécu la réalisatrice quand elle a suivi des fonctionnaires de la brigade en préparant ce film.
samedi, 10 décembre 2011 | Lien permanent
Les nominations pour les César 2012
Sur le site de l'Académie des arts et techniques du cinéma, on peut télécharger la liste complète des nominations, sans doute présentée dans l'ordre dans lequel les récompenses seront décernées :
Je vais me livrer à un exercice difficile, non pas celui du pronostic (puisque je n'ai pas vu tous les films concernés et que, de surcroît, je ne pense pas avoir des goûts représentatifs de la majorité des personnes qui votent), mais celui des préférences, parmi le choix proposé, forcément restrictif. (J'ai déjà décerné mes propres récompenses, les Riton 2011.)
Meilleur scénario original
Entre les quatre films que j'ai vus, il n'est pas facile de trancher. L'histoire d'Intouchables est forte, mais elle s'inspire de faits réels, tout comme celle de Polisse. Le mérite est plus grand quand on doit davantage imaginer, selon moi. Restent The Artist et L'Exercice de l'Etat. Le premier est davantage conçu sur le mode de l'hommage. Je choisis donc le second et Pierre Schoeller.
Meilleure adaptation
J'hésite beaucoup entre Présumé coupable et Carnage. Comme c'est pour moi la seule occasion de récompenser le film de Polanski, qui m'a fait beaucoup rire, je choisis Carnage et le travail de Yasmina Reza et Roman Polanski. Mais celui de Vincent Garenq est aussi très bon.
Meilleur montage
Pour moi, cela se joue entre Polisse (Laure Gardette et Yann Dedet) et The Artist (Anne-Sophie Bion et Michel Hazanavicius). Je choisis le second.
Meilleur réalisateur
Je donne la prime à l'originalité rétro : Michel Hazanavicius pour The Artist.
Meilleure actrice
J'ai beaucoup aimé les compositions de Marina Foïs et Karin Viard dans Polisse, mais je choisis Marie Gillain, dont la force de l'intériorité m'a bouleversé dans Toutes nos envies.
Meilleur acteur
Choix très très difficile. Je pense honnêtement qu'ils méritent tous le César. Je place néanmoins un peu au-dessus la performance réalisée par Philippe Torreton dans Présumé coupable.
Meilleure actrice dans un second rôle
Anne Le Ny, dans Intouchables. (Mais Zabou Breitman n'est pas loin.)
Meilleur acteur dans un second rôle
Aucune autre personne que Michel Blanc, dans L'Exercice de l'Etat, ne peut décrocher la récompense.
Meilleur film documentaire
On va dire que l'Aveyronnais que je suis manque d'objectivité, mais, franchement, Tous au Larzac est au-dessus du lot.
Meilleur premier film
Là aussi, le choix est facile : Le Cochon de Gaza.
Meilleur film étranger
Pour moi, cela se joue entre Incendies et Une Séparation. Avantage au film iranien.
Meilleur film
Je choisis le plus complet de la liste, pas forcément le plus récompensé par moi, mais celui qui est bien placé dans toutes les catégories, à savoir Polisse.
Restent les regrets, les absents. Plusieurs très bons films français sont exclus des nominations :
- La Grotte des rêves perdus, bizarrement absent de la liste des meilleurs documentaires
- Jeanne captive (le film anti-paillettes), ainsi que son interprète principale Clémence Poésy
- Moi, Michel G., milliardaire, maître du monde, une excellente comédie satirique injustement ignorée
- L'Assaut, un très bon film d'action, mais où les méchants sont des musulmans, ce qui n'est pas politiquement correct dans le monde du cinéma français
- De bon matin, un film coup de poing, en prise sur son temps, avec Darroussin au meilleur de sa forme (mais les critiques préfèrent le voir médiocre chez Guédiguian).
Il ne reste plus qu'à attendre le palmarès.
vendredi, 27 janvier 2012 | Lien permanent
22e prix des auditeurs du ”Masque et la Plume”
Les auditeurs de l'émission ont voté pour leurs films préférés de l'année 2011. Les deux classements, celui des films français et celui des films étrangers, est accessible sur le site de France Inter. L'intérêt de ce type de palmarès est de collecter les voeux d'autres personnes que les critiques, dont les avis me font parfois bondir. Je ne me reconnais cependant pas forcément dans ce classement.
Dans la catégorie "films français", je n'ai vu que quatre des seize premiers, dont trois des sept mieux classés :
1) L'Exercice de l'Etat (j'espère vraiment que Michel Blanc aura le César du meilleur second rôle)
2) Tomboy
3) The Artist
4) La Guerre est déclarée
5) Les Neiges du Kilimandjaro
6) L'Apollonide
7) Polisse
...
