dimanche, 07 juillet 2024
Pompo The Cinephile
Cette animation japonaise (réalisée par un inconnu : Takayuki Hirao) a pour cadre le monde du cinéma, la création de longs-métrages, de l'écriture du scénario à la sortie en salle, en passant par la production, le choix des acteurs, le tournage et le montage. D'un certain point de vue, c'est assez pédagogique : cela montre l'ensemble des professions participant à la création... et la difficulté de faire fonctionner tout cela ensemble.
C'est aussi farci de clins d’œil cinéphiliques... et techniques (vu la construction des plans). Le vieux producteur comme les acteurs vedettes sont inspirés de modèles états-uniens... et d'ailleurs, tout ce beau monde est basé en Californie, à HoNyallywood et espère décrocher une précieuse statuette à la cérémonie des ONyascar.
Le film est construit sur un schéma assez classique, celui du roman d'apprentissage (déjà à l’œuvre dans de nombreuses séries japonaises). Un assistant de production particulièrement cinéphile (Gene Fini) se voit confier sa première réalisation, avec pour actrice principale une inconnue (Mystia), pour laquelle aussi ce tournage est la chance de sa vie. Au-dessus d'eux règne la jeune et survoltée Pompo, petite-fille de producteur devenue à son tour productrice. Elle est furieusement enthousiaste, un brin autoritaire... et dotée de deux énormissimes couettes !
L'intrigue développe deux mises en abyme. La première relie le néo-réalisateur au héros de son film, un chef d'orchestre sur le déclin, qui va tenter de revenir au premier plan grâce à un chef-d’œuvre de sa composition. La seconde met en relation le tournage (et le montage) du film avec la vie de Gene, qui finit par comprendre qu'il n'est pas le seul ardent cinéphile engagé dans cette production.
L'animation est virevoltante, assez brillante ma foi. Néanmoins, pour un (vieil) adulte comme moi, le début comme la toute fin, avec ces comportements excessivement timides et obséquieux, sont un peu "cucul-la-praline". Mais le reste de l'intrigue (qui aborde aussi l'image de l'actrice vedette, la précarisation des jeunes salariées et le rôle des banquiers) est plus profond.
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samedi, 29 juin 2024
L'Ombre du feu
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Japon panse ses plaies, jusque dans les provinces les plus reculées. Ce film de fiction nous fait suivre le destin de trois personnages : un jeune orphelin, une veuve et un ancien soldat. Le tableau qui est fait du Japon de l'époque n'est pas sans rappeler ce qu'on a récemment vu dans Godzilla Minus One... en moins bien.
Je trouve que, dès le début, tout est trop appuyé. La mise en scène insiste sur la saleté, la précarité, la chaleur (on est à la fin de l'été 1945, en zone quasi tropicale)... et puis cette jeune veuve est un peu trop jolie. Elle est interprétée par une comédienne (Shuri Mizutani) qui doit être une vedette dans son pays. Mais, ici, son visage est un peu trop lisse... et ses jambes un peu trop belles... Néanmoins, la présence de ce personnage, à l'écran, est l'occasion d'évoquer la précarité de la condition des femmes, surtout quand elles étaient les épouses de soldats, dont elles n'avaient plus de nouvelles.
Le surgissement du gamin est plutôt bien vu... mais l'on sent très vite que le réalisateur nous guide vers la formation d'un nouveau noyau familial, auquel pourrait s'adjoindre un ex-militaire en quête de travail... mais un peu perturbé dans sa tête.
C'est l'arrivée d'un autre ancien soldat qui redonne du tonus à l'intrigue. Il semble prendre le gamin sous son aile... peut-être pas uniquement par philanthropie. Cette partie-là de l'intrigue m'a davantage intéressé.
Pour des raisons que je ne révèlerai pas, le gamin va être séparé de son nouveau protecteur. On le suit désormais seul, en ville, où chacun tente de survivre, sans guère de considération pour le sort d'autrui. La dernière scène remet en relation le gosse avec la femme du début, mais de manière très particulière.
La photographie et les décors sont bien foutus, mais, c'est souvent un peu trop léché à mon goût. Pour paraphraser Coluche, je dirais que j'ai parfois eu l'impression d'être face à de "la crasse propre".
Sur le sujet (et, globalement, l'histoire du Japon des années 1930 aux années 1950), je conseille plutôt la lecture d'un célèbre manga, Gen d'Hiroshima.
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samedi, 22 juin 2024
Détective Conan : l'étoile à un million de dollars
C'est la troisième adaptation en long-métrage du célèbre manga que je vois en salle obscure (après La Fiancée de Shibuya en 2022 et Le Sous-Marin noir l'an dernier). Cette fois-ci, la réalisation a été confiée à une femme, Chika Nagaoka, qui avait déjà pris en charge The Scarlett Bullet (en 2021).
J'ai retrouvé dans ce film-ci les qualités présentes dans les précédents : une animation maîtrisée, parfois brillante, un scénario feuilletonnesque à souhait et des scènes d'action pas franchement vraisemblables, mais bien mises en scène (et à voir sur grand écran).
Cette fois, il est question d'une chasse au trésor : un amas de lingots d'or, ou une arme redoutable, cachée depuis des décennies. Conan (notre mini-Sherlock faussement enfantin) et sa petite bande sont en concurrence avec une vieille famille japonaise (amoureuse des sabres), un homme d'affaires nippo-américain peu scrupuleux, un cambrioleur roi du déguisement (sorte d'Arsène Lupin)... et un mystérieux ninja, capable de mettre en échec les meilleurs sabreurs.
La culture japonaise est donc au cœur de ce volet, avec une présentation de la région d'Hakodate, située sur l'île (nordique) d'Hokkaido. Un tournoi de sabre y est organisé, auquel certains protagonistes se rendent en empruntant le célèbre train à grande vitesse japonais (le Shinkansen). Il est aussi fait référence à des haïkus. Le film est donc clairement d'abord conçu pour un public nippon... et des Occidentaux cultivés (ou tout simplement fan du manga d'origine).
On ne s'ennuie pas un instant, sauf peut-être quand il est question des émois amoureux de certains personnages, jeunes adultes assez gauches. Mais, bon, comme c'est noyé dans l'ensemble des péripéties, cela se supporte sans peine.
La conclusion de l'histoire nous amène à un secret hérité de la Seconde Guerre mondiale. Le film s'achève sur des vues touristiques (réelles) de la région (qui permettent de voir en vrai certains lieux dessinés dans le film)... et quelques bonus. Ne partez donc pas trop vite !
P.S.
Il est déjà prévu de sortir un nouvel opus en 2025.
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samedi, 08 juin 2024
Comme un lundi
Inspiré d'Un Jour sans fin, le scénario de cette comédie sociétale japonaise nous fait découvrir le travail des employés de ce qui est sans doute une entreprise de sous-traitance dans la communication. Chacun lundi matin, ils ont l'impression que c'est la même semaine qui recommence. C'est une évidente allusion à la routine d'un travail qui semble parfois aliénant. Mais, dans leur cas, c'est la vérité !
Au titre français je préfère la version internationale, le pluriel, associé à la mise en abyme au niveau de la lettre O, me semblant plus révélateurs du contenu du film.
Dans celui-ci, plusieurs personnages prennent conscience de l'éternel recommencement de cette semaine fatidique : leur boîte doit terminer dans l'urgence une commande importante. Dans le même temps, l'héroïne cherche à se faire embaucher par une grosse entreprise, l'un de ses supérieurs à acheter un billet pour un concert de K-pop, un autre tente d'organiser ses vacances... sans parler de celui qui rêve d'être reconnu comme auteur de mangas !
