samedi, 17 septembre 2011
On reparle de Paul Ramadier (1888-1961)
Il est mort voilà bientôt 50 ans. Il joua un rôle important au plan national et aussi dans l'Aveyron, où il occupa des fonctions électorales variées durant sa longue carrière politique.
Le Nouvel Hebdo de cette semaine publie une tribune de Maurice Barthélémy, quatrième adjoint au maire de Rodez :
Il faut dire qu'à l'approche de l'élection présidentielle, les socialistes pourraient s'inspirer de ce grand ancêtre, authentique homme de gauche, antitotalitaire (il n'avait pas que des amis chez les communistes...) et d'une grande probité. Il a appartenu à plusieurs gouvernements du Front populaire. Il est surtout connu comme l'un des 80 parlementaires à avoir voté contre l'octroi des pleins pouvoirs à Philippe Pétain, le 10 juillet 1940.
Durant la guerre, il a appartenu à la Résistance et contribué (avec son épouse Marguerite) à sauver des juifs, ce qui lui a valu, bien plus tard, d'être reconnu "Juste parmi les Nations". Son nom (parmi des milliers d'autres) est ainsi honoré à Yad Vashem.
Après guerre, il est devenu le premier président du Conseil de la IVe République et a rompu l'alliance nouée en 1944-1945 avec le Parti communiste. Une dizaine d'années plus tard, ministre des Affaires économiques et sociales, il fut à l'origine de la création de la vignette automobile, dans un but louable au départ :
Mais la presse locale n'est pas la seule à faire écho à cet auguste politique. Cette semaine, son nom est apparu au détour de la critique d'un livre, parue dans Le Monde daté du 16 septembre. En effet, La Bataille du Sénat évoque, parmi d'autres choses, l'existence de réseaux francs-maçons au sein de la haute assemblée. On apprend donc qu'il existe une Fraternelle parlementaire, qui semble transcender le clivage gauche-droite.
Paul Ramadier aurait été à l'origine de sa création (à l'époque où il était président du Conseil)... si bien, qu'aujourd'hui encore, il existe un Cercle Ramadier, évidemment maçonnique. Je ne sais pas ce qu'en aurait pensé l'ancien maire de Decazeville...
Ajoutons que l'homme, contrairement à nombre de politiques, était doté d'une culture certaine. Il lui est arrivé de signer des articles dans la prestigieuse Revue du Rouergue, une publication érudite de tendance plutôt conservatrice.
Esprit indépendant, il s'était rallié au retour au pouvoir de Charles de Gaulle (en 1958), sans pour autant se départir de son regard critique. C'est cependant la période qui le voit perdre tous ses mandats, à cause principalement de la division de la gauche : le siège de député en 1958 (avec une habile manoeuvre de la droite locale), la mairie de Decazeville en 1959.
Moins connue est l'action de son fils, Jean Ramadier qui, fait exceptionnel, ne bénéficie d'une notice biographique que sur la version anglaise de Wikipedia (à la date où j'écris ces lignes). Je dois reconnaître que j'ignorais totalement l'existence de ce fils, ainsi que ses actes.
Pour ceux qui ne lisent pas l'anglais, voici ce que dit, en gros, la notice : Jean Ramadier a résisté à l'occupation japonaise, en Indochine. Il a même été torturé par la Gestapo nippone, la Kempeitaï. Il est par la suite devenu gouverneur de colonies françaises d'Afrique subsaharienne : le Niger, la Guinée puis le Cameroun (où il eut le titre de haut commissaire : ce n'était pas officiellement une colonie, mais un mandat, attribué par feue la S.D.N. après la Première guerre mondiale). A ces postes, il s'est fait remarquer par son attachement aux droits des peuples. Il est mort précocement, à 54 ans.
Mais l'histoire politique familiale ne s'arrête pas là. En parcourant l'excellent ouvrage de Roger Lajoie-Mazenc, Maires de famille, j'ai découvert que le petit-fils de Paul Ramadier, qui porte les mêmes nom et prénom que lui, a tenté sa chance devant le suffrage universel, notamment aux élections municipales, à Decazeville, sans succès.
22:33 Publié dans Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, presse, médias, histoire, ps
lundi, 12 septembre 2011
"Science et Vie" s'intéresse au 11 septembre 2001
Le mensuel scientifique grand public consacre, dans son numéro de septembre 2011, un mini-dossier aux attentats du 11 septembre 2001 et plus précisément aux théories fumeuses qui circulent à leur propos :
Après un rappel du déroulement de la journée, il est question de l'imprégnation des théories complotistes, indéniable mais pas aussi grande que certains voudraient le faire croire. (Quand on les interroge, beaucoup de personnes hésitent à adopter une position tranchée, dans un sens ou dans l'autre, de peur de passer pour des "bouffons" ; du coup, la mode est plutôt de manifester quelques doutes.)
L'article nous fait le plaisir de rappeler plusieurs citations de personnalités, qui ne se sont pas distinguées par leur finesse d'esprit... On passe ensuite à l'analyse des élucubrations.
C'est d'abord la théorie d'une démolition contrôlée des tours jumelles qui est démontée. L'article s'appuie notamment sur des études d'ingénieurs, publiées dans des revues à comité de lecture, aux Etats-Unis. Cela fait longtemps que la théorie de la chute libre ne tient plus la route, si tant est que ce fut jamais le cas. Dans l'article, il est aussi bien question des bruits d'explosion, des "squibs", du métal fondu (l'acier -contrairement à l'aluminium- n'a pas fondu, mais il a perdu de sa rigidité) que des supposées traces d'explosifs.
J'avoue que, sur les points techniques, je ne suis pas un expert, mais je peux comparer différentes versions et me faire mon opinion. Les "debunkers" (ceux qui démontent les mythes conspirationnistes) m'ont plutôt convaincu. Mais c'est surtout l'histoire du passeport qui m'a bien fait rigoler.
Un autre article revient sur l'attaque du Pentagone... et sur quelques pratiques pas très honnêtes des adeptes de la théorie du complot (ou comment tordre un témoignage pour qu'il serve la cause)... La même malhonnêteté a été appliquée au cas de la Tour 7, celle qui a été touchée par des débris de la Tour Nord : les conspirationnistes ne montrent que la façade qui les arrange (celle sur laquelle on ne voit pratiquement pas de dégâts), les minutes qui les arrangent (elle a quand même subi des incendies pendant 7 heures avant de s'effondrer) et déforment une déclaration du "loueur" de la tour, Larry Silverstein (il n'a pas du tout dit de faire sauter l'immeuble, mais d'en retirer l'équipe de pompiers avant que tout ne s'écroule, vu l'état dans lequel il était).
Le cas du Vol 93 est enfin abordé.
Un dernier article traite du désir de croire aux théories du complot. D'autres exemples sont donnés. Ce n'est pas une étude exhaustive mais un utile décrassage, pour qui n'a pas trop d'oeillères.
00:23 Publié dans Politique, Politique étrangère, Presse, Science | Lien permanent | Tags : politique, 11 septembre, etats-unis, actualité, histoire
mercredi, 07 septembre 2011
Une encyclopédie du 11 septembre 2001
C'est un titre quelque peu prétentieux, mais c'est ainsi qu'une publication américaine, The New York Magazine, a baptisé un numéro spécial sorti le 5 septembre, auquel correspond un site internet riche, mais inégal.
Celui-ci est plutôt un abécédaire. Que peut-on y picorer d'intéressant ? Plusieurs choses. En suivant l'ordre alphabétique, on pourra lire d'abord l'article Anthrax, qui revient sur cette seconde vague de terreur, sans doute provoquée par un (plusieurs) scientifique (s) blanc (s). L'un des suspects s'est suicidé en 2008 mais, selon le journaliste, d'autres personnes auraient pu être mises en cause. (Un des types montrés du doigt a même poursuivi le New York Times.)
Building 7, Collapse of revient succintement sur l'effondrement de l'un des immeubles du complexe, qui n'a pas été touché directement par les avions. C'est l'un des points sur lesquels ont prospéré les théories conspirationnistes. (Voir aussi Total Progressive Collapse.)
Evidence s'attarde sur les indices retrouvés hors de la scène des attentats, en particulier dans une Toyota abandonnée sur le parking de l'aéroport de Washington.
Gold, Recovery of raconte l'histoire de ce stock de métaux précieux (or et argent) finalement récupéré dans les décombres. Pour la petite histoire : les employés chargés de ramasser le trésor ont dû déjeuner sur place. Ne disposant pas de tables ni de chaises, ils ont utilisé les piles de barres métalliques !
Good-Bye est la transcription du témoignage de la veuve d'une des victimes, tuée dans l'effondrement de l'une des tours. Son mari était coincé au 105e étage... et a passé une partie de ses derniers moments au téléphone avec sa femme. C'est émouvant... encore plus quand on apprend que la veuve est morte en 2009... dans un accident d'avion.
Hijackers décrit la composition des équipes de terroristes et notamment la division entre ceux qui ont été chargés d'acquérir une compétence aéronautique et les "gros bras", recrutés pour leur aptitude à prendre le contrôle du cockpit et des passagers. La question de l'identité du vingtième membre de l'équipe est traitée plus loin, par The Twentieth Hijacker.
Jumpers évoque, vous vous en doutez bien, les quelque 200 personnes qui ont sauté des tours plutôt que de mourir brûlées vives ou asphyxiées. L'article pose la question de la représentation des victimes et celle de l'identification des "sauteurs", pas forcément acceptées par les proches des victimes.
"Let's roll" fait référence à l'avion dont les passagers se sont révoltés (une histoire qui a inspiré Paul Greengrass pour Vol 93). Cette phrase aurait été prononcée par l'un de ceux qui sont partis à l'assaut des terroristes. L'article est intéressant parce qu'il souligne le fait que c'est dans cet avion que les pirates de l'air n'étaient que quatre (au lieu de cinq dans les autres) et qu'ils ont un peu tardé à en prendre le contrôle.
L'homonymie joue parfois des tours. Des conspirationnistes ont ainsi prétendu que les pirates de l'air n'étaient pas ceux que l'on croyait, puisque des personnes portant le même nom que certains d'entre eux étaient en vie, ailleurs dans le monde. De l'autre côté de la barrière, on trouve des victimes qui portaient les mêmes nom et prénom(s) : Michael Lynch.
D'autres histoires sont tout aussi rocambolesques... et tragiques. Jadis, Canal+ a financé le tournage de 11 films sur les attentats, laissant une totale liberté aux cinéastes désignés. L'Indienne Mira Nair avait ainsi choisi de conter l'histoire de ce musulman new-yorkais, disparu ce onze septembre 2001, soupçonné d'avoir maille à partir avec les terroristes... et qui était bien mort au World Trade Center, où il était venu prêter main-forte aux secours ! Approchante est l'histoire de Sneha Anne Philip, disparue le même jour, mais qui n'a été reconnue victime des attentats qu'en 2008, après une longue procédure judiciaire.