14) Intouchables
Pour moi, il y a de grands absents dans ce palmarès des auditeurs : Présumé coupable (avec l'excellent Philippe Torreton), Jeanne captive (sur un sujet qui ne fait sans doute pas partie des préoccupations des votants), Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde, L'Assaut (politiquement incorrect), Toutes nos envies (bouleversant) et De bon matin (trop dérangeant pour un public BCBG).
Je me sens encore moins concerné par le classement des films étrangers, puisque je n'en ai vu que trois sur les quinze premiers, tous dans le top 7 :
2) Melancholia
3) Drive
5) The Tree of life
6) La piel que habito
7) Incendies
Plutôt que le film d'Amodovar, les auditeurs auraient, à mon avis, été mieux inspirés de voter pour Pain noir ou Balada triste. Je regrette aussi l'absence de la comédie la plus sarcastique de l'année passée, Carnage. Il manque aussi les (très) bons films commerciaux, comme La Défense Lincoln, Les Tribulations d'une amoureuse sous Staline, Limitless et surtout True Grit, des frères Coen.
lundi, 20 février 2012 | Lien permanent
Parlez-moi de vous
C'est le premier long métrage de Pierre Pinaud, un cinéaste qui a du mal à percer, même s'il a reçu en 2009 le César du meilleur court-métrage, pour un film original : Les Miettes (un noir et blanc très "social", où l'on sent notamment l'influence de Charlie Chaplin).
Ici, Karin Viard interprète une animatrice radio de nuit, qui dialogue en direct avec des auditeurs en mal être. On pense immédiatement à Macha Béranger, qu'on peut réentendre dans plusieurs émissions mises en ligne sur ce site.
Le personnage de Mélina n'est toutefois pas un décalque de l'ancienne égérie des "sans-sommeil" ; elle n'en a ni la voix rauque (contrairement à l'une de ses assistantes dans le film) ni les chapeaux extravagants. Mais elle a son côté guindé, bourgeois, associé à une grande qualité d'écoute.
Le film réussit, grâce -à mon avis- à son interprète principale, à restituer un peu de l'atmosphère de ces soirées / nuits de confidences. Il y a les rituels suivis par l'animatrice, hypermaniaque et phobique. Il y a sa voix, chaude et douce. La réalisation, habile, filme souvent en gros plan. Une scène est particulièrement réussie : Mélina accueille à l'antenne une ancienne camarade d'orphelinat, qui raconte comment elle était fascinée, des années auparavant, par le jeu de cette fille un peu plus âgée, qui, une fois les bonnes soeurs couchées, rassemblait ses camarades derrière un drap tendu et animait une émission de radio fictive. Tout se lit sur le visage de Karin Viard.
L'autre partie de l'histoire est la quête du personnage principal, qui recherche sa mère, qui l'a abandonnée dans cet orphelinat. Elle parvient à en retrouver la trace, mais veut la côtoyer sans, dans un premier temps, se présenter. Cela nous vaut un portrait de gens modestes, dans la région parisienne. Vous savez, ces Français moyens, aujourd'hui retraités, gens de peu qui, à force de travail et d'économies, ont fini par devenir propriétaires d'une petite baraque.
Le film mérite le détour pour le contraste qu'il met en scène, entre cette vedette de la radio (anonyme : on ne connaît pas son visage), riche (elle vit dans le XVIe arrondissement de Paris), et ce milieu modeste, qui s'investit dans le caritatif.
L'histoire se complique quand une relation semble sur le point de se nouer entre l'héroïne et le jeune Lucas (Nicolas Duvauchelle, déjà présent avec Karin Viard dans Polisse).
Tout cela s'entremêle. On attend le dénouement... qui surprend, avec une scène étonnante dans un hôpital.
P.S.
Le film est dédié à Nadia Barentin (l'actrice qui incarne la mère de l'héroïne), décédée peu après le tournage.
dimanche, 05 février 2012 | Lien permanent
Les César 2012
Je me suis amusé à comparer le palmarès de cette année à mes choix concernant certaines des catégories. Voici le résultat.
Je ne suis pas très satisfait du choix des votants pour la meilleure actrice. Pour moi, même si Bérénice Bejo n'a pas à rougir de sa prestation dans The Artist, il me semble qu'elle a bénéficié de la compassion du public pour n'avoir été nommée aux Oscars que dans la catégorie "second rôle"... et peut-être du fait que Jean Dujardin n'allait pas avoir de récompense.
