dimanche, 20 avril 2025
Lumière, l'aventure continue !
Huit ans après Lumière ! L'aventure commence, Thierry Frémaux remet le couvert, en cette année anniversaire (les 130 ans de l'invention du cinématographe). Il utilise la même méthode et les mêmes recettes que dans le précédent film (dont il réemploie une partie du matériau) et nous propose, en 1h45 (environ), plus d'une centaine de petits films d'époque, restaurés, sur une musique de Gabriel Fauré.
On redécouvre ainsi avec plaisir les trois versions de la fameuse sortie d'usine, commentées avec acuité. Frémaux a une fois encore su doser sa parole, intervenant quand c'est utile, ne surchargeant pas le docu de propos verbeux... et c'est toujours pertinent.
La suite est classée par thèmes. On nous rappelle que Louis Lumière a employé et formé une brochette d'opérateurs, qu'il a envoyés aux quatre coins du monde. Ils sont cités dans le générique de fin, mais je trouve qu'ils ne sont pas assez mis en avant, puisque, le plus souvent, leur travail de qualité est mis au compte du seul Louis Lumière : Gabriel Veyre, Alexandre Promio, François-Constant Girel, Félix Mesguich...
Grâce à eux, nous avons, aujourd'hui encore, des images datant de plus de cent ans du continent américain (États-Unis, Canada, Mexique...), des colonies françaises d'Afrique et d'Asie (l'Indochine en particulier)... mais aussi d'Europe, avec une place importante accordée à la France, surtout à Paris et à Lyon. D'autres villes de province sont présentes à l'écran, l'une d'entre elles étant particulièrement difficile à reconnaître :
(réponse en fin de billet)
De ma région je n'ai reconnu qu'un passage sur Carmaux, avec des femmes travaillant dans les mines, mais en surface. (On les voit charger du coke dans des brouettes.)
Les travaux et les jours constituent une thématique importante. Le monde paysan est à l'honneur, même si sa place dans le film est plus faible que celle qu'il occupait dans la société de l'époque.
Un autre passage intéressant concerne les militaires, français, mais aussi étrangers : on voit des Allemands (reconnaissables au casque à pointe) et des Mexicains, entre autres. Frémaux fait remarquer que les unités françaises qui nous sont montrées ne semblent pas très redoutables... mais c'est peut-être lié au fait que, devant la caméra, beaucoup de personnes filmées (quelle que soit la classe sociale) ont envie de "faire l'intéressant".
La famille des frères Lumière fait l'objet de nombreuses prises de vue. On les voit dans leur propriété, mais aussi en vacances, à la mer. Louis a aimé filmer les enfants, soit au naturel, soit en les dirigeant, tel un metteur en scène contemporain.
Cela nous mène à un autre propos de Thierry Frémaux : l'aspect précurseur des frères Lumière et de leurs équipes. Les plans de leurs petits films étaient construits avec soin : le cadre n'est jamais choisi au hasard et, souvent, les images fourmillent de détails, que Frémaux se plaît à souligner.
Le plus souvent, les preneurs d'images se font documentaristes. Mais ils ne s'interdisent pas quelques effets : panoramique, travelling et, de temps en temps, mise en abyme, un opérateur figurant dans le champ.
Quelques petites fictions nous sont aussi proposées, avec des trucages visuels. C'est plaisant, mais ce ne sont pas les films les plus aboutis des frères Lumière. Dans ce domaine, ils ont été vite dépassés par l'un de leurs admirateurs, présent à l'une de leurs premières projections, un certain Georges Méliès.
L'ensemble constitue un formidable panorama de l’œuvre des pionniers du cinéma. C'est passionnant à regarder et à écouter. Sur le plan historique, on pourra toutefois regretter que Frémaux n'évoque pas la sympathie éprouvée par les deux frères vieillissants pour le régime de Vichy. Il rétorquerait sans doute qu'il n'a pas vraiment fait œuvre de biographe, mais rendu hommage aux débuts foisonnants de ce qui n'était pas encore appelé le Septième Art.
P.S.
Pour la ville de province, la réponse est ici.
11:13 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Lumière, l'aventure continue !
Huit ans après Lumière ! L'aventure commence, Thierry Frémaux remet le couvert, en cette année anniversaire (les 130 ans de l'invention du cinématographe). Il utilise la même méthode et les mêmes recettes que dans le précédent film (dont il réemploie une partie du matériau) et nous propose, en 1h45 (environ), plus d'une centaine de petits films d'époque, restaurés, sur une musique de Gabriel Fauré.
On redécouvre ainsi avec plaisir les trois versions de la fameuse sortie d'usine, commentées avec acuité. Frémaux a une fois encore su doser sa parole, intervenant quand c'est utile, ne surchargeant pas le docu de propos verbeux... et c'est toujours pertinent.
La suite est classée par thèmes. On nous rappelle que Louis Lumière a employé et formé une brochette d'opérateurs, qu'il a envoyés aux quatre coins du monde. Ils sont cités dans le générique de fin, mais je trouve qu'ils ne sont pas assez mis en avant, puisque, le plus souvent, leur travail de qualité est mis au compte du seul Louis Lumière : Gabriel Veyre, Alexandre Promio, François-Constant Girel, Félix Mesguich...
Grâce à eux, nous avons, aujourd'hui encore, des images datant de plus de cent ans du continent américain (États-Unis, Canada, Mexique...), des colonies françaises d'Afrique et d'Asie (l'Indochine en particulier)... mais aussi d'Europe, avec une place importante accordée à la France, surtout à Paris et à Lyon. D'autres villes de province sont présentes à l'écran, l'une d'entre elles étant particulièrement difficile à reconnaître :
(réponse en fin de billet)
De ma région je n'ai reconnu qu'un passage sur Carmaux, avec des femmes travaillant dans les mines, mais en surface. (On les voit charger du coke dans des brouettes.)
Les travaux et les jours constituent une thématique importante. Le monde paysan est à l'honneur, même si sa place dans le film est plus faible que celle qu'il occupait dans la société de l'époque.
Un autre passage intéressant concerne les militaires, français, mais aussi étrangers : on voit des Allemands (reconnaissables au casque à pointe) et des Mexicains, entre autres. Frémaux fait remarquer que les unités françaises qui nous sont montrées ne semblent pas très redoutables... mais c'est peut-être lié au fait que, devant la caméra, beaucoup de personnes filmées (quelle que soit la classe sociale) ont envie de "faire l'intéressant".
La famille des frères Lumière fait l'objet de nombreuses prises de vue. On les voit dans leur propriété, mais aussi en vacances, à la mer. Louis a aimé filmer les enfants, soit au naturel, soit en les dirigeant, tel un metteur en scène contemporain.
Cela nous mène à un autre propos de Thierry Frémaux : l'aspect précurseur des frères Lumière et de leurs équipes. Les plans de leurs petits films étaient construits avec soin : le cadre n'est jamais choisi au hasard et, souvent, les images fourmillent de détails, que Frémaux se plaît à souligner.
Le plus souvent, les preneurs d'images se font documentaristes. Mais ils ne s'interdisent pas quelques effets : panoramique, travelling et, de temps en temps, mise en abyme, un opérateur figurant dans le champ.
Quelques petites fictions nous sont aussi proposées, avec des trucages visuels. C'est plaisant, mais ce ne sont pas les films les plus aboutis des frères Lumière. Dans ce domaine, ils ont été vite dépassés par l'un de leurs admirateurs, présent à l'une de leurs premières projections, un certain Georges Méliès.
L'ensemble constitue un formidable panorama de l’œuvre des pionniers du cinéma. C'est passionnant à regarder et à écouter. Sur le plan historique, on pourra toutefois regretter que Frémaux n'évoque pas la sympathie éprouvée par les deux frères vieillissants pour le régime de Vichy. Il rétorquerait sans doute qu'il n'a pas vraiment fait œuvre de biographe, mais rendu hommage aux débuts foisonnants de ce qui n'était pas encore appelé le Septième Art.
P.S.
Pour la ville de province, la réponse est ici.
11:13 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 19 avril 2025
La Réparation
Plus de dix ans après Le Temps des aveux, Régis Wargnier nous propose son nouveau film, toujours sous le sceau de l'Asie orientale (ici Taïwan, la Chine non communiste).
C'est une histoire de filiation, d'amour(s) et de transmission, entre la France et Taïwan. La première partie se déroule en Bretagne, où se trouve un restaurant (doublement) étoilé... et dont le chef cuistot, "Janko" (interprété par Clovis Cornillac), espère décrocher une distinction supplémentaire... et passer le flambeau à sa fille unique, qui a une liaison (secrète) avec son premier commis.
Cette partie nous propose du déjà-vu (au cinéma et à la télévision), mais plutôt bien joué et correctement mis en scène. (Je trouve que Wargnier filme bien la forêt, ainsi que la cuisine en action.) Cornillac (rôdé par la série Chefs) est au poil dans le rôle, à la fois cuisinier passionné, chef de brigade exigeant voire autoritaire... et papounet très protecteur, un brin directif. J'ai aussi bien aimé les scènes de retour en arrière, montrant Janko avec sa fille, alors enfant. Je suis moins convaincu par celle qui la joue à l'âge adulte, Brigitte Bardot Julia de Nunez, et par ses collègues masculins, Antoine Pelletier et Julien de Saint-Jean (qu'on a vu meilleur dans Le Comte de Monte-Cristo).
On attend le (premier) coup de théâtre et ses conséquences. Cela introduit un intéressant suspens, concernant deux personnes. Pour l'une des deux, le doute subsiste quasiment jusqu'à la fin...
Une ellipse nous projette quelques années plus tard, à Taïwan, où le film prend une nouvelle inspiration. On sent Wargnier fasciné à la fois par l'ultra-modernité urbaine et les espaces naturels de l'île. Je trouve que le restaurant de Taipei est encore mieux filmé que son homologue de Bretagne. Le nouveau protagoniste (un jeune chef taïwanais prometteur), est bien interprété, par J.C. Lin.
Dans cette séquence, on retrouve avec plaisir Louis-Do de Lencquesaing, en critique gastronomique pontifiant (pléonasme ?). Mais la sauce ne prend pas. Je pense que les acteurs chevronnés s'en sortent mieux parce qu'ils ont compris ce que Wargnier attendait d'eux, sans avoir besoin d'être cornaqués... ou alors c'est tout simplement parce qu'ils sont meilleurs que les jeunes (Français). Quoi qu'il en soit, pour moi, le plat qui nous est proposé, au final, manque un peu de saveur.
10:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
La Réparation
Plus de dix ans après Le Temps des aveux, Régis Wargnier nous propose son nouveau film, toujours sous le sceau de l'Asie orientale (ici Taïwan, la Chine non communiste).