Plus anecdotique, Planes décrit les quatre avions. On remarque qu'ils étaient peu remplis (en terme de passagers) : à moitié et au tiers pour les deux qui se sont écrasés sur les tours jumelles, au tiers aussi pour celui qui a percuté le Pentagone et seulement au cinquième pour celui qui n'a pas atteint sa cible.
On n'apprendra pas grand chose de la lecture de Tora Bora, sinon la confirmation que les Américains ont souvent été bernés par des combattants locaux qui se sont vendus au plus offrant... voire aux deux camps.
Pour terminer sur une note moins triste, on pourra consulter Windows on the World, consacré au restaurant très chic qui occupait le 107e étage de la tour Nord.
21:37 Publié dans Histoire, Politique étrangère, Presse, Web | Lien permanent | Tags : histoire, médias, actualité, etats-unis
lundi, 01 août 2011
Trois cartes postales sur Jeanne d'Arc
La fréquentation des brocantes réserve parfois de drôles de surprises. Récemment, alors que j'accompagnais une personne pas spécialement portée sur l'histoire de la Pucelle, je suis tombé, en furetant dans de vieux tas de cartes postales, sur trois "pépites".
La première représente la statue de Jeanne de Compiègne, en armes bien sûr, mais, à pieds, les cheveux au vent :
La formule gravée sur le piédestal ("Je yray voir mes bons amys de Compiègne") serait authentique.
La deuxième carte postale représente une "Jeanne au bûcher" :
Cette statue est liée à l'église dédiée à la sainte. Elle est l'oeuvre de Maxime Real del Sarte, qui milita à l'Action française. Bien que je ne partage pas les orientations politiques de l'artiste, je reconnais que son oeuvre ne manque pas d'inspiration. On notera la mention manuscrite qui figure sur la carte postale. Pour la petite histoire, elle a été affranchie avec un timbre de l'Exposition coloniale de 1931, à l'effigie d'une jeune femme noire !
La troisième carte ne représente pas la Pucelle, mais son père, Jacques d'Arc :
Son nom est écrit sur le socle. Le personnage est accompagné d'une charrue, signe de son statut d'agriculteur aisé. (Le monument est visible à Domremy-la-Pucelle.)
Il ne faut pas le confondre avec l'un des ses fils (Jeanne a eu trois frères et une soeur), prénommé Jaquemin ou Jacques. Le 26 juillet dernier, celui-ci a fait l'objet d'un article de L'Est Républicain :
Il est moins connu que les deux autres frères, Jehan et Pierre, qui ont participé à l'épopée de la frangine, et qui ont laissé des traces après la mort de celle-ci. L'aîné a moins fait parler de lui. (L'article fait allusion à une condamnation de Jaquemin.) L'explication est peut-être toute simple : en tant que premier fils, il était voué à reprendre l'exploitation des parents. Cela expliquerait que seuls ses cadets se soient engagés aux côtés du Dauphin, futur Charles VII.
Les esprits curieux auront remarqué que l'article est illustré par la reproduction d'une gravure qui n'est pas sans rappeler une autre carte postale de la Pucele que j'avais dénichée jadis.
16:11 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france, femme
vendredi, 20 mai 2011
Petite histoire des colonies françaises
C'est le titre d'une série de quatre ouvrages de bandes dessinées (signés Grégory Jarry et Otto T.) d'un genre très spécial. L'oeuvre a une prétention historique... et elle semble bien documentée (elle fourmille d'anecdotes qui souvent, hélas, ne sont pas inventées). Mais ce qui pourrait être un horrible pensum est dynamité par la verve satirique : c'est méchant, sarcastique, sans pitié... souvent à hurler de rire.
La forme est originale : les livres sont rectangulaires ("à l'italienne", comme on dit dans le milieu de l'édition), précédés d'une petite introduction (dont le ton parodie celui des manuels de la Troisième République) centrée sur le narrateur de ces histoires : "papy de Gaulle". Ensuite, chaque page est organisée suivant le même modèle : la partie supérieure contient un court texte explicatif, parfois sérieux, parfois ironique, parfois complètement barré ; le reste de la page est dessiné, en théorie pour illustrer le propos, souvent en contrepoint.
Le premier tome a pour sous-titre L'Amérique française :
Il est découpé en six chapitres :
- La rivalité franco-anglaise
- La Floride
- Le Canada
- La Louisiane
- Les Antilles
- L'effondrement
Il aborde une période méconnue de notre histoire, durant laquelle la France tenta de s'implanter dans des régions que l'on a oubliées aujourd'hui, comme ce fut le cas en Floride :
Il est aussi bien évidemment question des pionniers... mais sans légende dorée :
Le deuxième tome a pour sous-titre L'Empire :
Les faits racontés dans cet album sont mieux connus. Il est ainsi question de la conquête de l'Algérie... qui ne s'est pas effectuée dans la dentelle :
(Je recommande aussi la représentation de l'incident qui a servi de prétexte à l'invasion française.)
Dans le cadre de la prise de contrôle du Maroc, les positions de Jean Jaurès sont abordées... de manière ironique évidemment :
Le tome 3 a pour sous-titre La décolonisation :
Les dessinateurs excellent à mettre en images les arrière-pensées des acteurs de cette période (toujours avec une distance ironique), comme Hô Chi Minh :
Il est aussi fortement question des violences, avec (notamment) l'exemple de l'Algérie :
Le tome 4 a pour sous-titre La Françafrique :
Là, ô surprise, papy de Gaulle cède la parole à ses successeurs, papy Pompidou et papy Giscard (qui parlent peu), "Tonton" (Mitterrand)... et même un peu papy Chirac et cousin Sarko (vêtu d'un costume très révélateur...). Dans ce volume, les plus jeunes découvriront un personnage-clé de cette époque, Jacques Foccart :
Le livre vaut aussi pour la dénonciation du comportement prédateur des élites françaises... et africaines :
Moi je trouve que cela pourrait constituer un beau cadeau de fête des mères !
12:19 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france, livre, humour
mercredi, 11 mai 2011
François Mitterrand en photos
L'édition datée du 10 mai 2011 du Monde propose une intéressante page sous le titre "Mitterrand photos taboues". Le trentième anniversaire de l'accession à la présidence de la République a suscité une inflation d'articles (dont le site Arrêt sur images propose un échantillon).
Les quatre photographies parues dans "le quotidien du soir" ont été bien choisies, je trouve. Les commentaires qui les accompagnent sont soignés. Sont évoqués la rencontre Pétain-Mitterrand (en 1942), l'amitié jamais reniée pour René Bousquet, le décès de l'ancien président et sa fille Mazarine. C'est cette dernière image qui a le plus éveillé mon attention :
La photographie aurait été prise en septembre 1981. Le commentaire porte sur le culte du secret et la révérence des journaux de l'époque, puisque seul l'organe d'extrême-droite Minute a rapidement évoqué cette affaire.
On peut d'ailleurs lire avec profit la version de l'histoire de l'ancien rédacteur en chef de l'hebdomadaire, feu Serge de Beketch. Il faut faire la part des exagérations (il n'hésite pas à qualifier la présidence Mitterrand de "régime le plus corrompu de l'après-guerre") et des affirmations péremptoires (il se trompe sur l'âge de Mazarine : elle avait quasiment 7 ans à l'époque, alors qu'il lui en donne moins de 5). Plusieurs détails méritent néanmoins le détour.
La publication de cette touchante photographie est dans le ton de cette célébration. On chante les louanges de l'ancien président et on le présente comme un homme qui, certes a mené une double-existence, mais pour qui "l'autre femme" (Anne Pingeot, la mère de Mazarine) aurait été le grand amour de sa vie.
En réalité (comme je l'ai déjà écrit à l'occasion du décès d'Annie Girardot, une des nombreuses ex de Tonton), si François Mitterrand est resté attaché à la mère de sa fille, sa liaison ne l'a nullement empêché de continuer à "cavaler" à droite et à gauche...
Halte aux images d'Epinal !
21:18 Publié dans Histoire, Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, ps, histoire, mitterrand
Cabeza de Vaca
C'est un "vieux" film, sorti à l'origine en 1991 (dans la perspective de la célébration du cinquième centenaire de la "découverte" de l'Amérique), remis dans le circuit en 2011.
Il s'inspire de la Relation de voyage rédigée par le héros, Alvar Nunez Cabeza de Vaca, un conquistador, à l'origine à la recherche d'un beau butin, et qui a traversé à pieds une partie du continent américain.
Comme cela a été tourné par un Mexicain (Nicolas Echevarria), on peut s'attendre à ce que ce ne soit pas un morceau de bravoure en l'honneur des conquérants sanguinaires. Non, le réalisateur louche plutôt du côté de Werner Herzog et de son Aguirre...
... pour le meilleur comme pour le pire. Le pire vient vite : certaines scènes sont mal jouées. C'est dû à la fois à la présence de comédiens non professionnels mais aussi (et surtout), à la faiblesse de la direction d'acteurs qui, je pense, s'est limitée à donner des consignes générales en plus du dialogue à débiter. Après, avec des mecs doués, on peut atteindre la grâce... ou tomber dans la daube.
Du coup, le film alterne des moments ratés (les scènes de radeau sont vraiment mauvaises... ça sent le tournage cheap en studios) et des séquences particulièrement inspirées, où interviennent souvent les "Indiens" rencontrés par le héros.
Il y a tout d'abord la période de captivité (et d'esclavage), qui voit cet Européen pétri de certitudes devenir la bonniche d'un Indien nain et manchot, farceur de surcroît ! Le compagnon de celui-ci est un grand baraqué un peu magicien sur les bords. On nous entraîne sur les rives du chamanisme. Cela devient passionnant, d'autant plus que le héros se découvre un don de guérisseur.
Libéré, il poursuit son périple vers l'ouest, à la rencontre d'autres peuples, d'autres cultures. En chemin, il retrouve des rescapés de l'expédition espagnole d'origine. Le fossé qui s'est creusé entre l'acculturé européen et ses anciens compagnons est bien mis en scène.
Les dialogues ne sont pas nombreux (et tant mieux : ils sont en général médiocres). Par contre, j'ai apprécié la musique et les chants, bien insérés dans le déroulement de l'histoire.
Si l'on est prêt à supporter des maladresses et quelques faiblesses pour accéder à plusieurs bons moments de cinéma, on peut se laisser tenter par ce film.
19:32 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
mercredi, 04 mai 2011
John Rabe
Cet Allemand est le héros éponyme d'un film historique qui a pour cadre le massacre de Nankin, commis en 1937-1938 par les soldats japonais tentant de conquérir la Chine.
John Rabe est ce que l'on appelle un "juste", un simple citoyen qui a contribué à sauver des milliers de vies, celles de Chinois (surtout de Chinoises) qu'il a décidé d'abriter dans une zone de sécurité délimitée dans la ville de Nankin et, au départ, destinée aux populations européennes présentes sur place, que les Japonais n'ont pas attaquées.
