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jeudi, 30 novembre 2023

Mars Express

   Le titre de ce film d'animation français évoque la navette aérospatiale qui relie la Terre à Mars, où s'est implantée une colonie humaine, dans un environnement ultra-technologique. Cette navette est empruntée deux fois : au début par le duo de héros et à la fin par d'autres personnages.

   L'univers futuriste de cette histoire fait immanquablement penser à une pelletée de romans de science-fiction (notamment ceux d'Isaac Asimov), ainsi qu'au manga Ghost in the shell (l'animé japonais, pas le laborieux pompage hollywoodien sorti il y a quelques années).

   Différentes catégories de personnages évoluent dans l'histoire : des humains "classiques" (tous "augmentés"), des humains "restaurés", des androïdes purs et durs... et une nouvelle espèce, organique, créée par des chercheurs un peu dingos et que je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir.

cinéma,cinema,film,films

   Le duo de héros est composé d'un humain "restauré" multitâche et d'une détective privée humaine. Ce sont des amis de longue date et leurs chamailleries ne manquent pas de saveur. C'est l'occasion de signaler que ce film d'animation ne fait pas dans le sentencieux. Il est traversé de salutaires moments d'humour, qui agrémentent une intrigue assez inquiétante sur le fond.

   Tout commence avec un meurtre mystérieux. Dans le même temps, on voit certains personnages en traquer d'autres. L'enjeu est le déblocage des androïdes, une activité parallèle (illégale) qui a parfois des conséquences inattendues (les robots devenus "libres" se mettant à faire un peu tout et n'importe quoi). J'ai aimé ce début mystérieux, notamment parce que, dans un premier temps, on a vraiment du mal à caractériser certains personnages comme "bons" ou "méchants".

   Sur le plan visuel, c'est emballant, en particulier au niveau des décors en extérieur (en intérieur, c'est plus classique). Les personnages sont dessinés un peu à la manière des jeux vidéo, un soin particulier ayant été apporté à certains détails.

   Cela dure moins d'1h30, mais on a l'impression d'avoir suivi une fresque de grande ampleur. On ne s'ennuie pas une seconde... et l'on peut interpréter la fin de deux manières, soit comme un complot qui a réussi, soit comme une libération.

   Je recommande vivement.

09:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Mars Express

   Le titre de ce film d'animation français évoque la navette aérospatiale qui relie la Terre à Mars, où s'est implantée une colonie humaine, dans un environnement ultra-technologique. Cette navette est empruntée deux fois : au début par le duo de héros et à la fin par d'autres personnages.

   L'univers futuriste de cette histoire fait immanquablement penser à une pelletée de romans de science-fiction (notamment ceux d'Isaac Asimov), ainsi qu'au manga Ghost in the shell (l'animé japonais, pas le laborieux pompage hollywoodien sorti il y a quelques années).

   Différentes catégories de personnages évoluent dans l'histoire : des humains "classiques" (tous "augmentés"), des humains "restaurés", des androïdes purs et durs... et une nouvelle espèce, organique, créée par des chercheurs un peu dingos et que je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir.

cinéma,cinema,film,films

   Le duo de héros est composé d'un humain "restauré" multitâche et d'une détective privée humaine. Ce sont des amis de longue date et leurs chamailleries ne manquent pas de saveur. C'est l'occasion de signaler que ce film d'animation ne fait pas dans le sentencieux. Il est traversé de salutaires moments d'humour, qui agrémentent une intrigue assez inquiétante sur le fond.

   Tout commence avec un meurtre mystérieux. Dans le même temps, on voit certains personnages en traquer d'autres. L'enjeu est le déblocage des androïdes, une activité parallèle (illégale) qui a parfois des conséquences inattendues (les robots devenus "libres" se mettant à faire un peu tout et n'importe quoi). J'ai aimé ce début mystérieux, notamment parce que, dans un premier temps, on a vraiment du mal à caractériser certains personnages comme "bons" ou "méchants".

   Sur le plan visuel, c'est emballant, en particulier au niveau des décors en extérieur (en intérieur, c'est plus classique). Les personnages sont dessinés un peu à la manière des jeux vidéo, un soin particulier ayant été apporté à certains détails.

   Cela dure moins d'1h30, mais on a l'impression d'avoir suivi une fresque de grande ampleur. On ne s'ennuie pas une seconde... et l'on peut interpréter la fin de deux manières, soit comme un complot qui a réussi, soit comme une libération.

   Je recommande vivement.

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mercredi, 22 novembre 2023

Complètement cramé !

   Cette expression qualifie à deux reprises le héros de ce film, le Britannique Andrew (John Malkovich... malkovichien !), la première fois, au début de l'histoire, dans la bouche de la cuisinière du manoir, la seconde, à la fin, dans la bouche d'un autre personnage.

   Andrew, très perturbé par le récent décès de son épouse, a du mal à comprendre pourquoi on le qualifie ainsi. Il est retourné en France, dans la propriété où il a jadis eu le coup de foudre pour la femme de sa vie. Il comptait s'y rendre en tant que client, mais, pour des raisons que je laisse à chacun le plaisir de découvrir, il va "faire le majordome". Sans surprise, Malkovich est d'une savoureuse onctuosité dans un rôle qui semble taillé pour lui.

   Les autres ne sont pas mal non plus. J'ai été particulièrement sensible au personnage interprété par Emilie Dequenne (vue cette année uniquement dans la mini-série Année zéro). Elle est la véritable cheville ouvrière du manoir, soucieuse du bien-être de son employeuse... et veillant à écarter les importuns.

   Sa tranquille solidité est perturbée par la présence d'un jardinier homme des bois, auquel Philippe Bas (l'ex-commandant Rocher de Profilage) prête son physique avantageux. Il incarne un type un peu frustre, mais gentil, au fond.

   Une jeune femme de ménage dépressive complète la liste du personnel, sous la houlette d'une châtelaine désargentée qui a les traits (liftés) de Fanny Ardant. J'ai été agréablement surpris par sa composition, celle d'une femme à la fois fière et compatissante.

cinéma,cinema,film,films

   Je ne peux pas clore la liste des protagonistes sans évoquer Méphisto, le chat de la cuisinière, la véritable vedette du tournage, qui a parfois fait tourner l'équipe en bourrique... et dont le personnage réserve une colossale surprise, à la fin !

   Le scénario est composite : on y trouve des lieux communs, des choses intéressantes mais déjà vues ailleurs... et quelques surprises, assez réjouissantes, ma foi. Les dialogues sont plutôt bien écrits, servis par de bons interprètes, qui se sont prêtés de bonne grâce à certaines situations cocasses.

   Sur le fond, chacun des personnages principaux a sa fêlure. L'arrivée du Britannique va jouer le rôle de catalyseur. Andrew s'évertue à améliorer la vie de ce qui ressemble de plus en plus à une nouvelle famille, tout en tentant de surmonter son propre chagrin. Malkovich est touchant (quand il n'est pas drôle) et les autres jouent bien leur partition.

   Ce film m'a fait du bien.

22:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Complètement cramé !

   Cette expression qualifie à deux reprises le héros de ce film, le Britannique Andrew (John Malkovich... malkovichien !), la première fois, au début de l'histoire, dans la bouche de la cuisinière du manoir, la seconde, à la fin, dans la bouche d'un autre personnage.

   Andrew, très perturbé par le récent décès de son épouse, a du mal à comprendre pourquoi on le qualifie ainsi. Il est retourné en France, dans la propriété où il a jadis eu le coup de foudre pour la femme de sa vie. Il comptait s'y rendre en tant que client, mais, pour des raisons que je laisse à chacun le plaisir de découvrir, il va "faire le majordome". Sans surprise, Malkovich est d'une savoureuse onctuosité dans un rôle qui semble taillé pour lui.

   Les autres ne sont pas mal non plus. J'ai été particulièrement sensible au personnage interprété par Emilie Dequenne (vue cette année uniquement dans la mini-série Année zéro). Elle est la véritable cheville ouvrière du manoir, soucieuse du bien-être de son employeuse... et veillant à écarter les importuns.

   Sa tranquille solidité est perturbée par la présence d'un jardinier homme des bois, auquel Philippe Bas (l'ex-commandant Rocher de Profilage) prête son physique avantageux. Il incarne un type un peu frustre, mais gentil, au fond.

   Une jeune femme de ménage dépressive complète la liste du personnel, sous la houlette d'une châtelaine désargentée qui a les traits (liftés) de Fanny Ardant. J'ai été agréablement surpris par sa composition, celle d'une femme à la fois fière et compatissante.

cinéma,cinema,film,films

   Je ne peux pas clore la liste des protagonistes sans évoquer Méphisto, le chat de la cuisinière, la véritable vedette du tournage, qui a parfois fait tourner l'équipe en bourrique... et dont le personnage réserve une colossale surprise, à la fin !

   Le scénario est composite : on y trouve des lieux communs, des choses intéressantes mais déjà vues ailleurs... et quelques surprises, assez réjouissantes, ma foi. Les dialogues sont plutôt bien écrits, servis par de bons interprètes, qui se sont prêtés de bonne grâce à certaines situations cocasses.

   Sur le fond, chacun des personnages principaux a sa fêlure. L'arrivée du Britannique va jouer le rôle de catalyseur. Andrew s'évertue à améliorer la vie de ce qui ressemble de plus en plus à une nouvelle famille, tout en tentant de surmonter son propre chagrin. Malkovich est touchant (quand il n'est pas drôle) et les autres jouent bien leur partition.

   Ce film m'a fait du bien.

22:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 19 novembre 2023

Yôjinbô

   Ces dernières années, l’œuvre du cinéaste japonais Akira Kurosawa (décédé en 1998) connaît un regain d'intérêt en France. J'ai pu le constater en observant la programmation "patrimoniale" de certains cinémas du sud-ouest de la France et celle des cinémathèques (rétrospectives à celle de Toulouse en 2017 et celle de Paris en 2022).

   La "quinzaine japonaise" qui s'achève en Midi-Languedoc a été l'occasion de reprogrammer, outre des mangas (dont ceux d'Hayao Miyazaki), certains des films les plus marquants de Kurosawa. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de revoir Rashōmon (célèbre pour son intrigue criminelle à plusieurs voix) et Le Château de l'araignée (transposition captivante du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval).

   Sorti en France sous le titre Le Garde du corps (alors que Le Mercenaire ou Le Nervi aurait été un poil plus adapté), Yôjinbô, comme les deux précédemment cités, s'appuie sur la participation de l'acteur fétiche de Kurosawa, Toshirô Mifune, qui incarne un rōnin, c'est-à-dire un samouraï sans maître... mais pas sans valeurs.

cinéma,cinema,film,films

   Il débarque dans un bourg où dominent deux clans, qui s'affrontent... ou s'entendent pour contrôler les activités les plus lucratives de la région. Alors que l'action se déroule peu avant le début de l'ère Meiji (sans doute dans les années 1850-1860), l'un des dialogues du début, dans lequel un personnage se désole du comportement des "jeunes d'aujourd'hui" et de la course à l'argent facile qui change (en mal) la société traditionnelle, fait sans doute davantage écho à la situation du Japon au tournant des années 1950-1960 (cent ans plus tard, donc), qui amorçait une fulgurante croissance économique, doublée d'une modernisation sans précédent, le tout sous la houlette américaine.

