mercredi, 14 février 2024
Vivre avec les loups
Jean-Michel Bertrand est de retour, avec son sujet de prédilection... et une cadreuse/directrice de la photographie de talent : Marie Amiguet, dont on a pu déjà apprécier le travail sur La Panthère des neiges.
Bertrand est un amoureux de la nature, de la montagne, un mec sincère, selon moi. On l'accuse parfois d'être le loup écologiste qui s'avance revêtu d'une peau de brebis. Je trouve qu'ici le propos est moins manichéen que dans ses précédents films, notamment La Vallée des loups.
La moitié du temps, on le suit à l'affût, dans sa cabane au Canada alpine ou à proximité. C'est toujours aussi passionnant à suivre, que les images soient de beaux plans chiadés ou des extraits des caméras à déclenchement automatique. (Même les scènes montrant la vie quotidienne -rustique- de Bertrand sont intéressantes.) On retrouve une grande partie de la faune sauvage aperçue auparavant. Le cinéaste se concentre sur les loups, notamment un couple qu'il avait repéré. La femelle était sur le point de mettre bas... mais il n'a jamais vu les petits. Les parents eux-mêmes ont disparu... et une (autre) petite meute est apparue, à la limite de leur territoire.
C'est l'un des grands mérites de ce film (notamment par rapport aux précédents) : ne pas hésiter à montrer à l'écran les effets de la violence de ce prédateur, sur la faune sauvage, mais surtout sur la faune domestique.
L'autre moitié du film (par morceaux) narre les voyages de Bertrand, dans différentes régions où la présence du loup est avérée. On va de l'Italie du Nord à la Normandie, en passant par la Bretagne, le Massif Central et la Suisse. A chaque fois, le cinéaste rencontre des éleveurs et des bergers, qu'il a sans doute choisis parmi les moins hostiles au loup. (Les autres l'ont peut-être menacé, comme le suggère une courte scène du début.) J'ai bien aimé voir ces jeunes, plutôt citadins d'origine, exposer leur ressenti, leurs doutes quant à leur "mission" : contribuer à faire exister un élevage résilient, qui s'habituerait à la présence du loup (grâce à la pose de clôtures et à la présence de chiens, notamment patous).
Le film est suffisamment bien fait pour que partisans et adversaires du loup s'y retrouvent (au moins en partie). Je remarque que, parmi les jeunes bergers qui continuent à croire en la coexistence possible, c'est plutôt le fatalisme qui domine : les éleveurs devraient se résigner à un "pourcentage de pertes"... On est libre d'adhérer ou pas à ce propos.
Il me reste à aborder le principal point faible de ce documentaire : la contextualisation. Un parc naturel national (comme celui des Écrins) n'a pas les mêmes fonctions qu'un parc naturel régional (comme celui de l'Aubrac ou des Grands Causses en Aveyron). L'objectif principal d'un PN est la conservation du milieu naturel. L'activité humaine est même proscrite en zone cœur. Là est possible la réintroduction d'un prédateur tel que le loup. En revanche les PNR, conçus par les acteurs locaux, sont d'abord des outils de développement rural. On tente d'y concilier activités humaines et protection de l'environnement. La réintroduction du loup dans ces espaces menace le concept même de parc régional ainsi que le maintien de certaines appellations agricoles (AOP, IGP), qui induisent un élevage extensif, le seul menacé par le retour des grands prédateurs.
P.S.
Avec ce film, Jean-Michel Bertrand ne livre pas un simple nouveau documentaire. Il semble faire une sorte de bilan. Il m'a un peu rappelé le Luc Jacquet de Voyage au pôle Sud.
15:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Vivre avec les loups
Jean-Michel Bertrand est de retour, avec son sujet de prédilection... et une cadreuse/directrice de la photographie de talent : Marie Amiguet, dont on a pu déjà apprécier le travail sur La Panthère des neiges.
Bertrand est un amoureux de la nature, de la montagne, un mec sincère, selon moi. On l'accuse parfois d'être le loup écologiste qui s'avance revêtu d'une peau de brebis. Je trouve qu'ici le propos est moins manichéen que dans ses précédents films, notamment La Vallée des loups.
La moitié du temps, on le suit à l'affût, dans sa cabane au Canada alpine ou à proximité. C'est toujours aussi passionnant à suivre, que les images soient de beaux plans chiadés ou des extraits des caméras à déclenchement automatique. (Même les scènes montrant la vie quotidienne -rustique- de Bertrand sont intéressantes.) On retrouve une grande partie de la faune sauvage aperçue auparavant. Le cinéaste se concentre sur les loups, notamment un couple qu'il avait repéré. La femelle était sur le point de mettre bas... mais il n'a jamais vu les petits. Les parents eux-mêmes ont disparu... et une (autre) petite meute est apparue, à la limite de leur territoire.
C'est l'un des grands mérites de ce film (notamment par rapport aux précédents) : ne pas hésiter à montrer à l'écran les effets de la violence de ce prédateur, sur la faune sauvage, mais surtout sur la faune domestique.
L'autre moitié du film (par morceaux) narre les voyages de Bertrand, dans différentes régions où la présence du loup est avérée. On va de l'Italie du Nord à la Normandie, en passant par la Bretagne, le Massif Central et la Suisse. A chaque fois, le cinéaste rencontre des éleveurs et des bergers, qu'il a sans doute choisis parmi les moins hostiles au loup. (Les autres l'ont peut-être menacé, comme le suggère une courte scène du début.) J'ai bien aimé voir ces jeunes, plutôt citadins d'origine, exposer leur ressenti, leurs doutes quant à leur "mission" : contribuer à faire exister un élevage résilient, qui s'habituerait à la présence du loup (grâce à la pose de clôtures et à la présence de chiens, notamment patous).
Le film est suffisamment bien fait pour que partisans et adversaires du loup s'y retrouvent (au moins en partie). Je remarque que, parmi les jeunes bergers qui continuent à croire en la coexistence possible, c'est plutôt le fatalisme qui domine : les éleveurs devraient se résigner à un "pourcentage de pertes"... On est libre d'adhérer ou pas à ce propos.
Il me reste à aborder le principal point faible de ce documentaire : la contextualisation. Un parc naturel national (comme celui des Écrins) n'a pas les mêmes fonctions qu'un parc naturel régional (comme celui de l'Aubrac ou des Grands Causses en Aveyron). L'objectif principal d'un PN est la conservation du milieu naturel. L'activité humaine est même proscrite en zone cœur. Là est possible la réintroduction d'un prédateur tel que le loup. En revanche les PNR, conçus par les acteurs locaux, sont d'abord des outils de développement rural. On tente d'y concilier activités humaines et protection de l'environnement. La réintroduction du loup dans ces espaces menace le concept même de parc régional ainsi que le maintien de certaines appellations agricoles (AOP, IGP), qui induisent un élevage extensif, le seul menacé par le retour des grands prédateurs.
P.S.
Avec ce film, Jean-Michel Bertrand ne livre pas un simple nouveau documentaire. Il semble faire une sorte de bilan. Il m'a un peu rappelé le Luc Jacquet de Voyage au pôle Sud.
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La Zone d'intérêt
Grand Prix au dernier festival de Cannes (certains affirmant que c'est la vraie Palme d'or), cette fiction à caractère documentaire de Jonathan Glaser a été tournée en allemand (pour plus de réalisme, je présume). Les dialogues n'y occupent toutefois guère de place, l'essentiel du signifiant étant porté par ce que l'on voit à l'écran... et ce que l'on n'y voit pas, mais dont on devine la présence.
C'est toute la question qui se pose, quand on traite du fonctionnement du camp d'Auschwitz (qui, rappelons-le, fut un camp triple : d'abord de concentration, auquel se sont ajoutées deux annexes, une usine chimique et un centre d'extermination, Birkenau).
C'est dans ce sens je pense qu'il faut comprendre l'écran noir du début. Certaines choses sont immontrables, mais on peut quand même les évoquer avec force, grâce à la mise en scène.
Il convient donc d'être attentif aux détails, à ce qui entre au domicile de la famille de Rudolf Hœss, à ce dont on discute le plus souvent à demi-mots, à ce qu'on peut voir quand on est à la porte d'entrée ou dans le jardin.
Le reste du temps, on nous présente la vie ordinaire d'une famille traditionnelle de cadre supérieur, l'épouse s'occupant du foyer, l'époux partant au travail le matin, revenant le soir. L'épouse (tout aussi nazie que le mari) dispose de domestiques, soit des Polonaises (catholiques) du coin, soit des détenues allemandes (non juives). Toutes sont consciences de la précarité de leur situation et des petits avantages qu'il y a à travailler sous la houlette d'une maîtresse de maison, même acariâtre.
Cella-ci, interprétée par Sandra Hüller, vole presque la vedette à Christian Friedel (qui incarne Hœss). Le directeur du camp (de 1940 à 1943) gardera une partie de son mystère, tandis que le caractère de son épouse se dévoile au fur et à mesure que le film avance... et ce n'est pas à l'avantage du personnage.
Martyriser des déportés et exterminer des juifs et des Tsiganes est donc un travail comme les autres pour les cadres nazis. Ils prennent soin de célébrer l'anniversaire du patron, à l'entrée de sa maison, de l'autre côté de la rue où commence le camp. Dans son salon, Hœss reçoit des gradés et les représentants d'entreprises qui tentent d'obtenir un marché crucial : celui de la construction de nouveaux crématoires et de nouvelles chambres à gaz. On est en pleine horreur humaine, mais filmée de manière glacée, frontale, sans explication. J'ai trouvé cela brillant, mais pas facile à supporter sur le plan émotionnel.