C'est une histoire de filiation, d'amour(s) et de transmission, entre la France et Taïwan. La première partie se déroule en Bretagne, où se trouve un restaurant (doublement) étoilé... et dont le chef cuistot, "Janko" (interprété par Clovis Cornillac), espère décrocher une distinction supplémentaire... et passer le flambeau à sa fille unique, qui a une liaison (secrète) avec son premier commis.
Cette partie nous propose du déjà-vu (au cinéma et à la télévision), mais plutôt bien joué et correctement mis en scène. (Je trouve que Wargnier filme bien la forêt, ainsi que la cuisine en action.) Cornillac (rôdé par la série Chefs) est au poil dans le rôle, à la fois cuisinier passionné, chef de brigade exigeant voire autoritaire... et papounet très protecteur, un brin directif. J'ai aussi bien aimé les scènes de retour en arrière, montrant Janko avec sa fille, alors enfant. Je suis moins convaincu par celle qui la joue à l'âge adulte, Brigitte Bardot Julia de Nunez, et par ses collègues masculins, Antoine Pelletier et Julien de Saint-Jean (qu'on a vu meilleur dans Le Comte de Monte-Cristo).
On attend le (premier) coup de théâtre et ses conséquences. Cela introduit un intéressant suspens, concernant deux personnes. Pour l'une des deux, le doute subsiste quasiment jusqu'à la fin...
Une ellipse nous projette quelques années plus tard, à Taïwan, où le film prend une nouvelle inspiration. On sent Wargnier fasciné à la fois par l'ultra-modernité urbaine et les espaces naturels de l'île. Je trouve que le restaurant de Taipei est encore mieux filmé que son homologue de Bretagne. Le nouveau protagoniste (un jeune chef taïwanais prometteur), est bien interprété, par J.C. Lin.
Dans cette séquence, on retrouve avec plaisir Louis-Do de Lencquesaing, en critique gastronomique pontifiant (pléonasme ?). Mais la sauce ne prend pas. Je pense que les acteurs chevronnés s'en sortent mieux parce qu'ils ont compris ce que Wargnier attendait d'eux, sans avoir besoin d'être cornaqués... ou alors c'est tout simplement parce qu'ils sont meilleurs que les jeunes (Français). Quoi qu'il en soit, pour moi, le plat qui nous est proposé, au final, manque un peu de saveur.
10:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 17 avril 2025
Novocaïne
Le titre est le surnom que porte le personnage principal. Il est lié à sa "particularité" : ne pas ressentir la douleur (physique). L'introduction nous présente donc Nathan (Jack Quaid, fils de, récemment vu dans Companion) au quotidien, avec ses rituels suivis à la lettre et une multitude de petites précautions visant à éviter le moindre accident. Nate est un chic type, il a le profil du "gendre idéal" : poli, propre sur lui, déjà directeur-adjoint d'une agence bancaire, assez empathique. Mais il vit seul, entouré de ses bouquins et d'un équipement informatique haut de gamme, qui lui a permis de se faire un ami gamer... qu'il n'a jamais rencontré (dans la vraie vie).
Depuis quelques mois, il a encore plus de plaisir à se rendre au boulot, depuis qu'a été engagée une nouvelle employée, Sherry, une petite bombe mini-jupée qui semble lui faire de l’œil. Les deux tourtereaux se rapprochent... et se découvrent des points communs, notamment une enfance difficile. Cette rom com (comédie romantique) est légèrement épicée, puisqu'on a brièvement l'occasion de découvrir la "particularité" de Nathan à l’œuvre.
Cela se corse un peu lors du braquage de la banque, ultra-violent, bien filmé. On est à l'approche des fêtes de fin d'année et un trio de Pères Noël débarque sans prévenir, pour distribuer quelques pralines. Cela ne se passe donc pas très bien... et Sherry est prise en otage.
Nathan se lance à la poursuite des méchants... et c'est l'escalade. Il va les rencontrer un à un, successivement dans la cuisine d'un restaurant, une maison regorgeant de pièges et un garage. (Je recommande aussi le passage chez le tatoueur, qui ne déçoit pas.) Cela devient de plus en plus violent, de plus en plus gore... de plus en plus invraisemblable. Mais, qu'on soit horrifié(e) ou qu'on rigole, pris dans le rythme, cela se tient. Maquillage, prothèses, sauce tomate et effets numériques contribuent à nous faire toucher du doigt l'ampleur des sévices que ce brave Nathan va subir (sans avoir mal), pour tenter de sauver sa dulcinée. A propos de celle-ci, un petit coup de théâtre nous est ménagé à mi-parcours.
Le dernier méchant Père Noël (Simon) est le plus difficile à dézinguer. On pensait en avoir fini au bout d'1h30... et voilà que la production nous en remet une couche, pour un petit quart d'heure supplémentaire de boucherie. La manière dont ce Simon (interprété par Ray Nicholson, autre fils de) est définitivement mis hors d'état de nuire est croquignolesque (mais a choqué les demoiselles assises pas très loin de moi).
Cela m'a un peu rappelé l'ambiance des Deadpool, à ceci près que le super-héros mal élevé ressent la douleur (mais se rétablit de ses blessures), alors que Nathan ne ressent rien... mais finit par avoir bigrement besoin d'une aide médicale.
C'était mon "plaisir coupable" du mois d'avril.
00:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéùa, cinema, film, films
mardi, 15 avril 2025
Minecraft (le film)
La Warner s'est lancée dans le périlleux exercice de transposition de l'univers du célèbre jeu sur grand écran, dans le cadre d'une comédie d'aventures. Une pelletée d'effets spéciaux a été employée pour animer des scènes de bagarre, de poursuite... ou de créativité architecturale. Pour moi (qui ne suis pas un gamer), c'est réussi et cela constitue un agréable divertissement.
Cela démarre sur les chapeaux de roue, avec la jeunesse de Steve, garçon un peu timide qui, plus tard, parvient à pénétrer dans la fameuse mine, où il a réalisé la découverte qui a changé sa vie. Cette première vision des deux univers parallèles (le paradis de briques et l'enfer porcin) sert d'introduction... et peut-être de mise à jour, pour le public qui ignore tout du jeu.
Ensuite, c'est un deuxième film qui commence, dans une petite ville d'Idaho, dans le nord-ouest des États-Unis. On y fait connaissance avec les autres protagonistes de l'histoire : un garçon sensible et intelligent, qui vient de perdre sa mère, sa grande sœur, une agente immobilière qui n'a pas la langue dans sa poche et une ancienne gloire locale (devenu un gros beauf), Garrett "Garbage" Garrison, qui a les muscles, les tatouages et les cheveux de Jason Momoa. On remarque que, dans cette petite ville d'un comté sans doute rural, beaucoup d'adultes sont en surpoids et que leur intelligence est en général très limitée... On comprend que les jeunes aient envie de s'enfuir !
Leurs aventures leur font rejoindre l'univers où Steve (Jack Black, très bien) est resté enfermé... Cela ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr, Jumanji ! C'est du même niveau, même si c'est plus sage au niveau des dialogues... et il n'y a pas d'héroïne bad ass (juste une directrice de collège très dragueuse, interprétée Jennifer Coolidge, célèbre naguère pour avoir incarné la mère de Stifler, dans les American Pie).
Les effets spéciaux sont vraiment bien fichus. J'ai particulièrement aimé les animaux, tous de forme cubique bien entendu : les poules, les moutons, les cochons, les loups... Celles et ceux qui goûtent peu l'habillage visuel peuvent s'amuser à repérer les clins d’œil cinéphiles, au Seigneur des anneaux, à Star Wars, Indiana Jones...
Dans cet univers loufoque, l'improbable équipe de bras cassés doit resserrer ses liens et croire en elle pour surmonter l'adversité. On assiste bien entendu à une énième naissance de famille recomposée, le Bien finissant par vaincre le Mal. A la fin de l'histoire, chacun a mûri... et l'on a passé un bon moment... à savourer jusqu'au bout, avec deux scènes ajoutées.
23:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Minecraft (le film)
La Warner s'est lancée dans le périlleux exercice de transposition de l'univers du célèbre jeu sur grand écran, dans le cadre d'une comédie d'aventures. Une pelletée d'effets spéciaux a été employée pour animer des scènes de bagarre, de poursuite... ou de créativité architecturale. Pour moi (qui ne suis pas un gamer), c'est réussi et cela constitue un agréable divertissement.
Cela démarre sur les chapeaux de roue, avec la jeunesse de Steve, garçon un peu timide qui, plus tard, parvient à pénétrer dans la fameuse mine, où il a réalisé la découverte qui a changé sa vie. Cette première vision des deux univers parallèles (le paradis de briques et l'enfer porcin) sert d'introduction... et peut-être de mise à jour, pour le public qui ignore tout du jeu.
Ensuite, c'est un deuxième film qui commence, dans une petite ville d'Idaho, dans le nord-ouest des États-Unis. On y fait connaissance avec les autres protagonistes de l'histoire : un garçon sensible et intelligent, qui vient de perdre sa mère, sa grande sœur, une agente immobilière qui n'a pas la langue dans sa poche et une ancienne gloire locale (devenu un gros beauf), Garrett "Garbage" Garrison, qui a les muscles, les tatouages et les cheveux de Jason Momoa. On remarque que, dans cette petite ville d'un comté sans doute rural, beaucoup d'adultes sont en surpoids et que leur intelligence est en général très limitée... On comprend que les jeunes aient envie de s'enfuir !
Leurs aventures leur font rejoindre l'univers où Steve (Jack Black, très bien) est resté enfermé... Cela ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr, Jumanji ! C'est du même niveau, même si c'est plus sage au niveau des dialogues... et il n'y a pas d'héroïne bad ass (juste une directrice de collège très dragueuse, interprétée Jennifer Coolidge, célèbre naguère pour avoir incarné la mère de Stifler, dans les American Pie).
Les effets spéciaux sont vraiment bien fichus. J'ai particulièrement aimé les animaux, tous de forme cubique bien entendu : les poules, les moutons, les cochons, les loups... Celles et ceux qui goûtent peu l'habillage visuel peuvent s'amuser à repérer les clins d’œil cinéphiles, au Seigneur des anneaux, à Star Wars, Indiana Jones...
Dans cet univers loufoque, l'improbable équipe de bras cassés doit resserrer ses liens et croire en elle pour surmonter l'adversité. On assiste bien entendu à une énième naissance de famille recomposée, le Bien finissant par vaincre le Mal. A la fin de l'histoire, chacun a mûri... et l'on a passé un bon moment... à savourer jusqu'au bout, avec deux scènes ajoutées.
23:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Voyage avec mon père
A la suite du décès d'une personne proche, deux citoyens (juifs) des États-Unis, apparentés, effectuent un voyage mémoriel en Pologne, dans la région qui fut le berceau familial (du côté de Lodz). Leur périple sera l'occasion de se fâcher et de se rabibocher, dans une Pologne plus ou moins accueillante... Cela ne vous rappelle rien ? Eh, oui, on dirait l'intrigue du récent A Real Pain... à ceci près qu'ici l'histoire est entièrement vraie... et plus touchante que ce qu'on a pu voir dans le film de Jesse Eisenberg.
Le duo de héros est composé d'un père et de sa fille, Edek et Ruth, incarnés par l'excellent Stephen Fry et la surprenante Lena Dunham (venue de la télévision). Tous deux n'ont pas la même manière de gérer le deuil de l'épouse d'Edek (mère de Ruth). Lui n'en parle quasiment pas et essaie de goûter aux plaisirs de la vie, tandis que sa fille a tendance à déprimer.
C'est elle qui a eu l'idée de ce voyage mémoriel, auquel son père, au départ, ne voulait pas participer. Il faut dire que Ruth n'a pas eu de grands-parents... ni de cousins. Le décès de la mère et l'ouverture de la Pologne post communiste (au début des années 1990) aux touristes du monde capitaliste ont contribué à la réalisation du projet.
Là encore, le père (qui a fini par décider d'accompagner Ruth) et la fille ne sont pas d'accord. Elle a établi un programme précis, qu'elle veut suivre à la lettre. Edek préfère musarder, tentant d'éviter de retourner à Lodz en s'adonnant à un tourisme traditionnel, profitant de l'occasion pour pratiquer à nouveau la langue polonaise. Il se rapproche même langoureusement d'interprètes locales, très ouvertes aux échanges interculturels...
Sur le fond, le film ne cherche pas à emprunter un sentier politiquement correct. Le père ment à sa fille à propos de l'emplacement de l'ancien ghetto juif et il n'arrête pas de lui reprocher de "bouffer des graines" (elle est végétarienne) et de s'être séparée de son époux, qu'Edek considère comme un chic type. (Il en conserve même des photographies dans son porte-feuille.)
Mais le malaise le plus grand s'installe lors du passage par Lodz. Edek montre à Ruth l'appartement (miteux) où, jeune homme, il est allé draguer sa future épouse, avant de l'accompagner dans un autre endroit de la ville, où se trouve l'immeuble que possédait sa famille, qui logeait dans l'un des grands appartements. La rencontre avec les nouveaux occupants polonais (catholiques) réserve pas mal de surprises...
On l'attend et elle finit par arriver : la séquence à Auschwitz. Elle est surprenante dans son déroulement, très émouvante, mais pas forcément comme on s'y attend. C'est toujours aussi bien interprété, du côté états-unien comme du côté polonais (avec notamment un chauffeur de taxi empathique et débrouillard).
J'ai beaucoup aimé. Je regrette d'autant plus que le film ait été minimisé, voire dénigré, par une partie des critiques français, que la mémoire de ce génocide semble quelque peu déranger.
16:49 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Voyage avec mon père
A la suite du décès d'une personne proche, deux citoyens (juifs) des États-Unis, apparentés, effectuent un voyage mémoriel en Pologne, dans la région qui fut le berceau familial (du côté de Lodz). Leur périple sera l'occasion de se fâcher et de se rabibocher, dans une Pologne plus ou moins accueillante... Cela ne vous rappelle rien ? Eh, oui, on dirait l'intrigue du récent A Real Pain... à ceci près qu'ici l'histoire est entièrement vraie... et plus touchante que ce qu'on a pu voir dans le film de Jesse Eisenberg.
Le duo de héros est composé d'un père et de sa fille, Edek et Ruth, incarnés par l'excellent Stephen Fry et la surprenante Lena Dunham (venue de la télévision). Tous deux n'ont pas la même manière de gérer le deuil de l'épouse d'Edek (mère de Ruth). Lui n'en parle quasiment pas et essaie de goûter aux plaisirs de la vie, tandis que sa fille a tendance à déprimer.
C'est elle qui a eu l'idée de ce voyage mémoriel, auquel son père, au départ, ne voulait pas participer. Il faut dire que Ruth n'a pas eu de grands-parents... ni de cousins. Le décès de la mère et l'ouverture de la Pologne post communiste (au début des années 1990) aux touristes du monde capitaliste ont contribué à la réalisation du projet.
Là encore, le père (qui a fini par décider d'accompagner Ruth) et la fille ne sont pas d'accord. Elle a établi un programme précis, qu'elle veut suivre à la lettre. Edek préfère musarder, tentant d'éviter de retourner à Lodz en s'adonnant à un tourisme traditionnel, profitant de l'occasion pour pratiquer à nouveau la langue polonaise. Il se rapproche même langoureusement d'interprètes locales, très ouvertes aux échanges interculturels...
Sur le fond, le film ne cherche pas à emprunter un sentier politiquement correct. Le père ment à sa fille à propos de l'emplacement de l'ancien ghetto juif et il n'arrête pas de lui reprocher de "bouffer des graines" (elle est végétarienne) et de s'être séparée de son époux, qu'Edek considère comme un chic type. (Il en conserve même des photographies dans son porte-feuille.)
Mais le malaise le plus grand s'installe lors du passage par Lodz. Edek montre à Ruth l'appartement (miteux) où, jeune homme, il est allé draguer sa future épouse, avant de l'accompagner dans un autre endroit de la ville, où se trouve l'immeuble que possédait sa famille, qui logeait dans l'un des grands appartements. La rencontre avec les nouveaux occupants polonais (catholiques) réserve pas mal de surprises...
On l'attend et elle finit par arriver : la séquence à Auschwitz. Elle est surprenante dans son déroulement, très émouvante, mais pas forcément comme on s'y attend. C'est toujours aussi bien interprété, du côté états-unien comme du côté polonais (avec notamment un chauffeur de taxi empathique et débrouillard).
J'ai beaucoup aimé. Je regrette d'autant plus que le film ait été minimisé, voire dénigré, par une partie des critiques français, que la mémoire de ce génocide semble quelque peu déranger.
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lundi, 14 avril 2025
Vermiglio ou la mariée des montagnes
En 1944, la Seconde Guerre mondiale est finissante (en Europe). Ses échos parviennent, étouffés, dans un village du Trentin, dans le nord de l'Italie, aux confins de l'actuelle Autriche.
Deux soldats italiens arrivent au village. L'un est du coin, tandis que l'autre est originaire de Sicile, et peine à se faire comprendre des habitants, son dialecte étant fort éloigné de la langue régionale. On comprend très vite que ces deux militaires ont déserté, la tournure prise par la guerre étant il est vrai déconcertante. L'Italie, fasciste, fut un allié de l'Allemagne, jusqu'au renversement de Mussolini, en 1943. Le nouveau gouvernement s'est rapproché des Alliés, tandis qu'au nord, les Allemands ont lancé une invasion pour remettre le Duce au pouvoir, dans une parodie de régime fasciste, la République de Salo (dénomination qui est riche de sens, en français).
Dans ce village du Trentin, les femmes sont nombreuses... mais sous la coupe des hommes, notamment des vieux. L'instituteur fait office de notable local, cultivé, raisonnable, parlant bien. Il en impose à tout le monde, y compris au sein de sa famille. Son épouse est sur le point d'accoucher de leur dixième (!) enfant, sept des précédents ayant semble-t-il survécu : trois garçons très curieux, un adolescent pas bien futé, une gamine qui excelle à l'école (le grand espoir de la famille) et deux sœurs aînées. La première (Ada) est partagée entre sa foi intense et ses pulsions, tandis que la seconde (qui me semble être la plus âgée), Lucia, va vite avoir le béguin pour le jeune Sicilien. Celui-ci a une belle gueule, des mains douces et, parfois, le zizi tout dur...
La première partie raconte l'intégration des soldats à la vie villageoise (les habitants ayant décidé, à l'initiative de l'instituteur, de ne pas les dénoncer). Les scènes sont quasi naturalistes, ayant pour cadre soit de magnifiques paysages alpins soit des intérieurs ruraux que, par politesse, on qualifiera de rustiques. On ne roule pas sur l'or dans cette campagne oubliée, où la force des bras est le principal atout pour survivre.
Petit à petit, on découvre les différents aspects de la domination qui s'exerce sur les femmes, cantonnées à certains travaux : cuisine, ménage, lessive, gestion des enfants... Quelques-unes aspirent à autre chose, ce qui implique d'échapper au schéma marital qui leur est imposé. Ce pourrait être par la voie des ordres (pour la plus croyante des filles), grâce à des études poussées (pour la petite douée) ou en partant travailler à la ville.
Tout cela est suggéré avec finesse, au cours de scènes en apparence anodines, mais qui disent beaucoup de choses.
C'est mis en scène et dirigé avec talent, par Maura Delpero, dont je n'avais pas entendu parler auparavant.
La seconde partie voit la guerre s'achever. C'est le moment où les humains, les marchandises et les informations se remettent à circuler (plus ou moins) librement. Plusieurs changements majeurs surviennent, toujours très bien amenés par la réalisatrice qui, de surcroît, réussit son dernier quart d'heure, que j'ai trouvé éblouissant.
C'est un film à voir, s'il passe près de chez vous.
21:20 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Vermiglio ou la mariée des montagnes
En 1944, la Seconde Guerre mondiale est finissante (en Europe). Ses échos parviennent, étouffés, dans un village du Trentin, dans le nord de l'Italie, aux confins de l'actuelle Autriche.
Deux soldats italiens arrivent au village. L'un est du coin, tandis que l'autre est originaire de Sicile, et peine à se faire comprendre des habitants, son dialecte étant fort éloigné de la langue régionale. On comprend très vite que ces deux militaires ont déserté, la tournure prise par la guerre étant il est vrai déconcertante. L'Italie, fasciste, fut un allié de l'Allemagne, jusqu'au renversement de Mussolini, en 1943. Le nouveau gouvernement s'est rapproché des Alliés, tandis qu'au nord, les Allemands ont lancé une invasion pour remettre le Duce au pouvoir, dans une parodie de régime fasciste, la République de Salo (dénomination qui est riche de sens, en français).
Dans ce village du Trentin, les femmes sont nombreuses... mais sous la coupe des hommes, notamment des vieux. L'instituteur fait office de notable local, cultivé, raisonnable, parlant bien. Il en impose à tout le monde, y compris au sein de sa famille. Son épouse est sur le point d'accoucher de leur dixième (!) enfant, sept des précédents ayant semble-t-il survécu : trois garçons très curieux, un adolescent pas bien futé, une gamine qui excelle à l'école (le grand espoir de la famille) et deux sœurs aînées. La première (Ada) est partagée entre sa foi intense et ses pulsions, tandis que la seconde (qui me semble être la plus âgée), Lucia, va vite avoir le béguin pour le jeune Sicilien. Celui-ci a une belle gueule, des mains douces et, parfois, le zizi tout dur...
