dimanche, 09 novembre 2014
De l'autre côté du mur
Sortie en France de manière fort opportune 25 ans après la chute du Mur de Berlin, cette fiction (qui s'appuie sur des éléments autobiographiques) nous replonge dans l'Allemagne de la Guerre Froide, plus précisément dans LES Allemagnes de l'époque, la R.F.A. (libérale et proaméricaine) et la R.D.A. (communiste et prosoviétique).
Le début de l'histoire contient deux ellipses. La première marque le passage, pour la petite famille, de trois à deux personnes. La seconde interrompt l'examen subi par l'héroïne à la frontière des deux Allemagnes. Que s'est-il réellement passé à la douane ? Qu'est-il arrivé à son conjoint soviétique, père du petit Alexej ?
Le réalisateur nous maintient volontairement dans l'incertitude... parce que c'était ce que ressentaient les personnes à l'époque. On évitait de se livrer au premier venu... et même à des amis. Du coup, on ne sait pas ce que cache Nelly, la mère-courage au charme indéniable. (Jördis Triebel est formidable.)
On se demande de qui, parmi les connaissances qu'elle fait au foyer de réfugiés, il faut se méfier. Et elle-même, jusqu'à quel point est-elle fiable ? Ce n'est quand même pas pour rien que les services secrets ouest-allemands, épaulés par une antenne américaine, rechignent à lui donner un sauf-conduit.
Dans le même temps, on suit la difficile adaptation du garçon (très bien interprété). En R.D.A., il faisait partie des Pionniers et avait déjà bien assimilé la rhétorique antifasciste. Il se retrouve face à des gamins plus riches et qui sont éduqués dans un contexte religieux. Il se fait quand même une copine, une adorable petite Russe, plutôt anticonformiste. Mais, au fond, on sent que ce que recherche vraiment le garçon est... un père.
Ses relations avec les adultes sont à comprendre avec cet arrière-plan, tandis que sa mère cherche à se faire une situation et veut à tout prix éviter de (re)tomber dans les griffes de la Stasi est-allemande.
Au niveau de la mise en scène, ce n'est pas particulièrement brillant. On peut quand même relever quelques scènes plus élaborées, qui font intervenir un personnage que l'on croit disparu : l'héroïne a-t-elle des hallucinations ou bien nous cache-t-on quelque chose ?
Pour moi, ce film mérite le détour, parce qu'il réussit à insérer le vécu de personnes ordinaires dans un contexte géopolitique tendu, celui des années 1970.
P.S.
Notons que c'est la deuxième fois cette année (après le poignant D'une vie à l'autre) que le cinéma allemand évoque les années de Guerre Froide à l'aide d'un personnage principal féminin et mère de famille.
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jeudi, 30 octobre 2014
Fury
Cette "fureur" est celle de la Seconde Guerre mondiale... et c'est aussi le nom écrit sur le canon du char de l'équipage duquel nous allons suivre les aventures, pendant un peu plus de deux heures.
Au tout début de l'histoire, il subit un petit renouvellement, l'un des membres ayant été tué. Voilà que débarque un jouvenceau doux comme un agneau (Logan Lerman, vu récemment dans Noé... pas super convaincant), qui va devoir cohabiter avec un Latino plutôt sympa (Michael Pena, un habitué des seconds rôles), un "Américain moyen" très porté sur la Bible (Shia LaBeouf, étonnamment bon), une racaille qui n'a pas peur de grand chose (Jon Bernthal, un peu caricatural) et le "papa" du groupe, un mec à la fois charismatique et mystérieux, incarné par un Brad Pitt très en forme.
Globalement, je trouve que le film se traîne un peu. Le montage manque parfois de rythme, même si certaines séquences sont particulièrement réussies. En tête, je place celles qui font intervenir des combats avec les chars. C'est spectaculaire sans qu'on soit tombé dans le tape-à-l'oeil. La tactique de combat est bien mise en scène. Je pense notamment à la première escarmouche (le traquenard). C'est peut-être poussé un peu trop loin plus tard, lors de l'affrontement avec le Panzer. L'histoire a au moins le mérite de présenter les Allemands comme des adversaires redoutables (les nazis étant dépeints comme des ordures), même si je trouve qu'ils tombent un peu trop facilement sous les balles et les obus yankees.
Les scènes guerrières sont donc globalement plus abouties que celles qui montrent les soldats à l'arrière ou entre eux, dans le char, hors période de combat. (De ce point de vue, Lebanon, un film israélien aux ambitions plus modestes, était plus fort.) Je place toutefois à part l'entière séquence qui se déroule dans la ville allemande tout juste reconquise, avec ces deux femmes qui se retrouvent sous la domination et la protection du "papa" du groupe et du jouvenceau (qui, petit à petit, s'aguerrit). Cela nous vaut une scène extrêmement ambiguë, sur le fond comme sur la forme, puisqu'elle oscille entre tension criminelle et érotisme trouble. Les dames (et certains messieurs) jouiront du coup d'oeil sur le torse de Brad, qui a dû passer un paquet d'heures sur le banc de musculation. Mais la suite immédiate nous en apprend davantage sur le personnage que le reste du film. C'est donc un moment capital de l'histoire.
L'ensemble demeure néanmoins assez convenu. C'est très hollywoodien. On n'a pas osé montrer des soldats américains violant des Allemandes et la représentation du courage de ces hommes somme toute ordinaires n'est pas exempte de clichés. Quant à la séquence du dernier combat, si elle témoigne d'une réelle maîtrise au niveau de la mise en scène, elle n'est pas réaliste. Mais, comme c'est bien joué, bien filmé, on passe un agréable moment.
P.S.
Concernant le personnage interprété par Brad Pitt, je pense qu'il y a un sous-entendu. Il est germanophone et éprouve une haine tenace pour les nazis, en particulier les SS. Comme l'action se déroule à la fin de la guerre, on peut présumer qu'il est au courant des crimes perpétrés en Europe de l'Est. Il est sans doute lui-même originaire du continent, ou y a(vait) de la famille. Sans qu'on puisse rattacher son comportement aux valeurs chrétiennes, il est capable de citer des passages de la Bible (de l'Ancien Testament, si ma mémoire est bonne). Il est peut-être juif.
Dans ce film, Brad Pitt incarne un superman presque ordinaire, désespéré au fond et qui, dans une guerre inhumaine, tente de suivre une voie humaine.
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mardi, 28 octobre 2014
Journaux de guerre n°11
La livraison de jeudi 23 octobre met l'accent sur le génocide des Arméniens par les Turcs (de l'Empire ottoman) :
Fort logiquement, l'affiche en couleurs de grand format qui accompagne ce numéro fait allusion au drame qui se joue, à l'époque, au Proche-Orient. Elle a été créée par le Comité de secours américain aux Arméniens et aux Syriens :
Le paradoxe est que les massacres qui se déroulent en Méditerranée orientale occupent une place relativement réduite dans les journaux français de l'époque... ou alors, leur portée n'est pas totalement perçue.
On commence avec Le Petit Journal du 20 mars 1915. Il s'intéresse surtout aux opérations militaires qui se déroulent du côté du détroit des Dardanelles. On se pose aussi des questions à propos de l'attitude de deux pays neutres (la Grèce et la Bulgarie) voisins de ce nouvel allié de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie :
Parmi les articles anecdotiques dont la lecture peut s'avérer plaisante, je conseille celui qui est intitulé "Femme d'espion". Le plus cocasse se trouve page 4. Il s'agit d'un encart publicitaire dont j'ai parlé vendredi dernier.
Passons à présent au Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée du 7 juin 1915. On peut y lire ce qui est présenté comme une lettre d'un instituteur (parti au Front) à ses élèves. Il y est notamment question des qualités et des défauts des soldats français. Le passage suivant m'a paru d'une singulière lucidité :
Page 2, on trouvera une foultitude d'informations intéressantes. Cela va de la nouvelle constitution danoise (qui octroie le droit de vote aux hommes et femmes âgés de plus de 25 ans) au commerce germano-argentin, en passant par le pavillon français de l'exposition de San Francisco et une affaire de faux-monnayage.
Un autre quotidien régional nous est proposé cette semaine. Il s'agit de La Dépêche de Lyon du 30 septembre 1915. L'éditorial condamne "l'ignoble crime" commis contre les Arméniens. Comme dans Le Petit Journal, on s'interroge sur la position de la Grèce et de la Bulgarie. A ce sujet, je note un fort contraste entre ce que l'on peut lire page 1 et page 2 :
A plusieurs reprises, on perçoit les interrogations de la presse française, qui croit (à tort) que la germanophilie bulgare se limite aux cercles dirigeants (le roi étant issu de la noblesse allemande) et qui sous-estime le poids des tensions (et des ambitions) balkaniques.
Le florilège se termine avec l'un des principaux quotidiens du pays, Le Matin, daté du 10 novembre 1915. Le premier article aborde la question de l'autorité religieuse du sultan ottoman, de nombreux musulmans habitant des territoires soumis aux pays de la Triple Entente. Le papier se veut rassurant. Plus exotique est la correspondance de l'envoyé spécial au Japon (pays qui a rejoint l'Entente), consacrée au statut de l'empereur-dieu Yoshihito (père de Hirohito) :
Plus loin, c'est d'alcool qu'il est question. Le ministre de l'Intérieur Louis Malvy (grand-père de l'actuel président du Conseil régional de Midi-Pyrénées) s'évertue à limiter la vente et la consommation d'alcool :
Précisons que pour les femmes (!) et les mineurs de moins de 18 ans (la majorité est à 21), l'interdiction est totale. Dans la prose du ministre, on sent l'envie sincère de protéger la santé publique, les forces vives de la Nation... et l'intégrité des foyers. Lui fait écho un entrefilet publié en dernière page, qui évoque les conséquences de la consommation chronique d'alcool :
Il y a encore bien d'autres petits trésors dissimulés dans ces journaux d'époque, qu'on lit toujours avec un grand plaisir.
21:40 Publié dans Histoire, Presse, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médias, journalisme, histoire, géopolitique
vendredi, 24 octobre 2014
Une pincée de Valls pour une bonne purge
Il est des coïncidences parfois troublantes. Aujourd'hui, en lisant Le Petit Journal du 20 mars 1915 (disponible dans la dernière livraison de Journaux de guerre, centrée sur le génocide des Arméniens), je suis tombé, page 4, sur une publicité ma foi assez déroutante :
21:28 Publié dans Histoire, Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, presse, journalisme, politique, actualité
mercredi, 22 octobre 2014
Journaux de guerre n°10
Il est paru jeudi 16 octobre, mais on pourra encore le trouver une semaine chez certains marchands de journaux... et, après cela, le commander sur le site officiel.
Le document iconographique est la reproduction d'une affiche de propagande britannique de 1915 :
La présentation de ce numéro met l'accent sur les gaz asphyxiants et le rôle nouveau des engins aériens, en particulier les dirigeables allemands. Si l'introduction de ces nouveautés a pu, dans un premier temps, donner l'impression qu'elles pourraient faire pencher la balance de manière décisive dans le conflit, très vite, les dirigeants ont réalisé que le profit à en attendre était davantage psychologique que tactique.
Le florilège de journaux démarre avec L'Action française (du 22 mars 1915), l'organe de l'extrême droite bourgeoise. L'essentiel du numéro est occupé par le passage des fameux "Zeppelins" dans le ciel français. Si le ton est agressivement patriotique, je dois reconnaître que dans son éditorial, Léon Daudet analyse la chose avec clarté. Plus loin dans le journal, Charles Maurras s'en prend à ses têtes de Turc habituelles : les républicains, qu'ils soient libéraux, radicaux ou socialistes. En lisant entre les lignes, page suivante, on comprend que les cibles du journal sont aussi (surtout ?) les juifs, les protestants et les francs-maçons. Mais, le contexte étant ce qu'il est, il est contraint à un peu de retenue.
Précisons que le député Joseph Reinach était l'un des ténors de la mouvance républicaine modérée, qu'il fut un ardent défenseur d'Alfred Dreyfus (et le premier grand historien de l'Affaire)... et qu'il était juif.
En contrepoint de L'Action française nous est proposé un exemplaire de La Dépêche (de Toulouse) datée du même jour. Ici aussi l'action des dirigeables allemands fait la Une. La première page contient aussi un article intéressant sur les Tchèques en Autriche-Hongrie. (Du côté de l'Entente, on compte sur leur insoumission.)
La page 2 comporte un hommage à un conseiller d'Etat, mort au Front au milieu des soldats. On y trouve aussi une évocation de l'attitude des députés socialistes allemands (tout comme dans L'Action française, d'ailleurs). Si la rébellion d'une minorité est soulignée, on rappelle le vote des crédits de guerre par la majorité. Plus loin, dans ce qui semble être une sorte de courrier des lecteurs, on peut lire des conseils pratiques appliqués à la guerre, comme celui-ci :
Encore plus riche est l'exemplaire de La Croix du 27 avril 1915. En page 1, on y dénonce la propagande allemande véhiculée par La Gazette des Ardennes, que l'on a déjà eu l'occasion de feuilleter il y a quelques semaines.
