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lundi, 16 février 2015

Du Bou(r)din pas casher

   Tout le monde se pose la question : pourquoi a-t-il évoqué une éventuelle "influence juive" qui s'exercerait sur le Premier ministre Manuel Valls ? Qu'est-ce qui a pris à Roland Dumas Jean-Jacques Bourdin ?... car c'est bien l'animateur qui a prononcé ces mots, comme on peut le constater en (re)voyant l'intégralité de l'entretien avec l'ancien ministre des Affaires étrangères.

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   Les mauvaises langues diront que l'animateur de RMC et BFM TV a voulu "faire le buzz"... et c'est réussi. D'autres insinueront qu'il s'est peut-être montré complaisant avec ce qu'il pense être l'opinion de nombre de ses auditeurs/téléspectateurs : comme la radio et la télévision sont réputées très suivies à la fois par un public sensible aux thèses du Front national et par un public que l'on peut qualifier de "franco-maghrébin", une allusion antisémite ne peut que les conforter dans leurs préjugés.

   Ce n'est pas du tout ainsi que l'animateur présente la chose. Il déclare être une sorte d'accoucheur, qui fait dire à ses invités ce qu'ils pensent, même quand ils n'ont pas l'intention d'être aussi francs à l'antenne. Cela signifierait-il qu'il aurait perçu, dans les écrits de Roland Dumas, un poil d'antisémitisme ? Reprenons l'entretien depuis le début.

   L'ancien ministre est venu promouvoir son nouveau livre, où il se targue d'être "politiquement incorrect". Il déclare d'ailleurs d'emblée à Jean-Jacques Bourdin : "Vous ne serez pas déçu." En clair, vous voulez de la provoc' ? Eh bien, vous allez être servi !

   Le journaliste commence avec la tuerie de Copenhague. Au cours de la conversation, en quelque cinq minutes, il va principalement être question de Bernard-Henri Lévy, de Laurent Fabius (actuel ministre des affaires étrangères) et de Benjamin Netanyahu (Premier ministre d'Israël)... tous trois juifs. Certes, la discussion porte sur la politique étrangère française (et le seul qui est victime de la vindicte de Dumas est BHL) mais, tout de même, cette coïncidence est troublante, à la fois dans les choix opérés par J-J Bourdin et dans les réponses de R. Dumas.

   Sur le fond, ce que dit l'ancien ministre n'est pas inintéressant. Il essaie de contextualiser les événements et invite à ne pas tout dramatiser. Mais, entre les éléments d'analyse qui prouvent qu'il a gardé des capacités de réflexion malgré son grand âge (92 ans, quand même) se sont glissés des raccourcis voire des approximations. Il déclare ainsi qu'après le massacre de Charlie Hebdo "Aujourd'hui, les Arabes ont eu satisfaction". Je pense qu'il pensait "les musulmans". (Il commet cette confusion une nouvelle fois quelques minutes plus loin.) Par contre, on aurait aimé quelques éclaircissements sur sa formule, ce que Jean-Jacques Bourdin n'a pas pensé à demander.

   Concernant BHL (pour lequel je n'ai pas une grande estime), il prétend citer le défunt François Mitterrand, qui aurait évoqué son "entregent" (son influence). C'est encore une formulation riche en sous-entendus, qui ne fait l'objet d'aucune explication précise. Du coup, lorsque Roland Dumas prétend dénoncer "les gens qui jettent de l'huile sur le feu" (avec BHL comme principal exemple), on se retrouve un peu en face d'un pompier pyromane... un pompier qui, de surcroît, minimise constamment le poids de l'intégrisme musulman.

   On ne peut qu'être d'accord avec Dumas quand il regrette le chaos dans lequel sont plongées la Libye et la Syrie. Il estime qu'il aurait fallu réfléchir et négocier davantage avant de lancer les troupes contre les armées de Kadhafi et Bachar el-Assad. Il oublie les massacres de civils qui avaient déjà eu lieu et ceux qui risquaient de survenir. Mais, quand on voit le résultat aujourd'hui, on se dit qu'il n'a pas complètement tort. Par contre, il s'embrouille un peu entre les gouvernements français. Il semble attribuer à Laurent Fabius (et donc à François Hollande) le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'O.T.A.N. et la décision d'attaquer la Libye. Or, c'est pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy que ces événements se sont produits.

   Arrive enfin le passage sur Manuel Valls. C'est le retour des allusions déplaisantes et des imprécisions. Roland Dumas tente d'opposer le parcours du Premier ministre à celui de son père Xavier, qui fut un peintre renommé. C'est là qu'il se plante royalement, présentant le papa comme un républicain ardent, qui a fui l'Espagne franquiste pour ne plus y revenir du vivant du dictateur sanguinaire. Or, qu'apprend-on en lisant la biographie de Xavier Valls ? Qu'il a quitté l'Espagne dès la guerre civile... en 1949, après avoir obtenu une bourse à Paris. Il a ensuite effectué plusieurs allers-retours entre les deux pays, puisqu'il a été régulièrement exposé à Barcelone et à Madrid. La vraie rupture intervient en 1959, peu de temps après son mariage avec Luisangela Galfetti.

   Il dit de Manuel (par rapport à son père Xavier) : "lui, il a pris le point de vue contraire". C'est doublement faux, d'abord parce qu'il part du principe que le père était un révolutionnaire, ensuite parce que Manuel Valls n'est pas un héritier du franquisme (le "contraire" du républicain espagnol de l'époque). Jean-Jacques Bourdin semble s'être rendu compte de l'énormité de l'affirmation, puisqu'il relance son invité sur le "socialisme" du Premier ministre. En quelques minutes, Roland Dumas se contredit à nouveau, déclarant d'abord que M. Valls n'est pas socialiste avant de dire qu'il l'est, à sa manière (celle des dirigeants de la S.F.I.O. pendant la guerre d'Algérie)...

   Enfin, il va dans le sens de l'animateur quand celui-ci évoque "l'influence juive" à laquelle le Premier ministre serait soumis. Au passage, on se garde bien de nous dire quelles seraient les preuves de cette supposée influence. En clair, Manuel Valls serait influencé par sa femme... mais dans quels domaines, mystère. Est-ce pour le choix de ses cravates ? celui de ses ministres ? celui des sorties du couple ? Nous voilà devant deux mâles dominants (l'interviouvé et l'interviouveur), qui ont eu de nombreuses conquêtes féminines (on en reparlera plus loin) et discutent d'un autre homme, qui serait soumis à l'influence d'une femme. Figurez-vous qu'en plus elle est juive ! Sans que rien d'autre ne soit dit sur l'action supposée d'Anne Gravoin. On en conclut que Roland Dumas lui attribue les prises de position de Manuel Valls sur le conflit israélo-palestinien (ou sur le militant politique extrémiste Dieudonné). On est donc parti d'une épouse juive pour arriver au soutien de la politique d'Israël. Bel amalgame, le tout, je le rappelle, sans aucun élément pour étayer l'affirmation.

   Je pense que Roland Dumas, comme beaucoup de ceux qui critiquent l'action de Manuel Valls, a en tête son intervention devant des membres de la communauté juive de Strasbourg, en 2011. (Précisons que, contrairement à ce qu'affirme une kyrielle d'imbéciles qui se défoulent sur la Toile, ce n'est pas Manuel Valls qui essaie de faire retirer la vidéo du réseau, mais la station de radio qui avait organisé la rencontre.) Intéressons-nous donc à cet extrait, en gardant à l'esprit qu'à cette date, le 17 juin, il vient de se déclarer candidat à la primaire socialiste.

   La très grande majorité de son intervention (qui est la réponse à une question du public) est une défense de la politique du PS (mais pas de Roland Dumas, qu'il égratigne au passage... eh oui, il y a presque quatre ans). Il lance une pique contre le soutien à Nicolas Sarkozy et rappelle, incidemment, que beaucoup d'électeurs musulmans sont prêts à voter pour un ami des juifs. Comme il est en campagne, il se présente comme le meilleur rempart contre l'antisémitisme. La référence à son épouse vient dans ce contexte-là : "Par ma femme je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël... quand même ! Donc je viens pas ici pour recevoir des leçons de brevet... euh... euh... de lutte contre l'antisémitisme."

   Ceux qui citent le début de ce passage comme la preuve de l'inféodation de Manuel Valls à Israël et de l'influence qu'exercerait son épouse sur lui sont donc à côté de la plaque. Alors en campagne, le maire d'Evry vient rassurer des Français juifs (inquiets de la remontée de l'antisémitisme dans notre pays), polir son image de présidentiable... et remettre les pendules à l'heure concernant l'action politique du Parti socialiste. On peut considérer qu'il y va peut-être un peu fort dans la démonstration affective, mais c'est celle d'un homme politique indépendant d'esprit.

   Terminons sur quelques notes d'humour. Pour cela, Roland Dumas et Jean-Jacques Bourdin vont nous être utiles. Durant l'entretien, le premier n'hésite pas à taquiner le journaliste. Au début, quand il est question des slogans hâtivement lancés à l'occasion des récents faits divers, il dénonce la course à l'audience (qui grossit exagérément des événements auxquels on finit, selon lui, par accorder trop d'importance) et, s'adressant à Bourdin, lui dit : "Vous savez ce que c'est, l'audimat !"

   Vers la fin, il est question des relations entre élus (hommes) et journalistes politiques (femmes)... des relations qui ne sont pas que professionnelles. Un ange passe dans le studio, Jean-Jacques Bourdin ayant lui-même épousé une journaliste qu'il avait d'abord invitée dans son émission. Roland Dumas y fait subtilement allusion : "La relation avec les FEMMES journalistes est difficile. Ce n'est pas à vous que je vous le dirai [sic]" Bourdin fait semblant de ne pas avoir compris et déclare n'avoir aucune relation (privée) avec un homme ou une femme politique. Bien vite, il relance son interlocuteur et le flatte, le qualifiant de "séducteur". Roland Dumas répond en disant que tout cela est "éculé"... et Bourdin s'écroule de rire, d'autant plus que Dumas en remet une couche : "J'ai dit éculé".

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   Et voilà ces grands-pères qui se comportent comme deux adolescents. Ils sont bien sympathiques, mais la manière dont ils ont parlé de la supposée "influence juive" me reste en travers de la gorge.

samedi, 07 février 2015

Pourquoi C. Teyssèdre ne pouvait pas gagner

   Dans la course à l'investiture du Parti socialiste pour les élections régionales de décembre prochain, le maire de Rodez a fini par "jeter l'éponge", comme on dit en général dans ces cas-là. Bref, il a renoncé avant le vote des militants, parce qu'il a compris qu'il ne pouvait pas l'emporter.

   Mais la première question qui vient à l'esprit de l'observateur avisé est plutôt celle-ci : pourquoi diable s'était-il lancé dans cette aventure, avec si peu de chances de succès ? De prime abord, on serait tenté de penser qu'il estimait (à tort ou à raison) avoir accompli l'essentiel de son oeuvre à la tête de la commune de Rodez. Il lui fallait donc un nouveau défi.

   Pourquoi pas la députation ? Il avait (vainement) tenté sa chance en 2007, mais il me semble que Christian Teyssèdre soit plus intéressé par la gestion d'une collectivité territoriale que par le travail parlementaire. Ceci dit, je fais partie de ceux qui pensent qu'en 2012, il aurait pu enlever la première circonscription au député sortant Yves Censi, réélu de justesse face à Monique Bultel-Herment.

   Une autre possibilité était la conquête du conseil général de l'Aveyron. Mais, en 2011, c'est Guy Durand (à l'époque maire de Millau) qui avait mené ce combat. En 2015 comme en 2011, en dépit de la réforme territoriale, la gauche risque fort de mordre à nouveau la poussière. Dans le passé, C. Teyssèdre a pu réaliser ce que c'est que d'être conseiller général dans l'opposition. Il ne semble pas qu'il souhaite vivre à nouveau cette situation.

   Il restait donc la succession de Martin Malvy à la présidence du conseil régional de Midi-Pyrénées. Ce n'est que tardivement que l'on a appris officiellement le renoncement du sortant (un secret de Polichinelle, pour ceux qui savaient lire entre les lignes). Depuis deux-trois ans, on s'agite beaucoup dans le dos du président. Voilà sans doute pourquoi le maire de Rodez n'avait pas démissionné de son poste de vice-président, contrairement à l'un de ses engagements de campagne. Il a peut-être été conforté dans sa démarche par l'éviction successive de plusieurs des prétendants au trône : Kader Arif (rattrapé par la justice), Philippe Martin (plus préoccupé par le conseil général du Gers... et dont le passage au gouvernement n'a pas laissé une trace indélébile) et surtout Nicole Belloubet, opportunément nommée au Conseil constitutionnel en 2013.

   Comptant profiter de la disparition de ses principaux concurrents et s'appuyant sur l'inauguration réussie du musée Soulages, Christian Teyssèdre n'a pas compris que, début 2015, la situation avait changé. Cette élection est d'abord celle de la fusion de deux régions. Or, le maire de Rodez s'est présenté en solitaire, sans penser à former un tandem (voire une équipe) avec une élue languedocienne. En face, l'idée du duo Delga-Alary est une bonne trouvaille : on associe deux élus de grosses fédérations du PS, des deux régions d'origine ; on maintient (en cas de victoire) la présidence midi-pyrénéenne, tout en attribuant un beau lot de consolation à celui qui ne voulait pas de la fusion. Pour que sa candidature soit plus crédible, Christian Teyssèdre aurait dû rechercher l'alliance d'au moins une collègue socialiste de Languedoc-Roussillon... pas forcément montpelliéraine d'ailleurs.

   Le contexte de janvier 2015 a aussi été défavorable à la candidature du maire de Rodez. L'attitude de François Hollande suite aux meurtres commis par des terroristes islamistes a renforcé sa stature de président... et sa crédibilité aux yeux des militants socialistes. La solution imposée par les dirigeants du PS (qui a dû obtenir l'aval de l'Elysée) n'aurait sans doute pas été aussi bien acceptée quelques semaines auparavant. De ce point de vue, les attaques de Christian Teyssèdre contre l'appareil du PS sont arrivées à contre-temps. Les militants socialistes l'ont sans doute plus perçu comme un diviseur que comme un rassembleur... impression renforcée par ses bisbilles avec le PRG local. Ils ont choisi la sécurité de la solution proposée par Paris.

   Ce n'est pas tant dans les médias qu'auprès des militants de base qu'il aurait fallu intervenir, en utilisant ses réseaux. S'il avait vraiment déjà en tête sa candidature il y a trois-quatre ans, le maire de Rodez aurait dû mettre à profit sa vice-présidence de Midi-Pyrénées pour étoffer son carnet d'adresses. Il s'est peut-être un peu trompé de campagne... ou alors, faute d'un réseau suffisamment développé au sein de l'appareil, il a dû tenter de passer au-dessus, en utilisant principalement la presse... dont l'impact est aujourd'hui beaucoup plus faible qu'il y a vingt ans.

   Il y a pourtant bien eu une campagne interne au PS. Les non-initiés en ont eu des échos dans les journaux. Le maire de Rodez s'est rendu jusqu'à Tarbes pour tenter de convaincre les militants et on a pu voir Mme Delga à Albi où, d'après Le Tarn libre, elle a été bien accueillie par la fédération PS (sans doute déjà acquise à sa cause) :

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   Quatre débats ont même été organisés (d'après ce qu'on pouvait lire dans le cahier régional de Midi Libre de vendredi), le dernier semble-t-il à Toulouse :

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   Cette mini-campagne n'en a pas moins eu un certain retentissement. Outre les médias locaux et régionaux, quelques médias nationaux en ont rendu compte, comme Le Parisien et 20minutes. Quant à Christian Teyssèdre, il va désormais pouvoir pleinement se consacrer à Rodez et à sa communauté d'agglomération. D'autres tâches l'attendent, peut-être moins clinquantes que celles auxquelles il espérait se consacrer à l'Hôtel de région, mais tout aussi importantes pour l'avenir de cette partie de l'Aveyron.

samedi, 24 janvier 2015

"Tout est pardonné"

   J'ai enfin réussi à me procurer le numéro de Charlie Hebdo publié le 14 janvier. C'est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas : même en Aveyron, à Rodez, les lecteurs se sont rués chez les marchands de journaux. Cela confirme l'impression ressentie au cours de la marche du dimanche 11 janvier : un grand nombre de mes concitoyens a voulu manifester sa condamnation des assassinats et son attachement à la liberté d'expression, ainsi sans doute qu'à la laïcité.

   J'ai quand même failli tomber de ma chaise quand j'ai appris que ma mère avait elle aussi acheté un exemplaire de l'hebdomadaire satirique ! Elle qui n'en a jamais été lectrice, elle qui trouve les caricatures vulgaires, elle qui fréquente assidûment les églises et n'apprécie pas que l'on dénigre les religions (pas que la catholique, d'ailleurs) ! Pas très intéressée par la lecture, elle a rapidement donné l'exemplaire à un membre de la famille...

   Commençons par la Une, qui a fait polémique, pour plusieurs raisons :

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   Le premier motif de mécontentement de certains musulmans est la représentation de Mahomet. Selon ces personnes, il est interdit (Par qui ? Mystère...) de représenter le prophète de l'islam. C'est l'une des idées reçues qui circulent à propos de cette religion, idée reçue qui a été démontée dans un article des "Décodeurs" du Monde. Ainsi, les musulmans qui réclament que l'on ne représente pas Mahomet ne sont les vecteurs que d'une interprétation de l'islam.

   Ceci dit, ils pourraient aussi s'appuyer sur la Bible (dont s'est inspiré le Coran), notamment les Dix Commandements. Il y est clairement question du rejet de toute représentation imagée. Cela explique que, dans les synagogues, on ne trouve pas de représentation humaine, encore moins de Yahvé. Mais on ignore souvent que le christianisme (qui est né du judaïsme) a lui aussi été agité de violents débats au sujet des images. Ce sont d'abord les orthodoxes de l'Empire byzantin qui ont connu la querelle de l'iconoclasme. Plus tard, à la Renaissance, l'Europe occidentale a été le théâtre d'affrontements sanglants entre catholiques et protestants, ces derniers s'en prenant aux représentations imagées.