Une séquence particulièrement signifiante est celle de la venue de la belle-mère de Hœss. Ancienne femme de ménage, elle vit comme une ascension sociale le mariage de sa fille avec un dignitaire nazi. Elle est ravie de découvrir la maison de maître (même si elle n'est pas aussi grande qu'elle se l'imaginait), la présence de domestiques (aucune n'étant juive, prend-on la peine de lui préciser)... et les petits à-côtés. Elle a appris qu'une de ses anciennes patronnes juives a été déportée au camp, sans que cela l'afflige... mais elle ne sait pas tout. Durant son bref séjour, elle va dormir dans l'une des chambres des enfants du couple Hœss. (Ils ont cinq gosses !) L'une des fenêtres donne sur le camp. De temps en temps, de la fumée sort de cheminées, au loin. Elle entend ce qui ressemble à l'arrivée de trains, des cris étouffés... La belle-mère finit par comprendre ce qu'il se passe "de l'autre côté". Je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir sa réaction.
Tout le film est comme cela, par petites touches glaçantes, la caméra et le hors-champ suggérant beaucoup, pour qui prend la peine d'écouter, de regarder et de réfléchir.
Certes, compte tenu de son sujet, c'est un film assez pénible (sur le fond), mais, sur la forme, c'est magistral.
P.S.
Pour mieux comprendre la psychologie de Rudolf Hœss, on peut lire son autobiographie (rééditée en collection de poche), rédigée quand il était emprisonné en Pologne, attendant d'être jugé, après guerre. En dépit des tentatives d'autojustification (énoncées sans doute pour échapper à la peine de mort), son témoignage est fort instructif, à la fois sur l'auteur et sur le milieu dans lequel il a évolué, de sa jeunesse au commandement du camp.
14:04 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
La Zone d'intérêt
Grand Prix au dernier festival de Cannes (certains affirmant que c'est la vraie Palme d'or), cette fiction à caractère documentaire de Jonathan Glaser a été tournée en allemand (pour plus de réalisme, je présume). Les dialogues n'y occupent toutefois guère de place, l'essentiel du signifiant étant porté par ce que l'on voit à l'écran... et ce que l'on n'y voit pas, mais dont on devine la présence.
C'est toute la question qui se pose, quand on traite du fonctionnement du camp d'Auschwitz (qui, rappelons-le, fut un camp triple : d'abord de concentration, auquel se sont ajoutées deux annexes, une usine chimique et un centre d'extermination, Birkenau).
C'est dans ce sens je pense qu'il faut comprendre l'écran noir du début. Certaines choses sont immontrables, mais on peut quand même les évoquer avec force, grâce à la mise en scène.
Il convient donc d'être attentif aux détails, à ce qui entre au domicile de la famille de Rudolf Hœss, à ce dont on discute le plus souvent à demi-mots, à ce qu'on peut voir quand on est à la porte d'entrée ou dans le jardin.
Le reste du temps, on nous présente la vie ordinaire d'une famille traditionnelle de cadre supérieur, l'épouse s'occupant du foyer, l'époux partant au travail le matin, revenant le soir. L'épouse (tout aussi nazie que le mari) dispose de domestiques, soit des Polonaises (catholiques) du coin, soit des détenues allemandes (non juives). Toutes sont consciences de la précarité de leur situation et des petits avantages qu'il y a à travailler sous la houlette d'une maîtresse de maison, même acariâtre.
Cella-ci, interprétée par Sandra Hüller, vole presque la vedette à Christian Friedel (qui incarne Hœss). Le directeur du camp (de 1940 à 1943) gardera une partie de son mystère, tandis que le caractère de son épouse se dévoile au fur et à mesure que le film avance... et ce n'est pas à l'avantage du personnage.
Martyriser des déportés et exterminer des juifs et des Tsiganes est donc un travail comme les autres pour les cadres nazis. Ils prennent soin de célébrer l'anniversaire du patron, à l'entrée de sa maison, de l'autre côté de la rue où commence le camp. Dans son salon, Hœss reçoit des gradés et les représentants d'entreprises qui tentent d'obtenir un marché crucial : celui de la construction de nouveaux crématoires et de nouvelles chambres à gaz. On est en pleine horreur humaine, mais filmée de manière glacée, frontale, sans explication. J'ai trouvé cela brillant, mais pas facile à supporter sur le plan émotionnel.
Une séquence particulièrement signifiante est celle de la venue de la belle-mère de Hœss. Ancienne femme de ménage, elle vit comme une ascension sociale le mariage de sa fille avec un dignitaire nazi. Elle est ravie de découvrir la maison de maître (même si elle n'est pas aussi grande qu'elle se l'imaginait), la présence de domestiques (aucune n'étant juive, prend-on la peine de lui préciser)... et les petits à-côtés. Elle a appris qu'une de ses anciennes patronnes juives a été déportée au camp, sans que cela l'afflige... mais elle ne sait pas tout. Durant son bref séjour, elle va dormir dans l'une des chambres des enfants du couple Hœss. (Ils ont cinq gosses !) L'une des fenêtres donne sur le camp. De temps en temps, de la fumée sort de cheminées, au loin. Elle entend ce qui ressemble à l'arrivée de trains, des cris étouffés... La belle-mère finit par comprendre ce qu'il se passe "de l'autre côté". Je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir sa réaction.
Tout le film est comme cela, par petites touches glaçantes, la caméra et le hors-champ suggérant beaucoup, pour qui prend la peine d'écouter, de regarder et de réfléchir.
Certes, compte tenu de son sujet, c'est un film assez pénible (sur le fond), mais, sur la forme, c'est magistral.
P.S.
Pour mieux comprendre la psychologie de Rudolf Hœss, on peut lire son autobiographie (rééditée en collection de poche), rédigée quand il était emprisonné en Pologne, attendant d'être jugé, après guerre. En dépit des tentatives d'autojustification (énoncées sans doute pour échapper à la peine de mort), son témoignage est fort instructif, à la fois sur l'auteur et sur le milieu dans lequel il a évolué, de sa jeunesse au commandement du camp.
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lundi, 12 février 2024
Pauvres Créatures
J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) ce film de Yorgos Lanthimos, une sorte d'anti-conte de fées féministe. Cela démarre dans une ambiance victorienne, chez un médecin au visage rafistolé qui fait immanquablement penser à la créature du docteur Frankenstein... sauf que ce Godwin Baxter est médecin, du genre inventif. Dans le rôle, Willem Dafoe est (une fois de plus) épatant. La caméra, par le choix des focales et des prises de vue, contribue à un sentiment d'étrangeté. La musique est à l'unisson.
On découvre très vite l'étrange fille de "God", Bella, au comportement erratique, fantasque. Elle est cruelle et sans filtre, à l'image d'une grande enfant à laquelle on n'aurait pas enseigné les limites. Le film est l'histoire de son auto-éducation, de sa libération et de son asservissement. Emma Stone prête corps et esprit à ce personnage hors du commun. Elle irradie durant tout le film.
Un déclic se produit quand la jeune femme goûte au "fruit défendu", d'abord toute seule, puis en compagnie d'un bellâtre narcissique, incarné par un Mark Ruffalo surprenant. Leur idylle prend chair dans un Lisbonne uchronique, mis en scène avec un incontestable brio. Petit à petit, le rapport de force s'inverse entre le vieux beau et sa jeune apprentie, qui prend de l'assurance.
Un autre tournant survient durant une croisière de luxe. C'est l'occasion pour l'héroïne d'acquérir d'autres "compétences" que sexuelles. Une dame âgée lui fait découvrir la littérature. Le temps de la maturation intellectuelle commence, ce qui conduit la jeune femme à porter un autre regard sur les adultes qui l'entourent. Toujours aussi bien mise en scène (et interprétée), cette partie m'a enchanté.
Je n'en dirais pas autant de l'épisode parisien. Visuellement, il rappelle la période lisboète. C'est donc joli à regarder, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur (avec toujours une bonne utilisation des espaces). Mais, sur le fond, je n'ai guère goûté cette quasi-apologie de la prostitution volontaire, appuyée de surcroît par une mise en scène limite putassière. On sent que le réalisateur a aimé filmer les corps nus, dans des positions peu valorisantes. J'y ai vu comme une mise en abyme, la comédienne se prostituant volontairement à la caméra.
L'intrigue rebondit dans les deux dernières parties, que je ne raconterai pas. L'intérêt pour le film grandit à nouveau, jusqu'à une conclusion assez piquante.
Voilà. J'ai été emballé. C'est brillant sur le plan visuel, les plans étant nourris de détails parfois croquignolesques, comme ces animaux chimères dans le jardin du médecin. Sur le fond, c'est signifiant, même si je ne suis pas toujours d'accord avec le propos. Après La Favorite et The Lobster, Lanthimos confirme qu'il est l'un des réalisateurs les plus talentueux de notre époque.
10:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Pauvres Créatures
J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) ce film de Yorgos Lanthimos, une sorte d'anti-conte de fées féministe. Cela démarre dans une ambiance victorienne, chez un médecin au visage rafistolé qui fait immanquablement penser à la créature du docteur Frankenstein... sauf que ce Godwin Baxter est médecin, du genre inventif. Dans le rôle, Willem Dafoe est (une fois de plus) épatant. La caméra, par le choix des focales et des prises de vue, contribue à un sentiment d'étrangeté. La musique est à l'unisson.
On découvre très vite l'étrange fille de "God", Bella, au comportement erratique, fantasque. Elle est cruelle et sans filtre, à l'image d'une grande enfant à laquelle on n'aurait pas enseigné les limites. Le film est l'histoire de son auto-éducation, de sa libération et de son asservissement. Emma Stone prête corps et esprit à ce personnage hors du commun. Elle irradie durant tout le film.
Un déclic se produit quand la jeune femme goûte au "fruit défendu", d'abord toute seule, puis en compagnie d'un bellâtre narcissique, incarné par un Mark Ruffalo surprenant. Leur idylle prend chair dans un Lisbonne uchronique, mis en scène avec un incontestable brio. Petit à petit, le rapport de force s'inverse entre le vieux beau et sa jeune apprentie, qui prend de l'assurance.
Un autre tournant survient durant une croisière de luxe. C'est l'occasion pour l'héroïne d'acquérir d'autres "compétences" que sexuelles. Une dame âgée lui fait découvrir la littérature. Le temps de la maturation intellectuelle commence, ce qui conduit la jeune femme à porter un autre regard sur les adultes qui l'entourent. Toujours aussi bien mise en scène (et interprétée), cette partie m'a enchanté.