En page 2, on trouvera un hommage aux troupes coloniales... hommage un peu ambigu, puisque l'auteur insiste sur la férocité des soldats engagés :
(Au passage, je me demande s'il est légitime de parler de "troupes noires" s'il n'y avait que des Zouaves. Ces troupes étaient composées de soldats d'origine européenne, qu'ils soient métropolitains ou "pieds noirs". Durant la Grande Guerre, on a certes créé des unités mélangées, avec des tirailleurs nord-africains. Difficile toutefois de parler de "troupes noires".)
Dans ce numéro, les Aveyronnais seraient bien avisés de lire les avis de décès, deux d'entre eux concernant directement notre département :
On ne sera pas non plus étonné de retrouver (comme dans l'exemplaire fourni avec le numéro 6 de Journaux de guerre) une allusion à Jeanne d'Arc, dans un article consacré à sainte Odile.
On termine avec Le Radical (de Marseille) du 11 mai 1915. Ce quotidien républicain laïc s'intéresse tout particulièrement à la diplomatie du Vatican, au moment où l'Italie rejoint la Triple Entente. Il se fait aussi un malin plaisir à citer la bonne opinion que le gouvernement allemand a de la presse vaticane... Cela ne l'empêche pas de dénoncer l'attitude de l'évêque de Metz, qui a ordonné d'enlever les statues de Jeanne d'Arc des églises de son diocèse. On n'oubliera pas non plus de lire, page 2, le long article consacré au torpillage du Lusitania par un sous-marin allemand. On s'attend, à plus ou moins longue échéance, à l'entrée en guerre des Etats-Unis.
22:55 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, presse, médias, journalisme
samedi, 18 octobre 2014
Journaux de guerre n° 7 et 8
Le numéro 7 de cette passionnante collection traite du premier hiver dans les tranchées. Les "poilus" découvrent la guerre de position, dans des conditions climatiques difficiles :
On commence doucement avec L'Intransigeant du 1er janvier 1915. On n'y lira pas grand chose d'intéressant, le quotidien reproduisant pour l'essentiel le discours officiel sur la guerre.
Beaucoup plus enrichissante est la lecture du Petit Parisien du 6 janvier 1915. En première page, un article évoque une Alsace-Lorraine redevenue française. On remarque aussi un papier consacré aux revendications territoriales roumaines, au premier rang desquelles la Transylvanie. Neutre à l'époque, le pays a fini par rejoindre l'Entente en août 1916. Dès 1915, dans la presse française, on peut percevoir l'écho de l'activité diplomatique menée en direction de la Roumanie.
Page 2, celui qui est l'un des quotidiens les plus lus de l'époque revient sur les "atrocités allemandes" et ajoute plusieurs considérations sur le traitement des prisonniers de guerre français. Un peu plus loin, il est question du sportif Jean Bouin, décédé lors de la bataille de la Marne, et qui a été (provisoirement) enterré au château de Bouconville, dans la Meuse. Encore plus sinistre est l'article qui se réjouit de la condamnation d'une avorteuse :
Le feu d'artifice continue page 3, où le journal évoque les champs pétrolifères austro-hongrois, la neutralité états-unienne, l'activité des Allemands autour de Metz... et les obsèques de Bruno Garibaldi, petit-fils du célèbre combattant italo-français. C'est le seul des six frères (tous engagés dans la Légion étrangère, l'Italie étant encore officiellement neutre) à porter un prénom français. L'action des combattants "garibaldiens" de 1914 est fréquemment citée dans la presse hexagonale. Le décès de Bruno a même fait l'objet d'une illustration héroïque :
Le florilège de journaux contient un représentant de la presse régionale, Le Progrès de l'Allier, du 21 janvier 1915. On peut y glaner quelques informations, au travers de petits articles en apparence anodins. On comprend que l'interdiction de la vente de l'absinthe est proche. (La situation a changé... en 2011.) Plus grave est la situation des juifs palestiniens, qui, depuis l'entrée en guerre de l'Empire ottoman (aux côtés de l'Allemagne), voient leur situation se dégrader :
Page 3, on lira avec stupéfaction l'histoire du médecin-major Dercle, qui aurait été blessé... quatre-vingt-dix-sept fois !
On termine par une curiosité, un journal des tranchées (composé par des soldats du Quercy), L'Echo des gourbis du 15 mars 1915. Je recommande tout particulièrement la lecture, page 4, des lettres au Front (et non pas du Front), preuve que certains poilus avaient conservé leur sens de l'humour...
Passons à présent au numéro 8 de ces Journaux de guerre. Il est consacré à la "guerre d'usure", notamment aux illusions entretenues en France à propos d'un possible rapidement effondrement de l'Allemagne :
Il contient une affiche de propagande française (de grand format) en faveur de la "journée du poilu" :
L'Humanité du 5 janvier 1915 commence par un éditorial de Marcel Cachin, l'un des rares à prendre le contrepied de l'opinion dominante : l'Allemagne n'est pas (encore) à genoux. La guerre est loin d'être finie. La suite du journal s'intéresse au sort de différents groupes de population. Celui des prisonniers en Allemagne semble correct, contrairement à ce qui est véhiculé dans d'autres journaux. Un peu plus loin, le quotidien a le courage de publier la lettre d'une internée civile (née de père allemand), qui "en a bavé".
Les Aveyronnais seront particulièrement attentifs à la page 2, où il est question de Paul Ramadier, déjà membre de la SFIO mais pas encore député.
L'article fait allusion à un début de mutinerie qui s'était produit à Rodez, en 1913, très bien raconté par Jean-Michel Cosson dans le numéro de Centre Presse paru lundi 17 février dernier :
A noter aussi, page 2, une rubrique qui hélas ne cesse de s'enrichir depuis le début du XXe siècle, dans les villes : les accidents de la circulation. Ici, ce sont des enfants qui ont été écrasés par divers véhicules.
Le Phare de la Loire, de la Bretagne et de la Vendée (du 20 janvier 1915) m'est apparu beaucoup moins riche. On peut signaler, en première page, un article assez approfondi sur le cinéma en Allemagne. Page 3, il est question des exploits d'un aviateur français, Eugène Gilbert.
L'Ouest-Eclair (du 27 février 1915) est encore moins intéressant. J'y ai quand même trouvé une publicité en faveur de ce qui n'était pas encore un monstre de l'agroalimentaire :
L'une des pépites de ce numéro de Journaux de guerre est sans contexte l'exemplaire du Bonnet rouge, qui se présente comme "le seul grand journal républicain du soir". A la Une, on peut lire le texte d'une chanson (Le Boche et le Turco), à la fois hommage aux troupes coloniales et miroir du paternalisme européen (un peu comme Pan pan l'Arbi, dont il a été question l'été dernier sur France Info) :
Plus loin, le quotidien de gauche évoque un meeting socialiste (en soutien à Karl Liebknecht) interdit à Stuttgart. Enfin, si vous avez envie de ricaner à bon compte, vous lirez le papier prophétiquement titré (en mars 1915, rappelons-le) "La guerre se terminera cette année" !
Après cette avalanche de gauchisme, il serait malséant de terminer sans un passage par la droite de la droite. Voici donc le numéro du 29 avril 1915 de La Libre Parole, le torche-cul d'Edouard Drumont. On ne sera pas étonné d'y trouver une virulente attaque contre les Rothschild autrichiens. Rebelote page 2, en bas, lorsque le "journal" cite les biens allemands et austro-hongrois mis sous séquestre en France : il prend visiblement un malin plaisir à citer ceux de fourreurs sans doute juifs...
De manière générale, on s'amusera à repérer, dans chacun des quotidiens, les passages laissés en blanc, sur lesquels la censure a visiblement porté son attention.
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dimanche, 12 octobre 2014
Pride
Cette "fierté" évoquée par le titre du film est celle des mineurs en lutte et celle des homosexuels qui revendiquent le droit à la différence. Ce long métrage britannique commence et s'achève donc fort logiquement par des séquences se déroulant pendant une Gay Pride (fort différente l'une de l'autre). Au départ, je n'étais pas trop emballé à l'idée d'aller voir ce film. Tentait-on de renouveler le succès de The Full Monty en voguant sur l'air du temps ? Le contexte de la grève des mineurs de 1984-1985 m'a intéressé, d'autant plus que l'histoire qui nous est contée est vraie.
A la manière d'un Ken Loach, le réalisateur Matthew Warchus (un illustre inconnu) campe le monde des mineurs dans sa dureté et sa camaraderie. Il n'en cache pas les côtés déplaisants : l'homophobie affichée (qui s'étend aussi largement à la classe moyenne de province) et la bigoterie de certaines épouses. Autre point commun avec le metteur en scène rebelle : la mise en valeur d'une minorité, ici les Gallois de Swansea.
Source : Le Monde diplomatique
Les acteurs qui campent les mineurs et leur famille sont excellents. Qui distinguer dans le groupe ? Par exemple Paddy Considine, dans le rôle du syndicaliste de bonne volonté, dévoué mais un peu coincé :
Je pourrais citer l'épouse obèse d'un mineur timoré, qui va s'épanouir dans la lutte. J'ai aussi retrouvé avec plaisir Bill Nighy, vu l'an dernier dans Il était temps. J'ai adoré les mamies pleines de fougue, au premier rang desquelles Imelda Staunton, connue depuis sa participation à la saga Harry Potter, à Hotel Woodstock... et que l'on a pu voir cet été dans Maléfique.
Ce petit monde assez traditionnel au fond entre en contact direct avec une bande d'homosexuel-le-s londonienne, pas si déjantée que cela. On a visiblement voulu éviter la caricature, même si l'on rencontre quelques "folles". Le groupe est mené par un jeune homme charismatique, très bien interprété par Ben Schnetzer (qui, dans un autre contexte, aurait pu faire un joli premier communiant) :
A ses côtés évoluent des personnalités très diverses, parmi lesquelles je distingue celle qui fut, au départ, l'unique gouine lesbienne de la bande, Steph :
Les amateurs de séries policières seront peut-être quelque peu décontenancés de retrouver Andrew Scott, l'irritant Moriarty du Sherlock produit par la BBC, en bibliothécaire d'origine galloise, homosexuel et introverti !
L'histoire est celle de deux luttes, mais aussi celle des apprentissages. Il y a le jeune homo qui se découvre et grandit dans le militantisme. Il y a ces épouses de mineurs qui touchent du doigt une vie un peu moins triste que ce à quoi elles sont destinées au fin fond de leur province machiste... et il y a ces mineurs qui se mettent à danser pour séduire les filles ! La musique joue un rôle non négligeable dans l'habillage du film. Elle lui donne une saveur de bonbon sucré, surtout pour ceux qui ont connu cette époque.
Au sein de l'intrigue, c'est toutefois le combat des homosexuels qui prend le dessus. Je ne pense pas en dire trop en écrivant que la lutte des mineurs ne débouche pas sur une victoire politique. Par contre, les "gays" ont gagné en visibilité et en respectabilité. Le pays s'est aussi un peu "décoincé". La dernière séquence vient à point pour réunir tout le monde : l'expérience de la solidarité et de l'amitié a embelli la vie des personnages.
P.S. I
Pour préserver l'authenticité de l'histoire, on a pris soin de ne pas nous proposer des héros au physique irréprochable. Certain-e-s sont très beaux ou très belles, mais la majorité sont des gens ordinaires, qui ne correspondent pas forcément aux individus que l'on voit en couverture des magazines.
P.S. II
Sur la grève des mineurs, on peut s'amuser à lire deux récits d'inspirations opposées, l'un néolibéral, paru dans Le Point, l'autre, issu de la mouvance syndicaliste, publié sur le site de la CGT.
15:16 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, histoire, film
samedi, 11 octobre 2014
La (future) nouvelle statue-menhir du musée Fenaille
C'est l'une des informations que l'on peut trouver dans le compte-rendu de la réunion du conseil d'agglomération du Grand Rodez du 23 septembre 2014 (page 13) :
Contrairement à l'une des hypothèses émises, il ne s'agit pas de celle qui a été découverte l'an dernier. La "petite" (1m55) nouvelle a été trouvée dans le Tarn, à la frontière de l'Aveyron, sur le territoire de la commune de Murat-sur-Vèbre (à côté de Brusque et de Mounès-Prohencoux) :
On remarque que le musée n'en est pas propriétaire (pas plus que la Société des Lettres de l'Aveyron). Comme plusieurs autres, elle appartient au musée Toulouse-Lautrec d'Albi. Je penche pour celle dont a été prise une photographie, il y a six ans, en octobre 2008 :
Si on la compare avec celle publiée dans l'excellent ouvrage de Michel Maillé (Hommes et femmes de pierre - Statues-menhirs du Rouergue et du Haut-Languedoc), on arrive à la conclusion qu'il s'agit d'une copie, l'originale ayant été grandement dégradée :
C'est ce qui explique les frais engagés pour sa restauration. Il est question de 5 450 euros hors taxes... soit sans doute 1 000 euros de plus au total. Voilà pourquoi a été soumise à délibération une demande de subvention à la DRAC de Midi-Pyrénées. Si elle est accordée et si elle atteint le maximum autorisé, elle permettrait une économie de plus de 2 000 euros au Grand Rodez.