On suit l'histoire du point de vue de l'héroïne Akemi. On découvre assez rapidement qu'au bureau, elle n'est pas la première à se rendre compte du caractère exceptionnel de la situation. Certains de ses collègues ont déjà expérimenté des dizaines de tentatives pour briser le cercle vicieux. Ils sont arrivés à la conclusion que la solution passe par la prise de conscience progressive de chaque membre de la hiérarchie, celui-ci convaincu par son(sa) subordonné(e) immédiat(e). Voilà qui est très japonais...
La première partie contient quelques moments cocasses, comme quand certains salariés agissent vis-à-vis de leurs collègues en montrant leur connaissance de ce qui va se produire. J'ai aussi en mémoire la scène du chargeur de téléphone, vraiment réussie et une autre, sur le toit de l'immeuble, avec des lunettes de protection.
Mais, attention, ce n'est pas la comédie délirante qu'on nous a parfois vendue. L'essentiel de l'intrigue est une réflexion sur l'addiction au travail, l'ambition et les choix de vie. Peut-on sacrifier ses rêves à sa réussite personnelle ? A l'inverse, à quoi est-on prêt(e) à renoncer pour réaliser ses rêves ? Les réponses à ces questions, qui diffèrent d'un personnage à l'autre, ne m'ont pas forcément convaincu. Mais j'ai passé 80 minutes divertissantes... en restant jusqu'à la fin du générique, qui contient un petit bonus.
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samedi, 20 avril 2024
Spy x Family - Code : White
Je ne connaissais pas le manga d'origine, pas plus que les premières adaptations animées. J'ai tenté l'aventure de ce film en raison du bouche-à-oreille positif et des extraits que j'ai vus.
Au cœur de l'intrigue se trouve une famille recomposée... eh oui, une de plus. Mais celle-ci est très décalée, franchement marrante. Le jeune papa est Loid (nom de code : Twilight), un espion de l'Ouest (Westalis) infiltré à l'Est (Ostania)... Nous sommes en pleine Guerre froide, d'un genre nouveau. C'est un as du déguisement, un pro du cambriolage, un expert en combat rapproché. Comme, en plus, il est beau gosse, il plaît à quantité de femmes... mais il pense avant tout à sa mission. Voilà pourquoi il a adopté une étrange orpheline, Anya, qui semble très mûre pour son âge... et pour cause : elle peut lire dans les pensées d'autrui. Elle seule est au courant que son papounet psychiatre est en réalité un agent secret... et elle trouve ça trop cool !
Pour valider l'adoption et l'inscription de la gamine dans une école friquée pour jeunes prodiges, Loid se doit d'être en couple. Il a donc contracté un mariage blanc avec une charmante fonctionnaire, Yor, dont il ignore qu'elle est en fait une redoutable (et ravissante) tueuse à gages. Elle-même a choisi ce jeune et charmant psychiatre, au comportement anodin, comme couverture pour ses activités illicites... mais elle ne se doute pas de ce qu'il fait en dehors de sa clinique...
Seule Anya sait tout, ainsi que son compagnon à poils, un bon gros gentil chien télépathe (portant nœud papillon), capable d'entrevoir le futur et appelé... Bond !
Tout ça pour dire qu'on nage en pleine ambiance de film d'espionnage... 007 bien sûr, mais aussi Mission : impossible, dont le générique iconique sert à plusieurs reprises de musique d'ambiance, avec différentes orchestrations.
J'ai beaucoup aimé les décors, qui mélangent un peu de futurisme à une architecture XIXe siècle, avec aussi de superbes intérieurs en bois. Un côté "nid douillet" se dégage de plusieurs scènes, tandis que d'autres sont marquées par une animation virtuose, quand il y a de l'action.
... et ça ne manque pas. Le plus cocasse est que l'intrigue va tourner, directement ou indirectement, autour d'un dessert particulier, un peu passé de mode, appelé "meremere". La capacité d'Anya à reproduire ce gâteau pour le concours organisé dans son école pourrait influer sur le sort de sa famille. La quête des ingrédients va embarquer ce petit monde dans une conspiration militaire, dont l'enjeu est la possession d'un mystérieux microfilm (plutôt une micro-carte SD), dont tout le monde finit par comprendre qu'il a sans doute été avalé par... cette gloutonne d'Anya ! En découlent de savoureuses péripéties, autour de la rapidité avec laquelle la jeune fille va "évacuer" la chose. Cela nous vaut notamment une extraordinaire séquence psychédélique, au cours de laquelle l'héroïne rencontre... "le dieu du caca" ! Celui-ci (un sympathique vieillard barbu qui pète en vert...) lui fait découvrir le "Paradis des toilettes". J'ai adoré !!
Aux spectateurs moins portés sur le scabreux, je signale la présence de superbes scènes de combat, la maman tueuse se retrouvant confrontée à une sorte d'agent-prototype, contre lequel elle va devoir faire preuve d'agilité, de courage... et d'imagination.
Il y a bien quelques défauts dans cette histoire un peu déglinguée : le côté enfantin de certaines scènes d'école et le manque de maturité des adultes dans l'expression de leurs sentiments. (La pudeur japonaise est ici exacerbée, à tel point que les jeunes adultes peuvent parfois passer pour des adolescents.)
A part cela, j'ai passé un très bon moment, un peu comme avec Detective Conan (qui est toutefois meilleur, selon moi).
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dimanche, 31 mars 2024
Blue Giant
Ce film d'animation japonais adapte un manga consacré au jazz. (C'est peut-être le premier volet d'une trilogie.) C'est une histoire de quête de soi, de quête de succès et d'amitié.
On suit les pérégrinations de trois jeunes hommes, trois provinciaux "montés" à Tokyo. Dai est le saxophoniste, pour qui jouer est vital. Mais il ne maîtrise pas encore parfaitement la technique. Yukinori est le pianiste, issu d'une famille privilégiée. Il s'est déjà fait un petit nom dans le milieu, mais il veut plus, beaucoup plus. Shunji semble être d'origine plus populaire. C'est l'ami d'enfance de Dai. Il est le batteur (quasi débutant) du groupe... et un fan de football.
Le trio à peine formé va répéter dans les locaux d'un petit bar à concerts, tenu par une ancienne artiste, elle-même fan de jazz, mais un peu mélancolique. Chaque personnage va évoluer : le saxo doit améliorer sa technique et affiner son style, le pianiste faire preuve de plus d'originalité, le batteur se montrer digne d'accompagner les deux autres. A la japonaise, dirais-je, leurs efforts sont filmés comme le serait un entraînement sportif en vue de réaliser un exploit physique. La musique est belle, quand bien même, dans un premier temps, elle est jouée avec un peu d'approximation. Ce sont des compositions originales, de Hiromi Uehara, une musicienne reconnue au Japon, qui de surcroît double le jeu au piano de Yukinori.
Arrivent les scènes de concert, les plus virtuoses. Elles mélangent différents types d'animation. Le résultat est assez sidérant. Le réalisateur a tenté de rendre visuellement la frénésie musicale. La diversité des effets, des angles de prise de vue, associée à un montage particulier, débouchent sur une incarnation colorée du jazz, qui mérite d'être vue. Précisons que le réalisateur n'est autre que Yuzuru Tachikawa, auquel on doit certaines des adaptations cinématographiques de Détective Conan.
L'aventure des trois garçons connaît quelques soubresauts, chacun ayant évolué différemment à la fin de l'histoire.