Je n'en dirais pas autant de l'épisode parisien. Visuellement, il rappelle la période lisboète. C'est donc joli à regarder, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur (avec toujours une bonne utilisation des espaces). Mais, sur le fond, je n'ai guère goûté cette quasi-apologie de la prostitution volontaire, appuyée de surcroît par une mise en scène limite putassière. On sent que le réalisateur a aimé filmer les corps nus, dans des positions peu valorisantes. J'y ai vu comme une mise en abyme, la comédienne se prostituant volontairement à la caméra.
L'intrigue rebondit dans les deux dernières parties, que je ne raconterai pas. L'intérêt pour le film grandit à nouveau, jusqu'à une conclusion assez piquante.
Voilà. J'ai été emballé. C'est brillant sur le plan visuel, les plans étant nourris de détails parfois croquignolesques, comme ces animaux chimères dans le jardin du médecin. Sur le fond, c'est signifiant, même si je ne suis pas toujours d'accord avec le propos. Après La Favorite et The Lobster, Lanthimos confirme qu'il est l'un des réalisateurs les plus talentueux de notre époque.
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dimanche, 11 février 2024
Le Royaume de Kensuke
C'est à un duo britannique que l'on doit cette animation (adaptée d'un roman), destinée a priori à tous les publics. L'intrigue doit se dérouler dans les années 1990, même si aucun contexte précis n'est donné. On sait juste que le vieil homme qui habite l'île perdue est un ancien soldat japonais, sans doute âgé de 70-80 ans. On pense évidemment à Onoda, même si son histoire est quelque peu différente.
Avant d'en arriver à cette rencontre, on découvre une famille (britannique) en vacances, sur un voilier. La père et la mère sont accompagnés de leurs deux enfants, l'aînée plus mature que le cadet, un garçon assez capricieux... dont on finit par comprendre qu'il est parvenu à introduire un passager clandestin... plutôt une passagère... très poilue (Stella).
Ce début m'a un peu agacé. J'y ai retrouvé, concernant les enfants et adolescents, des clichés trop souvent répandus dans le cinéma de fiction. Soit c'est un lieu commun pour les auteurs du Septième art, soit c'est une méthode peu subtile pour faire avancer le scénario dans la direction voulue (les gamins/ados faisant immanquablement de grosses bêtises), soit nos amis les artistes vivent dans des familles peuplées de gosses mal élevés. J'en côtoie (pré-adolescents comme adolescents) assez régulièrement et je trouve que l'écrasante majorité d'entre eux est bien plus fréquentable que les personnages censés les représenter sur grand écran.
De ce début je sauverais juste l'apparition de la passagère clandestine poilue, incontestablement la plus sympathique des protagonistes... de surcroît très bien dessinée et animée. Il ne lui manque que la parole !
Pour moi, le film décolle vraiment à partir du moment où l'action se déroule sur l'île. La qualité du dessin est particulièrement visible au niveau des animaux : orangs-outans, oiseaux, insectes... La forêt équatoriale (tropicale ?) réserve bien des surprises, une fois que ce petit con de Michael commence à l'explorer. Il y entre en contact avec le Kensuke du titre, le seul autre occupant humain... qui ne parle pas la même langue que lui.
Un des enjeux de l'histoire est la naissance de cette improbable relation amicale, entre un gamin qui va rapidement beaucoup apprendre de la vie et un vieillard qui au départ ne goûte que la compagnie des forces de la nature. L'insertion progressive du gamin dans la vie quotidienne de Kensuke est touchante (bien que, là encore, agaçante au départ).
D'autres humains vont débarquer sur l'île. Ils représentent clairement une menace : ils sont armés et se déplacent dans un bateau d'où s'échappe une vilaine fumée noire. On n'en saura guère plus sur eux. Ils sont juste là pour servir de repoussoir... tout comme l'armée américaine, présente dans les souvenirs de Kensuke.
Celui-ci, comme Michael, a "perdu" sa famille et a trouvé du réconfort dans la compagnie des animaux. Les deux humains vont tisser des liens, entre eux et avec les animaux, dans un contexte de quasi-paradis tropical, tellement bien aménagé par le vieil homme qu'on se croirait parfois dans un village-vacances écolo-responsable.
C'est, pour moi, là où le bât blesse. Au-delà des belles images et du propos tout à fait louable en faveur du respect de la nature, on nage en plein politiquement correct, avec de gros sabots. Pour des adultes, cela manque singulièrement de subtilité. Pour des enfants, cela peut passer.
Un film à recommander aux (grands)parents de gauche qui voudraient formater l'esprit de leurs (petits)enfants.
23:23 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Le Royaume de Kensuke
C'est à un duo britannique que l'on doit cette animation (adaptée d'un roman), destinée a priori à tous les publics. L'intrigue doit se dérouler dans les années 1990, même si aucun contexte précis n'est donné. On sait juste que le vieil homme qui habite l'île perdue est un ancien soldat japonais, sans doute âgé de 70-80 ans. On pense évidemment à Onoda, même si son histoire est quelque peu différente.
Avant d'en arriver à cette rencontre, on découvre une famille (britannique) en vacances, sur un voilier. La père et la mère sont accompagnés de leurs deux enfants, l'aînée plus mature que le cadet, un garçon assez capricieux... dont on finit par comprendre qu'il est parvenu à introduire un passager clandestin... plutôt une passagère... très poilue (Stella).
Ce début m'a un peu agacé. J'y ai retrouvé, concernant les enfants et adolescents, des clichés trop souvent répandus dans le cinéma de fiction. Soit c'est un lieu commun pour les auteurs du Septième art, soit c'est une méthode peu subtile pour faire avancer le scénario dans la direction voulue (les gamins/ados faisant immanquablement de grosses bêtises), soit nos amis les artistes vivent dans des familles peuplées de gosses mal élevés. J'en côtoie (pré-adolescents comme adolescents) assez régulièrement et je trouve que l'écrasante majorité d'entre eux est bien plus fréquentable que les personnages censés les représenter sur grand écran.
De ce début je sauverais juste l'apparition de la passagère clandestine poilue, incontestablement la plus sympathique des protagonistes... de surcroît très bien dessinée et animée. Il ne lui manque que la parole !
Pour moi, le film décolle vraiment à partir du moment où l'action se déroule sur l'île. La qualité du dessin est particulièrement visible au niveau des animaux : orangs-outans, oiseaux, insectes... La forêt équatoriale (tropicale ?) réserve bien des surprises, une fois que ce petit con de Michael commence à l'explorer. Il y entre en contact avec le Kensuke du titre, le seul autre occupant humain... qui ne parle pas la même langue que lui.
Un des enjeux de l'histoire est la naissance de cette improbable relation amicale, entre un gamin qui va rapidement beaucoup apprendre de la vie et un vieillard qui au départ ne goûte que la compagnie des forces de la nature. L'insertion progressive du gamin dans la vie quotidienne de Kensuke est touchante (bien que, là encore, agaçante au départ).
D'autres humains vont débarquer sur l'île. Ils représentent clairement une menace : ils sont armés et se déplacent dans un bateau d'où s'échappe une vilaine fumée noire. On n'en saura guère plus sur eux. Ils sont juste là pour servir de repoussoir... tout comme l'armée américaine, présente dans les souvenirs de Kensuke.
Celui-ci, comme Michael, a "perdu" sa famille et a trouvé du réconfort dans la compagnie des animaux. Les deux humains vont tisser des liens, entre eux et avec les animaux, dans un contexte de quasi-paradis tropical, tellement bien aménagé par le vieil homme qu'on se croirait parfois dans un village-vacances écolo-responsable.
C'est, pour moi, là où le bât blesse. Au-delà des belles images et du propos tout à fait louable en faveur du respect de la nature, on nage en plein politiquement correct, avec de gros sabots. Pour des adultes, cela manque singulièrement de subtilité. Pour des enfants, cela peut passer.
Un film à recommander aux (grands)parents de gauche qui voudraient formater l'esprit de leurs (petits)enfants.
23:23 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
A Man
C'est un peu par hasard que je suis allé voir ce film japonais, d'un réalisateur inconnu (Kei Ishikawa). J'ai été attiré par l'histoire de l'épouse qui découvre, à la mort de son mari, qu'il n'était pas celui qu'il prétendait.
Mais avant d'en arriver là, le cinéaste prend son temps. Il nous conte la naissance d'un amour, en province. Lui est un jeune homme emprunté, dessinateur compulsif, nouveau venu dans la petite ville. Elle est la fille de commerçants du coin. Elle a vécu à Yokohama (dans le Grand Tokyo), s'y est mariée, a eu deux enfants, puis a divorcé. Elle est revenue épauler ses parents dans la boutique de papeterie, juste avant la mort de son père. Ce contexte familial n'est pas ce qu'il y a de mieux mis en scène. En revanche, la naissance de l'histoire d'amour est belle, tout comme la description d'une nouvelle vie de famille... jusqu'à l'accident. (Notons que les scènes de sylviculture sont plutôt bien conçues et font respirer l'intrigue.)
A partir de là, le polar prend le dessus. La jeune veuve engage son ancien avocat (qui l'a aidée pour son divorce). Celui-ci va donc enquêter sur le mari... mais aussi sur une personne qui porte le même nom. Dans le même temps, on découvre la vie privée du juriste, un beau gosse assez brillant, qui a la particularité d'être d'origine coréenne, ce que son beau-père (extrême-)droitier n'oublie pas de rappeler à l'occasion d'un repas de famille. J'ai aussi bien aimé les scènes de travail, au cabinet juridique, qui font intervenir l'avocat et son associé.
En fait, l'enquête est un prétexte pour aborder des thèmes sociaux : l'usurpation d'identité, la disparition volontaire, la peine de mort, le racisme (principalement anti-coréen)... ainsi que l'univers de la boxe ! La deuxième partie du film est vraiment passionnante, tout en étant marquée par une grande délicatesse dans la peinture des relations humaines.
