mercredi, 06 mars 2013
Công Binh
Ce documentaire (un brin fictionné) est sous-titré "La longue nuit indochinoise". Il n'est toutefois question que du Vietnam (composé du Tonkin, de l'Annam et de la Cochinchine), pas du Laos ni du Cambodge. Ceux qu'on a appelés les Công Binh ("ouvriers-soldats", en vietnamien) ont été envoyés en France métropolitaine au début de la Seconde guerre mondiale. Il y sont restés bloqués au moins jusqu'en 1946. Certains ne sont même jamais retournés dans leur patrie.
Cinq types d'images composent ce film. Classiquement, on y trouve des documents d'archives (datant de la fin des années 1930 au Vietnam indépendant) et des entretiens avec certains des anciens travailleurs envoyés en France (âgés de 89 à 103 ans, si je ne m'abuse). On y entend (et voit) aussi une petite-fille de travailleur déporté lire des extraits de textes anticoloniaux, au premier rang desquels Les Damnés de la Terre (de Franz Fanon) et Discours sur le colonialisme (d'Aimé Césaire). A cela s'ajoutent des scènes de fiction, restituant des situations du passé, et jouées par des (petits-)enfants des travailleurs déportés. Enfin, régulièrement, vient s'intercaler un extrait de spectacle de marionnettes aquatiques, en liaison avec le sujet.
Le plan est chronologique. Le film revient d'abord sur les conditions du recrutement, forcé dans la majorité des cas. On est ensuite effaré par les conditions de vie qui furent celles de ces jeunes hommes. A peine débarqués en métropole, ils sont parqués dans la prison des Baumettes, tout juste construite... mais dont l'intérieur n'a pas été encore aménagé. Ils ont ensuite été envoyés dans différentes usines (des poudreries, entre autres), notamment à Bourges et Clermont-Ferrand. Ils ont été logés dans des camps spéciaux, dans des conditions là encore précaires.
Parmi les multiples anecdotes que contient le film, il y a l'histoire du développement de la culture du riz en Camargue, dû à l'initiative de certains travailleurs d'origine rurale, qui ont vu là l'occasion d'améliorer leur ordinaire... à condition toutefois de faire tout le boulot.
Un des plus beaux passages raconte le processus d'alphabétisation des travailleurs, arrivés en métropole pour la plupart illettrés.
Après guerre, l'enjeu devient politique. De 1946 à 1954 s'est déroulée la guerre du Vietnam. Ces 20 000 jeunes hommes sont une masse à ne pas négliger. Au départ, le gouvernement français n'a pas envie de renvoyer au pays ces bras vigoureux qui pourraient renforcer la rébellion vietminh. A cet égard, le film montre que la petite troupe était divisée. Il n'évoque toutefois que trois groupes : la minorité favorable au colonisateur et les rebelles, communistes ou trotskystes, eux-mêmes rivaux. L'expression "gouvernement fantoche" fait allusion à l'empereur Bao Daï. Est négligée une partie du mouvement nationaliste, celle qui n'était pas d'obédience marxiste et qu'on a parfois qualifiée de "troisième voie".
La fin du documentaire est consacrée à la vie dans le Vietnam indépendant (ou la France, pour ceux qui s'y sont définitivement installés) et la quête de reconnaissance.
Sur le plan formel, c'est correctement filmé et le montage varie suffisamment les types d'images pour qu'on ne s'ennuie pas (trop). Mais le rythme est lent et certaines scènes m'ont paru inutiles. (Concernant le théâtre de marionnettes, si les premiers "interludes" m'ont intéressé, l'accumulaton a fini par me lasser.) On sent bien les deux heures passer !
23:46 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
jeudi, 14 février 2013
Lincoln
Steven Spielberg enchaîne les films à gros budget ; Lincoln succède aux Aventures de Tintin et au Cheval de guerre. Par contre, il change de genre. Il s'agit ici d'une tentative de reconstitution historique, minutieuse, sans guère de spectacle. Et pourtant, en toile de fond se trouve la Guerre de Sécession, dont la conclusion pèse sur l'aboutissement d'un projet cher au coeur du président des Etats-Unis : le vote du treizième amendement, abolissant l'esclavage.
Les interprètes sont souvent excellents, à commencer par Daniel Day-Lewis, auteur une nouvelle fois d'une prestation remarquable. (Il me manquait depuis There will be blood.) Il campe à la perfection ce grand idéaliste à la morale inflexible, qui va devoir se faire plus dur et plus manipulateur pour parvenir à ses fins. Il va être aidé par les "gauchistes" de l'époque (appelés "radicaux"), qui vont accepter de modérer leur attitude. Dans ce groupe se distingue Thaddeus Stevens, incarné avec talent par Tommy Lee Jones. Ce personnage nous réserve des surprises... jusqu'à la toute fin !
Trois autres groupes épaulent le président : les proches, les républicains conservateurs (qu'il faut toutefois convaincre... voire tromper) et un trio d'employés véreux, chargés de faire basculer certains votes (chez les démocrates, dont l'écrasante majorité est contre le projet de Lincoln). Leurs interventions sont savoureuses... et rappellent qu'il est difficile d'envisager de faire de la politique à un haut niveau sans parfois se salir les mains. Le film aborde ces questions délicates, sans aller toutefois au fond des choses.
La description du processus parlementaire alterne avec les moments familiaux. Spielberg a voulu montrer que ce président si populaire, qui a marqué son temps, n'a pas été heureux. Il a perdu un fils, a vu s'effilocher son mariage. (Sally Field, qui joue l'épouse, en fait un peu trop à mon goût.) Les relations avec son fils aîné ne sont pas très bonnes non plus. (Dans le rôle, Joseph Gordon-Levitt m'a paru moins convaincant que dans Looper.)
2h30, c'est toutefois un peu long et, si certains morceaux de bravoure parlementaire méritent le détour, on aurait pu (dû) pratiquer quelques coupes. Notons que si le matériau est historique, le film peut aussi se voir comme un polar politique. La réalisation en est soignée, Spielberg semblant avoir été particulièrement attentif au placement de la caméra. Il est néanmoins desservi par une musique trop présente, qui a tendance à surligner. On a l'impression d'avoir déjà entendu des dizaines de fois certains passages. (John Williams nous a habitués à mieux.)
Bref, c'est plutôt un bon film, mais avec quelques défauts notables.
20:07 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
jeudi, 31 janvier 2013
Zero Dark Thirty
Le titre évoque un moment de la nuit, celui durant lequel on imagine que les Navy Seals ont pris d'assaut le refuge d'Oussama ben Laden, au Pakistan, en mai 2011.
Le film était attendu pour ce qu'il était censé montrer. Il est d'abord intéressant par ce qu'il ne montre pas à l'écran. Cela commence par la référence aux attentats du 11 septembre 2001, présentés uniquement par voie sonore, avec un écran noir. N'oublions pas que la réalisatrice est américaine et que, pour son public national, ces événements constituent peut-être la plus terrible catastrophe humaine de l'histoire du pays. Il leur faudra encore un peu de temps pour réaliser que, dans d'autres pays du monde, des horreurs bien pires ont été perpétrées. Ce "noir" visuel nous pousse néanmoins à tendre l'oreille. L'un des coups de fils choisis est celui d'un jeune homme, qui tente de rassurer sa famille en précisant que, si un avion a bien percuté la tour n°1, lui se trouve dans la tour n°2... en sécurité.
Le film, bien que minutieusement construit, fourmillant de détails, reste très évasif sur son personnage principal , l'agent de la CIA Maya (incarnée par Jessica Chastain, une nouvelle valeur sûre de Hollywood, déjà remarquée pour ses prestations dans L'Affaire Rachel Singer et La Couleur des sentiments). Quand bien même ce personnage est la fusion de plusieurs personnes réelles, on aurait pu nous en dire plus sur son passé. On comprend qu'elle a été recrutée très jeune par la CIA, en 2000 ou 2001. Vu l'obstination dont elle fait preuve dans la traque de ben Laden (et sa réaction tout à la fin, après la découverte de son cadavre), on en déduit qu'elle a perdu un ou plusieurs proches le 11 septembre 2001. L'actrice donne de la vraisemblance à ce personnage de moine-soldat au féminin, mais le scénario la dessert un peu.
A ce propos, on notera que la caméra ne filme jamais entièrement le chef terroriste, et surtout pas en gros plan. Si l'on conçoit que ce n'est pas l'homme qui est le plus dangereux, mais les idées qu'il véhicule, c'est logique. On nous a aussi épargné la scène de largage du corps en pleine mer (si cela s'est réellement passé ainsi). De ce point de vue toutefois, le film se situe dans la lignée de la politique américaine, qui a voulu éviter de faire du terroriste une icône, mais qui est arrivée au résultat exactement opposé. La découverte de ben Laden dans le sac mortuaire m'a irrésistiblement fait penser à la mort d'Ernesto Guevara... joli paradoxe qui voit un révolutionnaire athée et un intégriste musulman devenir des figures christiques !
Il n'est pas non plus question des trois plus terribles attentats antioccidentaux qui ont succédé à ceux du 11 septembre 2001 : Bali (en octobre 2002), Madrid (en mars 2004) et Londres (en 2005). On pourrait justifier ces omissions en précisant que leurs auteurs avaient des motivations plus nationales qu'internationales. On pourrait aussi relier ces oublis à ce que déclare Maya (dans le film) à l'un des pontes de l'espionnage yankee : tuer ben Laden désorganiserait le réseau d'Al Qaïda et réorienterait sans doute l'action de certains groupes vers des objectifs nationaux. En gros, les Etats-Unis seraient un peu plus peinards, alors que leurs alliés auraient davantage de soucis à se faire...
Le film nous propose par contre de vivre du côté de la CIA deux attentats dont on a entendu parler, sans en saisir tous les enjeux à l'époque. Cela commence avec l'explosion d'un camion piégé à l'hôtel Marriott d'Islamabad, au Pakistan, en 2008. Présenté à l'époque comme une démonstration anti-occidentale de force, l'attentat semble avoir aussi eu des cibles très précises. Il en est de même avec celui de la base Chapman (en Afghanistan), en 2010. Dans le film, on le sent venir à des kilomètres. Ce manque de subtilité est contrebalancé par l'efficacité de la réalisation (Bigelow avait fait ses preuves avec Démineurs) et la qualité de l'interprétation.
C'est assez révélateur de l'ensemble du film : un produit bien fichu, documenté, mais très ambigu sur le fond. Le cas de la torture est exemplaire. On nous montre de longues scènes d'interrogatoire ou de mise sous pression. On peut à la fois féliciter la réalisatrice pour sa volonté de montrer la fange dans laquelle certains de ses personnages se vautrent. Mais un mauvais esprit pourrait objecter que la réussite de la traque de ben Laden reposerait, au moins en partie (selon le film), sur ces séances de torture...
Les amateurs de cinéma sont heureusement servis par plusieurs très bonnes séquences, comme la filature du messager de ben Laden, en pleine jungle urbaine pakistanaise (reconstituée en Inde !), détecteurs ultra-sophistiqués à l'appui. J'ai aussi particulièrement aimé la séquence de l'assaut du refuge pakistanais, filmé de nuit (avec une caméra spéciale) et dans un silence étouffant... à travers lequel, dans un premier temps, on ne perçoit que quelques bruits. Élément positif supplémentaire, le scénario se démarque ici de la version officielle de Washington, pour s'inspirer du récit d'un Navy Seal, ancien membre du commando, qui a révélé que ben Laden a été abattu alors qu'il ne représentait pas de menace directe pour les soldats. Cette expédition était donc bien une vengeance, pas du tout un acte de justice. C'est d'ailleurs l'impression qui se dégageait du titre originel de ce (très) long métrage, "For God and Country".