   Très vite, l'étranger, redoutable sabreur, comprend qu'aucun des camps ne vaut mieux que l'autre... sans parler de l'autorité régionale, dont le représentant se révèle particulièrement sensible à la corruption. C'est donc tout seul... ou presque, que le rōnin en quête de cause va se muer en justicier, tentant de monter un clan contre l'autre. Ses tentatives de manipulation sont savoureuses à suivre, parce que, dans un premier temps, elles ridiculisent les sbires aux faciès menaçants, soit qu'ils se révèlent stupides, soit qu'ils apparaissent soudainement trouillards. Mais le fils de l'un des chefs, de retour de la ville avec une nouvelle arme (un révolver), va lui donner du fil à retordre.

   C'est filmé avec un incroyable brio. Kurosawa sait mettre à profit les contre-plongées et les prises de vue obliques. Il a de plus choisi de faire loger son héros dans une auberge d'aspect misérable... mais située au centre du bourg. A travers les planches amovibles qui masquent les ouvertures, on peut observer tout ce qu'il se passe sans être vu.

   Même si le film a un peu vieilli, il constitue un bon divertissement, avec finalement assez peu de moments d'action violente, mais pas mal de malice, des personnages parfois truculents et une musique d'accompagnement qui oscille entre le grandiose et l'ironique. On en vient presque à penser que le duo Leone-Morricone n'a pas inventé grand chose...

   P.S.

   Dans le cinéma où j'ai vu le film (le CGR Lapérouse, à Albi), la séance a été précédée d'une démonstration de sabre, accompagnée d'explications. Ce fut fort instructif... en tout cas plus intéressant que les bandes-annonces et plages de publicité, qui nous été épargnées !

01:04 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Yôjinbô

   Ces dernières années, l’œuvre du cinéaste japonais Akira Kurosawa (décédé en 1998) connaît un regain d'intérêt en France. J'ai pu le constater en observant la programmation "patrimoniale" de certains cinémas du sud-ouest de la France et celle des cinémathèques (rétrospectives à celle de Toulouse en 2017 et celle de Paris en 2022).

   La "quinzaine japonaise" qui s'achève en Midi-Languedoc a été l'occasion de reprogrammer, outre des mangas (dont ceux d'Hayao Miyazaki), certains des films les plus marquants de Kurosawa. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de revoir Rashōmon (célèbre pour son intrigue criminelle à plusieurs voix) et Le Château de l'araignée (transposition captivante du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval).

   Sorti en France sous le titre Le Garde du corps (alors que Le Mercenaire ou Le Nervi aurait été un poil plus adapté), Yôjinbô, comme les deux précédemment cités, s'appuie sur la participation de l'acteur fétiche de Kurosawa, Toshirô Mifune, qui incarne un rōnin, c'est-à-dire un samouraï sans maître... mais pas sans valeurs.

cinéma,cinema,film,films

   Il débarque dans un bourg où dominent deux clans, qui s'affrontent... ou s'entendent pour contrôler les activités les plus lucratives de la région. Alors que l'action se déroule peu avant le début de l'ère Meiji (sans doute dans les années 1850-1860), l'un des dialogues du début, dans lequel un personnage se désole du comportement des "jeunes d'aujourd'hui" et de la course à l'argent facile qui change (en mal) la société traditionnelle, fait sans doute davantage écho à la situation du Japon au tournant des années 1950-1960 (cent ans plus tard, donc), qui amorçait une fulgurante croissance économique, doublée d'une modernisation sans précédent, le tout sous la houlette américaine.

   Très vite, l'étranger, redoutable sabreur, comprend qu'aucun des camps ne vaut mieux que l'autre... sans parler de l'autorité régionale, dont le représentant se révèle particulièrement sensible à la corruption. C'est donc tout seul... ou presque, que le rōnin en quête de cause va se muer en justicier, tentant de monter un clan contre l'autre. Ses tentatives de manipulation sont savoureuses à suivre, parce que, dans un premier temps, elles ridiculisent les sbires aux faciès menaçants, soit qu'ils se révèlent stupides, soit qu'ils apparaissent soudainement trouillards. Mais le fils de l'un des chefs, de retour de la ville avec une nouvelle arme (un révolver), va lui donner du fil à retordre.

   C'est filmé avec un incroyable brio. Kurosawa sait mettre à profit les contre-plongées et les prises de vue obliques. Il a de plus choisi de faire loger son héros dans une auberge d'aspect misérable... mais située au centre du bourg. A travers les planches amovibles qui masquent les ouvertures, on peut observer tout ce qu'il se passe sans être vu.

   Même si le film a un peu vieilli, il constitue un bon divertissement, avec finalement assez peu de moments d'action violente, mais pas mal de malice, des personnages parfois truculents et une musique d'accompagnement qui oscille entre le grandiose et l'ironique. On en vient presque à penser que le duo Leone-Morricone n'a pas inventé grand chose...

   P.S.

   Dans le cinéma où j'ai vu le film (le CGR Lapérouse, à Albi), la séance a été précédée d'une démonstration de sabre, accompagnée d'explications. Ce fut fort instructif... en tout cas plus intéressant que les bandes-annonces et plages de publicité, qui nous été épargnées !

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samedi, 11 novembre 2023

L'Enlèvement

   Le dernier film de Marco Bellocchio est consacré à ce qu'on a jadis appelé l'Affaire Mortara, du nom de cette famille italienne juive dont l'un des garçons a été enlevé, sur ordre des autorités religieuses, en 1858.

cinéma,cinema,film,films,histoire

   L'action démarre à Bologne, une ville du nord de l'Italie, mais qui, à l'époque, se trouve sous juridiction du Pape, celui-ci contrôlant un vaste territoire appelé "États de l’Église". Le prologue évoque l'année 1852, mais c'est à partir de 1858 que l'histoire s'emballe, en plein Risorgimento : la péninsule italienne, alors morcelée, commence à (re)faire son unité, s'inspirant davantage des idées de la Révolution française que du traditionalisme catholique.

   Il s'agit donc d'un film politique, qui dénonce le pouvoir temporel du Pape (celui-ci très bien interprété par Paolo Pierobon) et la suffisance d'un clergé sûr de détenir la vérité. On comprend sans peine que cette analyse ne se limite ni au XIXe siècle, ni à la religion catholique...

   C'est aussi un film spirituel, qui prône plutôt la compréhension entre les peuples et dénonce l'antijudaïsme du clergé. Il n'est cependant pas un film antireligieux : le point de vue des croyants fondamentalistes est amplement développé (afin, je pense, que l'on comprenne leur logique). C'est d'ailleurs la principale cause du malheur de la famille Mortara : chaque camp est sur ses positions, persuadé d'avoir seul raison.

   C'est enfin un drame familial, dans lequel la mère joue un rôle capital. Elle est incarnée par Barbara Ronchi (déjà remarquée dans Il Boemo), véritablement habitée par son rôle. Le paradoxe est que Bellochio la filme à la fois comme une mère juive traditionnelle et une figure mariale.

   J'ai toutefois trouvé la première partie trop longue, avec un peu trop de mélo. Je reconnais la qualité de la reconstitution historique ainsi que celle de l'interprétation, mais, franchement, parfois, cela manque de rythme. Bellochio aurait dû couper un peu dans ce matériau et développer l'aspect international de l'affaire, qui n'est évoqué que par des dialogues.

   Cela rebondit avec la séquence du procès, vraiment très bien, qui lance le film sur une dernière partie assez palpitante, toujours aussi bien interprétée.

   Du coup, en dépit de mes (petites) réserves, je recommande la représentation de cette histoire forte, un scandale qui fut retentissant à l'époque... avant de tomber dans l'oubli pour des dizaines d'années.

L'Enlèvement

   Le dernier film de Marco Bellocchio est consacré à ce qu'on a jadis appelé l'Affaire Mortara, du nom de cette famille italienne juive dont l'un des garçons a été enlevé, sur ordre des autorités religieuses, en 1858.

cinéma,cinema,film,films,histoire

   L'action démarre à Bologne, une ville du nord de l'Italie, mais qui, à l'époque, se trouve sous juridiction du Pape, celui-ci contrôlant un vaste territoire appelé "États de l’Église". Le prologue évoque l'année 1852, mais c'est à partir de 1858 que l'histoire s'emballe, en plein Risorgimento : la péninsule italienne, alors morcelée, commence à (re)faire son unité, s'inspirant davantage des idées de la Révolution française que du traditionalisme catholique.

   Il s'agit donc d'un film politique, qui dénonce le pouvoir temporel du Pape (celui-ci très bien interprété par Paolo Pierobon) et la suffisance d'un clergé sûr de détenir la vérité. On comprend sans peine que cette analyse ne se limite ni au XIXe siècle, ni à la religion catholique...

   C'est aussi un film spirituel, qui prône plutôt la compréhension entre les peuples et dénonce l'antijudaïsme du clergé. Il n'est cependant pas un film antireligieux : le point de vue des croyants fondamentalistes est amplement développé (afin, je pense, que l'on comprenne leur logique). C'est d'ailleurs la principale cause du malheur de la famille Mortara : chaque camp est sur ses positions, persuadé d'avoir seul raison.

   C'est enfin un drame familial, dans lequel la mère joue un rôle capital. Elle est incarnée par Barbara Ronchi (déjà remarquée dans Il Boemo), véritablement habitée par son rôle. Le paradoxe est que Bellochio la filme à la fois comme une mère juive traditionnelle et une figure mariale.

   J'ai toutefois trouvé la première partie trop longue, avec un peu trop de mélo. Je reconnais la qualité de la reconstitution historique ainsi que celle de l'interprétation, mais, franchement, parfois, cela manque de rythme. Bellochio aurait dû couper un peu dans ce matériau et développer l'aspect international de l'affaire, qui n'est évoqué que par des dialogues.

   Cela rebondit avec la séquence du procès, vraiment très bien, qui lance le film sur une dernière partie assez palpitante, toujours aussi bien interprétée.

   Du coup, en dépit de mes (petites) réserves, je recommande la représentation de cette histoire forte, un scandale qui fut retentissant à l'époque... avant de tomber dans l'oubli pour des dizaines d'années.

mercredi, 08 novembre 2023

Killers of the Flower Moon

   J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) le (très) long-métrage de Scorsese, consacré à l'affaire des meurtres d'Indiens Osage, aux États-Unis (en Oklahoma), dans l'Entre-deux-guerres.

   L'histoire marie l'immersion dans les traditions indiennes et la description d'une énorme série d'arnaques, assaisonnée de meurtres (plus ou moins) maquillés en accidents, suicides...

   Du côté des Osages, Scorsese met l'accent sur le personnage de Mollie (Lily Gladstone, une révélation), une jeune femme assez sûre d'elle, qui ne s'en laisse compter par personne... jusqu'au jour où un petit Blanc mal dégrossi réussit à capter son attention.

   Cet énergumène est incarné par Leonardo DiCaprio, que j'ai trouvé convaincant dans la première partie du film, avant que son jeu ne tourne à la caricature (avec menton proéminent). Dommage, d'autant qu'à l'origine, il devait incarner un personnage beaucoup plus positif, un agent du FBI naissant, qui débarque dans la contrée pour enquêter sur une série de morts suspectes.