   Il reste que, pour nombre de musulmans, Mahomet n'est pas qu'un fondateur, un homme exceptionnel. Il a le statut d'un quasi-dieu, ce qui rapproche l'islam du christianisme (qui a tenté de résoudre la quadrature du cercle monothéiste avec l'invention de la Trinité, sorte de "trois dieux en un").

   L'autre erreur des intégristes est de (faire semblant de) croire que des préceptes religieux peuvent s'imposer à la loi française. Fort heureusement, nous vivons dans une république (imparfaitement) laïque. Elle n'est pas pour autant athée, ni islamophobe. Ici, nous rencontrons deux problèmes. Le premier est l'instrumentalisation de cette affaire par des dirigeants (politiques et/ou religieux) musulmans qui savent pertinemment que l'islam n'est pas mis en danger par ces caricatures, mais qui profitent de l'occasion pour asseoir leur pouvoir ou prendre la main sur des adversaires plus timorés. Le second problème est l'inculture des masses sous-éduquées, auxquelles on tente de faire croire tout et n'importe quoi.

   Le deuxième motif de mécontentement est la manière dont Mahomet est dessiné. Pourtant, elle n'est pas nouvelle. Le turban et la barbe sont des attributs classiques du prophète des musulmans, y compris dans les représentations islamiques. Des discussions sont nées de la présence supposée du sexe masculin sur la caricature. Voici ce que cela donne lorsqu'on la retourne :

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   En y regardant bien (et avec un peu d'imagination), on peut reconnaître un premier pénis, formé par les yeux et le nez de ce Mahomet d'opérette. Un deuxième membre masculin (plus imposant) serait composé du turban et du visage du Prophète. On pourrait en distinguer un troisième, formé par ce même turban, avec la bandelette qui dépasse de la tête du personnage.

   Même si je reconnais que la remarque ne manque pas de fondement, il faut rappeler que le dessinateur Luz a coutume de représenter Mahomet ainsi. On a déjà pu le voir notamment en couverture du numéro intitulé Charia Hebdo, qui avait valu à l'hebdomadaire satirique les foudres de certains agités du bocal.

   Il est même plutôt sympathique, au regard de la version de Cabu, qui avait fait la Une d'un autre numéro désormais collector, C'est dur d'être aimé par des cons. Celle-ci avait d'ailleurs fait l'objet de la même polémique que celle qui touche le journal paru le 14 janvier. On avait accusé Cabu d'insulter tous les musulmans, alors qu'il ne visait explicitement que les intégristes. Mais pour cela, encore fallait-il avoir lu le titre qui accompagnait le dessin :

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   Ici, je me suis contenté de procéder à un petit truquage maladroit, mais je me souviens qu'à l'époque, j'avais vu des reproductions de la Une, sans le texte d'accompagnement.

   Concernant la représentation "sexuée" de Mahomet, certains mauvais esprits pourraient être tentés d'affirmer que Luz sous-entend que le prophète des musulmans est une "tête de noeud"... D'autres esprits ont cru reconnaître un sexe féminin (non épilé) dans le dessin du bas du visage... (Cabu l'avait fait jadis avec un portrait de Yasser Arafat... qui n'avait pas suscité de telles réactions.) C'est surtout révélateur des obsessions qui habitent (en un seul mot, hein !) l'esprit de certains croyants, musulmans ici, catholiques là, quand il a été question de l'enseignement de l'égalité des sexes à l'école.

   Enfin, je me dois de rappeler qu'il n'est pas rare que des caricaturistes "introduisent" un élément sexuel dans la représentation d'un personnage. En France, ce fut notamment le cas de Plantu, dans Le Monde, à propos de Dominique Strauss-Kahn. Il n'y a vraiment pas de quoi en faire un drame.

   Le troisième motif de mécontentement (à propos de la couverture) est le texte d'accompagnement. Cette fois-ci, ce sont plutôt les amis de Charlie qui n'ont pas apprécié (ou compris) le message. Luz n'a pas voulu trop en dire, mais l'on sent qu'il y a une intention conciliatrice derrière (du genre "on représente votre prophète, certes, mais sans intention de nuire"). Cela n'a pas forcément été perçu ainsi par les musulmans extrémistes. A contrario, les amis de Charlie ne voient pas ce que l'hebdomadaire aurait à se faire pardonner. La liberté d'expression ne se mendie pas. Le dessin, avec la pancarte "Je suis Charlie", se suffisait à lui-même.

   Passons au contenu du journal, à présent. La tentation des lecteurs est de passer directement de la première à la dernière page. D'abord, parce que c'est une manipulation très facile à réaliser. Ensuite, parce que c'est à cet endroit que se trouvent "les couvertures auxquelles vous avez échappé", parfois meilleures que celle qui a été retenue pour faire la Une. J'ai particulièrement aimé celles de Catherine Meurisse :

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   La seconde fait allusion à l'action de margoulins, qui ont voulu se faire de l'argent facile avec le slogan (contestable) créé par Joachim Roncin. Plus d'une centaine de tentatives de dépôt de marque (dont deux pour des armes...) ont été refusées par l'INPI.

   Les pages 2 et 3 sont remplies de dessins des défunts caricaturistes, qui encadrent l'éditorial de Gérard Biard. Celui-ci a bien senti que le drame qui a frappé l'hebdomadaire satirique allait faire l'objet de récupérations. C'est l'occasion de réaffirmer la défense de la laïcité. Il profite de l'occasion pour rappeler que les collègues aujourd'hui quasi unanimes à les soutenir ont été plus réticents les années passées, notamment en 2012, lorsque l'affaire des caricatures avait rebondi.

   Les textes occupent ensuite davantage de place. On trouve notamment un papier de Jean-Yves Camus sur les thèses complotistes nées dans certains esprits dérangés. Très instructif. Les pages suivantes m'ont moins intéressé. L'intérêt est remonté à la lecture de la double-page centrale, consacrée à la manifestation parisienne du 11 janvier. Sur la partie gauche, une double-bande verticale (signée Luz) fait le bilan des changements positifs et négatifs survenus depuis les assassinats.

   Le suite est un mélange d'inédits des caricaturistes décédés, de dessins de ceux qui sont encore vivants et de textes plus ou moins intéressants. Je retiens un épisode des aventures des inénarrables Maurice et Patapon, sans doute la meilleure création de Charb :

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   La suite (début février) nous dira si Charlie Hebdo sait rebondir. Son assise financière sera (provisoirement) plus solide. Le talent suivra-t-il ?

lundi, 19 janvier 2015

Poker menteur à Villefranche-de-Rouergue

   On le sentait venir gros comme une maison en décembre dernier : la vieille gué-guerre entre socialistes et radicaux villefranchois (qui a contribué à asseoir confortablement la carrière politique de Serge Roques) est sur le point de se rallumer à l'occasion de la campagne des élections départementales.

   Les récentes manifestations en hommage aux victimes de l'islamo-fascisme ont été l'occasion pour nombre de dirigeants politiques (locaux comme nationaux) d'afficher leur indéfectible soutien à la liberté de la presse ainsi qu'à la défense de la veuve et de l'orphelin. Si, à cette occasion, leur bobine s'est retrouvée à la une des journaux, c'est pure coïncidence. Voici donc la photographie qui a été publiée dans Le Villefranchois du 15 janvier dernier :

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   Toute la crème politique villefranchoise était réunie derrière la banderole de soutien à Charlie Hebdo. En numéro 1 se trouve Patrice Couronne, naguère encore maire de Morlhon-le-Haut, mais toujours solidement accroché à la présidence de la communauté de communes du Villefranchois. Il côtoie Serge Roques, le maire de Villefranche-de-Rouergue (numéro 2) et son principal opposant, le radical de gauche Eric Cantournet, toutefois un peu placé à l'écart (numéro 3).

   Mais voilà que, ô surprise, au deuxième rang, un petit malin a réussi à glisser sa tête (surmontée du chapeau si reconnaissable) entre le maire et l'actuel conseiller général. Il s'agit de Jean-Michel Bouyssié (numéro 4). Plus loin, en page 9 de l'hebdomadaire, on apprend qu'il sera candidat aux prochaines élections départementales, avec pour suppléant André Valentin (un ancien socialiste passé au Front de Gauche)... mais sans que l'on connaisse sa partenaire de binôme, au contraire d'Eric Cantournet, annoncé en compagnie d'Odette Taïocchi, qui a déjà mené plusieurs campagnes à ses côtés.

   La cerise sur le gâteau est venue de l'article paru ce lundi dans Centre Presse. On ne sait toujours pas qui sera la colistière de Jean-Michel Bouyssié, mais celui-ci fait porter la responsabilité de la désunion sur les épaules d'Eric Cantournet. Pourtant, quand on analyse la chose en détail, il y a comme une embrouille. Certes, chaque nouveau canton doit désigner deux conseillers... mais un homme et une femme. Comme Eric Cantournet est le sortant, il paraît logique qu'il occupe la place éligible. Son éventuel allié socialiste ne pouvait donc au mieux envisager que celle de suppléant. Mais cela ne lui suffisait peut-être pas... et, en face, E. Cantournet a sans doute encore sur le coeur les séquelles de la campagne des municipales, durant laquelle on ne peut pas dire que le soutien des socialistes ait été des plus ardents...

   En mars prochain, il y a fort à parier que le premier tour de l'élection départementale servira de primaire à gauche... à condition qu'il y ait un second tour. A droite, Serge Roques a lancé son jeune poulain (et potentiel successeur à la mairie) Laurent Tranier, accompagné de Colette Lefevre. C'est un duo de choc, composé des deux premiers adjoints de Villefranche, qui pourrait faire regretter leurs querelles d'égos aux candidats de gauche.

   P.S.

   A ceux qui s'étonneraient que le débat d'idées et les programmes soient absents de ce billet, je répondrais qu'il n'est que le reflet de la situation actuelle. On attend de voir ce que la gauche aveyronnaise (éventuellement unie) a à proposer pour renverser la majorité départementale actuelle.

dimanche, 11 janvier 2015

Gros succès pour la journée piétons à Rodez

   Il faut saluer cette initiative citoyenne. Des milliers d'Aveyronnais (17 000 selon Centre Presse) ont convergé dimanche vers le chef-lieu et sa célèbre place d'Armes, pour s'engager dans une marche d'environ une heure, un excellent exercice pour la santé, comme vont le diront tous les médecins.

   Ce dimanche, en début d'après-midi, le Faubourg est très calme. Ce n'est qu'en remontant vers le centre-ville que, petit à petit, des grappes d'individus commencent à peupler les trottoirs. Et pourtant, ce n'est pas l'heure de la messe. Le soleil resplendit, preuve que les dieux sont avec nous. (Ce petit blasphème est dédié aux culs-bénits de toute obédience.)

   Carrefour Saint-Cyrice, une fois les feux passés, un choix cornélien se propose aux courageux piétons. Vaut-il mieux s'engager sur le trottoir de droite, qui, à cette heure de la journée, bénéficie d'un bel ensoleillement, ou bien sur le trottoir de gauche, certes situé à l'ombre, mais offrant le chemin le plus court à destination du lieu de rassemblement ? La majorité des piétons optent pour la version ensoleillée, laissant plus de place aux braves qui ont choisi la voie de gauche. Régulièrement, les piétons voient des voitures les dépasser, chose étonnante un dimanche à Rodez.

   Lorsque la rue bifurque sur la gauche, la situation des trottoirs au regard de l'ensoleillement se trouve inversée. Quelques "droitistes" rejoignent l'autre camp, même si la majorité reste fidèle à son premier choix. Quelques mètres plus loin, de la musique reggae vient déchirer le silence de la procession. Le froid n'a visiblement pas découragé l'occupant indélicat d'un logement donnant sur la rue (côté gauche, en montant) : les fenêtres grandes ouvertes, il asperge le flot de passants, croyant sans doute exprimer ainsi une sorte de révolte. La connerie humaine prend décidément des formes qui ne cesseront jamais de me surprendre.

   A l'approche du sommet de la rue Béteille, les véhicules sont détournés de la place d'Armes, dont l'accès est bloqué. Pour les piétons, la tâche s'annonce presque aussi ardue, parce que les manifestants déjà arrivés ont tendance à s'entasser au bas de la place, où débarque aussi une foule en provenance de la rue Victor-Hugo. Un petit détour permet d'arriver par le boulevard d'Estourmel et de se faufiler sur la place.

   Au pied de la cathédrale se trouve un groupe de Femen. Sur leurs torses dénudés est écrite la désormais célèbre formule de ralliement "Je suis Charlie". Je propose de réchauffer l'une d'entre elles avec mes mains, mais elle me traite de gros porc et me gifle sauvagement.

   Les bonnets sont de sortie, tout comme les écharpes. Sur l'estrade aménagée au centre de la place, une brève allocution rend hommage aux victimes et proclame l'attachement indéfectible à la liberté d'expression. Suit une minute de silence assez émouvante, au cours de laquelle on entend, troublante coïncidence, les cloches de la cathédrale marquer 14h45. Une longue salve d'applaudissements vient conclure.

   Comme il reste un peu de temps avant le début de la marche (qui doit commencer à 15h15), je pars à la recherche de connaissances. Je suis surpris de rencontrer presque davantage de périurbains et de ruraux que de Ruthénois. La foule est bigarrée. S'y mêlent jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et moins riches. Les "minorités visibles" sont présentes, mais pas en très grand nombre. Je remarque que, parmi celles-ci, ce sont plutôt des jeunes (étudiants ou actifs pas très âgés) qui se sont déplacés.

   La majorité des manifestants est venue en toute simplicité, sans banderole ni affichette. Celles qui sont brandies ne s'en remarquent que davantage. Il y a bien sûr la reproduction de certaines "unes" de l'hebdomadaire satirique, la plus répandue étant sans conteste celle montrant un dessinateur et un imam s'embrassant goulûment :

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   Bien entendu, on peut voir des pancartes "Je suis Charlie", l'une d'entre elles proclamant "Je suis policier et je suis Charlie". D'autres manifestants se sont creusé la cervelle et ont découpé et colorié des morceaux de carton. L'un d'entre eux a la forme d'une main dont quatre des doigts sont repliés, le cinquième (le majeur) étant vigoureusement levé vers le ciel... Pour compléter le tableau, il faut citer les drapeaux tricolores. J'en ai vu vierges de toute inscription ou avec "liberté égalité fraternité". (Personnellement, en hommage à "l'esprit de Charlie", j'aurais complété par "poil au nez" !) Je n'ai pas pu déchiffrer totalement ce qui était écrit sur un autre. Le nom "Charlie" y figurait, tout comme le nombre 17, peut-être une référence aux victimes des terroristes : les 12 de l'attaque de Charlie Hebdo + la policière municipale de Montrouge + les quatre clients de l'épicerie juive. (On commence enfin à évoquer le caractère antisémite de l'une des agressions...)

   15h25 : il semble que la foule commence à se mouvoir... mais pas dans le sens habituel. La marche ne s'élance pas vers la droite et le boulevard Gambetta, mais vers la gauche et le boulevard d'Estourmel. Pourquoi ? Mystère. L'une des gargouilles de la cathédrale regarde tout cela, l'air narquois :

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   Nous empruntons donc le même parcours que lors de la manifestation contre la réforme des retraites de 2010, mais en sens inverse. Du boulevard d'Estourmel jusqu'au musée Denys Puech, le soleil nous a quittés, ses rayons désormais rasants étant bloqués par les immeubles qui encadrent notre parcours. Du coup, la marche est assez rapide, d'autant que le vent est de la partie !

   Devant le commissariat, le convoi ralentit. Certaines personnes s'arrêtent. Un hommage particulier doit être rendu aux policiers qui ont été sauvagement assassinés. (Franck Brinsolaro et Ahmed Mebaret étaient membres de la police nationale. Clarissa Jean-Philippe était encore stagiaire, en attendant de devenir policière municipale.)

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   Après avoir dépassé le musée Denys-Puech, nous avons retrouvé le soleil et entamé la dernière partie du parcours, passant devant le tribunal. Que l'on regardât vers l'avant ou vers l'arrière, la foule était impressionnante... et calme, dans une ambiance bon enfant. C'était une belle manif.

C'est pas gagné pour les régionales

   Tout part d'un entrefilet paru dans Le Monde daté du 7 janvier 2015, page 16. Il y est question de l'annonce, par Martin Malvy, de sa non-candidature aux élections régionales de décembre prochain. A bientôt 79 ans, le patron de la gauche midi-pyrénéenne (déjà diminué physiquement ces derniers temps) évite de se lancer dans la campagne de trop.

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   Quelques noms de candidats à la candidature sont proposés... mais pas celui de Christian Teyssèdre. Pourtant, L'Hebdo paru vendredi 9 janvier évoque clairement les ambitions du maire de Rodez sous le titre : "Teyssèdre candidat à la primaire socialiste".

   L'entrefilet du Monde a donné naissance à un article, signé Stéphane Thépot. La liste des postulants socialistes (midi-pyrénéens comme languedociens) est bien plus longue... mais ne comporte toujours pas le nom du maire de Rodez. C'est grosso modo la même liste qui est citée par France 3. Seule La Tribune mentionne Christian Teyssèdre parmi les candidats. Tous les médias s'accordent toutefois pour dire qu'une élue haut-garonnaise tiendrait la corde.

   Le déficit de notoriété du maire de Rodez ne date pas d'aujourd'hui. Certes, en 2011, L'Express avait consacré un "décrochage local" au chef-lieu aveyronnais et au bilan de son maire. Mais, lorsque, en 2012, Le Journal toulousain a évoqué la succession de Martin Malvy, le premier édile ruthénois n'a pas été mentionné. Des progrès ont été réalisés depuis, puisqu'en novembre 2014, la candidature du maire de Rodez commence à être prise au sérieux... mais il lui faut encore se faire un prénom !

 

jeudi, 01 janvier 2015

Des nouvelles de Béatrice Marre

   On en a par l'entremise du Journal Officiel, plus précisément d'un décret de la présidence de la République : l'ancienne élue aveyronnaise a été nommée chevalier de la légion d'honneur, sur le contingent du ministre de l'Intérieur (page 16 du fac-similé). Quoi de plus normal pour une préfète ?

