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mercredi, 22 mai 2019

Le jeune Ahmed

   Deux ans et demi après La Fille inconnue, les frères Dardenne sont de retour avec un sujet brûlant, celui de l'extrémisme musulman en général et de la radicalisation de jeunes éduqués dans un pays occidental en particulier. On peut présumer que les attentats qui ont frappé la Belgique ou mis en cause certains de ses ressortissants ont poussé les réalisateurs à se pencher sur la question.

   Ce film s'inscrit dans une veine qui commence à être fournie, avec les Britanniques de We are four lions, les Marocains des Chevaux de Dieu, les Tunisiens de Mon cher enfant et surtout les Français.es de La Désintégration, Made in France, Les Cowboys et Le Ciel attendra (liste non exhaustive).

   Ici, on sent que les Dardenne veulent sortir des clichés. L'adolescent en voie de radicalisation est un garçon issu d'un couple mixte. Dans la famille proche, Ahmed est le seul à s'engager dans cette voie (où il essaie d'entraîner son frère). Au départ, c'est un garçon timidou, sérieux à l'école sans être brillant, accro à sa console de jeux. Mais il est en quête d'une figure paternelle et se pose peut-être des questions sur son identité. Le voilà pris dans les filets d'un imam rusé, qui n'est pas sans rappeler le recruteur de La Désintégration. Signalons que le "héros" est formidablement interprété par Idir Ben Addi. Les autres comédiens sont au diapason.

   L'histoire est prenante parce que c'est une sorte de thriller. Pourtant, on n'y voit ni explosion, ni poursuite en voiture, ni grosse bagarre. Juste des garçons tombés sous la coupe d'un extrémiste manipulateur, qui profite des difficultés familiales pour entrer dans la tête d'ados mal dans leur peau. C'est filmé près des corps, caméra à l'épaule (façon Rosetta) ou en plans serrés. On est plongé dans la dérive du jeune homme, sans forcément le comprendre.

   A la suite d'une première partie animée, dont je ne raconterai pas le déroulement, Ahmed se retrouve en centre éducatif fermé. De temps à autre, il est envoyé travailler dans une ferme. Comme le garçon est mutique, on se demande ce qu'il pense vraiment. Est-il en voie de recouvrer ses esprits ? Ou bien cet adolescent en apparence inoffensif n'est-il pas en train de se jouer de tout le monde ? Les scènes tournées dans l'exploitation agricole font partie des meilleurs moments du film, notamment quand la jeune Victoria Bluck (qui incarne la fille du paysan) est à l'écran.

   Dans la dernière partie, l'intrigue bascule à nouveau, dans un sens que je me garderai bien de révéler. Jusqu'au bout, les auteurs maintiennent l'incertitude quant à la conclusion de leur histoire, aussi surprenante que (malgré tout) logique.

   Cannes vient de nous livrer sa première pépite.

Le jeune Ahmed

   Deux ans et demi après La Fille inconnue, les frères Dardenne sont de retour avec un sujet brûlant, celui de l'extrémisme musulman en général et de la radicalisation de jeunes éduqués dans un pays occidental en particulier. On peut présumer que les attentats qui ont frappé la Belgique ou mis en cause certains de ses ressortissants ont poussé les réalisateurs à se pencher sur la question.

   Ce film s'inscrit dans une veine qui commence à être fournie, avec les Britanniques de We are four lions, les Marocains des Chevaux de Dieu, les Tunisiens de Mon cher enfant et surtout les Français.es de La Désintégration, Made in France, Les Cowboys et Le Ciel attendra (liste non exhaustive).

   Ici, on sent que les Dardenne veulent sortir des clichés. L'adolescent en voie de radicalisation est un garçon issu d'un couple mixte. Dans la famille proche, Ahmed est le seul à s'engager dans cette voie (où il essaie d'entraîner son frère). Au départ, c'est un garçon timidou, sérieux à l'école sans être brillant, accro à sa console de jeux. Mais il est en quête d'une figure paternelle et se pose peut-être des questions sur son identité. Le voilà pris dans les filets d'un imam rusé, qui n'est pas sans rappeler le recruteur de La Désintégration. Signalons que le "héros" est formidablement interprété par Idir Ben Addi. Les autres comédiens sont au diapason.

   L'histoire est prenante parce que c'est une sorte de thriller. Pourtant, on n'y voit ni explosion, ni poursuite en voiture, ni grosse bagarre. Juste des garçons tombés sous la coupe d'un extrémiste manipulateur, qui profite des difficultés familiales pour entrer dans la tête d'ados mal dans leur peau. C'est filmé près des corps, caméra à l'épaule (façon Rosetta) ou en plans serrés. On est plongé dans la dérive du jeune homme, sans forcément le comprendre.

   A la suite d'une première partie animée, dont je ne raconterai pas le déroulement, Ahmed se retrouve en centre éducatif fermé. De temps à autre, il est envoyé travailler dans une ferme. Comme le garçon est mutique, on se demande ce qu'il pense vraiment. Est-il en voie de recouvrer ses esprits ? Ou bien cet adolescent en apparence inoffensif n'est-il pas en train de se jouer de tout le monde ? Les scènes tournées dans l'exploitation agricole font partie des meilleurs moments du film, notamment quand la jeune Victoria Bluck (qui incarne la fille du paysan) est à l'écran.

   Dans la dernière partie, l'intrigue bascule à nouveau, dans un sens que je me garderai bien de révéler. Jusqu'au bout, les auteurs maintiennent l'incertitude quant à la conclusion de leur histoire, aussi surprenante que (malgré tout) logique.

   Cannes vient de nous livrer sa première pépite.

dimanche, 19 mai 2019

Ei Reino

   J'ai enfin pu voir ce polar signé Rodrigo Sorogoyen, auteur il y a deux ans de l'excellent Que Dios nos perdone, dont on retrouve d'ailleurs ici une partie de la distribution. Le "royaume" dont il est question est bien sûr celui d'Espagne. Au sens figuré, c'est le petit monde politique dans lequel gravitent les personnages principaux, en particulier Manuel, sorte de plaque tournante des magouilles auxquelles se livre le parti au pouvoir. Dans le rôle, Antonio de la Torre (aussi à l'affiche de Companeros) est formidable... mais il n'est pas le seul. Quasiment tous les acteurs sont excellents (même si j'ai quelques réserves sur celle qui incarne la journaliste). Pour moi, l'une des plus belles prestations est fournie par Luis Zahera, dans le rôle d'un entrepreneur véreux, flambeur et au verbe haut. Sa diatribe sur le balcon de l'immeuble où se trouvent les bureaux de son entreprise mérite à elle seule le détour.

   En dépit de toutes ces qualités, le début ne m'a pas emballé. Je l'ai trouvé trop allusif. On nous plonge dans la vie au quotidien des permanents du parti au pouvoir, qui pourrait être aussi bien le PPE de Mariano Rajoy (l'un des principaux personnages féminins étant à mon avis calqué sur l'une des élues PPE) que le PSOE de Felipe Gonzalez, le jeune "M. Propre" ressemblant à José Luis Rodriguez Zapatero. (De surcroît, l'action est censée se dérouler en 2008.)

   Le réalisateur a choisi de dérouler son intrigue plutôt du point de vue du corrompu Manuel. Il le suit donc souvent caméra à l'épaule. A partie du moment où il est mis sur la sellette par les révélations médiatiques, d'autres angles de prise de vue, plus inattendus, obliques parfois, apparaissent. Cela suscite le trouble, voire l'inquiétude. Manuel ne serait-il pas victime d'un complot ? Ne tente-t-on pas de lui faire porter le chapeau ?

   Le polar va quasiment se muer en thriller... parce que Manuel ne veut pas se laisser faire. Comme le réalisateur est malin (et qu'il ne veut pas que l'on s'identifie trop au personnage  principal), il distille petit à petit les révélations dérangeantes. On comprend que Manuel n'était pas un mari modèle et qu'il est bien plus mouillé dans les scandales que ce qu'il veut reconnaître. Mais, en voulant sauver sa peau, il devient une menace pour ses collègues. Le scénario est suffisamment élaboré pour maintenir le suspens jusqu'au bout, l'action culminant dans une séquence autoroutière nocturne particulièrement réussie.

   D'un point de vue politique, l'histoire trouve sa conclusion dans une scène de télévision à double sens, puisque, dans un premier temps, les spectateurs sont tentés de penser que les deux interlocuteurs sont de connivence. La suite va prouver que non. C'est bien foutu, même si je regrette la tendance au "tous pourris".

   P.S.

   On aimerait que le cinéma français abandonne un peu les autofictions nombrilistes et les comédies bas-de-gamme pour embrasser ce genre de sujets. L'histoire de la Ve République est suffisamment riche en scandales politico-financiers pour que des scénaristes intelligents puissent en tirer de jolies histoires...

Ei Reino

   J'ai enfin pu voir ce polar signé Rodrigo Sorogoyen, auteur il y a deux ans de l'excellent Que Dios nos perdone, dont on retrouve d'ailleurs ici une partie de la distribution. Le "royaume" dont il est question est bien sûr celui d'Espagne. Au sens figuré, c'est le petit monde politique dans lequel gravitent les personnages principaux, en particulier Manuel, sorte de plaque tournante des magouilles auxquelles se livre le parti au pouvoir. Dans le rôle, Antonio de la Torre (aussi à l'affiche de Companeros) est formidable... mais il n'est pas le seul. Quasiment tous les acteurs sont excellents (même si j'ai quelques réserves sur celle qui incarne la journaliste). Pour moi, l'une des plus belles prestations est fournie par Luis Zahera, dans le rôle d'un entrepreneur véreux, flambeur et au verbe haut. Sa diatribe sur le balcon de l'immeuble où se trouvent les bureaux de son entreprise mérite à elle seule le détour.

   En dépit de toutes ces qualités, le début ne m'a pas emballé. Je l'ai trouvé trop allusif. On nous plonge dans la vie au quotidien des permanents du parti au pouvoir, qui pourrait être aussi bien le PPE de Mariano Rajoy (l'un des principaux personnages féminins étant à mon avis calqué sur l'une des élues PPE) que le PSOE de Felipe Gonzalez, le jeune "M. Propre" ressemblant à José Luis Rodriguez Zapatero. (De surcroît, l'action est censée se dérouler en 2008.)

   Le réalisateur a choisi de dérouler son intrigue plutôt du point de vue du corrompu Manuel. Il le suit donc souvent caméra à l'épaule. A partie du moment où il est mis sur la sellette par les révélations médiatiques, d'autres angles de prise de vue, plus inattendus, obliques parfois, apparaissent. Cela suscite le trouble, voire l'inquiétude. Manuel ne serait-il pas victime d'un complot ? Ne tente-t-on pas de lui faire porter le chapeau ?

   Le polar va quasiment se muer en thriller... parce que Manuel ne veut pas se laisser faire. Comme le réalisateur est malin (et qu'il ne veut pas que l'on s'identifie trop au personnage  principal), il distille petit à petit les révélations dérangeantes. On comprend que Manuel n'était pas un mari modèle et qu'il est bien plus mouillé dans les scandales que ce qu'il veut reconnaître. Mais, en voulant sauver sa peau, il devient une menace pour ses collègues. Le scénario est suffisamment élaboré pour maintenir le suspens jusqu'au bout, l'action culminant dans une séquence autoroutière nocturne particulièrement réussie.

   D'un point de vue politique, l'histoire trouve sa conclusion dans une scène de télévision à double sens, puisque, dans un premier temps, les spectateurs sont tentés de penser que les deux interlocuteurs sont de connivence. La suite va prouver que non. C'est bien foutu, même si je regrette la tendance au "tous pourris".

   P.S.

   On aimerait que le cinéma français abandonne un peu les autofictions nombrilistes et les comédies bas-de-gamme pour embrasser ce genre de sujets. L'histoire de la Ve République est suffisamment riche en scandales politico-financiers pour que des scénaristes intelligents puissent en tirer de jolies histoires...

vendredi, 17 mai 2019

Les Témoins de Lendsdorf

   J'ai récemment enfin pu voir ce film israélien, construit autour d'une histoire vraie, celle d'un massacre de Hongrois juifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'action se déroule de nos jours. Alors que, dans le village autrichien où a eu lieu le massacre (et où se trouve encore la fosse commune, jamais découverte), un projet prévoit l'aménagement d'une zone commerciale, un juif orthodoxe se jure de retrouver les ossements des victimes. Dans le même temps, en enquêtant sur le passé, il tombe sur un document concernant sa mère. Il n'est pas au bout de ses surprises.