21:22 Publié dans Cinéma, Histoire, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
vendredi, 18 janvier 2013
Argo
Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Alors que le film de Ben Affleck vient de recevoir deux Golden Globes ("meilleur film dramatique" et "meilleur réalisateur") et qu'il est sept fois nominé aux Oscar, certains cinémas ont eu la bonne idée de le reprogrammer... ce qui m'a permis de le voir, enfin.
Même si l'essentiel de l'histoire se déroule à Téhéran, en Iran (les scènes correspondantes ayant été tournées en Turquie), un nombre non négligeable de séquences ont pour cadre soit Washington (et la Virginie), coeur du pouvoir politique états-unien, soit la Californie et Hollywood, coeur du pouvoir culturel yankee. On nous présente deux milieux très contrastés, l'un peuplé de types cassants et engagés dans des luttes d'influence, l'autre de branquignols plus ou moins doués, capables du meilleur comme du pire. Je vous laisse imaginer dans quelle catégorie il faut ranger la CIA... Cela nous vaut quelques moments savoureux, avec de vieux routiers comme John Goodman.
Le coeur du sujet est la crise des otages. Les scènes de foule iranienne sont particulièrement réussies. Les précieuses anecdotes de tournage du site Allociné nous apprennent que des techniciens ont été mêlés aux figurants. L'impression de réalisme est grande... et, si l'on a déjà vu certaines images d'époque (notamment l'assaut contre l'ambassade américaine), on est frappé par la ressemblance.
Viennent ensuite les moments plus intimistes, centrés sur les six réfugiés logés chez l'ambassadeur du Canada. C'est le prétexte à un beau portrait de groupe, avec des acteurs très bons, choisis aussi sans doute pour leur ressemblance avec les personnages qu'ils incarnent. (Je conseille de rester à la fin : on nous propose une intéressante comparaison entre les images réelles et certaines, issues du film.) On ne nous cache pas leurs faiblesses, leurs dissensions. Les spectateurs peuvent facilement s'identifier à ces individus qui ne semblent pas sortir de l'ordinaire. L'un d'entre eux, Marek Lijek, a récemment livré son témoignage.
La dernière partie du film est construite sur le mode du suspens. Ben Affleck y abuse du just in time, que ce soit à propos d'un coup de fil à Hollywood, de la réservation des billets d'avion comme du décollage final, dans une scène dont on sait aujourd'hui qu'elle est complètement inventée. (On pourrait aussi reprocher au scénario d'éviter de dire clairement que l'ambassadeur du Canada, qui a sauvé la mise des six rescapés, était devenu un agent de la CIA.)
Cela reste un bon divertissement, bien joué, qui manie de manière sensible la pâte humaine. Même s'il glorifie l'Amérique débrouillarde, il a l'honnêteté de ne pas cacher les sujets de mécontement des Iraniens, qui avaient des raisons d'en vouloir à Oncle Sam... et qui (exception faite de l'employée de maison de l'ambassadeur) sont dépeints de manière assez unilatérale dans ce film.
23:15 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
dimanche, 02 décembre 2012
Les Lignes de Wellington
La compagne et collaboratrice de feu Raoul Ruiz (elle a procédé au montage des Mystères de Lisbonne) a repris son dernier projet de film. Cela donne une ambitieuse coproduction franco-portugaise, dont l'intrigue se situe pendant l'invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes, déjà présentes à l'époque en Espagne.
Le fil rouge de l'histoire est la migration des civils portugais, qui fuient l'avancée des troupes françaises et les destructions opérées par les armées portugaises et britanniques, qui ont choisi de pratiquer la politique de terre brûlée, pour affaiblir l'envahisseur. L'objectif est de l'attirer au pied de fortifications réputées imprenables, construites dans le plus grand secret, au sud du pays, à l'initiative du général Wellington.
On suit donc ces improbables colonnes de fuyards, mêlant aristocrates, bourgeois et gens du peuple, Portugais et Britanniques. Il y a ce mari épris de culture, qui recherche son épouse disparue. Il y a cette veuve anglaise, à laquelle un sous-officier portugais va s'attacher. Il y a les hommes de troupe (les personnages les mieux campés, à mon avis), qui entrent parfois en relation avec les infirmières (l'une d'entre elles interprétée -avec talent- par Elsa Zylberstein). Il y a cette jeune Anglaise volage. On n'a pas oublié les prostituées, ni les marchands. Certains saynètes sont croquignolesques, mais, globalement, l'accumulation lasse.
Du coup, de temps à autre, on se réjouit de suivre un peu les Français. Hélas ! Ils sont systématiquement présentés sous un jour négatif. Et quand on se retrouve face à un trio d'acteurs bien de chez nous (Isabelle Huppert, Catherine Deneuve et Michel Piccoli), on apprend qu'ils incarnent des Suisses !
Cete séquence est d'ailleurs à l'image du film : riche en promesses, s'appuyant sur une distribution prestigieuse, mal employée, et au final décevante. Le film pêche par la faiblesse de la direction d'acteurs. On a l'impression que la réalisatrice n'a pas osé se montrer trop directive avec ses comédiens... Le "métier" ne fait pas tout ! Et puis il y a ces scènes qui sont jouées comme du vieux théâtre filmé...
Bref, en dépit de la présence de plusieurs moments savoureux, c'est dans l'ensemble assez maladroit et ennuyeux.
11:56 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
samedi, 27 octobre 2012
Tell me lies
C'est le titre du film tourné en 1967 par le dramaturge Peter Brook, sur la guerre du Vietnam vue de Londres. Il devait être présenté au festival de Cannes en 1968. Les "événements" (et le contexte politique international) ont empêché que le festival se déroule comme d'habitude. Sorti de manière confidentielle, le film a rapidement disparu de la circulation. Il ressort dans une copie restaurée.
Le titre du film est emprunté à une chanson, diffusée au tout début (on en entend d'autres au cours du film). Ne vous attendez pas à entendre le dernier "tube" de Britney Spears ou Mika. C'est de la chanson engagée. Les morceaux sont assez inégaux, l'inventivité poétique côtoyant le militantisme lourdingue.
Arrivent ensuite deux séquences passionnantes, qui se déroulent au cours d'une soirée mondaine. La première voit le héros (sorte de double du réalisateur) se confronter à des représentants de l'establishment britannique (parlementaires, permanents du parti travailliste -alors au pouvoir-, hauts fonctionnaires). La discussion, au cours de laquelle les arguments sont confrontés, est stimulante, d'autant plus que le réalisateur ne cherche pas à faire pencher la balance en faveur de la position de son personnage principal.
La deuxième séquence met en scène des militants des droits civiques noirs américains (et une Vietnamienne). Le ton est policé, mais les idées avancées sont parfois d'une grande violence. On adhèrera ou pas aux propos tenus, mais ils ne sont pas sans écho dans notre monde post-septembre 2001.
Par la suite, le héros se pose des questions à propos de l'immolation par le feu. Le spectaculaire suicide d'un moine bouddhiste l'interpelle. Il en vient à rencontrer un maître à penser de cette religion. Il finit par s'intéresser plus particulièrement au cas de Norman Morrison, un quaker engagé (aujourd'hui curieusement oublié), dont le geste surprit le monde.
Indirectement, le film traite du pouvoir des images. Photographies de presse, cinéma et déjà un peu télévision influencent l'opinion publique. L'un des fils rouges du film est d'ailleurs une image horrible, celle d'un enfant qui a été brûlé au napalm et dont le corps est presque totalement enveloppé dans des bandages. On en voit d'autres du même genre plus loin. Cela n'est pas sans rappeler (pour nous) la célèbre photographie de Kim Phuc, cette jeune fille victime elle aussi d'un bombardement incendiaire, au Sud Vietnam... mais en 1972. Ici, Peter Brook se fait visionnaire.
Même le monde politique est contaminé. Lors de la soirée mondaine, l'un des parlementaires affirme de son collègue qu'il passe plus souvent à la télévision parce qu'il est plus jeune que lui... et plus séduisant !
Sur la forme, ne vous attendez pas à du grand art. C'est assez classique et daté. Mais le contenu est bigrement intéressant. Il faut toutefois fournir quelques efforts d'attention.
16:43 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
vendredi, 14 septembre 2012
Les mutinés de Villefranche-de-Rouergue
L'an prochain sera célébré, à Villefranche-de-Rouergue, le 70e anniversaire de la révolte de troupes SS originaires des Balkans, plus précisément du pays qu'on a appelé jadis la Yougoslavie. Ces Croates et ces Bosniens avaient sans doute été recrutés de force. (Curieusement, presque un an plus tard, Rodez fut le théâtre d'une révolte similaire, celle de soldats soviétiques incorporés de force à l'armée allemande.)
Le déroulement de la rébellion est bien raconté par le site de l'ambassade de Croatie en France. La commémoration de cet acte héroïque a longtemps été l'objet de la polémique, en raison de l'histoire troublée des Balkans. C'est bien raconté dans le livre écrit par Mirko Grmek et Louise Lambrichs, Les Révoltés de Villefranche :
On pourrait croire qu'aujourd'hui que la Yougoslavie a disparu, que la guerre fait partie du passé, la commémoration est définitivement apaisée.
Un récent article de La Dépêche du Midi nous apprend que non. Le problème ne vient pas du côté croate, mais du côté français. En effet, le monument a été modifié. Villefranche-de-Rouergue, jumelée avec la ville de Pula, en Croatie, a récupéré une copie des statues qui, à l'origine, lui étaient destinées, mais qui n'avaient finalement pas quitté la Yougoslavie :
Le mémorial a été réaménagé. La stèle d'origine a disparu. Il se trouve que je l'avais prise en photo il y a une dizaine d'années :
Elle se trouvait dans un parc anodin, à l'écart de la ville :
L'ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants et Ami-e-s de la Résistance) déplore la transformation du mémorial, parce qu'elle élimine les références à la Yougoslavie. Un mauvais esprit se demanderait si ce n'est pas la disparition de la référence au communisme qui a irrité certains adhérents.
Cette transformation n'en était pas moins dans la logique des choses : les nouveaux Etats, issus de l'ex-Yougoslavie (au premier rang desquels la Croatie) sont à la recherche de références symboliques. Voilà pourquoi les révoltés yougoslaves sont devenus croates... et bosniaques. De surcroît, en 1943, la Yougoslavie n'existait plus. Il aurait peut-être été plus juste de mêler les deux types de référence dans le nouveau mémorial.
Mais il y a peut-être encore autre chose derrière tout cela. On nous a enseigné que, durant la Seconde guerre mondiale, en Europe, certains pays se sont lancés dans la collaboration à outrance avec l'Allemagne nazie. Le régime croate des Oustachis faisait partie de ceux-là. Du coup, dans l'esprit de pas mal de monde, croate = collabo = nazi des Balkans. C'est oublier un peu vite que le chef de la résistance communiste, Josip Broz (Tito) était... croate et que le premier président de la Croatie indépendante (dans les années 1990), Franjo Tudjman, a bien combattu pendant la Seconde guerre mondiale, mais dans les rangs de la résistance communiste, pas du côté des Oustachis. C'est des années plus tard qu'il s'est détaché de Tito, lassé par la tendance des Serbes à monopoliser le pouvoir (en Yougoslavie) et à jeter l'opprobre sur les Croates. Il a fini par verser dans le nationalisme le plus intransigeant, ce qui a pu influencer la lecture qu'à l'étranger on a faite du passé de la région.
23:41 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, société, histoire
vendredi, 17 août 2012
Héroïnes nationales
Ma brocantitude m'a amené à faire de nouvelles trouvailles. Il y a peu, je suis tombé sur une pile de protège-cahiers datant de la fin du XIXe siècle. Malheureusement, les gribouillis des écoliers du temps jadis avaient été détachés, pour ne conserver que les quatre pages cartonnées, illustrées de scènes en général patriotiques (cela date d'après la défaite de 1871 face à la Prusse).
On a coutume de présenter la IIIe République comme un régime misogyne, ayant corseté la condition féminine et notamment refusé d'étendre le droit de vote aux citoyennes. Pourtant, certaines d'entre elles ont été montrées en exemples à la jeunesse, à travers ces images de couverture, dans une série appelée Les femmes de France pendant la guerre (sous entendu "de 1870-1871").