16:03 Publié dans Aveyron, mon amour, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, culture, art, actualité
mercredi, 24 septembre 2014
Journaux de guerre n°6
Le numéro paru jeudi 18 septembre est consacré à la manière dont l'Arrière a perçu le début de la Première guerre mondiale. La double-page de présentation évoque le cas des enfants, les relations familiales en période de conflit, la communication de guerre ainsi que le rôle du cinéma. Trois journaux d'époque sont reproduits.
Le Sud-Ouest est représenté par La Petite Gironde du 1er décembre 1914. Fait rare dans la presse régionale de ces temps troublés, la première des quatre (grandes) pages est illustrée de quatre photographies (en noir et blanc), l'une montrant un village construit par les soldats hexagonaux, une autre un convoi de ravitaillement en eau, la troisième une voiture (hippomobile) régimentaire russe et la quatrième des mortiers pris aux Allemands :
L'éditorial, de ton revanchard, est suivi d'un article sur la guerre marine puis d'une chronique de la vie bordelaise. Une partie de la page 2 est occupée par la recension d'un Livre jaune sur la guerre européenne, qui rejette l'entière responsabilité du conflit sur les épaules allemandes.
Plus loin, un entrefilet intitulé "LE DEVOIR DES ETATS-UNIS" sous-entend que ce pays ne devrait pas tarder à s'engager en faveur de la Triple Entente. Dans le même ordre d'idée, on trouve la mention d'un hommage brésilien aux soldats français.
Un lecteur attentif finit par tomber, quelque part page 3, sur un entrefilet qui fait écho à ce dont il a été question dans l'exemplaire de La Lanterne fourni avec le numéro 4 de Journaux de guerre :
Page 4, il est (brièvement) question de l'Aveyron quand le journal évoque la possibilité d'employer des réfugiés français ou belges là où le manque de main-d'oeuvre se fait sentir, dans plusieurs départements du Massif Central.
Le deuxième quotidien régional nous fait faire un joli bond, puisqu'il s'agit de L'Est Républicain, publié à Nancy (le 20 décembre 1914), donc tout près du Front. La première page est presque uniquement occupée par l'actualité internationale liée à la guerre, les nouvelles étant quasi exclusivement favorables à l'Entente.
L'autre grand sujet auquel sont consacrés plusieurs articles est la vie dans les régions sous occupation allemande. Cela commence par la ville de Metz, annexée en 1871, mais où le patriotisme français reste vivace. En Alsace, c'est à travers l'action d'un instituteur que l'amour de la Mère Patrie est évoqué. Dans le Pays Haut, à Longwy, la population découvre la vie sous la férule allemande.
Dans le département voisin de la Meuse, directement soumis au feu ennemi, ce n'est pas n'importe quel citoyen qui se réjouit des pertes allemandes, mais l'évêque de Verdun, qui n'est autre que Charles Ginisty (originaire de Saint-Saturnin-de-Lenne, dans l'est de l'Aveyron). Ses propos sont extraits d'une lettre qui a été adressée à un abbé ruthénois :
On termine par un quotidien national, La Croix, daté du 27 décembre 1914. Il est bien entendu question du premier Noël de guerre. Curieusement, ce sont des extraits de lettres écrites par des enfants de 6 à 9 ans au Père Noël ou au "petit Jésus" qui occupent la plus grande place. Truffées de fautes (ce qui n'est pas étonnant au vu de l'âge de leurs auteurs, qui débutent leur apprentissage), ces messages regorgent d'altruisme juvénile, à tel point que la présentation de Journaux de guerre met en doute leur authenticité.
Page 3 est retranscrit le discours d'un évêque, construit autour de l'action de la Vierge Marie, réputée avoir déjà sauvé la France à plusieurs reprises. La cinquième partie évoque un "ange, une femme, une libératrice"... Jeanne d'Arc (à l'époque bienheureuse, pas encore sainte). On retrouve la Pucelle page 5, au coeur d'un long article consacré à ce qui se passe en Alsace-Lorraine :
Page 7, c'est la lucidité qui l'emporte, puisque le directeur de l'édition de Limoges y affirme que la guerre sera longue... et victorieuse, les Français s'étant progressivement endurcis au combat.
Les journaux sont complétés par la reproduction d'une affiche de propagande (de 1916) faisant appel au civisme des enfants : "Nous saurons nous en priver".
P.S.
Ma navigation sur la Toile m'a conduit au site (officiel) france.fr, qui dit deux-trois choses de Jeanne d'Arc. Mon regard a plutôt été attiré par ce qui figure dans une colonne, à droite, sous le titre "personnages historiques". Cherchez l'erreur...
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samedi, 13 septembre 2014
Journaux de guerre n°4 et 5
Paru jeudi dernier, le numéro 4 tente de démêler le vrai du faux dans ce que l'on a appelé "les atrocités allemandes", un thème qui a été largement développé à l'époque, avant de devenir plus anecdotique (la Seconde guerre mondiale et ses horreurs étant passées par là)... pour finalement être redécouvert au début du XXIe siècle :
Les rumeurs ont commencé à circuler dès le tout début de la guerre. Les exemplaires de la presse française fournis avec le numéro 2 de Journaux de guerre contenaient déjà des allusions aux crimes de l'armée allemande. Ici, cela commence avec L'Echo d'Alger du 13 août 1914, dans lequel il faut faire le tri :
Sous le titre "Atrocités !!!", le quotidien évoque les incendies de villages (belges et français, une réalité de la guerre), et l'histoire des bonbons empoisonnés (notamment dans le Lot), qui serait une légende. Ici le fantasme meurtrier rejoint la crainte de la présence d'agents allemands à l'intérieur du pays. Dans le cas qui nous concerne, on a même parfois avancé que ce seraient des hommes déguisés en femmes qui auraient distribué les bonbons. La présence d'agents infiltrés n'en est pas moins réelle, mais plutôt dans des lieux stratégiques. Le journal cite plusieurs cas, à Paris, Versailles et Bruxelles.
Parmi les curiosités lisibles dans le quotidien d'Algérie, je signale la mention d'une "prophétie", une prédiction d'un général japonais (qui s'est suicidé en 1912). Dès 1904 (au cours de la guerre russo-japonaise), il aurait annoncé le déclenchement de deux grands conflits au XXe siècle. Le premier prenait sa source dans les antagonismes franco-allemand et anglo-allemand (qu'il voyait s'achever par une défaite de l'Allemagne, après que celle-ci eût violé la neutralité belge). Le second conflit devait naître de la rivalité entre les Etats-Unis et le Japon. Ici s'arrêtait le don de prescience du général Nogi, qui voyait son pays sortir vainqueur de la guerre pour le Pacifique.
Dernière pépite : les encouragements prodigués aux soldats français par un voisin inattendu... le prince de Monaco (Albert Ier, lointain ancêtre d'Albert II). Celui-ci a profité de l'occasion pour rappeler qu'il avait combattu pour la France, en 1870 (dans la Marine).
Le deuxième journal reproduit dans ce numéro de Journaux de guerre est Le Rappel du 19 août 1914 (2 Fructidor an 122, comme il est précisé en haut à gauche de l'exemplaire). Un grand titre barre la première page : "Ils avouent leurs Crimes". Les "atrocités allemandes" sont dénoncées à partir d'un rapport du préfet de Meurthe-et-Moselle et de lettres de soldats allemands, qui ont été interceptées. L'éditorial est consacré au même thème, avec, entre autres, l'évocation de l'affaire de "l'enfant au fusil". La page 2 est occupée par une gigantesque carte du Front.
L'Humanité du 17 septembre 1914 apporte une note discordante. L'éditorial de Jean Longuet (dont un paragraphe semble avoir été victime de la censure) appelle au bon sens... et à ne se fier qu'aux témoignages corroborés. Pour les socialistes français, le véritable ennemi n'est pas le soldat allemand, mais le militarisme prussien. Un peu plus loin dans le journal, on peut trouver un tableau comparatif des forces maritimes des cinq principaux belligérants :
Si la supériorité franco-britannique paraît évidente au niveau des torpilleurs, l'importante flotte allemande de contre-torpilleurs a de quoi inquiéter...
Au niveau des alliés, le positionnement de l'Empire ottoman suscite beaucoup d'interrogations. Au fur et à mesure qu'on lit l'ensemble des journaux, on comprend à demi-mots qu'Istanbul devrait, à terme, rejoindre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. L'Humanité nous apprend que c'est un amiral allemand qui va commander la flotte ottomane.
Enfin, je vous laisse découvrir pour quels motifs le Conseil de Guerre a condamné diverses personnes à la réclusion ou aux travaux forcés.
Le quatrième quotidien français est La Lanterne du 14 octobre 1914. L'éditorial de Félix Hautfort s'en prend assez violemment à l'Appel aux Nations civilisées, signé par 93 intellectuel allemands, qui rejettent les accusations portées contre l'armée de leur pays. Le journal s'intéresse aussi au positionnement du gouvernement roumain, qui louche sur la Transylvanie hongroise. En page 2, on lira avec plaisir le récit de l'affrontement entre deux biplans, un français, l'autre allemand, la victoire revenant bien évidemment... au français !
Mais la perle de ce numéro de Journaux de guerre est l'exemplaire de La Gazette des Ardennes (du 27 décembre 1914), organe de propagande allemand publié en zone occupée pendant presque quatre ans. Pour gagner les faveurs de la population française, la tactique est de dénigrer les Belges et les Anglais...
Complète ce florilège la reproduction d'une affiche (française) dénonçant le bombardement de Reims.
Passons à présent au numéro 5, sorti ce jeudi 11 septembre. Il est principalement consacré à la bataille de la Marne, qui permit à la France de poursuivre la guerre :
Le premier quotidien reproduit est La Guerre Sociale (du 31 août 1914), dirigé par Gustave Hervé, qui, à l'époque, était une sorte de "gauchiste"... mais un gauchiste que la guerre a converti aux vertus du patriotisme et qui, des années plus tard, s'est vautré dans le "social-nationalisme" et le pétainisme... avant de recouvrer ses esprits, peu avant sa mort.
Dans ce numéro, La Guerre Sociale se préoccupe de la défense de Paris, rien ne semblant, jusqu'à présent, arrêter l'avancée allemande. Le journal, comme ses confrères tout aussi mal informés, se console avec de supposés succès russes sur le front Est. Je signale aussi un article de l'aveyronnais Emile Pouget, consacré aux faits divers, en particulier à la baisse de la délinquance à Paris, depuis le début de la guerre.
Il est aussi question du passage d'un avion allemand au-dessus de Paris et du largage de deux bombes, pas très dangereuses. (C'était une action de guerre psychologique.) En page 2 se trouve une carte du Front Ouest, ainsi qu'une tribune du comte Tarnowski, qui développe l'idée que les Polonais sont bien mieux traités dans la Galicie austro-hongroise que dans l'empire russe.
L'Intransigeant du 4 septembre 1914 aborde des thèmes semblables. Il s'attarde beaucoup sur le survol de Paris par l'avion allemand et prodigue des conseils aux civils. Un paragraphe attirera plus particulièrement l'attention des Aveyronnais :
Cette semaine, la presse de province est à l'honneur à travers Le Petit Marseillais du 12 septembre. On y célèbre amplement la victoire de la Marne, sans tomber dans un optimisme excessif. L'un des premiers articles spécule sur la durée de la guerre. L'auteur s'appuie sur des propos tenus à l'étranger pour sous-entendre qu'un conflit de trois ans est tout à fait envisageable.
Il faut attendre la page deux pour trouver un entrefilet faisant allusion aux récentes défaites russes (à Tannenberg et aux lacs Mazures)... et félicitant surtout nos alliés pour leur honnêteté :
Le journal publie aussi des extraits de lettres de soldats (riches d'anecdotes), ainsi qu'un communiqué des réfugiés lorrains, qui remercient la population marseillaise pour son accueil.
On termine par L'Echo de Paris du 14 septembre 1914, dont les colonnes sont elles aussi largement occupées par la récente victoire des troupes françaises. Un article fort intéressant est consacré aux mines sous-marines. Il complète un paragraphe qui évoque le parcours du Lutetia, un croiseur en provenance d'Amérique du Sud, qui a réussi à échapper aux navires de guerre allemands.
Complète ce florilège une reproduction d'une affriche française, ironisant sur l'échec des Allemands sur la Marne.
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samedi, 06 septembre 2014
Les statues-menhirs sur Arte
Plusieurs numéros de l'émission documentaire Sur nos traces, diffusée sur la chaîne franco-allemande, sont consacrés à la préhistoire, notamment à la période Néolithique. C'est dans l'épisode qui traite des activités artisanales qu'une statue-menhir apparaît fugitivement :
Sauf erreur de ma part, il s'agit de celle du Mas d'Azaïs, trouvée sur le territoire de la commune de Montlaur, dans le sud du département, à proximité de Saint-Affrique :
Elle se trouve aujourd'hui au Musée d'Archéologie Nationale, à Saint-Germain-en-Laye. J'en ai trouvé une photographie prise par un touriste britannique visiblement passionné par les mégalithes :
Dans ce volet de la série, certains apprendront peut-être avec surprise que l'on estime que c'étaient (majoritairement) les femmes qui pratiquaient la poterie et le tissage. La reconstitution d'un métier à tisser est assez impressionnante, tout comme l'expédition dans une mine de silex. La journaliste Nadia Cleitman est dynamique et l'on sent sa volonté de vulgariser les connaissances scientifiques et historiques.