Le film est de facture très classique : la réalisation est propre, sans fioritures. L'image est soignée. Les acteurs sont bons. La musique est par contre un peu trop présente, donnant un ton parfois trop mélodramatique. Cela se comprend quand on sait que ce massacre est, pour les Chinois, un peu l'équivalent d'Auschwitz pour les Européens.
Le paradoxe est que l'un des instigateurs du sauvetage de dizaines de milliers de Chinois est un employé de Siemens, membre du NSDAP (et fervent adepte du Führer... on est en 1937)... oui, un nazi, mais pas un fanatique, ainsi que le film prend soin de le préciser. On notera d'ailleurs un aspect consensuel du scénario, qui fait en sorte que chaque "communauté" présente au moins un ou deux éléments positifs (même les Japonais). A John Rabe s'oppose donc la personne envoyée par Berlin pour lui succéder, un nazi pur sucre qui sert de repoussoir.
Les séquences de violence alternent avec d'autres, plus intimistes, ou avec des moments plus enlevés, spectaculaires, comme cette scène qui voit le déploiement d'un gigantesque drapeau nazi pour protéger les réfugiés chinois. Cela ne manque pas de souffle.
Le massacre est donc montré du côté européen (le film s'articule autour du journal écrit par John Rabe, publié seulement à la fin du XXe siècle), ce qui fait que, même si on a droit à quelques scènes détaillant les horreurs commises par les soldats japonais, on reste à mon avis en dessous de la vérité. (Comme je l'ai entendu dire dans une émission de La Marche de l'histoire, les Japonais ont commis les mêmes crimes que les nazis durant la Seconde guerre mondiale, à l'exception des chambres à gaz.) Ces scènes n'en restent pas moins très fortes, choquantes, comme celle de l'exécution de plusieurs centaines de prisonniers chinois en pleine campagne ou celle du viol de l'une des élèves de l'école européenne.
On a réservé une place assez importante aux acteurs chinois, même si, globalement, ce ne sont que des seconds rôles. Le personnage le plus présent à l'écran est celui de Langshu, cette lycéenne passionnée de photographie, dotée d'un physique propre à faire chavirer les cœurs... Côté japonais, le portrait qui est tracé du prince impérial (oncle de l'empereur) est particulièrement gratiné. Il n'est peut-être hélas même pas caricatural.
Tous les acteurs, européens, chinois et japonais, sont excellents. Le souci du réalisme a poussé le réalisateur à les faire s'exprimer dans leur langue, même s'ils communiquent entre eux en anglais. Côté allemand, Ulrich Tukur (qu'on avait remarqué notamment dans Amen, Le Couperet de Costa Gavras et La Vie des autres) est remarquable en John Rabe. On retrouve aussi avec plaisir Daniel Brühl (révélé par Good bye, Lenin !). Steve Buscemi surprend agréablement en chirurgien anglais alcoolique farouchement antinazi.
Le film s'achève par des compléments biographiques sur les personnages incarnés à l'écran.
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samedi, 19 mars 2011
Le Discours d'un roi
... The King's Speech, dans la version originale (la seule envisageable pour un film dont l'intrigue repose sur le bégaiement du personnage principal). On peut se demander pourquoi le titre n'a pas été traduit par "Le Discours du roi". Cette formulation aurait davantage mis l'accent sur LE discours, celui de la fin, sorte d'aboutissement de l'intrigue.
C'est un film d'acteurs, un tantinet théâtral. Mais c'est impeccablement joué. Colin Firth est excellent en prince puis roi bègue (le fameux George VI), plutôt bon bougre, aimant sa famille. Geoffrey Rush est à mon avis encore plus remarquable dans le rôle du thérapeute hors norme. (Comme il coproduit le film, il a sans doute œuvré à se tailler un joli rôle.) Le mâle hétérosexuel que je suis accorde une mention particulière à l'envoûtante Helena Bonham Carter, dont les sourcils ne laissent pas de me fasciner.
Même si elles sont moins présentes à l'écran, les deux filles du couple princier, Elizabeth (la future reine) et Margaret, sont délicieusement interprétées. N'oublions pas non plus une galerie de seconds rôles furieusement British.
Certaines scènes sont croquignolesques. L'épouse du prince se démène pour essayer de le guérir. Mais on ne traite pas un membre de la famille royale comme n'importe quel patient ! C'est pourtant ce que prétend vouloir faire cet étrange thérapeute. Shocking !
L'arrière-plan historique est bien rendu, avec cette succession monarchique problématique. L'affaire Edouard VIII - Wallis Simpson est vue de l'intérieur. On assiste (de loin) à la montée des régimes totalitaires et à l'approche de la Seconde guerre mondiale.
C'est filmé de manière très classique. Il faut y aller pour le jeu des acteurs et l'aventure humaine : les efforts pathétiques menés par un grand de ce monde pour surmonter un handicap qui fait de lui la risée de la cour, voire du pays.
16:35 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
mardi, 08 mars 2011
Santiago 73
Le coup d’État d'Augusto Pinochet sert de toile de fond à ce film décalé, dont le héros, qui travaille au service de médecine légale, ne vit pas les événements en direct (sauf exception), mais en perçoit les conséquences.
On devrait plutôt parler d'antihéros. Le gars n'est pas un canon physiquement. Sa coupe de cheveux évoque celle d'un coiffeur sur le retour. Ses vêtements sont d'un classicisme désespérant. Lui-même n'est pas d'un tempérament gouailleur ; il est même plutôt sinistre. C'est donc une quasi-caricature de fonctionnaire terne, ennuyeux.
Mais il est amoureux d'une jeune femme, sa voisine d'en face, qui vit avec son père et son frère, très investis dans la contestation gauchiste. Elle fréquente un tas de jeunes fils de bourges progressistes libérés sexuellement dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils contrastent fortement avec le héros très catholique (il refuse même les avances d'une jolie collègue à la cuisse leste).
Celui-ci n'est d'aucun camp. On sent qu'il n'est pas en empathie avec la foule de manifestants de gauche et il ne semble pas apprécier les militaires putschistes, même s'il songe à sa carrière. Mais, à la base, c'est plutôt un "type bien", qui rend service. On observe donc la naissance d'une curieuse relation avec la voisine.
Mais les choses s'accélèrent. Les corps arrivent en nombre à la morgue, où les militaires se sont installés. La maison d'en face est perquisitionnée "virilement". Le devenir de la jeune femme est l'enjeu de la seconde moitié du film même si, au début, les spectateurs attentifs ont pu deviner la suite des événements.
C'est donc une histoire prenante, bien jouée... mais pas très bien filmée. Je ne sais pas si c'est dû à la qualité de la copie que j'ai vue, mais, franchement, on avait l'impression qu'on nous ressortait une bobine des années 1970 !
11:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema, histoire
dimanche, 13 février 2011
Les Chemins de la liberté
C'est le nouveau film d'un réalisateur qui se fait assez rare au cinéma : Peter Weir. Il n'est pas du genre à travailler à la chaîne. Il est l'auteur d’œuvres qui allient savoir-faire, divertissement et réflexion. On lui doit La Dernière Vague, Witness, Le Cercle des poètes disparus, The Truman show (et aussi le contestable Master and commander).
Aussi étonnant que cela puisse paraître, aussi invraisemblables certaines péripéties peuvent elles sembler, l'histoire est vraie. Elle est tirée d'un récit, A marche forcée.
Deux choses m'ont attiré : le contexte historique et l'argument du film. Les héros sont des prisonniers du goulag stalinien (notamment des Polonais, mais il y a aussi des Russes, un Letton, un Yougoslave et un Américain) qui vont tenter de s'enfuir. La suite est leur longue marche dans le sud de la Sibérie, puis en Mongolie, puis en Chine, puis au Tibet... jusqu'en Inde. Tous ceux qui partent ne vont pas arriver, soit parce qu'ils meurent en chemin, soit parce qu'ils font le choix de ne pas continuer avec les autres.
En cours de route, une jeune femme se greffe sur le groupe de fuyards. Je ne sais pas s'il y a eu censure au niveau du scénario, mais je trouve étonnant qu'un beau brin de fille comme ça n'éveille pas de pensées cochonnes dans l'esprit de ces hommes en général jeunes. Je sais bien que les privations dont ils souffrent, ainsi que la fatigue extrême, ont sans doute eu raison (temporairement) de leur libido. Mais, tout de même, au moment de l'anniversaire, ils sont encore en forme, ils boivent de l'alcool... et il ne se passe rien. Des saints, moi j'vous l'dis !
Et pourtant. Dans le lot, on a un prêtre assassin, un truand (excellemment interprété par Colin Farrell), un Américain trouble (très bon Ed Harris), la Polonaise qui cache son jeu...
Les paysages sont magnifiques. Rien que pour cela, le film mérite d'être vu en salle. (Je pense qu'il perdra beaucoup de sa force à la télévision, un peu à l'image d'Avatar, que j'ai recommandé à des amis qui l'ont raté au cinéma... et qui ont été déçus en le regardant sur petit écran.) Les marcheurs invétérés seront particulièrement intéressés par la représentation des efforts du groupe. Ce n'est pas toujours réussi et il y a quelques ellipses dommageables. Ainsi, on ne nous montre quasiment rien du passage par la Chine.
Au niveau de la mise en scène et de la direction des acteurs, le bon alterne avec le moins bon. La séquence du début, avec les agents du NKVD, m'a fait craindre le pire (mais elle est peut-être mal doublée). Par contre, le film décolle lors de l'entrée au camp du goulag. La première partie de la fuite, dans le froid sibérien et la forêt, est inspirée. Le séjour autour du lac Baïkal constitue un intermède fort réussi, avant la terrible traversée du désert de Gobi.
Les deux heures et quart passent finalement assez vite.
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jeudi, 27 janvier 2011
Le monde d'Albert Kahn
La chaîne de télévision Arte vient de rediffuser une passionnante série documentaire, Le monde d'Albert Kahn, consacrée notamment aux photographies (en couleurs !) prises dans la première moitié du XXe siècle, par des opérateurs payés par un riche mécène français. (Précisons que c'est la chaîne britannique BBC, et pas un média hexagonal, qui a produit la chose...)
Cette série est découpée en neuf parties d'environ 45 minutes. On y trouve des perles. Ainsi, le cinquième épisode, qui traite de la vie des civils français pendant la première guerre mondiale, nous permet de découvrir les rues de Paris comme on les a peu vues. La place des Pyramides (où se trouve la célèbre statue de Jeanne d'Arc de Fremiet) est ainsi montrée à deux occasions. On sera étonné d'apprendre que la Croix rouge américaine y avait installé ses locaux :
On est moins surpris qu'elle soit le théâtre de manifestations de liesse après la signature de l'Armistice du 11 novembre 1918, les drapeaux états-uniens et français étant associés, sur la statue même :
Ceci dit, je ne la trouve pas si emballante que cela, cette statue. Tout chauvinisme mis à part, je pense que la plus belle représentation de la Pucelle en armes se trouve dans un charmant petit village aveyronnais, Sainte-Eulalie-d'Olt :
On peut la voir à côté de la chapelle, au niveau du monument aux morts. Je suis bien conscient qu'il y a peu de chances qu'elle soit fidèle à l'original (je suis d'avis que le sculpteur a préféré s'inspirer des formes d'un "petit canon" de son époque plutôt que de la plastique supposée de la véritable Jeanne...), mais Dieu qu'elle est belle !