   Scorsese a choisi de faire de King Hale le véritable (anti-)héros de l'intrigue... et, d'un point de vue cinématographique, il n'a pas eu tort, tant De Niro étincelle dans le rôle de cette fripouille manipulatrice, qu'il semble avoir pris grand plaisir à interpréter. Il est de plus bien servi par les dialogues. En revanche, les personnages d'Indiens hommes sont taillés à la hache. On n'a pas cherché à en faire émerger une figure positive charismatique, alors qu'il y avait pourtant le matériau, à travers notamment le groupe qui finit par se rendre à Washington.

   Scorsese aime les racailles de l'Amérique de l'envers comme il aime les mafieux. Cela nuit un peu à son intrigue, parce qu'il a visiblement répugné à faire tomber le King de son piédestal. Même emprisonné, celui-ci sort vainqueur par la parole et les manipulations. (De Niro est vraiment très fort dans la manière de faire ressortir cet aspect de son personnage.)

   Sur le plan visuel, on retrouve un cinéaste inspiré. On attendait bien sûr les grands espaces de l'Oklahoma... et ils sont magnifiés. J'ai été plus impressionné par la mise en scène de l'intime et des actions conspiratrices. Dans ces dernières, la ruse le dispute à la maladresse, voire la stupidité. Il est encore plus désolant que les Indiens en aient été victimes.

   Je doute toutefois que ce qui nous est montré à l'écran soit une représentation rigoureuse du passé. On entend par exemple un responsable indien parler, au début des années 1920, d'un "génocide" commis contre sa nation... à ceci près que le mot n'a été inventé qu'en 1944. On n'est pas non plus obligé de croire totalement à la version du personnage d'Ernest Burkhart que joue DiCaprio. L'un des nœuds de l'intrigue est constitué par son indécision, ses oscillations, entre d'un côté l'appât du gain (et la fidélité à son oncle) et, de l'autre, l'amour de plus en plus fort qu'il semble ressentir pour Mollie. Même si l'un des dialogues de la fin remet un peu les choses à plat, c'est (selon moi) de manière trop ténue : le vrai Burkhart était d'abord mû par la cupidité.

   Mais laissons à l'artiste sa liberté d'interprétation, d'autant qu'il rend un bel hommage aux Osages (notamment aux femmes). Le film est certes trop long, mais d'une incontestable beauté.

Killers of the Flower Moon

   J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) le (très) long-métrage de Scorsese, consacré à l'affaire des meurtres d'Indiens Osage, aux États-Unis (en Oklahoma), dans l'Entre-deux-guerres.

   L'histoire marie l'immersion dans les traditions indiennes et la description d'une énorme série d'arnaques, assaisonnée de meurtres (plus ou moins) maquillés en accidents, suicides...

   Du côté des Osages, Scorsese met l'accent sur le personnage de Mollie (Lily Gladstone, une révélation), une jeune femme assez sûre d'elle, qui ne s'en laisse compter par personne... jusqu'au jour où un petit Blanc mal dégrossi réussit à capter son attention.

   Cet énergumène est incarné par Leonardo DiCaprio, que j'ai trouvé convaincant dans la première partie du film, avant que son jeu ne tourne à la caricature (avec menton proéminent). Dommage, d'autant qu'à l'origine, il devait incarner un personnage beaucoup plus positif, un agent du FBI naissant, qui débarque dans la contrée pour enquêter sur une série de morts suspectes.

   Scorsese a choisi de faire de King Hale le véritable (anti-)héros de l'intrigue... et, d'un point de vue cinématographique, il n'a pas eu tort, tant De Niro étincelle dans le rôle de cette fripouille manipulatrice, qu'il semble avoir pris grand plaisir à interpréter. Il est de plus bien servi par les dialogues. En revanche, les personnages d'Indiens hommes sont taillés à la hache. On n'a pas cherché à en faire émerger une figure positive charismatique, alors qu'il y avait pourtant le matériau, à travers notamment le groupe qui finit par se rendre à Washington.

   Scorsese aime les racailles de l'Amérique de l'envers comme il aime les mafieux. Cela nuit un peu à son intrigue, parce qu'il a visiblement répugné à faire tomber le King de son piédestal. Même emprisonné, celui-ci sort vainqueur par la parole et les manipulations. (De Niro est vraiment très fort dans la manière de faire ressortir cet aspect de son personnage.)

   Sur le plan visuel, on retrouve un cinéaste inspiré. On attendait bien sûr les grands espaces de l'Oklahoma... et ils sont magnifiés. J'ai été plus impressionné par la mise en scène de l'intime et des actions conspiratrices. Dans ces dernières, la ruse le dispute à la maladresse, voire la stupidité. Il est encore plus désolant que les Indiens en aient été victimes.

   Je doute toutefois que ce qui nous est montré à l'écran soit une représentation rigoureuse du passé. On entend par exemple un responsable indien parler, au début des années 1920, d'un "génocide" commis contre sa nation... à ceci près que le mot n'a été inventé qu'en 1944. On n'est pas non plus obligé de croire totalement à la version du personnage d'Ernest Burkhart que joue DiCaprio. L'un des nœuds de l'intrigue est constitué par son indécision, ses oscillations, entre d'un côté l'appât du gain (et la fidélité à son oncle) et, de l'autre, l'amour de plus en plus fort qu'il semble ressentir pour Mollie. Même si l'un des dialogues de la fin remet un peu les choses à plat, c'est (selon moi) de manière trop ténue : le vrai Burkhart était d'abord mû par la cupidité.

   Mais laissons à l'artiste sa liberté d'interprétation, d'autant qu'il rend un bel hommage aux Osages (notamment aux femmes). Le film est certes trop long, mais d'une incontestable beauté.

Saw X

   Lionsgate ressuscite John Kramer, le "tueur au puzzle", pour tenter de relancer la franchise du film d'horreur, après une petite escapade (il y a deux ans) du côté du "politiquement correct".

   En fait, ce bon vieux Johnny n'a pas ressuscité... puisque l'action se place entre celles de Saw I et Saw II... c'est-à-dire à l'époque des meilleurs films de la série. Le début nous montre le tueur en plein traitement contre son cancer, à l'hôpital où, parfois, il lui vient des envies de meurtre torture. C'est sympatoche, délicieusement cruel et cela nous fait patienter en attendant le gros œuvre, qui va mettre un petit moment à arriver.

   En effet, ensuite, on nous plonge dans un quasi-conte de fées. C'est très surprenant et cela présente Kramer sous un autre jour, notamment en raison des relations qu'il tisse, qui n'ont rien à voir avec sa mission sanguinairement rédemptrice. On espère se doute bien que cela ne va pas durer.

   Quand le tueur se remet à sa tâche, on nous balance du lourd. Les scénaristes se sont trituré les méninges... et je dois dire que le résultat (avec notamment deux retournements de situation) est plaisant à regarder... si l'on supporte le gore... vraiment gore... très très gore. Je recommande tout particulièrement la manière dont une infirmière et un médecin anesthésiste se font dézinguer...

   Même si j'ai senti venir le second twist d'assez loin, j'ai apprécié cette facétie scénaristique, qui relance l'intrigue... et les hectolitres coulis de sauce tomate. Je conseille aux spectateurs qui seraient tentés par l'aventure de ne pas quitter trop rapidement la salle. A la fin officielle du film, si l'on a bien suivi, Kramer n'a pas achevé sa vengeance. On nous a donc mitonné une petite scène post-générique en forme de clin d’œil. On a aussi laissé la porte ouverte à une nouvelle suite.

21:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Saw X

   Lionsgate ressuscite John Kramer, le "tueur au puzzle", pour tenter de relancer la franchise du film d'horreur, après une petite escapade (il y a deux ans) du côté du "politiquement correct".

   En fait, ce bon vieux Johnny n'a pas ressuscité... puisque l'action se place entre celles de Saw I et Saw II... c'est-à-dire à l'époque des meilleurs films de la série. Le début nous montre le tueur en plein traitement contre son cancer, à l'hôpital où, parfois, il lui vient des envies de meurtre torture. C'est sympatoche, délicieusement cruel et cela nous fait patienter en attendant le gros œuvre, qui va mettre un petit moment à arriver.

   En effet, ensuite, on nous plonge dans un quasi-conte de fées. C'est très surprenant et cela présente Kramer sous un autre jour, notamment en raison des relations qu'il tisse, qui n'ont rien à voir avec sa mission sanguinairement rédemptrice. On espère se doute bien que cela ne va pas durer.

   Quand le tueur se remet à sa tâche, on nous balance du lourd. Les scénaristes se sont trituré les méninges... et je dois dire que le résultat (avec notamment deux retournements de situation) est plaisant à regarder... si l'on supporte le gore... vraiment gore... très très gore. Je recommande tout particulièrement la manière dont une infirmière et un médecin anesthésiste se font dézinguer...

   Même si j'ai senti venir le second twist d'assez loin, j'ai apprécié cette facétie scénaristique, qui relance l'intrigue... et les hectolitres coulis de sauce tomate. Je conseille aux spectateurs qui seraient tentés par l'aventure de ne pas quitter trop rapidement la salle. A la fin officielle du film, si l'on a bien suivi, Kramer n'a pas achevé sa vengeance. On nous a donc mitonné une petite scène post-générique en forme de clin d’œil. On a aussi laissé la porte ouverte à une nouvelle suite.

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vendredi, 03 novembre 2023

Le Garçon et le héron

   Dans ma vie de (vieux) cinéphile ruthénois, il m'aura été donné le plaisir d'assister à la scène suivante : une file d'attente de spectateurs, avant la projection d'un film d'Hayao Miyazaki... en version originale sous-titrée, au CGR de Rodez ! 

   Il y a une dizaine d'années, j'étais sorti un peu déçu de la vision du Vent se lève. En 2019, l'espoir était revenu quand, au détour d'un documentaire consacré au Maître, il était annoncé la mise en chantier de son ultime long-métrage d'animation.

   Autant le dire tout de suite, Miyazaki conclut son œuvre cinématographique par l'un de ses plus beaux films, tant sur la forme que sur le fond. Sur le plan technique, l'animation est de grande qualité. On retrouve ce souci du détail, par exemple la volonté de transcrire au plus près de la réalité les mouvements des êtres vivants, humains comme animaux. Les décors sont soignés... et quel éblouissement dans certaines scènes ! Dès le début, on est cueilli par celle de l'incendie de Tokyo (hélas dramatique). La première discussion entre le garçon (Mahito) et le héron est aussi prétexte à virtuosité visuelle... assaisonnée d'humour. Dès qu'un oiseau est dans les parages (héron, pélican, perruche..), les humains se font chier dessus !

   Le film prend une ampleur supplémentaire quand le garçon pénètre dans le "monde magique", celui auquel mènent à la fois la Tour du mystérieux grand-oncle et la forêt proche, perçue comme dangereuse. Le héron perd sa grandiloquence du début pour devenir un acolyte gouailleur, tandis que surgissent de gigantesques perruches et d'adorables petites créatures blanches (des wakawaka ?).

   Que ce soit dans le "monde réel" (le Japon de la Seconde Guerre mondiale) ou dans le "monde magique", l'ambiance est celle du conte. Bien que baignant dans la culture japonaise, le film contient des références à des œuvres occidentales. Ainsi, les mamies qui accueillent le garçon à la campagne sont au nombre de sept... et de petite taille. L'une d'entre elles (la grincheuse) joue un rôle particulier dans l'intrigue. Dans le "monde magique", Mahito est guidé par une étrange jeune fille, sorte de décalque d'Alice... dont le véritable rôle sera compris par les spectateurs adultes avant même Mahito. Cette ambiance de conte n'est pas aseptisée (ce qui est conforme aux versions traditionnelles des histoires populaires). La nature est parfois cruelle, comme un troupeau de pélicans ou une armée de perruches, tous et toutes diablement affamés (comme les Japonais de 1944-1945 d'ailleurs).