Il s'agit de Jeanne Bernier, dont le texte (situé sur la quatrième page) nous dit qu'elle était champenoise et qu'elle perdit dans le conflit son frère, son père, son époux et son fils, ces trois derniers engagés dans les francs-tireurs (des groupes qui agissaient à l'arrière des lignes prussiennes, en France occupée). Elle décida de prendre les armes et se mit en quête de troupes ennemies. Elle réussit à tuer quatre uhlans, avant de mourir le fusil à la main. Précisons toutefois que l'auteur de la notice prend la peine d'écrire "C'était là une marque de courage peu commune chez une femme, n'est-il pas vrai ?" (Rappelons que ce texte est destiné à être lu par les écoliers...)
Curieusement, sur la Toile, c'est une autre version de l'histoire que j'ai trouvée. La jeune femme, ni mariée ni mère, aurait été tuée lors de l'exécution de son fiancé par les Prussiens.
Juliette Dodu est un peu plus connue. Ses exploits présumés ont fait l'objet de cartes postales. Le texte qui accompagne l'illustration ci-dessus prend des libertés même avec la version officielle de ce qui est sans doute une légende : la jeune femme est qualifiée de "directrice du télégraphe" (poste qu'occupait sa mère) et on découvre la native de la Réunion capable de transcrire les messages prussiens (rédigés en allemand, langue qu'elle ne comprenait pas).
Annette Drevon était une cantinière de l'armée impériale. Elle s'est distinguée à la bataille de Magenta, en 1859. Mais sa mise en valeur doit plutôt à son comportement pendant la guerre de 1870-1871, au cours de laquelle elle tua un soldat bavarois qui se serait moqué de la décoration qu'elle portait, obtenue à la suite de ses exploits en Italie. Le texte qui figure en quatrième de couverture est la copie de la notice biographique que l'on peut trouver dans le Journal de Tournon du 26 septembre 1886.
La collection ne serait pas complète sans un hommage rendu aux femmes d'Alsace-Lorraine, dont le territoire fut annexé par le nouvel empire allemand en 1871 :
Ces femmes vêtues de noir sont toutes en deuil, ayant perdu un membre de leur famille durant la guerre. Leurs visiteurs prussiens, qui voulaient s'imposer dans leurs réunions de salon, s'en vont, fort embarrassés.
Cette collection rend aussi hommage aux "grands capitaines", parmi lesquels une autre femme, Jeanne d'Arc bien sûr :
Ces deux illustrations (de qualité très moyenne) s'inspirent d'un célèbre tableau de Jean-Jacques Scherrer, consacré à l'entrée victorieuse de la Pucelle à Orléans, en 1429 :
12:46 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france, femme, peinture, lorraine
dimanche, 29 juillet 2012
Jeanne d'Arc et la Croix de Lorraine
Voilà ce que c'est que d'accompagner un être cher dans les brocantes : on finit par se prendre au jeu, on s'attarde, on furète... et l'on trouve des trucs !
Je suis récemment tombé sur de bien curieux insignes :
Le premier s'inspire d'une (relativement) célèbre statue de Marie d'Orléans :
Le deuxième copie sans doute un plâtre peu connu, d'Auguste Carli :
Cette représentation n'est d'ailleurs pas sans rappeler un dessin de Numa Ayrinhac, réalisé pour le vitrail d'une église de Pigüé, aujourd'hui disparu.
L'association de la Pucelle à la Croix de Lorraine, pour évidente qu'elle puisse paraître, n'en est pas moins un anachronisme. Les seuls symboles sous le patronage desquels Jeanne se soit placée sont les fleurs de lys. Quant à la croix, dite de Lorraine, elle vient en fait d'Anjou (dont les ducs sont aussi devenus ceux de Lorraine). Des érudits précisent qu'avant d'arriver en Anjou, le symbole est passé par la Hongrie. L'origine est probablement grecque (byzantine ?).
Précisons toutefois que, dans l'entourage de Jeanne figuraient deux personnalités liées à la famille ducale en question. Ce sont René Ier d'Anjou, dit le "bon roi René" et sa mère, Yolande d'Aragon, dont l'une des filles a épousé le Dauphin, futur Charles VII. On a beaucoup attribué (à tort parfois) à cette femme tenace, qui fut l'un des piliers du camp Armagnac dans la deuxième partie de la Guerre de Cent Ans.
Ces insignes sont donc assez récents (au regard de l'épopée johannique). Ils remontent sans doute à la IIIe République. D'après les intervenants d'un forum spécialisé, ils seraient liés à un pèlerinage du diocèse de Nancy à Lourdes. Des versions patriotiques auraient aussi circulé pendant (et après) la Première guerre mondiale.
La dernière surprise vient de la mention que l'on trouve, en tout petits caractères, au dos du second insigne (le rouge) :
Après m'être flingué les yeux, je suis d'avis que l'inscription est la suivante : Ste S PLANCHOT & FILS - FONTAINEBLEAU. Cette entreprise est (était ?) sans doute spécialisée dans la fabrication d'insignes religieux.
23:28 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : france, histoire, lorraine
vendredi, 27 juillet 2012
Grosse boulette à l'émission "Au pied du mur !"
Les repas de famille ont ceci de palpitant qu'ils se déroulent parfois devant un écran de télévision. Celle-ci était allumée sur la première chaîne. A une émission de télé-réalité consternante de bêtise a succédé un jeu grand public : Au pied du mur ! (Quoi de plus normal sur une télé de maçons ?)
En ce vendredi d'inauguration des Jeux Olympiques d'été (avec lesquels on n'a pas fini de nous bassiner), l'animateur Jean-Luc Reichmann (fort sympathique au demeurant) n'a pas craint d'arborer une veste du plus mauvais goût, aux couleurs (et emblèmes) de pays participants :
Le jeu s'est ensuite déroulé de manière normale. Un-e candidat-e se retrouve face à un "mur" de 100 rivaux. Tous répondent aux mêmes questions. Le but de la personne seule est de gagner un maximum d'argent en éliminant le plus grand nombre d'adversaires, grâce à leurs mauvaises réponses.
Encore faut-il que la solution proposée par les auteurs de la question travaillant pour TF1 (et Endemol) soit juste. Un problème s'est justement posé à la toute fin de l'émission d'aujourd'hui. Il était demandé : "Quel est le premier animal à être allé dans l'espace ?" Au vu des réponses proposées, le candidat pouvait etre confiant : il avait choisi la réponse "Laïka", la chienne envoyée dans l'espace en 1957, sur Spoutnik 2. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir la solution :
Stupeur dans le public, qui semble manifester son étonnement, voire sa réprobation. Bien vite, l'animateur apporte une précision censée calmer toute velléité de protestation (merci l'oreillette !) :
Si Laïka fut bien le premier être vivant envoyé en orbite autour de la Terre, d'autres animaux avaient déjà franchi l'atmosphère. Le site auquel mène le lien sur la chienne Laïka parle d'un singe, Albert 2, en 1949 (référence citée par Jean-Luc Reichmann). Le site dinosoria remonte à 1948, avec un autre singe, Albert 1.
L'ambiguïté vient de la nature du vol. Les singes Albert n'ont pas été mis en orbite. C'est une question à la fois d'altitude et de vitesse, comme l'explique le site d'un passionné d'astrophysique :
Bref, la question était extrêmemnent piégeuse. Historiquement parlant, il est plus légitime de considérer Laïka comme le premier animal de l'espace. Les singes Albert sont les premiers êtres vivants à avoir franchi l'atmosphère terrestre, dans une sorte de super vol d'avion, à une altitude dix fois supérieure à celle des vols commerciaux.
23:00 Publié dans Histoire, Télévision | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, société, médias
mercredi, 18 juillet 2012
Couleur de peau : miel
Le dessinateur Jung et Laurent Boileau signent l'adaptation du roman graphique éponyme. Cela donne un long métrage où alternent les scènes d'animation et les prises de vue réelles, suivant Jung dans sa quête d'identité.
On revit la jeunesse de cet enfant coréen, trouvé dans la rue par un policier et qui, un peu par hasard, va être adopté par un couple belge qui a déjà quatre enfants biologiques. La partie animée nous conte les relations entre le petit Jung et ses frères et soeurs, avec ses parents aussi. Après un temps d'adaptation vient la période de bonheur. L'adolescence est par contre un moment de conflits et de questionnements.
Les anciens jeunes des années 1970-1980 se retrouveront dans ce portrait de garçon fan des séries japonaises... que sa mère adoptive a cependant inscrit aux cours de danse ! (Il va quand même y trouver quelques avantages...) Finalement assez introverti, il s'épanche à travers ses dessins, dont il ne sait pas encore qu'ils vont devenir son gagne-pain.
Ces vignettes sont entrecoupées de scènes tournées en Corée du Sud (quand Jung décide d'y retourner) ou en Belgique (quand il mène son enquête). Des images d'archive sont ajoutées. La musique est de surcroît très chouette.
C'est un film vraiment intéressant. On peut suivre la partie animée (très bien dessinée) comme un manga et les scènes réelles comme un documentaire. L'alternance a été habilement montée. (A ce sujet, on remarque que les scènes coupées sont principalement des portions documentaires, comme si l'on avait voulu préserver un certain équilibre en faveur de l'animation.)
Sur le site dédié au film, on peut trouver plein d'autres choses, notamment un dossier de presse bien foutu.
Cette histoire n'est pas sans rencontrer un certain écho en France. Le 29 juin dernier, Le Monde a consacré une page complète aux adoptés. On y découvre le témoignage de Jean-Vincent Placé, jeune sénateur écologiste médiatique.
Moins connue est la charmante et hyperdiplômée Fleur Pellerin, récemment devenue "Ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Economie numérique". Tout comme pour Jean-Vincent Placé, sa promotion a fait la une de la presse sud-coréenne.
(Elle est à mon avis bien plus jolie comme cela qu'avec le maquillage et le rouge à lèvres voyant auxquels elle a recours depuis peu.)
15:55 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
lundi, 16 juillet 2012
Le barrage de Sarrans
Le quotidien aveyronnais Centre Presse vient de lancer une série d'articles sur les grands barrages qui ont été construits jadis dans le département :
Dans le numéro de ce lundi, une double-page est consacrée au barrage de Sarrans. On peut y trouver un historique de la construction, plusieurs documents d'époque et d'autres informations. C'est richement illustré.
Il est notamment question de la presqu'île de Laussac et d'une curiosité touristique : des chalets flottants, développés par Gérard Sol à Thérondels :
On nous suggère une lecture, La Vallée noyée, les chantiers de Sarrans, d'Annick et Louis Le Bail :
Il a été publié par ces Cantaliens en 2011. Très agréable, imprimé sur papier glacé ("issu de forêts gérées durablement", nous précise-t-on en fin d'ouvrage), il regorge de documents. EDF a semble-t-il soutenu sa parution... et il se trouve que, depuis quelques années, l'entreprise semi-publique s'efforce d'améliorer son image, puisque l'exploitation des barrages est soumise à concurrence, le dernier groupe à s'être manifesté étant le finlandais Fortum.
21:52 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualite, histoire, économie, presse, médias
samedi, 14 juillet 2012
Un timbre sur Jeanne d'Arc
Il a été édité à l'occasion du 600e anniversaire de la naissance (présumée) de la Pucelle, qui a fait couler beaucoup d'encre en janvier dernier, en raison des tentatives de récupération politique dont la jeune femme a fait l'objet.
Pour l'illustration, on s'est appuyé sur une enluminure (anonyme) du XVe siècle, peut-être réalisée du vivant même de Jeanne d'Arc (certains estiment qu'elle a été créée en 1430, soit un an avant le décès de la Pucelle).
Le dessin représente Jeanne en armes, les cheveux apparemment non coupés. Sur l'oriflamme, on distingue (partiellement) la formule "Jesus Maria", à gauche, et les trois saints protecteurs (Catherine, Michel et Marguerite), à droite.