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dimanche, 11 février 2024
Le Royaume de Kensuke
C'est à un duo britannique que l'on doit cette animation (adaptée d'un roman), destinée a priori à tous les publics. L'intrigue doit se dérouler dans les années 1990, même si aucun contexte précis n'est donné. On sait juste que le vieil homme qui habite l'île perdue est un ancien soldat japonais, sans doute âgé de 70-80 ans. On pense évidemment à Onoda, même si son histoire est quelque peu différente.
Avant d'en arriver à cette rencontre, on découvre une famille (britannique) en vacances, sur un voilier. La père et la mère sont accompagnés de leurs deux enfants, l'aînée plus mature que le cadet, un garçon assez capricieux... dont on finit par comprendre qu'il est parvenu à introduire un passager clandestin... plutôt une passagère... très poilue (Stella).
Ce début m'a un peu agacé. J'y ai retrouvé, concernant les enfants et adolescents, des clichés trop souvent répandus dans le cinéma de fiction. Soit c'est un lieu commun pour les auteurs du Septième art, soit c'est une méthode peu subtile pour faire avancer le scénario dans la direction voulue (les gamins/ados faisant immanquablement de grosses bêtises), soit nos amis les artistes vivent dans des familles peuplées de gosses mal élevés. J'en côtoie (pré-adolescents comme adolescents) assez régulièrement et je trouve que l'écrasante majorité d'entre eux est bien plus fréquentable que les personnages censés les représenter sur grand écran.
De ce début je sauverais juste l'apparition de la passagère clandestine poilue, incontestablement la plus sympathique des protagonistes... de surcroît très bien dessinée et animée. Il ne lui manque que la parole !
Pour moi, le film décolle vraiment à partir du moment où l'action se déroule sur l'île. La qualité du dessin est particulièrement visible au niveau des animaux : orangs-outans, oiseaux, insectes... La forêt équatoriale (tropicale ?) réserve bien des surprises, une fois que ce petit con de Michael commence à l'explorer. Il y entre en contact avec le Kensuke du titre, le seul autre occupant humain... qui ne parle pas la même langue que lui.
Un des enjeux de l'histoire est la naissance de cette improbable relation amicale, entre un gamin qui va rapidement beaucoup apprendre de la vie et un vieillard qui au départ ne goûte que la compagnie des forces de la nature. L'insertion progressive du gamin dans la vie quotidienne de Kensuke est touchante (bien que, là encore, agaçante au départ).
D'autres humains vont débarquer sur l'île. Ils représentent clairement une menace : ils sont armés et se déplacent dans un bateau d'où s'échappe une vilaine fumée noire. On n'en saura guère plus sur eux. Ils sont juste là pour servir de repoussoir... tout comme l'armée américaine, présente dans les souvenirs de Kensuke.
Celui-ci, comme Michael, a "perdu" sa famille et a trouvé du réconfort dans la compagnie des animaux. Les deux humains vont tisser des liens, entre eux et avec les animaux, dans un contexte de quasi-paradis tropical, tellement bien aménagé par le vieil homme qu'on se croirait parfois dans un village-vacances écolo-responsable.
C'est, pour moi, là où le bât blesse. Au-delà des belles images et du propos tout à fait louable en faveur du respect de la nature, on nage en plein politiquement correct, avec de gros sabots. Pour des adultes, cela manque singulièrement de subtilité. Pour des enfants, cela peut passer.
Un film à recommander aux (grands)parents de gauche qui voudraient formater l'esprit de leurs (petits)enfants.
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A Man
C'est un peu par hasard que je suis allé voir ce film japonais, d'un réalisateur inconnu (Kei Ishikawa). J'ai été attiré par l'histoire de l'épouse qui découvre, à la mort de son mari, qu'il n'était pas celui qu'il prétendait.
Mais avant d'en arriver là, le cinéaste prend son temps. Il nous conte la naissance d'un amour, en province. Lui est un jeune homme emprunté, dessinateur compulsif, nouveau venu dans la petite ville. Elle est la fille de commerçants du coin. Elle a vécu à Yokohama (dans le Grand Tokyo), s'y est mariée, a eu deux enfants, puis a divorcé. Elle est revenue épauler ses parents dans la boutique de papeterie, juste avant la mort de son père. Ce contexte familial n'est pas ce qu'il y a de mieux mis en scène. En revanche, la naissance de l'histoire d'amour est belle, tout comme la description d'une nouvelle vie de famille... jusqu'à l'accident. (Notons que les scènes de sylviculture sont plutôt bien conçues et font respirer l'intrigue.)
A partir de là, le polar prend le dessus. La jeune veuve engage son ancien avocat (qui l'a aidée pour son divorce). Celui-ci va donc enquêter sur le mari... mais aussi sur une personne qui porte le même nom. Dans le même temps, on découvre la vie privée du juriste, un beau gosse assez brillant, qui a la particularité d'être d'origine coréenne, ce que son beau-père (extrême-)droitier n'oublie pas de rappeler à l'occasion d'un repas de famille. J'ai aussi bien aimé les scènes de travail, au cabinet juridique, qui font intervenir l'avocat et son associé.
En fait, l'enquête est un prétexte pour aborder des thèmes sociaux : l'usurpation d'identité, la disparition volontaire, la peine de mort, le racisme (principalement anti-coréen)... ainsi que l'univers de la boxe ! La deuxième partie du film est vraiment passionnante, tout en étant marquée par une grande délicatesse dans la peinture des relations humaines.
Le personnage du fils aîné de l'héroïne prend un peu d'ampleur. Il se pose des questions sur son identité. Tout jeune, il a porté le nom de famille de son géniteur (qu'il a peu connu), avant de prendre celui de sa mère, après le divorce. Le remariage de celle-ci l'a conduit à adopter le nom -officiel- du bûcheron dessinateur, dont il apprend qu'il est usurpé. L'incertitude quant à l'identité réelle du second mari a des répercussions inattendues, au niveau des rites funéraires mais aussi de la transmission du produit d'une assurance-vie.
Le séduisant avocat fait preuve d'une singulière opiniâtreté dans la résolution de cette affaire. Elle semble prendre un tour de plus en plus personnel. Cette dernière partie est un peu plus languissante, peut-être un poil moins réussie que les précédentes. Le réalisateur finit par boucler ses trois arcs narratifs... et nous réserve un petit coup de théâtre final, que chacun interprètera à sa guise.
La sortie de ce film fut discrète, mais je conseille de ne pas le rater s'il passe près de chez vous.
P.S.
Certains des acteurs paraîtront familiers aux amateurs de productions japonaises. Ainsi, l'avocat est incarné par Satoshi Tsumabuki, vu l'an dernier dans La Famille Asada, tandis que Sakura Andô (la veuve) figure dans la distribution du récent Godzilla Minus One. Quant à Akira Emoto (qui interprète un criminel emprisonné), c'est un vétéran du septième art nippon, qu'on a pu voir dans L'Anguille, Zaitochi ou encore John Rabe.
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mercredi, 24 janvier 2024
Godzilla Minus One
Curieusement, ce film japonais a "bénéficié" de deux sorties sur grand écran, en France. La première, dans une combinaison très limitée de salles, est survenue en décembre dernier. Sans doute en raison de l'engouement suscité par le film, il a été décidé de le reproposer, à un plus large public... et c'est tant mieux.