La première partie raconte l'intégration des soldats à la vie villageoise (les habitants ayant décidé, à l'initiative de l'instituteur, de ne pas les dénoncer). Les scènes sont quasi naturalistes, ayant pour cadre soit de magnifiques paysages alpins soit des intérieurs ruraux que, par politesse, on qualifiera de rustiques. On ne roule pas sur l'or dans cette campagne oubliée, où la force des bras est le principal atout pour survivre.
Petit à petit, on découvre les différents aspects de la domination qui s'exerce sur les femmes, cantonnées à certains travaux : cuisine, ménage, lessive, gestion des enfants... Quelques-unes aspirent à autre chose, ce qui implique d'échapper au schéma marital qui leur est imposé. Ce pourrait être par la voie des ordres (pour la plus croyante des filles), grâce à des études poussées (pour la petite douée) ou en partant travailler à la ville.
Tout cela est suggéré avec finesse, au cours de scènes en apparence anodines, mais qui disent beaucoup de choses.
C'est mis en scène et dirigé avec talent, par Maura Delpero, dont je n'avais pas entendu parler auparavant.
La seconde partie voit la guerre s'achever. C'est le moment où les humains, les marchandises et les informations se remettent à circuler (plus ou moins) librement. Plusieurs changements majeurs surviennent, toujours très bien amenés par la réalisatrice qui, de surcroît, réussit son dernier quart d'heure, que j'ai trouvé éblouissant.
C'est un film à voir, s'il passe près de chez vous.
21:20 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
dimanche, 13 avril 2025
Piégé
Une petite racaille va se retrouver enfermée dans un somptueux SUV et soumise aux desiderata d'un vieux chirurgien réactionnaire. (Le véhicule, de la marque fictive DOLUS, semble avoir été spécialement conçu pour le film, à partir d'un modèle Land Rover.)
L'introduction nous présente le délinquant, qui a passé les trente ans, mais vit encore comme un adolescent irresponsable, entre trafics minables, vols et consommation de stupéfiants. Toutefois, la mise en scène est chargée de nous faire comprendre qu'au fond, c'est plutôt un type bien, attaché à sa fille (qui vit avec son ex), que les circonstances vont conduire à enfreindre de nouvelles règles.
La suite est un quasi-huis-clos, à l'intérieur du SUV. C'est un mano a mano, d'abord à distance, entre un vieux réac (Anthony Hopkins, certes affaibli, mais tenant encore la route, si j'ose dire) et un jeune rebelle (Bill Skarsgård, étonnant). Caméras intérieures, micros et ordinateur de bord (connecté) permettent aux deux personnages d'échanger... et même de débattre, avant que le rapport de force ne reprenne le dessus.
Le véhicule ultra-perfectionné regorge de recoins et de possibilités, ce qui donne lieu à divers rebondissements, parfois sanglants. De plus, comme l'intrigue s'étend sur plusieurs jours, au sein du même véhicule, vous pensez bien qu'à un moment donné, il va être question de nourriture, de boisson... et de déjections. J'ai beaucoup aimé tous ces aspects du film (sang, nourriture, pisse et... odeur de merde).
Si l'on sait très vite pourquoi le jeune homme braque le véhicule, en revanche, on met un petit moment à comprendre quelles sont les motivations profondes du vieux chirurgien.
De son côté, le cinéaste, à travers le confrontation de deux profils sociologiques et de deux tempéraments différents, semble avoir voulu mettre en scène deux Amérique, l'une plutôt progressiste et "laxiste", l'autre travailleuse, autoritaire et attachée aux "vraies valeurs". C'est donc, pour moi, globalement, un bon "film de droite", dont toutefois la conclusion pourra être appréciée par des spectateurs de différentes sensibilités.
10:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Piégé
Une petite racaille va se retrouver enfermée dans un somptueux SUV et soumise aux desiderata d'un vieux chirurgien réactionnaire. (Le véhicule, de la marque fictive DOLUS, semble avoir été spécialement conçu pour le film, à partir d'un modèle Land Rover.)
L'introduction nous présente le délinquant, qui a passé les trente ans, mais vit encore comme un adolescent irresponsable, entre trafics minables, vols et consommation de stupéfiants. Toutefois, la mise en scène est chargée de nous faire comprendre qu'au fond, c'est plutôt un type bien, attaché à sa fille (qui vit avec son ex), que les circonstances vont conduire à enfreindre de nouvelles règles.
La suite est un quasi-huis-clos, à l'intérieur du SUV. C'est un mano a mano, d'abord à distance, entre un vieux réac (Anthony Hopkins, certes affaibli, mais tenant encore la route, si j'ose dire) et un jeune rebelle (Bill Skarsgård, étonnant). Caméras intérieures, micros et ordinateur de bord (connecté) permettent aux deux personnages d'échanger... et même de débattre, avant que le rapport de force ne reprenne le dessus.
Le véhicule ultra-perfectionné regorge de recoins et de possibilités, ce qui donne lieu à divers rebondissements, parfois sanglants. De plus, comme l'intrigue s'étend sur plusieurs jours, au sein du même véhicule, vous pensez bien qu'à un moment donné, il va être question de nourriture, de boisson... et de déjections. J'ai beaucoup aimé tous ces aspects du film (sang, nourriture, pisse et... odeur de merde).
Si l'on sait très vite pourquoi le jeune homme braque le véhicule, en revanche, on met un petit moment à comprendre quelles sont les motivations profondes du vieux chirurgien.
De son côté, le cinéaste, à travers le confrontation de deux profils sociologiques et de deux tempéraments différents, semble avoir voulu mettre en scène deux Amérique, l'une plutôt progressiste et "laxiste", l'autre travailleuse, autoritaire et attachée aux "vraies valeurs". C'est donc, pour moi, globalement, un bon "film de droite", dont toutefois la conclusion pourra être appréciée par des spectateurs de différentes sensibilités.
10:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 12 avril 2025
Doux Jésus
Une nonne atteinte de pré-ménopause précoce décide de retrouver son grand amour d'adolescence, pour sauver celui-ci... et, peut-être, se sauver elle-même.
Sur ce schéma hyper-balisé, Frédéric Quiring (un peu aidé semble-t-il par Sophia Aram) a construit une comédie sans guère de surprise, pas franchement anti-cléricale mais assez irrévérencieuse, s'appuyant sur une brochette de comédiennes très engagées dans leur rôle, à défaut d'être subtiles.
J'ai eu plaisir à voir évoluer Isabelle Nanty (la Mère supérieure autoritaire qui, bien entendu, au fond, a du cœur... et cache un ou deux secrets) et Marilou Berry (à propos de laquelle je regrette qu'une saison 3 de la série Marianne ne soit pas prévue), en bonne sœur un peu cruche au départ, qui se pose de plus en plus de questions... et décide de prendre des risques. Les deux vedettes sont épaulées par une belle brochette de "gueules", notamment Anne Benoit, Barbara Bolotner et Evelyne Buyle.
A partir du moment où sœur Lucie part explorer le monde urbain contemporain, les situations (en général) cocasses s'enchaînent. Je laisse chacun(e) découvrir comment, grâce à la technologie moderne, la religieuse en vadrouille pense pouvoir dialoguer directement avec le Seigneur...
Je pourrais établir ici une liste des invraisemblances dont le périple (d'abord urbain, puis rural, dans la région Grand Est) de Lucie est jalonné, mais je préfère rester sur l'image joyeuse de comédiennes pleines d'énergie, qui certes cabotinent, mais nous font passer un bon moment, le rire laissant parfois la place à l'émotion, quand il est question de la vie de femme de celle qui fut jadis une adolescente éperdument amoureuse, avant de renoncer à la possibilité de fonder une famille.
P.S.
Je me dois quand même de signaler que le dernier quart d'heure n'est pas le meilleur du film. Dommage.
19:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Doux Jésus
Une nonne atteinte de pré-ménopause précoce décide de retrouver son grand amour d'adolescence, pour sauver celui-ci... et, peut-être, se sauver elle-même.
Sur ce schéma hyper-balisé, Frédéric Quiring (un peu aidé semble-t-il par Sophia Aram) a construit une comédie sans guère de surprise, pas franchement anti-cléricale mais assez irrévérencieuse, s'appuyant sur une brochette de comédiennes très engagées dans leur rôle, à défaut d'être subtiles.
J'ai eu plaisir à voir évoluer Isabelle Nanty (la Mère supérieure autoritaire qui, bien entendu, au fond, a du cœur... et cache un ou deux secrets) et Marilou Berry (à propos de laquelle je regrette qu'une saison 3 de la série Marianne ne soit pas prévue), en bonne sœur un peu cruche au départ, qui se pose de plus en plus de questions... et décide de prendre des risques. Les deux vedettes sont épaulées par une belle brochette de "gueules", notamment Anne Benoit, Barbara Bolotner et Evelyne Buyle.
A partir du moment où sœur Lucie part explorer le monde urbain contemporain, les situations (en général) cocasses s'enchaînent. Je laisse chacun(e) découvrir comment, grâce à la technologie moderne, la religieuse en vadrouille pense pouvoir dialoguer directement avec le Seigneur...
Je pourrais établir ici une liste des invraisemblances dont le périple (d'abord urbain, puis rural, dans la région Grand Est) de Lucie est jalonné, mais je préfère rester sur l'image joyeuse de comédiennes pleines d'énergie, qui certes cabotinent, mais nous font passer un bon moment, le rire laissant parfois la place à l'émotion, quand il est question de la vie de femme de celle qui fut jadis une adolescente éperdument amoureuse, avant de renoncer à la possibilité de fonder une famille.
P.S.
Je me dois quand même de signaler que le dernier quart d'heure n'est pas le meilleur du film. Dommage.
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Le Joueur de Go
Dans le Japon ancien (l'équivalent de notre époque moderne, XVIe - XVIIIe siècles), Tokyo s'appelait Edo. Elle était dirigée par une caste de seigneurs, qui employaient des samouraïs. L'un d'entre eux vit quelque peu retiré, avec sa fille. Il fait commerce de ses gravures et a pour seul loisir le jeu de go, dont les parties les plus disputées passionnent les foules urbaines.
Pour un spectateur occidental, l'un des intérêts de ce film maîtrisé, à la reconstitution soignée, est le dépaysement. Les coiffures les robes, les chaussures, l'architecture... tout nous place dans un autre monde, régi par un code d'honneur qui toutefois nous paraîtra suranné.