   De plus, même si le héros est un garçon, on a quelques beaux personnages féminins : la mère, la tante, les mamies, la pêcheuse-pirate (au cœur d'une des séquences les plus brillantes) et cette étrange Himi. J'ai remarqué que c'est lorsque intervient un personnage féminin que l'animation se fait la plus virtuose.

   A l'arrière-plan se trouve le Japon de l'enfance de Miyazaki : impérialiste, militariste, affamé (sauf les élites)... et sur le point d'être vaincu par les États-Unis (qui n'apparaissent pas ouvertement dans l'intrigue). L'incendie dans lequel meurt la mère du héros est sans doute provoqué par l'un des bombardements de Tokyo, peut-être celui de mars de 1945 (rappel que, pour vaincre les nazis comme leurs alliés japonais, il a fallu parfois commettre des actions extrêmes... aucune guerre n'est propre). Le royaume des perruches, dictature populiste, est une référence au Japon impérial, le Maître des pierres (qui détient le pouvoir magique, mais ne gouverne pas réellement le pays) pouvant s'inspirer de la figure de l'empereur Hiro-Hito (dont Miyazaki nous livrerait là une version assez... édulcorée, pour être poli).

   A un autre niveau, le film est un drame psychologique. Le héros ne parvient pas à faire le deuil de sa mère, alors que débarque la nouvelle épouse de son père, déjà enceinte de ses œuvres ! Cela pourrait être lourdingue, excessivement mélo... mais, fort heureusement, ce n'est pas un film français. Miyazaki, à l'image de ce qu'on a pu voir récemment dans Le Château solitaire dans le miroir, insère subtilement le problème des relations familiales dans son intrigue fantastique.

   Au final, cela donne un film grandiose, que les (pas trop) petits peuvent se contenter de voir comme un conte, une histoire telle qu'on n'en raconte quasiment plus. Les adultes peuvent se plonger avec délectation dans les méandres des références et des possibilités d'interprétation, tout en profitant du spectacle visuel.

00:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Le Garçon et le héron

   Dans ma vie de (vieux) cinéphile ruthénois, il m'aura été donné le plaisir d'assister à la scène suivante : une file d'attente de spectateurs, avant la projection d'un film d'Hayao Miyazaki... en version originale sous-titrée, au CGR de Rodez ! 

   Il y a une dizaine d'années, j'étais sorti un peu déçu de la vision du Vent se lève. En 2019, l'espoir était revenu quand, au détour d'un documentaire consacré au Maître, il était annoncé la mise en chantier de son ultime long-métrage d'animation.

   Autant le dire tout de suite, Miyazaki conclut son œuvre cinématographique par l'un de ses plus beaux films, tant sur la forme que sur le fond. Sur le plan technique, l'animation est de grande qualité. On retrouve ce souci du détail, par exemple la volonté de transcrire au plus près de la réalité les mouvements des êtres vivants, humains comme animaux. Les décors sont soignés... et quel éblouissement dans certaines scènes ! Dès le début, on est cueilli par celle de l'incendie de Tokyo (hélas dramatique). La première discussion entre le garçon (Mahito) et le héron est aussi prétexte à virtuosité visuelle... assaisonnée d'humour. Dès qu'un oiseau est dans les parages (héron, pélican, perruche..), les humains se font chier dessus !

   Le film prend une ampleur supplémentaire quand le garçon pénètre dans le "monde magique", celui auquel mènent à la fois la Tour du mystérieux grand-oncle et la forêt proche, perçue comme dangereuse. Le héron perd sa grandiloquence du début pour devenir un acolyte gouailleur, tandis que surgissent de gigantesques perruches et d'adorables petites créatures blanches (des wakawaka ?).

   Que ce soit dans le "monde réel" (le Japon de la Seconde Guerre mondiale) ou dans le "monde magique", l'ambiance est celle du conte. Bien que baignant dans la culture japonaise, le film contient des références à des œuvres occidentales. Ainsi, les mamies qui accueillent le garçon à la campagne sont au nombre de sept... et de petite taille. L'une d'entre elles (la grincheuse) joue un rôle particulier dans l'intrigue. Dans le "monde magique", Mahito est guidé par une étrange jeune fille, sorte de décalque d'Alice... dont le véritable rôle sera compris par les spectateurs adultes avant même Mahito. Cette ambiance de conte n'est pas aseptisée (ce qui est conforme aux versions traditionnelles des histoires populaires). La nature est parfois cruelle, comme un troupeau de pélicans ou une armée de perruches, tous et toutes diablement affamés (comme les Japonais de 1944-1945 d'ailleurs).

   De plus, même si le héros est un garçon, on a quelques beaux personnages féminins : la mère, la tante, les mamies, la pêcheuse-pirate (au cœur d'une des séquences les plus brillantes) et cette étrange Himi. J'ai remarqué que c'est lorsque intervient un personnage féminin que l'animation se fait la plus virtuose.

   A l'arrière-plan se trouve le Japon de l'enfance de Miyazaki : impérialiste, militariste, affamé (sauf les élites)... et sur le point d'être vaincu par les États-Unis (qui n'apparaissent pas ouvertement dans l'intrigue). L'incendie dans lequel meurt la mère du héros est sans doute provoqué par l'un des bombardements de Tokyo, peut-être celui de mars de 1945 (rappel que, pour vaincre les nazis comme leurs alliés japonais, il a fallu parfois commettre des actions extrêmes... aucune guerre n'est propre). Le royaume des perruches, dictature populiste, est une référence au Japon impérial, le Maître des pierres (qui détient le pouvoir magique, mais ne gouverne pas réellement le pays) pouvant s'inspirer de la figure de l'empereur Hiro-Hito (dont Miyazaki nous livrerait là une version assez... édulcorée, pour être poli).

   A un autre niveau, le film est un drame psychologique. Le héros ne parvient pas à faire le deuil de sa mère, alors que débarque la nouvelle épouse de son père, déjà enceinte de ses œuvres ! Cela pourrait être lourdingue, excessivement mélo... mais, fort heureusement, ce n'est pas un film français. Miyazaki, à l'image de ce qu'on a pu voir récemment dans Le Château solitaire dans le miroir, insère subtilement le problème des relations familiales dans son intrigue fantastique.

   Au final, cela donne un film grandiose, que les (pas trop) petits peuvent se contenter de voir comme un conte, une histoire telle qu'on n'en raconte quasiment plus. Les adultes peuvent se plonger avec délectation dans les méandres des références et des possibilités d'interprétation, tout en profitant du spectacle visuel.

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samedi, 28 octobre 2023

3 jours max

   Trois ans après 30 jours max, Tarek Boudali revient derrière la caméra, avec ses potes de la bande à Lacheau au casting, toujours accompagnés de quelques "pointures" de la comédie, comme Marie-Anne Chazel, Chantal Ladesous et José Garcia.

   Toutefois, dans cet opus, ces glorieux anciens sont clairement mis au second plan, l'essentiel de l'action tournant autour du trio de potes (Boudali-Lacheau-Arruti)... et de Vanessa Guide, qui incarne le principal personnage féminin (déjà présent dans le précédent film, mais plus percutant ici). D'autres visages connus font une fugace apparition, Rossy de Palma se voyant octroyer une partition plus importante (mais dans une séquence à moitié ratée).

   Le début se passe dans un centre de recrutement des services secrets français. Une brochette de flics passe les tests pour tenter de devenir agent de terrain... mais, évidemment, tout ne se passe pas comme prévu. Le héros, Rayane, bien que courageux, se montre particulièrement maladroit.

   Le suite est du même tonneau : avec ses amis, il organise une expédition pour tenter de sauver sa grand-mère. La séquence aux Émirats arabes unis (qui louche à la fois sur James Bond et Mission : Impossible - Protocole fantôme) n'est pas mal du tout. Au niveau de l'action, cela tient la route. Au niveau de la distribution, on sent que la sélection a dû être éprouvante au vu du nombre de jolies jeunes femmes peu vêtues qui font de la figuration... Cela m'amène à l'ambiguïté du film quant aux personnages féminins. On a deux beaux exemples de femme forte, avec Stéphanie (Vanessa Guide) et l'espionne française (Elodie Fontan, dont le personnage s'inspire un peu de celui interprété par Sofia Boutella dans Kingsman). En revanche, presque toutes les autres sont des "bombasses" hyper-sexualisées, qui s'entichent d'hommes peu charismatiques, mais riches ou célèbres... A noter quand même une belle scène de combat, mettant en valeur l'un des personnages féminins.

   Il est vrai que la "masculinité toxique" reçoit quelques coups, souvent administrés par la compagne du héros. Quant à Tony (Philippe Lacheau, très à l'aise dans le rôle), il en prend pour son grade... mais il est aussi une source récurrente de gags, fondés sur la ressemblance entre son personnage et David Guetta. On en voit un exemple dans la bande-annonce, mais cela continue dans l'avion, à Dubaï, dans la jungle américaine...

   A la poursuite du diamant vert des émeraudes magiques, les héros voguent du Moyen-Orient à l'Amérique latine. Je trouve que les gags sont moins bons dans cette partie. Dans la salle, les enfants rient toujours, les adultes plus rarement. C'est franchement crétin et pas toujours réussi.

   Au final, j'ai trouvé cela un peu moins bon que 30 jours max... et surtout moins bon que les films écrits et mis en scène par Philippe Lacheau. Dans l'équipe, c'est lui qui a la vista. Tarek Boudali n'est pas sans talent, mais, dans ce film-ci, trop de gags sont poussifs.

   J'ai quand même passé un agréable moment, mais il ne fallait pas que cela dure davantage.

23:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

3 jours max

   Trois ans après 30 jours max, Tarek Boudali revient derrière la caméra, avec ses potes de la bande à Lacheau au casting, toujours accompagnés de quelques "pointures" de la comédie, comme Marie-Anne Chazel, Chantal Ladesous et José Garcia.

   Toutefois, dans cet opus, ces glorieux anciens sont clairement mis au second plan, l'essentiel de l'action tournant autour du trio de potes (Boudali-Lacheau-Arruti)... et de Vanessa Guide, qui incarne le principal personnage féminin (déjà présent dans le précédent film, mais plus percutant ici). D'autres visages connus font une fugace apparition, Rossy de Palma se voyant octroyer une partition plus importante (mais dans une séquence à moitié ratée).

   Le début se passe dans un centre de recrutement des services secrets français. Une brochette de flics passe les tests pour tenter de devenir agent de terrain... mais, évidemment, tout ne se passe pas comme prévu. Le héros, Rayane, bien que courageux, se montre particulièrement maladroit.

   Le suite est du même tonneau : avec ses amis, il organise une expédition pour tenter de sauver sa grand-mère. La séquence aux Émirats arabes unis (qui louche à la fois sur James Bond et Mission : Impossible - Protocole fantôme) n'est pas mal du tout. Au niveau de l'action, cela tient la route. Au niveau de la distribution, on sent que la sélection a dû être éprouvante au vu du nombre de jolies jeunes femmes peu vêtues qui font de la figuration... Cela m'amène à l'ambiguïté du film quant aux personnages féminins. On a deux beaux exemples de femme forte, avec Stéphanie (Vanessa Guide) et l'espionne française (Elodie Fontan, dont le personnage s'inspire un peu de celui interprété par Sofia Boutella dans Kingsman). En revanche, presque toutes les autres sont des "bombasses" hyper-sexualisées, qui s'entichent d'hommes peu charismatiques, mais riches ou célèbres... A noter quand même une belle scène de combat, mettant en valeur l'un des personnages féminins.