Un autre intérêt de la série est de montrer les progrès de la photographie et de la cinématographie de l'Entre-deux-guerres. Dans le sixième volet, on peut voir de stupéfiantes images tournées à l'aide d'une caméra associée à un microscope :
Autre innovation : la vision de l'éclosion des fleurs en accéléré :
Si vous êtes aveyronnais, ou si vous avez une solide culture cinéphilique, ces deux éléments doivent évoquer ce qui est sans doute le premier documentaire-fiction de l'histoire : Farrebique, de Georges Rouquier. Et donc, 20 ans avant ce fabuleux film, les opérateurs travaillant pour Albert Kahn ont joué un rôle pionnier.
Signalons, pour terminer, qu'un site internet est dédié à l'univers d'Albert Kahn, qui ne se limite pas aux photographies et aux films.
22:28 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc, Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, médias, photographie, video, photos
dimanche, 05 décembre 2010
Retour à Pigüé
Cette petite ville argentine fut d'abord un village de colonisation, peuplé d'Aveyronnais, dont les descendants vivent toujours sur place.
Samedi 4 décembre, l'émission de TF1 Reportages était consacrée à la venue de trois sœurs rouergates (enfin, y en a une qui vit à Albi). C'est du TF1, c'est-à-dire que l'accent est mis sur l'émotion, mais c'est un travail honnête. Les connaisseurs tiqueront toutefois en entendant le commentaire affirmer que c'est la crise du phylloxéra qui est à l'origine de l'émigration aveyronnaise. Si la viticulture locale a souffert, comme dans les autres régions, le contexte économique général était difficile.
En cherchant un peu, j'ai découvert, sur le même sujet, un documentaire audio, en trois parties (de Lola Cros, une journaliste aveyronnaise).
Sur la Toile, on peut consulter certaines des pages d'un site personnel consacré à la commune d'Aurelle-Verlac. Le rédacteur a eu la bonne idée d'insérer des documents d'époque (plans, photographies). C'est globalement bien fichu (malgré une petite confusion entre les années 1881 et 1884). Pour une meilleure lisibilité, je conseille d'utiliser Internet Explorer (plutôt que Mozilla Firefox, une fois n'est pas coutume) : je pense que le site a été conçu pour le premier navigateur.
Pigüé fait toujours l'objet d'études. On peut ainsi lire avec profit un article de Christophe Albaladejo, de 2004, consacré aux évolutions agricoles, ainsi qu'une synthèse (sur la Pampa) inspirée d'une thèse rédigée par Marcelo Sili.
Signalons enfin un récent article publié dans le magazine Ulysse, fort intéressant, malgré une bourde sur la commune d'Aurelle-Verlac, imprudemment qualifiée de "plus vaste commune du département" : ses 55 km² ne sont certes pas négligeables, mais d'autres communes (Nant, Saint-Affrique, Salles-Curan, Ségur, Bozouls, Laguiole...) sont plus vastes, à commencer par celle de Millau, d'une superficie de 168 km².
15:33 Publié dans Aveyron, mon amour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, histoire, médias
vendredi, 12 novembre 2010
Vénus noire
C'est le quatrième long-métrage d'Abdelattif Kechiche, auteur de La Faute à Voltaire, L'Esquive et de La Graine et le mulet. Ce cinéaste engagé, au style vif, s'est intéressé à la vie de Saartjie Baartman, qui fut surnommée "la Vénus hottentote". On pourrait s'attendre à un film historique à visée documentaire (donc plutôt ennuyeux), mais c'est un véritable portrait de société(s) que nous livre le réalisateur, à travers l'histoire peu commune de cette femme. Cela m'a rappelé, dans un autre genre, Gangs of New York, de Scorsese.
Kechiche a construit son film autour de deux séquences "scientifiques", la première montrant, après la mort de la jeune femme, la conférence tenue par Georges Cuvier à son sujet, la dernière exposant les traitements administrés au corps de la défunte, permettant son analyse scientifique. D'où le postulat : réduite à l'état de bête curieuse durant sa vie, la Vénus noire est restée un objet après sa mort.
Ensuite, cela démarre fort avec une séquence située à Londres. On assiste à l'intégralité du spectacle de foire dont elle est la vedette. Juste après, on découvre l'envers du décor, qui n'est d'ailleurs pas ce que l'on croyait forcément. Kechiche jette immédiatement le trouble. Bien qu'il ait choisi de clairement dénoncer l'attitude esclavagiste et le voyeurisme des Européens, il laisse entendre que la jeune femme y trouve son intérêt, même si elle s'est fait "rouler" par ses prétendus associés. La caméra est près des corps, des regards et s'éloigne un peu pour filmer les groupes, que ce soit dans un théâtre, dans un bar ou dans un salon. C'est très bien fichu, quel que soit le type d'éclairage retenu.
L'un des moments forts est la séquence du tribunal, où cette ambiguïté concernant le statut de la Vénus est toujours présente. Le problème est qu'elle s'exprime peu, ne parlant véritablement que l'afrikaner (un peu l'anglais et un tout petit peu le français sur la fin). Les acteurs, qu'ils soient britanniques, flamands ou français, sont tous excellents. Je pense qu'on a beaucoup puisé dans le vivier théâtral, avec profit.
Kechiche joue avec les spectateurs, puisqu'ils nous rend complices de ce spectacle d'avilissement, celui de Sarah Baartman, mais aussi celui de Yahima Torres, l'actrice qui incarne avec brio cette femme peu expressive mais aux talents artistiques indéniables. Dans quelle mesure ne sommes-nous pas venus voir un film, mais un "monstre" (ou du moins sa représentation) ? Peut-on comparer les spectateurs de cinéma à ces masses qui se pressaient aux spectacles de foire ?
Les effets de surprise sont bien préparés. Cela nous vaut quelques superbes moments de cinéma, l'un dans le théâtre anglais, quand la Vénus décide de sortir de son rôle de "sauvage" pour interpréter une berceuse, l'autre dans un salon parisien, quand, avec sa "goura", elle entame un dialogue musical impressionnant avec le violoniste de la soirée.
Le changement de protecteur (elle passe sous la coupe de celui interprété par le fantastique Olivier Gourmet) voit l'héroïne commencer sa descente aux enfers. Les salons de classieux deviennent libertins... pour finir dans la prostitution, puis la mort. L'une des scènes de maison close vient encore nous rappeler un thème cher à Kechiche : le poids de l'Europe dans le malaise africain, ce groupe de prostituées pluriethnique étant là pour satisfaire les caprices tarifés de Blancs européens riches. On remarque néanmoins que le réalisateur n'est pas tombé dans la charge outrancière et ménage, à chaque étape de la vie de Sarah Baartman, une place pour la nuance, introduisant des personnages humanistes, se permettant même d'affiner le portrait des exploiteurs, les rendant humains... trop humains hélas.
Si les 2h40 ne vous ont pas épuisés, restez pendant le générique de fin, pendant lequel nous sont proposés deux extraits vidéo, datant de 2002. Le premier montre les circonstances du vote, à l'Assemblée nationale française, de la loi de restitution de la dépouille. Le second a été tourné en Afrique du Sud, au moment des obsèques nationales organisées en l'honneur de l'enfant du pays.
L'histoire se décline en bande dessinée (dont l'auteur, Renaud Pennelle, joue un personnage dans le film), où figure la partie africaine de la vie de la Vénus :
L'auteur a récemment été invité sur France Culture, pour parler de son œuvre, des conditions de sa réalisation.
Si vous vous documentez sur la question, vous verrez que, bien que le film dure 2h40, il n'a pas épuisé son sujet. Kechiche a notamment décidé de ne pas développer le contexte africain de son histoire, que l'on peut découvrir dans un passionnant article de la revue L'Histoire, de février 2003.
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mardi, 09 novembre 2010
Du nouveau sur la cathédrale de Rodez
C'est un article de La Dépêche du Midi de vendredi 5 novembre qui a donné un coup de projecteur sur une conséquence inattendue des travaux (perpétuels...) d'entretien de la merveille du centre-ville ruthénois : la redécouverte d'inscriptions anciennes, sur une tour située au coin sud-ouest de l'édifice :
La photographie (ci-dessus) illustrant l'article montre l'inscription ornant le côté sud de la tour (donnant sur la rue Gambetta). Voici ce qu'on peut voir sur le côté ouest, face à la place d'Armes (d'où sont prises en général les photographies d'ensemble) :
La traduction de ces inscriptions donne lieu à des variantes. La première, qui figure sur la photographie du haut, dit ceci : FACESSANT AEGYPTIORUM INSANE PYRAMIDUM MOLES * VALEANT ORBIS MIRACULA. (Il pourrait y avoir une "faute de gravure", INSANE ayant été malencontreusement écrit à la place de INSANAE.)
La Dépêche cite une prof du collège Jean Moulin, qui traduit ainsi : "Que se tiennent loin les travaux des insensées pyramides des égyptiens. Que se perpétuent les miracles du monde." Dans un article publié dans Les Cahiers de Framespa, j'ai trouvé deux autres versions, l'une ancienne ("Eclipsez-vous, masses insensées des Pyramides d'Egypte, palissez, merveilles du monde."), l'autre, récente, de Jacques Bousquet ("Que s'effacent les masses absurdes des pyramides des Egyptiens. Salut aux vraies merveilles du monde.") Allez, comme je suis en forme, je me lance. Voici ma proposition : "Que s'éloignent les masses monstrueuses des pyramides égyptiennes. Longue vie aux merveilles du monde."
Explications : FACESSANT vient du verbe "Facesso", qui signifie s'éloigner, se retirer. Il est ici conjugé à la troisième personne du pluriel. Il s'applique donc au mot MOLES, les masses, accompagné de la double forme génitive AEGYPTIORUM PIRAMIDUM (de pyramis, la pyramide). Il serait peut-être plus correct de traduire par "des Egyptiens". D'autre part, si INSANE est mis pour INSANAE, traduire par "les masses des monstrueuses (folles, insensées) pyramides" serait plus juste grammaticalement, mais je trouve que ma version rend mieux le sens. Quant au verbe "Valeo", il signifie régner, être fort, bien se porter.
Sur la face ouest (voir photo du bas), on trouve la deuxième inscription : NOS AUGUSTI SANCTAE QUAE CONSACRAT LOCI SPECIEM MIREMUR.
La prof de collège traduit par "Admirons l'aspect de ce lieu auguste qui est consacré à une sainte." L'ancienne version était : "Admirons la beauté de ce lieu auguste et consacré à la sainte Vierge." Jacques Bousquet propose : "Nous autres, admirons la beauté du lieu auguste consacré par la sainte (Vierge)." Je propose ceci : "Nous, admirons l'éclat du lieu majestueux qui est consacré à la Sainte." (N'oublions pas qu'il s'agit de la cathédrale Notre-Dame de Rodez.)