   L'histoire est dure de prime abord. Fort heureusement, le réalisateur a ménagé quelques moments de comédie. Je pense à la première scène entre la mère juive et son fils (chez qui elle est installée). De manière générale, l'attitude énigmatique du héros (fort bien interprété par Ori Pfeffer) est parfois source d'amusement. Ce juif orthodoxe (qui aime circuler en vélo, un superbe casque vissé au-dessus de ses papillotes...) se pose des questions sur son identité, en même temps qu'il enquête sur le passé autrichien.

   C'est la plus grande réussite du film : avoir créé une ambiance de polar autour de la Shoah, sans que rien ne soit excessif ou déplacé. Le héros va-t-il retrouver la fosse commune à temps ? Le massacre a-t-il bien eu lieu dans cette commune ? N'y en-a-t-il pas plutôt eu deux ? Et, surtout, que sont devenus les survivants de l'époque (juifs et non juifs) ? Pourquoi les habitants les plus âgés de la commune, qui ont connu l'époque du massacre, prétendent-ils ne se souvenir de rien ? Qu'est-il arrivé aux deux témoins, convoqués au tribunal des années auparavant, et qu'on a retrouvés morts ?

   C'est prenant, passionnant, rempli de "pâte humaine". C'est l'un des films à voir en ce moment.

   P.S.

   Le scénario ne tient pas compte d'une nouvelle hypothèse concernant le massacre : une soirée entre nazis et collabos hongrois, qui aurait dégénéré.

   P.S. II

   J'ai vu ce film dans le cadre du printemps du cinéma israélien, un festival promu par l'association Hebraïca. Les projections ont lieu principalement dans l'agglomération toulousaine. Cela s'étend jusqu'à Montauban au nord, Albi à l'est (pas l'Aveyron, hélas...) :

cinéma,cinema,film,films,histoire

 

Les Témoins de Lendsdorf

   J'ai récemment enfin pu voir ce film israélien, construit autour d'une histoire vraie, celle d'un massacre de Hongrois juifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'action se déroule de nos jours. Alors que, dans le village autrichien où a eu lieu le massacre (et où se trouve encore la fosse commune, jamais découverte), un projet prévoit l'aménagement d'une zone commerciale, un juif orthodoxe se jure de retrouver les ossements des victimes. Dans le même temps, en enquêtant sur le passé, il tombe sur un document concernant sa mère. Il n'est pas au bout de ses surprises.

   L'histoire est dure de prime abord. Fort heureusement, le réalisateur a ménagé quelques moments de comédie. Je pense à la première scène entre la mère juive et son fils (chez qui elle est installée). De manière générale, l'attitude énigmatique du héros (fort bien interprété par Ori Pfeffer) est parfois source d'amusement. Ce juif orthodoxe (qui aime circuler en vélo, un superbe casque vissé au-dessus de ses papillotes...) se pose des questions sur son identité, en même temps qu'il enquête sur le passé autrichien.

   C'est la plus grande réussite du film : avoir créé une ambiance de polar autour de la Shoah, sans que rien ne soit excessif ou déplacé. Le héros va-t-il retrouver la fosse commune à temps ? Le massacre a-t-il bien eu lieu dans cette commune ? N'y en-a-t-il pas plutôt eu deux ? Et, surtout, que sont devenus les survivants de l'époque (juifs et non juifs) ? Pourquoi les habitants les plus âgés de la commune, qui ont connu l'époque du massacre, prétendent-ils ne se souvenir de rien ? Qu'est-il arrivé aux deux témoins, convoqués au tribunal des années auparavant, et qu'on a retrouvés morts ?

   C'est prenant, passionnant, rempli de "pâte humaine". C'est l'un des films à voir en ce moment.

   P.S.

   Le scénario ne tient pas compte d'une nouvelle hypothèse concernant le massacre : une soirée entre nazis et collabos hongrois, qui aurait dégénéré.

   P.S. II

   J'ai vu ce film dans le cadre du printemps du cinéma israélien, un festival promu par l'association Hebraïca. Les projections ont lieu principalement dans l'agglomération toulousaine. Cela s'étend jusqu'à Montauban au nord, Albi à l'est (pas l'Aveyron, hélas...) :

cinéma,cinema,film,films,histoire

 

mercredi, 08 mai 2019

Sunset

   C'est le titre du deuxième film du réalisateur hongrois Laszlo Nemes, auquel on doit l'une des plus belles oeuvres sur la Shoah, Le Fils de Saul, sortie il y a trois ans et demi. Le crépuscule auquel il nous convie est celui de l'Empire austro-hongrois, à la veille de la Première Guerre mondiale.

   L'intrigue est construite sur la base d'une forte dichotomie. D'un côté, on découvre un monde en effervescence, prospère, dominé par des hommes "bien nés" (issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie). La reconstitution est soignée et fait écho à la "nostalgie habsbourgeoise", qui voit dans cette Europe centrale multiculturelle une sorte de paradis perdu, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne tout chambouler.

   D'un autre côté, le film montre les grandes inégalités qui existaient à cette époque. La majorité de la population vivait dans des conditions très précaires, conditions que l'héroïne Irisz va découvrir, bien qu'étant issue de la bourgeoisie dominante. L'incendie du commerce de chapeaux de sa famille (et la mort de ses parents) a provoqué son déclassement social, même si le nouveau propriétaire (qui a peut-être été l'amant de sa mère) lui accorde beaucoup de considération. A travers les yeux d'Irisz, on découvre aussi le sort réservé aux femmes. Dans la haute société, tout est dit à mots couverts, mais la domination masculine n'en est pas moins prégnante. Dans les catégories plus modestes (et notamment dans la bande de voyous que dirigerait son frère), on est plus franc du collier... Un mystère plane sur le magasin de chapeaux : pourquoi les modistes qui y travaillent sont-elles toutes de ravissantes jeunes femmes ?

   L'intrigue prend la forme d'une (en)quête. Qu'est réellement devenu le frère d'Irisz, que presque tout le monde croit (ou fait semblant de croire) mort ? Que s'est-il passé des années auparavant ? La caméra près du corps, le réalisateur suit les déambulations quasi somnambuliques de son héroïne, qui prend beaucoup de risques pour tenter de retrouver son frère, dont elle ne connaît même pas le visage. Du coup, plusieurs des hommes qu'elle rencontre pourraient être ce frère, qui se garde bien de révéler son identité. A moins que... Irisz, la cervelle un peu dérangée, n'imagine une partie de ce qui nous est montré à l'écran.

   C'est lié au style du réalisateur. La forme de caméra subjective qu'il utilise a été la marque de fabrique du Fils de Saul. C'était particulièrement approprié au type d'histoire qu'il racontait dans ce film. Ici, certains spectateurs ont eu une impression de déjà-vu, que le réalisateur ne se foulait pas et ressortait les mêmes recettes que celles qui avaient contribué au succès de son précédent film.

   En réalité, la caméra est semi-subjective. Il y a bien quelques scènes qui sont filmées comme perçues par les yeux d'Irisz. Mais, la plupart du temps, la caméra filme l'héroïne en gros plan ou plan serré (souvent de dos), le reste apparaissant flou, à l'inverse de ce que le cinéma contemporain pratique. En effet, de nos jours, dans les oeuvres commerciales, quand une scène prétend proposer le point de vue d'un personnage, à l'écran tout est net. C'est ainsi plus "regardable" pour les spectateurs lambda. Mais le style de Nemes est plus proche de la réalité. Dans la vraie vie, quand on déambule dans une rue, on ne voit nettement que ce sur quoi on est concentré, le reste étant périphérique, flou, ce que rend très bien la mise en scène, bien que de manière quelque peu exagérée.

   Cela fait de ce film un "polar de recherche", assez prenant, même si le rythme n'est pas trépidant. Il reste à parler des vingt dernières minutes, qui changent profondément le point de vue que l'on peut avoir sur l'histoire qui nous est racontée.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM.

 

   Globalement, je trouvais que l'actrice principale manquait de charisme. Après réflexion, je pense qu'on lui a dit de jouer de la manière dont elle incarne son personnage, qui est une sorte de somnambule. C'est peut-être tout simplement parce qu'il souffre de troubles mentaux.

   Les interrogations des spectateurs naissent quand Irisz Leiter, pénétrant à nouveau (déguisée) dans l'antre de la bande de voyous révolutionnaires (interdit aux femmes), est reconnue comme le chef. Sa présence au moment des attaques menées par les rebelles se comprend alors non pas parce qu'elle est un témoin privilégié (intouchable parce que soeur du patron), mais parce qu'elle est le chef. Ce serait un personnage androgyne (voire un.e hermaphrodite), qui finit d'ailleurs par être mobilisé.e dans l'armée austro-hongroise, en 1914. Cela donnerait un autre sens aux scènes où Irisz se retrouve dans la pension des modistes du commerce de chapeaux. On lui donne la chambre où a séjourné son frère, dont les habits se trouvent dans la malle... SA malle en réalité. Souffrant de troubles de la personnalité, Irisz quitte ses vêtements d'homme quand sa part féminine prend le dessus. Je surinterprète peut-être, mais cela vaudrait la peine de revoir le film avec cette grille d'analyse en tête.

Sunset

   C'est le titre du deuxième film du réalisateur hongrois Laszlo Nemes, auquel on doit l'une des plus belles oeuvres sur la Shoah, Le Fils de Saul, sortie il y a trois ans et demi. Le crépuscule auquel il nous convie est celui de l'Empire austro-hongrois, à la veille de la Première Guerre mondiale.

   L'intrigue est construite sur la base d'une forte dichotomie. D'un côté, on découvre un monde en effervescence, prospère, dominé par des hommes "bien nés" (issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie). La reconstitution est soignée et fait écho à la "nostalgie habsbourgeoise", qui voit dans cette Europe centrale multiculturelle une sorte de paradis perdu, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne tout chambouler.

   D'un autre côté, le film montre les grandes inégalités qui existaient à cette époque. La majorité de la population vivait dans des conditions très précaires, conditions que l'héroïne Irisz va découvrir, bien qu'étant issue de la bourgeoisie dominante. L'incendie du commerce de chapeaux de sa famille (et la mort de ses parents) a provoqué son déclassement social, même si le nouveau propriétaire (qui a peut-être été l'amant de sa mère) lui accorde beaucoup de considération. A travers les yeux d'Irisz, on découvre aussi le sort réservé aux femmes. Dans la haute société, tout est dit à mots couverts, mais la domination masculine n'en est pas moins prégnante. Dans les catégories plus modestes (et notamment dans la bande de voyous que dirigerait son frère), on est plus franc du collier... Un mystère plane sur le magasin de chapeaux : pourquoi les modistes qui y travaillent sont-elles toutes de ravissantes jeunes femmes ?

   L'intrigue prend la forme d'une (en)quête. Qu'est réellement devenu le frère d'Irisz, que presque tout le monde croit (ou fait semblant de croire) mort ? Que s'est-il passé des années auparavant ? La caméra près du corps, le réalisateur suit les déambulations quasi somnambuliques de son héroïne, qui prend beaucoup de risques pour tenter de retrouver son frère, dont elle ne connaît même pas le visage. Du coup, plusieurs des hommes qu'elle rencontre pourraient être ce frère, qui se garde bien de révéler son identité. A moins que... Irisz, la cervelle un peu dérangée, n'imagine une partie de ce qui nous est montré à l'écran.

   C'est lié au style du réalisateur. La forme de caméra subjective qu'il utilise a été la marque de fabrique du Fils de Saul. C'était particulièrement approprié au type d'histoire qu'il racontait dans ce film. Ici, certains spectateurs ont eu une impression de déjà-vu, que le réalisateur ne se foulait pas et ressortait les mêmes recettes que celles qui avaient contribué au succès de son précédent film.