   Il est vrai que la "masculinité toxique" reçoit quelques coups, souvent administrés par la compagne du héros. Quant à Tony (Philippe Lacheau, très à l'aise dans le rôle), il en prend pour son grade... mais il est aussi une source récurrente de gags, fondés sur la ressemblance entre son personnage et David Guetta. On en voit un exemple dans la bande-annonce, mais cela continue dans l'avion, à Dubaï, dans la jungle américaine...

   A la poursuite du diamant vert des émeraudes magiques, les héros voguent du Moyen-Orient à l'Amérique latine. Je trouve que les gags sont moins bons dans cette partie. Dans la salle, les enfants rient toujours, les adultes plus rarement. C'est franchement crétin et pas toujours réussi.

   Au final, j'ai trouvé cela un peu moins bon que 30 jours max... et surtout moins bon que les films écrits et mis en scène par Philippe Lacheau. Dans l'équipe, c'est lui qui a la vista. Tarek Boudali n'est pas sans talent, mais, dans ce film-ci, trop de gags sont poussifs.

   J'ai quand même passé un agréable moment, mais il ne fallait pas que cela dure davantage.

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jeudi, 26 octobre 2023

Second Tour

   Quand j'ai appris quel était le sujet du dernier film d'Albert Dupontel, j'ai d'abord eu une impression de déjà-vu. En effet, il y a un peu plus de quinze ans, l'acteur-réalisateur a campé un homme politique briguant la magistrature suprême dans Président (de Lionel Delplanque).

   Ici, le scénario est plus alambiqué. En démêler les fils est le principal enjeu de la première heure. Deux complots sont à l’œuvre, un pour faire élire Pierre-Henry Mercier (Dupontel, que j'ai connu en meilleure forme), l'autre pour le faire tuer. S'ajoute à cela un secret de famille bien gardé.

   Plus que l'intrigue politique, qui fait un peu cliché, ce sont les pérégrinations du binôme de journalistes qui m'ont intéressé. Cécile de France, en rebelle qui ronge son frein en attendant de tomber sur un scoop, est le véritable moteur de l'histoire, épaulée par Nicolas Marié, caméraman érudit et un peu gaffeur. Tous les deux sont marrants, mais j'ai trouvé leur jeu trop appuyé. (Le sourire surgit aussi lors des interventions d'un duo de gardes du corps, deux impitoyables et charmantes jeunes femmes, formées au Mossad...)

   Les spectateurs les plus attentifs auront deviné avant l'heure fatidique quel est le fameux secret de famille... et la plus grande partie de la salle aura sans peine senti quelle supercherie allait être mise au point. Cela aurait pu être piquant, aérien, mais, malheureusement, Dupontel filme cela avec lourdeur. Cela culmine dans le débat de l'entre-deux-tours, qui oppose le candidat étiqueté libéral à un populiste d'extrême-droite : les interactions sont mal fichues et l'usage d'un dispositif secret n'est pas crédible.

   Pire : je ne retrouve pas le style mordant de Dupontel. La partie critique de l'intrigue manque de relief et, quand le réalisateur verse dans l'émotion, c'est pataud, surligné, avec une musique d'accompagnement limite insupportable.

   Du coup, en dépit de la première partie émaillée d'humour et un poil mystérieuse, je suis sorti de la séance déçu.

Second Tour

   Quand j'ai appris quel était le sujet du dernier film d'Albert Dupontel, j'ai d'abord eu une impression de déjà-vu. En effet, il y a un peu plus de quinze ans, l'acteur-réalisateur a campé un homme politique briguant la magistrature suprême dans Président (de Lionel Delplanque).

   Ici, le scénario est plus alambiqué. En démêler les fils est le principal enjeu de la première heure. Deux complots sont à l’œuvre, un pour faire élire Pierre-Henry Mercier (Dupontel, que j'ai connu en meilleure forme), l'autre pour le faire tuer. S'ajoute à cela un secret de famille bien gardé.

   Plus que l'intrigue politique, qui fait un peu cliché, ce sont les pérégrinations du binôme de journalistes qui m'ont intéressé. Cécile de France, en rebelle qui ronge son frein en attendant de tomber sur un scoop, est le véritable moteur de l'histoire, épaulée par Nicolas Marié, caméraman érudit et un peu gaffeur. Tous les deux sont marrants, mais j'ai trouvé leur jeu trop appuyé. (Le sourire surgit aussi lors des interventions d'un duo de gardes du corps, deux impitoyables et charmantes jeunes femmes, formées au Mossad...)

   Les spectateurs les plus attentifs auront deviné avant l'heure fatidique quel est le fameux secret de famille... et la plus grande partie de la salle aura sans peine senti quelle supercherie allait être mise au point. Cela aurait pu être piquant, aérien, mais, malheureusement, Dupontel filme cela avec lourdeur. Cela culmine dans le débat de l'entre-deux-tours, qui oppose le candidat étiqueté libéral à un populiste d'extrême-droite : les interactions sont mal fichues et l'usage d'un dispositif secret n'est pas crédible.

   Pire : je ne retrouve pas le style mordant de Dupontel. La partie critique de l'intrigue manque de relief et, quand le réalisateur verse dans l'émotion, c'est pataud, surligné, avec une musique d'accompagnement limite insupportable.

   Du coup, en dépit de la première partie émaillée d'humour et un poil mystérieuse, je suis sorti de la séance déçu.

mercredi, 25 octobre 2023

Une Année difficile

   Je ne suis pas un grand fan du duo Nakache-Toledano. Dans leur filmographie, je retiens surtout Le Sens de la fête (plus qu'Intouchables)... mais je n'ai pas tout vu. Ici, j'ai été pris dès le début. Le film démarre par une bonne idée d'introduction, qui nous fait remonter le temps, et donne une indication sur la morale de l'histoire. Les auteurs ne sont partisans ni du "C'était mieux avant", ni du "Le monde est foutu". Du coup, les vieux cons comme les jeunes crétins risquent de ne pas apprécier.

   ... et pourtant, au départ, ces écologistes militants sont dépeints sous un jour favorable. La mise en scène nous les présente comme organisés, instruits, plutôt altruistes et pas bien méchants. Au blocage de l'entrée de l'hypermarché répondent les manifestations en extérieur. La réalisation est tonique, le montage donne du rythme et les acteurs sont convaincants, parfois percutants.

   Parmi eux, il faut bien entendu distinguer Pio Marmaï et Jonathan Cohen, celui-ci drôlissime et, au moins une fois, émouvant (quand il "hume"...). Le duo (inversé par rapport à ce qui était prévu au départ : Pio devait jouer le dépressif et Jonathan le magouilleur) fonctionne très bien. Le fait que tous les deux soient (au départ) très dubitatifs quant au combat des jeunes bobos donne peut-être une indication sur le point de vue des réalisateurs... mais, à la fin, ils ont évolué.

   Parmi les sources de gag, il y a l'usage des pseudos : Cactus, Quinoa, Antilope, Sirène, Poussin, Lexo... Les rires fusent dans la salle, encore plus quand l'idéalisme béat de certains écolos est confronté au matérialisme (parfois un peu gras) des deux surendettés, pour qui le climat passe après leur propre survie quotidienne.

   Dans ce marigot de mecs soit goguenards soit gauchisants, la sincérité de Cactus (Noémie Merlant, très bien) tranche. Elle est en quelque sorte le noyau atomique de la cellule militante, celle qu'on admire, celle qu'on suit aveuglément, celle dont on tombe amoureux. On comprend très vite que son militantisme extrême masque une sorte de "complexe de l'imposteur" : elle est issue d'une famille riche, a eu une vie de privilégiée. Elle se juge donc en partie responsable du désastre actuel et appréhende fortement la suite, ce qui l'empêche d'être heureuse. Il faudra ce qui ressemble à l'intervention du covid (d'une manière que je ne révèlerai pas) pour qu'elle envisage la vie autrement.

   C'est une jolie histoire, nourrie d'humour, qui fait passer un bon moment.

Une Année difficile

   Je ne suis pas un grand fan du duo Nakache-Toledano. Dans leur filmographie, je retiens surtout Le Sens de la fête (plus qu'Intouchables)... mais je n'ai pas tout vu. Ici, j'ai été pris dès le début. Le film démarre par une bonne idée d'introduction, qui nous fait remonter le temps, et donne une indication sur la morale de l'histoire. Les auteurs ne sont partisans ni du "C'était mieux avant", ni du "Le monde est foutu". Du coup, les vieux cons comme les jeunes crétins risquent de ne pas apprécier.

   ... et pourtant, au départ, ces écologistes militants sont dépeints sous un jour favorable. La mise en scène nous les présente comme organisés, instruits, plutôt altruistes et pas bien méchants. Au blocage de l'entrée de l'hypermarché répondent les manifestations en extérieur. La réalisation est tonique, le montage donne du rythme et les acteurs sont convaincants, parfois percutants.

   Parmi eux, il faut bien entendu distinguer Pio Marmaï et Jonathan Cohen, celui-ci drôlissime et, au moins une fois, émouvant (quand il "hume"...). Le duo (inversé par rapport à ce qui était prévu au départ : Pio devait jouer le dépressif et Jonathan le magouilleur) fonctionne très bien. Le fait que tous les deux soient (au départ) très dubitatifs quant au combat des jeunes bobos donne peut-être une indication sur le point de vue des réalisateurs... mais, à la fin, ils ont évolué.

   Parmi les sources de gag, il y a l'usage des pseudos : Cactus, Quinoa, Antilope, Sirène, Poussin, Lexo... Les rires fusent dans la salle, encore plus quand l'idéalisme béat de certains écolos est confronté au matérialisme (parfois un peu gras) des deux surendettés, pour qui le climat passe après leur propre survie quotidienne.

   Dans ce marigot de mecs soit goguenards soit gauchisants, la sincérité de Cactus (Noémie Merlant, très bien) tranche. Elle est en quelque sorte le noyau atomique de la cellule militante, celle qu'on admire, celle qu'on suit aveuglément, celle dont on tombe amoureux. On comprend très vite que son militantisme extrême masque une sorte de "complexe de l'imposteur" : elle est issue d'une famille riche, a eu une vie de privilégiée. Elle se juge donc en partie responsable du désastre actuel et appréhende fortement la suite, ce qui l'empêche d'être heureuse. Il faudra ce qui ressemble à l'intervention du covid (d'une manière que je ne révèlerai pas) pour qu'elle envisage la vie autrement.

   C'est une jolie histoire, nourrie d'humour, qui fait passer un bon moment.

mardi, 24 octobre 2023

Anselm : le bruit du temps

   C'est à Wim Wenders que l'on doit ce documentaire consacré à l'artiste allemand Anselm Kiefer. Une partie des images a été tournée dans le gigantesque atelier de Barjac, dans le Gard, une ancienne filature où Kiefer a posé ses valises, au début des années 1990.

   Le film commence par des vues étonnantes de robes de mariée, qui semblent fixées à des mannequins sans tête. Assez vite, on se demande si cette installation (en partie en plein air) est composée de véritables robes ou bien de sculptures en plâtre imitant le tissu.