Le personnage du fils aîné de l'héroïne prend un peu d'ampleur. Il se pose des questions sur son identité. Tout jeune, il a porté le nom de famille de son géniteur (qu'il a peu connu), avant de prendre celui de sa mère, après le divorce. Le remariage de celle-ci l'a conduit à adopter le nom -officiel- du bûcheron dessinateur, dont il apprend qu'il est usurpé. L'incertitude quant à l'identité réelle du second mari a des répercussions inattendues, au niveau des rites funéraires mais aussi de la transmission du produit d'une assurance-vie.
Le séduisant avocat fait preuve d'une singulière opiniâtreté dans la résolution de cette affaire. Elle semble prendre un tour de plus en plus personnel. Cette dernière partie est un peu plus languissante, peut-être un poil moins réussie que les précédentes. Le réalisateur finit par boucler ses trois arcs narratifs... et nous réserve un petit coup de théâtre final, que chacun interprètera à sa guise.
La sortie de ce film fut discrète, mais je conseille de ne pas le rater s'il passe près de chez vous.
P.S.
Certains des acteurs paraîtront familiers aux amateurs de productions japonaises. Ainsi, l'avocat est incarné par Satoshi Tsumabuki, vu l'an dernier dans La Famille Asada, tandis que Sakura Andô (la veuve) figure dans la distribution du récent Godzilla Minus One. Quant à Akira Emoto (qui interprète un criminel emprisonné), c'est un vétéran du septième art nippon, qu'on a pu voir dans L'Anguille, Zaitochi ou encore John Rabe.
10:21 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
A Man
C'est un peu par hasard que je suis allé voir ce film japonais, d'un réalisateur inconnu (Kei Ishikawa). J'ai été attiré par l'histoire de l'épouse qui découvre, à la mort de son mari, qu'il n'était pas celui qu'il prétendait.
Mais avant d'en arriver là, le cinéaste prend son temps. Il nous conte la naissance d'un amour, en province. Lui est un jeune homme emprunté, dessinateur compulsif, nouveau venu dans la petite ville. Elle est la fille de commerçants du coin. Elle a vécu à Yokohama (dans le Grand Tokyo), s'y est mariée, a eu deux enfants, puis a divorcé. Elle est revenue épauler ses parents dans la boutique de papeterie, juste avant la mort de son père. Ce contexte familial n'est pas ce qu'il y a de mieux mis en scène. En revanche, la naissance de l'histoire d'amour est belle, tout comme la description d'une nouvelle vie de famille... jusqu'à l'accident. (Notons que les scènes de sylviculture sont plutôt bien conçues et font respirer l'intrigue.)
A partir de là, le polar prend le dessus. La jeune veuve engage son ancien avocat (qui l'a aidée pour son divorce). Celui-ci va donc enquêter sur le mari... mais aussi sur une personne qui porte le même nom. Dans le même temps, on découvre la vie privée du juriste, un beau gosse assez brillant, qui a la particularité d'être d'origine coréenne, ce que son beau-père (extrême-)droitier n'oublie pas de rappeler à l'occasion d'un repas de famille. J'ai aussi bien aimé les scènes de travail, au cabinet juridique, qui font intervenir l'avocat et son associé.
En fait, l'enquête est un prétexte pour aborder des thèmes sociaux : l'usurpation d'identité, la disparition volontaire, la peine de mort, le racisme (principalement anti-coréen)... ainsi que l'univers de la boxe ! La deuxième partie du film est vraiment passionnante, tout en étant marquée par une grande délicatesse dans la peinture des relations humaines.
Le personnage du fils aîné de l'héroïne prend un peu d'ampleur. Il se pose des questions sur son identité. Tout jeune, il a porté le nom de famille de son géniteur (qu'il a peu connu), avant de prendre celui de sa mère, après le divorce. Le remariage de celle-ci l'a conduit à adopter le nom -officiel- du bûcheron dessinateur, dont il apprend qu'il est usurpé. L'incertitude quant à l'identité réelle du second mari a des répercussions inattendues, au niveau des rites funéraires mais aussi de la transmission du produit d'une assurance-vie.
Le séduisant avocat fait preuve d'une singulière opiniâtreté dans la résolution de cette affaire. Elle semble prendre un tour de plus en plus personnel. Cette dernière partie est un peu plus languissante, peut-être un poil moins réussie que les précédentes. Le réalisateur finit par boucler ses trois arcs narratifs... et nous réserve un petit coup de théâtre final, que chacun interprètera à sa guise.
La sortie de ce film fut discrète, mais je conseille de ne pas le rater s'il passe près de chez vous.
P.S.
Certains des acteurs paraîtront familiers aux amateurs de productions japonaises. Ainsi, l'avocat est incarné par Satoshi Tsumabuki, vu l'an dernier dans La Famille Asada, tandis que Sakura Andô (la veuve) figure dans la distribution du récent Godzilla Minus One. Quant à Akira Emoto (qui interprète un criminel emprisonné), c'est un vétéran du septième art nippon, qu'on a pu voir dans L'Anguille, Zaitochi ou encore John Rabe.
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vendredi, 09 février 2024
Chasse gardée
Au mois de janvier, ce film a été l'un des plus gros succès (en terme d'entrées) au cinéma de Rodez, avec... Les SEGPA au ski... ce qui a fait dire à l'une de mes connaissances que la succession de la vieille génération de beaufs était déjà assurée.
Faisant fi de ces préjugés, je me suis glissé dans une salle obscure, histoire de vérifier si cette comédie de prime abord franchouillarde ne valait pas mieux que cela.
Le début est sans surprise, chaque groupe socio-professionnel étant dans son bain, une sorte de nouvelle version des rats des villes et des rats des champs. (Cette amorce ne donne pas du tout envie de vivre à Paris.)
On attend avec impatience que débute la confrontation. Le réalisateur Frédéric Forestier (auquel on doit aussi bien Le Boulet et Stars 80 que Les Bodin's en Thaïlande...) fait durer le plaisir : les ruraux accueillent plutôt bien les Parisiens, qui font des efforts pour s'intégrer à la vie du village picard.
La première partie de chasse est assez spectaculaire. C'est l'occasion de découvrir un sanglier dont on n'a pas fini d'entendre parler dans la suite de l'histoire. L'intrigue commence à se corser quand débarque peut-être la meilleure séquence, celle qui fait intervenir Thierry Lhermitte (le papa de la Parisienne, accessoirement redoutable avocat). Le repas de chasse vaut son pesant de terrine... et il est une nouvelle preuve qu'en France, la bouffe et le pinard contribuent au "vivre ensemble".
La suite vire à la quasi-guerre civile. C'est plaisant parce que, des deux côtés, les comédiens ne se prennent pas au sérieux... tout en incarnant leur personnage avec conviction.
Le scénario ménage plusieurs rebondissements. Tout le monde en prend pour son grade et, au final, chacun fait des concessions. L'histoire se conclut de manière consensuelle (anciens et néo-ruraux se coalisant contre une nouvelle menace), sur une chanson de Bourvil.
Ce n'est pas la comédie du siècle, mais elle détend... et, comme dasola, je trouve qu'elle vaut mieux que ce qui transparaît dans la bande-annonce.
P.S. I
Le titre fait référence à une réplique, dans la bouche d'un personnage féminin... non chasseur.
P.S. II
Didier Bourdon figurant en tête de distribution, les spectateurs de ma génération attendent avec impatience le moment où il sera fait allusion au célèbre sketch des Inconnus... Il faut patienter longtemps, jusqu'à une partie de chasse qui vire au complot.
21:44 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
Chasse gardée
Au mois de janvier, ce film a été l'un des plus gros succès (en terme d'entrées) au cinéma de Rodez, avec... Les SEGPA au ski... ce qui a fait dire à l'une de mes connaissances que la succession de la vieille génération de beaufs était déjà assurée.
Faisant fi de ces préjugés, je me suis glissé dans une salle obscure, histoire de vérifier si cette comédie de prime abord franchouillarde ne valait pas mieux que cela.
Le début est sans surprise, chaque groupe socio-professionnel étant dans son bain, une sorte de nouvelle version des rats des villes et des rats des champs. (Cette amorce ne donne pas du tout envie de vivre à Paris.)
On attend avec impatience que débute la confrontation. Le réalisateur Frédéric Forestier (auquel on doit aussi bien Le Boulet et Stars 80 que Les Bodin's en Thaïlande...) fait durer le plaisir : les ruraux accueillent plutôt bien les Parisiens, qui font des efforts pour s'intégrer à la vie du village picard.
La première partie de chasse est assez spectaculaire. C'est l'occasion de découvrir un sanglier dont on n'a pas fini d'entendre parler dans la suite de l'histoire. L'intrigue commence à se corser quand débarque peut-être la meilleure séquence, celle qui fait intervenir Thierry Lhermitte (le papa de la Parisienne, accessoirement redoutable avocat). Le repas de chasse vaut son pesant de terrine... et il est une nouvelle preuve qu'en France, la bouffe et le pinard contribuent au "vivre ensemble".
La suite vire à la quasi-guerre civile. C'est plaisant parce que, des deux côtés, les comédiens ne se prennent pas au sérieux... tout en incarnant leur personnage avec conviction.
Le scénario ménage plusieurs rebondissements. Tout le monde en prend pour son grade et, au final, chacun fait des concessions. L'histoire se conclut de manière consensuelle (anciens et néo-ruraux se coalisant contre une nouvelle menace), sur une chanson de Bourvil.
Ce n'est pas la comédie du siècle, mais elle détend... et, comme dasola, je trouve qu'elle vaut mieux que ce qui transparaît dans la bande-annonce.
P.S. I
Le titre fait référence à une réplique, dans la bouche d'un personnage féminin... non chasseur.
P.S. II
Didier Bourdon figurant en tête de distribution, les spectateurs de ma génération attendent avec impatience le moment où il sera fait allusion au célèbre sketch des Inconnus... Il faut patienter longtemps, jusqu'à une partie de chasse qui vire au complot.