C'est dans l'épisode consacré à la spiritualité des hommes du Néolithique que les statues-menhirs sont à l'honneur. On nous y parle d'abord des pratiques d'inhumation (avec l'apparition du cimetière), avant que la présentatrice ne nous mène à Lacaune, dans le Tarn, à côté de Pierre Plantée, la plus grande des statues-menhirs connues :
Laissée sur site, elle paraît avoir perdu ses gravures (mais il me semble qu'on la voit de dos). J'en ai trouvé une photographie plus ancienne sur le blog d'un cyclotouriste :
Et voici la schématisation que propose Michel Maillé, dans le superbe ouvrage Hommes et femmes de pierre, publié en 2010 :
On ne s'étonnera pas de voir la journaliste, un peu plus tard dans le documentaire, venir faire un tour dans le plus intéressant des musées ruthénois :
Elle y rencontre Aurélien Pierre, qui, très pédagogue, explique le détail des gravures, aidé par une caméra qui filme intelligemment, avec notamment des gros plans très réussis. Evidemment, la célèbre Dame de Saint-Sernin finit par passer à l'écran. La réalisatrice nous en propose un peu plus loin une vision quasi fantasmagorique :
La troisième partie de l'émission nous fait découvrir un autre monument mégalithique (breton celui-là), le Cairn de Gavrinis. Si, de l'extérieur, il a déjà l'air impressionnant, la visite (commentée) de l'intérieur le rend encore plus intéressant, avec ces étranges dessins qui ne sont pas sans rappeler certaines oeuvres d'art aborigènes :
Il reste quelques jours pour (re)voir ces émissions (les deux dont j'ai parlé mais aussi les autres épisodes) en "télé de rattrapage". En consultant le programme d'Arte, il est aussi possible de trouver des rediffusions.
P.S.
En poussant un peu, on pourrait affirmer qu'il est (indirectement) question des statues-menhirs dans un troisième film de la série, celui qui est intitulé L'homme de pouvoir.
On y découvre un étrange ustensile, à l'usage inconnu, et qualifié de "Tour Eiffel", faute de mieux. Disposé à côté de la dépouille d'un chef du Néolithique, il n'est pas sans rappeler le fameux "objet" visible sur certaines statues-menhirs masculines, comme celle de Pousthomy :
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vendredi, 29 août 2014
"Impression d'Afrique" au Musée Fenaille
Le plus intéressant des musées ruthénois propose, jusqu'au 26 octobre 2014, une exposition temporaire construite à partir des réserves de l'établissement, mais aussi de collections particulières et de prêts du Musée du Quai Branly et du Musée Africain de Lyon.
La première salle est celle des objets, utilitaires et/ou d'apparat. On y trouve des sabres, haches et herminettes, mais aussi une natte, un siège ashanti... ainsi qu'un étrange et superbe ustensile :
Je vous donne un indice : il a été fabriqué avec du bois, du fer et des clous de laiton.
D'autres éléments exposés sont d'origine européenne. Il y a ces lettres d'Aveyronnais expatriés (qui vont envoyer ou rapporter des objets) et ces assiettes en faïence qui racontent, sur un ton humoristique (et condescendant vis-à-vis des populations africaines), la conquête du royaume d'Abomey. (Aujourd'hui encore, la vision de cet empire varie. Les locaux le regardent comme certains Français regardent l'ère de Louis XIV. En Europe, le point de vue est moins élogieux, comme dans cet article de L'Express.)
Dans la deuxième salle a été aménagé un "dispositif artistique" : de grandes photographies du crâne d'un chef congolais, qui avait été ramené en Belgique, font face à un écran où est diffusé un film essentiellement composé d'images de l'océan... Vers la fin de ce film ont été insérées d'autres types de scène (avec une poupée et sur une danse appelée "menuet congolais").
Je n'ai pas été emballé par cette création. A mon avis, une approche scientifique ou historique aurait été plus pertinente. On aurait ainsi pu évoquer l'anthropologie raciste qui sévissait à cette époque, ou la collecte des crânes. (En 1910, un lieutenant de l'Infanterie coloniale était tout fier d'en rapporter à la Société d'anthropologie de Paris.) On aurait pu aussi poser la question de la conservation (en musée) de restes humains. La récente restitution du crâne d'un insurgé kanak nous rappelle que c'est encore un sujet brûlant.
La troisième salle d'exposition est peut-être la plus richement dotée. On y découvre le parcours d'Alexandre Visseq, jeune missionnaire catholique originaire de Saint-Félix-de-Lunel (commune située entre Decazeville et Espalion, à proximité de Conques). Il est envoyé fin XIXe siècle au Congo, vaste territoire mal défini (entre les actuels Angola et République Démocratique du Congo), où il a finalement passé une dizaine d'années.
Si son objectif est l'évangélisation des populations africaines (tâche qui s'est révélée ardue), le missionnaire s'intéresse aussi aux coutumes locales. Il a notamment collecté des statuettes, qui ont été offertes à la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron. Celle qui suit avait déjà été exposée à Rodez, mais je la trouve toujours aussi belle :
On lui doit aussi un dictionnaire Fiot-Français, dont un exemplaire est présenté, sous vitrine. Les curieux se pencheront aussi sur la carte qui nous permet de préciser le parcours de Visseq en Afrique. La marge gauche est couverte de remarques (qui ne sont pas de Visseq) concernant Tombouctou. Il y est question de l'histoire de la cité (et de sa soumission passée au Maroc), de sa localisation, de sa population (estimée à la louche entre 10 000 et 50 000 habitants). L'auteur juge que la ville a perdu de sa superbe. Il y remarque toutefois la pratique de la liberté de culte (les juifs, autrefois interdits de séjour, y vivent sans problème).
Le reste de la salle contient des productions africaines, principalement des masques et des statuettes. Certaines de ces oeuvres témoignent de l'interpénétration des influences. J'ai notamment été étonné par le masque d'un démon rieur, surmonté d'un Christ au pénis particulièrement visible...
On peut faire encore d'autres jolies découvertes en déambulant dans cette intéressante exposition, peut-être un peu moins passionnante que Curiosités et merveilles, présentée en 2012.
14:24 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, art, histoire, culture, voyage
mercredi, 27 août 2014
Burqa chrétienne
A la vision de la capture d'écran suivante, un observateur contemporain aurait tendance à déduire qu'il s'agit d'une musulmane intégriste :
Ce n'est pas le cas. L'identité de cette femme est connue : Marie de Yougoslavie (parfois aussi nommée Marie de Roumanie), épouse du roi Alexandre de Yougoslavie, qui fut assassiné à Marseille en 1934.
La capture d'écran est extraite d'une excellente émission, Mystères d'archives, diffusée sur Arte (et disponible en DVD). On peut y voir la jeune veuve lors de l'hommage rendu par la France à son royal époux, assassiné par un Macédonien proche des fascistes croates (les Oustachis) :
Ici, elle se trouve aux côtés du président de la République Albert Lebrun. L'image précédente a été prise un peu plus tard, sur le bateau. Bien entendu, cet accoutrement est limité à la période de deuil. On peut revoir la reine ainsi vêtue lors des obsèques nationales, à Belgrade :
Pour la petite histoire, sachez que de nombreux pays se sont fait représenter à la cérémonie, notamment la France et l'Allemagne (rappelons que nous sommes en 1934) :
Hermann Göring (ministre de l'Air du IIIe Reich) et Philippe Pétain (alors ministre de la Guerre) se sont retrouvés côte-à-côte, visiblement enchantés de se rencontrer...
Pour revenir au voile intégral, l'épisode montre que les chrétiens (comme les juifs d'ailleurs) ont longtemps fait subir aux femmes une "discrimination vestimentaire" que l'on retrouve aujourd'hui chez les musulmans archaïques.
14:03 Publié dans Histoire, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société
mardi, 26 août 2014
Dix par jour
C'est le titre du documentaire consacré par Yves Garric et Georges Berte (auxquels on doit notamment Estremoni) aux soldats aveyronnais morts pendant la Première guerre mondiale. Cela représente un peu moins de 15 000 tués, sur une durée dépassant légèrement les 1 500 jours. D'où le titre.
Sur fond de musique classique mélancolique, on nous montre plusieurs très beaux monuments aux morts, en particulier (au début et vers la fin) celui de Sainte-Geneviève-sur-Argence :
Mais le principal intérêt réside dans les histoires que ce film raconte, celles de poilus pour la plupart morts au combat (ou de maladie ou des suites de blessures), à travers les yeux et la voix de leurs enfants (ou neveux, nièces), aujourd'hui très âgés.
Cela commence dans un club de retraités de Villecomtal (au nord de Rodez). On y entend la belle-fille d'un médecin, Maurice Bieulac, qui a dû lui raconter jadis les conditions dans lesquelles il opérait, à la guerre. Plus marquants encore sont les propos de Calliste Dellus, dont le père a survécu au conflit, mais qui a vu mourir devant lui son frère aîné... dont il a épousé la promise ! Son nom figure sur le monument aux morts local. Il fait partie des premières victimes de la guerre : il a été tué le 19 août 1914, pendant la "bataille des frontières", qui fut si meurtrière pour les troupes françaises :
Vient ensuite, à Rodez, Marie-Paule Bessière, qui évoque son oncle puis son père. Celui-ci est revenu en vie, mais gravement blessé. On n'a jamais retrouvé le corps de l'oncle, dont il ne reste qu'un portrait d'époque :
La fiche du soldat nous apprend qu'il a été tué en mars 1915, dans le département de la Marne. Son frère a survécu, mais non sans souffrances, d'après ce que raconte sa fille.
A Clairvaux-d'Aveyron, le fils d'un autre survivant a découvert le carnet rempli par son père défunt de notes sur ce qu'il a vécu durant la guerre. L'homme n'était qu'un modeste muletier, mais il écrivait remarquablement bien.
Après une escale à Marcillac-Vallon, pour une cérémonie mémorielle, direction le Sud-Est et la commune de Nant. Cette séquence illustre la tragédie que fut cette époque pour certaines familles, qui perdirent tous leurs hommes jeunes. Dans l'Ouest, à Najac, on perçoit les conséquences sur le monde agricole. La guerre a accentué la déprise rurale. Comme on est en terre militante, le réalisateur en profite pour montrer un couple de néo-ruraux, installés en agriculture biologique. Le fils de poilu lui évoque la place de l'occitan.
Avec Geneviève Rigal-Saurel, c'est le cas des "gueules cassées" qui est évoqué. En famille, on découvre aussi la correspondance des poilus de la famille. On se souvient aussi du rôle que les femmes ont joué à cette époque.
Après le parcours des anonymes, c'est le tour de celui d'un (futur) notable, Raymond Bonnefous, alors étudiant en médecine. (Par la suite, il fut -entre autres- maire de Rodez, député puis sénateur.) Sa petit-fille, Nathalie Bauer, a recueilli une masse impressionnante d'objets et documents divers sur son aïeul, comme cet appareil photographique :
De passage à Rodez, le film nous montre une cérémonie au monument aux morts, avant qu'il ne soit question du célèbre soldat inconnu de Rodez, Anthelme Mangin. C'est l'historien local Jean-Michel Cosson qui est mis à contribution pour raconter cet incroyable destin :
A Villefranche-de-Rouergue, on nous conte une belle histoire d'amour, entre une Aveyronnaise de bonne famille (Rose) et un soldat originaire du Loiret (Maurice). Je vous laisse découvrir comment les tourtereaux se seraient connus. Un enfant est vite mis en route, puis un second (après le mariage, celui-là)... Maurice, parti au front, écrit souvent à Rose. Leur petite-fille lit quelques-unes de ces missives, qui témoignent de l'intelligence de ce soldat. Il est mort en... août 1918, dans l'Aisne :
Une fois de plus, on passe de l'humble au notable, et pas n'importe lequel. Pierre Ginisty évoque la vie d'un membre de sa famille, Charles Ginisty, originaire de La Roque-Valzergues (commune de Saint-Saturnin-de-Lenne), devenu évêque de Verdun et initiateur de la construction de l'Ossuaire de Douaumont.
On se rapproche de la fin du film. Les auteurs tracent des ponts entre la Première guerre mondiale et les conflits suivants : guerre d'Algérie et surtout Seconde guerre mondiale. L'avant-dernière séquence (plutôt maladroite) s'attarde dans le Sud du département, en particulier à Saint-Jean-d'Alcas. L'évocation de la Grande Guerre est l'occasion de parler de la transmission aux jeunes générations. On entend aussi parler des fusillés, ces autres victimes dont les noms sont absents des monuments aux morts. Yves Garric termine par une note personnelle : l'un de ses oncles est mort à proximité de Nancy, des suites de ses blessures, dès septembre 1914.
C'est un documentaire de bonne facture, riche en anecdotes dont ce billet ne rend que partiellement compte.