   On en sait un peu plus en pénétrant dans quelques-uns des imposants bâtiments, réaménagés à sa convenance par Kiefer, qui a toutefois laissé tels quels certains éléments, auxquels il a adapté ses créations. Wenders déploie travellings et panoramiques pour nous faire découvrir l'endroit et les déambulations du peintre. On le suit à l’œuvre, avec divers outils, de la palette au chalumeau.

   J'étais un peu dubitatif au début mais, franchement, quand on voit le résultat, on est sidéré par l'impression qu'il donne. Quand on a le nez sur le détail d'une toile en gestation, on ne voit que des tracés informes. Quand la caméra prend du recul, on a la vue d'ensemble... et c'est souvent impressionnant. (Le style est appelé néo-expressionnisme.) Notons que l'artiste s'appuie souvent sur des photographies, qu'il peut insérer dans ses œuvres, ou s'en servir comme matériau de départ, qu'il modifie à sa guise.

   Après cette démonstration, le film nous plonge dans le passé de Kiefer. Dès le début, l'insertion d'images d'archives (tournées en  1945, année de naissance du peintre) nous indique que sa jeunesse a été marquée par la pauvreté, dans une Allemagne vaincue et placée au ban des nations.

   La mémoire du nazisme fait partie intégrante de l’œuvre de celui dont le père a servi dans la Wehrmacht. C'est d'abord au philosophe Martin Heidegger (dont la compromission avec le régime hitlérien a été longtemps masquée, voire niée) qu'il règle son compte, à travers un cahier d'artiste décrivant la décomposition progressive du cerveau présumé du penseur allemand. Mais c'est une série de photographies le montrant faire le salut nazi, en des lieux naguère conquis par l'armée allemande, qui a attiré l'attention des médias et suscité la polémique. On l'a un temps soupçonné d'être un artiste inspiré par le fascisme (parce qu'il réemployait certains mythes allemands, qui avaient fait l'objet d'une récupération sous le nazisme)... mais c'était à une époque où, quand on n'était pas (au minimum) sympathisant communiste, on était accusé de tous les maux.

   Pour ces séquences anciennes, Wenders a mélangé des images d'actualité (y compris télévisuelles) à des scènes tournées avec deux acteurs. Le plus jeune d'entre eux (peut-être le propre petit-fils du cinéaste) incarne Kiefer enfant, quand il s'éveille à l'art. Un adulte (peut-être le fils du peintre) incarne l'artiste débutant, en Allemagne.

   Dès qu'il l'a pu, Kiefer s'est installé dans de grands bâtiments pour nourrir son inspiration. Cela commença par une grande maison perdue dans les bois, puis des immeubles industriels, comme une ancienne briqueterie ou la filature de La Ribaute, devenue aujourd'hui le siège d'une fondation, l'artiste ayant fini par déménager à proximité de Paris. On voit quelques images de son nouvel atelier, situé dans un ancien entrepôt de La Samaritaine.

   Le film se veut à l'image de l’œuvre, monumental et inspirant. Wim Wenders promène doucement sa caméra, permettant aux spectateurs de profiter des œuvres et d'observer le travail de Kiefer. Il convient d'être aussi attentif aux sons : bruits du quotidien, musique et chuchotements n'ont pas été insérés au hasard. Je trouve que Wenders (comme pour Le Sel de la terre) a réussi son coup.

Anselm : le bruit du temps

   C'est à Wim Wenders que l'on doit ce documentaire consacré à l'artiste allemand Anselm Kiefer. Une partie des images a été tournée dans le gigantesque atelier de Barjac, dans le Gard, une ancienne filature où Kiefer a posé ses valises, au début des années 1990.

   Le film commence par des vues étonnantes de robes de mariée, qui semblent fixées à des mannequins sans tête. Assez vite, on se demande si cette installation (en partie en plein air) est composée de véritables robes ou bien de sculptures en plâtre imitant le tissu.

   On en sait un peu plus en pénétrant dans quelques-uns des imposants bâtiments, réaménagés à sa convenance par Kiefer, qui a toutefois laissé tels quels certains éléments, auxquels il a adapté ses créations. Wenders déploie travellings et panoramiques pour nous faire découvrir l'endroit et les déambulations du peintre. On le suit à l’œuvre, avec divers outils, de la palette au chalumeau.

   J'étais un peu dubitatif au début mais, franchement, quand on voit le résultat, on est sidéré par l'impression qu'il donne. Quand on a le nez sur le détail d'une toile en gestation, on ne voit que des tracés informes. Quand la caméra prend du recul, on a la vue d'ensemble... et c'est souvent impressionnant. (Le style est appelé néo-expressionnisme.) Notons que l'artiste s'appuie souvent sur des photographies, qu'il peut insérer dans ses œuvres, ou s'en servir comme matériau de départ, qu'il modifie à sa guise.

   Après cette démonstration, le film nous plonge dans le passé de Kiefer. Dès le début, l'insertion d'images d'archives (tournées en  1945, année de naissance du peintre) nous indique que sa jeunesse a été marquée par la pauvreté, dans une Allemagne vaincue et placée au ban des nations.

   La mémoire du nazisme fait partie intégrante de l’œuvre de celui dont le père a servi dans la Wehrmacht. C'est d'abord au philosophe Martin Heidegger (dont la compromission avec le régime hitlérien a été longtemps masquée, voire niée) qu'il règle son compte, à travers un cahier d'artiste décrivant la décomposition progressive du cerveau présumé du penseur allemand. Mais c'est une série de photographies le montrant faire le salut nazi, en des lieux naguère conquis par l'armée allemande, qui a attiré l'attention des médias et suscité la polémique. On l'a un temps soupçonné d'être un artiste inspiré par le fascisme (parce qu'il réemployait certains mythes allemands, qui avaient fait l'objet d'une récupération sous le nazisme)... mais c'était à une époque où, quand on n'était pas (au minimum) sympathisant communiste, on était accusé de tous les maux.

   Pour ces séquences anciennes, Wenders a mélangé des images d'actualité (y compris télévisuelles) à des scènes tournées avec deux acteurs. Le plus jeune d'entre eux (peut-être le propre petit-fils du cinéaste) incarne Kiefer enfant, quand il s'éveille à l'art. Un adulte (peut-être le fils du peintre) incarne l'artiste débutant, en Allemagne.

   Dès qu'il l'a pu, Kiefer s'est installé dans de grands bâtiments pour nourrir son inspiration. Cela commença par une grande maison perdue dans les bois, puis des immeubles industriels, comme une ancienne briqueterie ou la filature de La Ribaute, devenue aujourd'hui le siège d'une fondation, l'artiste ayant fini par déménager à proximité de Paris. On voit quelques images de son nouvel atelier, situé dans un ancien entrepôt de La Samaritaine.

   Le film se veut à l'image de l’œuvre, monumental et inspirant. Wim Wenders promène doucement sa caméra, permettant aux spectateurs de profiter des œuvres et d'observer le travail de Kiefer. Il convient d'être aussi attentif aux sons : bruits du quotidien, musique et chuchotements n'ont pas été insérés au hasard. Je trouve que Wenders (comme pour Le Sel de la terre) a réussi son coup.

dimanche, 22 octobre 2023

Promenade à Cracovie

   Ce documentaire polonais est le résultat d'un travail effectué entre 2016 et 2021 (de la recherche historique au montage, en passant par le tournage). Une fois que Roman Polanski (ici témoin, et non cinéaste) a donné son accord, il a fallu trouver une période au cours de laquelle lui et son ami le photographe Ryszard Horowitz soient disponibles pour retourner dans la ville de leur enfance, Cracovie.

   Cela débute avec les retrouvailles des deux octogénaires, dans une voiture où il prend l'envie à l'un des deux de couper les poils qui dépassent du nez de l'autre ! C'est un peu la marque de fabrique de ce film, qui évoque des moments souvent dramatiques, mais avec parfois un humour salutaire.

   Déambulant dans les rues de la Cracovie moderne (devenue une importante ville touristique, point de passage quasi obligé avant de se rendre à Auschwitz), les deux hommes retrouvent le vieux cinéma où, enfant, Polanski a connu ses premiers émois sur grand écran. Sa demi-sœur aînée l'y emmenait... mais pas forcément voir ce qui l'intéressait, lui.

   Ils pénètrent ensuite dans l'appartement où logeait la famille Liebling (qui n'a pris le nom de Polanski qu'après la guerre, au retour de la déportation). Il en est un autre dans lequel le cinéaste n'ose demander à pénétrer, de peur de voir de précieux souvenirs gâchés par les images du présent.

   L'un des moments forts du documentaire est la séquence au cimetière (biconfessionnel), où est enterrée une partie de la famille. La remémoration des obsèques du père est riche en anecdotes, certaines très drôles.

   La suite est plus triste, puisqu'il est question du "déménagement" dans le ghetto, créé après l'invasion allemande. Il ne reste quasiment plus aucune trace de celui-ci dans la Cracovie moderne... et pourtant, les souvenirs sont douloureux. Lors des déportations qui ont suivi, Polanski perd une partie de sa famille (notamment sa mère). Son père lui permet de s'échapper. De son côté, Horowitz, déporté à Auschwitz, a eu la chance de figurer sur la célèbre Liste de Schindler. Tous deux sont des exceptions : l'écrasante majorité des 70 000 juifs de Cracovie (sur une population avoisinant les 250 000 habitants  à la veille de la guerre) a été exterminée par les nazis.

   Parmi les rescapés, beaucoup ont fui la Pologne devenue communiste, où leur retour n'a pas toujours été bien accepté. Le film se voulant un pont entre les deux cultures du pays (la catholique et la juive), il se garde de rappeler qu'entre 1945 et 1970, il y eut plusieurs "piqûres de rappel" antisémites (par exemple en 1953 ou 1970). De leur côté, les familles Polanski et Horowitz (du moins, ce qu'il en restait) sont revenues en ville, le père se remariant très vite, au grand dam de son fils. Roman (surnommé Romek par son ami) a pris l'habitude de passer plus de temps chez les Horowitz, en particulier avec Ryszard, avec lequel il va ensuite développer son goût pour les arts et la culture.

   Un autre moment marquant est la rencontre entre Polanski et le petit-fils du couple de paysans polonais qui l'ont caché, au péril de leur vie, à la fin de la guerre. Cela débouche sur la cérémonie qui déclare les défunts "Justes parmi les Nations", à Yad Vashem.

   Si le documentaire est passionnant, sur le plan historique, je dois reconnaître qu'il est parfois difficile à suivre, ayant été tourné en polonais, sous-titré pour sa sortie en France. A la longue (1h15), c'est un peu usant, en dépit des moments humoristiques qui introduisent une salutaire légèreté.

   P.S.

   Mon billet aurait dû s'arrêter là... mais la séance a été suivie d'un mini-débat, au cours duquel l'un des intervenants a signalé que le film semblait avoir été victime d'une forme de boycott. Déjà, à sa sortie, l'été dernier, la distributrice s'était alarmée du petit nombre de salles ayant programmé le documentaire, certaines s'étant même rétractées.