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   Le décret nous apprend qu'elle est chargée de mission au ministère. (Cela ressemble un peu à une bonne planque.) Elle doit occuper ce poste depuis mars 2014, époque à laquelle Nicole Bricq a cessé d'exercer la fonction de ministre : membre du gouvernement Ayrault, elle n'a pas été reconduite dans l'équipe Valls ; elle est redevenue sénatrice

   D'après Documents et informations parlementaires (où l'on peut trouver une biographie détaillée, pages 4-5), Béatrice Marre était devenue la collaboratrice de la ministre du Commerce extérieur en janvier 2013. Cela lui avait d'ailleurs valu un article dans La Dépêche du Midi.

   Les Aveyronnais connaissent l'ancien chef de cabinet de François Mitterrand surtout pour son passage dans le Sud Aveyron. En 2007, elle avait, sous les couleurs socialistes, tenté sa chance contre Alain Marc, lors des élections législatives. En 2008, elle avait participé au succès de la liste d'union de la gauche (conduite par Guy Durand), à Millau. Toutefois, bien que quatrième sur la liste vainqueur, elle n'avait pas obtenu de poste d'adjointe. Signalons que (d'après Roger Lajoie-Mazenc, dans son livre Fantassins de la démocratie) le futur maire de Millau, qui avait aussi décroché le mandat de conseiller général, n'avait été désigné candidat socialiste (aux cantonales) qu'avec une voix d'avance sur Béatrice Marre...

   On comprend mieux pourquoi, en 2012, certains caciques socialistes ont laissé la place aux Verts, dans la troisième circonscription aveyronnaise (dévolue à une candidate). Les mauvaises langues disent que certains dirigeants socialistes locaux préféraient encore voir le député UMP sortant réélu plutôt que d'assister à la victoire d'une redoutable concurrente... L'exclusion du PS de Béatrice Marre (qui n'a pas participé aux municipales de 2014) ne l'a visiblement pas empêchée de se reconvertir, avec l'aide d'amis présents au gouvernement (ou à l'Elysée).

   En remontant dans le temps, on constate que sa carrière a été fortement dépendante de la couleur politique du pouvoir exécutif. Jusqu'aux débuts de la première présidence Mitterrand, elle fut une sorte d'apparatchik du PS, avant de travailler pour plusieurs ministres de gauche puis de devenir sous-préfète (en 1985, peu avant la première cohabitation). Elle atteignit la notoriété en devant chef de cabinet du président durant son second mandat. C'est au début de 1995 qu'elle fut promue préfète, certes pendant la deuxième cohabitation, mais à une époque où le gouvernement Balladur acceptait de recaser les fidèles serviteurs du président mourant.

   Je pense que le duo Chirac-Juppé, aux manettes entre 1995 et 1997, n'a pas fait preuve du même esprit de conciliation. Ils ont visiblement placé Béatrice Marre dans un beau placard, en la nommant préfète hors cadre en 1996. De 1997 à 2008, elle vécut sa première carrière d'élue, loin de l'Aveyron, dans l'Oise.

   En parallèle, elle poursuivit (un peu en sourdine) son parcours de haut-fonctionnaire. En 2006, elle fut nommée à la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (en tant que représentante du ministère de l'Intérieur). En 2010, le gouvernement Fillon (plus précisément le ministère de l'immigration et de l'identité nationale) l'éjecta de ce poste en douceur, en la nommant préfète honoraire :

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   La légion d'honneur attribuée à Mme Marre est un peu son bâton de maréchal. A bientôt 63 ans, elle est proche de la retraite (de fonctionnaire... mais peut-être pas en retrait de la politique).

mardi, 23 décembre 2014

Diviser pour régner

   C'est une tactique vieille comme la politique, appliquée tant au niveau national qu'au niveau local, comme on vient d'en avoir récemment la confirmation, dans l'ouest de l'Aveyron, du côté de Villefranche-de-Rouergue.

   C'est d'abord à l'occasion de la réunion du conseil de la communauté de communes du Villefranchois qu'une petite manoeuvre a été tentée. D'après ce qu'on peut lire dans La Dépêche du Midi, lorsqu'il s'est agi de désigner les membres de la commission des impôts directs, des noms ont été proposés. Surprise dans le camp de l'opposition villefranchoise (représentée à la communauté de communes) : aucun membre de leur liste ne figure parmi les candidats soumis, alors qu'on y trouve un ancien élu socialiste, Jean-Michel Bouyssié. Celui-ci ne détient à ma connaissance plus aucun mandat. (Il peut donc se consacrer pleinement à son activité professionnelle : il est fonctionnaire au Conseil général du... Tarn.) Or, il a été proposé par le maire de Villefranche-de-Rouergue (UMP) Serge Roques. Curieux, non ?

   Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent qu'aux dernières municipales, Jean-Michel Bouyssié ne figurait pas sur la liste d'union de la gauche conduite par le radical Eric Cantournet et, qu'à l'issue du vote, il avait félicité Serge Roques et balancé le coup-de-pied de l'âne à son rival du PRG.

   Que la manoeuvre réussît ou pas, je pense que le but de l'UMP villefranchoise était d'attiser les tensions entre le PS et le PRG. Serge Roques s'est excusé et a modifié la liste de candidats à la commission. Viré par la porte, Jean-Michel Bouyssié est revenu par la fenêtre, comme on a pu le vérifier dans le numéro de Centre Presse paru samedi 20 décembre :

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   C'est encore la municipalité de Villefranche qui est à l'origine de sa promotion. Elle est intervenue dans le cadre de la mise en place d'un ersatz de démocratie de proximité, avec la création d'un "conseil citoyen". Une partie de ses membres est censée représenter les associations et les acteurs locaux. Si tout un chacun a pu se porter volontaire, c'est le maire qui a pris la décision finale... et donc qui a choisi Jean-Michel Bouyssié. (A quel titre ? Mystère...)

   2015 et les élections départementales approchent. Le canton de Villefranche-de-Rouergue perd quelques communes (au nord), pour devenir encore plus urbain qu'auparavant. Le sortant est Eric Cantournet (PRG), qui, en 2011, avait (assez largement) battu Serge Roques au second tour, après avoir pris le dessus sur le sortant socialiste Claude Penel. La municipalité UMP ne serait sans doute pas attristée qu'une candidature PS ou divers gauche (au hasard, celle de Jean-Michel Bouyssié) vienne perturber la campagne du chef de l'opposition villefranchoise...

dimanche, 21 décembre 2014

Mais qu'a-t-il donc fait ?

   C'est la question que se pose le commun des mortels, qui a appris par voie de presse que l'un des adjoints du maire de Rodez s'est vu retirer sa délégation et l'indemnité afférente. A l'heure où j'écris ces lignes, c'est d'ailleurs le seul moyen d'avoir des informations sur le sujet, puisque le compte-rendu de la dernière réunion du Conseil municipal n'est toujours pas disponible sur le site de la commune de Rodez. C'est l'occasion de signaler qu'il y a du relâchement dans la mise en ligne  de ces fameux comptes-rendus. Déjà que d'habitude, il faut attendre plusieurs semaines, en 2014, on a l'impression qu'aucune réunion ne s'est tenue entre le 18 avril et le 14 novembre. Alors, paresse ? Mauvaise volonté ?

   Je penche pour un brin de fainéantise vu que, sur le trombinoscope du Conseil municipal, Daniel Rozoy (l'élu récemment sanctionné) figure toujours en tant que dixième adjoint :

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   Plus comique encore est la fin du document, où sont présentés les simples conseillers municipaux. Il manque la photographie d'un seul d'entre eux et, curieuse coïncidence, il s'agit du chef de l'opposition :

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   Mais revenons à Daniel Rozoy. D'après les "personnes autorisées" qui s'expriment sur le sujet, les relations entre l'élu PRG et une partie des dirigeants PS de la mairie de Rodez sont tendues depuis plusieurs années. Apparemment, pas pour des raisons idéologiques.

   Et pourtant, il semble que l'adjoint radical de gauche (en sixième place lors de la première mandature de Christian Teyssèdre) n'a pas ménagé sa peine pour se faire bien voir du maire de Rodez. En septembre 2012, il s'était un peu trop précipité pour le féliciter de son accession à la vice-présidence du Conseil régional de Midi-Pyrénées. En mars 2013, quand la promotion devint officielle, il fut le premier à s'en réjouir. Cette obséquiosité n'était sans doute pas désintéressée : à la même époque, le départ de Ludovic Mouly du Conseil d'agglomération du Grand Rodez était connu, libérant une place de vice-président (Christian Teyssèdre abandonnant la sienne pour assumer la présidence de l'intercommunalité). Hélas, trois fois hélas ! Le maire de Rodez ayant visiblement décidé de ne soutenir aucune candidature, Daniel Rozoy se fit souffler la treizième vice-présidence par un socialiste ruthénois, Gilbert Gladin (un militant de longue date), pourtant placé derrière lui dans l'ordre protocolaire ruthénois. Depuis, la révolte gronde, un peu entretenue par des rivaux du maire de Rodez, ravis de voir sa majorité se déliter.

   On s'est quand même rabiboché pour les municipales de 2014. Mais il semblerait que la cause de la rupture soit la proximité des élections départementales. Certains membres du PS semblent vouloir faire cavalier seul et certains de leurs alliés semblent avoir très envie de les faire chier leur créer quelques soucis. Christian Teyssèdre ne faisant pas dans la dentelle, il a choisi de trancher, sans donner de véritables raisons : "Nous avons besoin de cohésion municipale améliorée" a-t-il déclaré. C'est peut-être aussi un avertissement adressé à Stéphane Mazars (lui aussi PRG), au cas où il envisagerait de se présenter contre un-e sortant-e PS, l'an prochain.

   La méthode Teyssèdre est abrupte. Pour des questions de personnes, il risque de se fâcher avec des alliés qui seraient précieux dans la conquête du Conseil régional, fin 2015. Martin Malvy avait lui bien compris qu'il devait construire une majorité large et plurielle, s'il voulait l'emporter. A moins que... Christian Teyssèdre ne soit plus intéressé par la présidence de la nouvelle grande région. Il est pourtant toujours vice-président de l'actuel Conseil régional, alors qu'il avait promis de démissionner. A-t-il négligé de respecter son engagement pour mieux préparer les régionales de 2015 (auquel cas il a mal géré la situation aveyronnaise) ou bien ne démissionne-t-il pas à la demande de Martin Malvy, qui estime trop compliqué de redistribuer à nouveau les vice-présidences en tenant compte des sensibilités politiques comme des origines géographiques ? A suivre...

dimanche, 14 décembre 2014

Qu'Allah bénisse la France

   Le rappeur Abd Al Malik a adapté son autobiographie, en retournant sur les lieux de son enfance et de son adolescence, dans le quartier du Neuhof, à Strasbourg. C'est donc un "film de banlieue", avec ses "minorités visibles"... et, parfois, la présence de la police. J'ai d'ailleurs eu un peu peur au début, lorsque l'on nous montre le groupe de personnages masculins (les "héros") et leur confrontation avec les forces de l'ordre. Celles-ci apparaissent peu dans l'histoire et elles sont toujours montrées du point de vue des habitants du quartier.

   Notons que principaux protagonistes parlent très souvent en verlan. Ils ont la "tchatche" et, dans les dialogues, on se "casse" souvent. S'ajoute à cela le comique de situation, comme lorsque l'un des mecs de la bande, après s'être réjoui de voir les filles et garçons plus jeunes fricoter sur les bancs de la Cité, change complètement d'avis lorsqu'il s'aperçoit que sa sœur rejoint le groupe !

   Mais Abd Al Malik n'a pas voulu réaliser une œuvre sociologique ou historique. (Ce n'est pas La Marche.) Les scènes sont des illustrations de "moments", qui servent d'appui à une réflexion. C'est du réalisme intellectuel, ou de l'impressionnisme philosophique. On suit, par étapes, le parcours de Régis (très bien interprété par Marc Zinga), fils d'immigrés congolais, élève doué, petit délinquant, obsédé par le rap... et l'une des ravissantes habitantes de la Cité. Celle-ci est incarnée par Sabrina Ouazani, découverte jadis dans L'Esquive d'Abdellatif Kechiche (et que j'avais revue dans Inch'Allah et Des Hommes et des Dieux). Concernant ce personnage, on sent toute la passion qu'éprouve le réalisateur à son égard, mais on a un peu trop cantonné l'actrice dans la figure d'égérie souriante.

   Signalons que les seconds rôles sont bons, que les acteurs soient des professionnels ou des amateurs recrutés sur place. La "sauce" prend bien, aussi parce que la mise en scène est réussie.

   C'est un superbe noir et blanc, soutenu par une musique qui, si elle ne me transporte pas, se marie très bien avec les images. A plusieurs reprises, on remarque qu'Abd Al Malik a tenté quelques effets. Je repense notamment à cette scène du début, qui voit le héros rejoindre un groupe de filles qui attend à un arrêt du tramway. C'est dans le regard des filles que l'on suit la première partie de la scène, avant que la caméra ne se place derrière l'arrêt grillagé. Le dialogue implicitement amoureux se poursuit, sous une apparence tamisée.

   L'image répond aussi au texte et vice versa. C'est le cas lorsque le héros se rend au lycée, répétant le texte d'une chanson qu'il écrit. On l'entend rejeter le rap bling bling... juste avant qu'il ne passe devant un bâtiment au pied duquel sont garées deux voitures, deux prestigieuses berlines de marques allemandes...

   Le trafic de drogue est présenté comme une composante "normale" de la vie du quartier. (Admirez la transition...) Pour le héros et ses partenaires, c'est le moyen d'acquérir l'indépendance financière et d'amorcer leur carrière d'artistes. A aucun moment la consommation de substances hallucinogènes n'est dénoncée, même si elle n'est pas valorisée comme dans d'autres films pour djeunses.

   L'intrigue est sur le fil du rasoir. Il n'aurait pas fallu grand chose pour que cet "intello des banlieues" ne finisse derrière des barreaux. Il y échappe peut-être grâce à son intérêt pour la philosophie et la réflexion métaphysique. Si les scènes de lycée sont sans intérêt (là encore, il n'est pas question de faire œuvre de sociologue mais d'apporter une pierre au portrait d'ensemble), les petites touches apportées au cours de l'histoire (par Régis agissant ou en voix off) sont plus porteuses de sens.

   C'est ici qu'intervient la religion. La famille est de culture catholique mais deux des trois fils se sont convertis à l'islam. L'aîné est un exemple de "grand frère", pieux et tolérant. Régis lui se cherche... et finit par trouver une voie plus adaptée à son questionnement intérieur : le soufisme. D'un livre prêté par la ravissante Nawel, on arrive à un séjour au Maroc (qu'il a évoqué dans Paris Match), où, là encore, on n'est pas dans l'explication, mais dans le ressenti. C'est une belle séquence sur le plan cinématographique, mais l'on reste un peu sur sa faim.

   PS

   Pour en savoir plus sur le film, on peut lire le très bon dossier de presse qui accompagne sa sortie.

   Sur le quartier du Neuhof, deux articles récents proposent des visions complémentaires, plutôt optimiste dans Le Monde, plutôt pessimiste dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace. Sur le site de la ville de Strasbourg, on peut lire une histoire du quartier sur la (très) longue durée. (Elle remonte au Moyen Age !)

   Enfin, puisqu'il convient de se garder de tout angélisme, je conseille la lecture d'un article du site ripostelaïque consacré au soufisme. C'est orienté, mais pas sans intérêt.

samedi, 08 novembre 2014

"Le trublion Eric Teyssedre"

   J'ai trouvé cette formule dans Le Journal toulousain du 6 novembre. Après bien des déboires, cet hebdomadaire "indépendant de droite" reparaît depuis septembre dernier. On peut notamment y lire la rubrique "Les petits bruits du Landernau", sous la plume de Thomas Simonian, le directeur de la publication (qui est aussi l'un des associés de la SCOP formée pour relancer le titre). Voici celle qui a été publiée jeudi :

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   A ceux qui ne connaissent pas en détail la (passionnante) vie politique aveyronnaise, signalons que le maire de Rodez (et président de la communauté d'agglomération du Grand Rodez) se nomme Christian Teyssèdre. Vice-président (toujours pas démissionnaire) du Conseil régional de Midi-Pyrénées, on sait qu'il pense succéder à Martin Malvy, le matin en se rasant. L'article semble accorder de meilleures chances aux deux autres personnalités de gauche mentionnées... même si, en 2015, il est fort possible que la droite récupère, au niveau régional, les bénéfices des erreurs de la gauche au plan national.

   Notre bon maire de Rodez n'a décidément pas de chance avec l'hebdomadaire toulousain. Il y a deux ans déjà, lorsqu'il avait été question de la succession de Martin Malvy, il n'avait même pas été cité parmi les candidats potentiels. (Les vedettes de l'époque sont aujourd'hui soit grillées, soit occupées à d'autres tâches.) Notons toutefois le progrès : d'inconnu, il passe à méconnu. Le succès du réaménagement du Foirail et la renommée du musée Soulages pourraient lui servir de tremplin pour 2015... mais il reste visiblement encore beaucoup de chemin à parcourir... (Et puis, il est peut-être plus urgent de construire un Grand Rodez élargi, bien accepté par le voisinage.)

    P.S.

   Plus intéressant que l'encadré sur la course à l'échalote midi-pyrénéenne, le long article intitulé "Les médias toulousains en crise" mérite la lecture, ne serait-ce que pour comprendre les difficultés à faire vivre un journal hors de l'influence du patron de La Dépêche du Midi... et des principaux annonceurs.

vendredi, 24 octobre 2014

Une pincée de Valls pour une bonne purge

   Il est des coïncidences parfois troublantes. Aujourd'hui, en lisant Le Petit Journal du 20 mars 1915 (disponible dans la dernière livraison de Journaux de guerre, centrée sur le génocide des Arméniens), je suis tombé, page 4, sur une publicité ma foi assez déroutante :

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jeudi, 16 octobre 2014

Le renard est sorti du bois

Maître Maçon, sur son causse perché, tenait en son bec un fromage.

Peu sûr de son avenir, il fut par un plus gros gâteau alléché.

Il se tourna vers le Lutteur du Nord, qui l'abrita sous son plumage.

Voyant cela, le Renard des Lacs voulut saisir l'opportunité.

Lui qui cumulait déjà une très longue brochette d'apanages

Rêva d'errer, aux frais du contribuable, dans la Grande Cité.