L'intrigue n'a pas été chamboulée par rapport aux classiques de la franchise (qui compte plus de trente films mettant en scène la grosse bébête radioactive). Du côté d'Hollywood, en 1998, Roland Emmerich attribuait aux essais nucléaires français du Pacifique la naissance du monstre. Plus récemment, en 2014, Gareth Edwards remontait aux origines (l'après Seconde Guerre mondiale), en convaincant à moitié. Sans trop en dire, je peux quand même affirmer qu'ici, on sous-entend que la (re)naissance de Godzilla est un poil plus ancienne...
Cela nous amène à l'un des grands intérêts de l'histoire : la peinture du Japon de 1945-1946, entre destructions, famine et familles déconstruites. On suit notamment un ancien kamikaze (qui n'a pas pu aller jusqu'au bout) et une mère célibataire qui sort de l'ordinaire. Après une introduction en fanfare (avec la grosse bête), l'intrigue prend des chemins à la fois sociologiques et psychologiques. On est loin des gros sabots états-uniens.
Je rassure les fans de film à grand spectacle : on en a pour son argent, avec de bons effets spéciaux... ce qui confirme qu'il n'est pas nécessaire de mettre "un pognon de dingue" dans les technologies numériques pour créer une œuvre à la fois spectaculaire et vraisemblable.
Godzilla joue un double rôle. D'un côté, il est le destructeur, à la fois créature de la démesure humaine et son prédateur ultime. D'une autre côté, il est le déclencheur, celui dont la présence oblige les humains à faire des choix, à mûrir, s'engager... C'est l'occasion pour nous de voir évoluer une famille recomposée, vaille que vaille. C'est assez touchant sans être hyper souligné.
En revanche (le film étant plutôt destiné au public est-asiatique), je n'ai guère apprécié certains scènes surexpressives, dans l'autoflagellation ou le larmoiement.
Cela reste néanmoins un film hautement recommandable.
17:09 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 20 décembre 2023
Perfect Days
J'ai enfin pu accéder à la dernière fiction de Wim Wenders (qui m'a récemment enchanté avec son documentaire Anselm : le bruit du temps).
Les dix premières minutes sont sans dialogue. On y découvre l'anti-héros, Hirayama, quinquagénaire taiseux, solitaire, qui vit dans un appartement modeste, aménagé (avec d'autres) dans ce qui ressemble à un ancien entrepôt. Très vite, on comprend qu'il a habilement tiré profit du moindre centimètre carré de son habitat. Chaque chose est à sa place.
Le matin, il se réveille au bruit du balayeur. Il enchaîne le même rituel, qui le conduit du brossage de dents à sa camionnette de fonction, en route pour nettoyer les toilettes publiques de Tokyo.
Une fois par semaine, cette succession d'actes habituels cède la place au jour de "repos", consacré au ménage, à la lessive, aux courses... et au développement des photographies prises avec un appareil argentique.
Hirayama est consciencieux, méticuleux. Il nettoie avec soin les cabinets de toilettes, du sol au plafond, en passant par les glaces et les parois extérieures. (On notera toutefois que les "lieux", quand il les prend en charge, ne sont pas d'une saleté repoussante. Viens en France, mon gaillard, on verra si tu kiffes autant !)
La mise en scène est d'une grande limpidité, ce qui ne signifie pas qu'elle soit insignifiante. A l'image de son personnage principal (interprété par Koji Yashuko, prix amplement mérité à Cannes), Wenders est parfois sur un nuage. Il réussit à rendre sa dignité aux gestes du quotidien et met en scène la beauté du simple (à moins que ce ne soit la simplicité belle).
Ce personnage m'a un peu rappelé un facteur, que j'ai connu autrefois. On avait discuté de nos boulots respectifs et lui s'était déclaré content de son sort. Certes, il se levait très tôt le matin, mais il aimait l'ambiance des débuts de journée endormis. Il adorait faire sa tournée, discutant au passage avec les gens. Il terminait son travail en début d'après-midi ; il avait ainsi le reste de la journée à lui, sachant qu'il lui fallait se coucher tôt.
Hirayama est de cette trempe. Après son travail, il va aux bains publics, boire un coup, se balade, lit un peu. C'est un habitué des commerces qu'il fréquente. Avec cette routine, il s'est constitué un triple cocon : celui de l'appartement, celui du travail et celui des loisirs. Tout cela est filmé avec empathie. On perçoit comme une petite musique du bonheur, rythmée par des titres anglo-saxons, souvent de style glam-rock.
Bien que côtoyant des centaines de ses contemporains, le héros semble vivre sur une autre planète, sans télévision, ni ordinateur, ni smartphone, écoutant de vieilles cassettes, achetant des livres d'occasion, se déplaçant le plus souvent à bicyclette. Cette "sobriété heureuse" a visiblement séduit au moins autant que les qualités strictement cinématographiques du film.
Et puis... cette rassurante petite routine va un peu se gripper. A cause de ce jeune collègue (IN-SU-PPOR-TABLE), paresseux et égocentrique. A cause de la nièce envahissante, qui compte sur l'oncle dont la famille a honte pour vaincre son mal-être. Il y a aussi de belles rencontres, comme celle de la petite copine du collègue, celle de la tenancière du bistrot et celle de son ex-mari. On attend (espère) aussi la rencontre avec l'auteur(e) du jeu glissé dans un recoin d'un cabinet.
C'est beau, apaisant, parfois un peu agaçant (quand le petit con est à l'écran), parfois longuet. (Wenders étire un peu trop ses effets.) Mais c'est un film à nul autre pareil, d'un septuagénaire à l'apogée de son art, qui ne cherche à suivre aucune mode, aucun conformisme ambiant.
22:40 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 19 novembre 2023
Yôjinbô
Ces dernières années, l’œuvre du cinéaste japonais Akira Kurosawa (décédé en 1998) connaît un regain d'intérêt en France. J'ai pu le constater en observant la programmation "patrimoniale" de certains cinémas du sud-ouest de la France et celle des cinémathèques (rétrospectives à celle de Toulouse en 2017 et celle de Paris en 2022).
La "quinzaine japonaise" qui s'achève en Midi-Languedoc a été l'occasion de reprogrammer, outre des mangas (dont ceux d'Hayao Miyazaki), certains des films les plus marquants de Kurosawa. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de revoir Rashōmon (célèbre pour son intrigue criminelle à plusieurs voix) et Le Château de l'araignée (transposition captivante du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval).
Sorti en France sous le titre Le Garde du corps (alors que Le Mercenaire ou Le Nervi aurait été un poil plus adapté), Yôjinbô, comme les deux précédemment cités, s'appuie sur la participation de l'acteur fétiche de Kurosawa, Toshirô Mifune, qui incarne un rōnin, c'est-à-dire un samouraï sans maître... mais pas sans valeurs.
Il débarque dans un bourg où dominent deux clans, qui s'affrontent... ou s'entendent pour contrôler les activités les plus lucratives de la région. Alors que l'action se déroule peu avant le début de l'ère Meiji (sans doute dans les années 1850-1860), l'un des dialogues du début, dans lequel un personnage se désole du comportement des "jeunes d'aujourd'hui" et de la course à l'argent facile qui change (en mal) la société traditionnelle, fait sans doute davantage écho à la situation du Japon au tournant des années 1950-1960 (cent ans plus tard, donc), qui amorçait une fulgurante croissance économique, doublée d'une modernisation sans précédent, le tout sous la houlette américaine.