Cela m'amène au César du meilleur acteur qui, à mon grand regret, a échappé à l'excellent Philippe Torreton, au profit d'Omar Sy. C'est la seule récompense pour Intouchables. Même si tous les postulants méritaient la "barre compressée" (ben oui, c'est pas une statuette !), il me semble que la désignation de l'un des deux acteurs-vedettes du grand succès populaire de 2011 est une nouvelle expression du "politiquement correct". Mais, bon, tant mieux pour lui. Je pense néanmoins que son travail de composition a été moins grand que celui que Torreton a fourni pour incarner le notaire de Présumé coupable.
Je ne trouve non plus pas scandaleux que Carmen Maura ait décroché le César du meilleur second rôle féminin. Mais, là encore, il me semble qu'aussi bien Anne Le Ny que Zabou Breitman l'auraient davantage mérité.
Comme prévu, Michel Blanc a obtenu la récompense pour sa prestation éblouissante dans L'Exercice de l'Etat, film qui obtient également le prix du meilleur scénario original, comme je l'avais souhaité.
Je me retrouve aussi dans le César de la meilleure adaptation, décerné au drôlissime Carnage, de Roman Polanski.
Pour le meilleur montage, j'hésitais entre Polisse et The Artist. Je ne trouve donc pas injuste que le premier ait été récompensé. Même chose pour le meilleur film : la réussite de The Artist est logique. Je me retrouve aussi dans le choix de Michel Hazanavicius pour le meilleur réalisateur.
J'avais abordé le cas des courts-métrages à part, dans un billet postérieur... et je suis très satisfait du résultat, puisque c'est mon préféré, L'Accordeur, qui a été récompensé.
J'ai eu aussi le nez creux pour la catégorie "meilleur documentaire", avec la victoire (prévisible) de Tous au Larzac, qui, fait exceptionnel, est continuellement resté au programme du cinéma Le Club de Rodez depuis sa sortie en novembre dernier !
Je suis encore plus satisfait du prix du meilleur premier film, décerné au Cochon de Gaza. Mes voeux sont tout aussi comblés avec le César du meilleur film étranger pour Une Séparation.
Finalement, mes penchants ne sont pas si éloignés des goûts de la majorité des votants. La principale divergence se situe au niveau des meilleurs acteurs, pour lesquels je pense que le choix a été plus affectif que rationnel. Mais ce palmarès n'est pas choquant. Il est juste un peu orienté.
vendredi, 24 février 2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Les ”Riton” 2011
L'an dernier, j'ai décidé d'appeler "Riton" le palmarès des films qui m'ont particulièrement marqué durant l'année écoulée. Voici donc mon bilan cinéphilique de 2011.
Riton du film cro-magnon : La Grotte des rêves perdus
Riton du film sur une gonzesse : Jeanne captive
Riton de la nostalgie du muet : The Artist
Riton du film sur la guerre d'Espagne et ses conséquences : Pain noir
Riton du film clownesque : Balada triste
Riton de la fresque historique : la trilogie Welcome in Vienna
Riton du film éclairant un aspect de la Seconde guerre mondiale : John Rabe
Riton du film de trekking : Les Chemins de la liberté
Riton de la biographie de François Bayrou : Le Discours d'un roi
Riton du documentaire sur le triomphe de la démagogie en politique : Le Président
Riton du film sur le mélange des genres : Moi, Michel G, milliardaire, maître du monde
Riton de la fiction politique : L'Exercice de l'Etat
Riton du film de tension : L'Assaut
Riton du film nostalgique de l'après-guerre : Les Tribulations d'une amoureuse sous Staline
Riton du film anti-ségrégation : La Couleur des sentiments
Riton du film d'action post-guerre froide : Mission : impossible - Protocole fantôme
Riton du film de flics : Polisse
Riton du film consacré à une erreur judiciaire : Présumé coupable
Riton du film de bagnole : La Défense Lincoln
Riton du mélo : Toutes nos envies
Riton du film sociétal : De bon matin
Riton du documentaire militant : Gasland (techniquement moins joli que Tous au Larzac, mais plus fort)
Riton du film sardonique : Carnage
Riton du film iranien : Une Séparation
Riton du film consacré au conflit israélo-palestinien : Le Cochon de Gaza
Vous constatez que cette liste semble, pour l'instant, marquée par les films ancrés dans le réel, parfois très durs. C'est un genre que j'aime, mais l'année 2011 a aussi été riche en fantaisie.
Riton du roman-feuilleton : Les Mystères de Lisbonne
Riton du western : True Grit
Riton du film d'anticipation : Source Code (devant Time Out)
Riton du "prequel" : La Planète des singes : les origines
Riton du film de drogué : Limitless
Riton du film de poupées : Les Fables de Starevitch
Riton du film musical : Chico et Rita
Riton du manga : Colorful
Riton de l'animation animalière : Le Chat Potté
dimanche, 01 janvier 2012 | Lien permanent
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