Pour ce faire, il oublia son ancienne campagne sans affichage

Et retourna sa veste, pour ressortir son étiquette UMP.

 

Henri Cool de Source

samedi, 04 octobre 2014

Qui a payé ?

   C'est une question à laquelle on aurait aimé avoir la réponse en lisant la presse locale. Dimanche 28 septembre 2014, le président du Conseil général Jean-Claude Luche a été facilement élu sénateur de l'Aveyron. Il a entraîné avec lui le député Alain Marc (accessoirement premier vice-président du Conseil général), à qui il a cependant fallu un second tour, une centaine de grands électeurs (sans doute ruraux), pourtant proches de la Majorité départementale, ne jugeant pas sa candidature légitime (et osant l'exprimer dans les urnes).

   Après le stress du dépouillement, à la salle des fêtes de Rodez, est venu le temps des réjouissances, dans le nouvel espace culturel de Saint-Geniez-d'Olt, dans le fief de Jean-Claude Luche. Cela nous a valu un bel article dans Centre Presse, jeudi 2 octobre (le temps pour le journaliste de se remettre de cette soirée mémorable, sans doute) :

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   Plus de cinq cents personnes ont assisté à ce qui est qualifié d' "apéritif dînatoire", en clair un mini-gueuleton que l'on savoure plutôt debout. Mais, s'il y avait des invités, c'est donc qu'il y avait un hôte. Qui cela pouvait-il bien être ?

   La logique voudrait que ce soit Jean-Claude Luche, sur ses deniers personnels (ne vous emballez pas : ce sont les indemnités de ses différents mandats, qui sortent de notre poche), qui ait réglé la note. Est-ce le cas ? On ne nous le dit pas.

   La petite sauterie s'est passée à Saint-Geniez-d'Olt, dans une salle qui a été rénovée notamment grâce à 100 000 euros issus de la partie ministérielle de la réserve parlementaire, en 2011. L'ancienne salle polyvalente étant un équipement intercommunal, l'invitant était-il la Communauté de communes des pays d'Olt et d'Aubrac ? Si oui, à quel titre ? Précisons que celle-ci est présidée (depuis 2014) par le maire de Sainte-Eulalie-d'Olt (depuis 2008), Christian Naudan.

   On pourrait aussi s'intéresser au montant. Offrir un "apéritif dînatoire" à plus de 500 personnes n'est pas donné à tout le monde. Mettons qu'à tout casser il y ait eu 600 pique-assiette convives à régaler ce soir-là. Une collation modeste peut revenir à cinq euros par personne. Si les petits-fours sont de grande qualité et qu'on a sorti quelques bonnes bouteilles, cela peut monter facilement à quinze euros, soit un total compris entre 3 000 et 9 000 euros... sans prendre en compte la location (mise à disposition ?) de la salle, l'éclairage, l'utilisation des sanitaires...

   L'addition pourrait être encore plus salée si les coûts de personnels sont inclus. Certains membres du fan club de Jean-Claude Luche se sont-ils crus obligés de procéder (bénévolement) à la mise en place et au service, ou bien a-t-on rémunéré deux ou trois personnes pour officier ce jour-là ? Il y aurait bien une troisième solution, mais j'ai peine à croire qu'on ait pu demander à des employés municipaux (ou intercommunaux) de venir servir le gratin de la droite aveyronnaise un soir d'élection.

   Je termine par quelques mots sur la photographie d'illustration. Yves Censi (de nouveau très pote avec Luluche... mais qui a sérieusement cru qu'ils ne se parlaient plus ?) a tombé la cravate, tout comme Alain Marc. Seul J-C Luche, en boss qui garde la tête froide, conserve toute sa dignité vestimentaire. Les suppléantes sont là pour éviter les accusations de phallocratie... mais il manque une personne, pour laquelle le résultat de ces élections constitue une petite revanche (par procuration) : Jean Puech, dont le successeur au Conseil général a repris certaines méthodes.

   Jean-Claude Luche est donc bien le "patron" du département (le seul pouvant lui faire ombrage étant visiblement surtout attiré par le Conseil régional), mais, il a quand même cru nécessaire de faire attribuer un volant de subventions du Conseil général à quelques mois du vote...

samedi, 20 septembre 2014

Un nouveau préfet (de gauche) pour l'Aveyron

   C'est inhérent à la fonction : régulièrement, un mouvement de "chaises musicales" vient redistribuer les postes de haut fonctionnaire. On doit aussi s'y attendre dès qu'un gouvernement change de composition, que le titulaire de l'Intérieur reste le même ou pas. (Ainsi, Bernard Cazeneuve est resté en place dans le deuxième gouvernement Valls.) Par contre, le vivier dans lequel puisent les ministres pour constituer leur cabinet a beaucoup en commun avec celui d'où sortent les préfets.

   Jean-Luc Combe, le nouveau représentant de l'Etat en Aveyron est un "voisin", puisqu'il était en poste dans le Cantal depuis un an et demi. Mais son parcours (détaillé dans un article de Centre Presse) est bien plus long... et surtout moins stéréotypé que celui de nombre de ses collègues.

   Il a commencé sa carrière en 1981, en Seine-Saint-Denis, à Noisy-le-Sec, en tant que responsable du secrétariat général. La date (année de la première élection de François Mitterrand à la présidence de la République) et le lieu (un département qui fut longtemps géré par le Parti communiste) pourraient nous inciter à penser qu'il était proche de la gauche. D'ailleurs, le maire au service duquel il entre (et dont il a ensuite été directeur de cabinet) est Roger Gouhier, un communiste d'origine ouvrière.

   Il a 26 ans à l'époque. La Dépêche du Midi nous apprend qu'il est titulaire d'une licence d'histoire-géographie, décrochée à Toulouse (alors qu'il est né à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, pas très loin de la Seine-Saint-Denis). Il n'est donc pas un exemple de haut fonctionnaire issu d'une grande école, au parcours balisé. Ses débuts se rapprochent plutôt de ceux de nombre de fonctionnaires territoriaux qui ont commencé leur carrière dans les années 1980. Les lois Defferre ont accordé plus de pouvoirs aux collectivités territoriales, qui ont dû, dans la foulée, recruter rapidement de nouveaux collaborateurs. A l'époque, les formations spécifiques n'étaient pas légion. On a donc abondamment puisé dans les universités (plutôt en Lettres, Sciences économiques et Droit).

   En 1988, Jean-Luc Combe devient secrétaire général de la commune de Vigneux-sur-Seine, dans l'Essonne, au sud d'Ivry. Là encore, il s'agit d'une mairie communiste, qui a été dirigée pendant 21 ans par un homme de terrain, Lucien Lagrange. (C'était l'époque où le PCF avait un réservoir de militants dévoués, très souvent d'origine populaire... et beaucoup plus d'électeurs.)

   En 1993, il retourne en Seine-Saint-Denis, à Epinay-sur-Seine, cette fois au service d'un élu socialiste, Gilbert Bonnemaison. Assez vite (peut-être en raison du retrait du maire d'Epinay), il revient dans l'Essonne, auprès du maire d'Evry Jacques Guyard, lui aussi membre du PS. L'évolution politique des employeurs du futur préfet aveyronnais est-elle révélatrice du changement de sa "sensibilité" ? Il aurait été proche du PCF dans sa jeunesse, avant d'évoluer vers le PS.

   On en a la confirmation en 1998, quand il devient directeur général des services du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, présidé par le socialiste Jean-Louis Bianco... depuis 1998.

   En 2005, il passe à la Communauté d'agglomération d'Angers, elle aussi présidée par un membre du PS, Jean-Claude Antonini.

   Notre homme a toujours la bougeotte, puisque dès 2007, il change à nouveau d'affectation, peut-être pour se rapprocher de sa région d'origine. Il se retrouve au Conseil général de Seine-et-Marne, présidé là encore par un socialiste, Vincent Eblé.

   Celui-ci devient sénateur en 2011, année qui voit Jean-Luc Combe passer au service du nouveau président (socialiste) de la Haute Assemblée, Jean-Pierre Bel. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une coïncidence. En devenant sénateur, Vincent Eblé a pu bénéficier de fonds pour rémunérer ses collaborateurs. Il n'avait peut-être plus besoin de celui qu'il avait recruté au Conseil général. De surcroît, ce dernier connaissait peut-être Jean-Pierre Bel depuis longtemps. Bien que quelques années les séparent (ils sont nés en 1955 et 1951), ils ont pu se rencontrer à Toulouse, où ils ont tous deux poursuivi leurs études... et Jean-Pierre Bel étant issu d'une famille communiste, il est possible que les deux jeunes hommes se soient croisés lors de soirées militantes.

   En arrivant dans l'Aveyron, Jean-Luc Combe pousse vers la sortie Cécile Pozzo di Borgo, qui avait été nommée par le gouvernement Fillon en 2011. Agée de 62 ans, elle se dirige tout doucement vers la retraite, à un poste que certaines mauvaises langues n'hésitent pas à qualifier de sinécure : l'administration des T.A.A.F. (Terres Australes et Antarctiques Françaises).

dimanche, 31 août 2014

Un logo poutinien ?

   Il n'a échappé à personne que les récents championnats du monde de judo se sont déroulés en Russie, dans la riante cité de Chelyabinsk (ou Tcheliabinsk). Pendant la Seconde guerre mondiale, elle devint un centre important de fabrication de tanks. Elle est aussi tristement célèbre pour un accident nucléaire qui s'y est déroulé durant la Guerre Froide (en 1957). En 2013, elle fit la Une de l'actualité, frappée par une météorite.

   C'est en écoutant la radio, au volant de ma luxueuse, voiture que j'ai entendu ce qui m'est apparu d'abord être une plaisanterie : le logo des championnats se serait inspiré de la personne de Vladimir Poutine. Certes, on connaît l'affection que le dictateur président de la Russie éprouve pour ce sport, qu'il a beaucoup pratiqué. Mais ce serait quand même pousser un peu loin le culte de la personnalité.

   Pour en avoir le coeur net, observons le logo des championnats :

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   On y voit la silhouette d'un judoka, sans doute assis en tailleur sur un tatami. Cette posture ne m'est pas étrangère. Quelques recherches sur la Toile m'ont rapidement conduit à une photographie qui date un peu (de 2006, semble-t-il... mais je la pense plus ancienne) :

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   La silhouette du logo est clairement un décalque de l'image de Vladimir Poutine. Le soviétisme n'est pas encore mort !

   P.S.

   On peut aussi trouver une affiche de promotion des championnats du monde, sur laquelle apparaît officiellement le dirigeant russe... qui a n'a pas rechigné à mettre la main au kimono.

mardi, 29 juillet 2014

Timidité parlementaire

   C'est l'une des (timides) réformes utiles de la majorité actuelle : la loi sur la transparence de la vie politique. On a en vu très tôt l'une des applications : la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement Ayrault, puis celle des membres du gouvernement Valls (les précédentes étant dès lors inaccessibles, si leurs auteurs avaient perdu leur portefeuille ministériel). Dans ce cadre a été créée la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, dont le site internet permet d'accéder aux déclarations.

   Plus récemment, les parlementaires ont dû remettre leur déclaration d'intérêts et d'activités, qui viennent d'être rendues accessibles au grand public (au contraire du patrimoine des députés et sénateurs, difficilement consultable... et surtout pas publiable). Je me suis intéressé aux cinq actuels élus nationaux de l'Aveyron : Marie-Lou Marcel, Alain Marc et Yves Censi (députés) ; Anne-Marie Escoffier et Alain Fauconnier (sénateurs).

   Quatre d'entre eux sont officiellement à la retraite. Qui ne le savait pas s'en serait douté pour A-M Escoffier et A Fauconnier, respectivement nés en 1942 et 1945. C'est un peu moins connu pour M-L Marcel, qui a fait valoir ses droits (de manière légèrement anticipée) à 60 ans, en 2013. C'est limite polémique à propos d'Alain Marc, qui (comme je l'ai rappelé naguère) n'a pas trouvé gênant de profiter d'une retraite anticipée à 53 ans... tout en votant la loi reportant l'âge légal de départ à 62 ans. Curieusement, seule M-L Marcel a cru nécessaire de faire figurer, dans le cadre 1 de la déclaration (celui réservé aux rémunérations liées à une activité professionnelle autre que parlementaire), le fait qu'elle touche une pension de retraite. C'est peut-être lié au fait qu'elle a bénéficié d'un congé spécial de fin de carrière. Vous allez me dire : mais quel conflit d'intérêt peut naître de cette situation ? Eh bien, par exemple, il est intéressant de connaître l'exacte situation professionnelle de ceux qui votent les lois sur nos (futures) retraites... ainsi que le montant de leur pension, au moment où l'on demande aux Français de base de faire des sacrifices.

   Passons maintenant aux indemnités parlementaires. C'est la déception pour M-L Marcel, qui n'intègre pas la sienne dans sa déclaration. De son côté, A-M Escoffier mentionne son salaire de ministre déléguée, puisqu'elle a fait partie du gouvernement Ayrault. Yves Censi déclare pour seul revenu son indemnité de député... sans en préciser le montant. Guère moins hypocrite, Alain Marc donne le chiffre annuel (environ 66 000 euros), et pas mensuel (environ 5 400 euros nets)... peut-être pour éviter certaines comparaisons. Le champion de la transparence est, de ce point de vue, Alain Fauconnier, qui précise le montant mensuel de son indemnité de sénateur, ainsi que celui de son indemnité de frais de mandat, qui est un revenu complémentaire masqué.

   Venons-en aux autres indemnités. Yves Censi est le seul non-cumulard. Il devance Anne-Marie Escoffier, conseillère générale qui ne donne que son indemnité annuelle brute et M-L Marcel, qui est aussi conseillère régionale (environ 2 000 euros nets par mois). Pour cette dernière, si on fait la somme (avec les indemnités de la députée et sa retraite), on dépasse sans doute (légalement) 15 000 euros de revenu par mois.

   C'est peut-être davantage pour Alain Fauconnier et Alain Marc, deux cumulards dont les indemnités subissent néanmoins l'écrêtement. Ces deux parlementaires ne peuvent toucher plus de 8 300 euros (bruts) par mois, au titre de leurs mandats. Le sénateur-maire de Saint-Affrique dépasse légèrement les 7 000 euros nets, auxquels s'ajoutent environ 600 euros au titre de la présidence du PNR des Grands Causses (qu'il vient d'ailleurs de proroger). Ce n'est donc pas par générosité qu'il ne touche rien au titre de président de la communauté de communes du Saint-Affricain (qu'il vient aussi de récupérer). Il a toutefois l'honnêteté de faire figurer la somme qu'il recevait quand il était vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées. Mais l'on ne sait rien du montant de sa retraite (il a été conseiller d'éducation).

   On n'a pas plus d'information sur la pension d'Alain Marc. Il est de surcroît sans doute lui aussi écrêté. Si l'on ajoute son indemnité parlementaire à celle de vice-président du Conseil général de l'Aveyron, on ne doit pas être loin du maximum autorisé. Notons que pour cette indemnité comme pour la précédente, le député donne le chiffre annuel arrondi (23 000 euros). Il gagnerait donc à ce titre environ 1 900 euros nets par mois. Or, la population aveyronnaise se situant dans la tranche 250 000 - 500 000 (habitants), un vice-président du Conseil général doit toucher plus de 2 600 euros bruts (vraisemblablement plus de 2 100 euros nets). Alors ? A-t-il volontairement minoré sa déclaration ou n'a-t-il inscrit que le montant après écrêtement ? D'autre part, il se garde bien de préciser qu'il est aussi président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn (reconduit en 2014)... et (premier) adjoint au maire d'Ayssènes. En raison de l'écrêtement (disposition introduite en 1992 par le gouvernement d'Edith Cresson... eh oui !), il ne peut sans doute rien toucher au titre de ces mandats.

   Hors revenus "publics", nos élus ne reçoivent aucune rétribution. Ils n'exercent aucune activité de "conseil" et, lorsqu'ils occupent diverses présidences, c'est à titre bénévole.

   J'ai envie de terminer par leurs collaborateurs parlementaires. Quatre en déclarent trois, A-M Escoffier se contentant de deux. Rappelons qu'ils sont payés par nos impôts, par l'intermédiaire du crédit affecté à la rémunération de collaborateurs (9 500 euros par mois pour un député, 7 500 pour un sénateur).

   Je ne suis pas assez savant pour pouvoir décrypter tout l'arrière-plan du recrutement des assistants parlementaires. Mais je peux faire quand même quelques remarques. La principale est qu'une partie non négligeable des collaborateurs est composée de proches. C'est particulièrement visible pour Alain Fauconnier, qui a recruté son fils (qui, "dans le civil", travaille dans le lycée où a longtemps officié son père). La déclaration du sénateur mériterait éventuellement une mise à jour, puisque Doris Niragire Nirere n'est peut-être plus une collaboratrice à temps plein : elle travaillerait désormais aussi pour Amnesty International. Signalons aussi qu'un ancien collaborateur du sénateur est devenu son adjoint (et son hypothétique successeur, selon certains) à la mairie de Saint-Affrique.

   De son côté, Marie-Lou Marcel emploie Bertrand Cavalerie, conseiller général (socialiste) de Capdenac-Gare, et Cécile Boullet-Laumond, elle aussi militante socialiste... qui fit, dans sa jeunesse, un bout de chemin avec le Parti de Gauche. Notons que le troisième membre de l'équipe, Jérôme Hébert, est partagé avec une autre députée, Martine Martinel (élue de Haute-Garonne, née la même année que Marie-Lou Marcel), ce qui figure aussi dans la déclaration de sa collègue.

   Yves Censi n'échappe pas à la règle de la grande proximité politique, puisque sa principale assistante parlementaire, Stéphanie Lacombe, est une militante UMP et qu'elle a même figuré (en 13e position) sur la liste menée par Régine Taussat, candidate aux municipales de 2008, à Rodez. Le député de la première circonscription aveyronnaise a peut-être eu besoin de se rassurer, après le conflit qui l'a opposé à l'une de ses anciennes employées, conflit qui s'est mal conclu pour l'élu. (Une autre de ses assistantes est restée en place moins de deux ans. Elle a par la suite rejoint le cabinet de Jean-François Copé. Elle est aujourd'hui consultante.)