Si vous avez fait attention au tarif, vous avez compris que ce timbre n'est pas destiné, a priori, à affranchir une lettre en France métropolitaine. La somme (77 centimes d'euro) correspond au tarif international.
D'après La Nouvelle République du Centre-Ouest, c'est en 1929 que le premier timbre à l'effigie de Jeanne d'Arc fut imprimé, à la demande de la municipalité d'Orléans. (Un passionné a même créé un site sur le sujet.) Si l'on se fie à un site féministe, en 2012, ce serait la sixième fois qu'un timbre officiel rend hommage à la Pucelle.
Le Vatican, qui a fini par la canoniser en 1920, n'est pas resté à l'écart de la commémoration, comme le prouve l'illustration suivante, trouvée sur le blog d'un philatéliste jurassien :
13:32 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, france, femme, lorraine
vendredi, 25 mai 2012
La Terre outragée
Cette terre est celle d'Ukraine, de la région de Prypiat, ville-modèle située à proximité de Tchernobyl. L'histoire se déroule en deux temps : la catastrophe de 1986 et son environnement, puis la vie des survivants dix ans plus tard, entrecoupée de retours en arrière.
On serait presque étonné de voir qu'avant l'accident de la centrale nucléaire, cette partie de l'URSS vivait plutôt bien. On avait du boulot, on pouvait s'y amuser (il était même prévu d'inaugurer la grande roue du parc d'attraction). On s'y mariait aussi (avec photo devant la statue de Lénine, dont la centrale portait aussi le nom) : d'après la réalisatrice, Michale Boganim, 16 unions ont été célébrées ce jour-là à Prypiat !
On suit l'une des noces, la mariée étant l'héroïne (Olga Kurylenko, très bien), devenue dix ans plus tard guide bilingue pour les francophones que le frisson nucléaire excite... parce que, aujourd'hui encore, le site se visite ! Dans la deuxième partie du film, la réalisatrice excelle à restituer le mal-être de ceux qui ont perdu un être aimé, ou dont la vie passée a été rayée de la carte.
La mariée voit, dès avant la nuit de noces, son conjoint la quitter pour aller d'urgence éteindre un incendie : il est pompier, et la forêt en feu est en réalité la centrale nucléaire. On cache donc aux "civils" (dont beaucoup travaillent à Tchernobyl) ce qu'il se passe réellement. Pourtant, des signes auraient pu les alerter, comme ces végétaux morts subitement ou ces poissons retrouvés ventre à l'air dans la rivière.
Pathétique est le parcours de l'ingénieur, qui pense très tôt à mettre sa famille à l'abri, et qui reste, à ses risques et périls, s'efforçant de croire que son action sert à quelque chose. Des années plus tard, son fils part à sa recherche, et à celle de son ancien logis, désormais situé en zone interdite.
C'est là qu'il croise à nouveau la jeune veuve, qui fait le guide pour des Occidentaux assez dignes dans leur comportement. Ils croisent de nouveaux arrivants (venus d'Asie centrale) et des rescapés de la catastrophe, certains étant retournés vivre dans la zone (il y en a même qui ont refusé de partir). Au-delà du fait divers, au-delà de la politique, c'est un film sur le déchirement. C'est bien joué, pas franchement joyeux, mais riche en réflexion et émotions.
16:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire, environnement
vendredi, 04 mai 2012
Cheval et pouvoir
L'élection présidentielle est décidément (presque) partout. Même l'érudite conférence de Daniel Roche, Cheval et politique à l'époque moderne (XVIe - XVIIIe siècles), qui s'est tenue vendredi soir aux Archives départementales de Rodez, n'y a pas échappé.
Ainsi, en introduction, l'historien n'a pas pu s'empêcher de tracer un parallèle entre la visite du maréchal Pétain à Arles, en décembre 1940 (au cours de laquelle les gardians locaux lui ont offert la corde qui attache les chevaux de Camargue "symbole de leur attachement à la France et à sa personne")...
...et la prestation équestre, dans la même région, d'un candidat à l'élection de 2007... que tout le monde a reconnu, sans qu'il soit nécessaire de le nommer. (Il me semble que certaines "têtes grises" présentes dans la salle ont un peu tiqué.)
Le reste de la conférence fut plus solennel, parfois aride. Dans l'une des parties, Daniel Roche a évoqué la représentation du pouvoir politique, en liaison avec le cheval. L'époque moderne a vu se développer en France les statues équestres, royales en général. Il semblerait que la mode soit venue d'Italie (où l'on a en premier redécouvert l'antiquité romaine - on pense à la statue de Marc Aurèle). Le roi Henri II aurait initié le mouvement, suivi par Henri IV et Louis XIII.
Louis XIV ne pouvait pas faire moins bien que son père et son grand-père. Le Bernin fut chargé de la sculpture. Le souverain ne fut apparemment pas satisfait du résultat :
Alors que les autres oeuvres montraient tel roi ou empereur chevauchant une monture calme, marchant de l'avant, ici c'est l'énergie et la fougue qui sont mises en valeur. Le monarque qui se voulait absolu a peut-être mal perçu cette représentation, lui qui avait connu enfant les troubles de la Fronde. Le risque que l'on puisse évoquer la perte du contrôle du cheval et le désarçonnement du cavalier a dû aussi lui passer par la tête. Du coup, la statue a été remaniée à plusieurs reprises.
Napoléon Bonaparte a su mieux gérer sa propagande. Jacques-Louis David l'a aussi représenté sur un cheval fougueux, le Premier consul restant calme :
Cela nous ramène tout naturellement à Nicolas Sarkozy, parfois abusivement caricaturé en Napoléon... jusqu'en Italie (en Toscane plus précisément), à l'occasion du carnaval 2012 :
Le stratège politique sera-t-il éjecté de sa monture par les électeurs français ? Réponse dimanche.
23:54 Publié dans Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, présidentielle, sarkozy, élection présidentielle
vendredi, 13 avril 2012
Colonel Blimp
C'est une réédition, celle d'un film de Michael Powell, sorti initialement en 1943. Il se présente sous la forme d'un long retour en arrière biographique, qui nous offre un panorama de l'histoire internationale (vue du côté britannique) de la première moitié du XXe siècle.
Ce long retour en arrière nous ramène à la séquence du début du film, qu'on ne voit plus du tout sous le même angle. On en sait plus sur les personnages qui y figurent. C'est habile. (N'oublions pas que cela a été tourné il y a environ 70 ans.)
On suit donc Clive Blimp de la guerre des Boers à la Seconde guerre mondiale, en passant bien entendu par la première. Les relations avec l'Allemagne (et un Allemand en particulier, incarné avec brio par Anton Walbrook) sont au coeur de l'intrigue. Cela commence par un drôle de duel, continue par un mariage, la capture de prisonniers et finit par un retour au pays.
La première partie du film fait découvrir au spectateur non initié la mentalité nationaliste dans laquelle baignaient les associations étudiantes (et la majorité des élites) sous le IIe Reich. Le film évite toutefois de tracer un raccourci entre le militarisme prussien et le nazisme. Il propose néanmoins une intéressante mise en perspective.
Ces quelque 2h40 (avec 1h30 de rêve au début) passent vite aussi parce que les dialogues sont très bien écrits, émaillés de traits d'humour. Les personnages se "chambrent"... et font aussi preuve (parfois) d'autodérision.
La personne-clé de ce film n'est paradoxalement pas le héros, un peu Matamore, mais l'actrice Deborah Kerr, qui incarne trois personnages successifs : l'indépendante fille de bonne famille britannique qui tente de faire carrière à Berlin, l'infirmière future épouse dévouée et le chauffeur intrépide du vieil officier. Elle excelle dans les trois rôles... et introduit une touche féministe inattendue dans cette histoire au prime abord très masculine. Ce film de 1943 était, de ce point de vue, plutôt en avance sur son époque.
14:04 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
vendredi, 23 mars 2012
La Dame de fer
La critique "de gôche" n'a pas aimé ce film, plutôt pour des raisons idéologiques, même si parfois des arguments cinématographiques ont été avancés.
On peut commencer par aborder l'aspect non polémique du long-métrage. C'est techniquement bien fait, quoique les effets mélodramatiques soient par instants trop appuyés. Nous sommes priés de compatir au désarroi d'une veuve qui n'arrive pas à faire le deuil de son époux (un type qu'on nous représente comme rigolo et fou amoureux d'elle... c'est dire si elle a raison de le regretter !), une mère incomprise, dont le fils chéri semble peu se préoccuper (mais le film se garde bien de préciser à quel point Mark Thatcher est un personnage douteux).
Meryl Streep est épatante. Elle supporte avec une facilité étonnante les tonnes de maquillage et les prothèses dont on l'a affublée... mais surtout (en version originale sous titrée, of course !) elle a réussi à se débarrasser de son accent américain et à acquérir cette voix chevrotante, haut perchée, caractéristique de l'ancienne occupante du 10, Downing Street.
Du coup, elle réussit à la rendre parfois sympathique, trop même. Ceux qui ont connu cette époque, quels que soient leurs préjugés politiques, se rappellent à quel point elle pouvait être odieuse et injuste dans ses attaques. Meryl Streep s'en est d'ailleurs presque excusée quand elle a répondu aux questions de la presse, après avoir reçu le Golden Globe 2012, disant avoir voulu transmettre "a compassionate view of someone with whom I disagree" (une vision compatissante de quelqu'un avec qui je suis en désaccord).
Je pense que ce film mérite quand même le détour, pour la qualité de la narration et, pour un public français, (re) découvrir l'un des modèles politiques de Nicolas Sarkozy (même s'il a aussi pioché ailleurs). Tout ce qui concerne la jeunesse de Margaret Roberts est très bon. C'est une autre actrice qui s'illustre dans ces scènes, Alexandra Roach, excellente en jeune fille de boutiquier, reçue à Oxford, qui va rencontrer l'amour en même temps qu'elle va bousculer le monde compassé et machiste de la politique britannique. On ne l'a pas dit assez, mais ce film est encore plus violent à l'égard des membres du Parti conservateur qu'à l'égard de ses adversaires travaillistes. Je rassure toutefois les lecteurs de droite : la gauche est uniformément représentée comme une bande de vieux cons archaïques !
La critique a mal accueilli l'angle féministe du film... parce que Thatcher ne l'était pas. Certes. Mais sa réussite n'en constitue pas moins la preuve qu'une femme issue de la petite bourgeoisie, sans piston particulier, peut accéder aux plus hautes fonctions et se montrer aussi impitoyable, aussi tenace, aussi intransigeante que le plus "burné" des politicards de sexe masculin.
Pour moi, le film n'est pas malhonnête parce que les défauts comme les échecs de M. Thatcher ne sont pas tus mais, comme l'action est plutôt montrée du côté de l'héroïne, on ne peut pas dire que l'aspect critique soit très approfondi...
Il reste le portrait de l'animal politique, à mon avis réussi.
13:53 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
dimanche, 18 mars 2012
Exposition au musée Fenaille
Le musée a des réserves bien garnies, dans lesquelles il a pioché pour nous proposer ses "Curiosités et merveilles", dans une exposition visible jusqu'au 20 mai 2012.
Dans la première salle, il est question de la IIe République. Un drapeau tricolore "Liberté Egalité Fraternité - Vive la République", brandi sur les barricades de 1848, un peu amoché, a atterri en Aveyron (en 1852). A côté de lui, on a disposé des fragments du gilet de l'archevêque de Paris, monseigneur Affre, né à Saint-Rome-de-Tarn, tué sur les barricades en juin 1848. (Il a sa statue place de la cité, à Rodez.)