21:44 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 07 février 2024
Daaaaaali !
Anaïs Demoustier
Edouard Baer
Jonathan Cohen
Pio Marmaï
Didier Flamand
Jean-Marie Winling
Romain Duris
Gilles Lellouche
Boris Gillot
... nous ravissent dans le dernier film de Quentin Dupieux. Outre la performance des acteurs (au premier rang desquels je place Jonathan Cohen et Edouard Baer), il faut signaler l'inventivité de la mise en scène et l'habileté du scénario, mieux ficelé que d'habitude. On a ainsi droit à des récits emboîtés, des scènes tournées à l'envers, de la mise en abyme, du non-sens, de l'incongruité... et pas mal d'humour.
Outre celui de Salvador Dali, l'esprit de Luis Buñuel souffle sur ce film enlevé, qui se moque de tout sauf de son public et égratigne au passage aussi bien le marché de l'art que le vedettariat.
Voilà l’œuvre qui aurait dû représenter la France aux Oscar !
20:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, culture, peinture
Daaaaaali !
Anaïs Demoustier
Edouard Baer
Jonathan Cohen
Pio Marmaï
Didier Flamand
Jean-Marie Winling
Romain Duris
Gilles Lellouche
Boris Gillot
... nous ravissent dans le dernier film de Quentin Dupieux. Outre la performance des acteurs (au premier rang desquels je place Jonathan Cohen et Edouard Baer), il faut signaler l'inventivité de la mise en scène et l'habileté du scénario, mieux ficelé que d'habitude. On a ainsi droit à des récits emboîtés, des scènes tournées à l'envers, de la mise en abyme, du non-sens, de l'incongruité... et pas mal d'humour.
Outre celui de Salvador Dali, l'esprit de Luis Buñuel souffle sur ce film enlevé, qui se moque de tout sauf de son public et égratigne au passage aussi bien le marché de l'art que le vedettariat.
Voilà l’œuvre qui aurait dû représenter la France aux Oscar !
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La Tresse
J'ai fini par me laisser traîner dans une salle obscure pour voir l'adaptation du roman à succès de Laetitia Colombani (par elle-même). Dans la salle, j'ai ressenti la curieuse impression qu'une brochette de mâles étaient dans la même situation que moi.
Hélas, seules des séances en version doublée sont disponibles dans mon cinéma local. Pour la partie canadienne, ce n'est pas gênant. Les voix semblent correspondre aux personnages. Cela devient limite pour la partie italienne, durant laquelle j'aurais tellement aimé entendre parler la langue de Giorgia Meloni Dante. De surcroît, dans cette partie, il est question d'un migrant indien (sikh) qui tente de s'améliorer dans la compréhension et la pratique de l'italien. (A ce sujet, on remarque qu'il progresse très rapidement dans la compréhension de l'Italienne...) Le pire est atteint dans la partie indienne. Elle est très correctement filmée mais, la plupart du temps, les voix ne correspondent pas aux personnages. Cela m'a gêné.
J'ai tout de même apprécié ces portraits de femmes lumineuses, de la mère de famille intouchable qui veut un autre destin pour sa fille unique à la brillante avocate divorcée, en passant par la jeune fille de patron de PME, assez anticonformiste. Chez ce personnage, j'ai particulièrement aimé qu'on montre une protagoniste adepte de la lecture, une activité hélas souvent complètement absente des films de fiction.
Je ne suis toutefois pas emballé par le cœur de l'intrigue. Le scénario place progressivement les trois héroïnes au fond du trou, de manière très appuyée. C'est assez attendu concernant l'Intouchable, dont j'aime toutefois qu'elle conserve sa combativité. (Par contre, sa gamine...) J'ai trouvé très datée (ie patriarcale) l'ambiance familiale italienne. Sérieusement, au XXIe siècle, en Italie ? J'ai été presque énervé par la partie canadienne, avec une héroïne agaçante à force de vouloir tout contrôler : avocate géniale, super-maman et guerrière implacable contre le cancer. Le principe de réalité finit par s'imposer à elle, mais il n'était pas nécessaire d'être aussi manichéen.
Bref, ce n'est pas inintéressant (surtout dans la V.O. à mon avis), mais c'est trop surligné pour moi.
13:32 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
La Tresse
J'ai fini par me laisser traîner dans une salle obscure pour voir l'adaptation du roman à succès de Laetitia Colombani (par elle-même). Dans la salle, j'ai ressenti la curieuse impression qu'une brochette de mâles étaient dans la même situation que moi.
Hélas, seules des séances en version doublée sont disponibles dans mon cinéma local. Pour la partie canadienne, ce n'est pas gênant. Les voix semblent correspondre aux personnages. Cela devient limite pour la partie italienne, durant laquelle j'aurais tellement aimé entendre parler la langue de Giorgia Meloni Dante. De surcroît, dans cette partie, il est question d'un migrant indien (sikh) qui tente de s'améliorer dans la compréhension et la pratique de l'italien. (A ce sujet, on remarque qu'il progresse très rapidement dans la compréhension de l'Italienne...) Le pire est atteint dans la partie indienne. Elle est très correctement filmée mais, la plupart du temps, les voix ne correspondent pas aux personnages. Cela m'a gêné.
J'ai tout de même apprécié ces portraits de femmes lumineuses, de la mère de famille intouchable qui veut un autre destin pour sa fille unique à la brillante avocate divorcée, en passant par la jeune fille de patron de PME, assez anticonformiste. Chez ce personnage, j'ai particulièrement aimé qu'on montre une protagoniste adepte de la lecture, une activité hélas souvent complètement absente des films de fiction.
Je ne suis toutefois pas emballé par le cœur de l'intrigue. Le scénario place progressivement les trois héroïnes au fond du trou, de manière très appuyée. C'est assez attendu concernant l'Intouchable, dont j'aime toutefois qu'elle conserve sa combativité. (Par contre, sa gamine...) J'ai trouvé très datée (ie patriarcale) l'ambiance familiale italienne. Sérieusement, au XXIe siècle, en Italie ? J'ai été presque énervé par la partie canadienne, avec une héroïne agaçante à force de vouloir tout contrôler : avocate géniale, super-maman et guerrière implacable contre le cancer. Le principe de réalité finit par s'imposer à elle, mais il n'était pas nécessaire d'être aussi manichéen.
Bref, ce n'est pas inintéressant (surtout dans la V.O. à mon avis), mais c'est trop surligné pour moi.
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dimanche, 04 février 2024
Le Dernier des Juifs
... de sa cité. Tel est le sort qui pend au nez de Bellisha, une sorte de Tanguy juif, qui ne parvient pas à quitter l'appartement familial, qu'il partage avec sa mère, gravement malade. L'immeuble comme le quartier, jadis marqués par la présence juive (notamment originaire d'Afrique du Nord) est aujourd'hui majoritairement peuplé de (descendants de) migrants musulmans, certains hostiles aux "sionistes de merde" comme ils sont parfois appelés.
Noé Debré réussit le tour de force de traiter avec malice (et subtilité) de sujets sérieux : la montée d'un virulent antisémitisme paré de la défense des Palestiniens, la nostalgie d'un monde qui n'est plus et les soubresauts d'une relation mère-fils.
Le film doit beaucoup à la qualité de ses deux interprètes principaux : Agnès Jaoui en mère juive lucide (qui fait semblant de croire aux mensonges de son fils) et Michael Zindel, tout en finesse, dans le rôle d'un jeune rêveur qui ne veut pas se laisser enfermer dans les préjugés et les catégories édictés par les adultes. (Il entretient une relation secrète avec une jeune métis... mariée !) On pourrait croire son personnage destiné à être broyé par la méchanceté humaine, mais en fait il est à la fois habile et désarmant, tout comme le scénario.
Celui-ci joue sur les clichés et les préjugés qui entourent nos concitoyens juifs. Ainsi, dès qu'un drame survient au Proche-Orient, certains abrutis en tiennent pour responsables les juifs du monde entier, y compris ceux de Seine-Saint-Denis. Pas de bol pour eux : ils se trompent d'appartement, l'inscription antisémite "décorant" la porte d'entrée des voisins... chinois. Plus tard, le domicile de Giselle et Bellisha finit par être cambriolé... mais les voyous n'y trouvent rien d'intéressant, alors qu'ils croyaient les "feujs" pétés de thunes...
Le second degré est aussi présent dans la manière dont les deux "assiégés" évoquent leur situation. Ainsi, lorsque la mère parle de la nécessité de quitter le quartier, plusieurs solutions sont envisagées, en France... et à l'étranger. Mais, lorsque son fils (pourtant partisan de rester) évoque la possibilité d'émigrer en Israël, c'est la mère qui refuse, jugeant que là-bas, c'est plein de juifs et que, du coup, ils risquent fort de se faire escroquer !
Le même procédé est à l’œuvre quand Bellisha héberge un jeune délinquant de la cité d'origine subsaharienne. Celui-ci lui avoue ne pas aimer les juifs... mais que, lui ça va, il l'apprécie. Quand Bellisha, interloqué, lui demande s'ils connaît d'autres juifs (ce qui pourrait expliquer la mauvaise opinion qu'il a d'eux), le délinquant lui répond que non, avant de se souvenir d'un mec qui a joué dans le même club de foot que lui... avec qui il s'entendait bien.
D'autres moments sont tout aussi réjouissants et signifiants, comme le passage avec les élus municipaux (d'ardents défenseurs de la "cause" palestinienne... qui ne veulent surtout pas être soupçonnés d'antisémitisme) ou celui du cours de krav-maga, durant lequel le frêle Bellisha montre qu'il possède des ressources inattendues. J'ai aussi adoré l'une des séquences du début, qui voit le jeune homme tenter de faire signer un contrat d'installation de pompe à chaleur à un vieil homme alcoolique.