   Terminons par l'équipe d'Alain Marc. Elle comporte une militante de la droite aveyronnaise, Nathalie Bécu, qui fut candidate aux élections municipales de Saint-Affrique, en 2008 sur la liste menée par Serge Wenner (en 14e position), en 2014 sur celle menée par Sébastien David (en 22e position). Est-il nécessaire de préciser que chacune de ces listes s'opposait à celle du socialiste Alain Fauconnier ? Beaucoup moins classique est le parcours de Paskalita Francheteau. Elle fut d'abord employée par l'acteur Richard Berry, puis la chanteuse Jeane Manson, avant de passer au service de Jacques Godfrain, le mentor d'Alain Marc.

jeudi, 24 juillet 2014

Jean Zay, cet inconnu

   En février dernier, le président François Hollande a un peu surpris son monde en annonçant la panthéonisation de quatre nouvelles personnes : Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay. Sans leur faire insulte, on peut dire qu'elles sont inconnues du grand public. Ceux qui lisent les journaux connaissent sans doute déjà Pierre Brossolette, dont il a été question ces dernières années dans des articles traitant de la Résistance. La nièce de Charles de Gaulle est davantage réputée pour son action à la tête d'ATD-Quart monde. Germaine Tillon (elle aussi ancienne résistante) s'est fait connaître comme ethnologue et pour ses engagements ultérieurs (contre la guerre d'Algérie, pour la cause des femmes). Et Jean Zay ?

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   Une exposition lui rend actuellement hommage, pour quelques jours encore, à Brive. Il est né en 1944 d'un père juif et d'une mère protestante. Le papa est une figure locale de la gauche, qui dirige le quotidien Le Progrès du Loiret, où le fiston a écrit, entre les deux guerres. Ardent patriote, le père, en uniforme de poilu, pose avec sa petite famille lors d'une permission, en 1916 :

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   Lycéen, Jean Zay se fait remarquer par ses résultats brillants (qui lui valent une bourse)... et son esprit caustique. Par la suite (dans les années 1920), avec des amis, il a publié un journal, dans lequel les jeunes hommes laissent libre cours à leur fantaisie. On a plus tard reproché cette période au futur ministre, à cause d'écrits pastiches d'inspiration antimilitariste. C'était oublier l'horreur que la Grande Guerre avait inspirée aux familles des poilus. Et, si l'on devait regarder tout ce que nos hommes politiques ont pu écrire à 20 ans, on n'en finirait pas de polémiquer. La suite de la carrière de Jean Zay allait confirmer son incontestable patriotisme.

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   Avant d'en arriver là, il achève ses études et devient avocat. Il plaide au civil comme au pénal et se fait rapidement une petite réputation : il a réussi à faire acquitter deux assassins des amants de leurs femmes ! Très vite aussi, il assume la défense d'associations professionnelles et de syndicats de gauche. Dans le même temps, il se marie (à une protestante, Madeline Dreux, qu'il épouse dans un temple)... et adhère à la franc-maçonnerie (à la loge Etienne Dolet, qui rend hommage à un imprimeur de la Renaissance), un choix qui lui a été reproché par la suite.

   Cela a sans doute aidé à lancer sa carrière politique, du côté des radicaux-socialistes. Dès 1925, il a adhéré aux Jeunesses Laïques et Républicaines, dont il est devenu vice-président. En 1932 (à 27 ans), il est élu député du Loiret. Il est réélu en 1936, avec la vague du Front Populaire. Il devient ministre, à 31 ans :

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   Alors que la composition des gouvernements varie fortement sous la IIIe République, lui est resté en place plus de trois ans, sous cinq gouvernements successifs. Il lance une réforme du système éducatif qui a été poursuivie sous la Ve République. La durée de la scolarité obligatoire est prolongée (jusqu'à 14 ans), l'unification du système scolaire est engagée. Le ministre introduit le cinéma et la radio à l'école, tout comme le Brevet sportif populaire. Il double le nombre de boursiers et soutient le jeune CNRS. Du côté des arts, il encourage la fréquentation des théâtres et des musées. Il soutient la naissance de la Cinémathèque française et décide la création d'un festival de cinéma à Cannes. Il devait être inauguré le 1er septembre 1939...

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   La guerre brise cette brillante carrière. Et pourtant... ce n'est ni le courage ni la lucidité qui manquaient à Jean Zay. Bien que non mobilisable, il choisit de porter l'uniforme et démissionne du gouvernement.  Toujours député, il fait partie de ceux qui prônent la poursuite de la lutte contre l'Allemagne nazie, à partir de l'Afrique du Nord. Il embarque donc sur le Massilia (avec son épouse et sa fille) et tombe sans doute dans le piège tendu par Pétain et Laval aux républicains ardents.

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   Tout comme Pierre Mendès-France, il est accusé (à tort) de désertion. Il est arrêté puis condamné, à Clermont-Ferrand (par le même tribunal militaire qui a condamné à mort Charles de Gaulle). L'extrême-droite, qui l'avait déjà dans le collimateur (et qui l'a toujours...) se déchaîne.

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      Il est transféré à la maison d'arrêt de Riom. Il obtient de pouvoir lire et surtout écrire. Il rédige quantité de lettres, des nouvelles et une sorte d'autobiographie. Il a même réussi à communiquer avec des résistants. Mais le 20 juin 1944, trois membres de la Milice (l'organisation fasciste dirigée par Joseph Darnand, membre du gouvernement Pétain... et engagé volontaire dans la Waffen SS) le sortent de prison, pour l'exécuter. Le corps n'a été retrouvé qu'en 1948 et seul l'un des trois assassins a été jugé, en 1953.

   P.S.

   L'exposition (où l'entrée est gratuite), dont la première mouture a sans doute été conçue pour le cinquantième anniversaire de son assassinat, va bientôt quitter Brive. Je suppose qu'elle va tourner et peut-être un jour arriver à Rodez. Quand ? Eh bien, je donne ma langue au chat (briviste) !

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samedi, 19 juillet 2014

La nouvelle nouvelle carte des régions

   La sagesse commencerait-elle à gagner les parlementaires français (notamment de gauche) ? En tout cas, au fur et à mesure que le texte portant sur la délimitation des régions est discuté, la carte s'affine et semble s'éloigner des errements du premier projet gouvernemental. Voici le découpage qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale, tel que le présente Le Monde :

Carte PS 15 07 2014 b.jpg

   Les députés se sont contentés de répartir les régions. Ils n'ont pas touché à la ventilation des départements, qui sont déplacés (ou pas) en blocs régionaux. Par rapport au projet précédent, on constate la disparition du "monstre" constitué de la Picardie et de la Champagne-Ardenne, la première étant rattachée au Nord-Pas-de-Calais, la seconde au bloc Alsace-Lorraine. On a aussi renoncé au "machin" regroupant Centre, Limousin et Poitou-Charentes, pour constituer un grand Sud-Ouest aquitain, construit autour de Bordeaux. L'Aveyron reste dans l'ensemble formé par Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon.

   Le sujet, pourtant âprement débattu dans les régions, n'a visiblement pas motivé les députés, puisque sur 577 élus, seuls 85 étaient présents pour le vote de l'article 1, soit moins de 15 % ! Et l'Aveyron ne brille pas dans ce domaine, puisqu'aucun des députés de notre département n'était dans l'hémicycle ! En vacances Mme Marie-Lou Marcel (PS) ! En vacances M. Yves Censi (UMP) ! En vacances M. Alain Marc (UMP) !

   Si l'on regarde dans le détail, on s'aperçoit que 54 des 290 membres du groupe "Socialiste, républicain et citoyen" étaient présents, soit 18,6 % du total. Même si c'est davantage que la moyenne des députés, c'est un chiffre lamentable, d'autant plus qu'il s'agit d'un projet de loi socialiste ! Leurs alliés radicaux font-ils mieux ? Oui, puisque 5 des 16 députés du groupe étaient présents, soit environ 31 % du total. C'est un peu mieux que les écologistes : 5 des 18 députés sont venus (28 % du total)... mais se sont tous abstenus !

   A droite, c'est la Bérézina. Le groupe UMP n'était représenté que par 10 % de ses membres (20 députés sur 199). Le groupe UDI fait mieux, avec presque 17 % de présents (5 députés sur 30)... mais il n'y a pas de quoi sauter au plafond.

   Conclusion : sur un texte aussi important, on n'a pas besoin de 577 députés pour faire vivre le débat ni pour faire passer des amendements au texte du gouvernement. (Si vous êtes allés voir sur le site de la Chambre basse, auquel mène le lien précédent, vous avez pu constater que les votes ne sont pas uniformes. Le texte transcende quelque peu le clivage gauche/droite, même si une tendance est nettement perceptible dans la plupart des groupes.) C'est bien la preuve que l'Assemblée nationale peut fonctionner avec (beaucoup) moins de 577 membres...

   Toutefois, si, comme moi, vous n'êtes pas encore pleinement satisfait du résultat, vous pouvez vous amuser (comme le propose Le Monde) à construire une carte régionale selon vos goûts. Je me suis livré au jeu. Voici ce à quoi j'arrive :

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   Contrairement au projet gouvernemental, je me suis permis de déplacer des départements sans tenir compte de leur région d'origine. Cela donne un Grand Languedoc (Midi-Pyrénées + Languedoc-Roussillon) sans le Gard, rattaché à PACA. La question se poserait de la partie ouest du département, qui regarde clairement vers la Lozère, l'Aveyron et l'Hérault. Au niveau de l'Aquitaine, si j'ajoute intégralement le Limousin (une idée qui a émergé très vite, début juillet), je fais disparaître le Poitou-Charentes, seules les deux Charentes étant fusionnées au grand Sud-Ouest, la Vendée et les Deux-Sèvres étant incluses dans un grand Centre-Ouest, avec les Pays-de-la-Loire et le Centre, qui, à mon avis, ne doit pas rester seul et enclavé. J'ai toutefois ôté la Loire-Atlantique de l'ensemble pour la rattacher à la Bretagne.

   Pour le reste, j'arrive aux mêmes conclusions que le projet gouvernemental concernant Rhône-Alpes et la Normandie. Je propose aussi d'étendre le Nord-Pas-de-Calais à la Picardie, mais pas en entier. Il est évident que l'Oise est désormais un département de la région parisienne (rattaché donc à l'Ile-de-France). Se pose alors la question de l'Aisne, que j'aurais tendance à ne pas séparer de la Somme, mais dont la partie sud vit en fait dans l'orbite de Paris, et ce depuis longtemps :

Ile-de-France province.jpg

   La Champagne-Ardenne m'a posé problème. Comme d'autres régions, elle manque d'unité et de poids économique. Le PS suggère de construire un grand Nord-Est, dont Metz serait sans doute le chef-lieu. Voilà qui inquiète les élus strasbourgeois, qui se contenteraient d'une fusion Alsace-Lorraine, dont Strasbourg, bien qu'excentrée, pourrait exiger d'être le centre politique... parce qu'il faut bien se rendre compte que, derrière les protestations vertueuses de certains élus locaux, il y a d'abord la volonté de ne pas perdre le siège de la préfecture de région.

   Comme je trouve que l'ensemble formé par la Bourgogne et la Franche-Comté (amputée du Territoire-de-Belfort, historiquement alsacien) serait un peu fragile (il compterait moins de 3 millions d'habitants et pèserait moins de 4 % du PIB), je propose d'y ajouter la Champagne-Ardenne, sans les Ardennes, rapprochées du Grand-Nord. Cela donnerait une cohérence à la frontière franco-belge et l'on retrouverait une grande Bourgogne.

   Corse exceptée (qui pourrait regagner la région PACA, dont elle fit partie jusqu'en 1970), aucune région ne compterait moins de 3,4 millions d'habitants (et seulement deux moins de 4 millions). Toutes pèseraient au moins 5 % du PIB.

   Il reste que la méthode gouvernementale, au départ marquée par la précipitation, ne manque pas de pertinence. En 2014, on regroupe les régions. Dans un deuxième temps, après les élections de 2015 (au cours desquelles les débats ne manqueront sans doute pas d'animation), les départements auront la possibilité d'opter définitivement pour une région différente. Cela risque de fiche un beau bazar pendant deux-trois ans !

vendredi, 18 juillet 2014

Trois de chute pour Daniel Diaz

   C'est un scrutin en apparence anodin, mais qui se révèle riche d'enseignements sur la vie politique aveyronnaise : l'élection du président du parc naturel régional des Grands Causses, qui s'est déroulée à la fin du mois de juin. Un peu à la surprise générale (des non-initiés), le sénateur-maire de Saint-Affrique Alain Fauconnier (qui avait de surcroît récemment récupéré la présidence de la communauté de communes du Saint-Affricain...) a été réélu et même confortablement, puisque, d'après La Dépêche du Midi, il a obtenu 30 voix, contre 19 à son concurrent Daniel Diaz.

   Pourtant, c'est plutôt l'inverse qui était attendu par certains observateurs. En effet, les dernières élections municipales ont fait passer plusieurs mairies dans le camp de la majorité départementale (dont se réclame Daniel Diaz), notamment Millau. Ainsi, les représentants de cette commune et ceux de la communauté de communes Millau-Grands-Causses n'apporteraient pas leurs suffrages au président sortant A. Fauconnier. Cela devait suffire à faire basculer la majorité puisque, trois ans auparavant, le socialiste (malgré le succès rencontré par la gauche aux municipales de 2008) ne l'avait emporté que de 3 voix sur son adversaire.

   Le scrutin semblait toutefois suffisamment ouvert pour permettre à un candidat pas trop marqué de tirer son épingle du jeu. Quatre personnes se sont présentées au départ : Christian Font, président délégué (et maire de Saint-Juéry), Alain Fauconnier, Daniel Diaz et Christophe Laborie (maire et conseiller général de Cornus), proche de Jean-Claude Luche. Le sortant a paraît-il hésité à se représenter. Ses amis politiques lui auraient d'ailleurs conseillé de laisser C. Font courir le risque de la défaite. Mais il s'est finalement lancé, ce qui a incité son président délégué à renoncer, alors qu'à droite, C. Laborie a décidé (tout seul ou sur le conseil de personnes bien intentionnées) d'abandonner la course, au profit de Daniel Diaz.

   Celui-ci restait sur deux échecs... et même trois, si l'on remonte aux municipales de 2008, qui ont vu la défaite de la liste menée par Jacques Godfrain (maire sortant de Millau, à l'époque), liste sur laquelle figurait Daniel Diaz, en 17e position. Il ne fut pas élu conseiller municipal, puisque seuls les 7 premiers de la liste Godfrain eurent ce bonheur. Six ans plus tard, les difficultés de l'équipe Durand s'ajoutant à l'impopularité du gouvernement de gauche, il y avait un boulevard pour une liste de droite bien structurée. Encore fallait-il en choisir la tête. Les militants de la droite et du centre ont préféré Christophe Saint-Pierre (UMP, ancien adjoint de Jacques Godfrain) à Daniel Diaz. L'article ne donne pas le détail du vote. A l'époque, on a spéculé sur un possible accord entre les deux hommes, Saint-Pierre se réservant la mairie et Diaz obtenant la communauté de communes.

   La campagne 2012 ne fut pourtant pas une partie de plaisir, notamment parce qu'une autre liste (celle menée par Philippe Ramondenc) leur a disputé les voix du centre et de la droite modérée. Elle est arrivée avec moins de 200 voix de retard sur la liste UMP-UDI au premier tour. Certaines mauvaises langues osent même affirmer que, si Daniel Diaz avait été tête de liste, c'est son adversaire Ramondenc qui serait arrivé en tête. Au second tour, le duo Saint-Pierre / Diaz l'a emporté, mais finalement d'assez peu.

   Arrivent ensuite les élections à la communauté de communes, dont j'ai déjà parlé. Daniel Diaz y connaît un second échec... et même un troisième, puisqu'il n'obtient que la deuxième vice-présidence, avec seulement 23 voix... et 23 bulletins blancs (d'après le Journal de Millau). Certains élus du centre et de droite, urbains comme ruraux, ont visiblement voulu marquer leur désaccord.

   Dans cette perspective, la présidence du PNR pouvait constituer un beau lot de consolation pour Daniel Diaz. Alain Fauconnier a senti qu'il y aurait des réticences dans le groupe d'élus ruraux "sans étiquette". Je pense qu'il y a sans doute eu aussi un accord avec Philippe Ramondenc, qui est devenu membre du bureau syndical du parc, alors que Daniel Diaz n'y figure pas. La vice-présidence attribuée au représentant des communes urbaines a été décrochée par Sylvie Ayot, deuxième adjointe au maire de Millau.

   C'est un résultat qui n'a visiblement pas plu au rédacteur du Journal de Millau, d'après ce qu'on peut lire dans un article du 26 juin dernier :

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   Derrière toute cette agitation se profilent les élections sénatoriales de septembre prochain. L'Aveyron est l'un des départements "renouvelables". Au vu des résultats aux municipales, il est évident que la gauche ne va pas garder ses deux sénateurs... surtout qu'en face, le président du Conseil général Jean-Claude Luche est en campagne depuis plusieurs mois, sous couvert de réunions d'information des élus municipaux des cantons.

   La question est : la droite va-t-elle récupérer les deux sièges ou un seul ? La logique arithmétique voudrait que la gauche perde tout. Mais, comme de nombreux grands électeurs sont des conseillers municipaux "sans étiquette", il est possible que l'un des deux sortants tire son épingle du jeu. Cela paraît compliqué pour Anne-Marie Escoffier, qui ne sort pas particulièrement grandie de son passage au gouvernement. Peut-être faudrait-il qu'elle laisse la place à quelqu'un de plus jeune, qui n'aura pas peur de cette "mission impossible". Mais il est bien tard pour commencer une campagne...

   Au vu des scrutins qui se sont déroulés en 2014, il y a peut-être de la place pour un sénateur de gauche qui arriverait à recueillir beaucoup de voix auprès des "sans étiquette" du Sud du département. A. Fauconnier y sera en concurrence (notamment) avec Alain Marc, le député réélu en 2012, qui est aussi vice-président du Conseil général (conseiller du canton de Saint-Rome-de-Tarn), président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn... et adjoint au maire d'Ayssènes.