   En réalité, la caméra est semi-subjective. Il y a bien quelques scènes qui sont filmées comme perçues par les yeux d'Irisz. Mais, la plupart du temps, la caméra filme l'héroïne en gros plan ou plan serré (souvent de dos), le reste apparaissant flou, à l'inverse de ce que le cinéma contemporain pratique. En effet, de nos jours, dans les oeuvres commerciales, quand une scène prétend proposer le point de vue d'un personnage, à l'écran tout est net. C'est ainsi plus "regardable" pour les spectateurs lambda. Mais le style de Nemes est plus proche de la réalité. Dans la vraie vie, quand on déambule dans une rue, on ne voit nettement que ce sur quoi on est concentré, le reste étant périphérique, flou, ce que rend très bien la mise en scène, bien que de manière quelque peu exagérée.

   Cela fait de ce film un "polar de recherche", assez prenant, même si le rythme n'est pas trépidant. Il reste à parler des vingt dernières minutes, qui changent profondément le point de vue que l'on peut avoir sur l'histoire qui nous est racontée.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM.

 

   Globalement, je trouvais que l'actrice principale manquait de charisme. Après réflexion, je pense qu'on lui a dit de jouer de la manière dont elle incarne son personnage, qui est une sorte de somnambule. C'est peut-être tout simplement parce qu'il souffre de troubles mentaux.

   Les interrogations des spectateurs naissent quand Irisz Leiter, pénétrant à nouveau (déguisée) dans l'antre de la bande de voyous révolutionnaires (interdit aux femmes), est reconnue comme le chef. Sa présence au moment des attaques menées par les rebelles se comprend alors non pas parce qu'elle est un témoin privilégié (intouchable parce que soeur du patron), mais parce qu'elle est le chef. Ce serait un personnage androgyne (voire un.e hermaphrodite), qui finit d'ailleurs par être mobilisé.e dans l'armée austro-hongroise, en 1914. Cela donnerait un autre sens aux scènes où Irisz se retrouve dans la pension des modistes du commerce de chapeaux. On lui donne la chambre où a séjourné son frère, dont les habits se trouvent dans la malle... SA malle en réalité. Souffrant de troubles de la personnalité, Irisz quitte ses vêtements d'homme quand sa part féminine prend le dessus. Je surinterprète peut-être, mais cela vaudrait la peine de revoir le film avec cette grille d'analyse en tête.

mercredi, 01 mai 2019

Alpha - The Right to kill

   Le cinéaste Brillante Mendoza a déjà pas mal de films au compteur, mais c'est le premier que je vois. L'intrigue s'insère dans le contexte politico-social philippin, celui de la présidence Duterte, marquée par un discours martial et une grande latitude laissée aux forces de l'ordre pour lutter contre la délinquance en général, le trafic de drogue en particulier.

   On nous met d'ailleurs immédiatement dans le bain. Dans un premier temps, on découvre le duo de personnages principaux, composé d'un sergent d'une sorte de police de proximité et de son indicateur, son "alpha", un petit délinquant qui connaît les rues de Manille comme sa poche... et veut éviter de retourner en prison.

   La suite est une séquence emballante, d'une grande virtuosité : l'organisation et le déroulement d'une opération coup-de-poing contre un gros trafiquant. D'un côté, la caméra suit au corps les différentes unités de la police qui interviennent (le SWAT, les Stups, la Criminelle...). D'un autre, on nous gratifie d'étonnantes vues aériennes du dédale de ruelles du bidonville, situé à quelques encablures du CBD ultra-moderne. On n'est pas très loin de La Cité de Dieu.

   Bien que réunies sous une direction unique et (en apparence) soudées dans la lutte contre le crime, les différentes unités de la police fonctionnent chacune en vase clos... et en plusieurs langues. C'est l'une des surprises de la version originale : on constate que, dans leur vie professionnelle, les policiers mélangent une sorte de globish à des termes espagnols et un vocabulaire de base (sans doute) en tagalog.

   Cette nuit-là, les policiers vont réaliser un gros coup : mettre hors d'état de nuire tout une bande, son chef y compris. Mais leurs prises semblent un peu modestes. Un sac à dos a disparu, avec son contenu. Des ripoux n'auraient-ils pas profité de l'occasion ?

   Là, le propos se fait politique. Derrière la brillante façade de lutte contre le crime se cachent pas mal d'approximations, voire d'erreurs, dont pâtissent des innocents. La corruption est très répandue. Le film mérite aussi le détour pour la vision qu'il donne de l'autre camp. Tous les trafiquants ne sont pas d'impitoyables ordures. Certains, comme l'indic Elijah, cherchent juste à nourrir leur famille. Ils font parfois preuve d'une étonnante imagination, utilisant des pigeons voyageurs... voire les couches de leurs enfants pour faire passer la drogue en petites doses. La ville étant quadrillée par la police, déployée en unités de vigilance (mobiles) au niveau des quartiers, l'étau se resserre autour des trafiquants... et du policier ripou.

   C'est un excellent polar, servi par de très bons acteurs. C'est la révélation du moment, qui complète utilement un autre film philippin, Metro Manila, sorti il y a quelques années.

23:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Alpha - The Right to kill

   Le cinéaste Brillante Mendoza a déjà pas mal de films au compteur, mais c'est le premier que je vois. L'intrigue s'insère dans le contexte politico-social philippin, celui de la présidence Duterte, marquée par un discours martial et une grande latitude laissée aux forces de l'ordre pour lutter contre la délinquance en général, le trafic de drogue en particulier.

   On nous met d'ailleurs immédiatement dans le bain. Dans un premier temps, on découvre le duo de personnages principaux, composé d'un sergent d'une sorte de police de proximité et de son indicateur, son "alpha", un petit délinquant qui connaît les rues de Manille comme sa poche... et veut éviter de retourner en prison.

   La suite est une séquence emballante, d'une grande virtuosité : l'organisation et le déroulement d'une opération coup-de-poing contre un gros trafiquant. D'un côté, la caméra suit au corps les différentes unités de la police qui interviennent (le SWAT, les Stups, la Criminelle...). D'un autre, on nous gratifie d'étonnantes vues aériennes du dédale de ruelles du bidonville, situé à quelques encablures du CBD ultra-moderne. On n'est pas très loin de La Cité de Dieu.

   Bien que réunies sous une direction unique et (en apparence) soudées dans la lutte contre le crime, les différentes unités de la police fonctionnent chacune en vase clos... et en plusieurs langues. C'est l'une des surprises de la version originale : on constate que, dans leur vie professionnelle, les policiers mélangent une sorte de globish à des termes espagnols et un vocabulaire de base (sans doute) en tagalog.

   Cette nuit-là, les policiers vont réaliser un gros coup : mettre hors d'état de nuire tout une bande, son chef y compris. Mais leurs prises semblent un peu modestes. Un sac à dos a disparu, avec son contenu. Des ripoux n'auraient-ils pas profité de l'occasion ?

   Là, le propos se fait politique. Derrière la brillante façade de lutte contre le crime se cachent pas mal d'approximations, voire d'erreurs, dont pâtissent des innocents. La corruption est très répandue. Le film mérite aussi le détour pour la vision qu'il donne de l'autre camp. Tous les trafiquants ne sont pas d'impitoyables ordures. Certains, comme l'indic Elijah, cherchent juste à nourrir leur famille. Ils font parfois preuve d'une étonnante imagination, utilisant des pigeons voyageurs... voire les couches de leurs enfants pour faire passer la drogue en petites doses. La ville étant quadrillée par la police, déployée en unités de vigilance (mobiles) au niveau des quartiers, l'étau se resserre autour des trafiquants... et du policier ripou.

   C'est un excellent polar, servi par de très bons acteurs. C'est la révélation du moment, qui complète utilement un autre film philippin, Metro Manila, sorti il y a quelques années.

23:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 29 avril 2019

La Miséricorde de la jungle

   Cette jungle est une forêt équatoriale, celle qui occupe une partie de la République Démocratique du Congo, l'ex-Zaïre (ancien Congo belge), voisin du Rwanda. C'est de ce pays-ci qu'est originaire le réalisateur Joël Karelezi, rescapé du génocide de 1994. L'intrigue se déroule en 1998, entre les régions Kivu et Kasaï :

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   On suit les pérégrinations de deux soldats rwandais. A ma gauche se trouve Xavier, un sergent engagé il y a des années de cela. C'est un Rwandais de l'extérieur, sans doute tutsi, qui a presque toujours vécu dans un camp de réfugiés et qui a rejoint le FPR de Paul Kagamé, qui a fini par prendre le pouvoir en 1994. Il est resté dans l'armée pour poursuivre les génocidaires hutus qui se sont enfuis dans les pays voisins, en particulier en RDC. Dans le rôle, Marc Zinga (vu récemment dans Nos Patriotes et Bienvenue à Marly-Gomont) est formidable.

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   A ma droite voici Faustin, un jeune paysan dont presque toute la famille a été exterminée en 1994. Il vient de se marier mais n'a pas de quoi assurer la survie de son ménage. Stéphane Bak, jusque ici cantonné à des seconds rôles, réussit à incarner assez subtilement un personnage en évolution.

   Le troisième personnage principal est la forêt dense, humide. On y croise (ou entend) des animaux sauvages, on y souffre de la faim, de la chaleur, de la fatigue, de la soif... et des moustiques. Mais les prédateurs les plus dangereux sont sans conteste les humains. Nos deux soldats pourchassent les fuyards hutus, tout en affrontant les troupes congolaises (et leurs alliées angolaises et zimbabwéennes) ou, à l'occasion, les rebelles de l'est du pays, qui leur sont tout aussi hostiles. C'est, qu'au-delà des rivalités nationales et ethniques, il est question du contrôle des ressources naturelles.

   Le film se révèle intelligent à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il évite de déresponsabiliser les protagonistes africains en chargeant les Occidentaux de tous les maux. Ensuite, il tente de démontrer que, quel que soit le camp, cette guerre conduit les hommes qui la mènent à commettre des horreurs. Les personnages les plus positifs sont les paysans (non combattants), ceux du village qui recueillent les deux soldats perdus et ceux que l'on voit à la toute fin.

   Entre temps, on aura suivi les déambulations de Xavier et Faustin. Au départ, le sergent expérimenté mène la vie dure au petit nouveau, assez imprudent et pas très résistant. Le troufion va s'endurcir et se révéler utile à son chef. Je ne peux pas tout dire ici, mais sachez que l'histoire est un peu celle d'un passage de témoin. La compréhension de l'avant-dernière scène (un peu absconse à première vue) donne tout son sens à la fin du film.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.

 

   La scène du début est tronquée. Elle montre un soldat en treillis pourchassant (avec difficulté) un fuyard armé, qu'il finit presque par rejoindre. 1h20 plus tard, on en découvre les tenants et les aboutissants. Une nuit, au camp rwandais que Xavier et Faustin ont fini par rejoindre, des coups de feu éclatent. Comme les adversaires congolais, angolais et zimbabwéens ne se trouvent pas loin, on est tenté de penser que les gardiens retrouvés morts ont été abattus par ces ennemis. Xavier se lance à leur poursuite... et on ne voit qu'un seul fuyard, dont on finit par apercevoir le visage : il s'agit de Faustin, que les militaires rwandais avaient tabassé lorsqu'il était arrivé au camp. Il s'est donc échappé de l'infirmerie et a tué les gardes. Voilà pourquoi, lorsqu'il le reconnaît, Xavier baisse la garde et se laisse tirer dessus. Voilà pourquoi aussi le fuyard, lorsqu'il s'approche de son adversaire à terre, ne l'achève pas.

La Miséricorde de la jungle

   Cette jungle est une forêt équatoriale, celle qui occupe une partie de la République Démocratique du Congo, l'ex-Zaïre (ancien Congo belge), voisin du Rwanda. C'est de ce pays-ci qu'est originaire le réalisateur Joël Karelezi, rescapé du génocide de 1994. L'intrigue se déroule en 1998, entre les régions Kivu et Kasaï :

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   On suit les pérégrinations de deux soldats rwandais. A ma gauche se trouve Xavier, un sergent engagé il y a des années de cela. C'est un Rwandais de l'extérieur, sans doute tutsi, qui a presque toujours vécu dans un camp de réfugiés et qui a rejoint le FPR de Paul Kagamé, qui a fini par prendre le pouvoir en 1994. Il est resté dans l'armée pour poursuivre les génocidaires hutus qui se sont enfuis dans les pays voisins, en particulier en RDC. Dans le rôle, Marc Zinga (vu récemment dans Nos Patriotes et Bienvenue à Marly-Gomont) est formidable.

