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mardi, 03 novembre 2015

Suffisance radiophonique

   C'est dans la voiture que j'écoute le plus souvent la radio. Le matin, je passe d'une station à l'autre, en général France Inter ou France Culture (qui développe davantage les sujets internationaux). Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre ceci, aujourd'hui, vers 7h30 :



   Pour réécouter l'intégralité de la chronique de ce Charles Dantzig, il faut "charger" la "Matinale des écrivains" de France Cul' et se rendre à 1h03. On entendra l'écrivain commencer son propos par... une référence à son dernier livre ! (Un peu d'autopromotion ne peut pas faire de mal...)

   Plus dérangeants sont ses raccourcis historiques. Les motivations de Gavrilo Princip (l'auteur de l'attentat de Sarajevo) sont autrement plus complexes (et débattues) que ce qui ressort de cette chronique écrite à la hâte... trop même, puisque, dans sa précipitation, Charles Dantzig a omis de vérifier les détails de la biographie de l'ancien Premier ministre israélien Menahem Begin, mort dans son lit (en 1992) et pas sous les coups d'un fanatique.

   L'écrivain l'a sans doute confondu avec Yitzhak Rabin, dont on commémore actuellement le vingtième anniversaire de la disparition. Le journaliste de France Culture s'est bien gardé de relever cette erreur. Il a même conclu l'intervention de l'invité par un peu de publicité pour son oeuvre.

   Une question demeure : le journaliste (Guillaume Erner) s'est-il rendu compte de la bourde de son invité, ou bien n'a-t-il pas rectifié en raison de sa propre ignorance ?

lundi, 02 novembre 2015

Une Jeunesse allemande

   Ce documentaire est uniquement constitué d'un montage d'images d'archives (actualités, films, émissions télévisées...) de l'époque de la "bande à Baader", surnom donné à la Fraction Armée Rouge, un groupe gauchiste qui a versé dans le terrorisme.

   L'intérêt est de confronter des sources différentes, certaines favorables aux révolutionnaires, d'autres hostiles. Autant le dire tout de suite : on sent derrière l'apparente objectivité du documentariste une évidente sympathie pour ces jeunes intellectuels devenus sanguinaires.

   J'ai franchement eu du mal au début. On nous sert un fatras de considérations marxisantes, dans un écrin pas très joli : c'est du format télé "gonflé" pour tenir sur un écran de cinéma. On découvre néanmoins les futurs protagonistes avant qu'ils ne deviennent des terroristes. On n'a toutefois pas interrogé leurs origines familiales. Il me semble que beaucoup des meneurs ont perdu au moins un de leurs parents jeunes. Il aurait fallu creuser sur la psychologie de ces intellos de gauche, peut-être pas très à l'aise avec la manière dont les membres de leur famille ont traversé le IIIe Reich.

   Il est toutefois une figure qui se détache nettement de la grappe de révolutionnaires : Ulrike Meinhof. Ses propos dénotent incontestablement une intelligence plus élevée que celle de ses comparses. Elle avait un discours structuré et, contrairement à d'autres, n'était pas narcissique. On la découvre jeune journaliste dans une revue "rebelle", Konkret. Par contre, le film peine à expliquer le passage à la violence la plus extrême. Il se limite à mettre en regard la brutalité de la répression judiciaire et policière. Cela ne suffit pas.

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   L'autre intérêt de la mise en lumière d'Ulrike Meinhof est la place accordée à la question féminine par une intellectuelle de gauche. On sent qu'elle a compris que, dans son propre camp, l'esprit phallocrate n'est pas absent. Un peu gênée lors d'un entretien, elle finit par se raccrocher à la lutte des classes comme meilleur moyen de faire triompher l'égalité des sexes, mais ce n'est guère convaincant.

   Le film ne cherche pas non plus à en savoir plus sur la mort des principaux leaders, supposés "suicidés" en prison. Pour Meinhof, le sens politique donné à cet acte est vraisemblable. Mais pour d'autres, on se demande si la pulsion suicidaire n'a pas été quelque peu "épaulée" par de secourables mains gantées...

   Je suis sorti de là mitigé. Ce n'est pas un "beau" film et, pour moi, le sujet n'est que partiellement traité.

   P.S.

   Sur le site du distributeur, on peut accéder à plusieurs documents complémentaires.

lundi, 26 octobre 2015

Elser

   Le régime nazi a suscité des oppositions et il n'a jamais, par des moyens légaux, obtenu le soutien de la majorité des Allemands. Le grand mérite de ce film est de faire découvrir un aspect méconnu de l'antinazisme allemand. Il y a quelques années, Hollywood nous a donné une version spectaculaire d'un complot militaire, dans Walkyrie. Plus intéressant était Sophie Scholl, sorti en 2006 et consacré à l'opposition d'étudiants catholiques. Trois ans auparavant, Rosenstrasse évoquait ce que l'on a appelé "la résistance des coeurs".

   L'intrigue est construite sur deux trames chronologiques. La principale démarre  la veille de l'attentat organisé par le menuisier Georg Elser (en novembre 1939) et se poursuit jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale (et même au-delà pour l'un des personnages). La seconde trame nous est proposée par des retours en arrière. Elle va des années 1920 jusqu'à la décision d'Elser d'organiser son attentat.

   Soulignons dès à présent la qualité de l'interprétation. Christian Friedel est un excellent Elser. Katharina Schüttler est troublante en femme insatisfaite, qui cherche sa voie dans ce monde d'hommes. Du côté des nazis se détachent Burghart Klaussner et Johann von Bülow (vu récemment dans Le Labyrinthe du silence).

   La double trame permet d'éviter de trop faire peser le poids de la fatalité sur cette histoire, dont on sait dès le début qu'elle se termine plutôt mal. Par contre, elle nous fait mieux découvrir la personnalité de cet opposant solitaire, plutôt de gauche mais réfractaire aux appartenances politiques. C'était d'abord un bon vivant, amateur de femmes, qu'il parvenait à séduire grâce à ses talents de musicien. Cela donne un tour joyeux à nombre de scènes. (Pour le public français, les séquences de baignade auront un petit goût de Front Populaire.)

   A l'opposé, on voit grandir progressivement l'emprise du nazisme. Ce film rappelle à ceux qui l'auraient oublié que les premières victimes du régime hitlérien ont été des Allemands. Il est aussi important que soit montrée la cruauté des nazis, à travers les tortures qu'ils infligent à leurs prisonniers.

   La réalisation est propre, classique. Les amateurs d'inventivité formelle seront déçus, mais ce n'est pas forcément ce que l'on attend de ce genre de long-métrage.

dimanche, 25 octobre 2015

Adama

   Cette animation réunionnaise a pour cadre la Première guerre mondiale et la contribution de l'Afrique de l'Ouest à l'effort de guerre français. La forme choisie est celle du conte, qui permet de s'affranchir du réalisme à tout crin... et qui laisse de la place aux inventions poétiques.

   J'ai lu ici ou là quelques critiques sur la qualité de l'animation. Certains regrettent une esthétique qui ressemblerait à celle des jeux vidéo. Il est certain que ce n'est pas une manière classique de faire du dessin animé. Le réalisateur se serait appuyé sur le travail d'un sculpteur pour mettre en forme(s) ses personnages. Voici ce que cela donne pour le héros éponyme :

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   Bon, c'est sûr, ce n'est pas aussi virtuose qu'une oeuvre de Miyazaki, ni aussi réussi qu'une autre animation française récemment sortie sur les écrans (Mune), mais, après une phase d'adaptation, j'ai trouvé que c'était adapté à la forme du conte. Cela donne un aspect d'étrangeté à l'histoire.

   Celle-ci se découpe en deux parties. La première se déroule dans le village africain. Elle dépeint la vie quotidienne des habitants et les problèmes qui agitent les hommes à cette époque, en 1916. Le frère aîné d'Adama a accepté l'or de mystérieux guerriers de l'extérieur. Il va fuir le village et devenir un soldat.

   La seconde partie raconte le périple d'Adama, parti à la recherche de son frère, d'abord en Afrique, puis en France métropolitaine... jusqu'à Verdun. En chemin, il va faire une multitude de rencontres, principalement de soldats (blancs et noirs). L'un d'entre eux est un griot, moitié sorcier, moitié voleur, qui va jouer un rôle déterminant.

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   J'ai particulièrement aimé le passage par Paris, où le héros tombe sur des gamins des rues, malins comme des singes... et pas très respectueux d'autrui. Fort heureusement pour Adama, une bonne âme va le prendre sous son aile.

   Cela nous mène à la séquence la plus forte, celle de Verdun, qui nous vaut les images les plus belles (mais les plus dures) du film.

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   Rassurons les parents : c'est visible par les petits... d'autant plus que l'histoire s'achève par une sorte de pirouette, bien dans l'esprit du conte, et qui dédramatise un peu la situation. Signalons que le film ne dure qu'1h20.

samedi, 24 octobre 2015

The Look of Silence

   Ce documentaire de Joshua Oppenheimer traite d'un gigantesque massacre méconnu, celui d'environ un million d'Indonésiens communistes (ou supposés tels), en 1965-1966, en pleine Guerre froide. Le "héros" de ce film est un ophtalmologue né deux ans après les événements, Adi Rukun. Il n'a pas connu son frère aîné, mort pendant les massacres. C'est donc à la fois une enquête sur ce qui est réellement advenu de ce frère (et sur ses assassins) et un portrait de famille : Adi s'occupe de ses parents âgés, en particulier de son père, quasi infirme.

   Le réalisateur suit l'ophtalmo dans sa quête, qui commence par des visites médicales. Tant de gens ont vu et entendu des choses, mais se gardent d'en parler ! La symbolique est claire : Adi essaie d'ouvrir les yeux de la population, au propre comme au figuré. Le film fonctionne très bien parce que l'ophtalmologue est d'un calme impressionnant. Même si, à certains moments, on sent poindre l'indignation en lui, il reste posé, conscient que tout éclat nuirait à la démarche engagée avec le réalisateur.

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   Cela nous donne des scènes à la limite du soutenable, durant lesquelles Adi (ou le metteur en scène) dialogue avec les assassins de son frère, devenus des grands-pères en apparence inoffensifs. Certains passages sont à peine soutenables, tant ce qui est dit (ou mimé) est cruel... et les tueurs sont très fiers de ce qu'ils ont fait ! D'autres personnes rencontrées, plus gênées, excipent de la menace communiste, du risque de troubles et/ou des ordres reçus de leurs supérieurs. Certains refusent d'évoquer le passé, voire menacent leur interlocuteur. Rouvrir les vieilles blessures ne mènerait à rien de bon. Il vaut mieux oublier ou conserver le silence. (On pense au récent Labyrinthe du silence, sur la gestion du passé nazi en Allemagne.)