   Ce sera donc cumulard contre cumulard... à ceci près que, s'il est compréhensible qu'un sénateur sortant cherche à se faire réélire (bien qu'il soit très occupé ailleurs...), on a du mal à voir pourquoi un député à peine reconduit cherche à entrer dans la Haute Assemblée. Le duo Luche-Marc a avancé l'idée qu'il fallait deux candidats de poids pour regagner les sièges perdus en 2008 et ainsi faire basculer le Sénat à droite. Tu parles ! Comme s'il n'existait pas d'autre candidat potentiel dans le département ! Et puis, au vu de la lourde défaite de la gauche aux municipales de 2012, il est presque certain (malgré les retouches au mode de scrutin) que la droite va reconquérir la majorité.

   P.S.

   Cette hypocrisie électorale a inspiré un joli dessin à l'un des contributeurs du Nouvel Hebdo paru ce vendredi :

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Merci, Baraqueville !

   Le mois dernier, une consultation a été organisée dans la commune de Baraqueville. A une large majorité, les personnes qui se sont déplacées pour voter ont choisi de ne pas rester dans la communauté d'agglomération du Grand Rodez. C'était d'ailleurs le souhait du nouveau maire, Jacques Barbezange, qui, plusieurs mois auparavant, s'était engagé à consulter la population à ce sujet s'il remportait les élections municipales. Alors, victoire de la démocratie locale ?

   On s'est d'abord demandé pourquoi le maire a organisé une consultation et non pas un référendum local, comme il en avait la possibilité. La principale différence entre les deux est que le résultat du second, quel qu'il soit, s'impose à la mairie qui l'a organisé, alors que la consultation ne débouche que sur un avis, dont le maire peut tenir compte... ou pas.

   Une autre raison tient aux modalités de vote. A l'occasion de la consultation baraquevilloise, il n'a pas été possible de voter par procuration. De plus, d'autres personnes que les électeurs inscrits (des contribuables non électeurs sur la commune) ont pu participer. L'organisation d'un référendum local aurait été plus lourde pour la mairie... et davantage porteuse d'incertitude : si l'on savait par avance que les contribuables non électeurs étaient massivement contre l'adhésion au Grand Rodez, il n'était pas dit qu'une majorité de Baraquevillois serait du même avis. Les résultats l'ont confirmé : 86 % des non électeurs qui se sont exprimés ont choisi la sortie du Grand Rodez, soit 20 points de plus que la proportion d'électeurs. On remarque toutefois que seuls 25 % de ces contribuables ont participé à la consultation.

   On peut aussi penser que, si c'est un référendum qui avait été organisé, il aurait fallu respecter une certaine équité entre les deux camps. Telle n'était peut-être pas l'intention des organisateurs de la consultation. Peu avant le vote, ils ont distribué, dans les boîtes aux lettres de la commune, un fort joli document de 6 pages (en quadrichromie)... que j'ai réussi à me procurer :

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   Au bas de la page 6, il est précisé que "Les frais de réalisation et d'impression sont intégralement pris en charge par les élus". Je crois qu'il faut en conclure que élus de la nouvelle majorité municipale ont financé le document de leur poche et pas sur le budget communal. C'est bien... et c'est tant mieux, parce que, sinon, ce pourrait être un motif d'invalidation.

   La page 2 évoque les conséquences des transferts de compétences... en "oubliant" les subventions votées par le Grand Rodez le 25 février dernier (pages 8-10) : une attribution compensatoire de 265 000 euros et une subvention d'équipement de plus de 530 000 euros.

   La page 3 prête moins à polémique. La fiscalité des deux communautés (celle du Pays baraquevillois et celle du Grand Rodez) est comparée. Les taux cités me semblent justes. Fort logiquement, ils sont plus élevés dans le Grand Rodez (qui donne accès à plus de services), mais l'écart n'est pas grand... sauf pour la cotisation foncière des entreprises, nettement plus lourde dans le Grand Rodez. (Ce fut d'ailleurs l'objet d'une polémique, il y a un an et demi.) On comprend par là quels ont été les soutiens de Jacques Barbezange.

   Après les critiques, le document passe aux propositions. Il promeut un "Grand Ségala", qui s'étendrait à Naucelle, Rieupeyroux voire Calmont. Encore faudrait-il que les autres intercommunalités du Ségala veuillent se joindre à celle du baraquevillois. C'est ici que la question de l'endettement devient cruciale (celui de la commune et celui de la communauté de communes). Jacques Barbezange "oublie" de la mentionner, ce qui lui évite d'avoir à préciser que le Grand Rodez avait décidé, lors de l'adhésion de Baraqueville, de reprendre à son compte la part de la dette (1 million d'euros tout de même) qui incombait à Baraqueville concernant l'aménagement de la zone d'activités du Puech. Ce n'est pas écrit dans le document, mais le Conseil général a promis de mettre la main à la poche... (Il faut dire que celui-ci a reçu davantage de subventions de l'Etat, au titre de la péréquation interdépartementale. Le procédé est quelque peu cavalier, ces sommes n'ayant pas vocation à peser sur la carte des intercommunalités.)

   Concernant le projet de "Grand Ségala", le document n'a pas tort de rappeler qu'en 2012, l'INSEE ne plaçait pas la commune dans le bassin de vie de Rodez. Il faudrait voir ce qu'il en est aujourd'hui, d'autant plus que Baraqueville fait partie de l'aire urbaine de Rodez (qui s'étend sur une quarantaine de communes) : la majorité de ses actifs travaille dans le pôle urbain ruthénois. Il suffit de prendre la RN 88 en direction d'Albi pour s'en rendre compte tous les jours. Il n'en est nullement question dans le document. Le doublement de la RN 88 est présenté comme un futur axe structurant. Attendons de voir le contournement de Baraqueville.

   Le résultat de la consultation est net, puisque les deux tiers des suffrages exprimés (sans prendre en compte les contribuables non électeurs) se sont portés sur le "oui", choisissant de quitter le Grand Rodez. Ceci dit, la participation dépasse à peine 50 %, sans doute en raison de l'appel à l'abstention de l'opposition (qui conteste la validité de la consultation, le délai de deux mois prévu par la loi n'ayant pas été respecté, empêchant une véritable campagne de s'engager). Des quatre bourgs composant la commune, c'est à Baraqueville même qu'on a le moins voté. Mais le "oui" est largement majoritaire partout. En dépit de l'inéquitabilité de la campagne électorale, l'opposition menée par l'ancienne maire a sans doute commis une erreur (selon moi). Si elle et ses partisans avaient appelé à participer et à voter "non", la victoire du "oui" aurait été plus étriquée. (Je ne pense pas que, vu l'ambiance qui régnait depuis plusieurs mois, le "non" ait pu l'emporter.) Il lui aurait certes fallu reconnaître une seconde défaite (après celle des municipales), mais, avec un petit "oui", le maire n'aurait pas eu les coudées franches.

   De mon côté, en tant que contribuable ruthénois, je ne peux que me réjouir de la sortie de Baraqueville du Grand Rodez, peut-être bientôt suivie par Manhac et Camboulazet. Ce sont des charges en moins pour l'agglo, qui en a déjà bien assez à assumer !

vendredi, 11 juillet 2014

Les dessous pas très chics de la construction du musée Soulages

   Le quotidien Midi Libre a réussi un joli coup éditorial en mettant en ligne, dès hier soir (pour les abonnés), un article faisant état d'une enquête sur une fraude dans les marchés de construction du musée ruthénois. Il a été très vite repris par l'agence AFP, puis par Le Monde. A Rodez, il suffisait de ne pas se lever trop tard ce matin pour pouvoir se procurer la version papier.

   On peut commencer par quelques remarques sur la chronologie. D'après l'article, tout a démarré par hasard, en mai 2011. Des écoutes téléphoniques réalisées par la Police judiciaire, sur Bordeaux, font émerger un soupçon d'entente illicite entre des professionnels du bâtiment, dans le cadre dans la construction du musée Soulages.

   Ce n'est qu'en mars 2013 qu'une information judiciaire est ouverte par le procureur de Rodez. Il a fallu presque deux ans... pour réunir un faisceau de présomptions plus important ? En tout cas, on n'apprend la chose qu'en juillet 2014, environ seize mois plus tard. Soit les médias n'étaient pas au courant, et dans ce cas c'est au niveau du Parquet ou du Grand Rodez qu'on a voulu éviter d'ébruiter la chose (dans un article de La Dépêche du Midi, le maire et président de la Communauté d'agglomération Christian Teyssèdre évoque la venue de fonctionnaires du SRPJ de Toulouse en mai 2013). Soit les médias locaux étaient au courant et ils ont "retenu" l'info. Quelle que soit la vérité sur ce point, il est clair qu'on a voulu que l'inauguration du musée ne soit pas "parasitée" par les investigations en cours.

   D'autres interrogations subsistent, concernant l'implication des différents acteurs dans cette affaire. D'après l'article de Midi Libre, dans l'état actuel des choses, seuls des entrepreneurs (pas forcément aveyronnais) sont impliqués. Il s'agirait d'une entente illicite, comme il s'en est déjà produit des dizaines centaines milliers de fois dans le pays. Le but est de contourner la mise en concurrence, qui oblige à serrer les coûts. Il existerait même des logiciels qui permettraient de fabriquer de fausses propositions crédibles... mais légèrement moins bonnes que celle de l'entrepreneur qui a été désigné pour remporter l'appel d'offres. L'entente peut aussi jouer sur un plan vertical, entre, par exemple, un maître d'oeuvre et des sous-traitants, voire entre sous-traitants. C'est ce que l'information judiciaire devra déterminer.

   Il reste la possible implication de politiques. Elle semble pour l'instant exclue. L'article de Midi Libre n'en fait pas mention et C. Teyssèdre affirme que le Grand Rodez n'est pas mis en cause. Le maire de Rodez s'avance peut-être un peu trop quand il déclare que même le personnel de la Communauté d'agglomération n'est pas concerné par l'affaire. C'est à l'enquête de le dire. Il est possible qu'il ait raison. Mais il est aussi possible qu'au moins l'un des entrepreneurs ait eu une "source interne", pas forcément un-e élu-e, mais quelqu'un, travaillant à l'agglo, ayant fourni de précieux renseignements.

   A suivre donc.

 

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Un Lotois dans les Andes

   Ce Lotois était Théodore Ber, né à Figeac en 1820 et mort à Lima (au Pérou) en 1900. Son parcours n'est toutefois pas étranger à l'Aveyron, puisque, quelques années après sa naissance, sa famille s'est installée à Decazeville (où vécut par la suite sa soeur, devenue adulte). Lui même fut, à partir de l'âge de 15 ans, employé dans divers ateliers de mercerie, d'abord à Rodez, puis à Bordeaux, avant de "monter" à Paris.

   Toutes ces informations sont issues d'une passionnante exposition (temporaire) du musée Champollion, à Figeac : "40 ans dans les Andes - L'itinéraire oublié de Théodore Ber". Elle coïncide avec l'édition des mémoires du Lotois, sous la forme d'un assemblage de fragments d'un journal inachevé :

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   Il est fils d'artisan-commerçant. Sur l'acte de naissance, son père est présenté comme "tailleur". On dit aussi qu'il est issu d'une famille de couturiers. Quand ils s'installent à Decazeville, le père ouvre un magasin de confection. (Notons que la -jeune- ville ouvrière n'a pas fait bonne impression sur Théodore, qui l'a plus tard qualifiée de "vilain trou"...)

   C'est lors de son séjour à Paris qu'il se radicalise. On est sous la Monarchie de Juillet et il fréquente des cercles républicains. Il y a aussi de fortes chances qu'il soit devenu franc-maçon. Il est arrêté en 1841, mais vite relâché. En 1845, il participe à la fondation d'un journal, La Fraternité. En 1848, on le retrouve du côté des révolutionnaires les plus actifs. Il devient même chef de barricade. Par la suite, il a été envoyé dans l'Aveyron, comme secrétaire du commissaire du gouvernement. S'est-il présenté aux élections législatives ? On serait tenté de le penser en lisant un article du (formidable) livre de Roger Lajoie-Mazenc Fantassins de la démocratie. Page 99, il y est question d'un Ber (sans prénom), "ouvrier, candidat aux législatives en 1848 (non élu, arrive en 55e position avec 627 voix pour 10 sièges à pourvoir)".

   En 1851, il s'oppose au coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Mais, plus que ses ennuis politiques, ce sont semble-t-il des problèmes conjugaux (il est marié depuis 1847 à une certaine Emilie Fanton) ou des soucis financiers qui le poussent à émigrer. On le retrouve en Amérique du Sud, d'abord au Chili (1860) puis au Pérou (1863). Il y a exercé de nombreux métiers, manuels comme intellectuels. Il a notamment enseigné le français. Il ne rentre en France qu'à la chute du Second Empire. A Paris, il rejoint les Communards et devient le secrétaire de l'une des figures marquantes du mouvement, Charles Delescluze.

   Menacé en raison de ses engagements, il retourne en Amérique du Sud, où sa réputation de Communard finit par le rattraper. N'étant plus employé comme précepteur, il contribue à différents journaux francophones (L'Union nationale, L'Echo du Pérou) et finit par en diriger un (L'Etoile du Sud). C'est à cette époque qu'il commence à se lancer dans des fouilles archéologiques, en amateur. Il va y laisser sa maigre fortune, mais aussi faire de belles découvertes, qui lui valent de faire partie de la délégation du Pérou (curieusement dominée par des Français) au Congrès des Américanistes de 1875, qui se déroule à Nancy. (En 1878, il est même devenu membre de la Société américaniste de France !)

   En 1876, il se lance dans un périple en Bolivie, où il est resté 6 mois, dont 4 à vivre parmi les Indiens, pour lesquels il a pris fait et cause, contre l'exploitation dont ils sont victimes de la part des descendants des colons européens. Il se désintéresse de plus en plus de la France, où il revient pour la dernière fois en 1893.

   Théodore Ber était donc un homme engagé. Il garda ses convictions après s'être installé en Amérique du Sud. Il s'est intéressé au sort des Indiens de la Sierra ainsi qu'à celui des travailleurs chinois (que l'on fait venir au Pérou depuis les années 1840), exploités par leurs employeurs. L'exposition propose plusieurs photographies (surtout des Indiens), prises pendant les fouilles de Ber par un Allemand, à sa demande. Pour la petite histoire, signalons que Ber détestait la tauromachie. C'était aussi un "bon citoyen". Pompier volontaire, il a contribué à éteindre l'incendie qui a frappé la ville portuaire de Callao, bombardée par une escadre espagnole en 1866.

   A quoi ressemblait-il ? Vers la fin de sa vie, à ceci :

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   C'est la personne assise, entre le gouverneur militaire de la région bolivienne où se trouve le site de Tiahuanaco (à proximité du lac Tititcaca) et le curé du village, chez lequel il logeait à l'époque.

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   J'ai aussi souligné Ancon sur la carte ci-dessus, parce que c'est sur ce site péruvien qu'il a fait beaucoup de découvertes. La construction d'un chemin de fer a mis au jour un ancien cimetière. Comme les défunts étaient enterrés avec tous leurs biens, la découverte des tombes a ressuscité toute une civilisation. Voici par exemple un lama tacheté (prêté par le musée du Quai Branly) :

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   Il est caractéristique de la culture Chancay, qui s'est développée entre 1100 et 1450. On a aussi trouvé une étrange pièce de tissu, sans doute originaire d'un royaume chimu du Nord, qui, à l'époque, avait déjà été annexé par les Incas :

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   Impressionnantes sont aussi les momies, enveloppées dans plusieurs couches de tissus. En voici un exemple :

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   En Bolivie, la moisson a été aussi très riche. Le site de Tiahuanaco est plus ancien que celui d'Ancon. Il aurait été peuplé dès le IVe siècle avant JC, l'apogée ayant été atteint entre  les Ve et Xe siècles après JC.  La cité est devenue la plus peuplée d'Amérique du Sud, comptant peut-être 30 000 habitants. Au XIe siècle, elle a soudainement périclité. Ber et son équipe ont notamment trouvé un vase (sans doute un encensoir) à tête de puma :

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   Un peu plus loin, on tombe sur un étrange objet, allongé, sculpté et creux... c'est un inhalateur de drogue !

   De nouvelles découvertes ont été réalisées à l'occasion d'une expédition de 5 ans sur le piémont amazonien, dans la vallée de Chanchamayo, dans la colonie de La Merced (voir la carte du début). Théodore Ber y est toujours révolté par le comportement de certains Européens vis-à-vis des populations andines. C'est aussi l'époque où il exerce à peu près tous les métiers et semble se plaire dans une vie rude et frugale, loin de l'Occident supposé évolué.

   Parmi les pièces visibles dans l'exposition, j'ai aussi remarqué une tête réduite, production des Indiens Shuars, que l'on connaît mieux sous le nom de Jivaros. Le texte d'accompagnement précise qu'à l'origine, il s'agissait pour le vainqueur d'un combat de se protéger de la vengeance du vaincu (de son esprit). Par la suite, ces têtes ont fait l'objet d'un commerce de plus en plus important, ce qui explique que certaines ne soient pas d'origine, mais des "créations" destinées aux voyageurs fortunés...

   Voilà, je n'ai pas tout dit, mais j'espère vous avoir donné envie d'en savoir plus sur ce Lotois au destin peu ordinaire. L'exposition est visible jusqu'au 5 octobre 2014.

mercredi, 02 juillet 2014

L'Aveyron dans la réforme de la carte régionale

   Ce billet s'appuie sur un passionnant article du Monde, de l'excellente rubrique des "Décodeurs". Il y est question de la réforme territoriale proposée par le gouvernement Valls... mais aussi des solutions avancées par les formations politiques plus ou moins en opposition à la majorité actuelle.

   On commence par la carte du projet gouvernemental, qui ferait passer le nombre de régions métropolitaines de 22 à 12 :

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   L'Aveyron, département excentré de Midi-Pyrénées, se retrouverait dans un grand Languedoc en compagnie des voisins lozérien, gardois et héraultais. Ce n'est pas illogique... mais cela met en fureur les Montpelliérains, qui perdraient le chef-lieu, au profit de Toulouse. Pourquoi ne pas avoir plutôt rapproché Midi-Pyrénées de l'Aquitaine ? En raison des équilibres démographiques.