Cela n'empêche pas la première partie de ce film d'être éblouissante. Le réalisateur Kazuya Shiraishi (inconnu au bataillon) réussit à intégrer les parties de go à son intrigue et à rendre le tout passionnant. Le samouraï déchu est un redoutable joueur, qui croise la route d'un vieux commerçant, un peu magouilleur, que personne ne parvient à vaincre, jusqu'à présent. Les deux hommes finissent par s'affronter et leur rivalité va s'accompagner de la naissance d'une amitié, sur fond d'estime réciproque. Dans le même temps, le neveu du commerçant découvre que la fille du samouraï a un charme fou...
Les scènes sont construites avec soin. La majorité des personnages apparaissent futiles et volubiles, en comparaison des protagonistes, en particulier le samouraï, au visage quasi indéchiffrable, en particulier quand il se lance dans une partie de go. Le moindre froncement de sourcil ou plissement des lèvres est porteur de sens.
La seconde heure voit ressurgir le passé du guerrier. Un coup de théâtre se produit. Il faudra attendre longtemps avant de connaître la véritable cause de la disparition d'une forte somme d'argent (avec, quand on la connaît, une résolution malicieuse, bien qu'ayant eu des conséquences dramatiques).
Je trouve cette partie moins réussie. On y a un peu trop misé sur l'orgueil excessif et le manque de communication entre certains personnages. C'est néanmoins le moment où, enfin, les sabres sont de sortie (mais juste un peu).
L'intrigue demeure passionnante et, même si le jeu de go passe un peu au second plan, il demeure très présent, servant de théâtre à l'histoire du vol ainsi qu'à la traque d'un triste sire, responsable (jadis) de la mort de l'épouse du samouraï.
Je recommande ce film, qui tranche avec le tout-venant de la production cinématographique et qui est d'une grande beauté formelle.
09:32 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Le Joueur de Go
Dans le Japon ancien (l'équivalent de notre époque moderne, XVIe - XVIIIe siècles), Tokyo s'appelait Edo. Elle était dirigée par une caste de seigneurs, qui employaient des samouraïs. L'un d'entre eux vit quelque peu retiré, avec sa fille. Il fait commerce de ses gravures et a pour seul loisir le jeu de go, dont les parties les plus disputées passionnent les foules urbaines.
Pour un spectateur occidental, l'un des intérêts de ce film maîtrisé, à la reconstitution soignée, est le dépaysement. Les coiffures les robes, les chaussures, l'architecture... tout nous place dans un autre monde, régi par un code d'honneur qui toutefois nous paraîtra suranné.
Cela n'empêche pas la première partie de ce film d'être éblouissante. Le réalisateur Kazuya Shiraishi (inconnu au bataillon) réussit à intégrer les parties de go à son intrigue et à rendre le tout passionnant. Le samouraï déchu est un redoutable joueur, qui croise la route d'un vieux commerçant, un peu magouilleur, que personne ne parvient à vaincre, jusqu'à présent. Les deux hommes finissent par s'affronter et leur rivalité va s'accompagner de la naissance d'une amitié, sur fond d'estime réciproque. Dans le même temps, le neveu du commerçant découvre que la fille du samouraï a un charme fou...
Les scènes sont construites avec soin. La majorité des personnages apparaissent futiles et volubiles, en comparaison des protagonistes, en particulier le samouraï, au visage quasi indéchiffrable, en particulier quand il se lance dans une partie de go. Le moindre froncement de sourcil ou plissement des lèvres est porteur de sens.
La seconde heure voit ressurgir le passé du guerrier. Un coup de théâtre se produit. Il faudra attendre longtemps avant de connaître la véritable cause de la disparition d'une forte somme d'argent (avec, quand on la connaît, une résolution malicieuse, bien qu'ayant eu des conséquences dramatiques).
Je trouve cette partie moins réussie. On y a un peu trop misé sur l'orgueil excessif et le manque de communication entre certains personnages. C'est néanmoins le moment où, enfin, les sabres sont de sortie (mais juste un peu).
L'intrigue demeure passionnante et, même si le jeu de go passe un peu au second plan, il demeure très présent, servant de théâtre à l'histoire du vol ainsi qu'à la traque d'un triste sire, responsable (jadis) de la mort de l'épouse du samouraï.
Je recommande ce film, qui tranche avec le tout-venant de la production cinématographique et qui est d'une grande beauté formelle.
09:32 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 09 avril 2025
The Amateur
Cet "amateur" est un agent de la CIA, un analyste doté d'un Q.I. de 170, passionné d'énigmes (un peu comme l'Astrid de la série Astrid et Raphaëlle), spécialisé en cryptage et décryptage. Quand son épouse est brutalement assassinée, il demande à devenir agent de terrain, pour se venger. Dans le même temps, il découvre certains dysfonctionnements au sein de la CIA.
Rami Malek (que je crois n'avoir jamais vu mal jouer) incarne avec conviction cet "espion de clavier", incurablement touché par le deuil... et diablement inventif quand il s'agit de se venger, quitte à duper ses employeurs.
Au niveau des seconds rôles, on croise quelques vieilles connaissances, comme Laurence "couille-de-poisson" Fishburne, Holt McCallany ou encore Julianne Nicholson (une ancienne de New York, section criminelle). Le tout est dirigé par James Hawes, dont j'avais bien aimé Une Vie, sorti l'an dernier.
L'habillage technologique est très réussi, sur la forme comme sur le fond... et c'est flippant, quand on y pense. Même si une partie de ce qui nous est montré a déjà été vue ailleurs, je trouve que ce film-ci parvient à innover dans la mise en scène de l'espionnage 3.0.
C'est (assez) mystérieux, rythmé, prenant. (La première heure passe comme un rêve.) Il y a bien quelques facilités ici et là : on a bien compris que les scénaristes n'avaient pas envie que le héros se fasse dézinguer par les diverses crapules (russes ou américaines) qui le pourchassent et, parfois, il est quand même un peu trop habile avec ses gadgets électroniques.
Mais j'ai été pris par cette chasse à l'homme déclenchée par un geek veuf éploré, qui n'a rien d'un tueur mais se transforme petit à petit en redoutable loup.
La fin est finement surprenante.
J'ai passé un très bon moment.
22:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films
The Amateur
Cet "amateur" est un agent de la CIA, un analyste doté d'un Q.I. de 170, passionné d'énigmes (un peu comme l'Astrid de la série Astrid et Raphaëlle), spécialisé en cryptage et décryptage. Quand son épouse est brutalement assassinée, il demande à devenir agent de terrain, pour se venger. Dans le même temps, il découvre certains dysfonctionnements au sein de la CIA.
Rami Malek (que je crois n'avoir jamais vu mal jouer) incarne avec conviction cet "espion de clavier", incurablement touché par le deuil... et diablement inventif quand il s'agit de se venger, quitte à duper ses employeurs.
Au niveau des seconds rôles, on croise quelques vieilles connaissances, comme Laurence "couille-de-poisson" Fishburne, Holt McCallany ou encore Julianne Nicholson (une ancienne de New York, section criminelle). Le tout est dirigé par James Hawes, dont j'avais bien aimé Une Vie, sorti l'an dernier.
L'habillage technologique est très réussi, sur la forme comme sur le fond... et c'est flippant, quand on y pense. Même si une partie de ce qui nous est montré a déjà été vue ailleurs, je trouve que ce film-ci parvient à innover dans la mise en scène de l'espionnage 3.0.
C'est (assez) mystérieux, rythmé, prenant. (La première heure passe comme un rêve.) Il y a bien quelques facilités ici et là : on a bien compris que les scénaristes n'avaient pas envie que le héros se fasse dézinguer par les diverses crapules (russes ou américaines) qui le pourchassent et, parfois, il est quand même un peu trop habile avec ses gadgets électroniques.
Mais j'ai été pris par cette chasse à l'homme déclenchée par un geek veuf éploré, qui n'a rien d'un tueur mais se transforme petit à petit en redoutable loup.
La fin est finement surprenante.
J'ai passé un très bon moment.
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lundi, 31 mars 2025
Le Garçon
Les gens ordinaires ont une histoire, et celle-ci mérite d'être contée, autant que celle des vedettes et des puissants. Partant de ce principe, Zabou Breitman et Florent Vassault ont conçu ce documentaire à quatre mains. Un lot de vieilles photographies (datant du lendemain de la Seconde Guerre mondiale aux années 1990), trouvé dans une brocante, leur a servi de point de départ. Toutes concernent la même famille (inconnue), dont se détache un garçon, devenu adolescent puis adulte. Zabou décide de le baptiser Jean, ce prénom ayant été trouvé au dos de l'une des photographies.
Les réalisateurs se lancent alors dans une double démarche. Alors que Vassault part à la recherche des membres de la famille et des lieux pris en photographie, Zabou conçoit des scènes de fiction pour tenter de ressusciter les moments capturés par les appareils photographiques.
Il faut signaler que, bien que ceux-ci aient été argentiques (dotés d'une pellicule ou fonctionnant en instantané), ce sont des appareils numériques que, dans les scènes de fiction, on voit les personnages manipuler. Cet anachronisme est volontaire. Il permet, dans certains plans, de superposer la scène jouée, prise en photographie, à l'authentique image, qui s'affiche comme par miracle sur l'écran de contrôle de l'appareil. Cette inhabituelle mise en abyme produit des effets surprenants.
J'ajoute que ces scènes de fiction sont bien jouées, notamment par Isabelle Nanty et François Berléand, qui incarnent les parents de "Jean".
Ces scènes alternent avec les étapes de l'enquête menée par Vassault. Au départ, il fait chou blanc. Que ce soit dans la commune de résidence comme sur les lieux de vacances, plus aucun rescapé de l'époque ne peut témoigner de la présence de la fameuse famille.
Le déclic finit par se produire. Les premières informations concrètes vont être données par un frère de "Jean", puis un de ses anciens collègues et amis. Petit à petit, la pelote va se dévider...
... et l'on s'aperçoit que ce que Zabou avait imaginé, à propos des scènes prises en photo, était parfois bien trouvé, parfois à côté de la plaque. Certaines découvertes ne manquent pas de saveur, notamment concernant l'identité réelle de certaines personnes présentes sur les photographies.
La seconde partie du film est presque uniquement consacrée aux progrès de l'enquête (en réalité menée à deux, même si, au départ, Vassault a caché certains de ses résultats à Zabou, pour ne pas influencer son tournage). On finit par comprendre comment le lot de photographies a été abandonné... et quel secret concernant la vie de "Jean" a été dissimulé.
J'ai trouvé ce film formidable, à la fois documentaire-polar et portrait sociologique de la (vraie) "France d'en-bas". Il ne dure qu'1h30. Ne le ratez pas, s'il passe près de chez vous.