Très vite, l'étranger, redoutable sabreur, comprend qu'aucun des camps ne vaut mieux que l'autre... sans parler de l'autorité régionale, dont le représentant se révèle particulièrement sensible à la corruption. C'est donc tout seul... ou presque, que le rōnin en quête de cause va se muer en justicier, tentant de monter un clan contre l'autre. Ses tentatives de manipulation sont savoureuses à suivre, parce que, dans un premier temps, elles ridiculisent les sbires aux faciès menaçants, soit qu'ils se révèlent stupides, soit qu'ils apparaissent soudainement trouillards. Mais le fils de l'un des chefs, de retour de la ville avec une nouvelle arme (un révolver), va lui donner du fil à retordre.
C'est filmé avec un incroyable brio. Kurosawa sait mettre à profit les contre-plongées et les prises de vue obliques. Il a de plus choisi de faire loger son héros dans une auberge d'aspect misérable... mais située au centre du bourg. A travers les planches amovibles qui masquent les ouvertures, on peut observer tout ce qu'il se passe sans être vu.
Même si le film a un peu vieilli, il constitue un bon divertissement, avec finalement assez peu de moments d'action violente, mais pas mal de malice, des personnages parfois truculents et une musique d'accompagnement qui oscille entre le grandiose et l'ironique. On en vient presque à penser que le duo Leone-Morricone n'a pas inventé grand chose...
P.S.
Dans le cinéma où j'ai vu le film (le CGR Lapérouse, à Albi), la séance a été précédée d'une démonstration de sabre, accompagnée d'explications. Ce fut fort instructif... en tout cas plus intéressant que les bandes-annonces et plages de publicité, qui nous été épargnées !
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vendredi, 03 novembre 2023
Le Garçon et le héron
Dans ma vie de (vieux) cinéphile ruthénois, il m'aura été donné le plaisir d'assister à la scène suivante : une file d'attente de spectateurs, avant la projection d'un film d'Hayao Miyazaki... en version originale sous-titrée, au CGR de Rodez !
Il y a une dizaine d'années, j'étais sorti un peu déçu de la vision du Vent se lève. En 2019, l'espoir était revenu quand, au détour d'un documentaire consacré au Maître, il était annoncé la mise en chantier de son ultime long-métrage d'animation.
Autant le dire tout de suite, Miyazaki conclut son œuvre cinématographique par l'un de ses plus beaux films, tant sur la forme que sur le fond. Sur le plan technique, l'animation est de grande qualité. On retrouve ce souci du détail, par exemple la volonté de transcrire au plus près de la réalité les mouvements des êtres vivants, humains comme animaux. Les décors sont soignés... et quel éblouissement dans certaines scènes ! Dès le début, on est cueilli par celle de l'incendie de Tokyo (hélas dramatique). La première discussion entre le garçon (Mahito) et le héron est aussi prétexte à virtuosité visuelle... assaisonnée d'humour. Dès qu'un oiseau est dans les parages (héron, pélican, perruche..), les humains se font chier dessus !
Le film prend une ampleur supplémentaire quand le garçon pénètre dans le "monde magique", celui auquel mènent à la fois la Tour du mystérieux grand-oncle et la forêt proche, perçue comme dangereuse. Le héron perd sa grandiloquence du début pour devenir un acolyte gouailleur, tandis que surgissent de gigantesques perruches et d'adorables petites créatures blanches (des wakawaka ?).
Que ce soit dans le "monde réel" (le Japon de la Seconde Guerre mondiale) ou dans le "monde magique", l'ambiance est celle du conte. Bien que baignant dans la culture japonaise, le film contient des références à des œuvres occidentales. Ainsi, les mamies qui accueillent le garçon à la campagne sont au nombre de sept... et de petite taille. L'une d'entre elles (la grincheuse) joue un rôle particulier dans l'intrigue. Dans le "monde magique", Mahito est guidé par une étrange jeune fille, sorte de décalque d'Alice... dont le véritable rôle sera compris par les spectateurs adultes avant même Mahito. Cette ambiance de conte n'est pas aseptisée (ce qui est conforme aux versions traditionnelles des histoires populaires). La nature est parfois cruelle, comme un troupeau de pélicans ou une armée de perruches, tous et toutes diablement affamés (comme les Japonais de 1944-1945 d'ailleurs).
De plus, même si le héros est un garçon, on a quelques beaux personnages féminins : la mère, la tante, les mamies, la pêcheuse-pirate (au cœur d'une des séquences les plus brillantes) et cette étrange Himi. J'ai remarqué que c'est lorsque intervient un personnage féminin que l'animation se fait la plus virtuose.
A l'arrière-plan se trouve le Japon de l'enfance de Miyazaki : impérialiste, militariste, affamé (sauf les élites)... et sur le point d'être vaincu par les États-Unis (qui n'apparaissent pas ouvertement dans l'intrigue). L'incendie dans lequel meurt la mère du héros est sans doute provoqué par l'un des bombardements de Tokyo, peut-être celui de mars de 1945 (rappel que, pour vaincre les nazis comme leurs alliés japonais, il a fallu parfois commettre des actions extrêmes... aucune guerre n'est propre). Le royaume des perruches, dictature populiste, est une référence au Japon impérial, le Maître des pierres (qui détient le pouvoir magique, mais ne gouverne pas réellement le pays) pouvant s'inspirer de la figure de l'empereur Hiro-Hito (dont Miyazaki nous livrerait là une version assez... édulcorée, pour être poli).
A un autre niveau, le film est un drame psychologique. Le héros ne parvient pas à faire le deuil de sa mère, alors que débarque la nouvelle épouse de son père, déjà enceinte de ses œuvres ! Cela pourrait être lourdingue, excessivement mélo... mais, fort heureusement, ce n'est pas un film français. Miyazaki, à l'image de ce qu'on a pu voir récemment dans Le Château solitaire dans le miroir, insère subtilement le problème des relations familiales dans son intrigue fantastique.
Au final, cela donne un film grandiose, que les (pas trop) petits peuvent se contenter de voir comme un conte, une histoire telle qu'on n'en raconte quasiment plus. Les adultes peuvent se plonger avec délectation dans les méandres des références et des possibilités d'interprétation, tout en profitant du spectacle visuel.
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samedi, 16 septembre 2023
Le Château solitaire dans le miroir
Bien placée dans la course du film au titre le plus long sorti en France cette année, cette animation japonaise est assez étonnante, en raison du croisement des genres qu'elle opère. Sur le fond, il s'agit d'une œuvre sociétale, qui traite de la phobie scolaire et du harcèlement, entre autres. Mais le traitement s'effectue par le prisme d'une intrigue fantastique.
Les héros sont sept adolescents, tous collégiens (même si certains ont plutôt un physique de lycéens), tous japonais, tous (sauf un) réfugiés au domicile de leurs parents. Par le biais de miroirs magiques, ils vont se retrouver, à intervalle régulier, pendant un an, dans un mystérieux château, perché sur une île-rocher perdue au milieu de nulle part, avec pour hôtesse une mystérieuse reine-louve, apparemment une enfant portant un masque, mais qui semble diablement mûre (et forte) pour son âge. Elle assigne une mission au groupe : trouver une clé dissimulée dans le château. Elle permettra à l'un(e) d'entre eux de réaliser son vœu le plus cher.
Des sept nous suivons surtout le parcours de Kokoro, fille unique d'un couple de cadres urbains, scolarisée dans un collège public où elle est devenue le souffre-douleur d'une bande de pétasses. Au fil de ses séjours dans le château, elle découvre qu'elle a d'autres points communs avec ses six compagnons, qui vont devenir des amis. Mais pourquoi ont-ils été réunis là ? Et comment trouver la clé ?