   Comme le rappelait le rapport du Comité Balladur (dès mars 2009), ce n'est pas tant la taille des régions françaises de métropole qui pose problème que leur relative faible population. (Rappelons que la France est -de loin- le pays le plus vaste de l'Union européenne.)

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   Le Comité Balladur avançait l'idée qu'il fallait atteindre les 3-4 millions d'habitants pour (sauf exception liée à une configuration géographique particulière) être visible (et peser) au niveau européen. L'Aquitaine atteint (de justesse) ce seuil, alors que ce n'est le cas ni de Midi-Pyrénées ni surtout de Languedoc-Roussillon. La fusion des deux (peut-être allégée d'un ou deux départements) permettrait d'atteindre 5 millions d'habitants, dans un ensemble pas si incohérent que cela. (Pour les Aveyronnais, c'est une bien meilleure solution que la fusion avec l'Aquitaine qui, si elle aurait préservé le chef-lieu toulousain, aurait accentué la localisation périphérique de notre département.)

   Dans le même ordre d'idée, l'Alsace, trop faible démographiquement, est rapprochée de la Lorraine (elle aussi sous-peuplée), avec une partie de laquelle elle partage une longue histoire commune. Voilà pourquoi d'autres régions comme les deux Normandie, l'Auvergne, le Limousin, la Picardie, la Bourgogne, Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, Centre et le Poitou-Charentes ne peuvent rester en l'état. Il restait les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire, dont la population avait atteint le pallier fatidique. Les rapprocher n'est toutefois pas illogique. Par contre, dans le projet gouvernemental, deux nouvelles régions ont des formes absurdes : l'ensemble Centre-Limousin-Charentes et la Picardie-Champagne. De ce point de vue, le premier projet, que l'hebdomadaire Challenges avait révélé en avril dernier, était plus sage :

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   Notons que, pour l'Aveyron, cela ne changeait rien. Par contre, le grand Sud-Ouest aquitain (peut-être un peu trop vaste) semblait plus cohérent, laissant une région centre-ouest se former aux portes de la Bretagne, agrandie de la Loire-Atlantique. Dans le Nord-Est, la Picardie était rapprochée du Nord-Pas-de-Calais, tandis que la Champagne-Ardenne était ajoutée à l'ensemble alsacien-lorrain. Mais certains barons du P.S. ont visiblement fait pression pour que la carte soit "adaptée". Du coup, les autres partis politiques s'y sont mis. Voici (toujours d'après Le Monde) la carte proposée par les communistes :

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   C'est d'un conservatisme affligeant, la seule retouche concernant les deux Normandie. Il est vrai que le PCF a déjà bien du mal à obtenir des élus dans les conseils régionaux actuels. Cela risquerait d'être encore plus difficile dans des ensembles plus vastes. Les écologistes sont beaucoup moins timides :

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   Il semble qu'ils aient été sensibles à certains aspects "identitaires". Cela donne une très grande disparité territoriale, qui ne tient pas compte des réalités économiques. Cette carte s'appuie aussi sur un non-dit : le rattachement potentiel de portions du territoire français (côtés basque et catalan) à des régions étrangères (espagnoles). Quant à l'Aveyron, il ferait partie d'une grande région toulousaine, aux côtés notamment de la Lozère et de l'Hérault. Ce n'est pas idiot. Je pense par contre que la fusion du Limousin et de l'Auvergne, pour créer une entité identifiée au Massif Central, si elle est séduisante sur le papier, ne serait pas porteuse de dynamisme. De surcroît, l'ensemble pèserait à peine 2 millions d'habitants, ce qui serait insuffisant. On verra plus loin qu'un autre parti propose une solution plus ambitieuse à ce sujet.

   Passons à présent aux radicaux de gauche, dont le projet est mi-chèvre mi-chou :

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   On ne toucherait pas à Midi-Pyrénées, mais l'on garderait les deux anomalies du projet gouvernemental (centre-Charentes et Picardie-Champagne). Bof... Les propositions des centristes de l'U.D.I. paraissent plus audacieuses :

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   Côté positif, on trouve de vastes régions cohérentes, avec une Bretagne élargie, un Nord étendu vers le sud-est, une grande Alsace-Lorraine, un territoire construit autour de l'axe Saône-Rhône et une zone méditerranéenne concentrée sur les départements littoraux.

   Côté négatif, il y a ce gigantesque Sud-Ouest bordelo-toulousain, qui s'arrêterait aux portes de l'Aveyron, rattaché à une espèce de Massif Central sans les "poignées d'amour", organisé selon un axe nord-sud. Enfin, ce projet créerait une vaste région parisienne, qui écraserait encore plus le pays que l'actuelle Ile-de-France.

   Quant à l'UMP, il se borne à envisager une fusion Alsace-Lorraine :

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   Pourquoi soutiendrait-il la diminution du nombre de régions, alors qu'il pense que les élections de 2015 vont lui permettre de prendre le contrôle de presque la totalité d'entre elles ? C'est un calcul politique à courte vue. Le niveau de réflexion est encore plus faible avec le Front national, qui prône la disparition des régions :

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   L'actuel projet gouvernemental est imparfait. Le précédent (celui de mars-avril) paraissait plus abouti. C'est plutôt sur cette base (avec certains apports de l'U.D.I.) qu'il faudrait réfléchir pour refondre la carte régionale de la France métropolitaine.

mercredi, 25 juin 2014

Orthographe journalistique

   Les journaux se plaignent de perdre des lecteurs. Je le regrette tout comme eux, mais encore faudrait-il que les articles soient correctement rédigés. Régulièrement, les quotidiens et hebdomadaires aveyronnais me font penser que le français n'est plus la "langue de Molière", mais plutôt celle de Nabilla Benattia.

   La Dépêche du Midi de ce mercredi en est l'illustration. L'exemple le plus flagrant en est l'article consacré à la manifestation d'agriculteurs devant la préfecture, annoncé dans le déroulé du site internet avec deux "héneaurmes"  fautes :

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   Bien entendu, il aurait fallu écrire : "On n'en peut plus !"

   Dans un premier temps, on se dit que c'est une coquille due à l'inattention ou la fatigue mais, quand on accède à l'article, on constate dès le titre que ce n'est pas une simple étourderie :

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   On en a la confirmation à la lecture du corps du texte :

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   Le même auteur (J.-L. P.) se fait remarquer par sa maîtrise approximative de la langue (ou son manque de rigueur dans la relecture) à d'autres occasions, notamment dans l'article consacré à la candidature de Jean-Louis Grimal aux sénatoriales :

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   Sur le fond, les observateurs avisés auront remarqué que la refonte de la carte cantonale a des conséquences insoupçonnées, en particulier sur la course aux sénatoriales. Ainsi, il n'est pas étonnant que le cumulard conseiller général de Salles-Curan se présente : la nouvelle carte fusionne son territoire d'élection avec les cantons de Vezins-de-Lévézou (dont l'élu est Arnaud Viala, entre autres vice-président du Conseil général) et de Saint-Rome-de-Tarn (dont l'élu est Alain Marc, député et lui aussi vice-président du Conseil général). Comme tout ce beau monde fait partie de la majorité départementale, on a compris qu'en 2015, parité oblige, il risquait d'y avoir deux morts et un miraculé à l'issue des élections départementales. Voilà donc Jean-Louis Grimal qui sort du bois, suivi bientôt dit-on par Alain Marc lui-même (qui sent peut-être que sa circonscription de député n'est plus aussi sûre qu'auparavant)... voire par Arnaud Viala, à qui l'on prête aussi des ambitions sur le Conseil général...

   ... à condition que l'actuel président s'en désengage. Il semble bien que, depuis plusieurs mois, Jean-Claude Luche mène, aux frais des contribuables, une campagne sénatoriale qui ne dit pas son nom. Elu du canton de Saint-Geniez-d'Olt, il voit celui-ci fusionné avec celui de Laissac et une partie de celui d'Espalion. Nous revoilà avec trois élus de la majorité départementale (J-C Luche, Jean-Paul Peyrac et Simone Anglade) pour cette fois-ci deux places en 2015, puisqu'il sera possible de former un "ticket" Peyrac-Anglade, si celle-ci souhaite se représenter et si elle choisit le nouveau canton "Lot et Palanges" plutôt que "Lot et Truyère" (auquel a été attribuée l'autre partie de son actuelle circonscription et notamment la commune d'Espalion).

   Ces considérations, qui éclaireraient les lecteurs de La Dépêche, sont malheureusement absentes de l'article. On se contentera de regretter que, dans un autre papier du même auteur (qui se contente de relayer la bonne parole de la "majorité départementale"), on retrouve une nouvelle coquille énorme :

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   Vive la presse libre... et alphabétisée !

vendredi, 13 juin 2014

Il voulait devenir maire de Rodez

   Il va bien entendu être question de Christian Teyssèdre, auquel le journaliste Gérard Galtier consacre un livre, qui n'est pas une biographie au sens strict, plutôt le récit (nourri d'anecdotes) d'un parcours atypique :

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   Soyons clairs : si le bouquin contient, ici ou là, quelques critiques à l'égard de celui qui vient de se faire réélire maire de Rodez, le propos est globalement en empathie avec le personnage. Je pense que les deux hommes ont quelques points communs, notamment celui d'être, chacun dans leur domaine, des francs-tireurs.

   Christian Teyssèdre est un enfant du Faubourg, quartier moins bourgeois et plus frondeur que le sommet du chef-lieu aveyronnais. (Rappelons que Gérard Galtier s'y est présenté aux élections cantonales en 2011 et qu'il y a résidé, comme il l'avait précisé en réponse à l'un de mes billets.) A ceux qui ne le connaîtraient pas, le journaliste évoque l'épisode de la commune libre du Faubourg, dans les années 1930.

   Les amateurs de détails biographiques apprendront avec plaisir que le futur maire du Piton a effectué son service militaire dans l'infanterie de Marine (en tant qu'infirmier) et que, s'il a bien été reçu au concours d'entrée à EDF, il avait aussi réussi celui d'inspecteur de police !

   Le passage par EDF a visiblement joué un rôle non négligeable dans la carrière de Christian Teyssèdre. Il y a fait quelques rencontres (notamment celle d'Anne-Christine Her, aujourd'hui neuvième adjointe au maire), s'y est investi dans le travail syndical (à la CFDT)... et s'y est visiblement ennuyé, ce qui l'a peut-être poussé à s'engager en politique.

   Gérard Galtier s'attarde un peu plus sur les premiers pas du futur maire. Il a rejoint le PS, où il fait un peu tache. La plume se fait ici acerbe vis-à-vis de ces notables de gauche qui se sont très bien accommodés de la droite pendant des années, à Rodez et dans le reste de l'Aveyron. Il m'a semblé percevoir un poil de rage dans l'écriture de cette partie. L'auteur s'est longtemps battu contre l'ancien président du Conseil général, Jean Puech, qui, selon certains observateurs, a maintenu le département sous cloche (et sous son contrôle) pendant trois décennies.

   Mais c'est un autre élu de la "Majorité départementale" qui hérite nominalement de ses piques : Michel Astoul, qui fut l'adjoint de Marc Censi de 1989 à 2008. Gérard Galtier brosse un rapide portrait du cumulard, qui ne se représente pas sur le canton de Rodez-Est en 1998, où Christian Teyssèdre décide de se lancer.

   Les péripéties de la campagne sont contées par le menu détail, jusqu'aux recours en justice. Battu au second tour de seulement trente voix, le candidat socialiste a estimé que le journal de campagne distribué juste avant le premier tour de l'élection enfreignait le code électoral. C'est allé jusqu'au Conseil d'Etat, dont la décision, si elle déboute Christian Teyssèdre, reconnaît que la distribution du journal violait le code électoral, mais qu'elle ne suffit pas à expliquer la défaite du socialiste, pourtant de seulement trente voix ! Si on lit entre les lignes, le texte semble dire que la requête de Christian Teyssèdre aurait pu aboutir s'il l'avait présentée autrement.

   Ceci dit, cette affaire ne fut qu'une étape dans l'ascension politique du futur maire de Rodez. Son concurrent victorieux, Dominique Costes, n'a pas longtemps profité du mandat, puisqu'il a été battu en 2004 et qu'il a échoué aux municipales suivantes. Aujourd'hui recasé à la CCI, aux côtés de Manuel Cantos, il continue à faire de la politique (selon les mauvaises langues), mais de manière plus subreptice.

   La suite du livre de Gérard Galtier nous mène aux municipales de 2008 et à la victoire pas si surprenante que cela de la liste d'union de la gauche, dès le premier tour. L'auteur rappelle en effet qu'en janvier 2008, un sondage de l'IFOP avait donné la liste Teyssèdre en tête du premier tour... avec 51 % des voix. (En mars suivant, elle a finalement recueilli 52,5 % des suffrages exprimés.)

   Le livre décevra ceux qui s'attendaient à ce qu'il règle quelques comptes post-2014. (Il contient juste une phrase, en fin de volume.) Son propos s'arrête au début du premier mandat. Mais nul doute que, si le maire n'avait pas été reconduit cette année, la conclusion aurait été différente.

lundi, 02 juin 2014

Insécurité et propagande à Toulouse

   Ce matin, comme pas mal de lecteurs, j'ai été quelque peu interloqué par un article de La Dépêche du Midi intitulé : "Deux étudiantes volées et agressées à la sortie d'une boîte de nuit". Ce n'est pas tant le fond (hélas assez courant dans la Ville rose) que la forme qui m'a interpellé. Regardons la photographie qui illustre l'article :

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   Elle n'a évidemment pas été prise sur le fait. Mais entre le moment de l'agression (le samedi) et celui de la mise en page de l'article (le dimanche), il y a eu suffisamment de temps pour réaliser un document d'illustration, comme il est précisé au bas de la photographie.

   On a donc choisi de représenter les deux étudiantes agressées comme deux bourgeoises... et l'agresseur comme un jeune homme à capuche, visiblement d'origine africaine. Or, l'article ne dit rien du physique des deux agresseurs, qui avaient le visage masqué. Soit les deux jeunes femmes ont quand même pu donner un début de description (et l'article ne le dit pas), soit c'est une extrapolation pure et simple.

   Ce nouveau fait divers s'insère dans la polémique sur la police municipale toulousaine. La sécurité fut l'un des sujets "chauds" de la récente campagne des municipales. Le candidat vainqueur, Jean-Luc Moudenc, en avait fait l'un de ses principaux arguments :

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   Dans son document de campagne, il compare le nombre de caméras de vidéosurveillance dans plusieurs grandes villes (dont Toulouse). Mais c'est sur le nombre de policiers municipaux (non cité dans le document) qu'a porté la polémique... encore aujourd'hui.

   En avril dernier, le nouvel adjoint à la sécurité, dans un article de La Dépêche du Midi, a avancé des chiffres qui sont depuis régulièrement repris... y compris par La Dépêche elle-même, il y a moins de trois semaines. (Comme le même chiffre a été cité dans deux articles différents, j'écarte la possible erreur de virgule d'un journaliste.)

   Refaisons les calculs. Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirment les élus de la nouvelle majorité toulousaine, ce n'est 160 mais 175 agents que compte la police municipale à la fin de l'ère Cohen, aussi bien d'après La Gazette des communes que les statistiques gouvernementales.

   Si l'on divise par la population municipale de Toulouse en 2011 (qui est la population légale de 2014, selon l'INSEE), soit 447 340 habitants, on obtient 0,000 39 policier par habitant, soit 0,039 pour 100 habitants... ou 0,39 pour 1 000... ou 3,9 pour 10 000. C'est là qu'intervient l'erreur (involontaire ?). Le nouvel adjoint à la sécurité de Toulouse compare le nombre de policiers municipaux de Toulouse pour 1 000 habitants à celui de Lyon... pour 10 000.

   En effet, à la même date, la commune de Lyon comptait 326 policiers municipaux, pour une population municipale de 491 268 habitants. Cela nous donne un ratio de 0,000 66... soit 0,66 policier pour 1 000 habitants... et 6,6 pour 10 000.

   Dans le doute, faisons la même opération pour Montpellier. Elle comptait 130 policiers municipaux pour 264 538 habitants. Cela nous donne 0,000 49... soit 0,49 pour 1 000 et 4,9 pour 10 000.

   Conclusion : Olivier Arsac a cité des chiffres qui font apparaître exagérément faible le ratio de policiers municipaux à Toulouse par rapport aux autres grandes villes. Ainsi, l'écart entre Toulouse et Lyon n'est pas de 0,47 à 6 (une différence de 1 à 14 !), mais de 3,9 à 6,6 (une différence de 1 à 1,7 !).

   Signalons que cet écart (beaucoup plus faible en réalité que ce qui a été colporté dans les médias) n'est pas né de la gestion Cohen. On peut le constater à la lecture d'un rapport d'information sénatorial de 1998, dans lequel on peut trouver le tableau suivant :

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   A l'époque où feu Dominique Baudis officiait à la mairie, la police municipale comptait deux fois moins de personnel et le nombre d'agents pour 1 000 habitants était presque deux fois plus faible que sous Pierre Cohen. De plus, si l'on compare les ratios de Lyon et de Toulouse, on constate que l'écart (de 1 à 2,4) était plus important qu'en 2012. On peut faire la même remarque en comparant les ratios de Montpellier et Toulouse : l'écart était plus important en 1998 (1 pour 1,66) qu'en 2012 (1 pour 1,26).

   Même si, sous le mandat de Pierre Cohen, le centre-ville de Toulouse a souffert (et continue à souffrir) d'une indéniable insécurité nocturne, on ne peut pas l'expliquer par la politique d'embauche ou de non-embauche de policiers municipaux. La crise économique est passée par là, ainsi que la réduction des effectifs de la police nationale. (Merci, Chirac et Sarkozy !) On pourrait aussi longtemps causer de l'incivilité de nombre de jeunes adultes... Mais le choix de la municipalité Cohen de ne plus faire intervenir la police municipale la nuit (estimant que les missions accomplies à cette période sont du ressort de la police nationale) lui a sans doute coûté cher en mars dernier.

dimanche, 25 mai 2014

Les Européens selon "Le Monde"

   Le quotidien "de référence" a justifié sa réputation ces dernières semaines, offrant à ses lecteurs une bonne couverture de la campagne des élections européennes et proposant une foule d'articles très utiles pour en comprendre les enjeux, aussi bien dans la rubrique "Europe" que dans la chronique des désormais incontournables "Décodeurs".