Explications : il est difficile de traduire MIREMUR autrement que par "admirons". Par contre, je pense qu'il faut maintenir la présence du "nous". On ne s'est pas échiné à graver NOS pour des prunes ! AUGUSTI ("majestueux" plus qu' "auguste"... c'est dans le ton du très monarchique "Longue vie..." de l'autre inscription) et LOCI sont manifestement liés (deux formes génitives, qui complètent SPECIEM). "Species" peut signifier l'apparence, la beauté. Je trouve qu' "éclat" rend bien l'idée.
D'après Fernand de Mély, dans un compte-rendu des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de 1919, c'est en 1831 que ces inscriptions auraient été masquées :
22:04 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : photo, art, christianisme, histoire, culture
lundi, 04 octobre 2010
Une photographie un peu moins mystérieuse
Grâce à Wocil, qui a posté deux commentaires sur mon premier message consacré à ce sujet, on en sait un peu plus. Le 18 juillet 1910 a bien eu lieu, à Rodez, une "épreuve d'aviation" dont on retrouve la trace dans le livre de Jacques Crépin-Girbelle, Mémoire en images Rodez :
Page 105, on peut même voir une photographie du foirail, avec un appareil à l'arrêt :
Cependant, quand je regarde le type d'avion représenté et quand on sait à quoi ressemblaient les avions Blériot de l'époque, je me dis que ce n'est pas à cet événement-là que la photographie que j'ai trouvée fait référence. D'ailleurs, dans le livre de Jacques Crépin-Girbelle, il est bien précisé que les 19 et 20 juillet 1913, les aviateurs Gilbert, Legagneux et Ladougne ont participé à une autre manifestation de ce type. Je penche donc pour cette solution-là, comme je l'ai expliqué dans mon commentaire sur le précédent message.
23:35 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, photo, photos, photographie
samedi, 02 octobre 2010
Une mystérieuse photographie de Rodez
Je l'ai trouvée à la Cité des Antiquaires, située dans la zone de Bel-Air, aux franges de Rodez. Cet été y ont été exposées des photographies tirées de vieilles plaques, remontant à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cela méritait vraiment le déplacement ! (Même si les pièces ne sont plus en vue, on peut encore demander au responsable de les consulter : il les garde en magasin.) L'une d'entre elles a particulièrement attiré mon regard :
A l'arrière-plan, on voit se détacher la silhouette de la cathédrale, alors qu'au premier plan, à gauche, on distingue, de dos, des policiers (ou des gendarmes). Il semble que le terrain soit celui du foirail. Mais que diable faisaient-ils en ces lieux ? Quand et d'où la photographie a-t-elle bien pu être prise ? Pour répondre à ces questions, il convient d'agrandir un peu l'image :
Vous ne rêvez pas ! Il s'agit bien d'un avion, sans doute sur le point de se poser... devant un public massé au fond du pré. C'était donc une cérémonie officielle.
La date est difficile à donner avec précision. Vu ce que l'on entraperçoit de l'appareil et de la foule, je penche pour l'Entre-deux-guerres. On trouve des avions français qui ressemblent à celui-ci, notamment ceux de marque ANF Les Mureaux. Au départ, à cause de l'angle de la prise de vue, je pensais qu'il s'agissait du Chasseur de nuit. Mais, comme il n'a été construit qu'à deux exemplaires, il apparaît peu probable que l'un d'entre eux se soit retrouvé à Rodez !
Du coup, j'hésite entre deux autres appareils : le 115 R2B2
... et le 117 R2B2 :
Ceci dit, je ne suis pas spécialiste d'aéronautique ancienne. Il s'agit peut-être d'un autre type d'appareil.
Quant au lieu où le(la) photographe s'est placé(e), l'incertitude subsiste. Pour moi, il n'est pas possible que ce soit du Foirail même que la saisie ait été faite. J'ai donc pérégriné à travers la ville, essayant de retrouver l'angle de la prise de vue et le recul nécessaire. Cela m'a mené ici :
Je ne pense pas être à l'endroit exact. Il aurait fallu que je me décale légèrement sur ma droite, et que je monte dans l'immeuble récent situé à l'entrée du viaduc (côté Bourran). Une deuxième possibilité est de se placer à l'autre bout du pont, au début de la montée. Aujourd'hui, la vue est bouchée par de nombreuses constructions datant d'après la Seconde guerre mondiale. Qui plus est, il me semble que la pente a été accentuée à partir de la gendarmerie.
Reste à trouver la date exacte à laquelle la photographie a été prise. Peut-être y a-t-il une trace de la manifestation dans les archives des quotidiens aveyronnais de l'époque... D'après Christian Souyris (l'antiquaire), il existerait, quelque part à proximité de l'Amphithéâtre (rue de l'Amphithéâtre ?) une plaque commémorative, que j'ai vainement cherchée. Avis aux amateurs de chasse au trésor !
14:27 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : histoire, photo, photos, photographie, photographies
vendredi, 24 septembre 2010
Hors-la-loi
Voilà donc enfin sur les écrans le film de Rachid Bouchareb (déjà remarqué pour Indigènes... mais je vous conseille surtout Little Sénégal) qui a tant suscité la polémique.
Attention toutefois. Si l'Histoire imprègne fortement l'intrigue, ce film est d'abord un mélange de polar et de film de gangsters. Il est encadré par deux événements forts : les événements de Sétif et de Guelma (du 8 mai 1945) et la manifestation d'octobre 1961 en France métropolitaine.
Entre les deux, l'action se déroule donc principalement en Europe, surtout dans l'agglomération parisienne, avec notamment la reconstitution du bidonville de Nanterre, l'une des grandes réussites du film.
Les trois acteurs principaux, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Jamel Debbouze, sont bons, même si je pense que le dernier en fait un peu trop. L'évolution de leurs rapports est passionnante à suivre. Au niveau des acteurs "secondaires", on notera la bonne performance de Bernard Blancan (déjà à l'affiche d'Indigènes... son journal mérite le détour). J'ai été moins convaincu par les autres. Les dialogues (pour ce que j'en ai pu juger : les trois quarts du film sont joués en arabe) m'ont paru plus factices et la direction d'acteur a quelque peu péché.
Si l'on ajoute à cela quelques erreurs factuelles (relevées notamment par une agence de presse qui se dit "indépendante"... comprenez "de droite", les gars), le bilan est partagé. Si vous allez voir ce film pour suivre une aventure de famille, dans un contexte troublé, parfois hyperviolent, en gros, vous en aurez pour votre argent (même s'il y aurait des choses à revoir sur les scènes d'action, le maniement des armes et les "bastons").
Cependant, comparé à Indigènes, Hors-la-loi est sans doute moins réussi sur le plan "civique", même si l'action du F.L.N. est décrite avec nuance. Ce film a tout de même le mérite d'exister.
Sur le site officiel, on peut télécharger le dossier de presse.
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vendredi, 13 août 2010
Des cousines des statues-menhirs aveyronnaises ?
Il s'agit de "stèles anthropomorphes", dont les photographies ont été publiées dans Le Monde des 11-12 juillet derniers :
Le "quotidien de référence" traitait là de l'inauguration d'une exposition, "Routes d'Arabie", au musée du Louvre, le 14 juillet. (Elle est visible jusque fin septembre.)
On peut les voir aussi dans le dossier de presse, pages 4, 27 et 48. On peut y lire qu'elles datent du IVe millémaire avant JC, ce qui en fait des contemporaines des statues aveyronnaises, qu'on estime âgées de 4 000 à 5 000 ans.
A la différence des productions rouergates, celles-ci sont exclusivement masculines (même si l'une porte un collier, attribut féminin dans les sculptures aveyronnaises). Toutefois, la présence d'un baudrier, d'une ceinture et le dessin du visage de la seconde sont assez troublants à des milliers de kilomètres de notre belle région.
16:10 Publié dans Aveyron, mon amour, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, culture, paris, histoire
lundi, 05 juillet 2010
Marga
C'est le prénom d'une Allemande juive, épouse de Siegmund Spiegel (surnommé Menne), un vendeur de chevaux de Westphalie, dans la région de Münster (aujourd'hui dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, frontalier des Pays-Bas et de la Belgique). De 1943 à 1945, des paysans de leur village vont les cacher, les sauvant ainsi de l'extermination, qui a frappé tous les autres juifs de la contrée.
Ce film montre donc l'exception (moins de 500 "Justes" ont été identifiés en Allemagne, contre plus de 2 500 en France, par exemple), mais une exception dont on a besoin aujourd'hui, l'Allemagne actuelle n'ayant plus rien à voir avec celle d'Hitler. Le film ne fait toutefois pas l'impasse sur l'antisémitisme d'une bonne partie de la population, le poids de la propagande gouvernementale... et la crainte qu'inspirent les forces de l'ordre et les activistes nazis. Plus subtilement, il montre aussi comment le patriotisme légitime des populations est récupéré par la propagande hitlérienne. (Notons cependant qu'il n'a pas suscité un intérêt exceptionnel en Allemagne, où, d'après le JDD, moins de 500 000 spectateurs l'ont vu.)
C'est surtout un film d'intérieurs. C'est lié à l'enfermement que subissent les membres de cette famille juive mais, à part le père, qui a passé la fin de la guerre cloîtré dans un grenier, les autres ont eu une vie en apparence "normale", à ceci près qu'on les faisait passer pour catholiques. Le fait que l'un des scénaristes soit un metteur en scène de théâtre a dû peser dans les choix opérés... Les scènes de soirée et de nuit sont notamment très réussies.
Dans deux fermes cohabitent donc juifs et catholiques (certains au courant, certains non), sous la menace des bombardements (on est en 1943, au début de l'histoire, et l'ouest de l'Allemagne subit déjà ce genre de désagréments). Le film joue essentiellement sur les tensions entre les personnages, partagés entre la jalousie et la philanthropie.
C'est vraiment un beau film, humaniste, fondé sur une histoire vraie. (Il est inspiré des mémoires écrits par la rescapée.) Si l'on peut regretter quelques facilités, l'ensemble est toutefois de bonne facture.
P.S.
La vraie Marga est toujours vivante et le passionnant dossier de presse contient un entretien avec elle. On peut le retrouver, avec bien d'autres choses, sur le site internet du film.
Sur l'opposition allemande au nazisme, on peut voir et revoir Sophie Scholl.
12:08 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
samedi, 03 juillet 2010
Liberté
C'est l'un des avantages de la la Fête du cinéma : on peut essayer de rattraper son retard cinéphilique, certains établissements ayant la bonne idée de reprogrammer des films (pas trop anciens toutefois) sortis dans l'année... et restés peu longtemps à l'affiche.