19:02 Publié dans Aveyron, mon amour, Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, guerre, allemagne, film, cinema, cinéma
dimanche, 24 août 2014
Campus Stellae
C'est le titre d'une série de quatre bandes dessinées, dont l'intrigue tourne autour des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le tome 1 s'intitule Le Premier Chemin :
Il y est question d'un mystérieux trésor, qui aurait été rapporté des croisades. Une statue de Vierge à l'enfant détient peut-être la clé de l'énigme :
C'est un bon polar, qui nous emmène entre Le Puy et Moissac, en passant par Aubrac, Conques, Figeac et Rocamadour (en gros le long de la via podiensis). L'histoire se conclut toutefois de manière un peu abrupte.
Le tome 2 s'intitule Les Deux Reliques :
On y croise encore des pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques, en France. Des puissants montent une arnaque à laquelle un moine va se prêter :
L'intrigue, originale, m'a paru un petit peu confuse, parce qu'on a du mal à identifier clairement tous les personnages, notamment ceux du groupe du pèlerin auquel le moine s'est joint. Mais cela se suit avec plaisir, parce qu'on nous ménage pas mal de rebondissements... avec une pirouette en conclusion.
Les femmes sont au premier plan du tome 3, Le Pont des Trois Diables :
Cela commence par une histoire d'amour contrarié. Un double drame vient rapidement se greffer dessus. Le chemin provenço-languedocien est le théâtre d'une fuite et de rencontres pas toujours rassurantes. Les bandits écument les routes, à la recherche de proies faciles. Le fond de l'intrigue est violent, avec ses tensions sociales. Le sang coule mais, avec l'aide de Dieu (si besoin est en lui donnant un coup de main), certains personnages pourront s'en sortir.
La série se termine par le tome 4, La Mort aux quatre visages :
L'histoire se déroule dans le cadre de la Guerre de Cent Ans, au cours d'une période d'accalmie belliqueuse, mais au coeur de la Peste noire. On va enfin voir des personnages aller au bout du pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle... après quelques péripéties. On suit plus particulièrement un ancien chevalier, dont on va découvrir le passé.
On peut lire les quatre bandes dessinées indépendamment les unes des autres, ou à la suite, puisque des liens (plutôt ténus) sont tracés de l'une à l'autre. C'est globalement de bonne facture, mais j'aurais aimé que certains aspects des histoires soient davantage développés.
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lundi, 18 août 2014
Napoléon était-il gaucher ?
Parmi les nombreuses légendes qui circulent sur l'ancien empereur des Français, il en est une qui m'est revenue à l'esprit en lisant un article publié par Le Monde à l'occasion de la "journée des gauchers". C'est une question qui turlupine jusqu'aux passionnés de Napoléon Ier : était-il gaucher ou droitier ?
Comme on attribue souvent des talents supérieurs aux gauchers, on a pensé que ce génie politique (?) et militaire en était un, sans qu'aucune preuve n'ait été jusqu'à présent avancée, comme le reconnaît Pierre-Michel Bertrand, devenu un spécialiste de la question.
Comme la photographie n'existait pas à l'époque, il ne nous reste que les témoignages écrits et les représentations picturales (tableaux, estampes, gravures...). Force est de constater que le Premier Consul comme l'empereur ont toujours été représentés comme des droitiers, notamment avec l'épée au côté gauche, comme dans ce tableau de Robert Lefèvre de 1812 :
Napoléon Bonaparte est toujours montré utilisant sa dextre comme main principale. Il n'y a guère que dans le portrait épique d'Antoine-Jean Gros, Bonaparte au pont d'Arcole, que le bras gauche occupe le premier plan, brandissant le drapeau de l'armée d'Italie :
Les observateurs attentifs auront toutefois noté que, dans sa main droite, le jeune général tient l'épée qu'il a sortie de son fourreau. Un peu plus tard, en 1804, c'est Charles Meynier qui représente celui qui n'est encore que Premier Consul, la plume à la main (droite) :
Le même esprit semble avoir présidé à la réalisation de la gravure de Charles Monnet (Napoléon Bonaparte présentant le Code civil à l'impératrice Joséphine), à peine postérieure à la précédente oeuvre :
La tendance ne change pas après la mort de Napoléon, en 1821. Sous la Monarchie de Juillet, la nostalgie de l'Empire est grande. Les oeuvres sont nombreuses à y faire allusion. En 1832, Jean-Baptiste Mauzaisse représente le promoteur du Code civil en démiurge, incontestablement droitier :
Très vite, les images d'Epinal vont prendre le relais des peintres officiels et populariser les événements marquants de l'épopée napoléonienne, comme cet épisode de la campagne d'Egypte et de Syrie, intitulé Bonaparte touchant les pestiférés :
Cette fois-ci, c'est de la main gauche que le général agit. Si, à l'époque, on a souligné le courage de ce geste, je ne peux m'empêcher de me demander si le droitier a choisi de déganter sa main gauche juste au cas où... Signalons que le tableau qui a servi de modèle, Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa (de l'inévitable Antoine-Jean Gros), est construit de la même manière.
A la même époque que les images d'Epinal, on retrouve Napoléon droitier dans l'oeuvre d'Horace Vernet, La Bataille de Wagram :
Plus tard, sous la IIIe République, la tradition est respectée, par exemple dans la gravure de François Flameng, Napoléon Bonaparte à Auxonne :
Il semble ne faire aucun doute que ce personnage emblématique de l'histoire de France était droitier... à moins que le témoignage d'un contemporain ne vienne changer la donne. L'homme a lui-même beaucoup écrit... ou plutôt dicté. Il ne faut donc pas se fier aux documents qu'il a signés : la plupart ne sont pas de sa main. De surcroît, il écrivait très mal... et commettait souvent des fautes de français ! Voici un échantillon :
23:01 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france
jeudi, 14 août 2014
Journaux de guerre
Les moins de vingt ans ne connaissent sans doute pas la première série qui a porté ce nom. Sortie pour les cinquante ans de la Seconde guerre mondiale, elle associait une (courte) présentation historique à un florilège de la presse de l'époque concernée.
Aujourd'hui, la formule est réutilisée dans le cadre du centenaire de la Première guerre mondiale, en association avec la BNF. Il y a deux semaines est paru le premier numéro, consacré à l'entrée en guerre :
La partie historique contient une carte des blocs militaires en 1914. Il y est aussi question de l'assassinat de Jean Jaurès (auquel une bande dessinée vient d'être consacrée). Un mini-dossier aborde l'entrée en guerre des Français : les soldats sont-ils vraiment partis "la fleur au fusil" ? Le tout est complété par une reproduction de l'ordre de mobilisation générale.
Les autres documents sont les fac-similés de trois quotidiens de l'époque : L'Humanité du 1er août 1914, L'Est Républicain du 5 août 1914 et L'Ouest-Eclair du 2 août 1914. C'est le premier qui est le plus intéressant. Au vu de la date, vous vous doutez qu'il y est principalement question de l'assassinat de Jean Jaurès (qui a eu lieu la veille de sa parution). D'autres articles sont consacrés au contexte international. La vie économique et sociale est aussi largement commentée. Au niveau littéraire, on note une publicité pour une édition des oeuvres complètes illustrées de Victor Hugo (avec l'exemple du tome contenant Les Misérables). En bas de page, à deux reprises, on trouve un extrait de roman. Page 2, il s'agit d'un inédit, Fleurette, de l'Aveyronnais Emile Pouget. Page 5, il s'agit d'une réédition de La Débâcle, d'Emile Zola.
Ce jeudi est paru le deuxième numéro de ces Journaux de Guerre. Il y est question des premiers combats de la fin de l'été 1914 :
Le document joint est une affiche et le texte d'une chanson rendant hommage à l'Alsace-Lorraine, théâtre des premières escarmouches en France métropolitaine. Les armées de l'Hexagone y ont connu de petits succès (progressant jusqu'à Mulhouse), avant de rapidement reculer. Dans le même temps, les Belges affrontent le gros de l'armée allemande, qui applique le plan Schlieffen.
Tous les journaux font leurs gros titres sur les petits succès de l'armée française et l'héroïsme des Belges. Cinq quotidiens sont reproduits dans ce numéro.
Le Petit Parisien du 8 août est le plus riche, à mon avis. Il y est question d'un armistice (très localisé et temporaire) demandé par les Allemands, source de confusion pour un lectorat inattentif. On y évoque aussi des demandes d'engagement d'Américains (donc normalement neutres) dans l'armée française. En page 2, on lira avec plaisir une "vieille prédiction" concernant Guillaume II. Plus intéressant est l'article intitulé "Glorieux souvenirs", où l'on nous parle des guerres de la Révolution et de l'Empire. Une femme (une Belge) est mise à l'honneur : Marie-Jeanne Schellinck. Moins élégant, une semaine après la mort de Jaurès, un entrefilet rend hommage à la loi de trois ans, qu'il avait âprement combattue.
La Lanterne du 12 août se distingue par la caricature reproduite en Une, qui a été empruntée au Charivari, un organe satirique célèbre à l'époque. On peut aussi y trouver l'une des premières dénonciations des "atrocités allemandes", en France comme en Belgique. En page 2, parmi les anecdotes, j'ai repéré la mention du premier soldat tué depuis la déclaration de guerre, le Parisien Fortuné Emile Pouget, mort le 4 août. (Rappelons que le caporal Jules André Peugeot est décédé deux jours plus tôt, mais avant ladite déclaration.)
Un autre fait divers tragique est cité par le journal : un soldat français a abattu un curé, qui n'avait pas entendu ses sommations. Voilà qui n'est pas sans rappeler l'histoire du fils du douanier de Magny, "l'enfant au fusil" dont j'ai parlé hier. Son histoire est rapidement évoquée par Le Gaulois, dans son numéro du 18 août 1914 :
Moins intéressante, La Dépêche de Lyon contient toutefois un entrefilet qui mérite le détour. Intitulé "Les pousse-pousse chinois à la guerre", il traite de la reconversion de ces modes de transport : ils vont désormais être utilisés pour déplacer les blessés. L'auteur se réjouit que ce soient des brancardiers métropolitains qui les manipulent, et non des Chinois, qu'il trouve "encombrants et indésirables"...
On termine avec La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, un quotidien sans grand relief, qui publie néanmoins douze éditions par jour et se vante de donner les nouvelles "24 heures avant les journaux de Paris" ! Comme la plupart des périodiques de l'époque, il dénonce les atrocités allemandes (on y trouve une allusion aux civils morts du côté de Belfort). Il se fait aussi un devoir de mentionner les actes patriotiques, comme l'engagement dans l'armée du boxeur Georges Carpentier (qui devint champion du monde après-guerre).
Voilà. Ce n'est qu'un florilège de ce que l'on peut trouver dans ces journaux. A chacun son petit bonheur...
22:21 Publié dans Histoire, Presse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, presse, médias, actualité, guerre
mercredi, 13 août 2014
La légende de l'enfant au fusil
C'est l'un des mythes nés de la Première guerre mondiale. Celui-ci a tout juste cent ans puisque, le 13 août 1914, à Magny, village du Haut-Rhin (proche du Territoire-de-Belfort), un garçon de sept ans a été abattu par un soldat allemand. Très vite, la propagande française s'est emparée de l'événement, symbolique des atrocités allemandes, qui furent bien réelles.
L'histoire a été déformée par cette caricature (l'enfant se trouvait dans un grenier). La date est même erronée sur une seconde, accessible sur le site de la BNF :
Des chansons ont même été composées à ce sujet, comme on le découvre dans une passionnante chronique de France Info. On y apprend aussi que l'enfant était... allemand, fils d'un douanier de l'Empire... ben oui : à l'époque (et ce depuis 1871), le Haut-Rhin était allemand. Au tout début de la guerre, les troupes de notre pays ont tenté de reprendre l'Alsace. Après quelques succès, elles ont vite reculé.
Que le fils d'un Saxon, installé en Alsace, soit tué par un soldat bavarois illustre assez bien je trouve l'absurdité de la guerre. Cette affaire est aussi révélatrice des peurs des soldats allemands, qui craignaient les francs-tireurs (un souvenir de 1870) et doutaient de la fidélité au Reich des habitants de l'Alsace.
P.S.
Sur le site de France Bleu, on peut accéder à une jolie animation. Avec La Troisième Couleur en fond sonore (interprété par le choeur de la Maîtrise de Radio France), les pages d'un cahier dessiné et découpé sont tournées devant nos yeux, dans un style à la fois naïf et inventif.
21:39 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, histoire, frande, guerre
samedi, 02 août 2014
Le premier soldat tué
Il y a tout juste cent ans, le 2 août 1914 (donc avant la déclaration de guerre), le caporal Jules André Peugeot (instituteur dans le civil, cousin éloigné des industriels de l'automobile) fut tué par une balle tirée par le sous-lieutenant allemand Albert Mayer (et pas Camille, malgré ce qu'en dit le site de France 3). Il blessa ce dernier, qui lui aussi mourut, atteint par une seconde balle, tirée par un autre soldat français.
L'escarmouche s'est déroulée dans le Territoire de Belfort, dans la commune de Joncherey, dont le site internet propose un récit détaillé des événements de la journée et de celles qui suivirent. Il n'est pas étonnant que les premiers coups de feu aient été tirés dans cette zone frontalière (qui jouxte l'Alsace, territoire annexé par l'Allemagne en 1871). Cette mort est même symptomatique des ravages que la guerre allait faire : deux hommes qui ne se connaissaient pas se sont entretués à cause d'une mission de reconnaissance, à l'image des millions de soldats décédés (par la suite) à cause d'événements qui leur échappaient.