   Samedi, c'est un diaporama comparatif consacré aux populations des 28 pays membres qui a attiré mon attention. La deuxième diapositive traite de l'espérance de vie en bonne santé (à distinguer de l'espérance de vie tout court) :

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   Avec 62,6 ans, la France se situe dans le haut du panier, assez loin toutefois de Malte et de la Suède, mais au-dessus de la moyenne communautaire et même très au-dessus des pays baltes, de la Slovaquie et de la Slovénie.

   Ces chiffres sont toutefois à comparer avec ceux de l'espérance de vie à la naissance, qui est comprise entre 81 et 82 ans pour les Français (presque 79 ans pour les hommes et un peu moins de 86 ans pour les femmes). Vous en concluez comme moi que les 20 dernières années de la vie sont placées sous le signe de la maladie... 

   La troisième diapositive évoque la taille des Européens. Sans surprise, on lit que ceux du Sud sont plutôt petits, alors que ceux du Nord sont plutôt grands. Les Français (si l'on se fie à une étude de l'Institut français du textile) se trouvent entre les deux, autour de 170 cm de moyenne (hommes et femmes confondus).

   De la taille on passe au poids. De manière générale, c'est dans les pays d'Europe de l'Est et quelques-uns du Sud que le pourcentage d'obèses est le plus élevé. S'ajoute le Royaume-Uni, sorte d'enclave états-unienne au sein de l'Union européenne. Les Français s'en sortent très bien. Je suis par contre étonné que la proportion d'obèses soit plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Cela semble contredire une étude de l'INED, qui montre que l'IMC des Françaises est plus bas que celui des Français. Les deux informations sont conciliables si, dans la population féminine, il y a peu de personnes avec un IMC moyen et beaucoup aux extrêmes.

   La quatrième diapositive traite du prix du paquet de cigarettes. On ne sera pas étonné de découvrir que c'est dans les pays de l'Est qu'il est le plus bas :

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   On pourrait être tenté de conclure que, dans les pays où le prix du paquet est élevé, l'espérance de vie en bonne santé est plus grande (et vice versa). Mais la Suède et Malte déjouent les statistiques. Un seul élément ne suffit pas à expliquer les écarts.

   Parmi les diapositives qui ont particulièrement retenu mon attention, il y a celle des productions agricoles :

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   Les lecteurs français seront peut-être surpris d'apprendre que l'Allemagne est le premier producteur de lait de vache et le Royaume-Uni celui de coquilles Saint-Jacques. Si les Polonais ont la patate, la situation des Grecs est plutôt "coton", alors que les Italiens font un tabac. Certains se réjouiront que les Allemands soient, une fois n'est pas coutume, dans les choux et, si les Français se font un max de blé, ce sont les Espagnols qui ont la pêche.

   Enfin, pour tordre le cou à quelques idées reçues, je conseille les neuvième et dixième diapositives. La première montre clairement que c'est dans les pays les plus pauvres de l'Union que le pourcentage de propriétaires est le plus élevé :

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   L'Espagne, outre le fait qu'elle connaisse une crise grave, paie les politiques à courte vue de ses dirigeants (de gauche comme de droite), qui ont tout misé sur l'essor du BTP et l'accession à la propriété. On note que le pourcentage de propriétaires est le plus faible dans les pays les plus développés de l'Union. Eh, oui : l'argent engagé dans l'accession à la propriété, s'il renforce la bonne santé d'un secteur de l'économie, manque aux autres et ampute sévèrement la consommation intérieure.

   Le second document est un histogramme des jours de congés annuels. On ne peut en tirer aucune conclusion définitive, et c'est ça qui est surprenant :

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   Ainsi, dans les pays les plus "paresseux", on trouve aussi bien des économies en bonne santé (comme celles de l'Autriche ou de la Suède) et des économies en crise (celles de la Grèce et de l'Espagne). A l'opposé du classement, parmi les moins "paresseux", on trouve aussi bien l'Allemagne et la Belgique que la Roumanie et la Lettonie. C'est un petit pavé dans la mare des spécialistes autodéclarés qui ne jurent que par la suppression de jours de congé pour augmenter la productivité du travail.

samedi, 24 mai 2014

Hold-up à Bruxelles

   Tel est le titre du dernier livre corédigé par José Bové et Gilles Luneau et sorti en librairie en février dernier :

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   Je ne suis pas particulièrement fan du député européen, mais j'apprécie son côté "fouteur de merde", parce qu'il veut faire avancer les choses (ce qui n'est pas le cas de tous ceux qui s'agitent devant les photographes et les caméras). Ce livre-là m'a d'autant plus intéressé qu'il n'est pas un simple plaidoyer pro domo d'un député sortant sollicitant à nouveau les suffrages des électeurs. En décrivant de l'intérieur le fonctionnement de la machine institutionnelle communautaire, il fait oeuvre civique.

   Au coeur du premier chapitre ("Les agents doubles des biotechnologies") se trouve l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Il est beaucoup question des conflits d'intérêts qui ont faussé les avis rendus par cette institution, et de son ancienne présidente, Diana Banati. L'affaire de la pomme de terre transgénique Amflora a cristallisé les oppositions. Le duo Bové-Luneau raconte la découverte de sa malhonnêteté et le processus qui va aboutir à son éviction à la manière d'un roman policier. On y découvre le rôle trouble d'un drôle d'institut, l'Ilsi (International Life Sciences Institute), inconnu du grand public alors qu'il est le plus important groupe de pression agro-industriel du monde.

   Le chapitre 2 ("Le plan fumeux du lobby du tabac") nous fait toucher du doigt l'importance du lobbying au sein des institutions bruxelloises. Cette fois-ci, on a l'impression de se retrouver dans un mauvais roman d'espionnage, qui voit un commissaire européen, John Dalli, être la cible d'un double complot, un mené par Philip Morris International (le célèbre cigarettier, bénéficiant de complicités au sein des institutions européennes), l'autre par des rivaux maltais de l'homme politique. Le plus cocasse dans l'histoire est que c'est un sujet en apparence anodin, le snus (du tabac à priser), qui a déclenché la tourmente. Bové se dépeint presque en Don Quichotte de la transparence face aux moulins à vent de l'industrie. Le récit n'en est pas moins passionnant. On y découvre un président de la Commission (José Manuel Barroso) au mieux incompétent, au pire manipulateur, et des hauts fonctionnaires européens adeptes du pantouflage et du mélange des genres.

   Avec le troisième chapitre ("Une PAC sous influence"), on entre dans le coeur de compétence du député, l'agriculture et le vote par le Parlement européen des orientations agricoles pour cinq ans. On découvre les méandres du travail en commission et les débats suscités, par exemple, par la volonté de limiter les subventions aux exploitations. Bové y raconte ses espoirs et sa déception. Au départ, il avait l'ambition de limiter à 100 000 euros (ce qui était déjà une très belle somme) les versements aux exploitations. Cela permettait de récupérer des milliards d'euros, destinés à bénéficier aux exploitations de taille plus modeste et à financer le développement rural. Il s'est vite rendu compte que sa proposition n'avait aucune chance de passer. Il trouvait que 300 000 euros étaient une limite trop haute. Il pensait transiger à 200 000 (l'équivalent de plus de 16 000 euros par mois !), mais une courte majorité a finalement préféré la proposition de la Commission Barroso. Les votes des députés allemands et français sont commentés.

   Bové signale au passage l'incohérence du Front national, qui prétend défendre les exploitants modestes, et dont les deux députés présents (B. Gollnisch et J-M Le Pen) ont voté contre le plafonnement. Quant à Marine elle était, ce jour-là comme tant d'autres, absente de l'hémicycle. En voilà une autre que nos impôts paient à ne rien faire...

   Le chapitre suivant ("Insecticides : le goût de la victoire") est l'occasion de se regonfler le moral. Mais ce ne fut pas sans mal. Les auteurs y dénoncent les méthodes de voyous employés par certains grands groupes agrochimiques (bien aidés par les partisans de l'agriculture intensive...). Cette fois-ci,  le "bien" a triomphé du "mal".

   Plus inattendu est le chapitre consacré au Maroc ("Le Maroc, banc d'essai européen du libre-échange"). A la lecture, on comprend que Bové, qui sentait qu'on lui avait tendu un piège en lui confiant la rédaction d'un rapport sur les relations commerciales (agricoles) entre l'Union européenne et le Maroc, a pris plaisir à jouer l'empêcheur de tourner en rond, mettant sur la sellette la question du Sahara occidental, dont personne ne voulait entendre parler. C'est savoureux mais aussi instructif sur le comportement prédateur de certains Européens et Marocains, qui ne visent que l'enrichissement d'une minorité, au détriment de la masse des agriculteurs des deux pays. Les auteurs relient aussi le projet d'accord UE-Maroc aux politiques libérales soutenues par différentes institutions internationales (OCDE, FMI...). (Pour un point de vue totalement différent, vous pouvez écouter un sujet diffusé sur RFI, qui présente la coopération économique franco-marocaine uniquement sous un jour favorable.)

   Dans le chapitre 6 ("La bataille du gaz de schiste, ou comment garder le pouvoir sur son cadre de vie"), les lecteurs qui ont suivi cette affaire n'apprendront pas grand chose, à part sur le contexte polonais, avec des témoignages touchants. Bové et Luneau ont l'honnêteté de préciser que, pour les Polonais, s'émanciper du fournisseur russe est un enjeu important. Mais de là à accepter le saccage de l'environnement...

   Le septième chapitre ("La grande bataille du libre-échange avec l'Amérique du Nord") aborde un sujet qui défraie la chronique, celui du projet de traité entre l'Union européenne et les Etats-Unis, négocié par la Commission européenne dans une relative opacité. (Décidément, vivement que Barroso "dégage" !) Bové et Luneau relient ce projet aux négociations commerciales déjà engagées avec le Canada, qui pourraient servir de modèle. Le prochain Parlement européen aura à se prononcer dessus. D'où l'importance des élections de ce dimanche 25 mai.

   Le livre s'achève sur des propositions ("Refonder l'Europe"), organisées selon trois axes. Bové prône la constitution de listes paneuropéennes, pour une partie des députés. Il souhaiterait augmenter les ressources propres de l'Union, sans recourir aux dotations des pays membres. Une taxe sur les transactions financières lui paraît appropriée. Enfin, contre les politiques de rigueur, il en appelle à la relance économique.

   Il reste à savoir si les élections de dimanche vont donner naissance à une majorité sensible à ces propositions.

jeudi, 22 mai 2014

Nicolas Sarkozy, l'Europe... et (surtout) la France

   L'ancien président de la République semble, depuis sa semi-retraite, affectionner les petits coups médiatiques. Il y a deux mois, en pleine campagne des municipales, il s'était "invité" dans Le Figaro, surtout pour répondre aux attaques d'ordre judiciaire. Cette fois-ci, dans Le Point, s'il profite de la campagne des élections européennes, c'est pour aborder le sujet de fond.

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   La photographie qui illustre la couverture est reproduite en pages intérieures. On y remarque un Nicolas Sarkozy serein, le visage marqué par une barbe de deux jours... C'est son côté rebelle ! Plus loin dans l'article, une autre photographie le montre en plein mouvement, à peine sorti d'un véhicule :

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   L'hyperactif ex-président est montré tenant nonchalamment deux téléphones en main, souriant, sans cravate et le ventre bien rentré. Conclusion : Nico tient la forme !

   La tribune commence par une phrase qui semblera familière à beaucoup : "D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti viscéralement français." C'est la première partie qui me disait quelque chose. Une mienne connaissance m'a signalé une chanson de Jean-Jacques Goldman, Ton Autre Chemin, qui commence de la même manière. Mais le thème de la chanson me paraît trop éloigné de celui de la tribune.

   Et puis... je me suis enfin rappelé qu'une autre chanson, de Barbara, démarre de façon similaire : "Du plus loin que me revienne - L'ombre de mes amours lointaines". Il s'agit de Ma plus belle histoire d'amour, qui se conclut par "C'est vous".

   Mais les cinéphiles m'en voudraient de ne pas citer ce qui pourrait bien être la source (inconsciente ?) de Nicolas Sarkozy, à savoir un film de Martin Scorsese, Les Affranchis, dans lequel l'un des personnages déclare : "Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être un gangster."

   Que déduire de cela ? Que cette tribune, au-delà du thème affiché (la construction européenne), est un cri d'amour lancé par l'ancien bad boy de la politique hexagonale à l'électorat français ? Poursuivons la lecture pour en avoir le coeur net.

   Si le premier paragraphe exprime l'attachement profond de N. Sarkozy à la France et à l'Europe, il est curieux qu'il n'y soit fait aucune mention de l'origine hongroise de son père, par exemple. De par l'histoire de sa famille, l'ancien président est un incontestable produit de l'Europe. Mais la référence à un passé migratoire a peut-être semblé inopportune, surtout vu ce qu'il avait l'intention d'écrire sur Schengen.

   La suite rappelle ce que certains lecteurs de France et d'ailleurs ont peut-être oublié, à savoir que la construction européenne a garanti au continent des décennies de paix, en se fondant sur la réconciliation d'ennemis dits héréditaires, la France et l'Allemagne. Au passage, les relectures successives (évoquées dans un autre article du Point, qui raconte la gestation du coup médiatique) ont laissé passer une bourde historique : "Rien qu'avec nos voisins allemands, nous nous sommes régulièrement combattus tous les trente ans, et ce depuis la bagatelle de trois siècles !" Voyons voir... J'ai eu beau chercher sur la page wikipedia consacrée aux guerres ayant impliqué la France, même en tenant compte de la division du territoire allemand en une kyrielle de principautés, je ne suis pas arrivé à trouver un affrontement franco-germanique tous les trente ans. La plume du nègre du président aura sans doute dérapé...

   Pour revenir à la construction européenne, presque deux semaines après le 9 mai, il n'aurait pas été incongru que Nicolas Sarkzoy tire un coup de chapeau à d'illustres aînés comme Jean Monnet ou Robert Schuman. Mais, compte tenu de ce qu'il avait l'intention d'écrire sur le fonctionnement de l'Union européenne, cela a sans doute semblé inopportun.

   La prose (ex)présidentielle se veut pédagogique quand elle évoque les conflits qui ensanglantent les territoires (en rouge) se trouvant aux portes de l'Union (en bleu) et les menaces qui en découlent :

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   On notera que si N. Sarkozy cite l'Afrique du Nord, la Turquie, la Syrie et l'Ukraine, il omet de parler de la Russie, principal élément perturbateur en Europe de l'Est. Quant à la liste des dangers, si elle évoque la faillite des Etats, les trafics et le terrorisme, elle omet d'évoquer explicitement l'intégrisme religieux... tout comme la financiarisation de l'économie. Il est certains lecteurs que l'ancien président n'a visiblement pas envie d'offusquer.

   Sans surprise, N. Sarkozy se félicite que le fonctionnement de l'Union européenne bride les envies de changement de certains de ses adversaires politiques, qu'il ne nomme pas (mais on comprend de qui il s'agit). On remarque aussi un gros appel du pied à la droite souverainiste, qu'il s'agit d'empêcher de céder à la tentation du Front national :

"[...] il y eu et il y a encore des contresens et des erreurs qui sont commis par ceux qui font de l'Europe une nouvelle idéologie et qui voudraient qu'il y ait les intelligents d'un côté -comprenez les Européens (comprenons les fédéralistes)- et les populistes bornés de l'autre -comprenez les souverainistes. Ce clivage est absurde [...], il nous faut reconnaître, et surtout corriger, les graves erreurs qui furent commises au nom d'une pensée unique de plus en plus insupportable aux oreilles d'un nombre de Français chaque jour grandissant."

   Je dois dire que j'ai été quelque peu interloqué de lire sous la plume de l'ancien président une dénonciation de la "pensée unique", même s'il y a en la matière sans doute un détournement de sens.

   Juste après, il prend le temps de défendre la candidature à l'Académie française d'Alain Finkielkraut. C'est curieux. Même si celle-ci a suscité une assez forte opposition, elle n'a pas empêché ce médiatique imprécateur de rejoindre les Immortels. C'est là encore un signe envoyé, cette fois-ci aux "républicains", aux anciens souverainistes de gauche et à tous ceux qui estiment que la France est en déclin.

   Dans la foulée, il s'en prend aux accords de Schengen, qu'il accuse à demi-mots d'être responsables de l'immigration incontrôlée qui se jette aux portes de l'Union. Cette fois-ci, le message est clairement adressé à l'électorat UMP qui serait tenté par le Front national. La parution de cette tribune aurait été souhaitée par les dirigeants de ce parti, pour mobiliser les troupes et tenter d'éviter un éventuel succès du mouvement frontiste aux élections européennes, comme les sondages l'annoncent.

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   Mais, au-delà de la politique politicienne, ce sont les propositions de Nicolas Sarkozy qui méritent l'attention. Il demande un renforcement de l'axe franco-allemand, en particulier sur le plan économique. Il propose (il n'est pas le premier) que l'on cesse de vouloir tout fait à 28 et que les pays de la zone euro accentuent leur intégration... sous la houlette des "poids lourds" de l'Union. Une pointe de gaullisme surgit quand il réclame de renationaliser certaines compétences, pour concentrer le travail communautaire sur un petit nombre de sujets vitaux : l'industrie, l'agriculture, le commerce, l'énergie, la recherche. D'un autre côté, les fédéralistes apprécieront que l'ancien président souhaite confier un rôle plus important en matière législative au Parlement... en rognant sur les pouvoirs de la Commission. Comme on le voit, il y a matière à débat.

   P.S.

   Dans ce numéro du Point, l'éditorial de Franz-Olivier Giesbert est consacré à l'Europe. Voici ce qu'on peut y lire, dans l'un des derniers paragraphes :

Victor Hugo, notre génie national, a écrit dans un drame romantique, Les Burgraves : "Il y a aujourd'hui une nationalité européenne comme il y avait au temps d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide une nationalité grecque." C'est tout aussi vrai aujourd'hui, au temps de Günter Grass, Yasmina Reza, Michel Tournier et Umberto Eco, qui, de notre Vieux Continent, s'adressent au monde entier. Sans parler d'Airbus, de Soulages et de Daft Punk. (C'est moi qui souligne.)

   Dommage. La chute casse tout l'effet.