J'ai dû voir, il y a longtemps, un long métrage de Tony Gatlif à la télévision, mais c'est la première fois que j'en visionne un en salle. J'ai retrouvé dans Liberté cette description empathique du monde des Tziganes, sans que le propos soit angélique. Les tensions avec les sédentaires sont évidemment représentées, mais le contexte historique prend le dessus.
Pendant la Seconde guerre mondiale, deux phases sont à distinguer. Dans un premier temps, les nomades sont assignés à résidence par le gouvernement de Vichy, avant que les Allemands n'en ordonnent la déportation, en vue de l'extermination. Il y a donc bien eu deux génocides pendant la guerre, les Tziganes nommant le leur Samudaripen.
Le film se veut pédagogique. Par touches successives, des scènes montrent les tensions, les amitiés, les lâchetés, jusqu'à la complicité de génocide des autorités françaises de l'époque (bien relayées par les collabos).
Mais on a confié à quelques acteurs "emblématiques" des rôles positifs : Marc Lavoine en maire-vétérinaire humaniste, Marie-Josée Croze en institutrice résistante et Rufus en petit vieux généreux. Face à eux, des habitants du village cantalien incarnent le renfermement et une forme de "beaufitude".
Le grand talent de Tony Gatlif est d'avoir relié le destin tragique des Tziganes à celui des juifs (à travers le cas du gamin qui s'accroche aux basques des nomades... il y a aussi cette curieuse montre, trouvée sur une voie ferrée) et des résistants. Cela donne un film vraiment fort et digne.
Fort heureusement, quelques moments de comédie ont été ménagés dans l'histoire. En général, ils naissent de la confrontation des Tziganes au mode de vie "moderne" des sédentaires. (Faut dire que nos héros sont vraiment crasseux...)
L'interprétation est impeccable. A ceux que j'ai déjà nommés il faut notamment ajouter l'étonnant James Thierrée (un petit-fils de Charlie Chaplin), déjà remarqué dans Ce que mes yeux ont vu, et qui incarne un musicien très doué (lui-même sait jouer du violon) et un peu fou autour duquel se noue une partie de l'intrigue.
La musique est évidemment omniprésente et entraînante. Elle est une part très importante de l'univers de Tony Gatlif, qui lui consacre un site internet.
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samedi, 26 juin 2010
Conférence de Serge Klarsfeld
D'habitude, l'auditorium du "Centre européen" de Conques accueille des conférences d'histoire médiévale ou d'histoire de l'art. Le cycle 2010 est plus éclectique, ouvert notamment sur la période contemporaine. Ainsi, la dernière conférence, celle du 12 novembre prochain, sera consacrée à un "poilu" local et celle de vendredi 25 juin avait pour titre "Le sort des juifs en Aveyron pendant la Seconde guerre mondiale".
Dans la première partie, Serge Klarsfeld a présenté son parcours. (Le public a remarqué qu'au début de son intervention, il prononçait "Conches" mais que, très vite, suite à la lecture d'un papier que lui a fait passer en catastrophe Simon Massbaum, il a rectifié) Il a commencé par le devenir de sa famille pendant la guerre, puis ses études et le début de sa vocation, la chasse aux criminels nazis. Il s'est malheureusement peu étendu sur le rôle de son épouse Beate (devenue célèbre après avoir osé gifler en public le chancelier allemand Kurt Kiesinger, un ancien nazi). En parallèle, il a évoqué son travail d'historien.
Il a ensuite laissé la parole à Simon Massbaum, qui a traité plus particulièrement du cas des juifs vivant en Aveyron pendant la guerre. Faible jusque dans les années 1930, leur nombre a augmenté suite à la Débâcle de 1940 en Belgique puis en France. A cela s'est ajouté la division de la France métropolitaine, certaines familles décidant très rapidement de quitter la zone occupée. Les juifs ont été systématiquement recensés sur ordre de Vichy (l'historien donne une estimation de 900 personnes pour le département) et assignés à résidence. 700 d'entre eux auraient été raflés ou arrêtés à des dates diverses et environ 360 déportés... pour 5 retours. Notons que l'on ne sait pas tout, même 65-70 ans après les faits, puisque Simon Massbaum a parlé d'une rafle à Villefranche-de-Rouergue, avérée, portant sur 80 personnes, dont les identités ne sont toujours pas connues.
La troisième partie a vu le témoignage d'Alexandre Halaunbrenner, particulièrement émouvant. La voix faible, chevrotante, il a raconté l'histoire de sa famille, des juifs d'origine polonaise, que le père, passé le premier en zone non-occupée, a essayé de sauver. Ils se sont installés à Lyon. Le père a fini fusillé, après avoir été arrêté par Klaus Barbie (que le témoin a donc rencontré). Deux des soeurs d'A. Halaunbrenner avaient été placées dans la maison d'Izieu, dont les occupants ont été déportés, là encore à l'instigation de Barbie. (Le lien précédent vous mène à une page où, pour accéder à un document fort bien fait, il faut cliquer, en haut, sur "Pédagogie", puis, à gauche, sur "Dossiers et documents d'Izieu", enfin, sur la page, sur "Télécharger ce dossier".)
Le procès de Barbie lui-même a été abordé dans les réponses aux questions du public. Serge Klarsfeld a, paradoxalement, souligné que la défense de l'ancien nazi, par Jacques Vergès, avait aidé l'accusation : comme l'avocat voulait surtout se mettre en valeur, il a demandé à Barbie de ne pas assister aux séances. Klarsfeld estime que Vergès n'était pas bon dans le contre-interrogatoire des témoins, alors que les rares fois où Barbie a été présent, il a déstabilisé ceux-ci.
Mais cette dernière partie de la soirée a surtout été marquée par une intervention étrange. Elle est le fait d'un habitant de Conques, néerlandais, juif, qui, après avoir demandé la parole, s'est mis à lire en tremblant un texte écrit (et tapé) à l'avance, dans un français approximatif. C'était à la fois pathétique et touchant. De quoi était-il question ? Pas facile à dire, même si j'ai tendu l'oreille, alors que nombre de personnes, dans l'assistance, ont semblé vite perdre patience. En gros, ce Néerlandais a fait le lien entre ce que sa famille a connu et l'histoire de la petite Anne Frank. Il a aussi tracé un parallèlle avec le philosophe René Descartes, qui, au XVIIe siècle, a fui la France intolérante pour ce que l'on appelait alors les Provinces-Unies. Pour l'anecdote, il a vécu dans la rue même où se trouvait la maison qu'habiterait par la suite la famille Frank :
Refusant d'obéir aux injonctions du maître de cérémonie, il a tenu à lire son texte jusqu'au bout, dénonçant, me semble-t-il, la résurgence de l'antisémitisme (y compris à Conques ! Il a parlé d'un salut nazi fait en sa présence, si j'ai bien compris) et se désolant qu'on ne lise pas assez le Journal que la petite Anne Frank a rédigé avant d'être déportée.
Et, pour que les jeunes générations n'ignorent rien de ce passé, il est venu avec des cadeaux ! En effet, une fois son texte lu, il s'est approché de l'estrade, sur laquelle on l'a empêché de monter. S'adressant aux invités (en particulier à Serge Klarsfeld), il leur a demandé de veiller à ce qu'on remette le contenu du sac (aux couleurs de la Maison du Livre de Rodez) aux enfants de la commune. (Il n'est apparemment pas satisfait de l'organisation du fond de la bibliothèque municipale.) Puis il est parti, calmement, montant avec dignité les marches de l'amphithéâtre (en essayant de ne pas trébucher). Le sac est resté sur l'estrade. On y voyait une pile de petits paquets, tous aux couleurs de la librairie ruthénoise : ce Néerlandais y avait commandé plusieurs exemplaires de l'édition de poche du Journal et les avait fait tous empaqueter pour les offrir ! Quelqu'un devrait s'occuper de ce monsieur, qui a grand besoin d'un suivi psychologique.
Mais, contrairement à ce qui a été affirmé, cet incident n'a pas gâché la soirée. Quelque chose d'autre aurait pu la gâcher : CETTE SALOPERIE DE TELEPHONE PORTABLE QUI A SONNE A DEUX REPRISES ! C'est quand même dingue ! Et les coupables sont deux personnes âgées, l'homme (aux cheveux blancs) ne semblant guère gêné par le dérangement provoqué, la femme (aux cheveux teints) pouffant même de rire à plusieurs reprises... NON MAIS QUEL DUO D'ABRUTIS !!
02:17 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, histoire, résistance
mercredi, 09 juin 2010
Nothing but the truth
Ce film de John Kani (qui dirige aussi le musée de l'Apartheid), a reçu l'Etalon d'argent au Festival panafricain de cinéma 2009 (l'Ethiopien Haile Gerima ayant décroché la récompense suprême avec Teza). Il se déroule dans l'Afrique du Sud post-Apartheid. On y découvre la vie un peu terne d'un vieil employé de bibliothèque et de sa fille, traductrice pour le tribunal dans le cadre de la commission Vérité et Réconciliation.
Cela pourrait être tragique, car l'histoire débute avec la nouvelle du décès du frère du héros (réfugié jadis au Royaume-Uni, et jamais revenu au pays), dont le corps doit être rapatrié par sa fille. C'est là que la partie comédie commence, avec ce choc des cultures entre la jeune urbaine occidentalisée, très expansive, et l'oncle très traditionnaliste. Comme dans d'autres longs métrages (comme Joyeuses Funérailles, par exemple), l'organisation et la tenue de la cérémonie funèbre sont l'occasion de vider bien des querelles... autant de sources de moments comiques... ou d'émotion.
La description du processus du deuil familial est quasi-ethnographique, l'aspect documentaire du film étant renforcé par quelques scènes consacrées à la gestion de l'héritage de l'Apartheid. Parce que le fils de Sipho (interprété par John Kani himself) a été tué par la police raciste, parce que le vieil employé espère qu'enfin l'Afrique multiraciale va lui permettre de décrocher le poste qu'il convoite, auparavant inaccessible aux Noirs, l'histoire personnelle s'entremêle avec l'Histoire.
Le film, parfois maladroit dans la forme, est assez subtil sur le fond, quand il met en balance l'attitude des exilés glorieux (comme le frère du héros, un beau parleur paresseux et coureur de jupons) et la vie qu'ont menée ceux qui sont restés dans ce pays-prison que fut l'Afrique du Sud afrikaaner.
00:36 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire, afrique
dimanche, 06 juin 2010
Teza
C'est un film éthiopien de Haile Gerima, présenté dans les festivals (à Venise notamment, où il a reçu en 2008 le prix spécial du jury, à Ouagadougou, où il a décroché l'Etalon d'or en 2009), sorti en France seulement en 2010. C'est à la fois une fresque historique (sur l'Ethiopie des années 1970 aux années 1990, avec des références à la colonisation italienne), un conte et un portrait intimiste.