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   A ma droite voici Faustin, un jeune paysan dont presque toute la famille a été exterminée en 1994. Il vient de se marier mais n'a pas de quoi assurer la survie de son ménage. Stéphane Bak, jusque ici cantonné à des seconds rôles, réussit à incarner assez subtilement un personnage en évolution.

   Le troisième personnage principal est la forêt dense, humide. On y croise (ou entend) des animaux sauvages, on y souffre de la faim, de la chaleur, de la fatigue, de la soif... et des moustiques. Mais les prédateurs les plus dangereux sont sans conteste les humains. Nos deux soldats pourchassent les fuyards hutus, tout en affrontant les troupes congolaises (et leurs alliées angolaises et zimbabwéennes) ou, à l'occasion, les rebelles de l'est du pays, qui leur sont tout aussi hostiles. C'est, qu'au-delà des rivalités nationales et ethniques, il est question du contrôle des ressources naturelles.

   Le film se révèle intelligent à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il évite de déresponsabiliser les protagonistes africains en chargeant les Occidentaux de tous les maux. Ensuite, il tente de démontrer que, quel que soit le camp, cette guerre conduit les hommes qui la mènent à commettre des horreurs. Les personnages les plus positifs sont les paysans (non combattants), ceux du village qui recueillent les deux soldats perdus et ceux que l'on voit à la toute fin.

   Entre temps, on aura suivi les déambulations de Xavier et Faustin. Au départ, le sergent expérimenté mène la vie dure au petit nouveau, assez imprudent et pas très résistant. Le troufion va s'endurcir et se révéler utile à son chef. Je ne peux pas tout dire ici, mais sachez que l'histoire est un peu celle d'un passage de témoin. La compréhension de l'avant-dernière scène (un peu absconse à première vue) donne tout son sens à la fin du film.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.

 

   La scène du début est tronquée. Elle montre un soldat en treillis pourchassant (avec difficulté) un fuyard armé, qu'il finit presque par rejoindre. 1h20 plus tard, on en découvre les tenants et les aboutissants. Une nuit, au camp rwandais que Xavier et Faustin ont fini par rejoindre, des coups de feu éclatent. Comme les adversaires congolais, angolais et zimbabwéens ne se trouvent pas loin, on est tenté de penser que les gardiens retrouvés morts ont été abattus par ces ennemis. Xavier se lance à leur poursuite... et on ne voit qu'un seul fuyard, dont on finit par apercevoir le visage : il s'agit de Faustin, que les militaires rwandais avaient tabassé lorsqu'il était arrivé au camp. Il s'est donc échappé de l'infirmerie et a tué les gardes. Voilà pourquoi, lorsqu'il le reconnaît, Xavier baisse la garde et se laisse tirer dessus. Voilà pourquoi aussi le fuyard, lorsqu'il s'approche de son adversaire à terre, ne l'achève pas.

dimanche, 28 avril 2019

Monrovia, Indiana

   Pendant plusieurs mois, le documentariste Frederick Wiseman a filmé les habitants d'une toute petite ville de l'Etat d'Indiana, dans le Middle West, au sud-ouest d'Indianapolis.

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   Le document de présentation nous dit que, peuplée d'environ 1400 habitants, la cité compte 96 % de Blancs d'origine européenne, massivement protestants... et républicains. En 2016, alors que Donald Trump  a été minoritaire en voix au niveau national, en Indiana, il avait recueilli plus de 57 % des suffrages exprimés. Mais, si les habitants d'Indianapolis avaient placé Hillary Clinton en tête, les comtés ruraux (comme celui de Morgan, auquel appartient Monrovia) ont massivement apporté leurs voix à D. Trump :

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   A Monrovia même, le candidat républicain a recueilli plus de 76 % des suffrages exprimés. Ajoutons que le gouverneur (élu en 2016 avec 51 % des voix... 66 % dans le comté de Morgan) est républicain et, qu'en 2016 comme en 2018, on a assez largement voté pour des parlementaires (représentant et sénateur) républicains. Pour compléter le tableau politique, je signale que, lorsque les électeurs sont consultés (lors de référendums locaux), ils participent en masse et ont voté à près de 80 % une proposition en faveur du droit de chasser et de pêcher (en 2016) et à plus de 70 % la nécessité d'avoir des budgets en équilibre (en 2018).

   Frederick Wiseman s'est fait le plus discret possible. Sa méthode est la suivante : il filme beaucoup, ne pose pas de question, puis passe des mois au montage, sans ajouter de commentaire ni de musique. Il n'apparaît jamais à l'écran. Il a su se faire accepter des habitants du coin, qu'il filme au café, chez le coiffeur, la tatoueuse, le marchand d'armes, dans la supérette, au sein du conseil municipal, du Lions Club, du lycée, du temple protestant, de l'association cultuelle... et même chez les Francs-Maçons !

   C'est donc d'abord une leçon d'éducation civique qui nous est donnée. Comment, au sein d'un conseil municipal, décide-t-on l'aménagement de telle ou telle zone ? Quels problèmes sont liés à l'adduction d'eau ? (L'eau potable destinée aux particuliers n'arrive pas par les mêmes canalisations que celle aboutissant aux bornes d'incendie !) Qu'est-ce qui pousse le Lions Club à financer l'installation de bancs publics ? Pourquoi tel paysan vient-il acheter une arme ? Comment aide-t-on les habitants à gérer certains problèmes personnels ?

   Bien entendu, le réalisateur a d'autres idées en tête. Il veut comprendre comment une communauté prospère (dont le revenu moyen est supérieur à la moyenne des Etats-Unis et de l'Indiana), composée de "gens normaux", a pu massivement apporter ses suffrages à un type comme Trump.

   Ces "gens normaux" ne s'habillent pas très bien (sauf pour les cérémonies religieuses), ne mangent pas très sainement, semblent consommer beaucoup de sodas et d'alcools forts. La quasi-totalité des adultes est en surpoids ou obèse.

   Le plus étonnant est qu'en dépit des milliers d'heures tournées, il n'est jamais question de politique. Pourtant, dans plusieurs commerces, une télévision est allumée. Mais les habitants ne discutent pas des affaires du pays, pas plus que de celles du monde, auquel ils ne s'intéressent pas. Ils parlent de leurs voisins, de leurs soucis de santé, de l'arrivée ou du départ d'une personne, des affaires communales. On est dans un entre-soi presque caricatural. On le sent poindre dans certaines réunions du Conseil municipal : les élus sont divisés entre ceux qui veulent favoriser l'installation de nouveaux habitants, pour augmenter les ressources fiscales de la commune et ainsi pouvoir financer de nouveaux projets, et ceux qui veulent que rien ne change et qui redoutent l'arrivée d'inconnus. On discute beaucoup d'un précédent quartier aménagé, source de délinquance selon l'une des élus, contredite par sa voisine (dans la salle). Au bout de 2h20, on n'aura jamais vu la police en action (ni entendu la moindre sirène), pas plus que le moindre tag dans la ville, ni de détritus par terre. C'est propre et calme comme tout !

   L'autre élément marquant est la place tenue par la religion. Dans les conversations quotidiennes, elle est en général absente, sauf dans la bouche de personnes particulièrement croyantes. Par contre, le culte réunit beaucoup de monde et, lors des cérémonies particulières (mariage, baptême, décès), la salle est comble. La religion est clairement le secours de ces personnes simples, qui cherchent des réponses dans la Bible. L'un des pasteurs locaux semble particulièrement doué. Pour des funérailles, il a concocté un prêche (intégralement filmé) très structuré, aussi habile d'un discours électoral.

   Alors, oui, c'est long, pas toujours passionnant. Mais le réalisateur a eu besoin de cette longueur pour laisser parler ses "personnages", pour leur donner leur chance sans les juger. Le résultat n'en pas moins frappant.

Monrovia, Indiana

   Pendant plusieurs mois, le documentariste Frederick Wiseman a filmé les habitants d'une toute petite ville de l'Etat d'Indiana, dans le Middle West, au sud-ouest d'Indianapolis.

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   Le document de présentation nous dit que, peuplée d'environ 1400 habitants, la cité compte 96 % de Blancs d'origine européenne, massivement protestants... et républicains. En 2016, alors que Donald Trump  a été minoritaire en voix au niveau national, en Indiana, il avait recueilli plus de 57 % des suffrages exprimés. Mais, si les habitants d'Indianapolis avaient placé Hillary Clinton en tête, les comtés ruraux (comme celui de Morgan, auquel appartient Monrovia) ont massivement apporté leurs voix à D. Trump :

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   A Monrovia même, le candidat républicain a recueilli plus de 76 % des suffrages exprimés. Ajoutons que le gouverneur (élu en 2016 avec 51 % des voix... 66 % dans le comté de Morgan) est républicain et, qu'en 2016 comme en 2018, on a assez largement voté pour des parlementaires (représentant et sénateur) républicains. Pour compléter le tableau politique, je signale que, lorsque les électeurs sont consultés (lors de référendums locaux), ils participent en masse et ont voté à près de 80 % une proposition en faveur du droit de chasser et de pêcher (en 2016) et à plus de 70 % la nécessité d'avoir des budgets en équilibre (en 2018).

   Frederick Wiseman s'est fait le plus discret possible. Sa méthode est la suivante : il filme beaucoup, ne pose pas de question, puis passe des mois au montage, sans ajouter de commentaire ni de musique. Il n'apparaît jamais à l'écran. Il a su se faire accepter des habitants du coin, qu'il filme au café, chez le coiffeur, la tatoueuse, le marchand d'armes, dans la supérette, au sein du conseil municipal, du Lions Club, du lycée, du temple protestant, de l'association cultuelle... et même chez les Francs-Maçons !

   C'est donc d'abord une leçon d'éducation civique qui nous est donnée. Comment, au sein d'un conseil municipal, décide-t-on l'aménagement de telle ou telle zone ? Quels problèmes sont liés à l'adduction d'eau ? (L'eau potable destinée aux particuliers n'arrive pas par les mêmes canalisations que celle aboutissant aux bornes d'incendie !) Qu'est-ce qui pousse le Lions Club à financer l'installation de bancs publics ? Pourquoi tel paysan vient-il acheter une arme ? Comment aide-t-on les habitants à gérer certains problèmes personnels ?

   Bien entendu, le réalisateur a d'autres idées en tête. Il veut comprendre comment une communauté prospère (dont le revenu moyen est supérieur à la moyenne des Etats-Unis et de l'Indiana), composée de "gens normaux", a pu massivement apporter ses suffrages à un type comme Trump.

   Ces "gens normaux" ne s'habillent pas très bien (sauf pour les cérémonies religieuses), ne mangent pas très sainement, semblent consommer beaucoup de sodas et d'alcools forts. La quasi-totalité des adultes est en surpoids ou obèse.

   Le plus étonnant est qu'en dépit des milliers d'heures tournées, il n'est jamais question de politique. Pourtant, dans plusieurs commerces, une télévision est allumée. Mais les habitants ne discutent pas des affaires du pays, pas plus que de celles du monde, auquel ils ne s'intéressent pas. Ils parlent de leurs voisins, de leurs soucis de santé, de l'arrivée ou du départ d'une personne, des affaires communales. On est dans un entre-soi presque caricatural. On le sent poindre dans certaines réunions du Conseil municipal : les élus sont divisés entre ceux qui veulent favoriser l'installation de nouveaux habitants, pour augmenter les ressources fiscales de la commune et ainsi pouvoir financer de nouveaux projets, et ceux qui veulent que rien ne change et qui redoutent l'arrivée d'inconnus. On discute beaucoup d'un précédent quartier aménagé, source de délinquance selon l'une des élus, contredite par sa voisine (dans la salle). Au bout de 2h20, on n'aura jamais vu la police en action (ni entendu la moindre sirène), pas plus que le moindre tag dans la ville, ni de détritus par terre. C'est propre et calme comme tout !

   L'autre élément marquant est la place tenue par la religion. Dans les conversations quotidiennes, elle est en général absente, sauf dans la bouche de personnes particulièrement croyantes. Par contre, le culte réunit beaucoup de monde et, lors des cérémonies particulières (mariage, baptême, décès), la salle est comble. La religion est clairement le secours de ces personnes simples, qui cherchent des réponses dans la Bible. L'un des pasteurs locaux semble particulièrement doué. Pour des funérailles, il a concocté un prêche (intégralement filmé) très structuré, aussi habile d'un discours électoral.