Sur le site (du ministère de la Défense) memoiredeshommes, on peut accéder à la fiche du caporal, par ailleurs entachée d'une erreur (sur son numéro de matricule au recrutement : 558 et non 588), comme il est précisé :
Après la guerre, un monument fut construit en son honneur. Inauguré en 1922, il fut détruit par les Allemands en juillet 1940.
A la fin de la Seconde guerre mondiale, on installa une croix de Lorraine sur un socle, avant qu'en 1959, un nouveau monument ne soit construit. C'est devant celui-ci qu'une cérémonie est prévue, aujourd'hui, en présence (pour la première fois) de descendants des deux principaux protagonistes de l'histoire.
10:22 Publié dans Histoire, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, allemagne, actualité, histoire, presse
jeudi, 31 juillet 2014
Jaurès is alive !
Une bande dessinée (coéditée par Glénat et Fayard) rend hommage à l'ancien député de Carmaux, fondateur de L'Humanité et unificateur des socialistes français :
Ce n'est pas une biographie. La trame principale court de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914, à celui de Jean Jaurès, il y a tout juste cent ans. Le récit englobe plusieurs lieux. Il va de Sarajevo à Paris, en passant par Reims, où l'on découvre Raoul Villain (le futur assassin). Il s'étale même sur plusieurs époques, à travers des retours en arrière, qui permettent de (re)découvrir les étapes importantes de la carrière de Jaurès.
Cela fonctionne presque à rebours. Ainsi, c'est d'abord l'action de Jaurès contre la loi de trois ans (sur la durée du service militaire) qui est mentionnée, à travers notamment le célèbre discours du Pré-Saint-Gervais (du 25 mai 1913), à l'occasion duquel a été prise une photographie qui a été consciencieusement redessinée pour l'album :
Puis, on remonte aux engagements précédents : la promotion de la laïcité, la fondation de L'Humanité, l'unification des socialistes, la défense d'Alfred Dreyfus. On nous présente Jaurès en famille ou en compagnie d'autres militants, souvent aussi en plein discours. Le dessin est très classique et une grande partie des dialogues sont des extraits de ses interventions. Des reproductions de journaux sont ajoutées de temps à autre, ainsi que quelques caricatures d'époque :
Enfin (alors que la trame évoque les derniers jours de Jaurès, passés à défendre la paix), on arrive à ses débuts politiques. Est d'abord illustré le soutien aux grévistes de Carmaux et au maire syndicaliste Calvignac, en 1892 :
On découvre un Jaurès jeune (33 ans)... et même davantage quelques planches plus loin, quand il est question de sa première élection de député (de la circonscription de Castres), en 1885. A l'époque, ce jeune prof de philosophie, qui ne porte encore que la barbe (et pas la moustache), est classé "républicain opportuniste". Notons que celui qui fut l'un des trois ou quatre hommes de gauche les plus influents de ces 130 dernières années n'a jamais été ministre. Il a surtout détenu le mandat de député, qui a brièvement alterné avec celui de conseiller municipal puis d'adjoint au maire de Toulouse. Pas de cumul, de l'engagement, de l'honnêteté, une absence évidente d'arrivisme... autant de leçons pour tous les Pierre Moscovici de notre temps.
La bande dessinée se termine par un petit cahier historique. L'édition originale est complétée par le fac-similé de la première page du numéro 1 de L'Humanité, du lundi 18 avril 1904. L'éditorial est évidemment signé Jaurès, mais d'autres contributeurs ne sont pas des inconnus.
P.S. (!)
Sur le site des éditions Glénat, on peut lire les dix premières pages.
21:23 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, bd, bande dessinée, france, actualité, jaures
jeudi, 24 juillet 2014
Jean Zay, cet inconnu
En février dernier, le président François Hollande a un peu surpris son monde en annonçant la panthéonisation de quatre nouvelles personnes : Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay. Sans leur faire insulte, on peut dire qu'elles sont inconnues du grand public. Ceux qui lisent les journaux connaissent sans doute déjà Pierre Brossolette, dont il a été question ces dernières années dans des articles traitant de la Résistance. La nièce de Charles de Gaulle est davantage réputée pour son action à la tête d'ATD-Quart monde. Germaine Tillon (elle aussi ancienne résistante) s'est fait connaître comme ethnologue et pour ses engagements ultérieurs (contre la guerre d'Algérie, pour la cause des femmes). Et Jean Zay ?
Une exposition lui rend actuellement hommage, pour quelques jours encore, à Brive. Il est né en 1944 d'un père juif et d'une mère protestante. Le papa est une figure locale de la gauche, qui dirige le quotidien Le Progrès du Loiret, où le fiston a écrit, entre les deux guerres. Ardent patriote, le père, en uniforme de poilu, pose avec sa petite famille lors d'une permission, en 1916 :
Lycéen, Jean Zay se fait remarquer par ses résultats brillants (qui lui valent une bourse)... et son esprit caustique. Par la suite (dans les années 1920), avec des amis, il a publié un journal, dans lequel les jeunes hommes laissent libre cours à leur fantaisie. On a plus tard reproché cette période au futur ministre, à cause d'écrits pastiches d'inspiration antimilitariste. C'était oublier l'horreur que la Grande Guerre avait inspirée aux familles des poilus. Et, si l'on devait regarder tout ce que nos hommes politiques ont pu écrire à 20 ans, on n'en finirait pas de polémiquer. La suite de la carrière de Jean Zay allait confirmer son incontestable patriotisme.
Avant d'en arriver là, il achève ses études et devient avocat. Il plaide au civil comme au pénal et se fait rapidement une petite réputation : il a réussi à faire acquitter deux assassins des amants de leurs femmes ! Très vite aussi, il assume la défense d'associations professionnelles et de syndicats de gauche. Dans le même temps, il se marie (à une protestante, Madeline Dreux, qu'il épouse dans un temple)... et adhère à la franc-maçonnerie (à la loge Etienne Dolet, qui rend hommage à un imprimeur de la Renaissance), un choix qui lui a été reproché par la suite.
Cela a sans doute aidé à lancer sa carrière politique, du côté des radicaux-socialistes. Dès 1925, il a adhéré aux Jeunesses Laïques et Républicaines, dont il est devenu vice-président. En 1932 (à 27 ans), il est élu député du Loiret. Il est réélu en 1936, avec la vague du Front Populaire. Il devient ministre, à 31 ans :
Alors que la composition des gouvernements varie fortement sous la IIIe République, lui est resté en place plus de trois ans, sous cinq gouvernements successifs. Il lance une réforme du système éducatif qui a été poursuivie sous la Ve République. La durée de la scolarité obligatoire est prolongée (jusqu'à 14 ans), l'unification du système scolaire est engagée. Le ministre introduit le cinéma et la radio à l'école, tout comme le Brevet sportif populaire. Il double le nombre de boursiers et soutient le jeune CNRS. Du côté des arts, il encourage la fréquentation des théâtres et des musées. Il soutient la naissance de la Cinémathèque française et décide la création d'un festival de cinéma à Cannes. Il devait être inauguré le 1er septembre 1939...
La guerre brise cette brillante carrière. Et pourtant... ce n'est ni le courage ni la lucidité qui manquaient à Jean Zay. Bien que non mobilisable, il choisit de porter l'uniforme et démissionne du gouvernement. Toujours député, il fait partie de ceux qui prônent la poursuite de la lutte contre l'Allemagne nazie, à partir de l'Afrique du Nord. Il embarque donc sur le Massilia (avec son épouse et sa fille) et tombe sans doute dans le piège tendu par Pétain et Laval aux républicains ardents.
Tout comme Pierre Mendès-France, il est accusé (à tort) de désertion. Il est arrêté puis condamné, à Clermont-Ferrand (par le même tribunal militaire qui a condamné à mort Charles de Gaulle). L'extrême-droite, qui l'avait déjà dans le collimateur (et qui l'a toujours...) se déchaîne.
Il est transféré à la maison d'arrêt de Riom. Il obtient de pouvoir lire et surtout écrire. Il rédige quantité de lettres, des nouvelles et une sorte d'autobiographie. Il a même réussi à communiquer avec des résistants. Mais le 20 juin 1944, trois membres de la Milice (l'organisation fasciste dirigée par Joseph Darnand, membre du gouvernement Pétain... et engagé volontaire dans la Waffen SS) le sortent de prison, pour l'exécuter. Le corps n'a été retrouvé qu'en 1948 et seul l'un des trois assassins a été jugé, en 1953.
P.S.
L'exposition (où l'entrée est gratuite), dont la première mouture a sans doute été conçue pour le cinquantième anniversaire de son assassinat, va bientôt quitter Brive. Je suppose qu'elle va tourner et peut-être un jour arriver à Rodez. Quand ? Eh bien, je donne ma langue au chat (briviste) !
14:37 Publié dans Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, politique
mercredi, 16 juillet 2014
Circles
Ces cercles concentriques sont les ondes de choc provoquées par un événement traumatique, à l'image de ce que l'on voit d'un plan d'eau où l'on a jeté une pierre. Comme le dit l'un des personnages du film, malheureusement, ce sont plutôt les mauvaises que les bonnes actions qui ont ce genre de répercussions.
Tout commence en Bosnie-Herzégovine, en 1993. Un soldat serbe revient chez son père, voir aussi sa fiancée. Dans le village multiconfessionnel, la cohabitation semble se passer assez bien. Mais un groupe de paramilitaires (serbes) fait des siennes :
Dans la première partie du film, on ne voit pas comment cette scène se termine. On fait un bond de 12 ans et l'on retrouve presque tous les protagonistes, désormais éparpillés. Certains sont restés en Bosnie, comme ce vieil homme qui s'acharne à reconstruire une église sur le point d'être engloutie à cause d'un barrage. Quand on finit par voir le bâtiment d'origine (et le lieu où il se trouve), on comprend mieux l'acharnement du vieil homme. Il est aidé par un jeune ouvrier... et bientôt l'un des amis de celui-ci, dont le vieillard ne veut pas, au début. On se demande pourquoi et l'on se dit qu'il y a sans doute un lien avec le père disparu du jeune homme. Une drôle de relation va se nouer entre les deux.
Ce saut dans le temps fonctionne très bien parce que les personnages ont réellement vieilli à l'écran, à tel point que certains d'entre eux sont méconnaissables. On a joué sur la chevelure, la barbe, la moustache, les vêtements, sans doute aussi le maquillage. Je pense qu'en réalité on a "rajeuni" les acteurs pour les faire rentrer dans les rôles de l'année 1993. (On a peut-être même demandé à quelques-uns de mincir un peu pour faire plus jeunes.) En tout cas, avec peu de moyens, on a fait du bon boulot.
Pas très loin de la première histoire s'en déroule une autre, à Belgrade, en Serbie. Un accidenté de la route est amené aux urgences de l'hôpital central. Le médecin chef finit par reconnaître son patient. Les souvenirs rejaillissent. Il se retrouve face à un dilemme.
Le troisième sommet de ce triangle narratif se trouve en Allemagne. L'un des protagonistes du départ (on a du mal au début à déterminer lequel) y a refait sa vie. Il a un boulot correct, une épouse, deux filles. L'arrivée d'une femme des Balkans va bouleverser son quotidien. Elle est accompagnée d'un jeune enfant et fuit le père de celui-ci, qui est aussi une vieille connaissance.
Les trois histoires s'entrecroisent avec habileté. C'est de surcroît très bien joué, même si, de temps à autre, on verse un peu trop dans le mélo. Mais le réalisateur compense cela par un réel savoir-faire. Que se passe-t-il dans la tête de ces hommes filmés de dos, gros plan sur la nuque ? Pourquoi ces personnages apparaissent-ils si écrasés par leur environnement, que ce soit un paysage de montagne ou un quartier urbain ? Je pense aussi à cette conversation téléphonique, coupée en deux. On en perçoit une partie, à un moment du film, dans le contexte bosnien et l'autre, plus tard, dans le contexte allemand.
Petit à petit, les fils se dénouent. C'est brillant parce que magistralement monté. Ajoutez à cela une musique excellente et vous obtenez l'une des découvertes de cet été, à ne pas rater si le film est programmé près de chez vous.
P.S.
Même si l'intrigue a été travaillée pour rentrer dans le cadre d'un long métrage, elle s'inspire d'une histoire vraie, ce qui donne encore plus de force au film.
12:25 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
jeudi, 26 juin 2014
Con la pata quebrada
Ce documentaire espagnol revient sur 80 ans de cinéma ibérique, sous l'angle de la place de la femme. Le titre, que l'on pourrait traduire par "avec la patte cassée" serait une référence au roman Don Quichotte (de Cervantès) et plus précisément à une formule qui évoque la place de la femme à la maison.
Les années 1930 furent très riches, avec la liberté acquise sous la République, avant que n'éclate la guerre civile. On y voit un reflet de la société, avec des femmes qui agissent, qui jouent même un rôle politique : elles avaient obtenu le droit de vote (bien avant les Françaises), celui de divorcer et, dans certaines régions, d'avorter (bien avant les Françaises).