   A Toulouse, aucun cinéma n'aurait accepté de diffuser le film. Les intervenants n'ont pas voulu insister là-dessus (ni nommer les cinémas). Rappelons simplement que, dans la "Ville rose", l'art et essai est très bien installé, avec l'ex-Utopia, renommé American Cosmograph (qui fut en travaux en juillet-août), l'Utopia Borderouge, l'ABC et Le Cratère (qui reprogramme des films déjà diffusés ailleurs). S'ajoutent deux mastodontes, le Pathé Wilson (ex-Gaumont) et l'UGC Montaudran (inauguré en 2021, deux ans après la fermeture de l'enseigne du centre-ville).

   Je n'aime pas cette sorte de néo-maccarthysme qui se développe dans notre  pays (très minoritairement, mais impliquant des gens influents). Des activistes peu soucieux de la vraie justice tentent d'imposer leur bien-pensance, au détriment de la présomption d'innocence... et de la liberté artistique.

Promenade à Cracovie

   Ce documentaire polonais est le résultat d'un travail effectué entre 2016 et 2021 (de la recherche historique au montage, en passant par le tournage). Une fois que Roman Polanski (ici témoin, et non cinéaste) a donné son accord, il a fallu trouver une période au cours de laquelle lui et son ami le photographe Ryszard Horowitz soient disponibles pour retourner dans la ville de leur enfance, Cracovie.

   Cela débute avec les retrouvailles des deux octogénaires, dans une voiture où il prend l'envie à l'un des deux de couper les poils qui dépassent du nez de l'autre ! C'est un peu la marque de fabrique de ce film, qui évoque des moments souvent dramatiques, mais avec parfois un humour salutaire.

   Déambulant dans les rues de la Cracovie moderne (devenue une importante ville touristique, point de passage quasi obligé avant de se rendre à Auschwitz), les deux hommes retrouvent le vieux cinéma où, enfant, Polanski a connu ses premiers émois sur grand écran. Sa demi-sœur aînée l'y emmenait... mais pas forcément voir ce qui l'intéressait, lui.

   Ils pénètrent ensuite dans l'appartement où logeait la famille Liebling (qui n'a pris le nom de Polanski qu'après la guerre, au retour de la déportation). Il en est un autre dans lequel le cinéaste n'ose demander à pénétrer, de peur de voir de précieux souvenirs gâchés par les images du présent.

   L'un des moments forts du documentaire est la séquence au cimetière (biconfessionnel), où est enterrée une partie de la famille. La remémoration des obsèques du père est riche en anecdotes, certaines très drôles.

   La suite est plus triste, puisqu'il est question du "déménagement" dans le ghetto, créé après l'invasion allemande. Il ne reste quasiment plus aucune trace de celui-ci dans la Cracovie moderne... et pourtant, les souvenirs sont douloureux. Lors des déportations qui ont suivi, Polanski perd une partie de sa famille (notamment sa mère). Son père lui permet de s'échapper. De son côté, Horowitz, déporté à Auschwitz, a eu la chance de figurer sur la célèbre Liste de Schindler. Tous deux sont des exceptions : l'écrasante majorité des 70 000 juifs de Cracovie (sur une population avoisinant les 250 000 habitants  à la veille de la guerre) a été exterminée par les nazis.

   Parmi les rescapés, beaucoup ont fui la Pologne devenue communiste, où leur retour n'a pas toujours été bien accepté. Le film se voulant un pont entre les deux cultures du pays (la catholique et la juive), il se garde de rappeler qu'entre 1945 et 1970, il y eut plusieurs "piqûres de rappel" antisémites (par exemple en 1953 ou 1970). De leur côté, les familles Polanski et Horowitz (du moins, ce qu'il en restait) sont revenues en ville, le père se remariant très vite, au grand dam de son fils. Roman (surnommé Romek par son ami) a pris l'habitude de passer plus de temps chez les Horowitz, en particulier avec Ryszard, avec lequel il va ensuite développer son goût pour les arts et la culture.

   Un autre moment marquant est la rencontre entre Polanski et le petit-fils du couple de paysans polonais qui l'ont caché, au péril de leur vie, à la fin de la guerre. Cela débouche sur la cérémonie qui déclare les défunts "Justes parmi les Nations", à Yad Vashem.

   Si le documentaire est passionnant, sur le plan historique, je dois reconnaître qu'il est parfois difficile à suivre, ayant été tourné en polonais, sous-titré pour sa sortie en France. A la longue (1h15), c'est un peu usant, en dépit des moments humoristiques qui introduisent une salutaire légèreté.

   P.S.

   Mon billet aurait dû s'arrêter là... mais la séance a été suivie d'un mini-débat, au cours duquel l'un des intervenants a signalé que le film semblait avoir été victime d'une forme de boycott. Déjà, à sa sortie, l'été dernier, la distributrice s'était alarmée du petit nombre de salles ayant programmé le documentaire, certaines s'étant même rétractées.

   A Toulouse, aucun cinéma n'aurait accepté de diffuser le film. Les intervenants n'ont pas voulu insister là-dessus (ni nommer les cinémas). Rappelons simplement que, dans la "Ville rose", l'art et essai est très bien installé, avec l'ex-Utopia, renommé American Cosmograph (qui fut en travaux en juillet-août), l'Utopia Borderouge, l'ABC et Le Cratère (qui reprogramme des films déjà diffusés ailleurs). S'ajoutent deux mastodontes, le Pathé Wilson (ex-Gaumont) et l'UGC Montaudran (inauguré en 2021, deux ans après la fermeture de l'enseigne du centre-ville).

   Je n'aime pas cette sorte de néo-maccarthysme qui se développe dans notre  pays (très minoritairement, mais impliquant des gens influents). Des activistes peu soucieux de la vraie justice tentent d'imposer leur bien-pensance, au détriment de la présomption d'innocence... et de la liberté artistique.

samedi, 21 octobre 2023

Bernadette

   Je n'éprouve pas vraiment de sympathie pour l'ancienne Première Dame qui, à mon avis, avait une trop haute opinion d'elle-même (de par son statut social). Mais l'idée de tourner une comédie politique sous l'angle de l'épouse du président Chirac m'a paru bonne, surtout vu la distribution.

   Catherine Deneuve nous livre une nouvelle facette de son talent... et elle contribue à donner de son personnage une image un peu trop belle à mon goût. Ceci dit, j'ai quand même de la compassion pour l'épouse archicocufiée, aux ordres de son mari et (au départ) méprisée par l'entourage politique. Les images d'archive nous rappellent que Bernadette Chirac fut une jeune femme dotée d'un certain charme et, avec son caractère et son engagement, elle aurait très bien pu mener une vraie carrière politique sans se contenter d'évoluer dans l'ombre de son mari.

   Celui-ci est incarné avec un plaisir évident par Michel Vuillermoz qui, lui aussi, a tendance à rendre son personnage un peu trop sympathique. Toutefois, comme l'épouse finit par prendre un peu d'indépendance, la seconde partie du film est l'occasion d'égratigner (gentiment) un homme politique menteur, égocentrique et malhonnête, dont le bagout (et certains choix judicieux en politique étrangère) a fait oublier bien des défauts.

   La Comédie française est décidément bien représentée dans ce film, puisque outre M. Vuillermoz, on trouve Denis Podalydès en conseiller de la Première Dame et Laurent Stocker en Nicolas Sarkozy. Les apparitions de ce dernier sont toujours une source d'amusement.

   Dans la faune des conseillers de Chirac, il faut distinguer François Vincentelli, lui aussi visiblement ravi d'incarner Dominique de Villepin. A noter, dans la masse des seconds rôles, l'excellente performance d'Olivier Breitman en Karl Lagerfeld.

   Du côté féminin le casting est beaucoup plus restreint. (Ce film est d'ailleurs l'occasion de vérifier qu'au tournant des années 1990-2000, l'élite politique française est principalement constituée d'une meute de mâles dominants.) Sara Giraudeau est très bien en Claude Chirac (bien que moins tranchante que la vraie), cette fille au prénom androgyne qui est en fait le fils que Chirac n'a pas eu. J'ai trouvé aussi Maud Wyler convaincante dans le rôle de "l'autre fille", celle qu'on ne montre pas.

   Quand on a connu cette époque, on revit des moments de son passé, sous un angle particulier. Le film fourmille de situations cocasses et de bons mots. Cela ne va pas révolutionner l'histoire du cinéma, mais on passe un bon moment.

Bernadette

   Je n'éprouve pas vraiment de sympathie pour l'ancienne Première Dame qui, à mon avis, avait une trop haute opinion d'elle-même (de par son statut social). Mais l'idée de tourner une comédie politique sous l'angle de l'épouse du président Chirac m'a paru bonne, surtout vu la distribution.

   Catherine Deneuve nous livre une nouvelle facette de son talent... et elle contribue à donner de son personnage une image un peu trop belle à mon goût. Ceci dit, j'ai quand même de la compassion pour l'épouse archicocufiée, aux ordres de son mari et (au départ) méprisée par l'entourage politique. Les images d'archive nous rappellent que Bernadette Chirac fut une jeune femme dotée d'un certain charme et, avec son caractère et son engagement, elle aurait très bien pu mener une vraie carrière politique sans se contenter d'évoluer dans l'ombre de son mari.

   Celui-ci est incarné avec un plaisir évident par Michel Vuillermoz qui, lui aussi, a tendance à rendre son personnage un peu trop sympathique. Toutefois, comme l'épouse finit par prendre un peu d'indépendance, la seconde partie du film est l'occasion d'égratigner (gentiment) un homme politique menteur, égocentrique et malhonnête, dont le bagout (et certains choix judicieux en politique étrangère) a fait oublier bien des défauts.

   La Comédie française est décidément bien représentée dans ce film, puisque outre M. Vuillermoz, on trouve Denis Podalydès en conseiller de la Première Dame et Laurent Stocker en Nicolas Sarkozy. Les apparitions de ce dernier sont toujours une source d'amusement.

   Dans la faune des conseillers de Chirac, il faut distinguer François Vincentelli, lui aussi visiblement ravi d'incarner Dominique de Villepin. A noter, dans la masse des seconds rôles, l'excellente performance d'Olivier Breitman en Karl Lagerfeld.

   Du côté féminin le casting est beaucoup plus restreint. (Ce film est d'ailleurs l'occasion de vérifier qu'au tournant des années 1990-2000, l'élite politique française est principalement constituée d'une meute de mâles dominants.) Sara Giraudeau est très bien en Claude Chirac (bien que moins tranchante que la vraie), cette fille au prénom androgyne qui est en fait le fils que Chirac n'a pas eu. J'ai trouvé aussi Maud Wyler convaincante dans le rôle de "l'autre fille", celle qu'on ne montre pas.

   Quand on a connu cette époque, on revit des moments de son passé, sous un angle particulier. Le film fourmille de situations cocasses et de bons mots. Cela ne va pas révolutionner l'histoire du cinéma, mais on passe un bon moment.

vendredi, 20 octobre 2023

The Creator - Hollywood décolonial

   Sur une Terre ravagée par une guerre opposant les méchants Occidentaux (qui ont banni les intelligences artificielles) aux gentils Asiatiques (qui vivent en harmonie avec elles), un agent infiltré tente de concilier sa mission et l'amour qu'il éprouve pour la fille d'une sorte de gourou des IA. Il croise la route d'une enfant de synthèse, considérée comme une arme extrêmement redoutable (et donc recherchée par les deux camps)... mais qui se révèle de plus en plus humaine.