   Alors, oui, c'est long, pas toujours passionnant. Mais le réalisateur a eu besoin de cette longueur pour laisser parler ses "personnages", pour leur donner leur chance sans les juger. Le résultat n'en pas moins frappant.

vendredi, 26 avril 2019

Avengers : #Meetoo & BlackLivesMatter

   La grosse, l'énorme, la gigantesque meringue marvellienne commence paradoxalement par une véritable scène de cinéma : on retrouve l'un des membres de l'équipe, en famille... et bracelet électronique au pied. Cette entame bucolique est plutôt bien vue, d'autant qu'elle se conclut de manière à faire le lien avec Infinity War

   La suite voit la tentative menée par quelques rescapés pour reconstituer une équipe de super-héros digne de ce nom avec, en renfort, le retour du plus petit d'entre eux, qui a une idée géniale en tête. La reformation d'une bande est un intelligent retour aux sources. Elle produit aussi un énorme effet comique quand on découvre ce qu'est devenu Thor, cinq ans après. Je ne peux pas trop en dire, mais sachez que, dépressif, le dieu du Tonnerre n'a pas arrêté de se gaver de bières et de nourriture riche en graisses... (Rien que pour cela, je conseille à tous mes lecteurs mâles hétérosexuels chez qui l'âge, le manque d'exercice et/ou une alimentation déséquilibrée ont eu des conséquences disgracieuses d'emmener l'élue de leur cœur voir ce film !)

   Dans Infinity War, par l'intermédiaire de Dr Strange, les spectateurs les moins stupides avaient compris qu'il y aurait un "match retour", avec univers parallèle ou voyage dans le temps à la clé. Là, le scénario bifurque (et l'on s'éloigne du grand film pour rester dans les sentiers balisés de la grosse production à succès) : au lieu de poursuivre l'histoire dans un monde "délesté" d'un peu moins de 4 milliards de Terriens (situation dont s'accommoderaient très bien Tony Stark et Bruce Banner, par exemple), les auteurs ont appuyé sur la touche "replay". Une nouvelle équipe finit par se former. Elle va se diviser en petits commandos, chacun ayant une cible spécifique dans le passé... et, comme par hasard, chacun de ces moments révolus fait allusion à l'un des précédents films de la saga. C'est qu'ils sont malins, chez Disney ! Par contre, pour ceux qui n'en ont pas vus au moins quelques-uns, ces retours en arrière risquent de manquer de saveur.

   Bien entendu, tout ne va pas se passer comme prévu. La situation des héros se complique. La solution va venir, en partie, des personnages féminins, mis sur un véritable pied d'égalité avec les héros masculins. On avait vu le coup venir avec le récent Captain Marvel mais, ici, certaines scènes ont visiblement été spécifiquement tournées dans une optique féministe. Je pense notamment à l'un des moments de la loooongue séquence de baston (quelque chose comme 40 minutes dans le dernier tiers du film), qui montre plusieurs héroïnes prendre le relais de messieurs dépassés par les événements. Ceci dit, la présence à l'écran de cet aréopage de femmes ravissantes, au caractère bien trempé, dans des costumes très seyants, cognant sans retenue sur des méchants, n'est pas pour me déplaire. Et attention messieurs les gentils : un geste déplacé peut vous valoir un méga coup de genou dans les roustons !

   Quant aux "minorités visibles", elles sont presque toutes là une fois que la population est ressuscitée. Les Afro-américains sont particulièrement représentés. On pense bien sûr aux personnages de Black Panther... mais une colossale surprise est réservée aux spectateurs patriotes (américains) en fin d'histoire...

   La grosse bataille que tous les adolescents et jeunes adultes présents dans la salle attendent finit par arriver... et elle ne déçoit pas, pour peu qu'on ne se lasse ni de l'explosion de violence ni du déluge d'effets spéciaux. Cette guerre intergalactique se conclut par une émouvante cérémonie, qui réunit sans doute la plus coûteuse distribution jamais recrutée pour un film. Pour avoir une idée de qui va survivre et qui va périr, il faut se fier aux bandes-annonces des prochains films et aux projets en cours de développement : cherchez les absent.e.s.

   P.S.

   Bien que très charpenté, le scénario souffre de quelques faiblesses. Il y en a une (ou deux), énorme(s).

 

ATTENTION DIVULGÂCHAGE(S) !

 

   Dans l'un des arcs narratifs se déroulant dans le passé, Iron Man, Captain America et Ant-Man mettent la main sur le sceptre de Loki mais échouent, dans un premier temps, à récupérer une autre des six pierres (qui atterrit d'ailleurs dans les mains de Loki). Le trio se sépare, Ant-Man retournant dans le temps présent avec le sceptre, les deux autres s'embarquant pour un nouveau voyage dans le temps, a priori sans retour. Cela nous vaut une belle séquence rétro, au cours de laquelle Tony Stark rencontre... son père. C'est aussi le moment où Captain America récupère la pierre qui leur avait échappé auparavant (mais plus tard dans la trame historique). Le problème est que cette prise aurait dû changer la suite et donc rendre la récupération du sceptre de Loki impossible... 

  Un autre problème survient au cours du combat final. Je ne vais pas aller jusqu'à divulguer la supercherie qui permet à l'un des Vengeurs de duper Thanos, mais, franchement, compte tenu de ce qu'on a vu dans ce film et les précédents, c'est peu vraisemblable. Mais je reconnais que cela débouche sur un effet théâtral. Soyez indulgent, public chéri !

23:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Avengers : #Meetoo & BlackLivesMatter

   La grosse, l'énorme, la gigantesque meringue marvellienne commence paradoxalement par une véritable scène de cinéma : on retrouve l'un des membres de l'équipe, en famille... et bracelet électronique au pied. Cette entame bucolique est plutôt bien vue, d'autant qu'elle se conclut de manière à faire le lien avec Infinity War

   La suite voit la tentative menée par quelques rescapés pour reconstituer une équipe de super-héros digne de ce nom avec, en renfort, le retour du plus petit d'entre eux, qui a une idée géniale en tête. La reformation d'une bande est un intelligent retour aux sources. Elle produit aussi un énorme effet comique quand on découvre ce qu'est devenu Thor, cinq ans après. Je ne peux pas trop en dire, mais sachez que, dépressif, le dieu du Tonnerre n'a pas arrêté de se gaver de bières et de nourriture riche en graisses... (Rien que pour cela, je conseille à tous mes lecteurs mâles hétérosexuels chez qui l'âge, le manque d'exercice et/ou une alimentation déséquilibrée ont eu des conséquences disgracieuses d'emmener l'élue de leur cœur voir ce film !)

   Dans Infinity War, par l'intermédiaire de Dr Strange, les spectateurs les moins stupides avaient compris qu'il y aurait un "match retour", avec univers parallèle ou voyage dans le temps à la clé. Là, le scénario bifurque (et l'on s'éloigne du grand film pour rester dans les sentiers balisés de la grosse production à succès) : au lieu de poursuivre l'histoire dans un monde "délesté" d'un peu moins de 4 milliards de Terriens (situation dont s'accommoderaient très bien Tony Stark et Bruce Banner, par exemple), les auteurs ont appuyé sur la touche "replay". Une nouvelle équipe finit par se former. Elle va se diviser en petits commandos, chacun ayant une cible spécifique dans le passé... et, comme par hasard, chacun de ces moments révolus fait allusion à l'un des précédents films de la saga. C'est qu'ils sont malins, chez Disney ! Par contre, pour ceux qui n'en ont pas vus au moins quelques-uns, ces retours en arrière risquent de manquer de saveur.

   Bien entendu, tout ne va pas se passer comme prévu. La situation des héros se complique. La solution va venir, en partie, des personnages féminins, mis sur un véritable pied d'égalité avec les héros masculins. On avait vu le coup venir avec le récent Captain Marvel mais, ici, certaines scènes ont visiblement été spécifiquement tournées dans une optique féministe. Je pense notamment à l'un des moments de la loooongue séquence de baston (quelque chose comme 40 minutes dans le dernier tiers du film), qui montre plusieurs héroïnes prendre le relais de messieurs dépassés par les événements. Ceci dit, la présence à l'écran de cet aréopage de femmes ravissantes, au caractère bien trempé, dans des costumes très seyants, cognant sans retenue sur des méchants, n'est pas pour me déplaire. Et attention messieurs les gentils : un geste déplacé peut vous valoir un méga coup de genou dans les roustons !

   Quant aux "minorités visibles", elles sont presque toutes là une fois que la population est ressuscitée. Les Afro-américains sont particulièrement représentés. On pense bien sûr aux personnages de Black Panther... mais une colossale surprise est réservée aux spectateurs patriotes (américains) en fin d'histoire...

   La grosse bataille que tous les adolescents et jeunes adultes présents dans la salle attendent finit par arriver... et elle ne déçoit pas, pour peu qu'on ne se lasse ni de l'explosion de violence ni du déluge d'effets spéciaux. Cette guerre intergalactique se conclut par une émouvante cérémonie, qui réunit sans doute la plus coûteuse distribution jamais recrutée pour un film. Pour avoir une idée de qui va survivre et qui va périr, il faut se fier aux bandes-annonces des prochains films et aux projets en cours de développement : cherchez les absent.e.s.

   P.S.

   Bien que très charpenté, le scénario souffre de quelques faiblesses. Il y en a une (ou deux), énorme(s).

 

ATTENTION DIVULGÂCHAGE(S) !

 

   Dans l'un des arcs narratifs se déroulant dans le passé, Iron Man, Captain America et Ant-Man mettent la main sur le sceptre de Loki mais échouent, dans un premier temps, à récupérer une autre des six pierres (qui atterrit d'ailleurs dans les mains de Loki). Le trio se sépare, Ant-Man retournant dans le temps présent avec le sceptre, les deux autres s'embarquant pour un nouveau voyage dans le temps, a priori sans retour. Cela nous vaut une belle séquence rétro, au cours de laquelle Tony Stark rencontre... son père. C'est aussi le moment où Captain America récupère la pierre qui leur avait échappé auparavant (mais plus tard dans la trame historique). Le problème est que cette prise aurait dû changer la suite et donc rendre la récupération du sceptre de Loki impossible... 

  Un autre problème survient au cours du combat final. Je ne vais pas aller jusqu'à divulguer la supercherie qui permet à l'un des Vengeurs de duper Thanos, mais, franchement, compte tenu de ce qu'on a vu dans ce film et les précédents, c'est peu vraisemblable. Mais je reconnais que cela débouche sur un effet théâtral. Soyez indulgent, public chéri !

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Sergio & Sergei

   A partir d'anecdotes réelles (des radio-amateurs ont bien communiqué avec différentes stations spatiales), Ernesto Daranas a construit une intrigue originale, autour d'une jeune femme se remémorant son enfance, à la fin de la Guerre froide. Elle idolâtre son père (veuf), Sergio, un professeur d'université cubain, "communiste réformiste" qui n'ose pas trop le dire. Celui-ci est en outre radio-amateur, comme son défunt père. Il communique régulièrement avec un habitant de Miami. Un jour, à l'autre bout des ondes, il tombe sur un interlocuteur parlant russe, seul dans l'espace : Sergei.

   C'est d'abord une comédie, qui tourne en dérision le totalitarisme cubain (qui considère Gorbatchev comme un traître). Sergio est l'objet d'une surveillance intensive de la part d'un fonctionnaire communiste pur et dur, à la fois stupide et acharné, dont les déboires font la joie des spectateurs.

   C'est aussi un tableau du Cuba de la débrouille. Le pays ne bénéficie plus des aides des "pays frères", qui n'existent plus (ou qui ont changé de nom et d'orientation politique). La population souffre de pénuries. Alors on traficote, on consomme son rhum artisanal (qu'on revend, à l'occasion), on fabrique discrètement des cigares... et l'on compte sur l'envoi de colis de la part des expatriés. C'est filmé dans des tons chauds, pas avec un point de vue misérabiliste.