Le mystère semble dans un premier temps s'épaissir (l'existence d'univers parallèles ne tenant pas la route). Sans me vanter, j'ai assez vite deviné le twist... ainsi que l'identité réelle de la reine-louve. Cela n'a nullement entamé mon plaisir, puisque le scénario (adapté d'un roman) est foisonnant, ouvrant de multiples perspectives.
La réalisation est cependant inégale. La majeure partie des scènes est assez plan-plan. Toutefois, dès qu'il est question d'une surface réfléchissante (miroir, glace, vitre...), on remarque un incontestable brio.
C'est visible par les petits et les grands. Je pense que le film est conçu pour susciter des discussions dans les familles... et c'est aussi une histoire particulièrement énigmatique, pour qui aime se triturer les méninges.
PS
Du réalisateur, Keiichi Hara, on a déjà pu voir dans les salles : Wonderland, le royaume sans pluie, Miss Hokusai et Colorful.
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dimanche, 20 août 2023
Rendez-vous à Tokyo
Ce film nous conte une histoire d'amour, dans le Japon urbain du début du XXIe siècle, en sept épisodes (à l'image des sept pas de danse qu'esquisse le couple, le soir de la rencontre)... sauf que ces sept chapitres nous sont montrés dans l'ordre chronologique inverse. Chacun se déroule le même jour, le 26 juillet (à chaque fois d'une année différente, bien sûr), qui est aussi le jour de naissance du héros.
On commence par l'année 2021, celle des Jeux Olympiques, alors que la pandémie de covid fait encore sentir ses effets. L'ancien danseur Teruo est désormais éclairagiste, dans une salle de spectacle. Il assiste à une représentation de danse, avec une nouvelle vedette féminine, qui ne le reconnaît pas. De son côté Yo est (toujours) chauffeuse de taxi, dans une compagnie assez prestigieuse. Ce soir-là, elle prend en charge un client qui lui rappelle quelque chose... Les deux anciens amoureux vont-ils se retrouver ?
Le deuxième chapitre se déroule sans doute un an auparavant, en pleine pandémie. Teruo est contraint au télétravail, tandis que Yo a mis en place des protocoles stricts pour pouvoir continuer à exercer son métier. Financièrement, c'est un peu difficile pour elle. Elle ne semble pas penser à son ancien amour (pas plus que Teruo, d'ailleurs).
Le troisième chapitre nous ramène un peu en arrière, à une époque où chacun tente de refaire sa vie de son côté. Yo est embarquée par des copines dans une soirée avec des mecs pas subtils, tandis que Teruo croise par hasard une ancienne élève de son école de danse, qui lui fait bien comprendre qu'elle est désormais majeure et qu'elle s'intéresse bigrement à lui...
La quatrième séquence est celle de la rupture entre Yo et Teruo. Elle est furieuse qu'il se replie sur lui depuis sa blessure au pied, tandis que lui se désespère de ne pas être compris. On sent qu'ils pourraient se rabibocher mais, comme on a déjà vu la suite, on comprend pourquoi cela ne va pas se faire. C'est d'ailleurs l'un des intérêts de ce film : analyser une séquence antérieure à partir de ce que l'on déjà de ce qui va suivre... et aussi, quand on a un peu de mémoire, mieux comprendre ce que l'on a vu auparavant (comme l'histoire de l'homme du parc ou le rôle de la mystérieuse borne funéraire, devant laquelle les personnages s'inclinent).
Le cinquième chapitre montre le couple bien installé, lui danseur prometteur, elle conductrice dans une petite compagnie de taxi. Ils habitent ensemble, dans cet appartement qui sert de point de départ à chaque historiette, avec ce chat qui n'arrête pas de rajeunir et l'affiche d'un film de Jim Jarmush (dont des extraits sont visibles dans plusieurs séquences). On n'est peut-être pas très loin du mariage. On commence à évoquer la possibilité d'avoir un enfant. Quand on connaît la suite, c'est assez poignant.
Le sixième chapitre tourne aussi autour du couple, qui ne s'est pas encore mis en ménage. Yo est jalouse, elle voit certaines apprenties danseuses tourner autour de Teruo. Celui-ci ne semble pas savoir s'il doit donner la priorité à la danse où à cette histoire d'amour qui commence à devenir sérieuse. On évoque la possibilité d'habiter ensemble.
Le septième chapitre relate la rencontre. On l'attendait avec impatience. C'est un peu à l'image d'une histoire d'amour que l'on a vécue intensément et qui s'est achevée. On aime à en retrouver les prémices. Cela se passe un soir, à l'issue d'un spectacle à moitié réussi et d'un cocktail plus ou moins ennuyeux. Mais cela se poursuit par une discussion enjouée dans un petit bar (géré par un patron philosophe, que l'on voit dans presque chaque séquence) et quelques pas de danse dans la rue...
Cela aurait pu s'arrêter là, le chapitre initial (qui est le dernier, dans l'ordre chronologique) laissant le champ des possibilités ouvert. Le cinéaste a peut-être voulu imposer sa conclusion (ou on lui a demandé de terminer de manière plus traditionnelle, pour ne pas trop perdre le public). En tout cas, l'histoire s'achève de manière touchante, délicate, à l'image du film.
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vendredi, 04 août 2023
Détective Conan : le sous-marin noir
Un an (en gros) après La Fiancée de Shibuya, voici donc une nouvelle adaptation du manga qui débarque sur le grand écran. Même si l'intrigue se suit sans qu'il soit nécessaire de connaître l'ensemble des aventures précédentes (d'autant que des rappels sont effectués en début de film), il peut être utile de regarder The Scarlet Alibi, un montage d'extraits de la série, qui présente les principaux personnages. (C'est disponible gratuitement -avec coupures publicitaires- sur le site MyTF1.)
Cette enquête "multipolicière" fait intervenir les forces de l'ordre japonaises, mais aussi Interpol, le FBI, la CIA, le MI6... C'est donc presque davantage un film d'espionnage qu'un polar, comprenant de nombreux rebondissements.
Ces deux personnages sont Ai Haibara et Conan Edogawa, les héros au corps d'enfant mais à l'esprit d'adulte... ce que la majorité des autres ignore. Préserver leur secret est un enjeu important (ils sont censés être morts)... tout en luttant contre le crime organisé. Il est incarné par les redoutables "hommes en noir", qui semblent si puissants et qui portent tous un nom de code inspiré d'un alcool fort. L'identité de leur chef(fe) demeure un mystère...
Parmi eux sont infiltrés des agents gouvernementaux, qui doivent se comporter en délinquants tout en informant leurs alliés, pour tenter de faire échouer certaines manigances.
Les polices du monde entier pensent être sur le point d'inaugurer l'arme ultime dans la lutte contre les criminels : la "bouée du Pacifique", un gigantesque bâtiment semi-immergé, de forme circulaire, bourré de technologies, en particulier un tout nouveau programme de reconnaissance faciale, capable même de repérer un adulte à partir d'une photographie de lui enfant.
Bien évidemment, les "hommes en noir" (qui sont aussi des femmes, soit dit en passant) s'intéressent à la chose, pour la détruire... ou en prendre le contrôle. Dans leur manche, ils ont un atout majeur : un membre infiltré au cœur du système policier.
Nous voilà partis pour près de deux heures de tromperies, d'enlèvements, de poursuites, de surveillances, le tout entre communications cryptées, intelligence artificielle, smartphones, lunettes connectées, scooters sous-marins... et enfantillages. Cela convient au public enfantin (pas trop jeune toutefois : nos amis japonais n'édulcorent pas comme Disney) et les adultes, qu'ils soient (anciens) lecteurs du manga ou tout simplement amateurs de bons films d'animation. La qualité est au rendez-vous (elle a bien progressé depuis les premiers épisodes de la série télévisée) et la musique est sympa. Les personnages forment une distribution internationale (pratique pour les ventes à l'étranger) et les femmes ne sont pas confinées dans des rôles de pleureuse ou d'héroïne badass. Informaticienne, biologiste, policière côtoient des personnages plus traditionnels.