Sur le mur opposé se trouve une étrange bannière, offerte à l'Aveyron en 1849 :
Dans l'exposition, c'est l'autre côté qui est montré, sur lequel est écrit "République française - A l'Aveyron - Les Pyrénées-Orientales". Cet objet est lié à un procès en cour d'Assises, qui s'est tenu à Rodez en 1849 : six Perpignanais, défendus par l'Aveyronnais Louis Bouloumié (fils d'un ancien maire de Rodez, qui a développé la station thermale de Vittel), ont été acquittés... alors que les autorités avaient sans doute pensé qu'un jury issu de ce département conservateur aurait immanquablement condamné des insurgés républicains.
Cette première salle est remplie d'objets collectés en Afrique et en Amérique, au XIXe siècle principalement. Cela va d'un bouclier touareg à des parures (dorsale et pectorale), en passant par des statuettes, des sagaies, des gourdes et un poignard. Les donateurs sont des militaires ayant opéré outre-mer, des médecins / infirmiers, des religieux, des fonctionnaires coloniaux ou des commerçants.
Dans les salles suivantes, l'Asie est plus présente. On est saisi par la minutie du travail qui a conduit à la fabrication de la maquette d'une jonque, en ivoire, bois et tissu :
Elle est accompagnée de pipes et boîtes à opium, rapportées d'Extrême-Orient... par un missionnaire !
Mais la plus belle pièce est sans conteste le portrait d'une jeune Chinoise, sur verre :
(Cette minable capture d'écran ne rend absolument pas compte de la beauté de l'objet, saisissante.)
La salle du bout contient d'autres objets rapportés d'Afrique (une cartouchière notamment), d'Asie ou d'Amérique (des pointes de flèches), ainsi que des éléments inclassables, comme un tatou... et un cochon à cinq pattes (venu de la commune aveyronnaise d'Espeyrac) :
Sur place, il faut bien tordre le cou pour apercevoir l'animal en entier. A-t-il été tué jeune pour rejoindre une collection ?
Cet aspect morbide est contrebalancé par une grivoiserie : un jeton de maison close, dont la gravure est très explicite... (Si vous voulez en savoir plus, allez voir l'expo, bande de cochons !)
Les curieux s'attarderont aussi sur une drôle de bonbonnière, censée contenir de la terre placée dans les fondations de la colonie romaine, il y a plus de 2 000 ans.
Signalons que la première salle contient elle aussi quelques "perles", comme le couteau de chasse du contrebandier Mandrin (à la bande duquel un film a été récemment consacré) :
Comment ce couteau est-il arrivé en Aveyron ? Tout ce que je peux dire est qu'un noble local a joué un rôle dans le "transfert" de l'objet...
Plus douteuse est l'origine du pommeau de canne (accompagné de son fac-similé) réputé ayant appartenu à Adelard de Flandres, fondateur mythique de l'hôpital d'Aubrac :
Bref, cette exposition est passionnante, plus riche encore que ce que laisse entrevoir le sujet diffusé sur France 3 Quercy-Rouergue. Elle invite aussi à retourner aux collections permanentes du musée, des statues-menhirs aux pièces de monnaie frappées à Mexico, en passant par la cité gallo-romaine et la chevalerie.
12:20 Publié dans Aveyron, mon amour, Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, histoire, culture, art, afrique
dimanche, 19 février 2012
Concordance des temps
On dit que l'histoire ne se répète pas, mais, parfois, elle a tendance à furieusement bégayer. Cette réflexion m'est venue à l'esprit à la lecture d'un texte, dont voici un extrait :
" N'a-ce pas été un spectacle bien surprenant dans le cours des dernières Guerres, de voir Louis XV, ce grand prince que les Puissances les plus formidables de l'Europe liguées ensemble, n'avaient pû faire fléchir un instant, être forcé d'avoir recours à ces Financiers, et les prier pour ainsi dire, de lui fournir les moyens de s'opposer aux desseins de ses ennemis, et d'un autre côté ces hommes durs et intraitables voulant traiter avec ce Prince d'égal à égal ; et choisissant ces temps de calamité pour exiger des Loix onéreuses à ses Peuples."
C'est extrait du Testament politique de Louis Mandrin, sans doute rédigé en 1755. Plus loin, dans une lettre adressée à l'auteur, on peut lire :
"Les Fermiers ont eux seuls plus d'or et d'argent que l'en ont ensemble tous les autres particuliers de la France. Parce que quarante personnes ont les Fermes de l'Etat, quatre cent mille Ménagers [petits paysans propriétaires] ne peuvent pas subsister, parce que trois cents Maltotiers [collecteurs d'impôts] regorgent des choses superflues, trois millions de sujets manquent des choses nécessaires."
Aujourd'hui, la guerre économique a remplacé les affrontements armés, dans le monde occidental. Mais de nouveaux rapaces sont apparus. Ils ne collectent plus l'impôt pour le roi, mais prêtent l'argent au souverain... et échappent au fisc.
P.S.
La Ferme Générale était si impopulaire que sa suppression fit partie des grandes réformes de la Révolution, menée en 1790-1791. Le ressentiment était encore tel qu'en 1794 l'exécution de la plupart des anciens fermiers généraux parut une action de justice.
15:43 Publié dans Economie, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, économie, crise, histoire
samedi, 28 janvier 2012
Troisième salve sur Jeanne d'Arc
J'ai attendu qu'un peu de temps soit passé avant de procéder à un dernier sondage de la Toile. Cela m'a permis de récupérer des caricatures publiées dès le début du mois de janvier (et qui m'avaient échappé) ainsi que d'autres, plus récentes. On peut les classer en plusieurs catégories.
Logiquement, ainsi que je l'ai relevé dans mon premier billet consacré à ce sujet, on remarque que les dessinateurs internautes ont souvent choisi d'illustrer la concurrence entre Nicolas Sarkozy et le Front national. Ainsi, Romain Broussard (qui a un joli coup de pinceau numérique, je trouve), pointe le côté nécrophile de la tentative de récupération :
Reste à savoir qui prend l'avantage sur l'autre. Reginald Stockart propose une interprétation ambiguë :
Nicolas Sarkozy est-il à la poursuite de la Pucelle, dont il essaie de récupérer une partie de l'aura dont elle jouit auprès de la population française ou bien a-t-il une longueur de retard sur une grande blonde (Marine Le Pen) dans la récupération de Jeanne ?
C'est aussi ce que semble sous-entendre Frap :
Mais plusieurs caricaturistes ont plutôt senti que le président de la République avait réussi son coup. Ainsi, sur le site islamogauchiste al-har, on trouve l'une des rares représentations (peu ressemblante) d'un Jean-Marie Le Pen furieux :
Aurel, lui, a choisi de montrer le dépit de sa fille Marine, qui peine(rait) à recueillir les 500 parrainages nécessaires à sa candidature à l'élection présidentielle :
On retrouve ici je jeu de mots sur les "voix" (celles qu'on croit entendre et celles qu'on espère récupérer). Au passage, je suis d'avis qu'il y a une belle hypocrisie chez ceux qui évoquent la collecte des 500 parrainages. Tout le monde sait très bien que Marine Le Pen sera candidate en 2012 et donc qu'elle aura recueilli les fameuses 500 signatures. Mais, comme le nombre d'élus FN est trop faible, elle a besoin du paraphe de politiques qui ne sont pas de sa sensibilité... et ceux-ci ne doivent pas donner l'impression qu'ils donnent leur parrainage trop facilement... N'oublions pas que 2014 sera une autre année électorale cruciale, pour le personnel politique local.
Sur Rue89, j'ai trouvé une autre illustration du rôle des voix, que l'on trouvera plus ou moins angélique :
La réponse de Jeanne a aussi souvent inspiré les dessinateurs de la Toile, soit en réponse brute de décoffrage, dans le style très stylisé de Z'arno (dont je recommande le blog, où l'on peut notamment trouver une fort belle illustration des ralliements de droite à François Bayrou...) :
... soit en liaison avec les Le Pen, comme chez Axl :
On remarque aussi que, dans l'épopée johannique, certains caricaturistes privilégient l'image du bûcher. Il s'agit éventuellement de suggérer que l'on inflige un nouveau supplice à la pauvre Jeanne, comme sur le site lafenschagauche :
Si l'association avec la flamme du FN n'est pas des plus originales, l'ajout du commentaire de Jeanne ne manque pas de sel.
Mais, plus fréquemment, le bûcher est relié à l'avenir politique de Nicolas Sarkozy, qu'on imagine sombre, comme sur Bakchich :
Le point de vue est encore plus militant sur le blog de Joël Heirman (on passe du questionnement hypothétique à l'invitation à l'action) :
Quand ce n'est pas le bûcher qui a inspiré les dessinateurs, c'est le verbe "bouter"... parfois de manière vraiment peu subtile, comme sur onceuponatribe, qui propose un drôle de mélange entre Jeanne d'Arc, Claude Guéant, l'expulsion des immigrés et les élections à venir :
Mais c'est parfois plus élaboré. J'ai noté le lien étabi avec la difficulté à lutter contre la crise économique, par exemple chez Iturria :
Les lecteurs attentifs auront remarqué l'erreur de datation sur le site de Sud-Ouest. Le dessin a été mis en ligne le 7 janvier, pour une publication papier dans l'édition du 8 janvier (2012), qui était bien un dimanche, contrairement au 8 décembre (2011), qui était un jeudi.
La meilleur caricature du genre est pour moi celle de Makowh :
Il réussit le tour de force de réunir la pêche aux voix, le verbe "bouter" (jeux de mots à la clé) et la crise économique... avec, en bonus, l'assimilation des électeurs aux moutons ! Cela nous ramène d'ailleurs aux représentations du FN. Nombre d'internautes, dessinateurs (comme Damien Chavanat) ou pas, pensent que ceux qui tombent dans le panneau (qu'il soit tendu par N. Sarkozy ou M. Le Pen) sont des benêts :
Mais le plus étonnant est qu'en raison de la richesse de l'actualité du mois de janvier, François Hollande a fait irruption dans les commentaires johanniques, ainsi que je l'avais déjà remarqué dans mon deuxième billet consacré à ce sujet. Nicolas Sarkozy doit se battre sur deux fronts... et, finalement, le plus périlleux n'est pas celui qu'on croit, selon Mediapart :
C'est au point que Jeanne est parfois représentée (par Reginald Stockart) préférant le président du Conseil général de Corrèze à l'ancien maire de Neuilly :
Cela culmine quand, au Panthéon hollandien, sous la plume de René Le Honzec, la Pucelle fusionne avec la référence mitterrandienne, la seule véritablement revendiquée par le candidat du PS :
Notons que ce dessin est une sorte d'image en miroir de celui proposé la veille :
Mais cessons-là l'examen de ces tentatives de récupération (que l'on pourrait poursuivre, tant l'iconographie johannique numérique est riche). Sachez qu'elles ont lassé certains internautes, qui n'ont voulu représenter la Pucelle que vierge de toute référence politique. C'est sans doute à une femme, Ancelotte, que l'on doit la production la plus exaspérée :
Plus douce (voire sulpicienne) est la protestation de Bap (signature de "blogue à part") :
C'est d'ailleurs sur le même site que, deux jours plus tard, on peut trouver l'une des plus belles représentations de Jeanne en armes... mais neutre politiquement :
Cette dernière est une sorte de pied-de-nez aux nationalistes intransigeants, puisqu'elle est un détournement de la statue d'Emmanuel Frémiet, située place des Pyramides, qui elle-même fait l'objet d'un détournement de sens par le Front national :
16:31 Publié dans Jeanne d'Arc, Politique, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, actualité, actualite, politique, médias, jeanne d'arc, sarkozy, hollande
dimanche, 22 janvier 2012
J Edgar
Clint Eastwood s'est donc "attaqué" à la biographie de l'ancien directeur du FBI, John Edgar Hoover. Le titre est révélateur de la célébrité de cet homme de l'ombre, qui ne s'est pas contenté de se faire un nom, mais aussi un prénom... et même deux ! Le film montre bien que la manière dont une personne s'adressait à lui ("Mister Hoover", "John", "Edgar") révélait la nature de leurs rapports.