   La qualité de la mise en scène se vérifie au niveau des scènes "spatiales" (à l'intérieur et l'extérieur de Mir). Le réalisateur a pu profiter d'un studio barcelonais et, franchement, même si ce n'est pas du niveau de Gravity, c'est du bon boulot.

   Histoire d'épicer le tout, E. Daranas a ajouté une romance naissante entre le prof de fac et une étudiante très indépendante... et ravissante. Mais Sergio a un peu la tête dans les étoiles. Dans le même temps, de plus en plus de Cubains songent à quitter le nouveau paradis du communisme pour rejoindre les Etats-Unis. C'est ce dont s'occupe Hall, le meilleur ami de Sergio, interprété par A.J. Buckley, que les téléspectateurs français ont pu découvrir jadis dans Les Experts Manhattan.

   Au final, cela donne une comédie historique douce-amère, bien filmée.

Sergio & Sergei

   A partir d'anecdotes réelles (des radio-amateurs ont bien communiqué avec différentes stations spatiales), Ernesto Daranas a construit une intrigue originale, autour d'une jeune femme se remémorant son enfance, à la fin de la Guerre froide. Elle idolâtre son père (veuf), Sergio, un professeur d'université cubain, "communiste réformiste" qui n'ose pas trop le dire. Celui-ci est en outre radio-amateur, comme son défunt père. Il communique régulièrement avec un habitant de Miami. Un jour, à l'autre bout des ondes, il tombe sur un interlocuteur parlant russe, seul dans l'espace : Sergei.

   C'est d'abord une comédie, qui tourne en dérision le totalitarisme cubain (qui considère Gorbatchev comme un traître). Sergio est l'objet d'une surveillance intensive de la part d'un fonctionnaire communiste pur et dur, à la fois stupide et acharné, dont les déboires font la joie des spectateurs.

   C'est aussi un tableau du Cuba de la débrouille. Le pays ne bénéficie plus des aides des "pays frères", qui n'existent plus (ou qui ont changé de nom et d'orientation politique). La population souffre de pénuries. Alors on traficote, on consomme son rhum artisanal (qu'on revend, à l'occasion), on fabrique discrètement des cigares... et l'on compte sur l'envoi de colis de la part des expatriés. C'est filmé dans des tons chauds, pas avec un point de vue misérabiliste.

   La qualité de la mise en scène se vérifie au niveau des scènes "spatiales" (à l'intérieur et l'extérieur de Mir). Le réalisateur a pu profiter d'un studio barcelonais et, franchement, même si ce n'est pas du niveau de Gravity, c'est du bon boulot.

   Histoire d'épicer le tout, E. Daranas a ajouté une romance naissante entre le prof de fac et une étudiante très indépendante... et ravissante. Mais Sergio a un peu la tête dans les étoiles. Dans le même temps, de plus en plus de Cubains songent à quitter le nouveau paradis du communisme pour rejoindre les Etats-Unis. C'est ce dont s'occupe Hall, le meilleur ami de Sergio, interprété par A.J. Buckley, que les téléspectateurs français ont pu découvrir jadis dans Les Experts Manhattan.

   Au final, cela donne une comédie historique douce-amère, bien filmée.

Tel Aviv on fire

   Cette comédie palestinienne est une coproduction internationale. Le réalisateur, Sameh Zabi, est le co-scénariste du Chanteur de Gaza. L'intrigue fait intervenir des personnages israéliens et palestiniens... et même une "actrice française" ! Au centre se trouve la réalisation chaotique d'un feuilleton sirupeux qui fait les beaux jours de la télévision palestinienne... mais qui rencontre aussi un grand succès côté israélien. Même si l'auteur donne une vision palestinienne du conflit proche-oriental (en particulier de la Guerre des Six-Jours et des Accords d'Oslo), le film insiste plutôt sur ce qui rapproche (ou peut rapprocher).

   Salam est un loser. Il n'est plus un jeune homme et galère entre deux emplois précaires. Il profite de la bienveillance de son oncle pour s'introduire sur le plateau de tournage de la série populaire. Les extraits qu'on nous en propose sont d'une consternante médiocrité. Mais, parfois, c'est à double-sens. Ce qui est diffusé à la télévision fait écho à ce que certains personnages vivent. Parmi les moments drôles, il y a ceux qui voient le néo-scénariste courir après l'inspiration, quitte à recopier un dialogue entendu au café ou à solliciter sa mère au téléphone !

   Mais la source de gags la plus "énorme" est cette étrange relation qui va se nouer entre l'officier israélien dirigeant le check-point (entre Jérusalem-Est et Ramallah) et le scénariste. C'est réussi notamment grâce au talent de Yaniv Biton, qui incarne à la perfection un militaire un peu beauf, mais ayant le sens du concret. A son contact, Salam va progresser, au point, à la fin de l'histoire, de pouvoir presque se passer de toutes les personnes ressources qu'il aura sollicitées.

   Pour faire une bonne histoire orientale, il faut un amour contrarié. Ce sera celui de Salam pour Mariam, son ex-petite amie, la fille de l'épicier de son quartier, qu'il redécouvre devenue médecin... et femme extrêmement séduisante. Même si leur relation n'est pas aussi tendue que celle de l'espionne palestinienne et de l'officier israélien du feuilleton, elle va connaître quelques rebondissements.

   C'est un film malin, pétillant, pas idiot sur le fond, qui trouve le moyen de s'achever sur un coup de théâtre particulièrement cocasse. A découvrir !

Tel Aviv on fire

   Cette comédie palestinienne est une coproduction internationale. Le réalisateur, Sameh Zabi, est le co-scénariste du Chanteur de Gaza. L'intrigue fait intervenir des personnages israéliens et palestiniens... et même une "actrice française" ! Au centre se trouve la réalisation chaotique d'un feuilleton sirupeux qui fait les beaux jours de la télévision palestinienne... mais qui rencontre aussi un grand succès côté israélien. Même si l'auteur donne une vision palestinienne du conflit proche-oriental (en particulier de la Guerre des Six-Jours et des Accords d'Oslo), le film insiste plutôt sur ce qui rapproche (ou peut rapprocher).

   Salam est un loser. Il n'est plus un jeune homme et galère entre deux emplois précaires. Il profite de la bienveillance de son oncle pour s'introduire sur le plateau de tournage de la série populaire. Les extraits qu'on nous en propose sont d'une consternante médiocrité. Mais, parfois, c'est à double-sens. Ce qui est diffusé à la télévision fait écho à ce que certains personnages vivent. Parmi les moments drôles, il y a ceux qui voient le néo-scénariste courir après l'inspiration, quitte à recopier un dialogue entendu au café ou à solliciter sa mère au téléphone !

   Mais la source de gags la plus "énorme" est cette étrange relation qui va se nouer entre l'officier israélien dirigeant le check-point (entre Jérusalem-Est et Ramallah) et le scénariste. C'est réussi notamment grâce au talent de Yaniv Biton, qui incarne à la perfection un militaire un peu beauf, mais ayant le sens du concret. A son contact, Salam va progresser, au point, à la fin de l'histoire, de pouvoir presque se passer de toutes les personnes ressources qu'il aura sollicitées.

   Pour faire une bonne histoire orientale, il faut un amour contrarié. Ce sera celui de Salam pour Mariam, son ex-petite amie, la fille de l'épicier de son quartier, qu'il redécouvre devenue médecin... et femme extrêmement séduisante. Même si leur relation n'est pas aussi tendue que celle de l'espionne palestinienne et de l'officier israélien du feuilleton, elle va connaître quelques rebondissements.

   C'est un film malin, pétillant, pas idiot sur le fond, qui trouve le moyen de s'achever sur un coup de théâtre particulièrement cocasse. A découvrir !

jeudi, 25 avril 2019

L'Homme à la moto

   Ce film argentin nous conte l'histoire de Miguel, une petite racaille, toujours entre deux coups, qui, un jour, se demande s'il n'a pas tué la vieille dame à laquelle son complice vient d'arracher le sac à main. Cette histoire a été inspirée au réalisateur Augustìn Toscano par un fait divers dont sa propre mère a été la victime. Elle parlera aussi à tous ceux dont l'un des proches a été la cible d'un vol à l'arraché.

   C'est que ce Miguel a des scrupules. S'il s'est acoquiné avec des mecs louches pour monter ses vols en moto, c'est parce qu'il manque d'argent. (... comme pas mal de monde en Argentine, à tel point que les truands n'ont guère de difficultés à recruter de la main-d'oeuvre pour organiser le pillage de certains commerces... surtout si les policiers -mal payés- sont en grève !) Il voudrait jouer pleinement son rôle de père... et reconquérir son ex. D'une certaine manière, c'est une "victime de la société", même si le film suggère qu'il est un peu fainéant sur les bords. Est-ce suffisant pour faire de lui, à l'instar des voyous qu'il côtoie, un prédateur ?

   La deuxième partie de l'histoire montre le rapprochement qui s'effectue entre Miguel et la vieille dame, prénommée Elena. Elle semble avoir perdu la mémoire. Le jeune homme saute sur l'occasion pour tenter de se racheter... mais aussi pour profiter de la grande maison vide dans laquelle habite sa victime. Ainsi, elle va bénéficier d'un aide à domicile, tandis que lui remonte dans sa propre estime, tout en s'occupant mieux de son fils. Mais la vieille dame est-elle dupe ? Lui-même, ne finit-il pas comprendre que tous deux jouent un jeu à bénéfices réciproques ? Cela suffira-t-il à le faire échapper à l'influence des voyous qu'il a pris l'habitude de fréquenter ?

   C'est dire si ce film social à la base ne manque pas de subtilité. Cela se complexifie même quand on apprend qu'Elena est une ancienne femme de ménage. Comment a-t-elle pu devenir propriétaire d'une grande maison en plein centre-ville ? (L'action se déroule dans le nord-ouest de l'Argentine, dans la province de Tucumán, sans doute dans la ville de... San Miguel !)

   J'ai trouvé les acteurs très bons et la réalisation pas dégueulasse du tout. Dès le début (dans la séquence à moto), on sent que le metteur en scène ne s'est pas contenté de juxtaposer les plans faciles. Il a su profiter aussi bien du caractère rural de la banlieue que de l'enchevêtrement des immeubles au centre-ville... et il s'est creusé les méninges pour finir son histoire correctement, par une succession de péripéties qui ménage un petit suspens.

L'Homme à la moto

   Ce film argentin nous conte l'histoire de Miguel, une petite racaille, toujours entre deux coups, qui, un jour, se demande s'il n'a pas tué la vieille dame à laquelle son complice vient d'arracher le sac à main. Cette histoire a été inspirée au réalisateur Augustìn Toscano par un fait divers dont sa propre mère a été la victime. Elle parlera aussi à tous ceux dont l'un des proches a été la cible d'un vol à l'arraché.

   C'est que ce Miguel a des scrupules. S'il s'est acoquiné avec des mecs louches pour monter ses vols en moto, c'est parce qu'il manque d'argent. (... comme pas mal de monde en Argentine, à tel point que les truands n'ont guère de difficultés à recruter de la main-d'oeuvre pour organiser le pillage de certains commerces... surtout si les policiers -mal payés- sont en grève !) Il voudrait jouer pleinement son rôle de père... et reconquérir son ex. D'une certaine manière, c'est une "victime de la société", même si le film suggère qu'il est un peu fainéant sur les bords. Est-ce suffisant pour faire de lui, à l'instar des voyous qu'il côtoie, un prédateur ?

   La deuxième partie de l'histoire montre le rapprochement qui s'effectue entre Miguel et la vieille dame, prénommée Elena. Elle semble avoir perdu la mémoire. Le jeune homme saute sur l'occasion pour tenter de se racheter... mais aussi pour profiter de la grande maison vide dans laquelle habite sa victime. Ainsi, elle va bénéficier d'un aide à domicile, tandis que lui remonte dans sa propre estime, tout en s'occupant mieux de son fils. Mais la vieille dame est-elle dupe ? Lui-même, ne finit-il pas comprendre que tous deux jouent un jeu à bénéfices réciproques ? Cela suffira-t-il à le faire échapper à l'influence des voyous qu'il a pris l'habitude de fréquenter ?

   C'est dire si ce film social à la base ne manque pas de subtilité. Cela se complexifie même quand on apprend qu'Elena est une ancienne femme de ménage. Comment a-t-elle pu devenir propriétaire d'une grande maison en plein centre-ville ? (L'action se déroule dans le nord-ouest de l'Argentine, dans la province de Tucumán, sans doute dans la ville de... San Miguel !)