J'ai passé un très bon moment... et je conseille de rester jusqu'à la fin du générique.
P.S.
A signaler, de la part d'un film japonais, un bel éloge du monde aquatique, en particulier des baleines à bosse.
21:38 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 03 juillet 2023
La Maison des égarées
Le titre français de cette animation japonaise (bien que fort poétique) n'est pas tout à fait adapté. Les « égarées » dont il est question sont des personnes (très majoritairement des femmes) perdues, dans tous les sens du terme. C'est une référence au folklore japonais, dont on a l'explication dans la première légende que raconte une mystérieuse grand-mère.
Mais, avant cela, on découvre un drôle de trio féminin, dans la région de Fukushima. Les conséquences du tsunami sont vivaces. Il ne semble plus y avoir d'homme dans la famille, sauf, peut-être, le père de l'adolescente, qu'elle a fui (ou qu'elle a pu fuir à l'occasion du tsunami). Au départ, la mise en scène laisse entendre que ce sont les liens du sang qui unissent la petite fille (devenue muette suite à un choc émotionnel), l'adolescente et la grand-mère. La suite va nous révéler une situation plus complexe.
Ce trio finit par trouver refuge dans une vieille maison isolée, sur un escarpement rocheux proche d'un estuaire, pas très loin d'une forêt. Bien retapée, la bicoque devient coquette... et magique. On y entend de d'étranges sons... et des phénomènes inexpliqués s'y produisent.
Ce sont les histoires racontées par la grand-mère qui vont nous permettre, petit à petit, de percer le mystère. Dans ces moments-là, le graphisme (très propre) du début cède la place à une animation plus tourmentée, de plusieurs styles différents (celui de la première légende s'apparentant -je trouve- au travail de Bill Plympton).
Surgissent alors les esprits de la nature, comme d'étranges génies des eaux, qui vont aider les occupantes de la maison à comprendre leur environnement... et à lutter contre une menace grandissante. Certains esprits malfaisants sont de retour dans la région. Ils prospèrent notamment sur les peurs des humains. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment les héroïnes vont les combattre.
Cette deuxième partie, plus flamboyante au niveau de l'animation, fait immanquablement penser aux œuvres de Hayao Miyazaki, comme Le Voyage de Chihiro et Princesse Mononoké. Shintoïsme et Bouddhisme s'entremêlent dans une histoire qui, au delà d'une apparente simplicité, s'avère plus complexe, plus riche.
C'est aussi un film qui respire, l'air de la campagne bien sûr, mais aussi le plaisir des choses simples et un certain art de vivre, fait d'une relative lenteur et du sens de l'effort. (On est loin des métropoles occidentales, où sévit la masculinité toxique d'adolescents mal élevés.) Les scènes de cuisine et de repas m'ont terriblement donné faim !
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lundi, 22 mai 2023
Umami
Je n'avais jamais entendu parler de cette supposée cinquième saveur (avec le sucré, le salé, l'acide et l'amer), propre à la cuisine nippone. Par curiosité, j'ai donc tenté l'aventure de ce film franco-japonais, servi par une distribution prestigieuse : outre Gérard Depardieu, on croise Sandrine Bonnaire (qui incarne la seconde épouse du chef étoilé), Bastien Bouillon (le fils aîné), Antoine Duléry (l'amant), Zinedine Soualem (le commis de cuisine) et Pierre Richard (le meilleur ami, parrain du deuxième fils).
Le début n'est pas très engageant. A une brève scène japonaise succède un retour en arrière dans lequel on découvre un chef cuisinier reconnu mais déprimé, qui a perdu goût à la cuisine comme à la vie. Il se montre odieux pour son entourage. Dans le rôle, on se demande si Depardieu n'est pas dirigé de manière à suggérer le décalque autobiographique : derrière le cuisinier se cache le comédien de renom, qui a connu la gloire, l'amour et l'argent, mais a perdu l'entrain de sa jeunesse. Depardieu fait du Depardieu, mais il est mieux dirigé que dans les films de la bande à Groland auxquels il a participé. Néanmoins, on se lasse vite de cette énième représentation de l'acteur massif, grossier personnage, enfant gâté.
Fort heureusement, cela rebondit avec le séjour au Japon (ou ce que l'on croit être le séjour au Japon... soyez attentif à la toute fin de l'histoire, assez malicieuse). La mise en scène prend une certaine ampleur, que ce soit dans la gare de province, dans l'hôtel-capsule (une particularité locale) ou, plus tard, dans la campagne enneigée.
Dès que le personnage principal entre dans le modeste restaurant où travaille son concurrent de jadis, cela devient passionnant. Les acteurs japonais sont très bons. On se prend d'intérêt pour cette TPE familiale, où le cuistot de père travaille avec filles et petites-filles, les hommes plus jeunes semblant étrangement absents.
Cela nous guide vers l'un des thèmes majeurs de ce film : la dislocation des liens familiaux, en France comme au Japon. La préparation et la consommation des repas sont ainsi vus comme des moyens de (re)créer des liens.
C'est beau et parfois cocasse. Depardieu s'est prêté de bonne grâce au jeu du tricycle sur neige, du bain chaud en zone montagneuse, de peignoir en kimono.
J'ai trouvé ce film sans prétention assez revigorant.
P.S.
Les spectateurs aveyronnais seront sensibles à deux détails. A plusieurs reprises, dans le film, on peut voir un petit tableau dont le style fait bigrement penser à celui de feu le maître de l'outrenoir. Quant à Rufus, le meilleur ami du chef étoilé, il ouvre les huîtres qu'il a pêchées à l'aide d'un couteau laguiole.
PS. II
L'une des meilleures séquences fait intervenir une éleveuse de porcs, vraiment atypique. Dans la caractérisation de ce personnage (qui joue du rock pour ses cochons !), je vois comme un clin d’œil à l'image d’Épinal couramment véhiculée à propos des bœufs de Kobé.
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mercredi, 26 avril 2023
Hokusai
Le célèbre peintre japonais a enfin droit à son biopic, qui sort chez nous dans un format raccourci (1h30, au lieu d'un peu plus de deux heures dans la version d'origine).
Le film met l'accent sur deux époques : les années 1780, qui voient le futur Hokusai (c'est un pseudonyme) commencer à se faire connaître, et les années 1840, les dernières d'une vie remplie de peintures.
Quelle que soit l'époque, les artistes et les écrivains ont dû composer avec la censure rigoureuse du gouvernement shogunal. On ne s'étonnera donc pas que l'histoire débute par la mise à sac de la boutique du plus célèbre marchand d'estampes tokyoïte de l'époque, celui qui, par la suite (après quelques péripéties), va lancer la carrière d'Hokusai.
Cette introduction a le grand mérite de nous présenter le quartier des peintres et l'organisation de cette confrérie en écoles, chacune soumise à un maître. Le futur Hokusai se fait renvoyer de l'une d'entre elles, pour une raison que je ne dévoilerai pas ici.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas grand chose de la vie du peintre, ce début comporte une part de mystère, puisqu'il n'est, au départ, désigné que sous sa véritable identité : lequel de ces jeunes peintres ambitieux est le futur Hokusai ?