Le dernier tiers du film est plus dans l'émotion, avec la relation mère-fils qui prend un tour moins joyeux. J'ai été touché, par cette partie comme par le reste de l'histoire, qui baigne dans les chansons d'Enrico Macias, sur fond de quartier HLM.
Compte tenu du contexte à la fois français et international, le film a hélas peu de succès. Je conseille de se précipiter pour le voir tant qu'il est à l'affiche.
22:37 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Le Dernier des Juifs
... de sa cité. Tel est le sort qui pend au nez de Bellisha, une sorte de Tanguy juif, qui ne parvient pas à quitter l'appartement familial, qu'il partage avec sa mère, gravement malade. L'immeuble comme le quartier, jadis marqués par la présence juive (notamment originaire d'Afrique du Nord) est aujourd'hui majoritairement peuplé de (descendants de) migrants musulmans, certains hostiles aux "sionistes de merde" comme ils sont parfois appelés.
Noé Debré réussit le tour de force de traiter avec malice (et subtilité) de sujets sérieux : la montée d'un virulent antisémitisme paré de la défense des Palestiniens, la nostalgie d'un monde qui n'est plus et les soubresauts d'une relation mère-fils.
Le film doit beaucoup à la qualité de ses deux interprètes principaux : Agnès Jaoui en mère juive lucide (qui fait semblant de croire aux mensonges de son fils) et Michael Zindel, tout en finesse, dans le rôle d'un jeune rêveur qui ne veut pas se laisser enfermer dans les préjugés et les catégories édictés par les adultes. (Il entretient une relation secrète avec une jeune métis... mariée !) On pourrait croire son personnage destiné à être broyé par la méchanceté humaine, mais en fait il est à la fois habile et désarmant, tout comme le scénario.
Celui-ci joue sur les clichés et les préjugés qui entourent nos concitoyens juifs. Ainsi, dès qu'un drame survient au Proche-Orient, certains abrutis en tiennent pour responsables les juifs du monde entier, y compris ceux de Seine-Saint-Denis. Pas de bol pour eux : ils se trompent d'appartement, l'inscription antisémite "décorant" la porte d'entrée des voisins... chinois. Plus tard, le domicile de Giselle et Bellisha finit par être cambriolé... mais les voyous n'y trouvent rien d'intéressant, alors qu'ils croyaient les "feujs" pétés de thunes...
Le second degré est aussi présent dans la manière dont les deux "assiégés" évoquent leur situation. Ainsi, lorsque la mère parle de la nécessité de quitter le quartier, plusieurs solutions sont envisagées, en France... et à l'étranger. Mais, lorsque son fils (pourtant partisan de rester) évoque la possibilité d'émigrer en Israël, c'est la mère qui refuse, jugeant que là-bas, c'est plein de juifs et que, du coup, ils risquent fort de se faire escroquer !
Le même procédé est à l’œuvre quand Bellisha héberge un jeune délinquant de la cité d'origine subsaharienne. Celui-ci lui avoue ne pas aimer les juifs... mais que, lui ça va, il l'apprécie. Quand Bellisha, interloqué, lui demande s'ils connaît d'autres juifs (ce qui pourrait expliquer la mauvaise opinion qu'il a d'eux), le délinquant lui répond que non, avant de se souvenir d'un mec qui a joué dans le même club de foot que lui... avec qui il s'entendait bien.
D'autres moments sont tout aussi réjouissants et signifiants, comme le passage avec les élus municipaux (d'ardents défenseurs de la "cause" palestinienne... qui ne veulent surtout pas être soupçonnés d'antisémitisme) ou celui du cours de krav-maga, durant lequel le frêle Bellisha montre qu'il possède des ressources inattendues. J'ai aussi adoré l'une des séquences du début, qui voit le jeune homme tenter de faire signer un contrat d'installation de pompe à chaleur à un vieil homme alcoolique.
Le dernier tiers du film est plus dans l'émotion, avec la relation mère-fils qui prend un tour moins joyeux. J'ai été touché, par cette partie comme par le reste de l'histoire, qui baigne dans les chansons d'Enrico Macias, sur fond de quartier HLM.
Compte tenu du contexte à la fois français et international, le film a hélas peu de succès. Je conseille de se précipiter pour le voir tant qu'il est à l'affiche.
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samedi, 03 février 2024
Argylle
Le nouveau long-métrage de l'un des enfants terribles d'Hollywood, Matthew Vaughn, oscille en l'hommage et la parodie de classiques du film d'espionnage ou d'action. On est immédiatement mis en condition avec une séquence brillante qui entremêle les clins d’œil au dernier James Bond et à Mission impossible. On sent aussi que, derrière la caméra, Vaughn veut montrer qu'il n'a rien à envier à certains petits maîtres contemporains. Il le confirme avec l'éblouissante séquence du train, à la fois ultraviolente et cocasse, décalque évident de Bullet Train. Dans le rôle de l'agent aussi redoutable que décontracté, Sam Rockwell est chargé de faire (un peu) oublier Brad Pitt. Je trouve qu'il y arrive. Globalement, il réalise une excellente performance dans ce film.
La séquence du train (pour moi la meilleure du film) n'est pas un simple décalque de son modèle. Elle met en œuvre certains des principes appliqués par Vaughn tout au long de l'histoire, avec un montage haché, limite virtuose, qui entretient la confusion entre la fiction et la réalité. Le cinéaste nous embarque dans un périple violent et halluciné, gagné par la surenchère.
Ce sont souvent les acteurs que l'on voit dans au moins deux versions d'une histoire qui s'en sortent le mieux. Ils nous montrent plusieurs facettes de leur talent. Cela nous amène à Bryce Dallas Howard, dont le personnage d'Elly est le plus protéiforme de l'intrigue. La comédienne rend crédible presque toutes ses incarnations... mais, au bout d'un moment, cela finit par ne plus être vraisemblable du tout (en gros : dès qu'elle porte la robe jaune, vraiment moche... Il paraît que c'est du Versace...).
Visiblement, la production a laissé les mains libres à Vaughn. Résultat : 200 millions de dollars pas toujours bien utilisés. Je pense notamment à l'une des séquences de baston, évidemment parodique, évidemment référencée : celle qui se déroule dans le mystérieux QG de la Division. C'est une relecture rose-bonbon d'un des Kingsman que j'ai trouvée proche du ridicule, quand bien même la mise en scène serait chiadée. (Et donc oui : Vaughn s'autoparodie...)
Pendant environ 1h30, c'est drôle, surprenant, enlevé. On accepte les "juste à temps", quelques grosses ficelles et des acteurs qui en font des caisses... même le chat cabotine ! (Mais, celui-là, je l'adore !) Les trente dernières minutes tombent dans l'action-guimauve, avec un manque de vraisemblance devenu excessif. Dommage, parce deux gros tiers du film sont bien.
20:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Argylle
Le nouveau long-métrage de l'un des enfants terribles d'Hollywood, Matthew Vaughn, oscille en l'hommage et la parodie de classiques du film d'espionnage ou d'action. On est immédiatement mis en condition avec une séquence brillante qui entremêle les clins d’œil au dernier James Bond et à Mission impossible. On sent aussi que, derrière la caméra, Vaughn veut montrer qu'il n'a rien à envier à certains petits maîtres contemporains. Il le confirme avec l'éblouissante séquence du train, à la fois ultraviolente et cocasse, décalque évident de Bullet Train. Dans le rôle de l'agent aussi redoutable que décontracté, Sam Rockwell est chargé de faire (un peu) oublier Brad Pitt. Je trouve qu'il y arrive. Globalement, il réalise une excellente performance dans ce film.
La séquence du train (pour moi la meilleure du film) n'est pas un simple décalque de son modèle. Elle met en œuvre certains des principes appliqués par Vaughn tout au long de l'histoire, avec un montage haché, limite virtuose, qui entretient la confusion entre la fiction et la réalité. Le cinéaste nous embarque dans un périple violent et halluciné, gagné par la surenchère.
Ce sont souvent les acteurs que l'on voit dans au moins deux versions d'une histoire qui s'en sortent le mieux. Ils nous montrent plusieurs facettes de leur talent. Cela nous amène à Bryce Dallas Howard, dont le personnage d'Elly est le plus protéiforme de l'intrigue. La comédienne rend crédible presque toutes ses incarnations... mais, au bout d'un moment, cela finit par ne plus être vraisemblable du tout (en gros : dès qu'elle porte la robe jaune, vraiment moche... Il paraît que c'est du Versace...).
Visiblement, la production a laissé les mains libres à Vaughn. Résultat : 200 millions de dollars pas toujours bien utilisés. Je pense notamment à l'une des séquences de baston, évidemment parodique, évidemment référencée : celle qui se déroule dans le mystérieux QG de la Division. C'est une relecture rose-bonbon d'un des Kingsman que j'ai trouvée proche du ridicule, quand bien même la mise en scène serait chiadée. (Et donc oui : Vaughn s'autoparodie...)
Pendant environ 1h30, c'est drôle, surprenant, enlevé. On accepte les "juste à temps", quelques grosses ficelles et des acteurs qui en font des caisses... même le chat cabotine ! (Mais, celui-là, je l'adore !) Les trente dernières minutes tombent dans l'action-guimauve, avec un manque de vraisemblance devenu excessif. Dommage, parce deux gros tiers du film sont bien.
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vendredi, 02 février 2024
La Ferme des Bertrand
Ce documentaire agricole retrace les grandes évolutions d'une exploitation familiale (bovine), en Haute-Savoie (commune de Mieussy), de 1972 à 2022. Les images ont été tournées en 1972 (en noir et blanc), en 1997 (en couleurs, "granuleuses", de format carré) et en 2022 (de très bonne qualité). L'auteur est un documentariste connu, Gilles Perret, engagé à gauche. On lui doit notamment Les Jours heureux et La Sociale. Ici (peut-être parce qu'il est originaire du coin), le propos militant a tendance à s'effacer derrière la volonté de rendre hommage à une lignée de travailleurs.
Les images datant de 1972 sont les moins nombreuses. On y voit un trio de frères, jeunes, vigoureux, qui ont repris l'exploitation familiale après des trajectoires diverses, l'un des trois étant, dans un premier temps, parti chercher son bonheur à la ville. Deux d'entre eux ont effectué leur service militaire en Algérie. Au début des années 1970, l'exploitation n'est quasiment pas mécanisée.
Vingt-cinq ans plus tard, en 1997, les trois frères sont toujours à l’œuvre... et toujours célibataires. Du coup, c'est l'un de leurs neveux, Patrick, qui les a rejoints. (Il est sans doute le fils de l'une de leurs sœurs.) Lui est marié (à Hélène, co-exploitante) et a trois enfants, deux filles et un garçon, que l'on fait témoigner. Les tracteurs et autres machines agricoles sont devenus très présents. Le travail semble moins pénible qu'autrefois.
En 2022, deux des trois oncles sont décédés... tout comme Patrick (à 50 ans). Sa veuve est sur le point de prendre sa retraite, laissant son fils Marc et l'un de ses gendres mener leur barque. L'exploitation va se doter d'une salle de traite automatique. La nouvelle génération est encore plus branchée machines que la précédente (au point de limiter le plus possible le travail strictement manuel)... et elle est plus présente auprès des membres de sa famille.
J'ai trouvé cela passionnant et beau. Cela dure 1h25 et l'on est pris par la diversité des thèmes abordés et l'habileté du montage, qui alterne les séquences issues de périodes différentes, plutôt que de proposer un suivi strictement chronologique.
Je recommande vivement.
18:49 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société, histoire, agriculture, france
La Ferme des Bertrand
Ce documentaire agricole retrace les grandes évolutions d'une exploitation familiale (bovine), en Haute-Savoie (commune de Mieussy), de 1972 à 2022. Les images ont été tournées en 1972 (en noir et blanc), en 1997 (en couleurs, "granuleuses", de format carré) et en 2022 (de très bonne qualité). L'auteur est un documentariste connu, Gilles Perret, engagé à gauche. On lui doit notamment Les Jours heureux et La Sociale. Ici (peut-être parce qu'il est originaire du coin), le propos militant a tendance à s'effacer derrière la volonté de rendre hommage à une lignée de travailleurs.
Les images datant de 1972 sont les moins nombreuses. On y voit un trio de frères, jeunes, vigoureux, qui ont repris l'exploitation familiale après des trajectoires diverses, l'un des trois étant, dans un premier temps, parti chercher son bonheur à la ville. Deux d'entre eux ont effectué leur service militaire en Algérie. Au début des années 1970, l'exploitation n'est quasiment pas mécanisée.
Vingt-cinq ans plus tard, en 1997, les trois frères sont toujours à l’œuvre... et toujours célibataires. Du coup, c'est l'un de leurs neveux, Patrick, qui les a rejoints. (Il est sans doute le fils de l'une de leurs sœurs.) Lui est marié (à Hélène, co-exploitante) et a trois enfants, deux filles et un garçon, que l'on fait témoigner. Les tracteurs et autres machines agricoles sont devenus très présents. Le travail semble moins pénible qu'autrefois.
En 2022, deux des trois oncles sont décédés... tout comme Patrick (à 50 ans). Sa veuve est sur le point de prendre sa retraite, laissant son fils Marc et l'un de ses gendres mener leur barque. L'exploitation va se doter d'une salle de traite automatique. La nouvelle génération est encore plus branchée machines que la précédente (au point de limiter le plus possible le travail strictement manuel)... et elle est plus présente auprès des membres de sa famille.
J'ai trouvé cela passionnant et beau. Cela dure 1h25 et l'on est pris par la diversité des thèmes abordés et l'habileté du montage, qui alterne les séquences issues de périodes différentes, plutôt que de proposer un suivi strictement chronologique.
Je recommande vivement.
18:49 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société, histoire, agriculture, france
mercredi, 31 janvier 2024
Un Coup de dés
Ce coup de dés est un tournant de la vie, qui fait que celle-ci bascule d'un côté ou de l'autre. L'intrigue de ce film d'Yvan Attal en met en scène plusieurs, de l'agression au domicile d'une famille au départ retardé d'un avion, en passant par une discussion dans une voiture, l'oubli d'un téléphone portable sur un bateau et une dispute dans un appartement.
Alain Resnais en aurait sans doute fait une brillante comédie, à l'image du diptyque Smoking / No Smoking. Attal a choisi le drame bourgeois, voix off à la clé. Le côté polar de l'intrigue m'a plu, d'autant que l'interprétation est de qualité, avec notamment Marie-Josée Croze, Maïwenn et Guillaume Canet (Attal me paraissant un poil moins convaincant).
En revanche, le coup de la voix off m'a déplu, d'autant qu'elle est soulignée par une musique un peu pompeuse, qui finit par agacer. Ceci dit, il convient d'un peu se méfier de ce qu'on nous montre au début, le principe des retours en arrière étant un petit peu trompeur. En dépit d'une gestion du suspens parfois maladroite, je trouve que certains effets sont réussis et que, surtout, Attal parvient à maintenir une forte tension presque tout au long du film.
Au centre de l'histoire se trouve le duo d'amis Mathieu-Vincent (Attal-Canet). Autant le premier est terne, modeste, introverti, respectueux des règles, autant le second est brillant, flambeur, aventurier et truqueur. Dans la vie, c'est le second qui occupe le devant de la scène. Mais il ne serait rien sans le premier. Que peut-il se passer le jour où l'homme de l'ombre, affable et soumis, décide de faire passer ses désirs avant ceux des autres ? L'intrigue tente de répondre à cette question.
Ce n'est certes pas le film de l'année, mais j'ai trouvé la presse bien sévère pour ce qui constitue un agréable divertissement, pas dépourvu de sens.
11:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Un Coup de dés
Ce coup de dés est un tournant de la vie, qui fait que celle-ci bascule d'un côté ou de l'autre. L'intrigue de ce film d'Yvan Attal en met en scène plusieurs, de l'agression au domicile d'une famille au départ retardé d'un avion, en passant par une discussion dans une voiture, l'oubli d'un téléphone portable sur un bateau et une dispute dans un appartement.
Alain Resnais en aurait sans doute fait une brillante comédie, à l'image du diptyque Smoking / No Smoking. Attal a choisi le drame bourgeois, voix off à la clé. Le côté polar de l'intrigue m'a plu, d'autant que l'interprétation est de qualité, avec notamment Marie-Josée Croze, Maïwenn et Guillaume Canet (Attal me paraissant un poil moins convaincant).
En revanche, le coup de la voix off m'a déplu, d'autant qu'elle est soulignée par une musique un peu pompeuse, qui finit par agacer. Ceci dit, il convient d'un peu se méfier de ce qu'on nous montre au début, le principe des retours en arrière étant un petit peu trompeur. En dépit d'une gestion du suspens parfois maladroite, je trouve que certains effets sont réussis et que, surtout, Attal parvient à maintenir une forte tension presque tout au long du film.
Au centre de l'histoire se trouve le duo d'amis Mathieu-Vincent (Attal-Canet). Autant le premier est terne, modeste, introverti, respectueux des règles, autant le second est brillant, flambeur, aventurier et truqueur. Dans la vie, c'est le second qui occupe le devant de la scène. Mais il ne serait rien sans le premier. Que peut-il se passer le jour où l'homme de l'ombre, affable et soumis, décide de faire passer ses désirs avant ceux des autres ? L'intrigue tente de répondre à cette question.
Ce n'est certes pas le film de l'année, mais j'ai trouvé la presse bien sévère pour ce qui constitue un agréable divertissement, pas dépourvu de sens.
11:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 27 janvier 2024
Les Colons
Le titre de ce film à prétention historique est ambigu. Le terme "colons" semble désigner les étrangers (européens ou nord-américains) venus tenter leur chance au Chili à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. Ce sont plutôt des migrants, dont certains se sont mis au service des dominants, les criollos (ou créoles), descendants eux des colons installés dans les premiers temps de la conquête européenne. Cette alliance se fait au détriment des Indiens, dépossédés de leurs terres, pourchassés, voire violé(e)s, tué(e)s.
Cet aspect-là, pour démonstratif qu'il soit, constitue la part intéressante du film, en particulier lorsqu'est mis en scène le fossé qui sépare les pauvres (qu'ils soient amérindiens ou pas) de l'élite dirigeante (fortunée), qu'elle soit conservatrice (comme le grand propriétaire Menéndez) ou progressiste (comme l'envoyé gouvernemental).
La première partie prend la forme d'un western crépusculaire, puisqu'il s'accompagne d'exécutions et de viols. Les paysages sont jolis, mais mon Dieu que c'est poussif ! J'ai plus d'une fois piqué du nez. Je trouve aussi que le jeu de certains acteurs est maladroit. C'est dommage, parce que la cause est belle.
Une séquence m'a particulièrement posé problème : celle qui fait intervenir des militaires en rupture de ban. Ils sont britanniques (notamment gallois). L'apparence de respect des règles va assez rapidement laisser la place à des pulsions moins civilisées. Dans cette séquence, j'ai ressenti de la part du réalisateur la double volonté de dépeindre ces Occidentaux de la manière la plus péjorative qui soit et de les humilier. Devant cette caméra, tous les vices sont européens (ou nord-américains). On tombe dans une forme de manichéisme.
La seconde partie nous projette quelques années plus tard. Sur le fond, elle donne une autre saveur à l'histoire. Sur la forme, elle est moins intéressante.
Le sujet était porteur, mais le résultat n'est pas particulièrement emballant.
12:10 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Les Colons
Le titre de ce film à prétention historique est ambigu. Le terme "colons" semble désigner les étrangers (européens ou nord-américains) venus tenter leur chance au Chili à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. Ce sont plutôt des migrants, dont certains se sont mis au service des dominants, les criollos (ou créoles), descendants eux des colons installés dans les premiers temps de la conquête européenne. Cette alliance se fait au détriment des Indiens, dépossédés de leurs terres, pourchassés, voire violé(e)s, tué(e)s.