P.S.
Pour être totalement honnête, je dois toutefois révéler que le procédé prétendûment utilisé pour tourner ce film a été un peu biaisé. En effet, pendant la majeure partie du tournage, Zabou était censée ignorer ce que son comparse avait filmé. Or, une oreille attentive remarquera sans peine que les dialogues des scènes de fiction sont issus des entretiens (réels) tournés par Vassault (que l'on entend plus tard dans le film). Cela ne m'a pas choqué. Cela donne une autre profondeur à cette histoire, le réel et la fiction se répondant mutuellement. D'autre part, certaines répliques prennent un sens différent selon qu'elles sont dites par un personnage de fiction ou un autre, dans la vraie vie (qui est rarement la version réelle du personnage de fiction).
Le Garçon
Les gens ordinaires ont une histoire, et celle-ci mérite d'être contée, autant que celle des vedettes et des puissants. Partant de ce principe, Zabou Breitman et Florent Vassault ont conçu ce documentaire à quatre mains. Un lot de vieilles photographies (datant du lendemain de la Seconde Guerre mondiale aux années 1990), trouvé dans une brocante, leur a servi de point de départ. Toutes concernent la même famille (inconnue), dont se détache un garçon, devenu adolescent puis adulte. Zabou décide de le baptiser Jean, ce prénom ayant été trouvé au dos de l'une des photographies.
Les réalisateurs se lancent alors dans une double démarche. Alors que Vassault part à la recherche des membres de la famille et des lieux pris en photographie, Zabou conçoit des scènes de fiction pour tenter de ressusciter les moments capturés par les appareils photographiques.
Il faut signaler que, bien que ceux-ci aient été argentiques (dotés d'une pellicule ou fonctionnant en instantané), ce sont des appareils numériques que, dans les scènes de fiction, on voit les personnages manipuler. Cet anachronisme est volontaire. Il permet, dans certains plans, de superposer la scène jouée, prise en photographie, à l'authentique image, qui s'affiche comme par miracle sur l'écran de contrôle de l'appareil. Cette inhabituelle mise en abyme produit des effets surprenants.
J'ajoute que ces scènes de fiction sont bien jouées, notamment par Isabelle Nanty et François Berléand, qui incarnent les parents de "Jean".
Ces scènes alternent avec les étapes de l'enquête menée par Vassault. Au départ, il fait chou blanc. Que ce soit dans la commune de résidence comme sur les lieux de vacances, plus aucun rescapé de l'époque ne peut témoigner de la présence de la fameuse famille.
Le déclic finit par se produire. Les premières informations concrètes vont être données par un frère de "Jean", puis un de ses anciens collègues et amis. Petit à petit, la pelote va se dévider...
... et l'on s'aperçoit que ce que Zabou avait imaginé, à propos des scènes prises en photo, était parfois bien trouvé, parfois à côté de la plaque. Certaines découvertes ne manquent pas de saveur, notamment concernant l'identité réelle de certaines personnes présentes sur les photographies.
La seconde partie du film est presque uniquement consacrée aux progrès de l'enquête (en réalité menée à deux, même si, au départ, Vassault a caché certains de ses résultats à Zabou, pour ne pas influencer son tournage). On finit par comprendre comment le lot de photographies a été abandonné... et quel secret concernant la vie de "Jean" a été dissimulé.
J'ai trouvé ce film formidable, à la fois documentaire-polar et portrait sociologique de la (vraie) "France d'en-bas". Il ne dure qu'1h30. Ne le ratez pas, s'il passe près de chez vous.
P.S.
Pour être totalement honnête, je dois toutefois révéler que le procédé prétendûment utilisé pour tourner ce film a été un peu biaisé. En effet, pendant la majeure partie du tournage, Zabou était censée ignorer ce que son comparse avait filmé. Or, une oreille attentive remarquera sans peine que les dialogues des scènes de fiction sont issus des entretiens (réels) tournés par Vassault (que l'on entend plus tard dans le film). Cela ne m'a pas choqué. Cela donne une autre profondeur à cette histoire, le réel et la fiction se répondant mutuellement. D'autre part, certaines répliques prennent un sens différent selon qu'elles sont dites par un personnage de fiction ou un autre, dans la vraie vie (qui est rarement la version réelle du personnage de fiction).
Berlin, été 42
Hilde est une jeune femme ordinaire, la trentaine, au tempérament effacé. D'abord assistante chez un dentiste, elle trouve un nouvel emploi dans une compagnie d'assurances, qui dépend du gouvernement... nazi. Nous sommes en Allemagne, en 1942-1943. Hilde, dont le petit ami (juif) est parti "vers l'Est", tombe amoureuse d'un grand escogriffe, qui appartient à un groupe d'opposants au nazisme. Cet été est à la fois celui d'un épanouissement personnel et celui d'une prise de conscience politique.
Le montage alterne deux types de scènes : celles de l'amitié et de l'amour (durant l'été) et celles de la répression et de l'incarcération, de l'automne 1942 à l'été 1943. C'est un peu perturbant parce que, si la trame de la répression suit un ordre strictement chronologique, tel n'est pas le cas pour la "trame de l'amour", qui alterne différents moments, dans un ordre qui m'a semblé aléatoire : le pique-nique au bord du lac, le premier baiser, le premier travail en commun contre le régime, la première relation sexuelle, la rencontre, la première danse...
En revanche, j'ai trouvé intéressante la mise en parallèle de l'éveil sensuel d'une jeune femme et de son progressif engagement politique. Elle découvre l'amour véritable, le plaisir sexuel, la grossesse, en même temps qu'elle s'initie au marxisme (le groupe est composé d'opposants communistes), aux messages en morse et au collage d'affichettes antinazies.
Aux images lumineuses des sorties d'été et de l'amour naissant s'opposent les plans, plus sombres, des scènes d'interrogatoire, d'incarcération, de procès... Enceinte, Hilde est dirigée vers une prison spéciale, où elle va réussir à survivre et à garder son bébé en vie. De temps en temps, elle bénéficie d'un peu d'entraide, y compris d'une gardienne nazie, qui idolâtre le Führer mais peut faire preuve d'humanité.
Le propos est donc relativement nuancé, bien que très dur au fond sur les traitements infligés aux antinazis. Concernant Hilde, on ne nous épargne presque aucun fluide corporel, de la perte des eaux aux excréments du bébé, en passant par le vomi, l'urine, les larmes... Ne manquent à l'appel que les sécrétions génitales, mais l'on n'en est pas loin.
Le réalisateur Andreas Dresen se montre fasciné par les corps, ceux, très bien formés, des jeunes amants et, plus tard, ceux des victimes des nazis, perclus de souffrances.
Le portrait qui nous est brossé de ces opposants sans histoire est assez éclectique, allant de la fille de paysans au mannequin, en passant par le serveur et les soldats mobilisés. (On pense parfois à un autre groupe de jeunes antinazis, ceux -catholiques- de la Rose blanche, évoqués dans le film Sophie Scholl.)
L'histoire est très forte, prenante... et vraie, comme nous le rappelle, en toute fin, une voix âgée, celle d'une personne qui a survécu à cette période infernale et en cultive un souvenir ému.
Cette petite perle a été scandaleusement minimisée par la critique française. Si cela passe près de chez vous, courez-y !
16:17 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Berlin, été 42
Hilde est une jeune femme ordinaire, la trentaine, au tempérament effacé. D'abord assistante chez un dentiste, elle trouve un nouvel emploi dans une compagnie d'assurances, qui dépend du gouvernement... nazi. Nous sommes en Allemagne, en 1942-1943. Hilde, dont le petit ami (juif) est parti "vers l'Est", tombe amoureuse d'un grand escogriffe, qui appartient à un groupe d'opposants au nazisme. Cet été est à la fois celui d'un épanouissement personnel et celui d'une prise de conscience politique.
Le montage alterne deux types de scènes : celles de l'amitié et de l'amour (durant l'été) et celles de la répression et de l'incarcération, de l'automne 1942 à l'été 1943. C'est un peu perturbant parce que, si la trame de la répression suit un ordre strictement chronologique, tel n'est pas le cas pour la "trame de l'amour", qui alterne différents moments, dans un ordre qui m'a semblé aléatoire : le pique-nique au bord du lac, le premier baiser, le premier travail en commun contre le régime, la première relation sexuelle, la rencontre, la première danse...
En revanche, j'ai trouvé intéressante la mise en parallèle de l'éveil sensuel d'une jeune femme et de son progressif engagement politique. Elle découvre l'amour véritable, le plaisir sexuel, la grossesse, en même temps qu'elle s'initie au marxisme (le groupe est composé d'opposants communistes), aux messages en morse et au collage d'affichettes antinazies.
Aux images lumineuses des sorties d'été et de l'amour naissant s'opposent les plans, plus sombres, des scènes d'interrogatoire, d'incarcération, de procès... Enceinte, Hilde est dirigée vers une prison spéciale, où elle va réussir à survivre et à garder son bébé en vie. De temps en temps, elle bénéficie d'un peu d'entraide, y compris d'une gardienne nazie, qui idolâtre le Führer mais peut faire preuve d'humanité.
Le propos est donc relativement nuancé, bien que très dur au fond sur les traitements infligés aux antinazis. Concernant Hilde, on ne nous épargne presque aucun fluide corporel, de la perte des eaux aux excréments du bébé, en passant par le vomi, l'urine, les larmes... Ne manquent à l'appel que les sécrétions génitales, mais l'on n'en est pas loin.
Le réalisateur Andreas Dresen se montre fasciné par les corps, ceux, très bien formés, des jeunes amants et, plus tard, ceux des victimes des nazis, perclus de souffrances.
Le portrait qui nous est brossé de ces opposants sans histoire est assez éclectique, allant de la fille de paysans au mannequin, en passant par le serveur et les soldats mobilisés. (On pense parfois à un autre groupe de jeunes antinazis, ceux -catholiques- de la Rose blanche, évoqués dans le film Sophie Scholl.)
L'histoire est très forte, prenante... et vraie, comme nous le rappelle, en toute fin, une voix âgée, celle d'une personne qui a survécu à cette période infernale et en cultive un souvenir ému.
Cette petite perle a été scandaleusement minimisée par la critique française. Si cela passe près de chez vous, courez-y !
16:17 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 29 mars 2025
La Cache
Adaptant le livre éponyme de Christophe Boltanski (prix Femina 2015), Lionel Baier dresse le portrait d'une famille hors norme, en mai 1968. Quatre générations vivent sous le même toit, celui d'un immeuble parisien bourgeois (avec porte cochère, s'il-vous-plaît), situé rue de Grenelle.