Le réalisateur s'attarde sur le "privé". Le jeune homme n'a pas digéré sa relation oedipienne avec sa mère, ce qui l'a sans doute handicapé dans sa vie sentimentale. A un moment, Eastwood nous montre le film qu'il aurait pu faire, si quelque chose de charnel s'était noué entre le jeune Edgar (Di Caprio éblouissant, aussi bien jeune que vieux) et sa future collaboratrice, Helen Gandy, incarnée avec brio par Naomi Watts. Les deux personnes semblent faites du même bois : dévouées à leur travail et à une certaine idée des Etats-Unis.
La part la plus délicate est la peinture de la relation homosexuelle qui liait Hoover à son bras droit, Clyde Tolson (Armie Hammer, lui aussi excellent ; on l'avait remarqué dans The Social Network). Dans la première moitié du film, Eastwood semble marcher sur des oeufs, lui l'hétérosexuel viril flamboyant des années 1960-1990. Dans la seconde partie, il représente ce quasi-couple comme il l'aurait fait d'un homme et d'une femme... en évacuant le côté sexuel toutefois.
Le film est aussi réussi (et inabouti) dans son traitement du parcours professionnel de Hoover. On nous le dépeint comme un jeune ambitieux propre sur lui, très pointilleux sur le respect des convenances et de la loi. Très tôt (dès l'après-première guerre mondiale), il a la passion de combattre le crime (avec l'exemple emblématique de l'affaire Lindbergh) et le communisme.
Les partis pris d'Eastwood (le républicain) sont visibles dans la manière dont il choisit d'illustrer les relations ambiguës entretenues par le chef du FBI et les hôtes successifs de la Maison Blanche. Il est plutôt question des présidents démocrates : Roosevelt et JFK. La gué-guerre menée par Hoover contre Martin Luther King est elle aussi montrée du point de vue du chef du FBI. Du coup, sont cités dans le film essentiellement les défauts de ses adversaires... et j'ai trouvé que les magouilles de Hoover ont été singulièrement édulcorées.
Le plus paradoxal est que sa carrière prend fin quand est élu président celui qui, a priori, pouvait sembler le plus proche de ses convictions : Richard Nixon. Mais Eastwood prend soin de laisser entendre que le nouveau patron n'a rien à envier au vieil Edgar, question magouilles. (La fin contient une préfiguration de l'affaire du Watergate.)
Eastwood a voulu mêler le mélo au film politique. Le mélange tient bien la route, parce que c'est bien joué, bien filmé et que la musique (signée Clint) est chouette. C'est plutôt l'histoire intime qui est la mieux traitée, selon moi. La vie professionnelle de Hoover durant l'Entre-deux-guerres est bien restitutée. Mais son action dans les années 1940-1960 n'est pas étudiée de manière approfondie. Cela aurait sans doute conduit Eastwood à trop se distancier de son "héros", ce qui n'était visiblement pas dans ses intentions.
15:33 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
vendredi, 20 janvier 2012
Pauvre Jeanne !
La Pucelle de Lorraine intervient dans l'actualité de manière décidément bien surprenante... toujours à son corps défendant, d'ailleurs. Récemment, on l'a associée à Nicolas Sarkozy, les Le Pen père et fille... et même François Hollande !
La semaine dernière, c'est dans l'Aveyron qu'un curieux événement s'est produit. On en a eu l'écho dans la presse locale, notamment dans Le Petit Journal, photographie à l'appui :
Il y a fort à parier que le sacrilège se soit produit à l'occasion d'une de ces beuveries étudiantes dont on peut percevoir les conséquences sonores et (semi-)liquides chaque semaine que Dieu fait. Mais regardons plus attentivement la photographie :
Eh, oui ! Il semble bien qu'une personne facétieuse ait placé un gobelet dans la main gauche de la sainte. Voici ce à quoi ressemblait la statue avant cet acte de terrorisme :
C'est à propos du contenu du gobelet que les organes de presse divergent. Si le correspondant du Petit Journal se désole que le verre soit rempli d'eau, son confrère de La Dépêche du Midi semble y a voir vu autre chose quelques jours plus tôt :
Il n'est tout simplement pas impossible que les pluies récemment tombées sur l'Aveyron aient contribué à modifier le contenu du gobelet... Voilà une "intervention du ciel" que n'aurait pas reniée celle qui s'est évertuée à moraliser le comportement de ses troupes !
22:07 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Jeanne d'Arc, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, histoire, jeanne d'arc, société
dimanche, 25 décembre 2011
Welcome in Vienna
Sous ce titre viennent d'être reprogrammés (certains pour la première fois en France) trois films, le dernier donnant le titre à l'ensemble, initialement nommé Wohin und zurück (que l'on pourrait traduire par "Vers où et de retour"... on a eu raison de changer, même si le titre d'origine explique bien le parcours global de certains personnages). L'auteur est un Autrichien, Axel Corti.
Le premier volet est Dieu ne croit plus en nous. Il commence par les conséquences de la Nuit de Cristal, principalement les destructions subies par les commerces tenus par des juifs, la mort de certains d'entre eux (dont le père du personnage principal) et l'emprisonnement de survivants. On y voit la lâcheté de nombre de Viennois chrétiens (qui ont accueilli l'Anschluss avec enthousiasme, rappelons-le). L'un d'entre eux est particulièrement mis en lumière : une sorte de policier municipal, qui met la main sur une partie des biens de la famille expropriée, qui va aider le jeune héros à fuir le pays... tout en servant ses intérêts. Ferry Tobler rencontre quelques figures charismatiques, comme Alena et celui que l'on surnomme Gandhi, farouchement antinazi.
La suite se déroule en France (on y entend donc parler notre langue, parfois maladroitement). Les réfugiés autrichiens tentent de se débrouiller, dans un pays lui-même pas en très grande forme sur le plan économique. Le début de la guerre complique leur situation : de nationalité allemande, ils sont enfermés dans des camps d'internement. Autant le dire : cette partie n'est pas à la gloire de la France. Même si certains habitants portent assistance aux réfugiés juifs, force est de constater que beaucoup les perçoivent comme un problème. Les séquences montrant la vie dans le camp d'internement sont vraiment remarquables. On notera que les auteurs du film semblent avoir été frappés par la présence de policiers et gendarmes noirs (antillais sans doute). En 1940, les héros décident de gagner la zone non occupée, puis de partir pour les Etats-Unis.
C'est donc dans ce pays que se déroule le deuxième volet, Santa Fe. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, l'action ne se déroule pas au Nouveau Mexique (où le personnage principal de ce film, Freddy Wolff, rêve de refaire sa vie), mais à New York. On y voit cette communauté juive tenter de survivre, tant bien que mal, entre la nostalgie du pays d'origine, la peur du nazisme (on a souvent encore de la famille en Europe) et les nécessités de la vie quotidienne. L'Amérique n'est pas encore totalement sortie de la crise des années 1930... et le pays est dur à ceux qui ont peu. La plupart (comme le vieux médecin, qui pousse quasiment son épouse à mendier) connaissent le déclassement social. Le cinéaste réussit à restituer la complexité du tissu social, montrant le décalage entre ce que chacun veut montrer et sa situation réelle. J'ai particulièrement apprécié le personnage de Popper, vieil homme qui se place volontiers au centre du cercle de débrouillardise, cachant sa propre détresse. Une histoire d'amour se noue entre la fille de l'épicier-poète et le héros, très tourmenté. Celui-ci ne voit finalement son avenir que dans le retour au pays natal.
Cela nous mène donc au troisième volet, Welcome in Vienna. Le titre est bien entendu ironique. Le film va illustrer l'écart entre le bon accueil reçu par les soldats américains (parmi lesquels on retrouve Freddy) et le fond antisémite qui persiste. L'histoire commence avec la progression des troupes alliées, en Alsace d'abord. C'est l'occasion pour les deux héros de rencontrer un personnage trouble, le Viennois Treschensky (brillamment interprété), d'abord leur prisonnier, puis en fuite, qu'ils retrouvent dans un café-concert de la capitale autrichienne, en incontournable homme à tout faire, aux relations troubles. Une romance se noue entre Freddy et la fille d'un hiérarque nazi qui a su se vendre aux nouveaux vainqueurs (les cinéphiles se rendront compte à ce moment-là que The Good German a puisé à bonne source). Entre la fin du conflit mondial et le début de la Guerre froide, la morale a peu de place dans cette ville à moitié détruite. En gros, c'est chacun pour soi. On sort de là pas très optimiste à propos du genre humain.
De manière générale, on voit que l'auteur a une formation théâtrale. Il a d'ailleurs dû puiser dans ce vivier pour distribuer les rôles. Cela se sent parfois. Il faut dire que les films ont 25-30 ans. La manière de jouer a un peu changé depuis. Mais ce n'est gênant qu'à la marge. La grande force de cette trilogie (rééditée grâce à un Français, Jean Labadie, et à sa société Le Pacte) est l'aspect quotidien qu'elle donne ce pan de l'histoire contemporaine, le mariant avec des histoires d'amour, de jalousies et d'ambition. C'est très fort.
13:37 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema, histoire
samedi, 17 décembre 2011
L'Ordre et la Morale
Mathieu Kassovitz nous livre sa vision de l'affaire d'Ouvéa (en Nouvelle-Calédonie... mais le film a été tourné en Polynésie), qui a surgi en pleine campagne présidentielle de 1988. Le titre est extrait d'un dialogue du film. Cette expression est mise dans la bouche de Bernard Pons (très bien interprété par Daniel Martin), ministre des DOM-TOM à l'époque. On pourrait aussi l'analyser comme le résumé du conflit intérieur qui mine le personnage principal, le capitaine Legorjus : doit-il faire passer sa mission militaire avant ce qu'il estime être l'intérêt général ?
Le problème est que Mathieu Kassovitz, qui incarne le chef du GIGN, semble n'avoir pas pris (suffisamment) de recul vis-à-vis de qu'a pu dire et écrire Philippe Legorjus. Du coup, sur le plan factuel, le film oscille entre le respect d'une version "tiers-mondiste", qui vise à prendre le contrepied de ce qui a été affirmé par les autorités françaises à l'époque, et un regard plus distancié, qui conduit le cinéaste à dresser un portrait plus nuancé des protagonistes.
Ainsi, il a souvent tendance à faire de son héros (qu'il n'interprète pas très bien, à mon humble avis) un type au-dessus du lot, quitte à lui donner un rôle (dans les négociations, dans l'assaut) qu'il n'a pas eu. (Il ne cache toutefois pas ses faiblesses.) A l'inverse, les militaires de l'armée de terre sont quasi systématiquement dépeints de manière négative, alors que les défauts des preneurs d'otages kanaks sont présentés comme véniels, bien qu'ils aient tué. On peut malgré tout reconnaître au réalisateur la volonté de donner la parole à tous les protagonistes, même si c'est à travers une version réécrite de l'histoire.
C'est à propos de l'assassinat des quatre gendarmes que les choix de Kassovitz sont particulièrement perceptibles. Alors que les médias, à l'époque (ainsi qu'on peut le voir et l'entendre sur le site dédié au film), ont systématiquement parlé de "massacre à l'arme blanche" (ou à la machette), le cinéaste choisit de ne mettre en scène que des morts par arme à feu, même si l'on peut voir que certains assaillants sont munis du fameux tamioc. Or, le fils de l'une des victimes a semble-t-il apporté la preuve qu'au moins un gendarme a été achevé à coups de machette :
La vérité est donc dans un entre-deux indéterminé, entre la version polémique du gouvernement français de l'époque (et de certains militaires aujourd'hui) et la version engagée des défenseurs des Kanaks. On pourrait appliquer la même démarche à propos de la fin de l'assaut de la grotte et des exécutions : il n'est pas possible de nier, comme le font encore (maladroitement) quelques militaires, que plusieurs des Kanaks ont été exécutés (ou peut-être achevés d'une balle dans la tête). Cependant, il est excessif d'affirmer que l'assaut a été mené comme une entreprise de massacre systématique. On pourrait continuer longtemps ce petit jeu, en s'intéressant à d'autres aspects du film, mais on est quand même là pour causer de cinéma.