Le montage est assez habile, entrelaçant les époques : la période estudiantine du héros dans les années 1970, en Allemagne, son retour en Ethiopie puis le nouveau départ, pour la R.D.A. et la vie "actuelle" dans l'Ethiopie des années 1990. Le découpage a un but : créer le mystère, les incertitudes trouvant leur réponse au fur et à mesure que l'on découvre le passé du personnage, qui a perdu la mémoire.
"Teza", c'est la rosée (la première séquence du film nous en donne la signification, de manière poétique). Elle désigne peut-être cette jeunesse partie étudier à l'étranger et qui a cru pouvoir changer les choses en revenant au pays, une fois le régime du Négus aboli. Les scènes "anciennes" du début sont très "africaines" et quasi ethnographiques. Elles alternent avec celles présentant le retour du fils prodigue, qui a l'air très atteint (il a perdu une jambe). Le personnage de la mère est particulièrement réussi, très beau.
Le style de la réalisation change avec le tableau des années 1970 en Allemagne : ces exilés se sont bien accommodés de la vie à l'occidentale. Ils ont noué des relations avec des Allemandes "progressistes". On a fait attention aux détails : les coupes de cheveux et les vêtements sont conformes à ce qu'on voyait à l'époque.
L'époque du premier retour nous donne un aperçu de ce que pouvait être un régime communiste africain, avec sa bureaucratie tâtillonne, son idéologie inflexible et ses militants violents. C'est fou mais cette partie du film m'a irrésistiblement fait penser à d'autres longs métrages consacrés à d'autres pays africains : derrière le vernis communiste, il est question d'un pouvoir autoritaire et de la propension des groupes d'activistes à commettre des massacres.
Ce n'est qu'à la fin que l'on apprend ce qui est arrivé à Anberber (le héros), même si un spectateur attentif a su décrypter les indices laissés en cours de route par le réalisateur. Le deuxième retour au pays se fait dans un contexte de violence : la chute du régime communiste de Mengistu est suivie d'une guerre civile encore plus intense, les soldats raflant les enfants pour gonfler leurs troupes (et éviter que leurs adversaires ne les récupèrent).
Du coup, un des lieux prend une importance symbolique considérable : une grotte, peut-être occupée depuis la préhistoire, qui a servi de refuge à différentes époques. Ce fut d'abord une cachette pour les patriotes éthiopiens en lutte contre l'invasion italienne, puis pour les opposants au régime d'Hailé Sélassié, puis pour les enfants fuyant l'embrigadement, enfin pour une femme enceinte rejetée par la société patriarcale (fort bien décrite, sans a priori). On voit là toute la complexité du propos du réalisateur : le pays a souffert d'interventions étrangères (les fascistes italiens, les communistes d'obédiences soviétique, chinoise... et albanaise !), mais aussi de maux internes, en raison de sa difficulté à se moderniser. Même si le film est un peu long (2h20), il est une belle leçon de vie... et une nouvelle preuve que le cinéma africain peut avoir une vocation universelle.
P.S.
A signaler le dossier de presse, excellent, disponible sur le site d' Isabelle Buron (où l'on peut trouver les extraits du film auxquels mènent certains des liens précédents), une attachée de presse très branchée art et essai.
13:42 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
vendredi, 14 mai 2010
Lignes de Front
Ce n'est pas le premier film de fiction consacré au génocide des Tutsis. Il y a quelques années de cela Terry George avait réalisé (après bien des difficultés) le formidable Hôtel Rwanda, avec Don Cheadle (à l'affiche actuellement de Iron Man 2). De son côté, Jean-Christophe Klotz a déjà tourné un documentaire sur le sujet : Kigali, des images contre un massacre.
Il y a donc une part d'autobiographie dans cette fiction. Le personnage (très bien) interprété par Jalil Lespert est une sorte de double du réalisateur, auquel il ressemble un peu physiquement. De plus, dans le film, il joue du piano, un air dont on apprend dans le générique de fin qu'il a été composé par Klotz (qui est pianiste). Celui-ci a donc voulu créer une oeuvre plus personnelle, plus subjective. Il y est donc bien question du génocide, mais aussi des questions qui taraudent le reporter, de sa perception du conflit.
La première moitié du film nous fait suivre la quête de Clément, un Rwandais hutu qui vit en France mais est lié à une Tutsie restée au pays. Antoine va l'aider dans sa recherche tout en faisant son boulot de journaliste. Cette histoire dans l'histoire a le mérite de rappeler que tous les Hutus n'étaient pas des génocidaires (les modérés ont fait l'objet d'assassinats) et que la dictinction "raciale" (sur laquelle le colonisateur belge s'était fortement appuyé) laissait place à des comportements ouverts. On y rencontre aussi une assez grande palette de la francophonie, entre Rwandais hutus et tutsis, journalistes français, militaires canadiens et haïtiens, plus peut-être quelques Belges.
La deuxième partie du film traite du retour en France du reporter (sans Clément, qui a disparu) puis de son nouveau départ pour le Rwanda, dans une démarche où le citoyen prend le dessus sur le journaliste. Il prend évidemment plus de risques, mais touche de plus près la réalité du génocide. La mise en scène se fait plus inventive, moins inspirée du documentaire. L'une des séquences (nocturne) m'a même fait penser à Apocalypse now.
La politique africaine de la France ne sort pas grandie de ce film. (Pour être honnête ajoutons que la communauté internationale non plus.) Le régime hutu a été aidé pendant des années par les gouvernements français... et l'attitude de l'armée française est encore aujourd'hui l'objet de questions, abordées dans le rapport de la commission d'enquête présidée par Paul Quilès et dans celui d'une commission rwandaise, très accusateur celui-ci. Publié en 2007, dans un contexte d'affrontement entre la justice française et le pouvoir rwandais, il suscite beaucoup d'interrogations. On peut en trouver une bonne présentation sur les sites de RFI et de Rue89. On peut aussi lire avec profit le rapport de l'O.U.A. (Organisation de l'Unité Africaine), en particulier les pages 86 à 91 (sur le rôle de la France avant le génocide) et 135 à 141 (sur l'Opération Turquoise). Pour avoir le point de vue d'officiers français, on peut se diriger vers le site france-turquoise. Enfin, André Guichaoua, un universitaire qui vient de consacrer un gros bouquin au génocide, a créé un site internet sur lequel nombre de documents sont accessibles.
14:12 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
lundi, 12 avril 2010
La Révélation
Le titre original est Sturm (Tempête), à l'image des conséquences que des enquêtes commes celles menées par le T.P.I.Y. (Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie) peuvent avoir... à l'image aussi de ce qu'il se passe dans la tête de certains protagonistes.
Cette fiction internationale, où l'on entend parler anglais, allemand et serbe, se veut didactique. A travers une histoire inventée (mais fortement inspirée par des événements réels), on nous fait découvrir le fonctionnement de cet étrange tribunal... et les pressions qui sont exercées sur lui.
Les acteurs sont épatants. Il faut évidemment souligner la performance de Kerry Fox (que les cinéphiles avaient découverte dans Petits meurtres entre amis et retrouvée avec plaisir dans Intimité, de Patrice Chéreau), qui incarne la procureure Hannah Maynard... en réalité, Carla del Ponte, qui occupa cette fonction de 1999 à 2007. (Un documentaire lui a été consacré il y a trois ans.) Celle-ci a récemment publié un livre (où, apparemment, elle règle quelques comptes) qui a provoqué un scandale.
Le film est multiple. C'est d'abord un portrait de femme(s), notamment l'héroïne, entre deux âges, pas tout à fait stable sur le plan sentimental et surtout d'une grande rigueur morale. Sa confrontation avec le monde politico-diplomatique, où tout n'est que concession, négociation, est parfois présentée comme le combat de David contre Goliath. Car, si le droit permet de protéger les faibles et de poursuivre les malfrats, ceux-ci, s'ils sont puissants, savent s'appuyer sur le droit (en plus de la force) pour tenter de passer entre les mailles du filet. L'autre beau personnage féminin est celui de la soeur du premier témoin, réfugiée en Allemagne, dont le rôle s'amplifie au fur et à mesure que l'intrigue suit son cours.
On (re)découvre la guerre en ex-Yougoslavie avec toutes ses horreurs. L'accusé Duric pourrait être ce Mladic qui n'a toujours pas été arrêté, ou feu le milicien Arkan ou encore Vojislav Seselj.
N'oublions pas que c'est d'abord un bon thriller. Il y a tout d'abord l'incertitude ménagée autour de ce que certains personnages ont vécu. Il y a aussi les risques que prennent ces personnages pour faire triompher la vérité. C'est vraiment un très très beau film... hélas peu diffusé dans notre pays.
Un site dédié (hé, oui : c'est produit par la boîte de Luc Besson !) permet d'accéder à différents documents, notamment un dossier bien fichu.
P.S.
Il est fort possible que l'écriture du scénario se soit inspirée du livre Paix et châtiment, écrit par Florence Hartmann, une ancienne journaliste du Monde, devenue porte-parole de la procureure du TPIY. Poursuivie par le TPIY pour divulgation d'informations confidentielles ("outrage au Tribunal", dans le jargon officiel), elle a été condamnée en première instance... à cause de quelques pages.
ALLEZ VOIR CE FILM !
23:33 Publié dans Cinéma, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire
jeudi, 11 mars 2010
La Rafle
En dépit des critiques majoritairement négatives, je suis allé voir ce film dès sa sortie. Le sujet est délicat : la plus grande rafle de juifs jamais organisée en France, le 16 juillet 1942, rafle qui a été opérée par les policiers et gendarmes français, pour le compte de l'occupant nazi. Sur le site du film, on peut télécharger des documents intéressants : un dossier pédagogique (il n'y a pas de raison que seuls les enseignants en profitent, non mais), un dossier de presse et une présentation conçue pour la mairie de Paris.
Cela démarre par des images d'archive montrant Adolf Hitler en visite touristique à Paris. Ach, Barisse et les bédides Fronzaizes ! Je trouve que c'est un bon choix. Il pose bien le problème de la collaboration, voulue par les dirigeants français, faut-il le rappeler.
Pendant environ 1h15, c'est un bon moment de cinéma. Le début est très agréable, avec la description de la vie quotidienne de ces Parisiens juifs sous l'occupation, avec les peines et les joies familiales, les gamins qui font des conneries... et l'antisémitisme non dissimulé de certains "Français de souche". Les acteurs sont épatants et, parmi les enfants, j'ai été particulièrement touché par le bambin qui parle avec difficulté ("Nono" je crois)... vraiment trognon ! Du côté des adultes, Jean Reno et Gad Elmaleh sont sobres, efficaces. Thierry Frémont fait une composition remarquable. Isabelle Gélinas est craquante. Mélanie Laurent rayonne... ça va se terminer en César, moi je vous le dis ! (J'ai beaucoup moins goûté la prestation de Raphaëlle Agogué, qui m'a parue décalée, excessive... tout comme celle de Sylvie Testud, exceptionnellement décevante.)