Au dernier étage est installée l'arrière-grand-mère, qui cohabite avec son fils, l'épouse de celui-ci, deux de leurs trois fils... et, occasionnellement, l'arrière-petit-fils (futur auteur du bouquin), quand ses parents (qui ont commis le sacrilège de partir s'établir ailleurs) le confient à la tribu.
Celle-ci est un peu foutraque, entre la matriarche qui écoute du Prokoviev à fond la caisse, sa belle-fille qu'il vaut mieux ne pas contrarier quand elle est au volant et ses petits-fils tous plus ou moins révolutionnaires... eh, oui : on est vachement de gauche, dans cette famille.
La première partie de l'histoire met en valeur celle qui refuse d'être qualifiée de "mamie", la peu conventionnelle épouse du fils médecin, issue d'une famille monarchiste et catholique, mais ardemment féministe et engagée socialement. Ce personnage est l'occasion d'admirer le talent d'une comédienne franco-suisse peu présente sur nos écrans : Dominique Reymond.
Cette première partie m'a toutefois un peu laissé sur ma fin. J'ai en général aimé les scènes qui voient intervenir cette comédienne, mais je trouve que, globalement, ce n'est pas très bien joué (ou plutôt que les acteurs n'ont pas été très bien dirigés). Je crois que, pour illustrer le caractère particulier de cette famille, le réalisateur a voulu filmer de manière foutraque des personnages se comportant parfois de manière bizarre... et incarnés de manière un peu approximative. Sur le plan visuel, cela se veut inventif... Cela passe, ou pas.
La seconde partie nous plonge davantage dans l'émotion. C'est à ce moment-là que le titre prend sa pleine signification. Depuis le début du film, on constate que le gamin est persuadé qu'un chat habite l'immeuble, mais dans une partie non accessible aux humains. Ne se trouverait-il pas dans une cachette, utilisée jadis (25-26 ans auparavant ?) par l'un des membres de la famille ? L'intrigue rebondit quand nos héros reçoivent une visite totalement inattendue. C'est évidememnt invraisemblable, mais j'ai aimé l'intrusion de cette fantaisie cocasse, qui débouche sur quelques belles scènes.
L'histoire de la cachette est utilisée pour évoquer un pan de l'histoire de cette famille (majoritairement) juive ashkénaze, originaire de l'actuelle Ukraine. L'arrière-grand-mère a tenté de transmettre le yiddish à toutes les générations et, au détour d'une remarque acerbe, on constate l'existence de ce que certains hypocrites appellent "un antisémitisme résiduel".
J'ai trouvé la fin assez poignante, mais pas en raison de ce que raconte l'ultime séquence. Ce sont les dernières images de Michel Blanc, qui incarne le fils médecin. (Mais il paraît qu'on va bientôt le revoir, dans Le Routard, qui sort le 2 avril.) Le dernier échange qu'il a avec celle qui incarne son épouse résonne étrangement quand on connaît la suite et le fait de le voir, un peu plus tard, lentement s'éloigner de l'objectif, de dos, ressemble à un adieu.
20:12 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
La Cache
Adaptant le livre éponyme de Christophe Boltanski (prix Femina 2015), Lionel Baier dresse le portrait d'une famille hors norme, en mai 1968. Quatre générations vivent sous le même toit, celui d'un immeuble parisien bourgeois (avec porte cochère, s'il-vous-plaît), situé rue de Grenelle.
Au dernier étage est installée l'arrière-grand-mère, qui cohabite avec son fils, l'épouse de celui-ci, deux de leurs trois fils... et, occasionnellement, l'arrière-petit-fils (futur auteur du bouquin), quand ses parents (qui ont commis le sacrilège de partir s'établir ailleurs) le confient à la tribu.
Celle-ci est un peu foutraque, entre la matriarche qui écoute du Prokoviev à fond la caisse, sa belle-fille qu'il vaut mieux ne pas contrarier quand elle est au volant et ses petits-fils tous plus ou moins révolutionnaires... eh, oui : on est vachement de gauche, dans cette famille.
La première partie de l'histoire met en valeur celle qui refuse d'être qualifiée de "mamie", la peu conventionnelle épouse du fils médecin, issue d'une famille monarchiste et catholique, mais ardemment féministe et engagée socialement. Ce personnage est l'occasion d'admirer le talent d'une comédienne franco-suisse peu présente sur nos écrans : Dominique Reymond.
Cette première partie m'a toutefois un peu laissé sur ma fin. J'ai en général aimé les scènes qui voient intervenir cette comédienne, mais je trouve que, globalement, ce n'est pas très bien joué (ou plutôt que les acteurs n'ont pas été très bien dirigés). Je crois que, pour illustrer le caractère particulier de cette famille, le réalisateur a voulu filmer de manière foutraque des personnages se comportant parfois de manière bizarre... et incarnés de manière un peu approximative. Sur le plan visuel, cela se veut inventif... Cela passe, ou pas.
La seconde partie nous plonge davantage dans l'émotion. C'est à ce moment-là que le titre prend sa pleine signification. Depuis le début du film, on constate que le gamin est persuadé qu'un chat habite l'immeuble, mais dans une partie non accessible aux humains. Ne se trouverait-il pas dans une cachette, utilisée jadis (25-26 ans auparavant ?) par l'un des membres de la famille ? L'intrigue rebondit quand nos héros reçoivent une visite totalement inattendue. C'est évidememnt invraisemblable, mais j'ai aimé l'intrusion de cette fantaisie cocasse, qui débouche sur quelques belles scènes.
L'histoire de la cachette est utilisée pour évoquer un pan de l'histoire de cette famille (majoritairement) juive ashkénaze, originaire de l'actuelle Ukraine. L'arrière-grand-mère a tenté de transmettre le yiddish à toutes les générations et, au détour d'une remarque acerbe, on constate l'existence de ce que certains hypocrites appellent "un antisémitisme résiduel".
J'ai trouvé la fin assez poignante, mais pas en raison de ce que raconte l'ultime séquence. Ce sont les dernières images de Michel Blanc, qui incarne le fils médecin. (Mais il paraît qu'on va bientôt le revoir, dans Le Routard, qui sort le 2 avril.) Le dernier échange qu'il a avec celle qui incarne son épouse résonne étrangement quand on connaît la suite et le fait de le voir, un peu plus tard, lentement s'éloigner de l'objectif, de dos, ressemble à un adieu.
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De la Guerre Froide à la Guerre Verte
On doit ce documentaire à la cinéaste italo-paraguayenne Anna Recalde Miranda. Tourné au Paraguay et au Brésil, il tente de mettre en relation deux époques, celle des dictatures latino-américaines (alliées dans ce qu'on a appelé le Plan Condor) et celle des luttes à la fois populaires et écologistes des actuels paysans sans terre.
La réalisatrice s'appuie sur divers témoignages, notamment celui Martin Almada (décédé en 2024), un enseignant engagé qui fut arrêté et torturé sous la dictature d'Alfredo Stroessner. Il y a une trentaine d'années, il est parvenu à documenter les crimes du régime grâce à la découverte des "Archives de la terreur".
Le film a pour mission de démontrer que, malgré le passage à la démocratie (libérale), certaines pratiques demeurent et que, sur le fond, la lutte menée par certains intérêts économiques (paraguayens, mais aussi étrangers) contre les militants écologistes et les paysans du MST ressemble bigrement à ce qui s'est passé jadis durant la Guerre froide... même si le nombre de victimes est considérablement moins élevé.
La réalisatrice a rencontré divers militants et journalistes, au Paraguay et au Brésil. Au Paraguay, elle s'appuie beaucoup sur le témoignage d'un ancien ministre du président Fernando Lugo (l'un des deux seuls chefs d’État en place depuis 70 ans à ne pas être membre du Parti Colorado) et sur celui d'un journaliste anarchiste, décédé en 2018. Sans apporter la moindre preuve, la cinéaste sous-entend que le décès de celui-ci (auquel elle semblait très attachée) ne serait pas naturel...
La partie brésilienne est plus convaincante, plus charpentée. On rencontre des militants écologistes et des paysans indigènes victimes de grands propriétaires terriens et de leurs alliés politiques. Le Brésil étant organisé de manière fédérale, les États locaux disposent d'assez grands pouvoirs... et, quand la manière légale ne suffit pas, une série d'accidents de la route vient rappeler aux paysans pauvres qu'ils ne sont pas à l'abri d'une mésaventure.
Il reste que la tentative d'établir une filiation directe entre les mouvements et gouvernements de droite d'Amérique du Sud (qui ont certes provoqué la chute de Lugo au Paraguay et de Dilma Rousseff au Brésil) et les pratiques des régimes dictatoriaux des années 1960-1980 n'est que moyennement convaincante. Vu le que le documentaire a été en partie tourné pendant l'épidémie de Covid (donc entre 2020 et 2022), je m'attendais à ce que la présidence Bolsonaro (au Brésil) soit plus directement impliquée... ben non. Peut-être était-ce de la prudence de la part de la réalisatrice, dont le film a sans doute été achevé avant la victoire de Lula.
D'un point de vue technique, le film c'est ben conçu. Les images d'archives alternent avec des scènes d'entretien et d'autres plans, où la photographie est parfois vraiment belle, notamment quand la cinéaste s'attache aux animaux, comme ces chevaux qui se roulent dans l'eau d'un fleuve, en période de canicule, ou ce chat couché sur le bureau d'une militante, ronronnant sous ses caresses, ou encore ce rapace installé en zone urbaine.
Le film n'est donc pas sans talent et ne manque pas d'intérêt sur le plan historique. Mais, construit (selon moi) à partir d'a priori idéologiques, il a tendance à vouloir rassembler tout ce qui incarne le Mal dans un seul grand projet d'ensemble dont l'existence reste à prouver.
P.S.
Concernant le militant de gauche Martin Almada, un détail ne manque pas de piquant. Il a été décoré de la légion d'honneur sous la présidence d'Emmanuel Macron, que d'aucuns, en France, caricaturent soit en suppôt de l'ultralibéralisme, soit en marchepied du Rassemblement national. Quand on prend un peu de recul géopolitique et qu'on compare la situation française avec ce qu'il se passe, par exemple, sur le continent américain (aussi bien aux États-Unis qu'au Brésil ou en Argentine), cela prête à sourire.
10:38 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
De la Guerre Froide à la Guerre Verte
On doit ce documentaire à la cinéaste italo-paraguayenne Anna Recalde Miranda. Tourné au Paraguay et au Brésil, il tente de mettre en relation deux époques, celle des dictatures latino-américaines (alliées dans ce qu'on a appelé le Plan Condor) et celle des luttes à la fois populaires et écologistes des actuels paysans sans terre.