   J'ai trouvé les acteurs très bons et la réalisation pas dégueulasse du tout. Dès le début (dans la séquence à moto), on sent que le metteur en scène ne s'est pas contenté de juxtaposer les plans faciles. Il a su profiter aussi bien du caractère rural de la banlieue que de l'enchevêtrement des immeubles au centre-ville... et il s'est creusé les méninges pour finir son histoire correctement, par une succession de péripéties qui ménage un petit suspens.

mercredi, 24 avril 2019

Monsieur Link

   Ce "Monsieur Lien" est une sorte de chaînon manquant entre l'être humain et le singe, ici un Sasquatch (ou Bigfoot) supposément présent en Amérique du Nord. C'est ce qu'entend démontrer l'explorateur Lionel Frost (doublé par Thierry Lhermitte dans la version française), un noble britannique aussi distingué qu'opiniâtre. On fait sa connaissance dans la première séquence, située en Ecosse. On comprend très vite de quoi il s'agit. C'est cocasse.

   ... et remarquablement animé, avec la technique du "stop motion", qui a dû demander un travail de fou. Le paradoxe est que c'est le personnage principal (l'homme-singe, doublé par Eric Judor) qui est le moins réussi sur le plan visuel. Les autres sont animés avec brio. Et que dire des effets au niveau des décors et de tout ce qui est aquatique ! Signalons que les producteurs se sont déjà fait remarquer avec Coraline, Les Boxtrolls et Kubo.

   J'ai été emballé. L'histoire pourrait être tirée d'un roman de Jules Verne. D'ailleurs, ce Lionel Frost a des airs de Phileas Fogg. Même si, pour un adulte, les péripéties ne réservent que peu de surprises, on est pris par cette série d'aventures, qui mènent les héros (les deux mâles, bientôt rejoints par une femme au tempérament affirmé) d'Europe en Amérique du Nord puis au coeur de l'Asie. A l'écran, c'est parfois très beau et l'on rit assez souvent.

   PS

   Au passage, l'intrigue tourne en ridicule l'obscurantisme des adversaires de Frost, ancêtres des créationnistes contemporains.

23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Monsieur Link

   Ce "Monsieur Lien" est une sorte de chaînon manquant entre l'être humain et le singe, ici un Sasquatch (ou Bigfoot) supposément présent en Amérique du Nord. C'est ce qu'entend démontrer l'explorateur Lionel Frost (doublé par Thierry Lhermitte dans la version française), un noble britannique aussi distingué qu'opiniâtre. On fait sa connaissance dans la première séquence, située en Ecosse. On comprend très vite de quoi il s'agit. C'est cocasse.

   ... et remarquablement animé, avec la technique du "stop motion", qui a dû demander un travail de fou. Le paradoxe est que c'est le personnage principal (l'homme-singe, doublé par Eric Judor) qui est le moins réussi sur le plan visuel. Les autres sont animés avec brio. Et que dire des effets au niveau des décors et de tout ce qui est aquatique ! Signalons que les producteurs se sont déjà fait remarquer avec Coraline, Les Boxtrolls et Kubo.

   J'ai été emballé. L'histoire pourrait être tirée d'un roman de Jules Verne. D'ailleurs, ce Lionel Frost a des airs de Phileas Fogg. Même si, pour un adulte, les péripéties ne réservent que peu de surprises, on est pris par cette série d'aventures, qui mènent les héros (les deux mâles, bientôt rejoints par une femme au tempérament affirmé) d'Europe en Amérique du Nord puis au coeur de l'Asie. A l'écran, c'est parfois très beau et l'on rit assez souvent.

   PS

   Au passage, l'intrigue tourne en ridicule l'obscurantisme des adversaires de Frost, ancêtres des créationnistes contemporains.

23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Toulouse va perdre un cinéma...

   ... au centre-ville. Il s'agit de l'UGC-Roosevelt, qui, selon La Dépêche du Midi, devrait fermer ses portes en juin prochain. Ce n'est pas une totale surprise pour ceux qui suivent le sujet. Cela fait déjà des mois qu'UGC avait annoncé le projet d'ouvrir un nouveau multiplexe, en périphérie, dans le quartier de Montaudran. De plus, le nombre d'entrées du cinéma donnant sur les allées Roosevelt ne cessait de baisser : en 2018, il a accueilli moins de spectateurs que le multiplexe de Rodez ! Enfin, les projets d'agrandissement butaient sur le contexte immobilier local :

0 bloc.jpg

   La façade du cinéma est encadrée par un Starbucks et un concurrent franchouillard d'une célèbre chaîne de restauration rapide (dont un établissement est d'ailleurs situé juste en face, de l'autre côté de la place). A l'ouest, les bâtiments donnant sur la rue d'Austerlitz ne sont pas non plus à vendre.

   Pour dire le fond de ma pensée, je ne vais sans doute pas regretter la fermeture de l'UGC. Je n'y suis que très rarement allé. Il ne propose quasiment que des films en version française (même s'il y a eu une évolution -tardive- à ce niveau), il est cher et, par-dessus le marché, il faut parfois supporter des spectateurs indélicats, un inconvénient que l'on rencontre aussi dans un autre multiplexe, quasiment voisin.

   Que va-t-il rester en centre-ville ? Le grand rival d'UGC, le Gaumont Wilson (qui, lui, a pu s'agrandir et se moderniser)... et, surtout, les deux cinémas d'art et essai, l'ABC et l'American Cosmograph (ex-Utopia). Complètent l'offre la Cinémathèque de Toulouse et Le Cratère. La première, située à proximité de l'ABC, propose de (re)voir dans sa belle salle des "films du patrimoine", en général restaurés... un filon dont tentent de profiter des réseaux aussi différents qu'Utopia et CGR. Quant au Cratère, c'est une salle associative, un peu excentrée, mais qui donne une seconde vie aux films art et essai, avant qu'ils ne sortent en DVD.

cinéma,cinema,film,films,économie,occitanie,actualité,actualite,actu,actualités,actualites

   A cette liste il a failli manquer un nom : celui de l'American Cosmograph, alors Utopia Toulouse, aux locaux vieillissants, menacé en 2015 d'une foudroyante augmentation de loyer. Finalement, il y a eu scission, l'Utopia Toulouse devant l'American Cosmograph, mais en conservant les "valeurs" du réseau art et essai. Le premier numéro de la nouvelle gazette (celui de juin-juillet 2016) contient des papiers racontant ce changement. Entre temps, en 2003, Utopia avait ouvert un nouveau cinéma en banlieue toulousaine, à Tournefeuille.

   C'est donc en périphérie de Toulouse que l'offre cinématographique a le plus augmenté :

cinéma,cinema,film,films,économie,occitanie,actualité,actualite,actu,actualités,actualites

   Si l'on excepte l'Utopia de Tournefeuille, ce sont les multiplexes qui ont peuplé la banlieue : CGR à Blagnac, Gaumont à Labège, Kinépolis à Fenouillet... et donc bientôt (en 2021 ?) UGC à Montaudran (le point rouge sur le plan). Ceux qui ne veulent pas trop s'éloigner du centre peuvent aussi goûter au petit cinéma de Ramonville-Saint-Agne (correspondant au trait rouge ci-dessus).

   Enfin, il est un autre cinéma toulousain qui continue à faire parler de lui : Les Nouveautés. Autrefois situé boulevard Carnot (pas très loin de l'UGC d'ailleurs), il a fermé en 1999. Les gérants de l'Utopia Toulouse ont un temps songé à y transférer leur cinéma, mais les locaux avaient déjà été vendus. Un projet "urbain chic" est en cours de réalisation. les travaux ont mis du temps à démarrer. En octobre dernier, on en était là :

cinéma,cinema,film,films,économie,occitanie,actualité,actualite,actu,actualités,actualites

Toulouse va perdre un cinéma...

   ... au centre-ville. Il s'agit de l'UGC-Roosevelt, qui, selon La Dépêche du Midi, devrait fermer ses portes en juin prochain. Ce n'est pas une totale surprise pour ceux qui suivent le sujet. Cela fait déjà des mois qu'UGC avait annoncé le projet d'ouvrir un nouveau multiplexe, en périphérie, dans le quartier de Montaudran. De plus, le nombre d'entrées du cinéma donnant sur les allées Roosevelt ne cessait de baisser : en 2018, il a accueilli moins de spectateurs que le multiplexe de Rodez ! Enfin, les projets d'agrandissement butaient sur le contexte immobilier local :

0 bloc.jpg

   La façade du cinéma est encadrée par un Starbucks et un concurrent franchouillard d'une célèbre chaîne de restauration rapide (dont un établissement est d'ailleurs situé juste en face, de l'autre côté de la place). A l'ouest, les bâtiments donnant sur la rue d'Austerlitz ne sont pas non plus à vendre.

   Pour dire le fond de ma pensée, je ne vais sans doute pas regretter la fermeture de l'UGC. Je n'y suis que très rarement allé. Il ne propose quasiment que des films en version française (même s'il y a eu une évolution -tardive- à ce niveau), il est cher et, par-dessus le marché, il faut parfois supporter des spectateurs indélicats, un inconvénient que l'on rencontre aussi dans un autre multiplexe, quasiment voisin.

   Que va-t-il rester en centre-ville ? Le grand rival d'UGC, le Gaumont Wilson (qui, lui, a pu s'agrandir et se moderniser)... et, surtout, les deux cinémas d'art et essai, l'ABC et l'American Cosmograph (ex-Utopia). Complètent l'offre la Cinémathèque de Toulouse et Le Cratère. La première, située à proximité de l'ABC, propose de (re)voir dans sa belle salle des "films du patrimoine", en général restaurés... un filon dont tentent de profiter des réseaux aussi différents qu'Utopia et CGR. Quant au Cratère, c'est une salle associative, un peu excentrée, mais qui donne une seconde vie aux films art et essai, avant qu'ils ne sortent en DVD.

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   A cette liste il a failli manquer un nom : celui de l'American Cosmograph, alors Utopia Toulouse, aux locaux vieillissants, menacé en 2015 d'une foudroyante augmentation de loyer. Finalement, il y a eu scission, l'Utopia Toulouse devant l'American Cosmograph, mais en conservant les "valeurs" du réseau art et essai. Le premier numéro de la nouvelle gazette (celui de juin-juillet 2016) contient des papiers racontant ce changement. Entre temps, en 2003, Utopia avait ouvert un nouveau cinéma en banlieue toulousaine, à Tournefeuille.

   C'est donc en périphérie de Toulouse que l'offre cinématographique a le plus augmenté :

cinéma,cinema,film,films,économie,occitanie,actualité,actualite,actu,actualités,actualites

   Si l'on excepte l'Utopia de Tournefeuille, ce sont les multiplexes qui ont peuplé la banlieue : CGR à Blagnac, Gaumont à Labège, Kinépolis à Fenouillet... et donc bientôt (en 2021 ?) UGC à Montaudran (le point rouge sur le plan). Ceux qui ne veulent pas trop s'éloigner du centre peuvent aussi goûter au petit cinéma de Ramonville-Saint-Agne (correspondant au trait rouge ci-dessus).

   Enfin, il est un autre cinéma toulousain qui continue à faire parler de lui : Les Nouveautés. Autrefois situé boulevard Carnot (pas très loin de l'UGC d'ailleurs), il a fermé en 1999. Les gérants de l'Utopia Toulouse ont un temps songé à y transférer leur cinéma, mais les locaux avaient déjà été vendus. Un projet "urbain chic" est en cours de réalisation. les travaux ont mis du temps à démarrer. En octobre dernier, on en était là :

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lundi, 22 avril 2019

Santiago, Italia

   Le titre de ce documentaire peut paraître étrange : il semble évoquer une ville située en Italie, alors qu'il s'agit de la capitale du Chili. La raison en est qu'une fraction du territoire de cette cité est bien italien : celui de l'ambassade. En septembre 1973, des opposants au coup d'Etat de Pinochet s'y sont réfugiés.

   Le réalisateur Nanni Moretti commence par évoquer la présidence d'Allende, élu de justesse en 1970 après trois tentatives infructueuses. Des images d'archive ressuscitent cet homme de gauche intègre, qui avait sans doute autant de soucis avec sa majorité hétéroclite qu'avec son opposition (soutenue par les Etats-Unis).