Ces scènes sont croisées avec les "moments d'histoire", durant lesquels on voit les dirigeants ou les hauts fonctionnaires français et allemands. Si les seconds couteaux sont bien interprétés, j'ai des réserves à émettre sur ceux qui incarnent Pétain (le père de Jean-François Copé... si !) et Hitler. (Pour Hitler en particulier, deux scènes sont ratées : celle au cours de laquelle, pendant que son médecin lui administre une piqûre, il affirme appliquer Mein Kampf à la lettre... ce qu'il n'a pas fait en réalité ; l'autre moment le voit, dans son "nid d'aigle", parler, à propos de la déportation des juifs, de "nuit et brouillard"... une expression qui s'applique au sort des résistants.) Par contre, le personnage de Pierre Laval est remarquablement joué.
L'organisation minutieuse et le déroulement de la rafle sont très bien rendus. Quelques passages sont peut-être surjoués mais, dans l'ensemble, la réalisatrice a réussi à marier la reconstitution historique avec les drames familiaux et le film d'action. Les scènes censées se dérouler dans le fameux Vélodrome d'Hiver (le Vel' d'Hiv' quoi) sont parmi les plus intéressantes du film. On a pris soin de montrer toutes les gammes de comportement, de la résistance active au collaborationnisme en passant par l'attentisme à divers degrés. Du coup, la vision de l'époque est assez nuancée, même si l'action néfaste des forces de police est décrite en détail.
C'est lorsque les détenus se trouvent dans le camp d'internement de Beaune-la-Rolande que cela se dégrade, en particulier dès qu'il est question de la phase ultérieure, la déportation en Europe de l'Est, toujours évoquée, jamais montrée. Là, l'émotion exacerbée prend le dessus. Je sais bien que ce sont des événements dramatiques, mais on tombe dans le pathos, alors qu'on aurait pu espérer un peu plus de pudeur. C'est peut-être une question d'époque ou de tempérament.
Du coup, en sortant du cinéma, j'ai cherché à accéder à l'émission que France 2 a consacrée à la sortie du film, mardi 9 mars 2010. Jusqu'au 16, on peut la revoir en intégralité. Si vous pouvez passer les entretiens avec les acteurs (on remarquera que Marie Drucker n'a pas invité Gad Elmaleh... une manifestation de déontologie ?), ne manquez surtout pas les témoignages des rescapés, les interventions des historiens ainsi que les petits documentaires qui émaillent l'émission. Franchement, là, bravo le service public !... et l'audience a suivi.
16:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire
jeudi, 04 février 2010
Rions un peu avec Oussama ben Laden
2016. Aux Etats-Unis, Barack Obama semble achever son second mandat. En France... ben je vous laisse le soin de découvrir qui préside. Au Pakistan, l'armée américaine met enfin la main sur un célèbre barbu grisonnant (euh, non, pas le Père Noël). Emmené en Irak (tiens, les Américains y sont encore ?!), soumis à un interrogatoire, Oussama ben Laden va raconter sa vie. Ses "confessions", subjectives, alternent avec les moments "objectifs", qui permettent aux auteurs (le journaliste Mohamed Sifaoui et le dessinateur Philippe Bercovici) de brosser le tableau d'une époque.
Car il s'agit d'une bande dessinée, assez bonne ma foi :
L'histoire alterne entre l'époque de la vie de ben Laden qui est racontée et le présent de la narration (en 2016). Cela se veut à la fois un ouvrage historique (auquel il a été reproché une série d'approximations) et une oeuvre satirique, dont les Occidentaux comme les intégristes ne sortent pas grandis.
L'humour fait souvent mouche, mais le récit est parfois simpliste (peut-être pour toucher le grand public). On voit à peu près où les auteurs veulent en venir : dénoncer la bêtise et le fanatisme, quelles que soient les formes qu'ils prennent. Ce n'est finalement pas si mal vu.
En complément, j'ai récemment découvert en intégralité le reportage réalisé par les frères Jules et Gédéon Naudet. Ils suivaient la vie d'une unité de pompiers new-yorkais depuis plusieurs mois déjà (en s'attachant tout particulièrement aux premiers pas du nouveau membre) lorsqu'ils se sont retrouvés en plein coeur de l'événement :
Le DVD du film 11/09 contient, en bonus, de longs entretiens réalisés avec les figures marquantes de la caserne (fait extraordinaire : alors que nombre de leurs collègues sont morts dans les tours, tous ceux de cette équipe sont revenus vivants).
Pour l'anecdote, c'est par accident que l'un des deux frères (Jules) a filmé, au cours d'une intervention à propos d'une fuite de gaz, le premier avion au moment où il a percuté la tour Nord :
17:04 Publié dans Histoire, Livre, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, histoire, islam, humour
dimanche, 17 janvier 2010
Agora
C'est donc le dernier film d'Alejandro Amenabar, un talentueux Espagnol dont on a déjà pu apprécier Tesis, Ouvre les yeux et Les Autres. Il a coécrit un scénario dans lequel se mêlent la fresque historique (sur un christianisme de plus en plus puissant), une histoire d'amour contrarié et la recherche scientifique (rendue avec beaucoup de pédagogie, je trouve).
Mais c'est d'abord une histoire de femme. Au singulier, puisque, si on laisse de côté l'héroïne, les autres ne sont que des figures effacées, à l'image de la place qui leur est dévolue dans la société de l'époque, celle de l'Egypte romaine de la fin du IVe siècle. (Mais le film a été tourné à Malte, comme Gladiator et Troie.) Je dois avouer que je ne connaissais pas cette Hypatie, flamboyante intellectuelle et femme libre. Rachel Weisz (oscarisable, même si le film ne rencontre pas son public) incarne à la perfection cette icône féminine de l'indépendance et la libre-pensée.
Le film se veut d'abord une démonstration, celle de l'intolérance de ce jeune christianisme qui, persécuté puis toléré, est sur le point de devenir la religion officielle de l'empire... et même d'enfiler à son tour les habits du persécuteur. L'acteur qui joue l'évêque Cyrille est à cet égard excellent, tout comme celui qui interprète Ammonius, son exécuteur des basses oeuvres (remarquable Ashraf Bahrom, déjà vu dans La Fiancée syrienne, Paradise now et Le Royaume). Les autres nous permettent aussi de comprendre la force de cette communauté, de ses convictions, face à la haute société polythéiste, pétrie de pensée grecque et jugée décadente.
Paradoxalement, pour un film grand public, l'aspect sentimental passe plutôt au second plan. Il est très présent dans la première partie du film, mais ne revient réellement au premier plan qu'à la toute fin, dans des circonstances que je me garderai bien de révéler. (Sachez seulement que les auteurs du film, sur ce point précis comme sur quelques autres, n'ont pas fidèlement suivi l'Histoire.)
Si les débats et l'enseignement philosophiques tels qu'ils sont mis en scène ne m'ont pas paru passionnants (peut-être aussi parce que le doublage n'est pas toujours très réussi), par contre, la recherche astronomique est abordée de manière originale (j'ai beaucoup aimé les maquettes du système solaire et l'usage qui est fait d'un carré de sable). Je ne suis pas du tout spécialiste de la question... et j'ai tout compris !
Amenabar a aussi tenu à nous montrer qu'il savait tenir une caméra. C'est parfois un peu agaçant, quand il multiplie les vues du dessus, pas toujours justifiées. C'est beaucoup plus convaincant quand il traite des mouvements de foule, ou quand il aborde certaines péripéties, comme les deux traquenards qui opposent chrétiens et juifs. (Par contre, j'ai été un peu déçu par le saccage et l'incendie de la célèbre bibliothèque d'Alexandrie.)
Derrière la fiction se cache un propos politique. Au-delà de la peinture de l'intégrisme chrétien des débuts, il y a la dénonciation de l'instrumentalisation du religieux à des fins politiques et le rejet de toutes les formes de fanatisme, notamment celles qui s'en prennent à la liberté de pensée et à l'indépendance des femmes. Comment ne pas voir dans cette milice obscurantiste et misogyne vêtue de noir un pendant des actuels fondamentalistes musulmans ? Au-delà des empires, des républiques, des époques et des religions, la connerie humaine prend souvent des formes identiques...
16:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire
mardi, 22 décembre 2009
Vincere
Benito Mussolini redevient à la mode, à travers ses aventures féminines. Récemment a été publié un ouvrage consacré à l'une de ses maîtresses, Marguerita Sarfatti. Dans le passé, on s'était plutôt intéressé à Clara Petacci, qui fut exécutée en compagnie du dictateur en avril 1945 (et dont le journal en dit long sur le véritable caractère de son amant). On a par contre peu creusé du côté de l'épouse légitime, Rachele Guidi.
Ce film a pour héroïne une autre des maîtresses du futur Duce, Ida Dalser, dont je dois avouer que je n'avais jamais entendu parler jusqu'à présent. La première partie (où le réalisateur semble très à l'aise) nous narre donc la naissance d'un amour. On sent que celui-ci est un peu déséquilibré : elle semble éprouver des sentiments bien plus profonds que lui. La scène-clé est celle qui voit apparaître l'épouse légitime (dont l'existence nous avait été cachée jusque-là, un peu comme par effet de miroir, puisque, dans la réalité, c'est l'existence de la maîtresse qui a été dissimulée à la "régulière"), alors que l' "autre" doit libérer la place, de force. L'acteur qui incarne Mussolini jeune est très bon. C'est l'un des intérêts du film que de nous faire découvrir les premiers pas politiques de celui qu'on a pris l'habitude de voir en homme de pouvoir installé.
Cependant, Bellocchio ne faisant pas oeuvre d'historien, il ne donne aucune explication sur deux épisodes très importants dans la carrière de Mussolini. Ainsi, on ne sait pas vraiment pourquoi ce socialiste militant, antiguerre avant 1914, a retourné sa veste et soutenu l'intervention de l'Italie au côté de Triple Entente en 1915. De plus, la "marche sur Rome" est presque complètement passée sous silence ! C'est tout de même dérangeant.
La figure du dictateur devient secondaire dans la suite du film. Le paradoxe est que celui-ci est désormais centré sur le personnage d'Ida, alors que celle-ci voue sa vie à son aimé... qui l'a laissée tomber... mais pas oubliée, puisqu'une grande attention est portée à cette ancienne relation. Mussolini en quête de respectabilité ne veut pas passer pour un mari volage... voire un bigame.
Cela tient la route d'abord grâce au talent de l'actrice principale, Giovanna Mezzogiorno (qui a un petit air de Marion Cotillard), vraiment épatante. C'est aussi bien filmé, très classiquement certes, mais c'est joli à regarder. C'est toutefois un peu long. On aurait pu facilement procéder à des coupes. Et puis, au bout d'un moment, on se perd un peu dans la chronologie des faits. La partie de l'intrigue qui s'étend de 1922 à 1937 n'est pas bien organisée.
C'est dommage, parce que cette vision somme toute anecdotique du fascisme nous en donne malgré tout un bon aperçu, tant il est évident que même ceux qui ont côtoyé Mussolini ne sont pas épargnés par la violence du régime qu'il a mis en place.
14:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire