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dimanche, 29 juin 2014

The Rover

   Ce "vagabond" est Eric, un homme qui semble avoir (presque) tout perdu, dans une Australie devenue une jungle sans pitié. Au mitan de sa vie, il est seul, sans travail, avec peu d'argent... et on lui pique sa bagnole ! Il décide de tout faire pour la récupérer.

   On se demande pourquoi cet acharnement. Après tout, il a mis la main sur le pick-up des voyous. Il pourrait s'en contenter, d'autant plus que sa caisse n'est pas une voiture de luxe. On se demande ce qu'elle peut bien avoir de si important pour lui (on ne le découvre vraiment qu'à la fin du film). Après tout, c'est peut-être la poursuite qui le motive. Elle donne un sens à sa vie, qui n'en a plus depuis de récents événements qui ne nous sont contés que plus tard.

   C'est à la fois hyper-violent et drôle. L'humour ne réside toutefois pas dans les scènes d'affrontement armé, mais dans la confrontation des caractères. Les personnages (majoritairement des hommes) ont des "tronches" et, face à eux, le héros se révèle en général mutique, ce qui crée des situations embarrassantes.

   Guy Pearce (un habitué des seconds rôles, vu dans Iron Man 3, Prometheus, Le Discours d'un roi et Démineurs) est excellent en homme mûr taiseux, violent et désespéré. Dans son périple, il s'attache un drôle de compagnon : le frère cadet de l'un des braqueurs (Robert Pattinson -récemment aperçu dans Maps to the stars- pas mal, bien qu'un peu caricatural), jeune homme immature, surtout en quête d'un protecteur, au fond.

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   En cours de route, le héros rencontre un nain trafiquant, de vieux commerçants âpres au gain, un médecin très méfiant, une hôtelière maladroite, une mère maquerelle et des militaires pointilleux mais imprudents. Cela contribue à créer une sorte de tableau impressionniste de la société de ce coin perdu de l'Australie méridionale, pas franchement joyeux.

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   C'est remarquablement réalisé. Un grand soin a été apporté à la construction des plans. On ne met pas n'importe quoi dans le cadre. C'est aussi parfois très joli à regarder : j'ai encore en mémoire deux très belles scènes, l'une qui voit le héros rouler dans une zone désertique, au crépuscule, l'autre qui montre le duo au réveil, à l'aube, dans un coin paumé. La photographie est très belle, avec des teintes ocres et bleutées.

   Ce n'est pas le film du siècle, mais une découverte à faire. Je pense qu'on reparlera du réalisateur, David Michôd.

11:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 28 juin 2014

Black Coal

   Ce polar chinois a reçu l'Ours d'or cette année, au festival de Berlin. Plusieurs assassinats sont au coeur de l'intrigue. Ils ont eu lieu à cinq ans d'écart, en 1999 et 2004. A chaque fois, des morceaux du corps de la victime ont été retrouvés en plusieurs endroits (liés à l'exploitation du charbon).

   La première partie du film présente le héros, policier sûr de lui en 1999, qui va perdre sa femme, plusieurs de ses collègues-amis... et son boulot. Cette enquête non résolue a provoqué sa déchéance, mais, cinq ans plus tard, il va tenter d'aller au bout, à l'aide d'anciens collègues, restés dans la police.

   Sur son chemin, il retrouve la veuve de la première victime, dont il finit par découvrir qu'elle est liée à chaque personne assassinée. Le tout est de découvrir pourquoi.

   L'intrigue est assez complexe... mais le public européen fan de séries policières ne sera pas dérouté. Il faut du temps pour en démêler tous les fils... et c'est assez surprenant. C'est aussi un polar social, qui brosse un portrait sans concession de la Chine du début du XXIe siècle. Si quelques liens d'amitié existent, au fond, quand les problèmes graves surgissent, c'est un peu chacun pour soi. On ne peut pas dire que les personnages fassent preuve de compassion envers plus faible qu'eux.

   Au niveau de la réalisation, c'est maîtrisé. On s'en rend compte dès le passage d'une époque à l'autre, qui s'effectue au même endroit, où une saison succède à l'autre : la torpeur estivale du début est suivie d'un hiver très rigoureux. Cela nous vaut plusieurs scènes très réussies, notamment autour d'une patinoire, ou encore dans une nacelle de la grande roue.

   Il reste quelques maladresses, notamment au niveau du jeu des acteurs. Certaines péripéties m'ont de plus paru un peu téléphonées (notamment l'un des meurtres). J'ai aussi l'impression que le réalisateur se complait dans la noirceur et le désespoir.

   Cela reste un bon film, mais, à mon avis, A Touch of sin (de Jia Zhang Ke) était meilleur.

20:52 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

Transcendance

   D'après le Trésor de la langue française, la transcendance se définit par le "caractère de ce qui est transcendant, de ce qui se situe au-delà d'un domaine pris comme référence, de ce qui est au-dessus et d'une autre nature". Dans ce film, il est question d'une "sur-humanité", incarnée par un programme informatique sur lequel s'est greffée une personnalité humaine.

   Depuis 2001, L'Odyssée de l'espace jusqu'au récent Her, on se demande si les ordinateurs ont une âme. Transcendance part du principe qu'il faut intégrer une pensée et un vécu humains à un programme pour y parvenir.

   La première partie du film est une longue introduction, chargée de nous présenter les personnages principaux, le contexte (c'est un film d'anticipation) et de nous amener au choix décisif qui fait basculer l'histoire. Côté distribution, y a du lourd, avec bien entendu Johnny Depp (mal doublé en français, je trouve), Rebecca Hall (un clone approximatif de Scarlett Johansson... mais elle joue bien), Paul Bettany (qui en fait un peu trop, parfois), Cillian Murphy (dans un rôle assez stéréotypé ; il était mieux dans Time Out), Morgan Freeman (qu'on ne présente plus... du coup, il passe la moitié du film avec des lunettes de soleil sur le pif) et une vieille connaissance des séries américaines, Kate Mara (vue aussi dans Iron Man 2).

   A l'écran, dans une grande salle, on prend son pied. Wally Pfister (le réalisateur) est directeur de la photographie de formation. Il a travaillé notamment sur Memento, Insomnia, Batman Begins, Inception et The Dark Knight Rises. Les décors sont vraiment superbes et les effets spéciaux très réussis.

   L'intrigue est prenante. Le scénario nous laisse dans l'incertitude quant à l'opinion qu'il faut avoir du groupe de rebelles, à la fois militants avertis et adeptes des solutions radicales. Dans la deuxième partie du film, on suit la montée en puissance du "nouveau" Will Caster / Johnny Depp, ses inventions se matérialisant de manière parfois étonnante.

   Mais l'histoire peine à se conclure. On s'est visiblement demandé qui il fallait garder en vie et comment terminer le film de manière "morale". Les vingt dernières minutes m'ont franchement déçu. On peut toutefois voir l'ensemble comme un bon divertissement.

10:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 26 juin 2014

Con la pata quebrada

   Ce documentaire espagnol revient sur 80 ans de cinéma ibérique, sous l'angle de la place de la femme. Le titre, que l'on pourrait traduire par "avec la patte cassée" serait une référence au roman Don Quichotte (de Cervantès) et plus précisément à une formule qui évoque la place de la femme à la maison.

   Les années 1930 furent très riches, avec la liberté acquise sous la République, avant que n'éclate la guerre civile. On y voit un reflet de la société, avec des femmes qui agissent, qui jouent même un rôle politique : elles avaient obtenu le droit de vote (bien avant les Françaises), celui de divorcer et, dans certaines régions, d'avorter (bien avant les Françaises).

   Entre 1936 et 1939, le cinéma est le reflet de la division du pays, avec deux visions du rôle de la femme. Aux républicains s'opposent les franquistes, traditionalistes, qui vont triompher. En attendant cette funeste conclusion, on voit des enfants jouer une scène d'anthologie, avec des garçons qui défendent majoritairement l'inégalité des sexes, tandis qu'une charmante petite fille annonce vouloir être... la Pasionaria !

   La suite est la partie la plus développée du film, qui court de la fin des années 1930 aux années 1970. Si l'on était en Allemagne, on parlerait des "trois K" : Kinder (les enfants), Küche (la cuisine) et Kirche (l'église). Paradoxalement, d'après ce qui est montré dans le documentaire, on exalte assez peu le rôle de mère. La propagande conservatrice insiste sur celui de femme au foyer et d'épouse docile. Son attitude doit de plus être conforme à la morale définie par la Sainte Eglise catholique. Réjouissante est par ailleurs la scène qui voit un vieil ecclésiastique dire le fond de sa pensée sur le deuxième sexe.

   C'est l'une des qualités du film : son humour. Avec le recul, on s'amuse de cette scène qui voit de jeunes Espagnoles légèrement vêtues venir remercier leurs visiteurs d'outre-Atlantiques, fins gastronomes, en clamant : "Merci aux Américains qui aiment les moules espagnoles !" Un peu plus loin, on ricane en voyant la tête consternée du mari qui récupère sa belle chemise de soie... pas tout à fait bien repassée. Encore plus loin, c'est l'effarement d'une mère face à sa fille qui, de retour de vacances, lui avoue avoir eu des relations sexuelles. A l'époque de la Movida, cela devient plus "corsé", avec une scène qui montre une jeune actrice (destinée à une belle carrière) s'amuser dans son bain, avec un jouet animé, qui remonte entre ses jambes...

   L'époque franquiste est suffisamment longue pour avoir été variée. On découvre donc l'ambiguïté des cinéastes de l'époque qui, tout en faisant l'éloge de l'épouse fidèle, irréprochable mère au foyer, aimaient parfois à filmer lascivement des femmes dévoyées. Les religieuses sont aussi bien mises en valeur. A l'inverse, les célibataires endurcies, les femmes indépendantes sont montrées de manière négative. Elles ne sont jamais heureuses, dans les fictions de l'époque.

   On perçoit aussi les évolutions socio-culturelles. Les films mettent en scène l'essor du tourisme, avec des tenues plus légères et des comportements nouveaux. De son côté, l'irruption de l'électro-ménager dans les foyers est montrée comme une conquête féminine... (On n'est pas loin du "Moulinex libère la femme" que la France a connu à cette époque.)

   A la mort de Franco succède une époque foisonnante, qui brûle parfois ce qui avait été adoré auparavant. On tourne en dérision la monarchie catholique (du Moyen Age ou de l'époque moderne, hein, attention) et les bonnes soeurs, dans des parodies pas toujours très fines. On présente aussi une vision plus moderne de la société. Les années 1930 ressurgissent, modifiées. L'érotisme est plus présent. On évoque aussi le thème des femmes battues avec, parmi les extraits servant d'illustration, celui d'un film mettant aux prises Carmen Maura et Sergi Lopez, bien plus jeunes qu'aujourd'hui !

   Notons que l'auteur du documentaire n'est pas tombé dans la facilité qui aurait consisté (surtout pour la période récente) à collecter des extraits avec des vedettes ou futures vedettes. Il y en a, bien sûr, mais la grande majorité des films sur lesquels s'appuie la démonstration sont inconnus du public français.

   Le début du XXIe siècle est marqué par de nouveaux questionnements, notamment sur la place des femmes aux postes de commandement.

   Ce n'est pas très long (1h20 environ), c'est rythmé, fort instructif... et parfois très drôle !

mercredi, 25 juin 2014

Zidane entraîneur du Real

   Attention, hein : ce n'est pas l'équipe première que l'ancien footballeur vedette va entraîner (il était l'assistant de Carlo Ancelotti jusqu'à présent), mais l'équipe seconde, le Real Castilla. Celui-ci vient de connaître une saison très décevante, avec 13 victoires, pour 10 matchs nuls et 19 défaites, finissant à la vingtième (et antépénultième) place de la Liga Adelante (la Ligue 2 espagnole).

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   La conséquence en est la relégation en division 3... un défi à relever pour Zizou ! Ce n'est pas sans parenté avec le parcours de l'actuel sélectionneur de l'équipe de France, Didier Deschamps, qui avait jadis pris les rênes de la Juventus de Turin alors rétrogradée en série B italienne. Là s'arrêtent les similitudes. Dès ses débuts d'entraîneur, Deschamps avait géré une grosse équipe (l'AS Monaco), avec laquelle il avait rencontré le succès.

   Zinedine Zidane, comme à l'accoutumée, fait preuve de prudence. Il s'est placé sous l'aile d'un prestigieux aîné, a décroché son diplôme et se lance vraiment avec une équipe modeste. Ce parcours a de quoi étonner les amateurs d'histoire à paillettes. Depuis des mois, on a successivement annoncé la venue de Zidane comme entraîneur à Marseille, Monaco, Bordeaux... et même Rodez... mais c'était le 1er avril ! Cette dernière information paraissait tellement invraisemblable qu'elle a servi de matière à un article parodique de La Dèche du Midi.

   Des raisons familiales sont peut-être aussi entrées en ligne de compte dans le choix de Zidane de poursuivre sa carrière à Madrid. En effet, l'équipe A junior du Real a récemment intégré le jeune Enzo Fernandez... du moins c'est ainsi qu'il est présenté sur le site de l'équipe madrilène :

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   Né à "Burdeos" (Bordeaux !), ce jeune joueur pourrait être rapidement amené à figurer dans la réserve du Real, en attendant mieux. A ceux qui l'ignorent, il faut préciser qu'Enzo a choisi de garder le nom de famille de sa mère, Véronique Fernandez, qui n'est autre que l'épouse de Zinedine Zidane. Cela fait plusieurs années que l'on parle du fils aîné de Zizou comme d'un futur prodige. En tout cas, le papa semble avoir choisi, pour l'instant, de lier sa reconversion à la carrière de ses enfants.

Orthographe journalistique

   Les journaux se plaignent de perdre des lecteurs. Je le regrette tout comme eux, mais encore faudrait-il que les articles soient correctement rédigés. Régulièrement, les quotidiens et hebdomadaires aveyronnais me font penser que le français n'est plus la "langue de Molière", mais plutôt celle de Nabilla Benattia.

   La Dépêche du Midi de ce mercredi en est l'illustration. L'exemple le plus flagrant en est l'article consacré à la manifestation d'agriculteurs devant la préfecture, annoncé dans le déroulé du site internet avec deux "héneaurmes"  fautes :

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   Bien entendu, il aurait fallu écrire : "On n'en peut plus !"

   Dans un premier temps, on se dit que c'est une coquille due à l'inattention ou la fatigue mais, quand on accède à l'article, on constate dès le titre que ce n'est pas une simple étourderie :

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   On en a la confirmation à la lecture du corps du texte :

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   Le même auteur (J.-L. P.) se fait remarquer par sa maîtrise approximative de la langue (ou son manque de rigueur dans la relecture) à d'autres occasions, notamment dans l'article consacré à la candidature de Jean-Louis Grimal aux sénatoriales :

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   Sur le fond, les observateurs avisés auront remarqué que la refonte de la carte cantonale a des conséquences insoupçonnées, en particulier sur la course aux sénatoriales. Ainsi, il n'est pas étonnant que le cumulard conseiller général de Salles-Curan se présente : la nouvelle carte fusionne son territoire d'élection avec les cantons de Vezins-de-Lévézou (dont l'élu est Arnaud Viala, entre autres vice-président du Conseil général) et de Saint-Rome-de-Tarn (dont l'élu est Alain Marc, député et lui aussi vice-président du Conseil général). Comme tout ce beau monde fait partie de la majorité départementale, on a compris qu'en 2015, parité oblige, il risquait d'y avoir deux morts et un miraculé à l'issue des élections départementales. Voilà donc Jean-Louis Grimal qui sort du bois, suivi bientôt dit-on par Alain Marc lui-même (qui sent peut-être que sa circonscription de député n'est plus aussi sûre qu'auparavant)... voire par Arnaud Viala, à qui l'on prête aussi des ambitions sur le Conseil général...

   ... à condition que l'actuel président s'en désengage. Il semble bien que, depuis plusieurs mois, Jean-Claude Luche mène, aux frais des contribuables, une campagne sénatoriale qui ne dit pas son nom. Elu du canton de Saint-Geniez-d'Olt, il voit celui-ci fusionné avec celui de Laissac et une partie de celui d'Espalion. Nous revoilà avec trois élus de la majorité départementale (J-C Luche, Jean-Paul Peyrac et Simone Anglade) pour cette fois-ci deux places en 2015, puisqu'il sera possible de former un "ticket" Peyrac-Anglade, si celle-ci souhaite se représenter et si elle choisit le nouveau canton "Lot et Palanges" plutôt que "Lot et Truyère" (auquel a été attribuée l'autre partie de son actuelle circonscription et notamment la commune d'Espalion).

   Ces considérations, qui éclaireraient les lecteurs de La Dépêche, sont malheureusement absentes de l'article. On se contentera de regretter que, dans un autre papier du même auteur (qui se contente de relayer la bonne parole de la "majorité départementale"), on retrouve une nouvelle coquille énorme :

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   Vive la presse libre... et alphabétisée !

mardi, 24 juin 2014

Les Soeurs Quispe

   Ce film chilien est très original. Il ressemble par moments à un documentaire rural, mais c'est une sorte de polar, dont l'arrière-plan est historique. On nous le précise dès le début : l'histoire s'inspire d'un fait divers qui s'est produit au Chili, en 1974. On ne nous dit bien évidemment pas lequel. Le contexte est celui des débuts de la dictature d'Augusto Pinochet.

   Mais l'action se déroule très loin des villes et de leurs turbulences. On est sur l'Altiplano, dans un espace assez aride, balayé par les vents, pas très loin de la frontière argentine.

   Les soeurs Quispe étaient quatre, mais ne sont plus que trois, l'aînée ayant disparu. (On comprend par la suite comment et pourquoi.) Justa, (la plus âgée de celles qui restent) joue le rôle de mère de substitution, la véritable étant déjà morte, tout comme le père. Au début, elle incarne la sagesse, mais, petit à petit, on réalise que, face aux nouveautés du moment, elle commence à perdre pied. Signalons qu'elle est incarnée par une petite cousine des vraies soeurs Quispe.

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   Lucia la cadette est un garçon manqué. Elle s'est parfaitement adaptée au milieu hostile. Elle sait très bien s'occuper des chèvres, au besoin en employant la force. Son passe-temps préféré est la recherche de fossiles, auxquels elle fait la conversation.

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   La benjamine est la plus jolie des trois, même si elle s'arrange mal. On sent qu'elle aspire à autre chose et qu'elle est fascinée par le monde urbain que pourtant elle redoute. Elle est magnifiquement interprétée par Francisca Gavilan, que l'on avait déjà remarquée il y a deux ans dans Violeta.

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   Le début du film nous fait découvrir "les travaux et les jours" de ces éleveuses de montagne. Elles doivent gérer un assez gros troupeau de chèvres laitières, auxquelles s'ajoutent quelques ovins. On les suit aux pâturages, pendant la traite et le soir, un moment délicat puisqu'il faut parvenir à récupérer tout le troupeau... sans oublier de séparer (pour la nuit) les petits des mères, pour pouvoir pratiquer la traite le lendemain matin. Des racines et des branches séchées sont utilisées pour élaborer une sorte d'enclos.

   On voit aussi les femmes fabriquer (de manière très artisanale) leur fromage, qu'elles consomment et qu'elles vendent, à l'occasion. Elles mangent aussi de la viande de lama. Leur mode de vie est plutôt l'autoconsommation. Si l'on ajoute les vents violents et l'isolement montagnard, on se dit que (l'humidité en moins) l'Aubrac devait un peu ressembler à cela il y a quelques dizaines centaines d'années.

   Ce quotidien monotone est perturbé par un mystère, celui de la disparition progressive des "voisins" (qui habitent à des dizaines de kilomètres !) et de leurs troupeaux. Un marchand ambulant assez roublard apporte un élément de réponse : le nouveau gouvernement a imposé une loi anti-érosion, qui vise à l'éradication des troupeaux de montagne, accusés de provoquer la disparition des terres. Derrière, il y a aussi la volonté de contrôler une population en marge... et de "sécuriser" la frontière avec l'Argentine, par où transitent parfois de drôles de citoyens.

   Dans la dernière partie, les soeurs sont amenées à prendre une décision capitale. On sent bien qu'au départ, vu leurs tempéraments, elles ne sont pas d'accord, parce qu'elles n'ont pas tout à fait les mêmes aspirations. La fin est assez surprenante... et très forte.

20:51 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

lundi, 23 juin 2014

Jersey Boys

   Ces garçons du New Jersey sont majoritairement des Italo-américains, qui ont passé leur enfance en osmose avec la mafia locale. A priori, leur horizon professionnel paraissait bouché : l'un était apprenti-coiffeur, deux autres commençaient à tâter de la prison et le quatrième ne parvenait pas à placer ses chansons. La formation du groupe, autour du chanteur Frankie Valli, va les porter au pinacle puis les plonger dans le désespoir. Grandeur et décadence du show business, vues par un Clint Eastwood très très académique.

   La réalisation est certes correcte, mais je n'ai pas retrouvé la "patte" de ce bon vieux Clint. Et, même si les acteurs font le boulot, je trouve que le film souffre de nombreux défauts.

   Le premier d'entre eux est le personnage principal, que l'on entend à longueur de film couiner avec sa voix de châtré nasillard. Il est de plus incarné par un clone raté de Tom Cruise, John Lloyd Young, à qui on a régulièrement envie de filer des tartes.

   Et que dire des chansons ! Imaginez que Didier Barbelivien ait composé, il y a 20-30 ans, une série de bluettes pour midinettes à l'intention de Patrick Bruel. Bon, dans le tas, il y a deux-trois trucs à sauver (comme le célèbre Sherry ou encore Can't take my eyes off you... même si je préfère la version de Gloria Gaynor), mais, globalement, je trouve que c'est de la variétoche bas-de-gamme.

   Au passage, à deux reprises, on entend un air familier aux oreilles françaises. Il s'agit de December 1963, dont Claude François a interprété une adaptation devenue célèbre sous le titre Cette Année-là.

   La suite ? Ben, Clint nous raconte comment le succès a tourné la tête des jeunes hommes. Argent, alcool et filles à volonté... même pour le bon père de famille. Des tensions finissent par naître au sein du groupe, principalement pour des questions d'argent. Bref, rien de nouveau sous le soleil.

   Un film dispensable... Rendez-nous le vrai Clint Eastwood !

23:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 22 juin 2014

Archer

   Non, il ne va pas être question de Guillaume Tell... ni de Robin des Bois. D'ailleurs, le titre de ce billet n'est pas un nom commun, mais un nom propre, celui d'un agent très spécial travaillant pour le compte d'une boîte privée (l'ISIS), sous contrat avec le gouvernement des Etats-Unis. Voici donc Sterling Archer (prononcer "aartcheur") :

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   C'est un beau gosse, égocentrique, alcoolique et gros queutard. C'est aussi un très bon agent. Voilà pourquoi sa maman, Malory Archer, l'a engagé dans l'agence qu'elle dirige :

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   Cette brave dame, dont on sent qu'elle fut une beauté, n'est que douceur et compréhension, se plaisant à traiter ses employés plus bas que terre. Tout comme son fils, elle aime à se gaver d'alcool. Ah, j'oubliais : elle ignore l'identité du père du héros, vu qu'à l'époque de sa conception, elle multipliait les parties de jambes en l'air. Mais le chef du KGB croit dur comme (rideau de) fer qu'il est le géniteur de Sterling.

   L'agent très spécial a une collègue non moins spéciale, la pulpeuse et redoutable Lana Kane :

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   C'est une ex d'Archer... et une rivale dans la course au titre d'agent le plus dangereux des Etats-Unis. Elle a une sexualité très libre et sait comment clouer leur bec aux mecs un peu lourds. Au siège de l'ISIS, question "bombasse", la concurrence est rude, avec Cheryl, nymphomane impénitente et adepte de pratiques extrêmes :

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   Pour compléter le tableau féminin, il manque Pam, une autre secrétaire, mais beaucoup moins bien gaulée que les précédentes. Elle déploie des trésors d'ingéniosité pour tenter de parvenir à se faire honorer (même par accident) par l'un des mâles de l'agence.

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   Du côté des hommes, justement, il faut noter la présence d'un faux "gendre idéal", sorte de caricature de bureaucrate boy-scout... sauf qu'il est doté d'un appendice pénien qui excite la curiosité des dames et qu'il s'est découvert une addiction au sexe :

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   Toutes ces personnes ne seraient rien sans l'éminent scientifique qui dirige les labos. Son aspect physique comme la nature des expériences qu'il mène ont tout pour rassurer ses collègues :

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   Je pourrais aussi parler du collègue homosexuel, ainsi que du majordome héroïnomane, mais je crois que vous avez compris le principe. Tous ces personnages sont des caricatures, des individus odieux et déjantés, principalement mus par la satisfaction de leurs désirs immédiats. On ne peut donc que se réjouir de les voir soumis aux pires tourments.

   Les intrigues d'espionnage ne sont que des prétextes. Le coeur de l'action est composé de fric, d'alcool et de sexe, le tout enrobé dans un langage à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Dans chaque épisode, on entend ainsi fréquemment parle de "salopes", de "putes", de "pouffiasses" ou de "connasses", qui voisinent avec des "connards", "enculés", "bâtards" et autres "fils de pute". C'est donc à la fois grossier et vulgaire.

   Cette série nous vient des Etats-Unis, où elle a été créée en 2009. Depuis quelques mois, c'est France 4 qui diffuse (au compte-gouttes) les épisodes en version française (moins bonne que l'originale, paraît-il), le samedi soir, très tard... mais on peut les revoir sur le site pluzz.

   Si vous avez une vingtaine de minutes à perdre (et des oreilles pas trop chastes), vous pouvez vous laisser tenter...

Edge of tomorrow

   Sorti (en France) la semaine du 70e anniversaire du débarquement de Normandie (tout comme le documentaire D-Day), ce film met en scène une autre tentative de libération de l'Europe, presque entièrement contrôlée par des extra-terrestres dont les formes empruntent à la fois aux arachnoïdes et aux céphalopodes.

   A cause d'un accident, le héros, censé être mort, revit la même journée, en essayant de la modifier. Au départ, l'antipathique personnage incarné par Tom Cruise ne pense qu'à sa pomme (sauver sa vie). Puis il se dit que ce serait sympa de sauver celle de ceux qu'il croise (le soldat obèse qui se bat cul nu... et surtout la superbe combattante incarnée par Emily Blunt, déjà très bonne dans Looper). Finalement, il va tenter de sauver le monde. C'est un peu caricatural mais, grosso modo, cela traduit assez bien le simplisme du scénario, qui n'est pas sans rappeler celui d'Un Jour sans fin.

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   La première partie est une très bonne comédie. Cruise s'est bien glissé dans le rôle du communicant lâche et égoïste, à qui il arrive un tas de bricoles désagréables. Les seconds rôles sont efficaces, avec notamment un Bill Paxton épatant en sergent sermonneur. Comme les deux acteurs principaux "assurent" et que les effets spéciaux déchirent, on passe un très bon moment.

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   Dans la deuxième partie de l'histoire, le personnage incarné par Cruise prend le dessus. A force de recommencer la même journée (des centaines de fois...), il devient un soldat aguerri, mais jamais le duo qu'il forme avec Rita n'arrive au bout de la mission. Par contre, petit à petit, des sentiments naissent entre eux... même si, à chaque fois, pour la jeune femme, c'est une nouveauté. (Le film reste toutefois très pudibond.)

   La dernière partie se déroule à Paris, de nuit. C'est spectaculaire à souhait, très joli à regarder, même s'il faut faire preuve d'un peu d'indulgence quant au scénario, qui abuse du "juste à temps" (tout comme, très récemment, X-Men - Days of Future Past).

   Notons que la France est très présente dans cette fiction états-unienne. Outre le fait qu'au coeur de l'histoire se trouve un débarquement dans notre pays, signalons que l'héroïne est surnommée "l'Ange de Verdun", en hommage à son apport décisif dans une bataille contre les envahisseurs. Il faut ajouter la séquence parisienne (certains monuments emblématiques "dégustent" grave... de manière virtuelle, fort heureusement !)... et un flash d'actualités, au cours duquel les spectateurs de la salle, parfois stupéfaits, ont reconnu... François Hollande ! (Il serait intéressant de savoir si, dans les versions du film distribuées en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni, par exemple, le président français est remplacé par un dirigeant local.)

   Même si la fin ultime m'a un peu déçu, je suis sorti de là très satisfait... et avec une forte envie d'uriner !

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samedi, 21 juin 2014

Le Rouergue et la généralité de Montauban au crépuscule du Roi Soleil

   L'événement de ce vendredi 20 juin était bien entendu cette passionnante conférence, donnée par l'universitaire toulousain Patrick Ferté, au Centre culturel départemental situé avenue Victor Hugo, à Rodez. Elle accompagne la sortie d'une édition commentée des mémoires rédigés pour l'instruction du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV destiné à lui succéder.

   Patrick Ferté a commencé par présenter le contexte de la création de ces documents. Rappelons que Louis XIV, né en 1638, a régné très longtemps (jusqu'en 1715). Il a vu mourir tous ses fils... et presque tous ses petits-fils d'ascendance légitime. (Le seul à lui avoir survécu est Philippe, duc d'Anjou... devenu roi d'Espagne sous le nom de Philippe V... et lointain ancêtre du nouveau roi Philippe VI, tout récemment félicité par le président François Hollande.)

   Au départ, sans doute pour pallier un éventuel décès précoce (ils étaient coutumiers à l'époque), c'est aux trois fils de Louis de France (le "Grand Dauphin") qu'était destinée la formation dispensée sous l'autorité de trois personnages : le duc de Beauvillier, l'abbé Fleury et Fénelon. Le premier était ce qu'on pourrait appeler un grand commis de l'Etat. (Il avait de surcroît épousé une fille de Colbert.) A une époque où Louis XIV ne pensait qu'à guerroyer, il a conseillé de signer la paix avec plusieurs des adversaires du royaume de France.

   D'après Patrick Ferté, il avait confié l'éducation de ses enfants à l'abbé Fleury, un érudit réputé pour son Histoire ecclésiastique et qui s'intéressait à la pédagogie. Pour les Rouergats, il fut l'abbé de Loc-Dieu (pendant plus de vingt ans), dont il ne se contenta pas de percevoir les revenus. Il aurait reçu ce bénéfice du roi, en récompense de l'éducation de l'un de ses bâtards, le comte de Vermandois (né de la liaison avec Louise de La Vallière).

   Il est sans doute moins nécessaire de présenter le troisième homme, ecclésiastique et écrivain réputé, dont le roman Les Aventures de Télémaque (qui était d'abord destiné aux trois princes) fut souvent réédité. Notons qu'il était devenu l'ami du duc de Beauvillier.

   C'est donc dans ce contexte que fut commandé un état du royaume. Une liste de 43 thèmes/questions fut adressée à chacun des intendants. Celui de Montauban (Le Pelletier de la Houssaye) avait en charge la plus vaste généralité du royaume, incluant le Rouergue, divisé en trois élections (Villefranche-de-Rouergue, Rodez et Millau). La forme de celles-ci ne laisse d'ailleurs pas de surprendre :

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   J'ai un peu "bricolé" la reproduction d'une carte datant de 1717, trouvée dans un (excellent) ouvrage collectif, L'Aveyron, une histoire, publié en 2000 :

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   Durant la conférence, pour faire simple, Patrick Ferté a déclaré que le découpage des élections suivait des lignes orientées nord/sud. On voit qu'en réalité, c'était un peu plus complexe : compte tenu des circonvolutions de la délimitation, Espalion, Calmont et Camboulazet, par exemple, dépendaient de Millau !

   Bref, les intendants se sont lancés dans la collecte d'informations, s'appuyant sur des érudits locaux et des correspondants dont nous ne savons rien. Le résultat a été très inégal d'une généralité à l'autre et même à l'intérieur d'une généralité (d'une élection à l'autre). Il semble que, pour le Rouergue, le travail ait été effectué très consciencieusement. Et pourtant, il en a été peu tenu compte, les rapports de ces intendants ayant été rapidement dénigrés et, par la suite, tenus pour quantité négligeable, y compris par des historiens de talent comme Pierre Goubert (qui, d'après P. Ferté, ne s'est pas appuyé dessus pour rédiger sa thèse sur le Beauvaisis).

   Le responsable est peut-être, selon P. Ferté, le comte de Boulainvilliers qui, au XVIIIe siècle, voulut publier une synthèse "mise à jour par ses soins" des rapports des intendants. Non seulement il dénigra le travail de ces derniers (sans doute pour se mettre en valeur), mais il commit une foule d'erreurs de transcription, aussi bien au niveau des chiffres que des lettres. Si bien que les historiens qui, plus tard, commencèrent par consulter son ouvrage (L'Etat de la France), attribuèrent aux intendants du règne de Louis XIV (souvent à tort) les erreurs commises par Boulainvilliers. P. Ferté a notamment cité le cas du nombre d'ovins dans l'élection de Millau : annoncé à 20 000 (en 1699) par Boulainvilliers, il était, selon le rapport de l'intendant, de 200 000, évaluation qui semble correspondre à la réalité de l'époque.

   Voilà pourquoi P. Ferté a trouvé utile de ressusciter deux textes oubliés, le mémoire de 1699 et son complément de 1713, rédigé par un érudit local, Cathala-Coture. En effet, à Versailles, on avait été visiblement un peu déçu par le premier rapport, très statistique, comportant peu d'anecdotes. Le second fut donc une commande précise. Il est beaucoup plus historique.

   En réalité, ce n'est pas deux mais trois textes (voire quatre) qui sont réédités. Durant ses recherches, Patrick Ferté a consulté tous les exemplaires existants du mémoire de 1699. Il y en a une cinquantaine. Tous sauf un se terminent de la même manière, inachevés. C'est finalement à l'Ecole vétérinaire de Lyon qu'il a trouvé un exemplaire intégral, comportant un tableau des conversions de protestants. (Précisons que le mémoire a été élaboré peu après la révocation de l'Edit de Nantes, prononcée en 1685.) Le livre se terminerait par une prose assez savoureuse sur les coutumes locales.

   La suite de la conférence a été consacrée au tableau économique du Rouergue qui se dégage de la lecture des deux mémoires. Sans surprise, l'agriculture domine. Les cheptels sont dénombrés avec une précision relative. Si j'ai bien compté, au total, les bovins sont un peu plus de 13 000 dans les trois élections... mais les ovins sont plus de 300 000, particulièrement nombreux dans la circonscription de Millau. La vigne n'est guère développée, la production totale étant trois fois plus faible que dans l'élection de Cahors, si mes souvenirs sont exacts.

   Au niveau de l'artisanat, c'est le textile qui occupe la première place. Dans l'ouest, les productions semblent de meilleure qualité. L'élection de Rodez pèse quantitativement, mais les produits ne sont pas réputés. Du côté de Millau, l'activité de ganterie n'apparaît pas à cette époque.

   Il est aussi question de l'exploitation du charbon, notamment à Aubin. L'auteur du mémoire se garde toutefois d'évoquer un récent (1692) conflit violent, lié au monopole d'exploitation du "charbon de terre" attribué, dans un premier temps, à la duchesse d'Uzès, avant de lui être retiré, notamment après deux meurtres non élucidés. Le mémoire statistique de 1699 comme le mémoire historique de 1713 n'évoquent pas plus les révoltes de "croquants" qui ont émaillé le XVIIe siècle. Pourquoi ennuyer les princes avec de telles horreurs ?

   L'intendant a aussi veillé à mette en valeur l'activité commerciale, qui intéresse au plus haut point le gouvernement, adepte du mercantilisme. On s'est intéressé à la capacité d'autosuffisance de chaque élection. On a relevé le dynamisme du commerce des étoffes... et des fromages, en particulier le Roquefort, qui a déjà excellente réputation à l'époque... et qui se vendait jusqu'à Paris ! P. Ferté a aussi évoqué le commerce des mulets, importés du Poitou, engraissés en Rouergue et revendus parfois jusqu'en Espagne (en Catalogne). C'était un secteur jugé stratégique (en période de guerre) et l'intendant y était très attentif.

   Les deux mémoires fourmillent de détails, proposant une estimation jugée assez fiable de la population de la province et des principales villes. En 1699, le Rouergue aurait été peuplé d'un peu moins de 230 000 habitants (80 000 dans l'élection de Villefranche, 85 000 dans celle de Rodez et 64 000 dans celle de Millau). Au niveau des villes, Villefranche-de-Rouergue rivalisait avec Rodez (6 000 habitants chacune), loin devant Millau (3 000 habitants), devancée même par Saint-Geniez-d'Olt (environ 3 500). P. Ferté a toutefois relativisé ces chiffres. Ils sont donnés avec plus ou moins de précision et, concernant les villes, il a quelques doutes sur les limites choisies.

   Outre les populations, les enquêteurs ont tenté de recenser tous les édifices religieux... et même les ponts. Il y en aurait 32 (ou 34, je ne sais plus) dans le Rouergue, à l'époque. Ils étaient tous en pierre.

   La conférence s'est achevée sur les conséquences de l'hiver 1708-1709, qui s'ajoutait à la guerre de Succession d'Espagne et autres calamités. Le royaume de France est à genoux et le Rouergue souffre particulièrement. Le froid a tué la plupart des noyers et des châtaigniers, privant la population d'un aliment de base et d'un produit commercialisable. Ce fut le cas aussi pour le safran, très présent alors dans l'ouest du département. Lorsque les chênes ont été frappés, c'est la nourriture des porcs qui a disparu. Là encore, furent touchées et l'alimentation des populations et l'activité commerciale, puisque les animaux étaient vendus du côté de Montpellier.

   Sous le règne de Louis XV, d'autres crises climatiques ont secoué la province, si bien que le conférencier s'est autorisé à conclure que le "siècle des Lumières" n'a pas été une période brillante pour le Rouergue.

   P.S.

   Aux amateurs de sensationnel, je signale que le second mémoire développe parfois des thèses étonnantes, comme celle de l'origine larzacienne des différentes dynasties qui ont régné sur la France (les Mérovingiens, les Carolingiens... et même les Capétiens !).

   P.S. II

   Le plan des deux tomes de l'ouvrage de Patrick Ferté est accessible en ligne, sur le site du CTHS.

lundi, 16 juin 2014

Le personnel du musée Soulages broie du noir

   C'est du moins ce que l'on peut conclure de la lecture d'un article paru dans le quotidien aveyronnais Centre Presse et intitulé "Petits tracas au musée Soulages". Selon le journal, il faut plutôt y voir la rançon de la gloire : c'est l'engouement suscité par le nouveau musée qui expliquerait que le personnel soit débordé, voire exténué.

   Pour preuve, la version papier du quotidien publie une photographie sur laquelle on voit une foule massée à l'entrée du musée, canalisée par des barrières, la légende mettant l'accent sur le succès de l'établissement :

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   En la voyant, j'ai immédiatement "tiqué". Cette image m'en rappelait une autre, un peu plus ancienne. En cherchant un peu, j'ai trouvé : il s'agit d'une photographie prise au moment de l'ouverture du musée, juste après l'inauguration par François Hollande. On peut la trouver dans un article daté du 1er juin dernier :

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   Attention toutefois. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas exactement de la même photographie. En regardant les deux images de très près, on se rend compte que les personnes qui font la queue sont différentes. Elles ont dû être prises à quelques (dizaines de) minutes d'intervalles. L'axe est le même. Le temps semble identique : c'est ensoleillé, mais frisquet (plusieurs personnes sont même assez chaudement vêtues), loin des hautes températures actuelles. Par contre, à l'arrière-plan, dans le jardin d'enfants, on reconnaît, de dos, le même homme, aussi bien dans l'article récent...

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   ... que dans l'article "ancien" :

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   Les files d'attente sont tout de même nettement moins impressionnantes aujourd'hui qu'à l'époque où la visite était gratuite !

   De surcroît, le stress des employés n'est peut-être pas tant dû à la surfréquentation du musée qu'au sous-effectif du personnel d'encadrement. L'article de Centre Presse le sous-entend, quand il évoque une personne en arrêt-maladie.

   Mais, quand on laisse traîner ses oreilles du côté des autres musées ruthénois (dont le personnel a été "mutualisé" avec le tombeau Soulages), on perçoit un autre son de cloche. On entend parler d'emplois du temps acrobatiques pour certains employés, qui jonglent avec plusieurs sites. (Ce n'est pas le cas de tout le personnel, bien entendu.) On entend aussi parler de restrictions budgétaires : il n'est un secret pour personne désormais que les coûts de fonctionnement du pôle muséal ont été sous-estimés. Résultat : on compresse le personnel... du moins tant que l'on maintient les trois musées ouverts. Une fois l'été passé, il sera toujours temps d'évoquer certains changements. Tout le monde pense (sans trop oser le dire) au musée Denys Puech, dont le succès est plutôt confidentiel...

   P.S.

   Si vous voulez faire des affaires, c'est le moment où jamais de vous précipiter à la boutique du musée, où c'est quasiment du libre-service !

   Quant aux oeuvres des collections permanentes, figurez-vous qu'elles ne sont pas assurées !

   P.S. II

   Finalement (toujours selon Centre Presse), ce sont les toilettes du musée qui semblent connaître la plus grosse affluence. Je me garderai bien d'en tirer des conclusions hâtives...

samedi, 14 juin 2014

Un groupe pas si facile que cela pour l'équipe de France de football

   En France, on s'est peut-être un peu vite réjoui du résultat du tirage au sort de la phase finale de la coupe du monde football 2014. Dans le groupe E, la France est opposée au Honduras, à la Suisse et à l'Equateur. Aucun des vainqueurs potentiels ne se trouve sur sa route immédiate. "Du tout cuit pour les huitièmes de finale", ai-je entendu à l'époque. Les récents succès de l'équipe tricolore en matchs de préparation ont fait ressurgir une armée de Footix dans notre pays. L'ancien fan que je suis regarde cela avec plus de recul.

   Commençons par le Honduras, l'adversaire de dimanche. A priori, il ne paie pas de mine. C'est seulement la troisième fois qu'il se qualifie pour une phase finale... mais la deuxième de suite. Même si, les deux fois précédentes (en 1982 et 2010), il n'a pas passé le premier tour, il dispose peut-être de la meilleure équipe que le pays ait connue.

   Le Honduras a en effet terminé troisième des éliminatoires de la zone Concacaf (qui regroupe les pays d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes), derrière les Etats-Unis et le Costa Rica... mais devant le Mexique (qui vient de battre le Cameroun 1-0, dans le groupe A) :

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   Dans son parcours, le Honduras s'est signalé par la qualité de ses attaquants, infligeant un cinglant 8-1 au Canada (avec de très jolis buts... même si la défense canadienne comptait sans doute plus de trous que les chaussettes d'un clochard). Plus tard dans la compétition, l'équipe centre-américaine s'est fait remarquer par un autre exploit : une victoire contre le Mexique, à Mexico. Rappelons enfin qu'il y a quatre ans, la Suisse n'était pas parvenue à vaincre le Honduras en phase de poules, perdant ainsi toute chance d'accéder aux huitièmes de finale.

   Voilà qui nous mène à nos voisins helvétiques. Il y a quatre ans, il avaient, dans un premier temps, fait forte impression, battant l'Espagne (futur vainqueur), avant de rater la suite de la compétition. Les observateurs avaient déploré la faiblesse de l'attaque suisse.

   La formation de 2014 semble avoir remédié (au moins partiellement) au problème, puisqu'elle a fini les éliminatoires avec la meilleure attaque (17 buts) de son groupe... et la meilleure défense : 6 buts encaissés en 10 matchs, dont 4 lors d'une rencontre épique contre l'Islande... et donc seulement 2 lors des 9 autres matchs. Ajoutons à cela que la Suisse est restée invaincue, remportant 7 rencontres et concédant 3 matchs nuls.

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   Des 7 victoires, on retiendra notamment celle remportée en Norvège (0-2), contre une équipe qui était beaucoup plus motivée que celle que la France a facilement vaincue en match amical à Saint-Denis.

   Passons au troisième adversaire des Bleus : l'Equateur. Comme pour le Honduras, c'est sa troisième participation à une phase finale de la coupe du monde, après 2002 et surtout 2006, édition au cours de laquelle les Sud-Américains avaient atteint les huitièmes de finale. Dans les conversations, c'est le pays dont le nom échappe le plus souvent à la mémoire des interlocuteurs. Tout le monde se souvient (en la redoutant, parfois) de la présence de la Suisse dans le groupe de la France. Minoritaires sont ceux qui ignorent le nom du premier adversaire, le Honduras, présenté (à tort ?) comme un "petit Poucet". Pour le troisième, l'utilisation d'un smartphone se révèle (souvent) nécessaire...

   Et pourtant. L'Equateur n'a pas eu besoin de recourir aux barrages pour se qualifier. Il a terminé quatrième de la zone Amérique du Sud, juste devant l'Uruguay :

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   Pour en arriver là, les Equatoriens ont réalisé plusieurs belles performances à domicile, battant notamment le Chili (4-0 !... Il vient de battre l'Australie 3-1, dans le groupe B), l'Uruguay (1-0)... et le Paraguay (4-1). C'est cette dernière équipe que la France n'est pas parvenue à vaincre en match amical, au début du mois, à Nice. Même si les conditions sont aujourd'hui différentes, ces quelques données devraient inciter les Bleus à prendre très au sérieux chacun de leurs adversaires.

   P.S.

   La rencontre de dimanche (contre le Honduras) aura une saveur particulière, au moment de l'écoute des hymnes nationaux. En effet, celui du Honduras contient un couplet entièrement dédié à la France... mais celle de la Révolution et de Georges Danton !

vendredi, 13 juin 2014

Il voulait devenir maire de Rodez

   Il va bien entendu être question de Christian Teyssèdre, auquel le journaliste Gérard Galtier consacre un livre, qui n'est pas une biographie au sens strict, plutôt le récit (nourri d'anecdotes) d'un parcours atypique :

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   Soyons clairs : si le bouquin contient, ici ou là, quelques critiques à l'égard de celui qui vient de se faire réélire maire de Rodez, le propos est globalement en empathie avec le personnage. Je pense que les deux hommes ont quelques points communs, notamment celui d'être, chacun dans leur domaine, des francs-tireurs.

   Christian Teyssèdre est un enfant du Faubourg, quartier moins bourgeois et plus frondeur que le sommet du chef-lieu aveyronnais. (Rappelons que Gérard Galtier s'y est présenté aux élections cantonales en 2011 et qu'il y a résidé, comme il l'avait précisé en réponse à l'un de mes billets.) A ceux qui ne le connaîtraient pas, le journaliste évoque l'épisode de la commune libre du Faubourg, dans les années 1930.

   Les amateurs de détails biographiques apprendront avec plaisir que le futur maire du Piton a effectué son service militaire dans l'infanterie de Marine (en tant qu'infirmier) et que, s'il a bien été reçu au concours d'entrée à EDF, il avait aussi réussi celui d'inspecteur de police !

   Le passage par EDF a visiblement joué un rôle non négligeable dans la carrière de Christian Teyssèdre. Il y a fait quelques rencontres (notamment celle d'Anne-Christine Her, aujourd'hui neuvième adjointe au maire), s'y est investi dans le travail syndical (à la CFDT)... et s'y est visiblement ennuyé, ce qui l'a peut-être poussé à s'engager en politique.

   Gérard Galtier s'attarde un peu plus sur les premiers pas du futur maire. Il a rejoint le PS, où il fait un peu tache. La plume se fait ici acerbe vis-à-vis de ces notables de gauche qui se sont très bien accommodés de la droite pendant des années, à Rodez et dans le reste de l'Aveyron. Il m'a semblé percevoir un poil de rage dans l'écriture de cette partie. L'auteur s'est longtemps battu contre l'ancien président du Conseil général, Jean Puech, qui, selon certains observateurs, a maintenu le département sous cloche (et sous son contrôle) pendant trois décennies.

   Mais c'est un autre élu de la "Majorité départementale" qui hérite nominalement de ses piques : Michel Astoul, qui fut l'adjoint de Marc Censi de 1989 à 2008. Gérard Galtier brosse un rapide portrait du cumulard, qui ne se représente pas sur le canton de Rodez-Est en 1998, où Christian Teyssèdre décide de se lancer.

   Les péripéties de la campagne sont contées par le menu détail, jusqu'aux recours en justice. Battu au second tour de seulement trente voix, le candidat socialiste a estimé que le journal de campagne distribué juste avant le premier tour de l'élection enfreignait le code électoral. C'est allé jusqu'au Conseil d'Etat, dont la décision, si elle déboute Christian Teyssèdre, reconnaît que la distribution du journal violait le code électoral, mais qu'elle ne suffit pas à expliquer la défaite du socialiste, pourtant de seulement trente voix ! Si on lit entre les lignes, le texte semble dire que la requête de Christian Teyssèdre aurait pu aboutir s'il l'avait présentée autrement.

   Ceci dit, cette affaire ne fut qu'une étape dans l'ascension politique du futur maire de Rodez. Son concurrent victorieux, Dominique Costes, n'a pas longtemps profité du mandat, puisqu'il a été battu en 2004 et qu'il a échoué aux municipales suivantes. Aujourd'hui recasé à la CCI, aux côtés de Manuel Cantos, il continue à faire de la politique (selon les mauvaises langues), mais de manière plus subreptice.

   La suite du livre de Gérard Galtier nous mène aux municipales de 2008 et à la victoire pas si surprenante que cela de la liste d'union de la gauche, dès le premier tour. L'auteur rappelle en effet qu'en janvier 2008, un sondage de l'IFOP avait donné la liste Teyssèdre en tête du premier tour... avec 51 % des voix. (En mars suivant, elle a finalement recueilli 52,5 % des suffrages exprimés.)

   Le livre décevra ceux qui s'attendaient à ce qu'il règle quelques comptes post-2014. (Il contient juste une phrase, en fin de volume.) Son propos s'arrête au début du premier mandat. Mais nul doute que, si le maire n'avait pas été reconduit cette année, la conclusion aurait été différente.

dimanche, 08 juin 2014

Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

   On a comparé cette comédie historique suédoise à Forrest Gump, le héros étant un homme ordinaire, pas particulièrement futé, mais qui va se trouver mêlé à une série d'événements importants, sans l'avoir voulu. Par contre, ici, on ne nous propose aucun trucage numérique faisant croire que le héros a rencontré des personnages réels. Ceux-ci sont incarnés par des acteurs.

   C'est un petit bijou pince-sans-rire, mais, attention, hein, pas aussi léger qu'une production anglaise. L'humour "à froid" est lesté de façon scandinave. Mais, quand on aime, c'est un régal !

   Mine de rien, l'enfance du héros est l'occasion de rappeler quelques vérités sur un pays qui n'était pas encore le paradis de la social-démocratie. Paternalisme, puritanisme protestant et cupidité faisaient des ravages. Le jeune Allan le vit bien, même s'il perd successivement son père et sa mère. Il s'est découvert une passion pour les explosifs, ce qui va le conduire à se venger, involontairement, d'un commerçant malhonnête.

   Sa vie sentimentale s'est arrêtée à peu près au moment où elle commençait, grâce à un médecin racialiste et eugéniste, comme la Suède et d'autres pays européens en ont connu dans l'Entre-deux-guerres.

   Allan a à peine le temps de s'insérer sur le marché du travail et de se faire ses premiers amis qu'il se retrouve embarqué dans la Guerre d'Espagne, où ses talents d'artificier vont trouver à s'exercer. Cela ne l'empêche pas, à la fin du conflit, de se retrouver à la table de Franco, auquel il a sauvé la vie dans des circonstances que je vous laisse découvrir. Au cours du banquet, le dictateur en vient à porter un toast au meilleur ami disparu d'Allan... qui était un communiste !

   Tous ces moments savoureux nous sont livrés par des retours en arrière. Le coeur de l'intrigue est l'époque contemporaine. Allan est centenaire, mais il n'a pas envie de célébrer ce siècle d'existence. Il met donc au point une spectaculaire évasion de la maison de retraite où il est parqué. Bruce Willis n'aurait pas fait mieux !

   Et puis, une chose en entraînant une autre, une intrigue drôle et primesautière se développe, chaque scène rebondissant sur la précédente. C'est de voir et entendre un gamin jouer avec des pétards qui a incité le papy à se faire la belle. C'est la bêtise d'un crâne rasé victime d'une "courante" qui le pousse à lui dérober sa valise pour partir Dieu sait où.

   Allan fait la rencontre d'un autre vieillard solitaire (beaucoup plus jeune que lui, ceci dit). Les deux pépés vont partir à l'aventure, lestés de cette valise qui semble susciter bien des convoitises. Le portrait du groupe de malfrats qui part à leur poursuite mérite à lui seul le détour.

   La petite troupe va s'agrandir d'un étudiant professionnel, d'une femme isolée... et d'un éléphant, qui va se révéler très utile !

   Entre temps, les retours en arrière nous auront montré le rôle capital joué par Allan dans la création de la bombe atomique, puis son action trouble pendant la Guerre froide. Etait-il un agent double, triple, quadruple ? Nul ne le sait... surtout pas lui ! Il a au moins profité de sa position pour sa saouler à volonté !

   Je me garderai bien de dire comment tout cela se termine. En tout cas, c'est pour moi la comédie à voir en ce moment.

22:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 07 juin 2014

Naissance d'un musée

   Il reste encore quelques heures pour voir le documentaire consacré par France 3 au musée Soulages, inauguré la semaine dernière par François Hollande.

   Cela commence par une visite du chantier (déjà bien entamé) par Pierre Soulages, entouré de professionnels du bâtiment, d'une grappe d'élus, d'une foule de privilégiés et d'une horde de journalistes. L'artiste se montre d'abord préoccupé par le volume des réserves, qu'il a peine à estimer... tout comme ses interlocuteurs. La conversation porte sur des m² et des longueurs de rail...

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   Sur l'image, à gauche, on reconnaît Ludovic Mouly (à l'époque président de la Communauté d'agglomération du Grand Rodez), qui ne quitte pas Soulages d'une semelle, Martin Malvy (président du Conseil régional de Midi-Pyrénées), habile à se placer dans le champ de la caméra, et Christian Teyssèdre (le maire de Rodez)... qui a l'air de se faire chier (et on le comprend).

   La visite se poursuit en extérieur. Le peintre rencontre les ouvriers du chantier, juste le temps de serrer quelques louches :

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   Ici comme ailleurs, les entrepreneurs français ont recours à des sous-traitants ou de la main-d'oeuvre étrangère, avec l'exemple de cet ouvrier, à droite. Sa rencontre donne lieu à un échange "lolesque" :

- Qu'est-ce que vous êtes, vous ?

- Euh... portugais.

   Gêné, le patron de la boîte tente de rebondir en disant qu'il s'agit bien là d'un musée européen...

   On retrouve Pierre Soulages dans un entretien, dans lequel il raconte la genèse du projet de musée, au cours de discussions avec celui qui était à l'époque maire de Rodez : Marc Censi.

   Puis c'est au tour des architectes catalans d'avoir les honneurs de la caméra. Leurs explications sont censées mettre en évidence les liens qui existeraient entre l'architecture du musée et l'oeuvre de Soulages. Je n'ai pas été convaincu...

   Retour à Rodez, pour une séance de dédicaces. Des anonymes comme des vedettes locales viennent faire parapher leur exemplaire d'un ouvrage consacré à Soulages. Je trouve ce comportement de "groupie" infantile de la part d'adultes supposés intelligents. A moins que... cette signature ne soit considérée comme un investissement, qui rendrait l'ouvrage précieux. Ou alors c'est simplement l'expression de leur narcissisme : le "message personnel" de l'artiste les mettrait en valeur...

   A l'occasion de cette séance, Soulages rappelle involontairement combien il est attaché à la ville de Sète, où il est installé depuis des années... et où aurait dû être construit le musée consacré à son oeuvre ! Je pense que ce sont les Aveyronnais, plus que les Sétois, qui regrettent que cette occasion n'ait pas été saisie...

   On nous ramène ensuite au chantier. Le peintre s'enquiert de l'espace consacré aux expositions temporaires, qui doit être de 500 m². Mais cela ne colle pas avec ce qu'il voit du bâtiment. En fait, l'espace est divisé en deux salles, sur deux niveaux. Celle du dessus a un haut plafond (entre  7 et 8 mètres), alors que celle du dessous a moins de 5 mètres de hauteur, ce qui est présenté comme tout à fait "normal". Soulages rebondit sur le mot, avec esprit : "Une salle d'exposition normale pour des peintures normales... comme nous avons un président normal, ça c'est parfait tout ça !"

   La séquence suivante est consacrée à Conques et aux vitraux de l'église abbatiale. On y découvre un extrait d'un autre documentaire de Jean-Noël Cristini (aussi réalisateur de celui-ci). On nous présente un Soulages plus jeune (il a vingt ans de moins), au travail avec un assistant. Pour les aficionados du maître de l'outrenoir, c'est sans doute un moment d'anthologie, qui voit le génie créatif s'exprimer dans tout sa splendeur, avec notamment cette exclamation qui, j'en suis sûr, restera dans les mémoires : " Ce chatterton, c'est une trouvaille, hein ! "

   Au passage, signalons le crime de lèse-majesté commis par la chaîne publique qui, en plein documentaire, laisse passer les résultats du quinté !

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   Une longue séquence nous montre ensuite l'emballage, la réception puis le classement des oeuvres qui vont être installées au musée. On retrouve Pierre Soulages dans un entretien intéressant, où il évoque les peintures rupestres, nées dans la quasi-obscurité des grottes préhistoriques.

   On a ensuite droit à un autre moment de détente, avec les gesticulations autour du sens dans lequel exposer une oeuvre magistrale :

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   Soulages a du mal à se faire comprendre de son assistant... et aucun des deux ne sait vraiment dans quel sens regarder ce truc !

   Le film s'achève sur la mise en place des cartons de Conques, au musée ruthénois. On perçoit l'implication de l'artiste, mais on ne tente pas de nous faire comprendre quoi que ce soit sur les fameux vitraux...

   P.S.

   Arrivé en fin de rediffusion gratuite, le documentaire n'a pas suscité l'engouement sur le site tv-replay. Au bout de six jours et demi, à peine plus de deux cents personnes l'ont regardé, alors que la trilogie consacrée à l'histoire de l'électricité a été suivie par 2 500 à 3 500 internautes.

 

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   P.S.

   Pour ceux qui ont raté le film, France 3 a prévu une séance de rattrapage lundi 16 juin... à 8h45.

 

vendredi, 06 juin 2014

Maléfique

   Disney revisite Charles Perrault (cité au tout début du générique de fin)... pour les beaux yeux d'Angelina Jolie, qui a visiblement pris beaucoup de plaisir à incarner une "méchante"... sur un fond vert. L'idée de départ est excellente : nous conter non pas l'histoire de la belle au bois dormant, mais celle de la sorcière... qui n'en a pas toujours été une.

   Nous voilà embarqués dans le récit de la jeunesse d'une fée protectrice de sa contrée, menacée par les humains cupides et violents. A grand renfort d'effets spéciaux, on nous montre les impressionnants pouvoirs de la gamine puis de la jeune femme, le tout baignant dans une ambiance de merveilleux qui rappelle aussi bien certaines productions Disney que des classiques d'heroic fantasy.

   Je mets toutefois un bémol à mon éloge de l'aspect technique. A trois reprises, au moins, on sent le côté artificiel (recomposé si vous préférez) de certaines scènes. On perçoit l'aspect surimposition, par exemple quand la jeune Maléfique rencontre l'humain dont elle va tomber amoureuse, ou encore à la fin, quand Aurore (une blondasse insipide) retrouve son prince charmant (tout droit sorti d'un boys' band).

   Entre ces deux moments, l'histoire est tout à tour sombre et porteuse d'espoir. Elle est effroyable quand elle nous montre la "chute" de la fée. Elle est belle quand elle  évoque le lent changement qui s'opère à l'intérieur de celle-ci, au fur et à mesure qu'elle s'attache à la jeune fille qu'elle a pourtant maudite.

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   Angelina Jolie est parfaite dans le rôle-titre, anguleuse à souhaits, très expressive. Face à elle, Sharlto Copley assure davantage en roi décadent qu'en jeune homme arriviste. (Il était meilleur dans Elysium et surtout dans District 9.) Au niveau des seconds rôles, je retiens Sam Riley et surtout les trois petites fées chargées de la gamine, parmi lesquelles se distingue particulièrement Imelda Staunton... oui, la Dolorès Ombrage d'Harry Potter !

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   La partie animation est vraiment de qualité (si on laisse de côté les deux-trois scènes dont j'ai parlé plus haut). Les décors sont superbes et les personnages qui peuplent le monde de Maléfique sont très réussis. J'ai particulièrement apprécié le corbeau, compagnon de vengeance de l'héroïne, auquel il ne manque vraiment que la parole !

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jeudi, 05 juin 2014

The Homesman

   Ce nouveau film de Tommy Lee Jones joue à la fois sur les mythes (celui de la frontière, des pionniers) et sur l'histoire intime (celle d'une femme indépendante et pieuse, celle de couples qui partent en vrille et celle d'un vieil égoïste alcoolique).

   On peut tout de suite souligner la qualité de l'interprétation, en particulier celle d'Hilary Swank, qui porte littéralement le film sur les épaules. Habilement, Tommy Lee Jones se glisse dans le rôle du faire-valoir, accompagné par une brochette d'acteurs épatants, auxquels on peut ajouter, sur la fin, notre chère Meryl Streep, qui vient faire coucou en épouse de pasteur philanthrope.

   Évidemment, les deux individus que tout sépare vont petit à petit se rapprocher. La pionnière autoritaire s'adoucit, montre ses failles et le voleur goguenard se surprend à faire preuve d'un peu d'humanisme. Le chemin parcouru ensemble (avec les trois épouses rendues dingues par les conditions de vie du trou perdu où on les avait envoyées) n'est pas que matériel.

   Il faut dire que les héros ont intérêt à se serrer un peu les coudes. Le voyage relie le Nebraska (qui n'est à l'époque qu'un territoire) à l'Iowa (qui a obtenu le statut d’État quelques années auparavant) :

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   La région grouille de personnes sans foi ni loi et, parfois, les Indiens sont de la partie. Ce ne sont pas les moins dangereux.

   Tout ce petit monde semble se diriger vers une destination prévisible... eh bien non. Vers les trois-quarts du film, un événement inattendu survient, qui change la trame de l'histoire. Elle n'en devient que plus poignante... et forte.

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D-Day - Normandie 1944

   Sorti fort à propos, ce moyen-métrage (de 45 minutes environ) en 3D mêle rigueur historique et technologie de pointe. Plusieurs types d'images sont représentés. On trouve des vues aériennes de la Normandie, des images d'époque (je pense notamment aux abords des plages du Débarquement, avec la présence des dirigeables... c'est très joli en 3D), des scènes jouées et de l'infographie comme ces cartes montrées en plongée et que l'on voit s'animer au fur et à mesure que l'entreprise des Alliés réussit.

   C'est propre et bien fait. Le commentaire de François Cluzet s'insère parfaitement dans le film... mais, en dépit de ces qualités, je n'ai pas été emballé. D'abord, j'ai vraiment du mal avec ces lunettes 3D qui obscurcissent ce qui se trouve à l'écran. Ensuite, j'ai trouvé le contenu assez basique, voire banal. A ceux qui ont suivi jadis les cérémonies du cinquantième anniversaire, cela apparaîtra un peu fade. Mais c'est visiblement le (très) grand public que l'on a cherché à toucher.

lundi, 02 juin 2014

Insécurité et propagande à Toulouse

   Ce matin, comme pas mal de lecteurs, j'ai été quelque peu interloqué par un article de La Dépêche du Midi intitulé : "Deux étudiantes volées et agressées à la sortie d'une boîte de nuit". Ce n'est pas tant le fond (hélas assez courant dans la Ville rose) que la forme qui m'a interpellé. Regardons la photographie qui illustre l'article :

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   Elle n'a évidemment pas été prise sur le fait. Mais entre le moment de l'agression (le samedi) et celui de la mise en page de l'article (le dimanche), il y a eu suffisamment de temps pour réaliser un document d'illustration, comme il est précisé au bas de la photographie.

   On a donc choisi de représenter les deux étudiantes agressées comme deux bourgeoises... et l'agresseur comme un jeune homme à capuche, visiblement d'origine africaine. Or, l'article ne dit rien du physique des deux agresseurs, qui avaient le visage masqué. Soit les deux jeunes femmes ont quand même pu donner un début de description (et l'article ne le dit pas), soit c'est une extrapolation pure et simple.

   Ce nouveau fait divers s'insère dans la polémique sur la police municipale toulousaine. La sécurité fut l'un des sujets "chauds" de la récente campagne des municipales. Le candidat vainqueur, Jean-Luc Moudenc, en avait fait l'un de ses principaux arguments :

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   Dans son document de campagne, il compare le nombre de caméras de vidéosurveillance dans plusieurs grandes villes (dont Toulouse). Mais c'est sur le nombre de policiers municipaux (non cité dans le document) qu'a porté la polémique... encore aujourd'hui.

   En avril dernier, le nouvel adjoint à la sécurité, dans un article de La Dépêche du Midi, a avancé des chiffres qui sont depuis régulièrement repris... y compris par La Dépêche elle-même, il y a moins de trois semaines. (Comme le même chiffre a été cité dans deux articles différents, j'écarte la possible erreur de virgule d'un journaliste.)

   Refaisons les calculs. Tout d'abord, contrairement à ce qu'affirment les élus de la nouvelle majorité toulousaine, ce n'est 160 mais 175 agents que compte la police municipale à la fin de l'ère Cohen, aussi bien d'après La Gazette des communes que les statistiques gouvernementales.

   Si l'on divise par la population municipale de Toulouse en 2011 (qui est la population légale de 2014, selon l'INSEE), soit 447 340 habitants, on obtient 0,000 39 policier par habitant, soit 0,039 pour 100 habitants... ou 0,39 pour 1 000... ou 3,9 pour 10 000. C'est là qu'intervient l'erreur (involontaire ?). Le nouvel adjoint à la sécurité de Toulouse compare le nombre de policiers municipaux de Toulouse pour 1 000 habitants à celui de Lyon... pour 10 000.

   En effet, à la même date, la commune de Lyon comptait 326 policiers municipaux, pour une population municipale de 491 268 habitants. Cela nous donne un ratio de 0,000 66... soit 0,66 policier pour 1 000 habitants... et 6,6 pour 10 000.

   Dans le doute, faisons la même opération pour Montpellier. Elle comptait 130 policiers municipaux pour 264 538 habitants. Cela nous donne 0,000 49... soit 0,49 pour 1 000 et 4,9 pour 10 000.

   Conclusion : Olivier Arsac a cité des chiffres qui font apparaître exagérément faible le ratio de policiers municipaux à Toulouse par rapport aux autres grandes villes. Ainsi, l'écart entre Toulouse et Lyon n'est pas de 0,47 à 6 (une différence de 1 à 14 !), mais de 3,9 à 6,6 (une différence de 1 à 1,7 !).

   Signalons que cet écart (beaucoup plus faible en réalité que ce qui a été colporté dans les médias) n'est pas né de la gestion Cohen. On peut le constater à la lecture d'un rapport d'information sénatorial de 1998, dans lequel on peut trouver le tableau suivant :

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   A l'époque où feu Dominique Baudis officiait à la mairie, la police municipale comptait deux fois moins de personnel et le nombre d'agents pour 1 000 habitants était presque deux fois plus faible que sous Pierre Cohen. De plus, si l'on compare les ratios de Lyon et de Toulouse, on constate que l'écart (de 1 à 2,4) était plus important qu'en 2012. On peut faire la même remarque en comparant les ratios de Montpellier et Toulouse : l'écart était plus important en 1998 (1 pour 1,66) qu'en 2012 (1 pour 1,26).

   Même si, sous le mandat de Pierre Cohen, le centre-ville de Toulouse a souffert (et continue à souffrir) d'une indéniable insécurité nocturne, on ne peut pas l'expliquer par la politique d'embauche ou de non-embauche de policiers municipaux. La crise économique est passée par là, ainsi que la réduction des effectifs de la police nationale. (Merci, Chirac et Sarkozy !) On pourrait aussi longtemps causer de l'incivilité de nombre de jeunes adultes... Mais le choix de la municipalité Cohen de ne plus faire intervenir la police municipale la nuit (estimant que les missions accomplies à cette période sont du ressort de la police nationale) lui a sans doute coûté cher en mars dernier.

dimanche, 01 juin 2014

L'Ile de Giovanni

   Ce manga croise l'histoire japonaise avec une oeuvre de fiction, Train de nuit dans la voie lactée. C'était le livre préféré de la mère des héros (deux garçons, dont les prénoms sont inspirés de l'oeuvre). Il est devenu le leur et une source de rêveries (superbement matérialisées à l'écran).

   Mais l'action du film démarre en 1945. Nous sommes sur l'île de Shikotan, située au nord du Japon, juste à côté d'Hokkaido. La guerre finit par arriver sous la forme d'un bombardement américain... puis des bateaux soviétiques.

   L'animation (qui n'est pas d'une qualité exceptionnelle au niveau des personnages... ça ressemble à du manga "de consommation courante") est suffisamment habile pour permettre aux spectateurs de comprendre l'étonnement des Japonais (encore plus des enfants) devant ces grands soldats blonds (ou bruns) qui débarquent et prennent possession de l'île.

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   La suite de l'histoire montre les sentiments ambivalents des enfants qui, à l'image du reste de la population, souffrent des pénuries diverses, mais qui nouent une drôle d'amitié avec la fille du commandant, une jolie blonde tout aussi fascinée qu'eux par les trains. Cela nous vaut une scène magnifique autour d'un petit train électrique, de nuit, entre les deux parties de la maison, brièvement réunies. (C'est évidemment une métaphore de la situation des îles Kouriles, que la Russie contrôle toujours aujourd'hui.)

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   J'apprécie aussi que, bien qu'ayant vu le film en version française, on ait pris soin de laisser les dialogues russes, qui sont donc sous-titrés. Je vous assure que cela n'a nullement gêné les bambins présents dans la salle. De la même manière, on a permis à nos oreilles occidentales de profiter aussi bien des chants japonais que des russes, entonnés à l'école primaire, dans deux classes voisines.

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   L'histoire prend un tour tragique quand l'expulsion des habitants est décidée. Ceux-ci ne sont pas directement envoyés au Japon. C'est le début d'un périple, qui voit les garçons partir à la recherche de leur père, plus ou moins aidés par leur oncle, un drôle de type, franchement magouilleur, qui rappellera bien des personnages comiques aux amateurs de mangas.

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   L'histoire ne s'arrête pas aux années 1940. Une séquence nous montre certains des protagonistes, au début du XXIe siècle. C'est à la fois mélancolique et porteur d'espoir.