Alors, ce long-métrage est-il une "bouse" infâme ? Non ! D'abord parce qu'il ne manque pas de souffle. On sent que Kassovitz a vu et revu de grands classiques, comme Apocalypse now, Voyage au bout de l'enfer ou La Ligne rouge. S'il n'a pas le talent de Coppola, Cimino ou Malick, il sait néanmoins mettre en scène des groupes en action. Il réussit à planter le décor et créer un climat de tension, même si l'on peut regretter le côté "gros sabots" du compte à rebours qui nous rapproche inexorablement de l'assaut final.
C'est en général correctement joué. Les militaires sont assez convaincants et, côté kanak, il faut signaler la performance d'Iabe Lacapas, impressionnant en Alphonse Dianou (le chef des preneurs d'otages). On peut aussi apprécier le film pour la vision nuancée et approfondie qu'il offre du peuple kanak, à travers les personnages des anciens, très dignes, pacifiques, bien joués. On sera néanmoins agacé par le parti-pris du réalisateur, qui ne montre les "jeunes" quasiment que sous un jour favorable, et qui sous-estime leur violence. Il commet d'ailleurs sans doute une erreur à propos d'une conséquence de l'affaire d'Ouvéa : le film sous-entend que Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné ont été tués parce que le FLNKS a lâché les preneurs d'otages, alors qu'il semble plutôt qu'ils ont été abattus par un extrémiste de leur camp qui leur reprochait d'avoir finalement négocié avec le gouvernement français.
Le film se veut aussi un brûlot politique. Il donne un aperçu des arcanes de la première cohabitation finissante, de la rivalité Chirac-Mitterrand, tous deux en course pour la présidentielle. Cela nous vaut une série de bonnes petites scènes (où s'illustre notamment Philippe Torreton, bien remis du tournage de Présumé coupable). On n'en sort pas avec une bonne image de la chose publique, et c'est dommage, parce que juste après la présidentielle de 1988, les événements ont pris une autre tournure, plus apaisée (grâce aux Accords de Matignon), propre au contraire à faire croire en la politique.
10:15 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
jeudi, 01 décembre 2011
Tous au Larzac
Voilà donc ce documentaire consacré à la lutte des paysans des Causses contre l'agrandissement du camp militaire de La Cavalerie. Il est attendu depuis plus de deux ans : il était déjà en gestation au moment de la sortie de Les Brebis font de la résistance, en avril 2009.
Ce film a été pour moi source de deux agréables surprises. Tout d'abord, même si les auteurs éprouvent une évidente sympathie pour les révoltés larzaciens, leur film se veut d'abord une histoire rigoureuse de la lutte et de son contexte. Ensuite, bien que cela dure presque deux heures, on ressent peu la longueur, ce qui est assez rare pour un documentaire. Je pense qu'un gros travail pédagogique a été fait au moment du montage, qui alterne différents entretiens, images d'archives et paysages magnifiques.
Que les allergiques à José Bové se rassurent : il n'apparaît qu'au bout de 40 minutes et il n'est pas particulièrement mis en avant par rapport aux "historiques" du combat que sont par exemple Léon Maillé, Guy et Marisette Tarlier, Pierre et Christiane Burguière. Le rôle des femmes est mis en valeur, sans que cela soit ostentatoire.
Ces deux heures se justifient tant la lutte (10 ans, au sens strict) fut, contrairement à ce qu'une lecture rapide des événements laisserait croire, longue, difficile, à l'issue incertaine. Les relations avec les commerçants de La Cavalerie et certains militaires furent très tendues. Une des bergeries fut même plastiquée. Vers la fin du film on comprend que, sans l'élection de François Mitterrand (dont la venue sur le Larzac fut peut-être le théâtre d'un complot policier) à la présidence de la République, les rebelles auraient sans doute fini par céder.
Et pourtant, ils furent aussi pacifiques qu'inventifs (et drôles, parfois). Je reste épaté par la ténacité dont ces personnes ont fait preuve pour organiser les actions non violentes qui ont tant marqué leur époque. Pour que le film soit complet, il manque peut-être le point de vue des enfants de ces militants, dont la jeunesse a dû être marquée à la fois par l'enthousiasme de la lutte mais aussi les difficultés d'une vie quotidienne perturbée par un combat dont on avait du mal à voir la conclusion.
Le film fait aussi le lien entre les luttes du passé et celles du présent. Ce n'est pas forcément la partie la plus convaincante, mais bon, l'ensemble mérite quand même le détour.
P.S.
Signe que les temps ont changé, le sénateur du Sud Aveyron (élu en 2008), Alain Fauconnier, un socialiste plutôt proche de la gauche de la gauche, s'est inquiété, dans une question posée au ministre de la Défense et des Anciens combattants (Alain Juppé, à l'époque), du devenir du camp militaire qui, quoi qu'on en dise, est pourvoyeur d'emplois dans la région...
22:49 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
dimanche, 27 novembre 2011
Jeanne captive
On va dire : encore un film sur Jeanne d'Arc ! Cette fois-ci, en dépit du peu d'informations dont on dispose sur l'épopée johannique, le réalisateur, Philippe Ramos, a choisi de concentrer son attention sur trois moments seulement : le début de la captivité de Jeanne, alors aux mains des hommes de Jean de Luxembourg, le passage aux mains des Anglais, avant le procès, puis la dernière période, de l'après-procès au bûcher.
La première période est fondée sur un postulat sans doute faux : une supposée tentative de suicide de Jeanne, prise pour une nouvelle tentative d'évasion. Cette hypothèse était (et reste) la plus vraisemblable : la Pucelle avait déjà essayé de s'enfuir de son premier lieu de détention, le château de Beaulieu. Dans le film, elle se trouve, sauf erreur de ma part, dans le second lieu de détention, le château de Beaurevoir, dont il ne reste plus qu'une tour (Jeanne fut enfermée dans le donjon, aujourd'hui disparu). D'ailleurs, dans l'évocation de la tentative se suicide/évasion, le réalisateur se garde de faire figurer un élément : une corde bricolée à partir de draps et tapisseries, qui aurait cédé au cours de la tentative.
Cette réserve faite, force est de constater que le film "fonctionne" très bien. Il est centré sur l'attitude de Jeanne, souvent incompréhensible à ses geôliers ainsi qu'aux autres visiteurs... et peut-être aux spectateurs contemporains. P. Ramos nous trace le portrait d'une croyante fervente, et même d'une sainte.
Le choix de l'actrice était donc crucial. Ce fut un bon choix. Clémence Poésy (la Fleur Delacour de Harry Potter, aussi remarquée dans Bons Baisers de Bruges) nous fait totalement croire à la foi qui anime cette jeune femme et, cerise sur le gâteau, elle est absolument ravissante (les vicelards esthètes raffinés peuvent même profiter de certaines séquences pour se rincer l’œil) .
Dans la première partie, c'est sa relation avec le guérisseur (Thierry Frémont, excellent) qui est mise en scène... sous la forme d'un drôle de dialogue, puisqu'elle ne lui adresse (presque) jamais la parole. C'est un joli tour de force au niveau de la réalisation... portée par de brillants interprètes, jusque dans les seconds rôles.
La deuxième partie voit intervenir les Anglais, plus ou moins respectueux de la demoiselle. La confrontation est plus dure, mais la jeune femme sort renforcée de sa précédente détention. Elle a décidé de parler désormais. On ne comprend toutefois pas bien comment elle a été amenée à se renier, avant de vite récupérer ses esprits. Par contre, on saisit parfaitement la volonté des Anglais de brûler la "sorcière" ou la "putain". Le réalisateur n'est cependant pas allé jusqu'à mettre en scène des tentatives de viol. Il se contente d'une version édulcorée du processus qui conduit Jeanne à être relapse, mais il la tourne bien.
J'ai aussi aimé la manière dont est montré le doute que la Pucelle réussit à instiller dans l'esprit de nombre de ses adversaires. Il y a aussi la peur que la présumée sorcière inspire aux esprits faibles, qui la croient capable de moult maléfices.
Reste la mise à mort, qui est l'occasion de découvrir l'entourage, la population. Le réalisateur met à l'image quelques habitants de Rouen, mais surtout les Anglais dans leur diversité, auxquels il oppose deux religieux : un moine (Jean-François Stévenin, correct) et un prédicateur illuminé (Mathieu Amalric, supportable). La toute fin m'a moyennement plu, avec ce jeune couple (qu'on a découvert peu auparavant) qui s'ébat. On a visiblement voulu contrebalancer la mort de la sainte par la naissance d'un amour. Mouais...
P.S.
Le réalisateur et l'actrice principale ont participé, en compagnie d'un historien, à l'émission Les femmes, toute une histoire, le 13 novembre, sur France Inter.
14:00 Publié dans Cinéma, Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéùa, cinema, film, histoire
samedi, 12 novembre 2011
Une Vie avec Oradour
Ce documentaire est consacré, comme son titre l'indique, au massacre d'Oradour-sur-Glane. Il n'est pas le premier (et sans doute pas le dernier). Le réalisateur a donc adopté une démarche originale, comme il l'explique dans le passionnant dossier de presse publié à l'occasion de la sortie du film : il suit l'un des deux derniers rescapés encore en vie, Robert Hébras (auquel Libération a récemment consacré un joli portrait). Celui-ci raconte donc cette journée comme il l'a vécue.
D'autres témoins ont été sollicités. Au final, le film réussit le tour de force de raconter de manière objective un événement, à partir de visions subjectives.
Ceux qui se sont déjà rendus dans le village en ruines (dont une reconstitution en images de synthèse a été réalisée) reconnaîtront certaines rues et certains bâtiments. A travers les descriptions du rescapé, on suit à la fois le déroulement du massacre et son parcours de survie.
La deuxième partie du film est consacrée à l'après-guerre. Le village est reconstruit à côté, laissant les ruines en place. Il faut vivre avec la douleur, l'absence des êtres aimés. Les survivants se font passeurs de mémoire. On suit l'évolution de Robert Hébras, dont on comprend qu'il fut sans doute longtemps germanophobe, avant de pouvoir faire la distinction entre les criminels de l'époque et les Allemands d'aujourd'hui. A ce sujet, une séquence émouvante le montre en compagnie d'un groupe d'élèves venus d'Allemagne avec leurs enseignants. C'est l'un des très beaux moments du film.
On peut aussi y dénicher quelques "perles", comme ces extraits d'un documentaire allemand (eh oui !) tourné il y a plus de vingt ans. On y voit un Robert Hébras plus jeune présenter une partie des ruines devant des journalistes venus d'outre-Rhin. On y voit aussi l'un des responsables du massacre, Heinz Barth, aujourd'hui décédé. Il se déclarait très surpris d'apprendre qu'il y avait eu des survivants...
Cela nous amène au procès de 1953, qui a vu s'opposer deux mémoires des victimes : celle des habitants d'Oradour et celle des "Malgré-nous", Alsaciens et Mosellans engagés de force dans l'armée allemande (voire les SS) : 13 d'entre eux (dont un engagé volontaire) étaient membres de la troupe qui a perpétré le massacre.
Pour complexifier le tout, ajoutons que, parmi les 642 victimes, figurent des réfugiés originaires d'Alsace-Moselle (n'oublions pas que ces deux territoires ont subi, en 1940, une nouvelle annexion allemande), notamment du village de Charly, situé à proximité de Metz. A sa demande, il obtint de changer son nom en Charly-Oradour.
Même si le film est bien fichu, je pense que rien ne remplace la visite des lieux. L'accès aux ruines est gratuit. Sur certains bâtiments, des plaques apportent des éléments d'explication. Mais peut-être vaut-il mieux commencer par la visite du Centre de la mémoire, qui explique le contexte du massacre et élargit à toute la Seconde guerre mondiale (et au-delà).