Entre 1936 et 1939, le cinéma est le reflet de la division du pays, avec deux visions du rôle de la femme. Aux républicains s'opposent les franquistes, traditionalistes, qui vont triompher. En attendant cette funeste conclusion, on voit des enfants jouer une scène d'anthologie, avec des garçons qui défendent majoritairement l'inégalité des sexes, tandis qu'une charmante petite fille annonce vouloir être... la Pasionaria !
La suite est la partie la plus développée du film, qui court de la fin des années 1930 aux années 1970. Si l'on était en Allemagne, on parlerait des "trois K" : Kinder (les enfants), Küche (la cuisine) et Kirche (l'église). Paradoxalement, d'après ce qui est montré dans le documentaire, on exalte assez peu le rôle de mère. La propagande conservatrice insiste sur celui de femme au foyer et d'épouse docile. Son attitude doit de plus être conforme à la morale définie par la Sainte Eglise catholique. Réjouissante est par ailleurs la scène qui voit un vieil ecclésiastique dire le fond de sa pensée sur le deuxième sexe.
C'est l'une des qualités du film : son humour. Avec le recul, on s'amuse de cette scène qui voit de jeunes Espagnoles légèrement vêtues venir remercier leurs visiteurs d'outre-Atlantiques, fins gastronomes, en clamant : "Merci aux Américains qui aiment les moules espagnoles !" Un peu plus loin, on ricane en voyant la tête consternée du mari qui récupère sa belle chemise de soie... pas tout à fait bien repassée. Encore plus loin, c'est l'effarement d'une mère face à sa fille qui, de retour de vacances, lui avoue avoir eu des relations sexuelles. A l'époque de la Movida, cela devient plus "corsé", avec une scène qui montre une jeune actrice (destinée à une belle carrière) s'amuser dans son bain, avec un jouet animé, qui remonte entre ses jambes...
L'époque franquiste est suffisamment longue pour avoir été variée. On découvre donc l'ambiguïté des cinéastes de l'époque qui, tout en faisant l'éloge de l'épouse fidèle, irréprochable mère au foyer, aimaient parfois à filmer lascivement des femmes dévoyées. Les religieuses sont aussi bien mises en valeur. A l'inverse, les célibataires endurcies, les femmes indépendantes sont montrées de manière négative. Elles ne sont jamais heureuses, dans les fictions de l'époque.
On perçoit aussi les évolutions socio-culturelles. Les films mettent en scène l'essor du tourisme, avec des tenues plus légères et des comportements nouveaux. De son côté, l'irruption de l'électro-ménager dans les foyers est montrée comme une conquête féminine... (On n'est pas loin du "Moulinex libère la femme" que la France a connu à cette époque.)
A la mort de Franco succède une époque foisonnante, qui brûle parfois ce qui avait été adoré auparavant. On tourne en dérision la monarchie catholique (du Moyen Age ou de l'époque moderne, hein, attention) et les bonnes soeurs, dans des parodies pas toujours très fines. On présente aussi une vision plus moderne de la société. Les années 1930 ressurgissent, modifiées. L'érotisme est plus présent. On évoque aussi le thème des femmes battues avec, parmi les extraits servant d'illustration, celui d'un film mettant aux prises Carmen Maura et Sergi Lopez, bien plus jeunes qu'aujourd'hui !
Notons que l'auteur du documentaire n'est pas tombé dans la facilité qui aurait consisté (surtout pour la période récente) à collecter des extraits avec des vedettes ou futures vedettes. Il y en a, bien sûr, mais la grande majorité des films sur lesquels s'appuie la démonstration sont inconnus du public français.
Le début du XXIe siècle est marqué par de nouveaux questionnements, notamment sur la place des femmes aux postes de commandement.
Ce n'est pas très long (1h20 environ), c'est rythmé, fort instructif... et parfois très drôle !
23:47 Publié dans Cinéma, Histoire, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
samedi, 21 juin 2014
Le Rouergue et la généralité de Montauban au crépuscule du Roi Soleil
L'événement de ce vendredi 20 juin était bien entendu cette passionnante conférence, donnée par l'universitaire toulousain Patrick Ferté, au Centre culturel départemental situé avenue Victor Hugo, à Rodez. Elle accompagne la sortie d'une édition commentée des mémoires rédigés pour l'instruction du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV destiné à lui succéder.
Patrick Ferté a commencé par présenter le contexte de la création de ces documents. Rappelons que Louis XIV, né en 1638, a régné très longtemps (jusqu'en 1715). Il a vu mourir tous ses fils... et presque tous ses petits-fils d'ascendance légitime. (Le seul à lui avoir survécu est Philippe, duc d'Anjou... devenu roi d'Espagne sous le nom de Philippe V... et lointain ancêtre du nouveau roi Philippe VI, tout récemment félicité par le président François Hollande.)
Au départ, sans doute pour pallier un éventuel décès précoce (ils étaient coutumiers à l'époque), c'est aux trois fils de Louis de France (le "Grand Dauphin") qu'était destinée la formation dispensée sous l'autorité de trois personnages : le duc de Beauvillier, l'abbé Fleury et Fénelon. Le premier était ce qu'on pourrait appeler un grand commis de l'Etat. (Il avait de surcroît épousé une fille de Colbert.) A une époque où Louis XIV ne pensait qu'à guerroyer, il a conseillé de signer la paix avec plusieurs des adversaires du royaume de France.
D'après Patrick Ferté, il avait confié l'éducation de ses enfants à l'abbé Fleury, un érudit réputé pour son Histoire ecclésiastique et qui s'intéressait à la pédagogie. Pour les Rouergats, il fut l'abbé de Loc-Dieu (pendant plus de vingt ans), dont il ne se contenta pas de percevoir les revenus. Il aurait reçu ce bénéfice du roi, en récompense de l'éducation de l'un de ses bâtards, le comte de Vermandois (né de la liaison avec Louise de La Vallière).
Il est sans doute moins nécessaire de présenter le troisième homme, ecclésiastique et écrivain réputé, dont le roman Les Aventures de Télémaque (qui était d'abord destiné aux trois princes) fut souvent réédité. Notons qu'il était devenu l'ami du duc de Beauvillier.
C'est donc dans ce contexte que fut commandé un état du royaume. Une liste de 43 thèmes/questions fut adressée à chacun des intendants. Celui de Montauban (Le Pelletier de la Houssaye) avait en charge la plus vaste généralité du royaume, incluant le Rouergue, divisé en trois élections (Villefranche-de-Rouergue, Rodez et Millau). La forme de celles-ci ne laisse d'ailleurs pas de surprendre :
J'ai un peu "bricolé" la reproduction d'une carte datant de 1717, trouvée dans un (excellent) ouvrage collectif, L'Aveyron, une histoire, publié en 2000 :
Durant la conférence, pour faire simple, Patrick Ferté a déclaré que le découpage des élections suivait des lignes orientées nord/sud. On voit qu'en réalité, c'était un peu plus complexe : compte tenu des circonvolutions de la délimitation, Espalion, Calmont et Camboulazet, par exemple, dépendaient de Millau !
Bref, les intendants se sont lancés dans la collecte d'informations, s'appuyant sur des érudits locaux et des correspondants dont nous ne savons rien. Le résultat a été très inégal d'une généralité à l'autre et même à l'intérieur d'une généralité (d'une élection à l'autre). Il semble que, pour le Rouergue, le travail ait été effectué très consciencieusement. Et pourtant, il en a été peu tenu compte, les rapports de ces intendants ayant été rapidement dénigrés et, par la suite, tenus pour quantité négligeable, y compris par des historiens de talent comme Pierre Goubert (qui, d'après P. Ferté, ne s'est pas appuyé dessus pour rédiger sa thèse sur le Beauvaisis).
Le responsable est peut-être, selon P. Ferté, le comte de Boulainvilliers qui, au XVIIIe siècle, voulut publier une synthèse "mise à jour par ses soins" des rapports des intendants. Non seulement il dénigra le travail de ces derniers (sans doute pour se mettre en valeur), mais il commit une foule d'erreurs de transcription, aussi bien au niveau des chiffres que des lettres. Si bien que les historiens qui, plus tard, commencèrent par consulter son ouvrage (L'Etat de la France), attribuèrent aux intendants du règne de Louis XIV (souvent à tort) les erreurs commises par Boulainvilliers. P. Ferté a notamment cité le cas du nombre d'ovins dans l'élection de Millau : annoncé à 20 000 (en 1699) par Boulainvilliers, il était, selon le rapport de l'intendant, de 200 000, évaluation qui semble correspondre à la réalité de l'époque.
Voilà pourquoi P. Ferté a trouvé utile de ressusciter deux textes oubliés, le mémoire de 1699 et son complément de 1713, rédigé par un érudit local, Cathala-Coture. En effet, à Versailles, on avait été visiblement un peu déçu par le premier rapport, très statistique, comportant peu d'anecdotes. Le second fut donc une commande précise. Il est beaucoup plus historique.
En réalité, ce n'est pas deux mais trois textes (voire quatre) qui sont réédités. Durant ses recherches, Patrick Ferté a consulté tous les exemplaires existants du mémoire de 1699. Il y en a une cinquantaine. Tous sauf un se terminent de la même manière, inachevés. C'est finalement à l'Ecole vétérinaire de Lyon qu'il a trouvé un exemplaire intégral, comportant un tableau des conversions de protestants. (Précisons que le mémoire a été élaboré peu après la révocation de l'Edit de Nantes, prononcée en 1685.) Le livre se terminerait par une prose assez savoureuse sur les coutumes locales.
La suite de la conférence a été consacrée au tableau économique du Rouergue qui se dégage de la lecture des deux mémoires. Sans surprise, l'agriculture domine. Les cheptels sont dénombrés avec une précision relative. Si j'ai bien compté, au total, les bovins sont un peu plus de 13 000 dans les trois élections... mais les ovins sont plus de 300 000, particulièrement nombreux dans la circonscription de Millau. La vigne n'est guère développée, la production totale étant trois fois plus faible que dans l'élection de Cahors, si mes souvenirs sont exacts.
Au niveau de l'artisanat, c'est le textile qui occupe la première place. Dans l'ouest, les productions semblent de meilleure qualité. L'élection de Rodez pèse quantitativement, mais les produits ne sont pas réputés. Du côté de Millau, l'activité de ganterie n'apparaît pas à cette époque.
Il est aussi question de l'exploitation du charbon, notamment à Aubin. L'auteur du mémoire se garde toutefois d'évoquer un récent (1692) conflit violent, lié au monopole d'exploitation du "charbon de terre" attribué, dans un premier temps, à la duchesse d'Uzès, avant de lui être retiré, notamment après deux meurtres non élucidés. Le mémoire statistique de 1699 comme le mémoire historique de 1713 n'évoquent pas plus les révoltes de "croquants" qui ont émaillé le XVIIe siècle. Pourquoi ennuyer les princes avec de telles horreurs ?
L'intendant a aussi veillé à mette en valeur l'activité commerciale, qui intéresse au plus haut point le gouvernement, adepte du mercantilisme. On s'est intéressé à la capacité d'autosuffisance de chaque élection. On a relevé le dynamisme du commerce des étoffes... et des fromages, en particulier le Roquefort, qui a déjà excellente réputation à l'époque... et qui se vendait jusqu'à Paris ! P. Ferté a aussi évoqué le commerce des mulets, importés du Poitou, engraissés en Rouergue et revendus parfois jusqu'en Espagne (en Catalogne). C'était un secteur jugé stratégique (en période de guerre) et l'intendant y était très attentif.
Les deux mémoires fourmillent de détails, proposant une estimation jugée assez fiable de la population de la province et des principales villes. En 1699, le Rouergue aurait été peuplé d'un peu moins de 230 000 habitants (80 000 dans l'élection de Villefranche, 85 000 dans celle de Rodez et 64 000 dans celle de Millau). Au niveau des villes, Villefranche-de-Rouergue rivalisait avec Rodez (6 000 habitants chacune), loin devant Millau (3 000 habitants), devancée même par Saint-Geniez-d'Olt (environ 3 500). P. Ferté a toutefois relativisé ces chiffres. Ils sont donnés avec plus ou moins de précision et, concernant les villes, il a quelques doutes sur les limites choisies.
Outre les populations, les enquêteurs ont tenté de recenser tous les édifices religieux... et même les ponts. Il y en aurait 32 (ou 34, je ne sais plus) dans le Rouergue, à l'époque. Ils étaient tous en pierre.
La conférence s'est achevée sur les conséquences de l'hiver 1708-1709, qui s'ajoutait à la guerre de Succession d'Espagne et autres calamités. Le royaume de France est à genoux et le Rouergue souffre particulièrement. Le froid a tué la plupart des noyers et des châtaigniers, privant la population d'un aliment de base et d'un produit commercialisable. Ce fut le cas aussi pour le safran, très présent alors dans l'ouest du département. Lorsque les chênes ont été frappés, c'est la nourriture des porcs qui a disparu. Là encore, furent touchées et l'alimentation des populations et l'activité commerciale, puisque les animaux étaient vendus du côté de Montpellier.
Sous le règne de Louis XV, d'autres crises climatiques ont secoué la province, si bien que le conférencier s'est autorisé à conclure que le "siècle des Lumières" n'a pas été une période brillante pour le Rouergue.
P.S.