   Sur un thème dont la présence ne cesse de croître sur les écrans de cinéma, Gareth Edwards (Rogue One tout de même) a bâti un scénario assez conventionnel, dont il est possible de prévoir presque toutes les péripéties. Dès le début, on sent comment va se terminer la séquence initiale. Il est aussi évident qu'un personnage important va changer de camp. Il est tout aussi prévisible que la gamine va s'attacher à lui... pour une raison de plus en plus transparente, à mesure que se développe l'intrigue. Enfin, quasiment depuis le début, on sent où l'histoire pourrait trouver sa conclusion et même de quelle manière.

   Cet assemblage de recettes faciles, un brin éculées, passe plutôt bien à l'écran parce que c'est réalisé avec un incontestable souffle. Les scènes aériennes sont emballantes, utilisant judicieusement des effets spéciaux très réussis (merci LucasFilm !) et les séquences de combat sont spectaculaires. Ajoutons qu'on a soigné les décors et que ce cher Hans Zimmer a apporté son incontestable savoir-faire à l'emballage musical.

   Un bémol toutefois : on note quelques erreurs de montage (des faux-raccords), par exemple quand un personnage court vers une plage, sur le point de rattraper un bateau qui embarque... et qu'on voit, deux secondes plus loin, au large... ou encore, quand une "méchante", après avoir examiné ce qu'il reste de conscience de l'un de ses soldats, retourne à son véhicule en laissant sur place le précieux équipement qui lui permet de fouiller dans les cerveaux... équipement qui a mystérieusement disparu quand, quelques minutes plus tard, un autre groupe arrive à proximité du cadavre...

   Précisons que cette "méchante" est américaine. Hollywood semble avoir un sérieux problème avec les femmes de pouvoir, quand elles sont blanches. Ces dernières années, on croise de plus en plus souvent ce type de personnage repoussoir, sans que cela semble choquer personne. Récemment, on y a eu droit notamment dans Wakanda Forever (avec l'ambassadrice française), Blue Beetle (avec une cheffe d'entreprise) ou encore Ninja Turtles (avec une femme d'affaires). Le fait que ces clichés dépréciatifs se répandent dans des œuvres populaires me paraît un peu inquiétant.

   Mais, sur le fond, il y a pire. Globalement, ici, les méchants sont les Blancs occidentaux (principalement américains), les populations "colorées" (asiatiques, mais aussi afro-américaines) étant présentées soit comme d'innocentes victimes, soit comme de méritantes combattantes de la liberté. Bref, comme on a mis tout le pognon dans les FX, il ne restait plus grand chose pour la subtilité scénaristique... ou alors (hypothèse audacieuse), c'est parce que l'intrigue a été rédigée... par une IA !

22:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

The Creator - Hollywood décolonial

   Sur une Terre ravagée par une guerre opposant les méchants Occidentaux (qui ont banni les intelligences artificielles) aux gentils Asiatiques (qui vivent en harmonie avec elles), un agent infiltré tente de concilier sa mission et l'amour qu'il éprouve pour la fille d'une sorte de gourou des IA. Il croise la route d'une enfant de synthèse, considérée comme une arme extrêmement redoutable (et donc recherchée par les deux camps)... mais qui se révèle de plus en plus humaine.

   Sur un thème dont la présence ne cesse de croître sur les écrans de cinéma, Gareth Edwards (Rogue One tout de même) a bâti un scénario assez conventionnel, dont il est possible de prévoir presque toutes les péripéties. Dès le début, on sent comment va se terminer la séquence initiale. Il est aussi évident qu'un personnage important va changer de camp. Il est tout aussi prévisible que la gamine va s'attacher à lui... pour une raison de plus en plus transparente, à mesure que se développe l'intrigue. Enfin, quasiment depuis le début, on sent où l'histoire pourrait trouver sa conclusion et même de quelle manière.

   Cet assemblage de recettes faciles, un brin éculées, passe plutôt bien à l'écran parce que c'est réalisé avec un incontestable souffle. Les scènes aériennes sont emballantes, utilisant judicieusement des effets spéciaux très réussis (merci LucasFilm !) et les séquences de combat sont spectaculaires. Ajoutons qu'on a soigné les décors et que ce cher Hans Zimmer a apporté son incontestable savoir-faire à l'emballage musical.

   Un bémol toutefois : on note quelques erreurs de montage (des faux-raccords), par exemple quand un personnage court vers une plage, sur le point de rattraper un bateau qui embarque... et qu'on voit, deux secondes plus loin, au large... ou encore, quand une "méchante", après avoir examiné ce qu'il reste de conscience de l'un de ses soldats, retourne à son véhicule en laissant sur place le précieux équipement qui lui permet de fouiller dans les cerveaux... équipement qui a mystérieusement disparu quand, quelques minutes plus tard, un autre groupe arrive à proximité du cadavre...

   Précisons que cette "méchante" est américaine. Hollywood semble avoir un sérieux problème avec les femmes de pouvoir, quand elles sont blanches. Ces dernières années, on croise de plus en plus souvent ce type de personnage repoussoir, sans que cela semble choquer personne. Récemment, on y a eu droit notamment dans Wakanda Forever (avec l'ambassadrice française), Blue Beetle (avec une cheffe d'entreprise) ou encore Ninja Turtles (avec une femme d'affaires). Le fait que ces clichés dépréciatifs se répandent dans des œuvres populaires me paraît un peu inquiétant.

   Mais, sur le fond, il y a pire. Globalement, ici, les méchants sont les Blancs occidentaux (principalement américains), les populations "colorées" (asiatiques, mais aussi afro-américaines) étant présentées soit comme d'innocentes victimes, soit comme de méritantes combattantes de la liberté. Bref, comme on a mis tout le pognon dans les FX, il ne restait plus grand chose pour la subtilité scénaristique... ou alors (hypothèse audacieuse), c'est parce que l'intrigue a été rédigée... par une IA !

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mercredi, 18 octobre 2023

Terminator 2

   Moins d'un an après la ressortie en salles de Terminator, le deuxième volet (le dernier signé James Cameron) a refait son apparition au cinéma CGR de Rodez, dans le cadre de ses fameux "plans cultes", qui proposent aux cinéphiles locaux d'alléchantes pépites.

   Au début, les spectateurs de l'époque ont dû avoir une impression de déjà-vu, avec ces deux hommes nus débarqués du futur, l'un pour tuer John Connor, l'autre pour le protéger... sauf que, pendant un bon quart d'heure, la mise en scène entretient le doute quant à la mission de chacun... d'autant qu'il s'agit de deux terminators, l'un plus perfectionné que l'autre.

  Ce début est d'autant plus emballant qu'il est émaillé d'humour, comme lorsque le personnage incarné par Schwarzy débarque dans un bar de bikers pour se procurer vêtements et moyen de locomotion. D'autres moments sont devenus cultes, comme lorsque le jeune John enseigne au tueur mécanique certaines subtilités des relations humaines... son (très grand) élève se révélant capable d'étonnants progrès !

   Au niveau de l'intrigue, c'est encore meilleur que dans le premier opus, puisque Sarah Connor y occupe une place plus grande, à tel point que, parfois, le culturiste californien passe au second plan. J'ai pris plaisir à retrouver Linda Hamilton en femme d'action, aux ovaires bien arrimés... et assez sexy, ma fois.

cinéma,cinema,film,films

   L'intrigue se déroule un peu moins de dix ans après celle du premier opus. On y croise un John Connor préadolescent, incarné par Edward Furlong... qui, rappelons-le, a repointé le bout de son nez, il y a quelques années (tout comme Linda Hamilton), dans Dark Fate.

   A l'époque, on avait souligné la qualité des effets spéciaux du film de Cameron. Ils ont un peu vieilli aujourd'hui, mais leur insertion dans l'intrigue est remarquable. Ils ne sont pas là juste pour faire joli.

   Ce Terminator est aussi marquant par ses scènes de poursuite, en moto, en voiture, en poids lourd, en hélicoptère... et ça canarde !

   En revanche, je ne regrette pas la mode capillaire de l'époque : on aperçoit plusieurs personnages dotés d'une coupe mulet (notamment le meilleur copain de John Connor), dont jusqu'à il y a peu, je me réjouissais qu'elle fût tombée en désuétude, passant pour un summum de ringardise.

   Sur le fond, l'histoire n'est pas idiote, avec la prémonition des dégâts qu'une sorte d'intelligence artificielle pourrait faire. A noter aussi l'évolution du personnage de Sarah Connor, tentée à un moment par une posture radicale, qui transforme le personnage en quasi-terminator humain (et féminin). Comme le déclare l'un des protagonistes, les humains possèdent l'étrange faculté de s'autodétruire et de s'entretuer, une réflexion hélas corroborée par la brûlante actualité...

21:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Terminator 2

   Moins d'un an après la ressortie en salles de Terminator, le deuxième volet (le dernier signé James Cameron) a refait son apparition au cinéma CGR de Rodez, dans le cadre de ses fameux "plans cultes", qui proposent aux cinéphiles locaux d'alléchantes pépites.

   Au début, les spectateurs de l'époque ont dû avoir une impression de déjà-vu, avec ces deux hommes nus débarqués du futur, l'un pour tuer John Connor, l'autre pour le protéger... sauf que, pendant un bon quart d'heure, la mise en scène entretient le doute quant à la mission de chacun... d'autant qu'il s'agit de deux terminators, l'un plus perfectionné que l'autre.

  Ce début est d'autant plus emballant qu'il est émaillé d'humour, comme lorsque le personnage incarné par Schwarzy débarque dans un bar de bikers pour se procurer vêtements et moyen de locomotion. D'autres moments sont devenus cultes, comme lorsque le jeune John enseigne au tueur mécanique certaines subtilités des relations humaines... son (très grand) élève se révélant capable d'étonnants progrès !

   Au niveau de l'intrigue, c'est encore meilleur que dans le premier opus, puisque Sarah Connor y occupe une place plus grande, à tel point que, parfois, le culturiste californien passe au second plan. J'ai pris plaisir à retrouver Linda Hamilton en femme d'action, aux ovaires bien arrimés... et assez sexy, ma fois.

cinéma,cinema,film,films

   L'intrigue se déroule un peu moins de dix ans après celle du premier opus. On y croise un John Connor préadolescent, incarné par Edward Furlong... qui, rappelons-le, a repointé le bout de son nez, il y a quelques années (tout comme Linda Hamilton), dans Dark Fate.

   A l'époque, on avait souligné la qualité des effets spéciaux du film de Cameron. Ils ont un peu vieilli aujourd'hui, mais leur insertion dans l'intrigue est remarquable. Ils ne sont pas là juste pour faire joli.

   Ce Terminator est aussi marquant par ses scènes de poursuite, en moto, en voiture, en poids lourd, en hélicoptère... et ça canarde !

   En revanche, je ne regrette pas la mode capillaire de l'époque : on aperçoit plusieurs personnages dotés d'une coupe mulet (notamment le meilleur copain de John Connor), dont jusqu'à il y a peu, je me réjouissais qu'elle fût tombée en désuétude, passant pour un summum de ringardise.

   Sur le fond, l'histoire n'est pas idiote, avec la prémonition des dégâts qu'une sorte d'intelligence artificielle pourrait faire. A noter aussi l'évolution du personnage de Sarah Connor, tentée à un moment par une posture radicale, qui transforme le personnage en quasi-terminator humain (et féminin). Comme le déclare l'un des protagonistes, les humains possèdent l'étrange faculté de s'autodétruire et de s'entretuer, une réflexion hélas corroborée par la brûlante actualité...

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