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   A la vision de ce documentaire, on ne peut pas ne pas penser à d'illustres prédécesseurs, Shoah de Claude Lanzmann (sur l'extermination des juifs) et S-21 de Rithy Panh (sur le génocide cambodgien). Dans le détail, le massacre indonésien fait penser à la fois au Cambodge de Pol Pot (sauf qu'ici les communistes sont les victimes) et au Rwanda de 1994 (voir le récent entretien accordé par Jean Hatzfeld au Monde) : le meurtre de masse a été commis avec des moyens relativement rudimentaires, avec l'intervention déterminante de milices locales (liées à l'armée). De nos jours, les descendants des victimes côtoient parfois ceux des tueurs. (On en a un exemple dans le film.)

   The Look of Silence n'est pas un documentaire comme les autres aussi parce qu'il consacre une place non négligeable à la famille du "héros". On comprend à demi-mots qu'il a été conçu (par des parents qui n'étaient déjà plus si jeunes) pour remplacer le fils aîné assassiné. Très belles sont les scènes qui le montrent en train de s'occuper de son père. Elles pourraient sembler impudiques, mais ce n'est pas le cas. Et que dire de la mère, un sacré tempérament !

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   C'est vraiment un film choc, très beau mais très dur.

   P.S.

   Signe que le sujet est encore extrêmement sensible, une partie de l'équipe technique a tenu à rester anonyme, ce qui donne un aspect surréaliste au générique de fin.

   P.S. II

   Le site dédié est très bien conçu.

samedi, 10 octobre 2015

L'Odeur de la mandarine

   Cette odeur est celle qui émane du museau des chevaux. C'est aussi celle de la jument (qui porte le nom du fruit), lorsqu'elle a ses chaleurs. C'est donc évidemment une allusion à l'accouplement, celui des animaux et celui des humains, dont les chevaux sont des substituts.

   L'action se déroule à la fin de la Première guerre mondiale, entre juillet et novembre 1918, en Picardie, à proximité immédiate du Front (côté français). A plusieurs reprises, on perçoit un écho étouffé des combats, si proches et pourtant si lointains de la vie quotidienne des héros, qu'ils ont pourtant marqués au fer rouge.

(Je tiens à signaler que je suis très satisfait de la phrase précédente.)

   Ces héros sont un homme et une femme. A ma droite voici Charles, officier de cavalerie récemment amputé d'une jambe. C'est un célibataire endurci, qui n'a sans doute connu que des filles de joie. Il vit entouré de ses vieux domestiques... et de sa jument, Mandarine, qu'il a réussi à préserver des réquisitions. Est-il utile de préciser qu'Olivier Gourmet est remarquable dans le rôle ?

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   A ma gauche voilà Angèle, l'infirmière douce, la veuve éplorée, hantée par la mémoire de l'amour disparu. C'est aussi une jeune femme indépendante, cultivée, dotée d'un sens de la répartie qui contribue à "épicer" l'intrigue. A la fois belle, drôle et émouvante, Georgia Scalliet est la révélation de ce film, auquel son personnage (et sa manière de l'interpréter) donne une épaisseur inattendue.

   Signalons que les seconds rôles sont à la hauteur, avec (notamment) Dimitri Storoge (vu l'an dernier dans Belle et Sébastien) en soldat-palefrenier inquiétant et Hélène Vincent en vieille nourrice dévouée.

   La première partie de l'histoire montre la naissance d'une complicité. Ces trois-quarts d'heure passent comme un rêve. Quand l'intrigue a pris un tour plus conflictuel, j'ai eu peur que le scénario ne tienne pas la route... et j'avais tort. On nous a ménagé de petits rebondissements, à intervalle régulier, sans que cela soit apparent.

   Il est bientôt question d'un soldat déserteur et de l'étalon qu'il traîne avec lui. Ce magnifique cheval noir est l'objet de toutes les convoitises. On songe notamment à l'accoupler avec Mandarine, dans une association que l'on est tenté de comparer avec les protagonistes qui se déplacent sur deux pattes (ou une et demi).

   Autre attrait du film : la qualité de l'image. C'est souvent superbe à l'écran. (Merci Yves Angelo.) Certaines scènes ont été tournées dans les forêts de Rambouillet et de Fontainebleau. Plusieurs moments-clés se déroulent à proximité d'un lac... et font intervenir un cerf majestueux, sorte d'esprit animal chargé de veiller sur la jeune femme.

   Moins strictement historique de La Peur (mais plus réussie sur le plan cinématographique), cette fiction est pour moi un film à voir absolument.

dimanche, 04 octobre 2015

L'Aristocrate fantôme

   C'est ainsi que s'intitule l'un des trois volumes consacrés aux femmes de la Commune de Paris, publiés sous le titre générique de Communardes !

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   Le scénario est de Wilfrid Lupano, les dessins d'Anthony Jean. Disons tout de suite que c'est superbe sur le plan graphique. Les couleurs sont splendides et l'édition est très soignée. Le livre est un bel objet.

   L'héroïne est une ravissante jeune femme, Elisabeth Dmitrieff, issue de la noblesse russe, polyglotte, engagée pour la cause des femmes et, plus généralement, le progrès social.

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   A ceux qui trouveraient invraisemblable (ou cliché) ce personnage romanesque, je précise qu'elle a réellement existé. Elle fut proche de Karl Marx (qui apparaît dans la bande dessinée) et contribua à la fondation de la première Internationale. Elle a même une place à son nom, à Paris, dans le IIIe arrondissement :

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   Mais revenons à la bande dessinée. L'action de l'héroïne est présentée dans le contexte de la Commune, dont on ne nous cache pas les tensions internes... ainsi que le scepticisme que suscite parfois l'activisme féminin. C'est qu'Elisabeth n'est pas qu'une militante "de gauche". Elle veut que tous les hommes respectent davantage leurs congénères de l'autre sexe... et que les femmes puissent se battre à leurs côtés. Dans le même temps, elle est censée renseigner Karl Marx (resté à Londres) sur ce que sont ces étranges révolutionnaires, pas tout à fait dans la ligne de l'Internationale.

   C'est vivant et souvent truculent. Certaines scènes sont assez crues et le langage est du même tonneau :

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   Je reviens sur la forme, vraiment belle. Le dessin, de facture classique de prime abord, se révèle sophistiqué quand il s'agit de représenter les émotions. Et quelles belles scènes de nuit !

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   Pour savoir ce qui a provoqué un tel effarement chez l'héroïne (au coeur pourtant solidement accroché), il faudra vous plonger dans cette bd très réussie, dont on peut lire un extrait sur le site des éditions Vents d'Ouest.

vendredi, 02 octobre 2015

La Peur

   Ce film est l'adaptation d'un roman qui avait été publié en 1930, avant d'être interdit. Sur le fond, le propos est assez antimilitariste, ceci expliquant peut-être cela.

   Mais c'est d'abord une œuvre de fiction, à la fois dure et d'une grande beauté plastique, par instants. Je pense notamment aux scènes de nuit et à la mort du cheval, qui m'a rappelé un plan saisissant de Jarhead, qui se déroule pourtant dans un contexte très différent (celui de la première guerre du Golfe). Le réalisateur est aussi très doué pour filmer les corps, ceux des "poilus" (en plus ou moins bon état) et ceux de jolies jeunes femmes (la compagne du héros et une infirmière, dont les spectateurs n'ignoreront plus rien de l'anatomie).

   Sur le fond, le scénario vise à l'exhaustivité, introduisant, au fur et à mesure de l'histoire, tous les aspects du conflit, de l'entrée en guerre plus ou moins joyeuse au soulagement de l'armistice, en passant par la dureté de la vie dans les tranchées, le fracas des armes et les relations parfois difficiles entre soldats et officiers. Le souci de réalisme a sans doute poussé le réalisateur à calquer certains plans sur des photographies anciennes ou des images d'actualité (en particulier quand on voit des soldats se mouvoir dans les tranchées).

   Pour moi, les meilleurs moments sont ceux qui se déroulent dans l'hôpital où atterrissent les blessés graves. Des acteurs truculents donnent vie à ces corps brisés, face à des infirmières présentées plutôt comme des objets que comme des sujets. J'ai aussi bien aimé la séquence avec le fou alcoolique, qui évolue dans les limbes de la guerre et de la conscience humaine.

   Tout cela devrait donc donner un excellent film. Et pourtant... c'est long et par moments un peu pénible, pour une raison : la diction des acteurs (sans doute mal dirigés), dont le jeu est excessivement théâtral. Ajoutons que le héros est un personnage assez fade, de surcroît incarné par un acteur peu charismatique. C'est vraiment dommage.

dimanche, 20 septembre 2015

Sur la ligne

   Inspiré d'une histoire vraie, ce film nous replonge dans la Guerre Froide, plus précisément le début des années 1980, quand les championnats du monde d'athlétisme et les Jeux Olympiques sont perçus comme des enjeux politiques pour les deux Blocs.

   L'héroïne est une jeune athlète tchécoslovaque prénommée Anna. C'est un joli brin de femme (elle ressemble un peu à Keira Knightley), pas idiote de surcroît (elle a eu son bac... rappelons que l'action se déroule en 1982).

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   ... mais sa mère, ancienne championne de tennis, a été cantonnée dans un emploi de femme de ménage. On apprend qu'elle a participé à la contestation de 1968 et que son mari et ancien entraîneur a fui à l'Ouest. De plus, elle est restée secrètement en contact avec un ancien amant, qui est aussi un militant anticommuniste.

   Le scénario mêle habilement les différentes thématiques. Au départ, Anna méprise l'activité militante de sa mère (et sa tendance à se laisser faire par certains hommes). Cela n'empêche pas les deux femmes de vivre dans une sorte de symbiose, du moins au début. L'évolution de la relation mère-fille va constituer l'un des axes de l'intrigue. L'héroïne a aussi du mal à se positionner vis-à-vis de ce père qui les a abandonnées.

   Le sport de compétition l'aide à se structurer. Elle est douée ; elle a été repérée. L'entraîneur, beaucoup plus âgé, pourrait représenter un père de substitution. Mais, pour exister au plus haut niveau (et rapporter à coup sûr des médailles à son pays), elle doit accepter de suivre un programme médical secret. De là naissent d'autres tourments. Jusqu'où aller pour réussir ? A qui faire confiance ? Comment rester pleinement une jeune femme quand on constate les effets secondaires du "traitement" ? C'est d'autant plus crucial pour Anna qu'elle est tombée amoureuse, d'un fils de bourgeois, musicien à ses heures, sympa et "cool".

   Les interprètes sont convaincants. On sent que la jeune actrice a dû fournir de gros efforts pour être crédible en sprinteuse. On peut le constater quand elle se retrouve aux côtés de figurantes affûtées, qui n'ont sans doute pas été sélectionnées sur leur maîtrise de l'art shakespearien. Les courses sont correctement filmées, dans un style qui s'éloigne volontairement (m'a-t-il semblé) de celui des retransmissions télévisées. Les entraînements sont encore plus réussis sur le plan cinématographique, avec, parfois, l'ajout d'une musique bien choisie.

   Signalons le sérieux du travail de reconstitution. On se sent pleinement dans les années 1980, tant au niveau des décors que des vêtements. Même la police politique fait "d'époque". On comprend ce que signifiait la mise sous surveillance de la population. C'est d'autant plus vraisemblable que l'on n'a pas fait des personnages principaux des héros hollywoodiens : ce sont des personnes ordinaires, avec leurs petites faiblesses. Même si l'on n'atteint pas l'intensité dramatique d'un chef-d'oeuvre comme La Vie des autres, on est captivé par l'aventure de ces femmes emportées par le vent de l'Histoire et qui tentent de trouver leur voie.

samedi, 12 septembre 2015

"Henry de Groux - Le Front de l'étrange"

   C'est le titre de l'exposition temporaire en place au musée Fenaille de Rodez jusqu'à la fin du mois de novembre. Elle est consacrée à une partie de l'oeuvre d'un peintre belge aujourd'hui presque oublié, mais qui connut un certain succès à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Dans le dossier de presse établi par le musée, on apprend que les oeuvres exposées ont été prêtées par un collectionneur privé aveyronnais (qui se les est procurées lors d'une vente aux enchères, si je ne m'abuse).

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   Le thème de l'exposition est la Première guerre mondiale. Henry de Groux a obtenu du ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts de l'époque Albert Sarraut (le frère de Maurice, directeur de La Dépêche de Toulouse, l'ancêtre de La Dépêche du Midi) de pouvoir s'approcher de la zone de combats. Cela a donné une quantité d'oeuvres au style particulier, dont on a déjà eu un aperçu à l'occasion de précédentes expositions, en 2008 à Avignon et au début de 2015 à La Roque d'Anthéron, une commune dont le monument aux morts, inauguré en 1927, a été réalisé par... Henry de Groux :

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   Mais revenons aux oeuvres "aveyronnaises". Ce sont très majoritairement des dessins exécutés à la "pierre noire", une sorte de fusain, mais d'origine minérale. Il y a aussi des gravures. Le florilège qui nous est proposé donne une image assez sombre de la guerre. Les soldats sont souvent représentés avec un masque à gaz et semblent avoir perdu leur humanité, comme ici :

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   L'ajout de couleur(s) ne rend pas nécessairement les oeuvres plus rassurantes. On distingue mieux les soldats français (en bleu) de leurs adversaires allemands, mais la présence d'un élément rouge, jaune ou orange est en général le signe qu'une arme redoutable est utilisée : l'artillerie, le lance-flammes ou les gaz :

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   Parfois, on dirait que les soldats prennent la pose. Il est possible que l'artiste ait demandé à certains d'entre eux de mimer une scène devant lui. Il est plus probable qu'il ait dessiné de mémoire ou d'après des photographies.

   Outre les combattants métropolitains, on note la présence des troupes coloniales, celles d'Afrique mais surtout d'Asie, avec des tirailleurs tonkinois. Face à eux, on trouve quelques représentations des Allemands, avec leur célèbre casque à pointe. Ils sont montrés menaçants ou au contraire vaincus et pathétiques.

   Une autre catégorie de dessins s'attarde sur les dégâts de la guerre, les blessures des soldats, les destructions et surtout les nombreux morts, militaires comme civils. En 1916, cela n'a pas plu aux autorités, qui attendaient des artistes qu'ils mettent en valeur le courage, la solidarité et l'héroïsme.

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   L'exposition aurait pu s'arrêter là. Mais les concepteurs ont eu l'excellente idée d'y ajouter des objets d'époque, placés dans de petites vitrines. Nombre d'entre eux ont été prêtés par un collectionneur local, Vincent Besombes. L'an dernier, on avait pu voir un échantillon de ses pièces aux Archives départementales, avenue Victor-Hugo. (En 2015, il est devenu président du comité de Rodez-Onet du Souvenir français.)

   Au vu de la qualité de cette exposition, il est à souhaiter qu'elle soit prolongée en 2016. Cette année marquera un tournant dans les cérémonies du centenaire de la Première guerre mondiale, avec la commémoration des batailles de Verdun et de la Somme, deux sites pas très éloignés de la Belgique natale de Henry de Groux.

   P.S.

   Après avoir déambulé dans les horreurs de la guerre, les visiteurs peuvent se plonger dans les collections permanentes du musée Fenaille, qui ont été récemment enrichies de pièces inédites.

   P.S. II

   La page Wikipédia consacrée à Henry de Groux mériterait une petite mise à jour. Elle manque d'informations précises et n'évoquait pas, au moment où je l'ai consultée, l'exposition ruthénoise :

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21:35 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, peinture, culture, art

jeudi, 03 septembre 2015

Des émules de Pierre Soulages

   Etrangement, c'est dans Le Canard enchaîné paru le 2 septembre 2015 que j'ai trouvé une référence au chantre de l'outre-noir :

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   Ce qu'Isabelle Barré qualifie (page 3) d' "oeuvre d'art digne de Soulages" n'est autre qu'un document, en théorie communicable au public, en réalité amplement censuré avant sa transmission.

   Cette histoire a inspiré Aurel, l'un des dessinateurs publiés dans l'hebdomadaire satirique :

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   Cette anecdote confirme que, dans beaucoup de médias, la couleur noire semble désormais associée à Pierre Soulages. Un autre exemple en avait été donné cet été dans une émission de France Culture, Les animaux ont aussi leur histoire. Le 26 juillet dernier, il a été question du corbeau. On pouvait entendre l'historien Michel Pastoureau évoquer de très grands corbeaux (aujourd'hui rares en Europe), au plumage d'un noir "plus noir que noir... outre-noir, dirait Soulages".

 

samedi, 29 août 2015

Le dais de Charles VII

   Il en a été question le 12 août dernier, dans l'une des chroniques de la série "La Visite au Louvre", diffusée cet été le matin sur France Culture. Je ne l'ai découverte que tardivement. Le principe était de mettre l'accent sur un objet méconnu ou récemment restauré appartenant aux collections de ce fabuleux musée.

   Intitulée "Dais pour un trône de Charles VII", l'émission du 12 août évoque bien évidemment l'épopée de Jeanne d'Arc et le sacre de celui qu'on n'appelait auparavant que le dauphin.

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   Le commentaire d'Adrien Goetz aborde la forme de la couronne royale et la présence du symbole solaire, emblème du souverain bien avant Louis XIV. Il évoque aussi le relatif oubli dans lequel cette tapisserie a été tenue, à tel point d'ailleurs que les représentations du XIXe siècle sont inexactes à son sujet.

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   La plus célèbre est sans doute le tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres, visible lui aussi au Louvre. Vous remarquerez que le dais, visible derrière Jeanne d'Arc, est recouvert uniquement de fleurs de lys.

   Une autre représentation connue est celle qui figure sur l'une des fresques de la basilique de Domremy-la-Pucelle :

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      Du dais on ne distingue que la couleur rouge. Il ne semble pas que l'auteur (Lionel Royer) soit allé jusqu'à en peindre les détails. Notons que les fleurs de lys sont bien présentes, mais sur les tapis de sol (comme chez Ingres, d'ailleurs).

   Cette absence de symbole solaire peut tout aussi bien être due à l'ignorance qu'à la réticence d'attribuer un emblème aussi positif à un roi qui, au XIXe siècle, était réputé faible voire ingrat, ayant abandonné à son sort la jeune femme à qui il devait tout.

jeudi, 20 août 2015

La Femme au tableau

   Inspiré d'une histoire vraie, ce film de Simon Curtis (auquel on doit My Week with Marilyn) raconte le combat d'une Américaine âgée (juive, d'origine autrichienne) pour tenter de récupérer une toile de Gustav Klimt, un célèbre portrait de sa propre tante, que les nazis ont jadis volé à sa famille. Le début rend hommage au travail de l'artiste, que l'on montre en train de construire son œuvre :

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   A nous Frenchies, l'intrigue rappelle celle de L'Antiquaire, d'autant plus que les deux films alternent images contemporaines et images du passé. Nos amis anglo-saxons ont dû plutôt faire le lien avec Monuments Men.

   Le premier atout de ce film est la qualité de l'interprétation. Helen Mirren (l'inoubliable Elizabeth II de The Queen) est impeccable. Ryan Reynolds (que l'on peut encore voir dans Renaissances) est une fois de plus au niveau, en jeune avocat balourd qui va progressivement prendre de la bouteille. Il ne faut pas oublier non plus les seconds rôles, avec Daniel Brühl, Katie Holmes, Charles Dance, Antje Traue.

   J'ai même trouvé les acteurs germanophones meilleurs que les anglophones. C'est peut-être l'effet du doublage partiel. Dans la version française, on a laissé tels quels les dialogues en allemand. Cela donne plus de poids aux scènes des années 1920-1930, de surcroît très bien filmées.

   Cela reste néanmoins très américain, parce que c'est une histoire de procès. Les tribunaux sont présentés comme un moyen de faire régner la justice... à condition d'être très opiniâtre... et un brin chanceux. De plus, comme l'histoire qui nous est contée n'est pas très connue, cela prend des airs de polar, avec en toile de fond une Autriche qui, à la fin des années 1990, refoulait encore partiellement son passé nazi.

   La relation quasi maternelle qui se noue entre les deux héros est un autre intérêt du film. Ce compagnonnage forcé ne va pas de soi, entre une vieille femme au départ surtout attachée à sa tranquillité et un jeune homme qui souhaite faire sa place dans un prestigieux cabinet juridique. Tous deux vont évoluer, parfois de manière inattendue. Cela m'a un peu rappelé le duo formé par Judi Dench et Steve Cogan, dans l'excellent Philomena.

   Bref, j'ai aimé et je recommande chaudement !

dimanche, 16 août 2015

La bière du centenaire

   J'ai récemment découvert cette bière, vendue en bouteilles de 33 centilitres, principalement dans le nord-est de la France métropolitaine.

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   Elle a été lancée l'an dernier, lors du salon de l'agriculture. C'était de circonstance, puisque l'année 2014 a marqué le début des cérémonies organisées en l'honneur du centenaire de la Première guerre mondiale.

   Sur l'étiquette principale, on distingue deux images en rapport avec le sujet. En haut à droite figure la reproduction d'une photographie prise dans une tranchée :

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   En bas à gauche se trouve un dessin représentant une allégorie de l'attachement à la France :

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   Placées devant le drapeau tricolore, la grande Alsacienne et la petite Lorraine (Mosellane sans doute) semblent attendre le retour à la mère-patrie. On ne sera pas étonné d'apprendre que les producteurs de cette bière sont Les Brasseurs de Lorraine, une entreprise située à Pont-à-Mousson, à proximité de Nancy, le chef-lieu de la... Meurthe-et-Moselle.

   Précisons que c'est une bière blonde (non filtrée comme le dit sa fiche signalétique) avec un faible taux d'alcool. Son goût ? Pas trop amer, agréable quand elle est bue fraîche. Je l'ai fait goûter à une personne qui ne boit jamais de bière... et elle a aimé. (Mais c'est moi qui ai fini la bouteille, hein !)

mercredi, 05 août 2015

Journaux de guerre n°50

   Cela va bientôt faire un an qu'en partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France est publiée, chaque semaine, une sélection de journaux parus pendant la Première guerre mondiale. Le florilège de jeudi dernier est regroupé sous le titre "Le retour des provinces perdues".

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   On commence avec L'Homme Libre du 18 novembre 1918. Sans surprise, le quotidien fondé par Georges Clemenceau (à l'époque président du Conseil) fait l'éloge de l'action gouvernementale. Il va jusqu'à signaler la démarche du conseil municipal de Toulon, qui rend hommage au chef du gouvernement qui, accessoirement, est sénateur du Var... La deuxième couche est apportée par les membres du Cabinet et leurs collaborateurs qui, à l'occasion de l'anniversaire de la constitution du gouvernement, adressent de nouvelles félicitations au Tigre. Le reste du journal se contente de signaler les manifestations d'intense patriotisme des habitants des provinces libérées de l'oppression allemande. Dans un coin de la page 2, une publicité pour Banania apporte une touche humoristique aux informations sérieuses.

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   Poursuivons avec Le Figaro daté lui aussi du 18 novembre 1918. Là aussi il est question de la réintégration de l'Alsace-Lorraine et de l'enthousiasme des populations. Le quotidien publie (comme L'Homme Libre d'ailleurs) l'intégralité du discours prononcé à cette occasion par le président de la République Raymond Poincaré, qui était lorrain. Signalons qu'à Mulhouse (dans le Haut-Rhin), un curé est décédé d'une crise cardiaque, tant il était heureux du retour à la France.

   A Paris, les manifestations d'allégresse ont été massivement suivies. Les soldats américains présents sur place y ont participé, chantant l'hymne américain... et la Marseillaise. Il est d'ailleurs question des Etats-Unis à plusieurs reprises. Un article évoque la diplomatie parallèle que certains dirigeants allemands ont tenté de mettre en place avec le président Wilson.

   On part ensuite en province avec Le Petit Marseillais du 21 novembre 1918. L'un des premiers articles déplore le maintien d'une censure prégnante en France, alors que les journaux américains et britanniques ont la liberté de publier davantage d'informations. Page suivante, on apprend que le général Pétain vient de recevoir la dignité de maréchal de France. Les deux dernières pages sont farcies de publicité... mais on peut aussi y trouver une brochette d'annonces "personnelles". Sachez qu'à l'époque, on perd visiblement beaucoup d'objets dans les cinémas. Un sommet est atteint dans l'annonce déplorant la perte d'un chien policier, envoyée par... un capitaine.

   On termine avec Le Petit Journal du 26 novembre 1918. Le gros titre est consacré à l'entrée officielle de l'armée française dans Strasbourg, sous la conduite de deux hauts gradés : le tout nouveau maréchal Pétain et le général Curières de Castelnau, originaire de Saint-Affrique (dans l'Aveyron). Un dessin illustre l'information du jour.

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      La suite contient une foule de nouvelles. il est notamment question du complot allemand de 1914, de la nécessité d'augmenter les rendements agricoles et de la révolution spartakiste en Allemagne. Je recommande aussi les "conseils pratiques", où il est question des jeunes Français (et surtout des jeunes Françaises) tenté-e-s par l'expatriation.

   En bonus, ce numéro offre la reproduction d'une affiche rendant hommage aux petites Alsaciennes :

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lundi, 20 juillet 2015

Opium

   C'est le titre d'une bande dessinée de Laure Garancher, dont j'avais déjà apprécié Mon Fiancé chinois. Ici, l'histoire a pour cadre les années 1840-1860 et les Guerres de l'opium, quand l'Occident (avec à sa tête le Royaume-Uni) a fait courber l'échine à un empire multiséculaire.

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   Comme dans sa précédente oeuvre, les femmes sont les moteurs de l'intrigue. Ici, ce sont deux soeurs jumelles, Mei Ju et Mei Yun, qui vont connaître des destins contrastés.

   On découvre Mei Ju dans la première partie de l'histoire. C'est une demoiselle pleine de talents (parfois cachés). Elle vit à Canton, où elle travaille au service de la famille d'un riche commerçant, gros importateur d'opium.

   Le deuxième chapitre revient sur l'enfance et l'adolescence des deux soeurs, inséparables à l'époque. Sous l'influence de leur père, grand patriote chinois, elles vont être amenées à faire des choix différents.

   Dans le troisième chapitre, on suit à nouveau la belle Mei Ju, devenue espionne. Elle rencontre un jeune peintre britannique. Tous deux vont échanger sur l'art pictural... et dans bien d'autres domaines...

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   C'est un aspect de l'histoire qui revient à intervalle quasi régulier : l'intérêt pour la peinture, qu'elle soit occidentale ou orientale. La mère des héroïnes leur a appris à manier le pinceau. Elle-même est l'auteure de représentions de paysages... et Mei Ju aurait aimé elle aussi consacrer sa vie à cet art. Les péripéties de l'histoire chinoise l'ont poussée à changer ses projets.

   Le quatrième chapitre montre les retrouvailles des deux soeurs. On en apprend plus sur la vie de Mei Yun... et l'on découvre le secret que cache Mei Ju.

   Le cinquième chapitre est plus politique. Il démarre en 1858 et mène à la seconde guerre de l'opium et au saccage du Palais d'été par les Occidentaux. La grande histoire rejoint la petite, puisque Mei Ju est obligée de faire un choix terrible. De son côté, sa soeur va connaître un bouleversement dans sa vie sentimentale. Dans cette partie, je trouve que le côté romanesque se marie bien avec les considérations historiques. Au point de vue graphique, on sent que la dessinatrice a été marquée par certaines caricatures du XIXe siècle :

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(En bas se trouve un dessin paru dans Le Petit Journal en 1898. On remarque que, chez Laure Garancher, l'Allemand est remplacé par un Américain.)

   Je me garderai bien de raconter la suite. Sachez que le feuilleton familial se poursuit. La vie personnelle de Mei Ju subit encore les contrecoups de la vie politique chinoise, dans laquelle elle s'investit de plus en plus. On aimerait bien qu'il y ait une suite !

mercredi, 15 juillet 2015

Mobutu dans l'espace

   Cette bande dessinée, signée Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro, aborde un aspect méconnu de l'histoire de l'actuelle République Démocratique du Congo : le programme spatial secret financé par le dictateur Mobutu, dans les années 1970.

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   Cela commence de manière ironique : de nos jours, des gamins s'amusent dans des bâtiments en ruines, où ils tombent sur une vieille affiche à la gloire du dictateur mégalomane Mobutu Sese Seko. Bien que celui-ci ait dirigé le Zaïre pendant une trentaine d'années, ils n'en ont aucun souvenir...

   La suite nous présente le héros de cette histoire, un jeune ingénieur allemand prénommé Manfred, qui va être amené à travailler en pleine forêt équatoriale... car, peu de gens le savent, l'embryon de programme spatial zaïrois a été développé par des Allemands de l'Ouest (de l'entreprise Otrag) ; si bien que, lors de la première tentative de lancement, le compte à rebours a été donné en allemand !

   Ce personnage de jeune homme un peu naïf introduit de la comédie dans l'intrigue, parfois violente. Sa découverte de l'Afrique s'accompagne d'épisodes cocasses, comme le passage par la douane, à l'aéroport, l'indemnisation d'un berger, en pleine forêt, ou encore la "pause" dans un bar à hôtesses...

   Dans le même temps, on frôle le drame, avec ces militaires zaïrois si prompts à la gâchette et, plus tard, ces soldats français pas franchement exemplaires. (On est alors en pleine insurrection au Shaba, l'ex-Katanga.)

   Incidemment, le héros découvre la pauvreté de la grande majorité des habitants, la violence des rapports sociaux... et certains héritages de la colonisation belge, les "fantômes du roi Léopold".

   Sur le plan visuel, le noir et blanc est très réussi. Le style est en général assez classique, avec quelques envolées poétiques voire surréalistes. Ainsi, lorsque le héros apprend qu'il va devoir se rendre en Afrique, le café qu'il vient de renverser forme une tache particulière :

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   Un peu plus tard, le fantastique est à l'oeuvre dans un cauchemar du jeune homme :

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   Les auteurs ont aussi glissé un hommage à l'un des maîtres de la bande dessinée, Hergé, plus précisément à Objectif Lune :

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   Cette histoire serait toutefois trop limpide si n'intervenaient pas divers espions et agents à la solde de puissances étrangères. Nous sommes en pleine Guerre froide et pas mal de monde compte sur un échec de l'entreprise zaïroise. Le héros va devoir apprendre à naviguer entre des experts en tromperie. Cet aspect fictionnel de l'intrigue lui donne encore plus d'épaisseur. Cette bande dessinée est à ne pas manquer !

 

vendredi, 12 juin 2015

Le cloître à l'époque romane

   Tel était le titre de la conférence prononcée par Quitterie Cazes, le 22 mai dernier, à Conques. C'est une universitaire toulousaine. En théorie, c'est un gage de qualité, mais, parfois, le résultat est soporifique. Il faut rendre hommage au flair des organisateurs des cycles de conférences conquoises : leurs choix sont en général excellents, pour ce que j'ai pu en juger.

   Ainsi, ces dernières années, les "auditeurs" ont eu droit à la venue de Serge Klarsfeld (qui vient de publier, avec son épouse Beate, de passionnants mémoires), à une étude sur le noir au Moyen Age, à une évocation de la polychromie du tympan de l'église abbatiale ainsi qu'à la mise en lumière du rôle de Bernard d'Angers, voyageur médiéval passé par Conques et auteur d'un Livre des miracles qui fit date.

   Quitterie Cazes a commencé par rappeler qu'il ne reste pratiquement rien du cloître de Conques. Le site a beaucoup souffert à deux époques : pendant les Guerres de religion et sous la Révolution. En 1836, le cloître est détruit. Il n'a jamais été complètement restauré, malgré les travaux engagés sous l'impulsion de Prosper Mérimée, impressionné lors de sa visite des lieux en 1837. Voici ce qu'il en reste aujourd'hui :

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   A titre de comparaison, la conférencière a cité le cas d'un autre cloître roman, transporté de France aux Bahamas (sur Paradise Island) pierre par pierre, à l'initiative du milliardaire Huntington Hartford II.

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   Après cette pittoresque mise en bouche, on est passé au lourd, à savoir ce que les recherches archéologiques nous apprennent sur l'origine des cloîtres. Il semblerait que la structure soit une transformation de portiques en atriums (les cours intérieures qui précédaient l'entrée des villas gallo-romaines). L'un des plus anciens a été retrouvé à Genève. Il daterait du IVe ou du Ve siècle.

   A Rouen, l'atrium (mot qui a aussi donné "aître", désignant un cimetière) a été détruit à l'époque carolingienne. A Autun (en Bourgogne), le cloître du IXe siècle a été reconstruit aux XIe, XIIe et XVe siècles ! A Saint-Gall, on en a trace vers 830, grâce à un fabuleux plan manuscrit  (l'ensemble étant constitué de cinq feuilles cousues) :

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(L'emplacement du cloître est entouré en noir.)

   L'importance du lieu est soulignée dès le concile d'Aix-la-Chapelle (en 816-817) et par l'une des grandes figures de la chrétienté de l'époque : Benoît d'Aniane. Le cloître est perçu comme l'image de la communauté. On remarque qu'il peut se trouver de n'importe quel côté du monastère. C'est d'abord la topographie des lieux qui explique son emplacement... à tel point que les évolutions ultérieures peuvent menacer son existence. Il en fut ainsi pour le célèbre cloître de Moissac (dans l'actuel Tarn-et-Garonne) qui, sous le Second Empire, faillit disparaître lors de la construction du chemin de fer. Finalement, seul le réfectoire fut détruit... mais cela n'est pas passé loin !

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   Sur l'image ci-dessus (issue du site de l'office de tourisme local), la même que celle qui nous fut projetée, j'ai matérialisé la présence des rails par des traits rouges. Voici une autre vue, tirée de Géoportail :

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   Traditionnellement, comme le cloître met en relation les différents bâtiments du monastère, les moines souhaitent limiter l'accès dont bénéficient les laïcs (ce à quoi s'est opposé l'abbé de Cluny Pierre le Vénérable).

   Les activités quotidiennes y sont très variées. On y pratique un brin de toilette, on y fait le ménage, on y lit... on y mène même des transactions économiques ! On peut aussi se plonger dans la contemplation de certains chapiteaux, le site de Moissac présentant le plus ancien cloître historié (datant de 1100 environ). Sur l'un d'entre eux, il est question du sacrifice d'Abraham. Sur un autre est évoquée la toute récente prise de Jérusalem par les croisés (en 1099) :

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   Juste à côté, ô surprise, le chapiteau au décor végétal est surmonté d'une inscription en écriture coufique, qui ne signifie rien, d'après l'universitaire : elle a été placée ici à titre illustratif... et sans doute volontairement au voisinage du chapiteau évoquant Jérusalem et la domination musulmane.

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  Une autre curiosité s'offre aux visiteurs perspicaces. Un chapiteau aurait contenu des reliques de saint Pierre et/ou de saint Paul, là où se trouve aujourd'hui une étrange cavité :

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   (N'oublions pas que l'abbaye porte le nom du premier évêque de Rome.)

   Ailleurs en Europe, d'autres chapiteaux réservent des surprises, comme l'un des quarante du cloître de Saint-Ours dans le Val-d'Aoste :

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   Schéma de coupe à l'appui, Quitterie Cazes a expliqué comment, à partir d'une cavité aménagée dans la colonne, il était possible de faire sortir de l'eau par la petite ouverture entourée ci-dessus, la scène évoquant le miracle de la source de Busseyaz.

   Mais revenons à Moissac, le péché mignon de notre conférencière. Son cloître est aussi perçu comme une préfiguration du Paradis, dédié à la contemplation, avec son jardin d'Eden. C'est à ce point que des moines se sont fait enterrer sous les galeries, des laïcs ayant pu eux bénéficier de caveaux encore visibles aujourd'hui.

   Plusieurs abbés ont marqué l'histoire du monastère, notamment le clunisien Durand de Bredons et son successeur Ansquitil (qui lança la construction du cloître). Digne prédécesseur des politiques cumulards d'aujourd'hui, Durand ajouta l'évêché de Toulouse à son abbatiat moissagais.

   A son époque, les chapiteaux sont conçus pour répandre la réforme grégorienne. Mais, à partir de 1180, les chapiteaux sont  créés pour donner un récit en épisodes, ou alors ils sont couverts de motifs floraux, voire zoomorphes, qui prennent le dessus alors que l'ordre cistercien prend de l'ampleur.

   La toute fin du XIIe siècle connaît l'essor des "chapiteaux remarquables", avec le retour des sculptures humaines (notamment celles des évangélistes, du Christ et des apôtres). En France, on en trouve de bons exemples à Arles et à Saint-Bertrand-de-Comminges. En Sicile, le monastère de Monreale se distingue par son cloître, où l'on reconnait les influences islamiques et byzantines :

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   Les chapiteaux glorifient le souverain (d'origine normande) Guillaume II, tandis que les colonnes sont ornées de mosaïques, élaborées à partir de céramique.

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   Plus à l'ouest, dans la péninsule ibérique, à Tarragone, reconquise en 1118 après 400 ans de domination arabo-berbère, l'une des tâches prioritaires fut de reconstruire l'église. les chapiteaux et autres détails sculptés ont été copiés sur des bâtiments toulousains.

   La fin de l'époque romane voit se renforcer l'idée de l'enfermement des moines dans le cloître, exprimée jusque dans un bâtiment, à Rome. C'est une vision positive pour les membres du clergé. Se profile derrière la classification de la population en trois ordres.

 

vendredi, 15 mai 2015

L'affaire Fualdès sur RTL

   Ce vendredi, sur RTL, l'émission L'Heure du crime (animée par Jacques Pradel) a été consacrée à la plus célèbre affaire criminelle de l'Aveyron, celle du meurtre de l'ancien procureur impérial Antoine-Bernardin Fualdès, en 1817, à Rodez.

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   L'invité était Philippe Méraux, auteur naguère d'un passionnant bouquin, Clarisse et les égorgeurs, paru aux Editions du Rouergue.

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   Aux curieux je signale une très ancienne (1958) émission de la télévision publique française. La dramatique avait été écrite par Pierre et Françoise Dumayet et réalisée par Claude Barma (un must, pour l'époque).

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samedi, 09 mai 2015

Le Labyrinthe du silence

   Ce film allemand est consacré à la genèse du procès de Francfort qui, en 1963-1965, a contribué à (r)éveiller en Allemagne la mémoire des crimes nazis, que les dirigeants de l'époque préféraient passer sous silence.

   L'intrigue, très documentée, s'inspire de l'action de personnes réelles. Mais le coup de génie est d'avoir créé un personnage principal fictif, dans lequel on a fusionné les trois procureurs qui ont enquêté à l'époque sur les camps d'Auschwitz. Cela a permis aux scénaristes de développer certains aspects "non historiques", qui donnent de l'épaisseur à l'intrigue. Ce procureur est incarné par Alexander Fehling, qu'en France on a pu voir dans Et puis les touristes, La Révélation et Inglourious Basterds.

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   Il est jeune, beau, brillant, ambitieux et doté d'une grande conscience morale. C'est presque une caricature de "gendre idéal". Mais il est vraiment très bien interprété. A ses côtés, on remarque Friederike Becht (vue dans Hannah Arendt), Johann von Bülow (un habitué des séries policières d'outre-Rhin) et Gert Voss, chargé d'incarner le chef du Parquet qui, dans l'ombre, a œuvré pour faire éclater la vérité.

   Ce ne fut pas facile, parce qu'en haut lieu, on ne veut pas remuer la merde... et parce que la grande majorité des anciens nazis (y compris certains des plus dangereux d'entre eux) ont été réintégrés à la société allemande. Le cas de Josef Mengele (dont la vie en Argentine a été récemment évoquée dans Le Médecin de famille) est symptomatique des compromissions de l'époque. L'un des intérêts du film est donc de montrer l'indulgence dont les criminels ont bénéficié... parfois pour de surprenantes raisons. Tous ceux qui ne voulaient pas rouvrir les "plaies du passé" n'étaient pas d'anciens nazis ni même des sympathisants de l'idéologie hitlérienne. Le contexte de Guerre Froide a aussi pesé lourd.

   Cela donne un bon polar, filmé de manière très classique. C'est aussi le portrait du début des années 1960, quand la RFA connaissait une période de forte croissance économique, quand les jeunes comme les moins jeunes ne pensaient souvent qu'à s'amuser.

   L'autre point fort de l'histoire est de montrer l'évolution des personnages principaux. On a vraiment cherché à produire quelque chose de subtil. Le héros lui-même n'est pas épargné. Ce fils de soldat héroïque, disparu sur le front de l'Est, auquel son père a transmis les "vraies valeurs", se pose de plus en plus de questions, matérialisées à l'écran par des scènes de cauchemar. Petit à petit, son enquête lui fait découvrir certains faits dérangeants, pour lui ou pour des personnes qu'il connaît. L'une des clés de compréhension est la relation qu'il va nouer avec un rescapé des camps, un peintre qui refuse au départ de parler du passé.

   C'est vraiment un très beau film, fort et pétri d'humanité.

   PS

   Sur le site du distributeur, on peut télécharger un dossier de presse très instructif.

   PS II

   Sur un site consacré aux Sonderkommandos, on peut lire les biographies des accusés de 1963.

vendredi, 08 mai 2015

Inculture historique

   Ce matin, en me rendant sur le site de La Dépêche du Midi, j'ai été quelque peu interloqué par le titre d'un article traitant de l'événement-phare de ce vendredi :

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   La même erreur grossière se retrouve dans le corps de l'article :

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   Bien évidemment, le 8 mai, on ne célèbre pas un armistice, mais la capitulation allemande... qui, rappelons-le, n'a pas totalement mis fin à la Seconde guerre mondiale, les combats s'étant prolongés en Asie jusqu'en septembre 1945.

   La différence entre les deux termes n'est pas que de nuance. Un armistice est une trêve (pas un arrêt définitif des combats), impliquant des négociations, souvent entre gouvernements civils. Une capitulation est une reddition (militaire) sans condition, une exigence des Alliés qui voulaient que la fin de la guerre coïncide avec la chute du régime nazi.

   La version papier témoigne de la même négligence au niveau du titre. Toutefois, la carte située sous l'article est correctement présentée, puisqu'on y trouve le mot "capitulation" :

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   D'où vient l'erreur ? Peut-être pas du journaliste qui a rédigé le papier. A priori, je pencherais pour la personne qui a choisi le titre et/ou la photographie d'illustration. Celle-ci n'est pas adéquate, puisqu'elle fait référence à la commémoration de la Première guerre mondiale, à travers le pupitre du président Hollande et la légende.

vendredi, 17 avril 2015

L'Antiquaire

   Cette fiction est une version romancée d'une histoire vraie, qui est arrivée à la famille de l'une des co-cénaristes, Sophie Seligmann. Son grand-père était un collectionneur d'art juif. Il a été tué par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale et ses biens ont été spoliés.

   Cela nous mène au film, qui alterne les images de notre époque avec celles supposées avoir été tournées dans les années 1940. La partie contemporaine de l'histoire met en scène la petite-fille, une jeune journaliste, mariée à un commissaire-priseur, et dotée d'un caractère entier. Elle est interprétée par Anna Sigalevitch, sur les épaules de laquelle repose principalement le film.

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   Ses partenaires masculins sont qualité inégale. François Berléand, en père qui essaie de ne plus penser au passé, est très bon. Par contre, ses collègues nonagénaires m'ont un peu déçu. Michel Bouquet tient encore la route, mais, par moments, on sent qu'il a du mal. C'est pire pour Robert Hirsch, qui dessert son rôle. Du côté des jeunes, on peut signaler les prestations de Louis-Do de Lencquesaing (l'époux de l'héroïne) et de Niels Schneider, qui incarne un type très louche à deux âges différents... mais en gardant la même apparence physique.

   L'autre élément gênant est technique. Rien qu'en regardant les images, on comprend quand on nous projette celles qui sont censées avoir été tournées il y a environ 70 ans. Mais elles font trop "modernes" et le son n'est absolument pas altéré. Cela manque de crédibilité. C'est dommage parce que ces scènes sont bien jouées. Elles introduisent un élément de mystère... et de la nostalgie, celle d'un amour disparu.

   Le film n'est donc pas sans qualités. Le scénario est construit comme un polar. L'héroïne Esther mène une véritable enquête, à la fois sur sa famille et sur l'un des aspects les moins reluisants de l'histoire de France. Que sont réellement devenues les œuvres d'art qui appartenaient à sa famille ? Pourquoi son grand-père a-t-il été fusillé ? Le tout baigne dans une musique bien choisie. C'est souvent du classique... et parfois des chants en yiddish, cette langue aujourd'hui quasi disparue et qui était tant parlée jadis en Europe centrale et orientale.

   P.S.

   L'intrigue n'est pas sans lien avec celle de Monuments Men, qui abordait le sujet sous un angle hollywoodien (et un peu désinvolte).

   P.S. II

   Ceux qui aimeraient en savoir plus sur le sujet peuvent commencer par une note de synthèse, rédigée par une sénatrice, en 2013. Pour approfondir, on peut se plonger dans un rapport d'information rédigé par plusieurs députés, en 2014. Pour avoir des détails concrets (notamment en lien avec la famille Seligmann), il faut chercher dans la documentation disponible sur le site Rose-Valland (du nom de la résistante qui a permis la récupération de la majorité des œuvres volées ; elle est incarnée par Cate Blanchett dans Monuments Men).

   En 2014, un bilan a été effectué des œuvres classées "MNR" qui ont été restituées : 102 sur 2 000, depuis 1951, alors que, globalement, plus des trois-quarts de ce qui a été récupéré des pillages allemands a été restitué à ses propriétaires ou ayants droit. Pages 9-10 se trouvent les objets recouvrés par la famille Seligmann... en 1999-2000.

dimanche, 12 avril 2015

Selma

   Cette ville du Sud des États-Unis (dans l’État d'Alabama) a été le théâtre d'un épisode de la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther King et ses partisans. Ce film en propose une version centrée sur le pasteur noir américain. (A l'époque -comme on peut l'entendre dans la version originale- on disait couramment "Negro", le terme insultant étant "nigger".)

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   La réalisation est en général très classique, sans effet marquant, sauf quand certains des personnages principaux apparaissent à l'écran. Ils sont filmés tantôt de biais, tantôt en contreplongée. C'est assez bien vu... et cela met en valeur la performance de certains acteurs. Le premier d'entre eux incarne le héros. On a choisi un quasi-inconnu, David Oyelowo, un Britannique d'origine nigériane, véritablement habité par son rôle :

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   A ses côtés gravite une troupe de militants et d'admirateurs, qui forme presque une seconde famille, unie par la volonté de faire respecter les droits des Noirs américains. Le portrait de groupe est réussi, même si les figures féminines sont à peine esquissées. On a aussi été très pudique sur les infidélités du pasteur. La séquence de la cassette audio sous-entend que tout est une machination du FBI. Certes, celui-ci a (presque ?) tout fait pour abattre King, mais, concernant sa vie privée, il n'a pas eu besoin d'inventer. Davantage d'honnêteté de la part de la réalisatrice aurait rendu le film encore plus fort : le militant exemplaire n'était pas un saint.

  Face à lui, il trouve une ribambelle de gros cons racistes (blancs). Ils sont interprétés avec beaucoup de conviction. La plus brillante composition est sans conteste celle de Tim Roth en George Wallace (le gouverneur de l'Alabama).

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   On appréciera aussi le portrait nuancé qui est brossé du président Lyndon Johnson, souvent traîné dans la boue par le cinéma d'obédience démocrate. On oublie que c'est à lui, plus qu'à John Kennedy, que l'on doit la plupart des avancées sociales des années 1960... même s'il a fallu parfois lui forcer la main. Il a ici les traits de Tom Wilkinson, habile à restituer l'ambiguïté du personnage :

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   Le public français sera peut-être surpris de la place qu'occupe la religion dans la lutte politique. Martin Luther King s'appuyait sur la Déclaration d'Indépendance pour affirmer que tous les humains ont été "créés égaux" (une formule moins laïque que le "naissent et demeurent libres et égaux en droits" de notre Déclaration, celle de 1789, pourtant inspirée de la précédente). Dans ses discours, le pasteur cite fréquemment la Bible et, quand le besoin s'en fait sentir, il puise dans la prière la motivation de son action.

   C'est au niveau du rythme que les faiblesses du film apparaissent. Il ne tient pas la durée (2 heures). Aux scènes militantes, marquantes, s'opposent les scènes intimes, trop longues, trop "léchées". De plus, quand on s'est déjà intéressé au sujet, on n'apprend pas grand chose. Je pense que si quelqu'un comme Spike Lee avait été aux manettes (revoyez Malcolm X), cela aurait pu donner un grand film. C'est juste une honnête fiction à caractère documentaire.

vendredi, 10 avril 2015

Crosswind

   Il n'est pas facile d'entrer dans ce film estonien, inclassable et très rigoureux dans la mise en oeuvre de son dispositif : dans la majorité des scènes, les acteurs sont immobiles et la caméra se déplace entre eux et autour d'eux, dans une sorte de ballet parfois virtuose.

   Reconnaissons-le : au début, c'est un peu dur. Il faut être attentif à la fois à la mise en scène, qui est porteuse de sens, et à ce que l'on entend, une voix féminine lisant (en estonien, une langue proche du finnois) les lettres qu'elle écrit à son époux, dont elle a été séparée.

   C'est une histoire vraie, celle de centaines de milliers d'Estoniens, qui ont été déportés pendant la Seconde guerre mondiale sur ordre de Staline. (Rappelons que les pays baltes -Estonie, Lettonie et Lituanie- étaient devenus indépendants de la Russie à la fin de la Première guerre mondiale.)

   Le début nous dépeint la vie de ces gens ordinaires, puis les conséquences de l'arrivée des Soviétiques. D'un point de vue historique, l'intrigue simplifie à l'extrême, négligeant de parler des Estoniens communistes qui étaient favorables à l'URSS. Surtout, le film passe totalement sous silence l'occupation allemande de 1941-1944.

   Une fois ces prolégomènes posés, on peut se plonger dans cette mise en scène particulière, qui nous fait découvrir l'action en un endroit sous toutes ses coutures. Au début, j'ai trouvé cela artificiel. Mais, à partir du milieu du film, cela devient brillant. J'ai en tête une séquence qui part d'une pièce sombre, où l'on est visiblement en train de juger (et de condamner) un pauvre bougre. Après avoir parcouru la salle dans tous les sens, la caméra s'échappe dans un couloir, qui mène à un autre, dont le sommet de l'un des murs est percé d'ouvertures. Par celles-ci, on découvre progressivement ce qui se passe à l'extérieur. A l'écran, on sent que l'auteur a voulu faire allusion à la déportation dans les camps de travail forcé. Il m'a aussi semblé percevoir l'influence de Francisco Goya, dont certaines oeuvres évoquent les ravages de l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes.

   Plus "charnelle" est la suite, qui dépeint la vie dans un kolkhoze, loin de l'Estonie. Séparées de leur mari, certaines femmes, qui pensent ne jamais le revoir, refont leur vie avec un gars du coin. Ce n'est pas le cas de l'héroïne Erna, qui attend encore et toujours de pouvoir retourner dans son pays, espérant y retrouver son cher et tendre.

   Je me garderai bien de révéler comment cela se termine. L'une des dernières scènes montre Erna en gros plan. On voit l'aspect de son visage se modifier progressivement, sous l'effet des sentiments qui l'animent. Crosswind n'est pas qu'un exercice de style, c'est aussi une performance d'acteurs.

lundi, 23 mars 2015

Résistance élémentaire

   Le Sherlock Holmes états-unien (celui de la série Elementary) puise à toutes les sources de connaissances pour résoudre une énigme. On en a eu une nouvelle démonstration dans l'épisode intitulé Meurtres à la carte, diffusé vendredi dernier sur M6.

   Au cours d'une enquête (à rebondissements) au coeur de laquelle se trouve une mystérieuse carte d'une partie de la côte Est des Etats-Unis, le célèbre détective est amené à se renseigner sur l'histoire de la Seconde guerre mondiale. En effet, l'un des suspects a opéré sous le pseudonyme de René Duchez, un authentique résistant français qui réussit à voler les plans du Mur de l'Atlantique.

   On ne sera donc pas étonné de voir Sherlock brandir un ouvrage consacré à cette période historique, ouvert à la page où est visible une photographie du fameux René Duchez :

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   Aux curieux, je signale que le titre du livre (bidon ?) est Tales of the French Resistance, comme on peut le constater quand Joan Watson tient l'ouvrage entre ses mains :

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   Comble de la "francitude", à la suite d'un assez long monologue démonstratif, le détective aboutit à une conclusion logique : la localisation de la boutique qui sert de repère au voleur de cartes. Il s'exclame (en français dans le texte... et un brin théâtral) : "Voilà !"

mardi, 10 février 2015

Loin des hommes

   David Oelhoffen (coscénariste de L'Affaire SK1) a adapté une nouvelle d'Albert Camus, L'Hôte, dont l'action se déroule au début de la guerre d'Algérie, fin 1954. L'intrigue tourne autour de deux personnages, incarnés par deux acteurs formidables.

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   Viggo Mortensen s'est complètement approprié le rôle de l'instituteur humaniste, un des ces "hussards de la République" qui ont fait la grandeur de notre pays. Il vit et travaille dans un coin reculé de l'Algérie, l'Atlas saharien, situé dans le nord-ouest du territoire, mais complètement isolé des villes de la côte. Ses élèves sont des Arabes.

   Sa petite vie tranquille est bouleversée par l'arrivée d'un gendarme, qui lui amène un prisonnier. Ce dernier est interprété par Reda Kateb (dont j'espère qu'il recevra le César du second rôle pour sa prestation dans Hippocrate).

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   Une étrange relation va naître entre l'assassin présumé et l'instituteur, ancien combattant. Tous deux vont se retrouver confrontés à la famille de la victime, qui veut se venger, à des pieds noirs du cru, qui voient en tous les Arabes des menaces potentielles, aux fellaghas, qui se méfient de cet improbable duo, et aux soldats français, qui ont ordre de "nettoyer" la région.

   Dans son scénario, David Oelhoffen a quelque peu étoffé l'histoire qu'avait écrite Albert Camus. C'était sans doute d'abord une nécessité pour en faire un long-métrage. C'était aussi un moyen de faire saisir toute la complexité de la situation en 1954. On comprend ainsi la diversité du monde des pieds noirs, l'archaïsme de la société algérienne, sa misère aussi, ainsi que la brutalité de l'armée française... à laquelle ont appartenu nombre de meneurs indépendantistes algériens.

   Il faut ajouter que les paysages sont superbes. Le film a été tourné en zone montagneuse, dans un désert rocheux (au Maroc), où l'on peut successivement souffrir du froid comme du chaud. (La neige, omniprésente dans la nouvelle de Camus, est toutefois absente ici.)

   Des films (de fiction) récents consacrés à la guerre d'Algérie que j'ai vus, c'est sans doute le meilleur. Il ne souffre pas des (petits ou grands) défauts de Cartouches gauloises, de L'Ennemi intime ou de Hors-la-loi, œuvres estimables au demeurant.

samedi, 17 janvier 2015

Invincible

   Si le titre français du nouveau film d'Angelina Jolie est bien choisi, il n'est toutefois pas aussi pertinent que l'original, Unbroken. Il donne bien la tonalité de l'histoire, celle du fils d'immigrés italiens que rien ne va briser, que ce soit le racisme des gamins de son âge, l'action de la police (contre ce voleur à la tire), le talent de ses adversaires en course, la faim, la soif, les blessures, les requins... et même la fixation sadique qu'un commandant de camp fait sur lui.

   La première heure est construite sur des allers-retours entre la période de guerre dans le Pacifique (au début des années 1940) et la jeunesse du héros. A l'écran, c'est magnifique. Dès le début, on est cueilli par ce plan aérien où, petit à petit, on commence à distinguer les bombardiers qui se détachent des nuages. A plusieurs reprises, on constate le très grand soin apporté à la photographie. La qualité de la mise en scène est aussi visible au niveau de la construction des plans. Les scènes sportives sont bien fichues, mais ce sont les scènes de camp qui sont les plus impressionnantes. La réalisatrice varie les angles de prise de vue et certains mouvements de caméra sont particulièrement judicieux. Je pense notamment au moment où les prisonniers, qui viennent de changer de camp, attendent, alignés dans la cour et entendent les pas du directeur, qui descend les escaliers de son logis.

   Il y a donc plusieurs films dans cet Invincible. Certains seront surpris de voir que les années 1930 ne sont présentées que sous l'angle nostalgique. (Et la crise, alors ?) Le passage par les Jeux de Berlin est aussi ambigu : c'est surtout un moment d'émerveillement pour le jeune homme, qui va se faire un nom en battant le record du dernier tour du 5 000 mètres. (Pour la petite histoire, sachez que c'est un petit-fils de Zamperini qui incarne le porteur de la flamme olympique !) On ne nous dit toutefois pas qu'il a terminé huitième de la finale, remportée par un duo d'increvables Finlandais. On ne montre pas non plus sa rencontre avec Adolf Hitler. Il est vrai que cela aurait perturbé le propos du film et que cela ne révèle rien sur le personnage. Plus tard, devenu soldat, il a prouvé qu'il ne se laissait pas acheter. (Aux curieux, je recommande un article de Slate, qui confronte le scénario du film à ce que l'on sait de la vie de Louis Zamperini.)

   Nous voilà projetés dans la guerre du Pacifique. Les scènes de combat aérien sont "chouettes". (Signalons la qualité des effets spéciaux, particulièrement visibles à cet instant, mais tout aussi efficaces -et plus discrets- à d'autres moments.) Angelina Jolie tire un bon parti des possibilités offertes par un bombardier. Vient ensuite la séquence de l'errance en mer. Trois des onze membres de l'équipage ont survécu à l'accident. Si ce n'est pas la partie du film la plus rythmée, elle n'est pas la moins intéressante. On se demande ce qui, de la faim, de la soif, de la tempête, des Japonais ou des requins est le plus dangereux. D'un point de vue physique, on voit la santé des personnages se dégrader : au-delà d'un style assez hollywoodien, le souci de réalisme est présent.

   Il est même omniprésent dans la troisième partie, celle de l'emprisonnement, au Japon. Les survivants vont passer par un camp de la jungle avant de rejoindre ce que l'on peut sans conteste appeler un camp de concentration. Ils vont y découvrir le sadisme du commandant Watanabe (très bien interprété par un musicien japonais, Miyavi). On sent qu'Angelina Jolie a vu et apprécié Le Pont de la rivière Kwaï et Furyo. J'ai cependant trouvé que certains effets étaient trop appuyés, en particulier dans la séquence de la poutre, un grand moment que je me garderai bien de raconter.

   Zamperini (incarné avec conviction par Jack O'Connell) devient une figure quasi christique. Au cours de la guerre, il s'est converti et cela a influé sur sa vie ultérieure. Cela contribue à renforcer le côté extraordinaire du personnage. Non seulement il était doté d'une santé et d'une volonté de fer, mais il a été capable de prendre du recul sur ce qu'il vivait.

   C'est un film à voir.

jeudi, 25 décembre 2014

A la vie

   C'est le toast que portent trois femmes encore jeunes, dans la salle à manger d'un appartement qui a vue sur une plage de Berck, dans le Pas-de-Calais, en 1962. Ce sont des rescapées d'Auschwitz, qui se retrouvent ensemble pour la première fois depuis 17 ans.

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   On ne sera donc pas étonné de voir le film débuter par une séquence de camp. On nous montre un aspect méconnu de la déportation : les marches de la mort. Cette séquence introductive n'en fait pas trop : l'intrigue se concentre sur la vie après.

   On retrouve l'héroïne, incarnée par Julie Depardieu, en 1945-1946, en France. Cela nous vaut un joli tableau d'époque, en milieu populaire... et communiste. Le PCF est à l'époque le premier parti de France. Tout une micro-société s'est créée autour des institutions du Parti, avec notamment la "Fête de l'Huma".

   Le bond suivant nous emporte à l'époque qui va constituer l'arrière-plan de la majorité du film : le début des années 1960. Là aussi, la reconstitution d'époque, avec les vêtements, les voitures et la musique, est soignée. Les "anciens" ressentiront un petit pincement au coeur face à ce monde disparu. Les trois rescapées nous sont alors présentées en détail.

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   Hélène est une sainte laïque. Elle s'est fait un devoir d'épouser un rescapé des camps, quoi qu'il lui en coûte. Elle milite ardemment pour le Parti. Elle est incarnée par Julie Depardieu, dans un rôle à contre-emploi, où elle n'est pas toujours à l'aise.

   Les deux autres sont mieux campées, que ce soit Lili la féministe néerlandaise (Johanna Ter Steege, impeccable) ou Rose la bourgeoise sensuelle installée au Canada (Suzanne Clément, géniale).

   A ce trio féminin répond un trio masculin, désuni. Hippolyte Girardot joue le compagnon très spécial de l'héroïne. Mathias Mlekuz interprète le militant communiste sincère, un gars franc, serviable... mais pas très futé. Benjamin Wangermee a le privilège d'incarner le maître-nageur, fonction hautement stratégique en zone touristique côtière. En plus, il s'occupe des enfants... mais il est gaulliste !

   Nous voilà avec tous les ingrédients d'une comédie de moeurs, mais c'est le sérieux qui domine. Si l'on rit assez souvent, il est d'abord question des tourments intérieurs des trois femmes. Chacune porte en elle un secret remontant à la guerre... et tient à cacher quelque chose concernant sa "vie d'après". La rencontre va libérer les vieux fantômes et les rendre toutes plus fortes.

   Si la réalisation est académique, elle est servie par une bonne lumière, de bons éclairages. Les tonalités sont chaudes. Quant à l'histoire, elle pourrait paraître ennuyeuse (ou triste) au premier abord, mais j'ai quand même passé un bon moment. Les scènes sont bien tournées. Beaucoup ont un charme inexplicable qui m'a séduit.

   A la fin, un court extrait vidéo nous montre les personnes dont la vie a inspiré le film.

samedi, 06 décembre 2014

90 minutes inside... le Carmel de Rodez

   Le 16 novembre dernier, la journée "portes ouvertes" de l'ancien Carmel, destiné à devenir le nouveau siège de l'évêché, devait être la première et dernière occasion de découvrir un lieu de réclusion spirituelle qui a fait gamberger bien des Ruthénois pendant des dizaines d'années. Devant le succès monstre (avec environ 1 200 visiteurs, sans compter ceux qui n'ont pas pu entrer et ceux que les longues queues ont découragés), il a été décidé de renouveler l'opération cette fin de semaine, samedi 6 et dimanche 7 décembre 2014.

   Malgré la pluie glaçante, la foule s'étirait encore aujourd'hui rue Combarel, attendant, disciplinée, l'ouverture des portes. On nous a fait entrer puis patienter dans un hall, qui nous a ensuite menés, par une courte mais intense ascension, jusqu'à la chapelle, où le responsable de la communication du diocèse (eh oui, cela existe) nous a reçus avec sympathie. Il a présenté un rapide historique des lieux (dans lequel il a omis de préciser que la carmélite parisienne qui était à l'origine de la fondation du couvent était une protestante britannique convertie).

   L'aspect actuel de l'intérieur de la chapelle remonte à l'époque qui a immédiatement suivi le concile de Vatican II. L'autel a été détaché du mur du fond, permettant au prêtre officiant de faire face aux fidèles. De plus, le sol de la partie réservée aux laïcs ayant été rehaussé de deux mètres, ceux-ci se sont retrouvés beaucoup plus proches des religieux qu'auparavant. Quant aux vitraux très "modernes" qui ornent les ouvertures de la bâtisse, ils sont l'oeuvre de moines de l'abbaye d'En Calcat, située dans le Sud du Tarn :

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   A la suite de cette présentation, le parcours guidé dans les immenses bâtiments a pu commencer. Très vite, nous sommes arrivés dans une petite pièce où se trouvait un étrange placard :

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   Ce confessionnal a vivement intrigué les visiteurs... et il aurait pu inspirer l'une d'entre elles, dont le téléphone portable a sonné peu de temps après... et qui, pas gênée, s'est mise à engager la conversation avec son interlocuteur : "Je suis dans le truc là... tu sais à Combarel..." Plusieurs visiteurs ont manifesté leur mécontentement et, curieusement, plus aucun téléphone n'a sonné pendant le reste de la visite. (On en avait déjà entendu deux ou trois au tout début, mais leurs propriétaires avaient eu la courtoisie de ne pas répondre à l'appel et de les éteindre.)

   Nous voilà arrivés dans l'oratoire (une pièce où l'on prie). Mon regard a été attiré par le plafond...

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   ... et par le sol, où l'on pouvait voir d'étranges étoiles métalliques, incrustées dans le superbe parquet (très bien entretenu par les religieuses) :

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   Désignent-elles un emplacement réservé à certaines religieuses, pendant la prière, ou bien sont-elles des marques laissées là par des artisans ? Les voies du Seigneur sont parfois diablement impénétrables. En tout cas, cette pièce va connaître quelques bouleversements, puisqu'elle est vouée à devenir le bureau de l'évêque. Une partie de l'enceinte donnant sur la rue Combarel devrait être abaissée pour permettre à la lumière d'atteindre cette partie du bâtiment. On est décidément aux petits soins pour Monseigneur !

   Toujours à l'étage, nous découvrons les cellules des carmélites (qui n'ont jamais été plus de 24), encore plus petites que des chambres d'étudiants... et au confort rudimentaire :

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   Notez, au pied du lit, la prise électrique, de conception très ancienne !

   Les recluses entraient au contact du monde extérieur au moyen de deux parloirs, l'un situé au rez-de-chaussée, l'autre, plus grand, à l'étage :

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   D'après la guide, la taille de l'ouverture était prévue pour permettre aux religieuses (qui étaient aussi couturières) de prendre les mesures des prêtres (sans franchir la limite !). On se demande comment elles pouvaient opérer quand l'ouverture était obstruée par une grille...

   Les carmélites pouvaient aussi recevoir des objets (notamment de la nourriture), qui entraient au couvent par le tour, une structure en bois qui pivote sur un axe, et qu'actionnait la bien nommée tourière :

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   Des objets sortaient aussi du couvent, en particulier des hosties, qui ont fait la réputation des carmélites de Rodez.

   Nous sommes descendus au rez-de-jardin, où l'on trouve les pièces consacrées à la vie quotidienne, au travail et à l'activité spirituelle. Elles sont d'un aménagement sobre, quelques meubles en bois se révélant d'une grande beauté. L'une d'entre elles va être profondément transformée : le réfectoire (dont l'équipement a déjà été récupéré par d'autres communautés), qui est destiné à devenir l'entrée du bâtiment rénové. D'autres salles se distinguent, comme le lavoir communautaire, où, visiblement, tout était fait à la main :

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   Au détour d'un couloir, on découvre deux pièces dans lesquelles l'architecture d'origine a été préservée. C'est tout ce qu'il reste de l'ancien hôtel de passe, racheté jadis par l'évêque André-Charles de Ramond-Lalande. L'une de ces pièces a servi de dépôt de charbon :

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   Nous finissons par arriver dans l'un des endroits les plus attendus de la visite : la cuisine ! C'est dans celle-ci que les dernières carmélites en place avant 2013 (elles étaient quatre) passaient une partie de leurs journées. Chez les visiteurs, c'est un peu la déception. Il n'y a rien de notable à évoquer, si ce n'est cette perforation du sol (il y en a d'autres notamment dans les couloirs). D'après la guide, il s'agissait de vérifier la composition du terrain et, pour les archéologues, d'effectuer quelques sondages, dans l'espoir d'une découverte fortuite, avant les travaux. Apparemment, il n'y a pas de cadavre dans le placard...

   D'ailleurs, nous ne descendrons pas davantage : nous ne verrons pas les caves, que l'on n'a pas souhaité montrer au public, pas plus que les combles, qui couvrent toute la surface de l'étage. La charpente (en bois) est paraît-il superbe, mais les conditions de sécurité ne sont semble-t-il pas réunies pour y faire passer plusieurs centaines de personnes, pas toujours disciplinées...

   La visite se termine dans une salle où nous est présenté le projet de transformation des lieux. Les services de l'évêché vont quitter leurs locaux historiques (propriété du Conseil général de l'Aveyron), trop grands, trop coûteux à entretenir. (On a parlé de 78 000 euros de frais annuels, dont peut-être 25 000 euros de chauffage !) Les intervenants sont Xavier Cazals (secrétaire général du diocèse) et le bien nommé Jean-Marc Levesque, l'architecte du projet.

   Cette pièce contient une curiosité : une maquette du site, qui date sans doute de ses débuts, dans la première moitié du XIXe siècle :

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   Cette visite (gratuite) mérite vraiment le détour. A la place de l'évêché, j'aurais demandé une petite contribution : la transformation des lieux (qui inclut la construction d'un nouveau bâtiment, pour stocker 1,5 kilomètre de rayons d'archives) va coûter 2,5 millions d'euros, 450 000 devant être fournis par les fidèles.

mardi, 11 novembre 2014

Journaux de guerre n°13

   Le numéro paru le 7 novembre (pas un jeudi, contrairement à l'habitude) est principalement consacré au torpillage du paquebot Lusitania, déjà évoqué dans l'un des journaux fournis avec le numéro 10, il y a quelques semaines.

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   L'affiche de la semaine est britannique. Elle s'adresse aux Irlandais et tente de convaincre ceux qui sont à l'époque des sujets de George V de s'engager dans l'armée de Sa Majesté :

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   La présentation des journaux ne fait pas qu'analyser les causes et les conséquences de cet acte de piraterie. Elle s'attarde de manière plus générale sur la rivalité navale entre le Royaume-Uni et l'Allemagne.

   Le premier des quotidiens reproduits est La Petite Gironde du 25 mars 1915. En première page, de nombreuses photographies représentent des soldats britanniques. On peut aussi y trouver un article sur les retraits de naturalisations au XVIe siècle. Page 2, un entrefilet évoque l'exécution d'une femme (sans doute allemande) pour espionnage, à Nancy. Un peu plus loin, il est toujours question du "deuxième sexe" :

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   Un peu plus loin, un article évoque les bagarres entre dockers français et espagnols à Bordeaux. Les employeurs locaux ont choisi de faire venir sur place une main-d'oeuvre... marocaine, qui semble donner entière satisfaction.

   Le Sud-Ouest est décidément bien représenté dans ce numéro de Journaux de guerre, puisque le second quotidien de province est La Dépêche, du 11 mai 1915. On s'y intéresse notamment à l'attitude des dirigeants italiens et états-uniens, en particulier du président Wilson.

   Page 2, il est question de l'interdiction de la vente d'alcool dans la zone des armées. Cela rejoint les préoccupations qui perçaient, chez les civils, dans les journaux fournis avec le numéro 11. On s'inquiète aussi du sort de l'aviateur Roland-Garros, prisonnier en Allemagne. (Rappelons qu'il est décédé en octobre 1918.)

   Les Aveyronnais découvriront peut-être avec surprise que des prisonniers allemands s'étaient évadés de Millau. Enfin, les amateurs de numérologie seront ravis par un article qui spécule sur la date de la fin du conflit :

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   On termine avec un exemplaire de l'un des quotidiens les plus lus de l'époque, Le Journal, du 8 mai 1915. La première page est largement consacrée au torpillage du Lusitania. L'identité de quelques victimes célèbres est mentionnée. Sous le titre "Juste châtiment", on trouve un peu plus loin un encadré qui se réjouit qu'une attaque au gaz allemande se soit retournée contre ses instigateurs. Ce n'est pas le seul journal à se réjouir de ce genre de péripétie. C'est un moyen d'atténuer le choc qu'a constitué l'emploi de cette nouvelle arme, qui a finalement fait beaucoup moins de dégâts que les obus.

   Page 2, un long article évoque la situation financière du pays et les emprunts à contracter. Il est donc question des Etats-Unis, dont il est dit qu'ils n'ont pas encore l'habitude de prêter de l'argent aux Européens...

   En bas de page, on retrouve une figure familière, utilisée ici non pas de manière hostile, contre l'Allemagne, mais pour symboliser la bonne entente entre la France et l'Angleterre :

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   En Extrême-Orient, on commence à réaliser que le Japon, allié de la Triple Entente, mène une politique étrangère très "personnelle" et profite de la guerre pour s'implanter en Chine.

   En dernière page, on peut savourer deux caricatures nord-américaines qui se moquent de l'empereur Guillaume II. L'une d'entre elles (issue d'un quotidien québécois) est très "datée" :

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