Aux amateurs de sensationnel, je signale que le second mémoire développe parfois des thèses étonnantes, comme celle de l'origine larzacienne des différentes dynasties qui ont régné sur la France (les Mérovingiens, les Carolingiens... et même les Capétiens !).
P.S. II
Le plan des deux tomes de l'ouvrage de Patrick Ferté est accessible en ligne, sur le site du CTHS.
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jeudi, 05 juin 2014
D-Day - Normandie 1944
Sorti fort à propos, ce moyen-métrage (de 45 minutes environ) en 3D mêle rigueur historique et technologie de pointe. Plusieurs types d'images sont représentés. On trouve des vues aériennes de la Normandie, des images d'époque (je pense notamment aux abords des plages du Débarquement, avec la présence des dirigeables... c'est très joli en 3D), des scènes jouées et de l'infographie comme ces cartes montrées en plongée et que l'on voit s'animer au fur et à mesure que l'entreprise des Alliés réussit.
C'est propre et bien fait. Le commentaire de François Cluzet s'insère parfaitement dans le film... mais, en dépit de ces qualités, je n'ai pas été emballé. D'abord, j'ai vraiment du mal avec ces lunettes 3D qui obscurcissent ce qui se trouve à l'écran. Ensuite, j'ai trouvé le contenu assez basique, voire banal. A ceux qui ont suivi jadis les cérémonies du cinquantième anniversaire, cela apparaîtra un peu fade. Mais c'est visiblement le (très) grand public que l'on a cherché à toucher.
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dimanche, 01 juin 2014
L'Ile de Giovanni
Ce manga croise l'histoire japonaise avec une oeuvre de fiction, Train de nuit dans la voie lactée. C'était le livre préféré de la mère des héros (deux garçons, dont les prénoms sont inspirés de l'oeuvre). Il est devenu le leur et une source de rêveries (superbement matérialisées à l'écran).
Mais l'action du film démarre en 1945. Nous sommes sur l'île de Shikotan, située au nord du Japon, juste à côté d'Hokkaido. La guerre finit par arriver sous la forme d'un bombardement américain... puis des bateaux soviétiques.
L'animation (qui n'est pas d'une qualité exceptionnelle au niveau des personnages... ça ressemble à du manga "de consommation courante") est suffisamment habile pour permettre aux spectateurs de comprendre l'étonnement des Japonais (encore plus des enfants) devant ces grands soldats blonds (ou bruns) qui débarquent et prennent possession de l'île.
La suite de l'histoire montre les sentiments ambivalents des enfants qui, à l'image du reste de la population, souffrent des pénuries diverses, mais qui nouent une drôle d'amitié avec la fille du commandant, une jolie blonde tout aussi fascinée qu'eux par les trains. Cela nous vaut une scène magnifique autour d'un petit train électrique, de nuit, entre les deux parties de la maison, brièvement réunies. (C'est évidemment une métaphore de la situation des îles Kouriles, que la Russie contrôle toujours aujourd'hui.)
J'apprécie aussi que, bien qu'ayant vu le film en version française, on ait pris soin de laisser les dialogues russes, qui sont donc sous-titrés. Je vous assure que cela n'a nullement gêné les bambins présents dans la salle. De la même manière, on a permis à nos oreilles occidentales de profiter aussi bien des chants japonais que des russes, entonnés à l'école primaire, dans deux classes voisines.
L'histoire prend un tour tragique quand l'expulsion des habitants est décidée. Ceux-ci ne sont pas directement envoyés au Japon. C'est le début d'un périple, qui voit les garçons partir à la recherche de leur père, plus ou moins aidés par leur oncle, un drôle de type, franchement magouilleur, qui rappellera bien des personnages comiques aux amateurs de mangas.
L'histoire ne s'arrête pas aux années 1940. Une séquence nous montre certains des protagonistes, au début du XXIe siècle. C'est à la fois mélancolique et porteur d'espoir.
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vendredi, 09 mai 2014
D'une vie à l'autre
Ce film aurait pu s'intituler "quatre générations sous un même toit", puisqu'il met en scène les relations entre l'aïeule d'une famille norvégienne (qui vit plutôt recluse), sa fille (un femme mûre très organisée), sa petite-fille (assez perturbée) et le petit dernier, encore bébé. Le problème est que l'aïeule a eu, pendant la Seconde guerre mondiale, une relation avec un soldat allemand (mort ensuite sur le front russe) et que sa fille unique Katrine lui a été enlevée pour être envoyée dans un orphelinat du Lebensborn, en Allemagne.
La situation se complique parce que l'action se déroule en 1990. La chute des régimes communistes est-européens et la réunification allemande font ressurgir de vieilles histoires... et de vieux dossiers. Une association milite pour que les mères et les enfants jadis rejetés par le gouvernement norvégien soient indemnisés. Or, Ase et Katrine forment le seul couple mère-fille à s'être retrouvé, une vingtaine d'années auparavant. Mais les circonstances semblent floues.
A l'écran, on distingue les scènes "anciennes" (des années 1960) des scènes "actuelles" (de 1990) par le grain de l'image, volontairement dégradé pour les images du passé. Le montage est assez subtil, parce que, très tôt, il nous donne à voir des scènes dont on a du mal à comprendre toute la portée. On saisit quand même assez vite que la Stasi (la police politique de la RDA) a joué un rôle important dans cette histoire.
Ainsi, plus que sur la Seconde guerre mondiale, c'est sur la Guerre Froide que repose l'intrigue. On nous ménage des rebondissements, jusque dans le dernier quart d'heure. A ce moment de l'intrigue, l'une des scènes anciennes prend tout son sens.
Les acteurs sont très bons. On a beaucoup parlé de Liv Ullmann (qui incarne l'aïeule). J'ai été davantage marqué par l'interprétation de Juliane Köhler, dont le personnage à multiples facettes est au cœur de l'histoire.
Entre film d'espionnage, polar et drame familial, cette œuvre très forte mérite le détour.
P.S.
Sur le programme "Fontaine de vie" des SS, il existe un livre de Marc Hillel, assez ancien, mais riche en anecdotes. Il s'intitule Au nom de la race :
La première partie du livre aborde le programme nazi sous l'angle allemand. On entre dans le délire des conceptions racistes qu'il y a derrière la création du Lebensborn. A l'occasion, on apprend des choses sur la condition féminine sous le IIIe Reich. Ensuite, il est question des enfants issus de couples mixtes (le cas polonais est le plus développé). La dernière partie traite du devenir des enfants entre 1945 et le début des années 1970. Un cahier de photographies complète l'ouvrage, en fin de volume.
19:53 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
mercredi, 07 mai 2014
Le Grand Cahier
C'est l'adaptation du roman éponyme d'Agota Kristof, le premier d'une trilogie consacrée à des frères jumeaux. L'action de ce film se déroule en Hongrie, pendant la Seconde guerre mondiale. Autant dire tout de suite que l'optimisme et l'hilarité ne sont pas au coeur de l'histoire, qui est extrêmement dure.
On ne sait pas beaucoup de choses du contexte. C'est celui de la fin de la guerre (les années 1944 et 1945), qui voit l'invasion de la Hongrie par les troupes de l'Allemagne nazie, dont elle était pourtant une alliée jusque-là. Deux parents décident d'envoyer leurs fils jumeaux à la campagne, chez leur grand-mère maternelle (qu'ils n'ont jamais vue). Le père est dans l'armée. C'est la mère qui va amener les enfants, avant de disparaître. Ils emportent avec eux diverses affaires, dont un cahier aux pages blanches, sur lequel leur père leur a demandé de raconter leur quotidien.
La suite est dure, très dure même parfois pour ces enfants, qui découvrent la complexité du monde des adultes. Aucun de ceux-ci ne semble respecter les préceptes qu'ils enseignent. Toutes les figures adultes se révèlent ambivalentes. Ceux qui paraissent gentils de prime abord (les parents, les clients d'un café, l'employée du curé, les "libérateurs" de l'Armée rouge) se montrent finalement plutôt égoïstes et indifférents au sort des gamins.
D'un autre côté, plusieurs figures hostiles font preuve d'un peu d'humanité. Il y a cet officier SS, au départ menaçant, qui semble beaucoup aimer les garçons... Il y a aussi la fille de la voisine, qui a un bec-de-lièvre. C'est une indécrottable voleuse, mais elle va aider les jumeaux. Il y a surtout la grand-mère, formidable personnage interprété par Piroska Molnar.
A partir du moment où les deux petits citadins se retrouvent chez la vieille bique, les scènes fortes, très dures, s'accumulent. Il y est question de la saleté, de la faim, du froid, de la violence physique, de la convoitise. L'espèce humaine n'en sort pas grandie... et les enfants non plus puisque, pour survivre dans ce monde de loups, ils décident de se faire loups à leur tour. Je vous laisse découvrir à quelles extrémités leur choix va les conduire.
D'un point de vue visuel, le film alterne de très jolies scènes naturalistes, en extérieur et en intérieur. S'ajoutent à cela les notations dans le fameux grand cahier, très bien rendues à l'écran. Ce qui n'était au départ qu'une suite de petites rédactions écrites de mains d'écoliers studieux devient un livre de vie, rempli d'objets, de matières diverses, qui s'animent plus ou moins à l'écran. Cela donne encore plus de force à cette histoire originale, très pessimiste sur le fond.
22:51 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
vendredi, 02 mai 2014
Les Vivants
Au coeur de ce film (partiellement autobiographique) se trouve la communauté dite des "Saxons de Transylvanie". Elle est composée (en partie) de descendants de migrants germaniques (plutôt issus de l'espace rhénan), installés dans l'actuelle Roumanie à partir du Moyen-Age. Le régime nazi a considéré ces populations comme des "Allemands ethniques" et nombre d'entre eux ont rejoint les rangs de la SS pendant la Seconde guerre mondiale.
Au début de l'histoire, l'héroïne, Sita, une jeune femme encore étudiante, qui fréquente des milieux de gauche, voire alternatifs, n'a pas conscience de tout cela. Elle sait que sa famille est originaire de Roumanie et que certains de ses ancêtres ont dû porter l'uniforme allemand. Mais, un soir, elle découvre une vieille photographie déchirée en petits morceaux. Peu après, son grand-père adoré tombe gravement malade et, en fouillant dans ses affaires, elle tombe sur un album-photo des plus intrigants.
Sita est amenée à (se) poser beaucoup de questions sur le passé familial. Son grand-père (à l'article de la mort) a-t-il combattu en Pologne ? Qu'était ce "camp d'entraînement" où il a stationné ? Quels sont ces prénoms inconnus qui figurent dans les documents familiaux ? Comme son propre père ne veut pas lui répondre clairement, Sita part à la recherche d'informations.
Sa quête va la mener en Allemagne, en Autriche, en Pologne et même en Roumanie, dans l'une des dernières séquences, assez émouvante. L'ensemble du film est d'ailleurs très prenant. La jeune femme découvre petit à petit un passé pas très reluisant et aussi une histoire familiale cachée.
Dans le même temps, sa vie sentimentale est bouleversée. Elle se fait larguer par le journaliste (marié) avec lequel elle entretenait une liaison et démarre une relation confuse avec un étudiant israélien. Les deux histoires s'entrechoquent et l'on sent que la jeune femme a du mal à tout gérer.
C'est un film très fort, très bien joué, accompagné d'une bonne musique
22:48 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, histoire
samedi, 19 avril 2014
Jeanne d'Arc mène l'enquête
Les scénaristes de la série Perception se sont montrés particulièrement facétieux dans l'écriture de l'épisode 5 de la première saison. Le duo d'enquêteurs formé par l'agent du FBI et l'universitaire en vient à se quereller à propos de la religion. Il faut dire que l'affaire qu'ils ont à traiter est des plus délicates, puisqu'elle les a mis au contact d'un jeune homme qui est considéré comme une sorte de prophète.
La médaille dont parle la charmante Kate Moretti pourrait ressembler à ceci :
... ou bien à cela :
Dans la suite de l'épisode, l'universitaire athée et schizophrène qu'est Daniel Pierce commence à avoir de drôles de visions. La première fois, c'est dans les bureaux du FBI, dans la salle d'observation, pendant que son ancienne élève interroge un suspect :
Cela continue à l'hôpital, peu après l'admission d'un jeune homme qui vient sans doute d'être victime d'une tentative de meurtre :
C'est à un autre moment crucial que l'apparition refait surface (seulement aux yeux du héros), alors que l'identité de l'assassin est sur le point d'être découverte :
On a droit à un dernier clin d'oeil à la fin de l'épisode :
Les auteurs ont été assez habiles pour ménager la chèvre et le chou, pour contenter les scientistes et les croyants invétérés. Il est décidément vraiment dommage que M6 ait décidé de déprogrammer cette série, avant même la fin de la première saison, dont il ne restait que trois épisodes à diffuser. Elle a sans doute souffert d'un mauvais positionnement dans la grille. Elle n'était peut-être pas faite pour être diffusée à 20h50 mais, surtout, en face, elle avait une série populaire sur la Une (Alice Nevers) et un concurrent de meilleure qualité sur France 4 : Sherlock.
23:14 Publié dans Jeanne d'Arc, Télévision | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, femme, christianisme, spiritualité, cinema, film