15:06 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema, histoire
dimanche, 06 novembre 2011
La Couleur des sentiments
Ce n'est pas le titre d'origine, qui est The Help ("La Domestique" ou "La Femme de ménage"), directement inspiré du livre écrit par Kathryn Stockett, dont la biographie n'est pas sans ressembler à celle du personnage de Skeeter.
Je pense qu'on a changé le titre pour que les spectateurs français adultes fassent le rapprochement avec le film de Steven Spielberg La Couleur pourpre (lui aussi adapté d'un roman). Dans les deux cas, l'action se passe dans le sud des Etats-Unis. Dans les deux cas, les Noirs sont confrontés à la ségrégation. Dans les deux cas, ce sont d'abord des histoires de femmes. La grande différence est l'époque : le début du XXe siècle pour La Couleur pourpre, les années 1960 pour The Help.
C'est donc d'abord un film d'actrices, où les personnages masculins, fait exceptionnel, sont au second plan. Ma préférée est sans conteste Octavia Spencer, qui joue Minny Jackson, une employée à fort caractère, dont les pâtisseries sont renommées. Son gâteau au chocolat va occuper une place particulière dans l'intrigue...
Du côté des Blanches, j'ai apprécié Jessica Chastain, dont le rôle de fofolle contraste fortement avec celui qu'elle a interpété dans L'Affaire Rachel Singer. Bryce Dallas Howard est aussi très bien en insupportable pétasse. Dans un rôle plus difficile (celui d'une mère non raciste, mais qui n'assume pas devant ses fréquentations très traditionnalistes), on peut noter la performance d'Allison Janney, récemment remarquée dans Life during wartime. Enfin, les plus âgés (ou cinéphiles) seront heureux de retrouver Sissy Spacek, qui n'est plus la jeune femme révélée par Carrie au bal du diable, mais une grand-mère caractérielle qui déteste sa fille.
L'histoire tourne autour des relations entre les nounous noires et les enfants dont elles ont (eu) la charge. Ce sont finalement elles qui les élèvent, et non les mères biologiques, accaparées par l'organisation de goûters, de réunions ou de soirées... où toutes les tâches ingrates sont exécutées par les domestiques.
C'est un aspect "quotidien", trivial, de la ségrégation qui joue le rôle de détonateur. En effet, alors que dans presque toutes les circonstances, les législateurs ont prévu de séparer les Blancs des autres, dans les maisons où travaillent les domestiques se pose la question de l'usage des toilettes (et même du papier hygiénique). Au départ anecdotique, le sujet va prendre des proportions inattendues... et franchement cocasses !
C'est le passage par l'écrit qui met le feu aux poudres. L'étudiante blanche anticonformiste, de retour dans sa ville natale, constate qu'elle tranche sur l'opinion moyenne des gens de son milieu. Elle décide de donner la parole aux employées noires... avec les risques que cela comporte. Ce film est donc aussi un hommage à l'écriture, qu'elle soit sous forme journalistique ou romancée.
Et l'amour dans tout cela ? Il est difficile à trouver aussi bien pour les Blanches que pour les Noires. Les hommes noirs sont singulièrement absents de cette histoire (à une exception près). Les rares fois où il en est question, les maris sont dépeints comme violents. Du côté des Blancs, le tableau n'est pas meilleur. S'ils ne frappent pas leurs épouses, les maris imposent quand même leur loi et, quand ils sont gênés, ils ont tendance à se défiler. Quelques (rares) figures viennent heureusement nuancer ce tableau peu réjouissant. (Signalons que le film a été réalisé par un homme !)
14:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, histoire
samedi, 15 octobre 2011
La Grotte des rêves perdus
J'ai fait un peu de route pour voir cet étonnant documentaire, consacré à l'un des lieux emblématiques de l'art préhistorique en France, la grotte Chauvet (du nom de l'un de ses découvreurs). Le paradoxe est que, même si Arte et le ministère de Culture français ont contribué au financement, c'est un film anglo-saxon, dans lequel les intervenants français s'expriment le plus souvent dans la langue de Shakespeare.
Le déroulement suit une trame chronologique. Le début n'est pas en 3D, parce qu'il s'agit de la première prise de contact avec la grotte, caméra amateur en main. Puis, on entre dans le vif du sujet : l'équipe cinématographique a été autorisée à suivre la mission scientifique (seule autorisée à pénétrer dans la grotte). A la fin, elle a même eu droit à une semaine de rab', sans la présence des experts, mais accompagnée d'un guide.
Sur grand écran, en trois dimensions, c'est absolument magnifique. La technologie choisie permet de restituer les effets provoqués par l'utilisation de la forme et des aspérités des parois. La musique d'accompagnement est jouée principalement au violoncelle et à la flûte. Elle alterne avec des parties chantées, d'inspiration religieuse... parce que nous nous retrouvons dans une sorte de cathédrale.
Après nous avoir expliqué les circonstances de la découverte de la grotte, la voix-off (celle de Volker Schlöndorff dans la version que j'ai vue) nous emmène, en compagnie du réalisateur Werner Herzog, à la découverte de ses principales oeuvres artistiques. Les explications des scientifiques (notamment celles de Jean Clottes) complètent utilement l'approche sensitive que l'image transmet.
Ainsi, on est d'abord face à ces mains positives, dont on finit par apprendre qu'elles appartiennent au même homme, qui a le petit doigt cassé... ce qui va permettre d'identifier son apport aux autres créations situées dans la grotte.
L'un des endroits les plus montrés est cette paroi sur laquelle ont été dessinés des taureaux, des chevaux (magnifiques, aux détails très travaillés... ce qui est d'autant plus remarquable que ces oeuvres, situées dans la partie sombre, ont été réalisées à la lumière de torches rudimentaires !) et des mammouths.
Plus loin se trouve la représentation de félins, des lions des cavernes, dont on déduit que, contrairement à leurs cousins de la savane africaine, ils ne portaient pas de crinière.
Intriguante est cette représentation d'un pubis féminin en présence d'un être mi-taureau mi-homme. Elle est dessinée sur une stalactite isolée, rendue inaccessible aux visiteurs pour protéger le sol qui l'entoure, riche en restes divers. On finit par en avoir une vue plus détaillée dans le dernier tiers du film, grâce à une petite caméra.
On aurait aussi aimé en savoir plus sur les ours des cavernes, dont on aperçoit les crânes ou les mâchoires. L'un de ces crânes faisait visiblement l'objet d'un culte. Plus étonnantes sont ces marques de griffures, sur lesquelles les hommes préhistoriques ont dessiné... ou qui parfois, au contraire, recouvrent des oeuvres humaines plus anciennes.
C'est l'une des leçons de ce film : dans cette grotte le temps ne s'est pas écoulé de la même manière que nous le percevons aujourd'hui. Les humains ont pu l'occuper à des époques diverses, parfois séparées de milliers d'années. Le miracle est que les dessins aient pu être conservés, sans doute grâce à l'effondrement d'une paroi rocheuse, qui a obstrué l'entrée.
22:12 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
samedi, 24 septembre 2011
Deux-trois choses sur certains ancêtres de Nicolas Sarkozy
Je vais rebondir sur un article publié dans Le Monde daté du vendredi 23 septembre (pour la version papier) : "Sarkozy, l'Israélo-Palestinien", signé Natalie Nougayrède. (J'ai naguère beaucoup apprécié la couverture de l'actualité russe par cette ancienne correspondante à Moscou, dont le rappel à Paris m'avait paru soudain. Devenue une sorte d'éditorialiste à l'International, elle a été un temps ostracisée par Bernard Kouchner.)
Commençons par observer l'habillage. J'ai d'abord lu l'article dans la version papier. Il est illustré par ce montage photographique :
Le cadre, rapproché, suggère une grande intimité. Si le président français est plus souriant avec son homologue palestinien, on remarque toutefois que le Premier ministre israélien B. Nétanyahou semble sur le point de lui "rouler une pelle" !
Mais les lecteurs de la seule version numérique se sont vu offrir une autre illustration :
Elle est plus ancienne (Ehud Olmert n'est plus Premier ministre depuis environ deux ans et demi) et plus institutionnelle. Le président français est dans un rôle d'intermédiaire. (Notons au passage que cette image le montre moins âgé, les cheveux moins grisonnants...) Si les sourires sont là, l'ambiance n'est tout de même pas aussi intime que sur la version papier. (Les esprits particulièrement pointilleux auront relevé la légère différence orthographique dans le titre. C'est la version publiée sur la Toile qui est juste... et cela tombe bien : chaque "facette" a droit à sa majuscule... mais pas à la poignée de mains !)
Tout cela nous amène aux ancêtres maternels du président français (dont il est question dans l'article). S'il est bien catholique, fils de deux parents nés catholiques, de quatre grands-parents catholiques, l'un de ceux-ci a connu une vie agitée, comme on peut le lire dans un passionnant dossier publié par Le Nouvel Observateur en 2010.
On apprend que le grand-père maternel de N. Sarkozy, Aron Benedict Mallah, est né dans la communauté juive de Salonique, ville que sa mère a quittée en compagnie de ses enfants après la mort de son époux. Voilà le (futur) grand-père installé en France, très attaché à sa nouvelle patrie. Il épouse Adèle Bouvier et se convertit au catholicisme. Le couple n'a eu que deux filles, Suzanne (sans descendance) et Andrée (la mère de Nicolas). Durant la Seconde guerre mondiale, la famille quitte Paris pour la zone non occupée (jusque fin 1942), puis reste cachée en Corrèze.
Presque tous les frères et soeurs du grand-père Benedict (qui sont demeurés juifs) ont échappé à l'extermination. L'exception est la petite soeur Henriette (née en 1911, peu avant la mort du père de Benedict). D'après Le Nouvel Observateur, elle aurait été déportée en 1943 de Salonique (le berceau familial), où elle était revenue s'installer. Cependant, quand on cherche une Henriette Mallah parmi les victimes de la Shoah, les deux réponses trouvées ne concordent pas totalement avec cette version.
La première Henriette Mallah était plus âgée (née en 1895) et notée comme originaire de Cavalla (Kavala), située dans une région proche de Salonique (Thessalonique) :
Elle a été déportée à Auschwitz à partir de Drancy en avril 1944.
La seconde Henriette Mallah était plus jeune, née en 1911 à Salonique. Cela correspondrait à la grand-tante de Nicolas Sarkozy. Mais elle aussi a été déportée à Drancy puis Auschwitz, en 1944. On peut en déduire que, si c'est bien la bonne personne, l'article du Nouvel Obs contient deux approximations, sur la date et le lieu de départ de la déportation... à moins que la grand-tante ne soit une autre Henriette Mallah, ou que, dans les registres, elle porte le nom de son mari, déporté avec elle et leur fille.
Je penche pour la première solution (une erreur du Nouvel Observateur). Voici pourquoi. Sur un site sépharade qui traite de la déportation des juifs de Salonique, j'ai trouvé l'information suivante :
"Dans une note confidentielle, l'Ambassadeur allemand à Paris, en date du 15 juillet 1943, transmet à Roethke une liste de 32 juifs de Salonique ayant la nationalité française et signale qu'il ont été "expédiés" (abberfördert worden) sans préciser si c'était vers Auschwitz ou Drancy (CDJC, CXXV-32)"
Il est logique de conclure que la soeur du grand-père de Nicolas Sarkozy, si elle était retournée, à un moment de sa vie, s'installer à Salonique (où elle était née), était ensuite revenue en France métropolitaine, d'où elle avait été déportée. Quant à la confusion des dates, elle est peut-être due au fait qu'Henriette Mallah n'a pas été immédiatement envoyée de Drancy à Auschwitz. Elle a pu être internée dans le camp situé au nord-est de Paris dès 1943, avant d'être déportée en Pologne en 1944.
12:59 Publié dans Histoire, Politique, Presse, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, histoire, presse, médias, sarkozy, israël, palestine