Cet aspect-là, pour démonstratif qu'il soit, constitue la part intéressante du film, en particulier lorsqu'est mis en scène le fossé qui sépare les pauvres (qu'ils soient amérindiens ou pas) de l'élite dirigeante (fortunée), qu'elle soit conservatrice (comme le grand propriétaire Menéndez) ou progressiste (comme l'envoyé gouvernemental).
La première partie prend la forme d'un western crépusculaire, puisqu'il s'accompagne d'exécutions et de viols. Les paysages sont jolis, mais mon Dieu que c'est poussif ! J'ai plus d'une fois piqué du nez. Je trouve aussi que le jeu de certains acteurs est maladroit. C'est dommage, parce que la cause est belle.
Une séquence m'a particulièrement posé problème : celle qui fait intervenir des militaires en rupture de ban. Ils sont britanniques (notamment gallois). L'apparence de respect des règles va assez rapidement laisser la place à des pulsions moins civilisées. Dans cette séquence, j'ai ressenti de la part du réalisateur la double volonté de dépeindre ces Occidentaux de la manière la plus péjorative qui soit et de les humilier. Devant cette caméra, tous les vices sont européens (ou nord-américains). On tombe dans une forme de manichéisme.
La seconde partie nous projette quelques années plus tard. Sur le fond, elle donne une autre saveur à l'histoire. Sur la forme, elle est moins intéressante.
Le sujet était porteur, mais le résultat n'est pas particulièrement emballant.
12:10 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Si seulement je pouvais hiberner
C'est à peu près ce que déclare l'un des personnages de l'histoire (un des frères du héros), quand tous se retrouvent frigorifiés dans leur yourte sédentarisée, en banlieue d'Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie.
Les hivers y sont beaux mais rudes. Les superbes paysages d'Asie centrale sont parfois masqués par les fumées issues des systèmes de chauffage à l'ancienne, de vieilles chaudières à charbon, au rendement aléatoire... et encore, quand on a du charbon.
Se procurer cette source d'énergie fossile est l'un des objectifs prioritaires de la famille du héros, composée d'une mère et de ses quatre enfants : une fille et trois garçons. Le père est mort et la mère n'est pas bien vaillante. On comprend à demi-mots qu'elle peine à surmonter sa dépendance à l'alcool... et son peu d'appétence pour le travail.
Du coup, c'est le fils aîné Ulzii qui prend de plus en plus en charge le ravitaillement de la famille. Pour cela, il doit jongler avec ses études. Le lycéen est doué en sciences. Il pourrait prétendre à beaucoup mieux que ses camarades de classe... à condition de réussir ce fameux concours de recrutement national, auquel son prof de physique est prêt à le préparer bénévolement. Mais, entre les tentations d'un ado et les soucis familiaux, la vie quotidienne place Ulzii devant des choix cornéliens, d'autant qu'une fierté excessive l'empêche de demander de l'aide, ne serait-ce qu'à un couple de vieux voisins compatissants.
Dit comme ça, cela pourrait sembler misérabiliste. Pas du tout en fait. La description du quotidien de cette famille pauvre prend un tour documentaire. (Les enfants sont bien dirigés.) On découvre aussi les inégalités croissantes qui traversent la capitale, entre quartiers modernes, récemment aménagés, disposant de tout le confort, et quartiers plus traditionnels, pas dénués de charme, mais terriblement précaires.
C'est de surcroît bien filmé, avec de beaux plans d'ensemble de la ville ou de ses abords et des scènes bien troussées en intérieur, les yourtes se révélant propices à une mise en scène plus intimiste.
09:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Si seulement je pouvais hiberner
C'est à peu près ce que déclare l'un des personnages de l'histoire (un des frères du héros), quand tous se retrouvent frigorifiés dans leur yourte sédentarisée, en banlieue d'Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie.
Les hivers y sont beaux mais rudes. Les superbes paysages d'Asie centrale sont parfois masqués par les fumées issues des systèmes de chauffage à l'ancienne, de vieilles chaudières à charbon, au rendement aléatoire... et encore, quand on a du charbon.
Se procurer cette source d'énergie fossile est l'un des objectifs prioritaires de la famille du héros, composée d'une mère et de ses quatre enfants : une fille et trois garçons. Le père est mort et la mère n'est pas bien vaillante. On comprend à demi-mots qu'elle peine à surmonter sa dépendance à l'alcool... et son peu d'appétence pour le travail.
Du coup, c'est le fils aîné Ulzii qui prend de plus en plus en charge le ravitaillement de la famille. Pour cela, il doit jongler avec ses études. Le lycéen est doué en sciences. Il pourrait prétendre à beaucoup mieux que ses camarades de classe... à condition de réussir ce fameux concours de recrutement national, auquel son prof de physique est prêt à le préparer bénévolement. Mais, entre les tentations d'un ado et les soucis familiaux, la vie quotidienne place Ulzii devant des choix cornéliens, d'autant qu'une fierté excessive l'empêche de demander de l'aide, ne serait-ce qu'à un couple de vieux voisins compatissants.
Dit comme ça, cela pourrait sembler misérabiliste. Pas du tout en fait. La description du quotidien de cette famille pauvre prend un tour documentaire. (Les enfants sont bien dirigés.) On découvre aussi les inégalités croissantes qui traversent la capitale, entre quartiers modernes, récemment aménagés, disposant de tout le confort, et quartiers plus traditionnels, pas dénués de charme, mais terriblement précaires.
C'est de surcroît bien filmé, avec de beaux plans d'ensemble de la ville ou de ses abords et des scènes bien troussées en intérieur, les yourtes se révélant propices à une mise en scène plus intimiste.
09:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 24 janvier 2024
Godzilla Minus One
Curieusement, ce film japonais a "bénéficié" de deux sorties sur grand écran, en France. La première, dans une combinaison très limitée de salles, est survenue en décembre dernier. Sans doute en raison de l'engouement suscité par le film, il a été décidé de le reproposer, à un plus large public... et c'est tant mieux.
L'intrigue n'a pas été chamboulée par rapport aux classiques de la franchise (qui compte plus de trente films mettant en scène la grosse bébête radioactive). Du côté d'Hollywood, en 1998, Roland Emmerich attribuait aux essais nucléaires français du Pacifique la naissance du monstre. Plus récemment, en 2014, Gareth Edwards remontait aux origines (l'après Seconde Guerre mondiale), en convaincant à moitié. Sans trop en dire, je peux quand même affirmer qu'ici, on sous-entend que la (re)naissance de Godzilla est un poil plus ancienne...
Cela nous amène à l'un des grands intérêts de l'histoire : la peinture du Japon de 1945-1946, entre destructions, famine et familles déconstruites. On suit notamment un ancien kamikaze (qui n'a pas pu aller jusqu'au bout) et une mère célibataire qui sort de l'ordinaire. Après une introduction en fanfare (avec la grosse bête), l'intrigue prend des chemins à la fois sociologiques et psychologiques. On est loin des gros sabots états-uniens.
Je rassure les fans de film à grand spectacle : on en a pour son argent, avec de bons effets spéciaux... ce qui confirme qu'il n'est pas nécessaire de mettre "un pognon de dingue" dans les technologies numériques pour créer une œuvre à la fois spectaculaire et vraisemblable.
Godzilla joue un double rôle. D'un côté, il est le destructeur, à la fois créature de la démesure humaine et son prédateur ultime. D'une autre côté, il est le déclencheur, celui dont la présence oblige les humains à faire des choix, à mûrir, s'engager... C'est l'occasion pour nous de voir évoluer une famille recomposée, vaille que vaille. C'est assez touchant sans être hyper souligné.
En revanche (le film étant plutôt destiné au public est-asiatique), je n'ai guère apprécié certains scènes surexpressives, dans l'autoflagellation ou le larmoiement.
Cela reste néanmoins un film hautement recommandable.
17:09 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Godzilla Minus One
Curieusement, ce film japonais a "bénéficié" de deux sorties sur grand écran, en France. La première, dans une combinaison très limitée de salles, est survenue en décembre dernier. Sans doute en raison de l'engouement suscité par le film, il a été décidé de le reproposer, à un plus large public... et c'est tant mieux.
L'intrigue n'a pas été chamboulée par rapport aux classiques de la franchise (qui compte plus de trente films mettant en scène la grosse bébête radioactive). Du côté d'Hollywood, en 1998, Roland Emmerich attribuait aux essais nucléaires français du Pacifique la naissance du monstre. Plus récemment, en 2014, Gareth Edwards remontait aux origines (l'après Seconde Guerre mondiale), en convaincant à moitié. Sans trop en dire, je peux quand même affirmer qu'ici, on sous-entend que la (re)naissance de Godzilla est un poil plus ancienne...
Cela nous amène à l'un des grands intérêts de l'histoire : la peinture du Japon de 1945-1946, entre destructions, famine et familles déconstruites. On suit notamment un ancien kamikaze (qui n'a pas pu aller jusqu'au bout) et une mère célibataire qui sort de l'ordinaire. Après une introduction en fanfare (avec la grosse bête), l'intrigue prend des chemins à la fois sociologiques et psychologiques. On est loin des gros sabots états-uniens.
Je rassure les fans de film à grand spectacle : on en a pour son argent, avec de bons effets spéciaux... ce qui confirme qu'il n'est pas nécessaire de mettre "un pognon de dingue" dans les technologies numériques pour créer une œuvre à la fois spectaculaire et vraisemblable.
Godzilla joue un double rôle. D'un côté, il est le destructeur, à la fois créature de la démesure humaine et son prédateur ultime. D'une autre côté, il est le déclencheur, celui dont la présence oblige les humains à faire des choix, à mûrir, s'engager... C'est l'occasion pour nous de voir évoluer une famille recomposée, vaille que vaille. C'est assez touchant sans être hyper souligné.
En revanche (le film étant plutôt destiné au public est-asiatique), je n'ai guère apprécié certains scènes surexpressives, dans l'autoflagellation ou le larmoiement.
Cela reste néanmoins un film hautement recommandable.
17:09 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films