   Arrive ensuite le coup d'Etat militaire (qu'en Amérique du Sud on appelle Golpe). Les témoignages permettent de comprendre la sidération d'une partie de la population, pendant qu'une autre part se réjouit ouvertement. Moretti n'élude pas le passage douloureux sur le suicide d'Allende. Même s'il donne la parole à un des derniers tenants de la thèse de l'assassinat, le réalisateur choisit plutôt de tenter d'expliquer les raisons du suicide, en s'appuyant sur des rescapés lucides. Notons qu'il a aussi interrogé d'anciens officiers de l'époque... qui ne regrettent rien.

   C'est à ce moment-là que le documentaire quitte la grande histoire pour la petite, celle de militants de gauche qui ont tout fait pour échapper à l'armée. Dans un premier temps, celle-ci n'a pas mené une surveillance minutieuse des abords des missions diplomatiques, qui ont ainsi  pu accueillir des milliers de personnes. Celle d'Italie était une propriété protégée par un mur d'environ deux mètres de hauteur. Celui qu'on voit dans le film est plus élevé : le gouvernement l'a (par la suite) fait rehausser d'un bon mètre. On sourit en entendant ces témoins parler de leurs efforts pour franchir le mur, ou aider quelqu'un à le faire. L'un d'entre eux se réjouit d'avoir suivi des cours de gym, lui qui pourtant n'aimait pas cela... Un autre révèle que des personnes bien intentionnées avaient descellé quelques pierres pour former un petit escalier de fortune. Une dernière évoque la stupeur du garde enfin posté dans l'angle mort de la bâtisse.

   L'étape suivante est la description de la vie à l'intérieur de l'ambassade. Entre 250 et 300 personnes s'y retrouvent entassées. Fort heureusement, un grand jardin... et une piscine rendent le séjour plus supportable. A l'intérieur, pour le coucher, on opère une stricte répartition : les hommes célibataires au rez-de-chaussée, les familles avec leurs enfants au premier étage et les femmes célibataires au second. D'après certains témoignages, il semble que la bâtisse ait connu de nombreux mouvements nocturnes...

   Enfin, le gouvernement italien ayant attribué des visas, les réfugiés ont pu quitter l'ambassade pour l'Europe, d'où ils pensaient revenir rapidement. La majorité d'entre eux a fait souche en Italie, ce qu'on découvre dans les vingt dernières minutes. Ils ont constitué une main-d'oeuvre bien accueillie sur place, d'autant qu'on a veillé à les placer dans des régions où des "partis frères" (communiste, socialiste) étaient bien implantés. La solidarité politique a fait le reste.

   Même si j'ai trouvé le début un peu laborieux, j'ai finalement été captivé par ce documentaire, rigoureusement construit, nourri de témoignages intéressants, parfois émouvants. Par un curieux hasard de la programmation, le film est sorti en France à peu près en même temps que Companeros, qui évoque les méfaits de la dictature militaire en Uruguay à la même époque.

Santiago, Italia

   Le titre de ce documentaire peut paraître étrange : il semble évoquer une ville située en Italie, alors qu'il s'agit de la capitale du Chili. La raison en est qu'une fraction du territoire de cette cité est bien italien : celui de l'ambassade. En septembre 1973, des opposants au coup d'Etat de Pinochet s'y sont réfugiés.

   Le réalisateur Nanni Moretti commence par évoquer la présidence d'Allende, élu de justesse en 1970 après trois tentatives infructueuses. Des images d'archive ressuscitent cet homme de gauche intègre, qui avait sans doute autant de soucis avec sa majorité hétéroclite qu'avec son opposition (soutenue par les Etats-Unis).

   Arrive ensuite le coup d'Etat militaire (qu'en Amérique du Sud on appelle Golpe). Les témoignages permettent de comprendre la sidération d'une partie de la population, pendant qu'une autre part se réjouit ouvertement. Moretti n'élude pas le passage douloureux sur le suicide d'Allende. Même s'il donne la parole à un des derniers tenants de la thèse de l'assassinat, le réalisateur choisit plutôt de tenter d'expliquer les raisons du suicide, en s'appuyant sur des rescapés lucides. Notons qu'il a aussi interrogé d'anciens officiers de l'époque... qui ne regrettent rien.

   C'est à ce moment-là que le documentaire quitte la grande histoire pour la petite, celle de militants de gauche qui ont tout fait pour échapper à l'armée. Dans un premier temps, celle-ci n'a pas mené une surveillance minutieuse des abords des missions diplomatiques, qui ont ainsi  pu accueillir des milliers de personnes. Celle d'Italie était une propriété protégée par un mur d'environ deux mètres de hauteur. Celui qu'on voit dans le film est plus élevé : le gouvernement l'a (par la suite) fait rehausser d'un bon mètre. On sourit en entendant ces témoins parler de leurs efforts pour franchir le mur, ou aider quelqu'un à le faire. L'un d'entre eux se réjouit d'avoir suivi des cours de gym, lui qui pourtant n'aimait pas cela... Un autre révèle que des personnes bien intentionnées avaient descellé quelques pierres pour former un petit escalier de fortune. Une dernière évoque la stupeur du garde enfin posté dans l'angle mort de la bâtisse.

   L'étape suivante est la description de la vie à l'intérieur de l'ambassade. Entre 250 et 300 personnes s'y retrouvent entassées. Fort heureusement, un grand jardin... et une piscine rendent le séjour plus supportable. A l'intérieur, pour le coucher, on opère une stricte répartition : les hommes célibataires au rez-de-chaussée, les familles avec leurs enfants au premier étage et les femmes célibataires au second. D'après certains témoignages, il semble que la bâtisse ait connu de nombreux mouvements nocturnes...

   Enfin, le gouvernement italien ayant attribué des visas, les réfugiés ont pu quitter l'ambassade pour l'Europe, d'où ils pensaient revenir rapidement. La majorité d'entre eux a fait souche en Italie, ce qu'on découvre dans les vingt dernières minutes. Ils ont constitué une main-d'oeuvre bien accueillie sur place, d'autant qu'on a veillé à les placer dans des régions où des "partis frères" (communiste, socialiste) étaient bien implantés. La solidarité politique a fait le reste.

   Même si j'ai trouvé le début un peu laborieux, j'ai finalement été captivé par ce documentaire, rigoureusement construit, nourri de témoignages intéressants, parfois émouvants. Par un curieux hasard de la programmation, le film est sorti en France à peu près en même temps que Companeros, qui évoque les méfaits de la dictature militaire en Uruguay à la même époque.

dimanche, 21 avril 2019

Companeros

   Intitulé La noche de 12 anos ("La nuit de douze ans") dans sa version originale, ce film uruguayen narre le sort de trois révolutionnaires tupamaros (communistes), que la dictature militaire a emprisonnés et tenté de briser, entre 1973 et 1985.

   C'est une fiction très documentée... et militante. Le réalisateur est en empathie avec les trois héros, tellement même qu'il passe très très vite sur les crimes auxquels certains d'entre eux ont participé. Ceci dit, quand on voit ensuite ce qu'ils ont enduré, on comprend que le souci principal soit de dénoncer la dictature sanguinaire qui a sévi jadis en Uruguay.

   Le début de l'histoire donne un bon aperçu de ce que sera le film. Il mêle violence et traits d'humour, le tout servi par une réalisation parfois inventive. On découvre les héros en prison, au moment de leur extraction pour une destination inconnue. C'est filmé en tourniquet depuis la cage centrale des matons. Détail cocasse : durant le transport en camion, l'un d'entre eux ressent une fulgurante envie de déféquer...

   Dans un premier temps, les rebelles ont été torturés physiquement. On a tenté de leur arracher des informations (méthode qui avait réussi avec l'un de leurs chefs, ce que le film ne dit pas). Devant l'inefficacité des sévices physiques, les militaires sont passés à la torture mentale. Le but était de briser ces hommes fiers et aux convictions profondément ancrées en eux. On les masque, on les déplace, on les frappe, on les déshabille, on les prive de nourriture voire on leur pisse dessus. A l'instar des geôliers, la mise en scène est imaginative et réussit à nous faire toucher du doigt ce qu'ont ressenti les trois prisonniers. Dans certaines scènes, c'est du niveau de Hunger.

   C'est lié aussi à la qualité de l'interprétation. Antonio de la Torre (rappelez-vous : Que Dios nos perdone), Chino Darin et Alfonso Tort incarnent avec brio Mujica le perturbé, Rosencof l'écrivain et Huidobro le matheux. Vu le degré d'isolement qu'on leur impose, leur salut se trouve dans leur tête, dans les souvenirs heureux, les rêves... et un système discret de communication (quand c'est possible). Le problème est que ce qu'ils subissent finit par déformer leurs souvenirs voire leur faire prendre pour réel ce qui ne l'est pas. Ici, la mise en scène est brillante, bien servie par le montage.

   Fort heureusement, le propos du film n'est pas toujours dramatique. Il y a cette séquence drôlissime quand il s'agit de décider s'il faut détacher un détenu pour lui permettre de déféquer assis. Cela part du troufion de base pour remonter jusqu'au commandant de la caserne ! Il y a aussi ces moments d'humanité, autour de l'écriture de lettres d'amour, qui va rapprocher l'un des prisonniers de certains militaires pas complètement obtus. Et j'ai été touché par la conclusion, pleine d'émotion.

   C'est un film à voir.

Companeros

   Intitulé La noche de 12 anos ("La nuit de douze ans") dans sa version originale, ce film uruguayen narre le sort de trois révolutionnaires tupamaros (communistes), que la dictature militaire a emprisonnés et tenté de briser, entre 1973 et 1985.

   C'est une fiction très documentée... et militante. Le réalisateur est en empathie avec les trois héros, tellement même qu'il passe très très vite sur les crimes auxquels certains d'entre eux ont participé. Ceci dit, quand on voit ensuite ce qu'ils ont enduré, on comprend que le souci principal soit de dénoncer la dictature sanguinaire qui a sévi jadis en Uruguay.

   Le début de l'histoire donne un bon aperçu de ce que sera le film. Il mêle violence et traits d'humour, le tout servi par une réalisation parfois inventive. On découvre les héros en prison, au moment de leur extraction pour une destination inconnue. C'est filmé en tourniquet depuis la cage centrale des matons. Détail cocasse : durant le transport en camion, l'un d'entre eux ressent une fulgurante envie de déféquer...

   Dans un premier temps, les rebelles ont été torturés physiquement. On a tenté de leur arracher des informations (méthode qui avait réussi avec l'un de leurs chefs, ce que le film ne dit pas). Devant l'inefficacité des sévices physiques, les militaires sont passés à la torture mentale. Le but était de briser ces hommes fiers et aux convictions profondément ancrées en eux. On les masque, on les déplace, on les frappe, on les déshabille, on les prive de nourriture voire on leur pisse dessus. A l'instar des geôliers, la mise en scène est imaginative et réussit à nous faire toucher du doigt ce qu'ont ressenti les trois prisonniers. Dans certaines scènes, c'est du niveau de Hunger.

   C'est lié aussi à la qualité de l'interprétation. Antonio de la Torre (rappelez-vous : Que Dios nos perdone), Chino Darin et Alfonso Tort incarnent avec brio Mujica le perturbé, Rosencof l'écrivain et Huidobro le matheux. Vu le degré d'isolement qu'on leur impose, leur salut se trouve dans leur tête, dans les souvenirs heureux, les rêves... et un système discret de communication (quand c'est possible). Le problème est que ce qu'ils subissent finit par déformer leurs souvenirs voire leur faire prendre pour réel ce qui ne l'est pas. Ici, la mise en scène est brillante, bien servie par le montage.

   Fort heureusement, le propos du film n'est pas toujours dramatique. Il y a cette séquence drôlissime quand il s'agit de décider s'il faut détacher un détenu pour lui permettre de déféquer assis. Cela part du troufion de base pour remonter jusqu'au commandant de la caserne ! Il y a aussi ces moments d'humanité, autour de l'écriture de lettres d'amour, qui va rapprocher l'un des prisonniers de certains militaires pas complètement obtus. Et j'ai été touché par la conclusion, pleine d'émotion.

   C'est un film à voir.