La réalisatrice s'appuie sur divers témoignages, notamment celui Martin Almada (décédé en 2024), un enseignant engagé qui fut arrêté et torturé sous la dictature d'Alfredo Stroessner. Il y a une trentaine d'années, il est parvenu à documenter les crimes du régime grâce à la découverte des "Archives de la terreur".
Le film a pour mission de démontrer que, malgré le passage à la démocratie (libérale), certaines pratiques demeurent et que, sur le fond, la lutte menée par certains intérêts économiques (paraguayens, mais aussi étrangers) contre les militants écologistes et les paysans du MST ressemble bigrement à ce qui s'est passé jadis durant la Guerre froide... même si le nombre de victimes est considérablement moins élevé.
La réalisatrice a rencontré divers militants et journalistes, au Paraguay et au Brésil. Au Paraguay, elle s'appuie beaucoup sur le témoignage d'un ancien ministre du président Fernando Lugo (l'un des deux seuls chefs d’État en place depuis 70 ans à ne pas être membre du Parti Colorado) et sur celui d'un journaliste anarchiste, décédé en 2018. Sans apporter la moindre preuve, la cinéaste sous-entend que le décès de celui-ci (auquel elle semblait très attachée) ne serait pas naturel...
La partie brésilienne est plus convaincante, plus charpentée. On rencontre des militants écologistes et des paysans indigènes victimes de grands propriétaires terriens et de leurs alliés politiques. Le Brésil étant organisé de manière fédérale, les États locaux disposent d'assez grands pouvoirs... et, quand la manière légale ne suffit pas, une série d'accidents de la route vient rappeler aux paysans pauvres qu'ils ne sont pas à l'abri d'une mésaventure.
Il reste que la tentative d'établir une filiation directe entre les mouvements et gouvernements de droite d'Amérique du Sud (qui ont certes provoqué la chute de Lugo au Paraguay et de Dilma Rousseff au Brésil) et les pratiques des régimes dictatoriaux des années 1960-1980 n'est que moyennement convaincante. Vu le que le documentaire a été en partie tourné pendant l'épidémie de Covid (donc entre 2020 et 2022), je m'attendais à ce que la présidence Bolsonaro (au Brésil) soit plus directement impliquée... ben non. Peut-être était-ce de la prudence de la part de la réalisatrice, dont le film a sans doute été achevé avant la victoire de Lula.
D'un point de vue technique, le film c'est ben conçu. Les images d'archives alternent avec des scènes d'entretien et d'autres plans, où la photographie est parfois vraiment belle, notamment quand la cinéaste s'attache aux animaux, comme ces chevaux qui se roulent dans l'eau d'un fleuve, en période de canicule, ou ce chat couché sur le bureau d'une militante, ronronnant sous ses caresses, ou encore ce rapace installé en zone urbaine.
Le film n'est donc pas sans talent et ne manque pas d'intérêt sur le plan historique. Mais, construit (selon moi) à partir d'a priori idéologiques, il a tendance à vouloir rassembler tout ce qui incarne le Mal dans un seul grand projet d'ensemble dont l'existence reste à prouver.
P.S.
Concernant le militant de gauche Martin Almada, un détail ne manque pas de piquant. Il a été décoré de la légion d'honneur sous la présidence d'Emmanuel Macron, que d'aucuns, en France, caricaturent soit en suppôt de l'ultralibéralisme, soit en marchepied du Rassemblement national. Quand on prend un peu de recul géopolitique et qu'on compare la situation française avec ce qu'il se passe, par exemple, sur le continent américain (aussi bien aux États-Unis qu'au Brésil ou en Argentine), cela prête à sourire.
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vendredi, 28 mars 2025
A Real Pain
Le comédien Jesse Eisenberg est passé derrière la caméra pour tourner une histoire qui lui tient à cœur, celle de deux cousins américains juifs (David et Benji) qui partent en "pèlerinage familial" en Pologne, sur les traces de leur grand-mère (récemment décédée) et de leurs ancêtres disparus durant la Shoah.
La "douleur véritable" est donc à la fois celle du deuil actuel et celle de la perte (ancienne) d'une partie de l'arbre généalogique familial. C'est aussi le mal-être du cousin Benji, dont l'apparente frivolité masque un désespoir profond. Enfin, je pense que, pour le public anglo-saxon, le titre est une allusion à une expression populaire, a pain in the ass désignant un individu exaspérant, un emmerdeur de première, une plaie...
... et cela correspond parfaitement au personnage de Benji, immature, très autocentré (caractéristique de l'ancien enfant gâté). Dans le rôle, Kieran Culkin en fait des tonnes... et il a eu raison, puisque cela lui a rapporté l'Oscar du second rôle ! Je pense que Jeremy Strong (stupéfiant Roy Cohn dans The Apprentice) méritait davantage la statuette que lui, mais les votants ont peut-être surtout voulu récompenser l'acteur de la série Succession.
Cette (grosse) réserve mise à part, le film fonctionne bien. Le duo formé par les deux cousins, autrefois comme cul et chemise, aujourd'hui séparés par leurs choix de vie, donne naissance à des situations cocasses.
Toutefois, pour moi, la partie la plus intéressante réside dans la découverte des vestiges de la Pologne juive, du très ancien cimetière (à Grodzisko) aux vieux quartiers de Lublin, en passant par le camp d'extermination de Majdanek. Certaines scènes se passent de dialogues... ou s'en seraient passées.
La petite troupe de touristes de la mémoire est intéressante par sa diversité d'origines et de tempéraments. J'aurais aimé que le réalisateur creuse davantage cet aspect-là, plutôt que de nous imposer les interventions parfois beaufissimes du cousin Benji.
A signaler que le film atteint parfois un haut niveau d'émotion sans le moindre effet de manche, comme lorsque les cousins finissent par trouver la maison d'enfance de leur grand-mère. Du coup, je trouve que cette histoire, en dépit de ses défauts, mérite le détour.
13:48 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
A Real Pain
Le comédien Jesse Eisenberg est passé derrière la caméra pour tourner une histoire qui lui tient à cœur, celle de deux cousins américains juifs (David et Benji) qui partent en "pèlerinage familial" en Pologne, sur les traces de leur grand-mère (récemment décédée) et de leurs ancêtres disparus durant la Shoah.
La "douleur véritable" est donc à la fois celle du deuil actuel et celle de la perte (ancienne) d'une partie de l'arbre généalogique familial. C'est aussi le mal-être du cousin Benji, dont l'apparente frivolité masque un désespoir profond. Enfin, je pense que, pour le public anglo-saxon, le titre est une allusion à une expression populaire, a pain in the ass désignant un individu exaspérant, un emmerdeur de première, une plaie...
... et cela correspond parfaitement au personnage de Benji, immature, très autocentré (caractéristique de l'ancien enfant gâté). Dans le rôle, Kieran Culkin en fait des tonnes... et il a eu raison, puisque cela lui a rapporté l'Oscar du second rôle ! Je pense que Jeremy Strong (stupéfiant Roy Cohn dans The Apprentice) méritait davantage la statuette que lui, mais les votants ont peut-être surtout voulu récompenser l'acteur de la série Succession.
Cette (grosse) réserve mise à part, le film fonctionne bien. Le duo formé par les deux cousins, autrefois comme cul et chemise, aujourd'hui séparés par leurs choix de vie, donne naissance à des situations cocasses.
Toutefois, pour moi, la partie la plus intéressante réside dans la découverte des vestiges de la Pologne juive, du très ancien cimetière (à Grodzisko) aux vieux quartiers de Lublin, en passant par le camp d'extermination de Majdanek. Certaines scènes se passent de dialogues... ou s'en seraient passées.
La petite troupe de touristes de la mémoire est intéressante par sa diversité d'origines et de tempéraments. J'aurais aimé que le réalisateur creuse davantage cet aspect-là, plutôt que de nous imposer les interventions parfois beaufissimes du cousin Benji.
A signaler que le film atteint parfois un haut niveau d'émotion sans le moindre effet de manche, comme lorsque les cousins finissent par trouver la maison d'enfance de leur grand-mère. Du coup, je trouve que cette histoire, en dépit de ses défauts, mérite le détour.
13:48 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 26 mars 2025
Je le jure
D'apparence, il s'agit d'un nouveau film de procès, qui débarque sur nos écrans quelques mois après deux belles réussites, Le Fil (de Daniel Auteuil) et Juré n°2 (de Clint Eastwood).
Pourtant, le début de l'histoire nous plonge dans un tout autre univers, celui de la « France d'en-bas », composée de travailleurs modestes, aux goûts simples, vivant dans une petite ville de Lorraine, à proximité de Metz. On y chasse, on y chante, on y danse, lors de soirées au bar ou de repas en commun.
On découvre ainsi, dans son milieu, le personnage principal de l'histoire, Fabio, plutôt beau gosse, musclé, tatoué, mais introverti, taiseux... et cachant à son entourage sa liaison avec une femme qui a l'âge d'être sa mère.
Sa convocation pour participer à un jury de Cour d'Assises d'appel, à Metz, le sort de son petit confort quotidien et lui fait rencontrer des personnes qu'il a sans doute rarement l'occasion de croiser. Mais, surtout, cette convocation lui donne du pouvoir, des responsabilités : celles de décider de la condamnation d'un jeune incendiaire, responsable de la mort d'un pompier. (Le scénario semble s'inspirer de réelles flambées de violence dont le quartier des Planchettes, situé dans la ville de Verdun, en Meuse, a été le théâtre, notamment en 2021.)
L'aspect judiciaire est soigné. La préparation des jurés, leur sélection, leur vie au quotidien dans le tribunal, leur écoute des audiences, leurs discussions informelles tout comme leurs débats officiels sont très pédagogiquement mis en scène, le groupe associant des acteurs non professionnels à des pointures comme Marina Foïs (la présidente du tribunal), Louise Bourgouin, Micha Lescot, Emmanuel Salinger (trois jurés) ou encore Sophie Guillemin (la procureure). Samuel Theis a un vrai talent pour filmer les groupes, bien épaulé par l'équipe de montage.
Mais le plus important est ailleurs, dans le questionnement intérieur de chaque juré... et la personnalité de l'accusé (bien interprété, je trouve), qui ne nie pas sa culpabilité, mais tente d'atténuer sa peine. Petit à petit, on comprend qu'entre le fils d'immigrés ivoiriens et Fabio le Rital les points communs sont plus nombreux qu'on ne le pensait de prime abord.
Cela donne un film fort, soigné, qui prend le temps de traiter tous les volets de son intrigue et ménage un réel (petit) suspens quant à sa conclusion, le verdict n'étant pas facile à deviner au vu des échanges entendus pendant le délibéré.
22:24 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société