Un autre mérite de ce film est de nous montrer des artistes au travail, au pinceau, en noir et blanc, en couleurs. Dans la seconde partie, on voit même fonctionner en détail un atelier d'impression. C'est instructif et beau à la fois, la mise en scène s'efforçant de s'élever au niveau de son sujet. Certains plans sont de véritables tableaux.
Les spectateurs(trices) du XXIe siècle seront aussi attentifs à la description d'une société patriarcale, où les femmes (adultes) sont soit des épouses soumises soit des prostituées. Je vous laisse imaginer desquelles les peintres se sentent les plus proches...
L'une des exceptions à la règle est la propre fille d'Hokusai, que l'on découvre dans la seconde moitié du film. Bien qu'elle ait déjà eu l'honneur d'un long-métrage animé (Miss Hokusai) il y a quelques années, il est regrettable que son personnage occupe si peu de place.
Dans la seconde partie (plus courte que la première), on retrouve le peintre très âgé, veuf, vivant avec sa fille et conservant des disciples. En dépit de ses problèmes de santé, il continue à peintre. C'est sa raison de vivre.
L'histoire se conclut par un beau parallèle pictural.
P.S.
Dans mon cinéma CGR (à Rodez), j'ai reçu avec mon ticket d'entrée une reproduction de la célèbre Vague :
P.S. II
A celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur la vie du peintre, je conseille la lecture d'un (gros) manga, de Shôtarô Ichinomori :
Toute la vie du peintre y est racontée, sans rien négliger, ni de son caractère, ni de ses difficultés, ni de son goût pour les belles jeunes femmes...
21:10 Publié dans Cinéma, Histoire, Japon | Lien permanent | Commentaires (3)
samedi, 11 mars 2023
Projet Wolf Hunting
De nos jours, aux Philippines, un porte-conteneurs est sur le point d'embarquer pour la Corée du Sud, avec à son bord une cargaison spéciale : une brochette de redoutables criminels coréens, en fuite depuis des années. Ils sont encadrés par des policiers peu commodes et un médecin accompagné d'une infirmière. Celui-ci semble avoir une autre mission, qui le conduit à se rendre discrètement dans la cale du navire, où se trouve un autre "chargement". Lui comme les policiers ignorent que des "passagers clandestins" sont présents à bord, avec une mission bien précise...
Ce film gore sud-coréen est particulièrement violent... et très riche en "sauce tomate" : on aurait employé 2500 litres de faux sang pour les effets spéciaux ! A la vue du spectacle, on ne peut pas dire que ce soit une surprise : quand les personnages s'entretuent, ils utilisent majoritairement l'arme blanche et visent la carotide. Je pense qu'il vaut mieux que les membres des professions médicales s'abstiennent de voir ce film : alors qu'eux savent qu'un corps humain contient entre quatre et six litres de sang, ici, il semble s'en échapper de quoi remplir une cuve à mazout !
Une fois qu'on a mis sa rationalité aux vestiaires, on peut profiter du spectacle, très correctement chorégraphié. Dans un premier temps, ce sont les truands qui vont prendre le pouvoir à bord du navire... avant que le "chargement spécial" ne se réveille et ne mette tout le monde d'accord, policiers comme délinquants !... Mais les spectateurs ne sont pas au bout de leurs surprises, puisque deux autres personnages semblent dotés de qualités extraordinaires...
C'est ici que la fiction rejoint (en partie) l'histoire, celle des expérimentations réalisées par les Japonais, durant la guerre menée en Chine et dans le Pacifique, dans les années 1930-1940. C'était l’œuvre de la sinistre unité 731, dont les membres n'avaient rien à envier à l'ignoble Joseph Mengele.
En dépit de toutes ces qualités, le film n'est qu'une œuvre regardable, un soir d'ennui. Hors scènes de combat, c'est mal joué, avec des dialogues écrits à la serpillère. (En réalité, je ne sais pas ce que peuvent donner des textes écrits avec une serpillère, mais je trouvais que l'expression avait du style.) De plus, la caractérisation de certains personnages, en particulier féminins, est déplorable (un brin misogyne). J'ai l'impression que les auteurs de ce truc se sont inspirés d'anciens films d'épouvante états-uniens, adaptés au goût asiatique, mais avec peu d'inventivité.
P.S.
Comme ce film est interdit aux moins de seize ans, les spectateurs adultes ne verront pas leur séance perturbée par des collégiens mal élevés, comme c'est arrivé très récemment dans ma bonne ville de Rodez, lors de la projection de Scream VI...
23:24 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 09 février 2023
La Famille Asada
C'est l'histoire d'une famille japonaise atypique, un peu loufoque... qui existe dans la réalité. Cela commence par une veillée funèbre, celle du père, qui a transmis sa passion de la photographie à son fils cadet, Masashi.
Ce père n'est pas le personnage principal (c'est le fils), mais il a été le déclencheur. C'est en voulant réaliser le rêve d'enfance de celui-ci que le fils cadet se découvre une passion et un certain talent pour la prise de vues. Le père a renoncé à ses ambitions professionnelles pour devenir un homme au foyer. Il s'est occupé des enfants, est devenu un cuistot hors pair, permettant à son épouse de progresser dans son emploi d'infirmière (en chef).
Le début m'a fait un peu peur. J'ai craint qu'on ne s'oriente vers un portrait de famille boursouflé de civilité qui, pour un Occidental, peut passer pour de l'obséquiosité. Fort heureusement, l'humour arrive assez vite et l'on s'éloigne (un peu) de l'ambiance de politesse excessive.
J'ai beaucoup aimé la mise en scène du sens de l'autodérision de cette famille, qui se fait photographier en groupe de soulards, en yakuzas, sportifs, super-héros d'opérette, à l'hôpital... Le fils cadet devient plus sympathique quand on découvre les difficultés qu'il rencontre pour percer. Le film devient franchement touchant quand il montre les premiers clients privés de Masashi, des familles auxquelles il apporte du réconfort grâce à son art, du "trio au cerisier" jusqu'au "quatuor à l'arc-en-ciel".
Le film prend une autre dimension quand survient la catastrophe de Fukushima. Le photographe délaisse son appareil pour devenir bénévole. Faute de sauver des vies, il travaille à préserver et restaurer des milliers de clichés de famille, retrouvés par les secouristes dans les albums échoués au détour d'une rue ou dans les décombres d'une maison effondrée. Les rencontres que fait le héros sont diverses. Elles sont sources d'émotions supplémentaires, mises en scène avec retenue. (Ah, si seulement les cinéastes occidentaux retenaient cette leçon de pudeur !)
On se dirige tout doucement vers une fin qui nous ramène au début. C'est alors que survient un coup de théâtre, que je n'avais pas du tout senti venir. Il confirme que les auteurs de ce film sont bien à l'image de cette famille : farfelus !
C'est incontestablement l'un des meilleurs films de ce début d'année 2023.
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vendredi, 09 décembre 2022
Inu-Oh
Ce film d'animation japonais est un OVNI cinématographique. Je pense que, contrairement à nombre de productions nippones qui arrivent sur nos écrans, il n'est pas formaté pour le public international. Son intrigue médiévale mêle le conte et le fantastique, avec un poil de modernité musicale (sur laquelle je reviendrai).
Il convient de bien s'accrocher pour suivre l'intrigue. Celle-ci entremêle les destins de deux jeunes hommes qui ont, à des degrés divers, subi des drames. Le premier, fils de pêcheur, a vu mourir son père sous ses yeux, d'une manière quasi surnaturelle. Devenu aveugle, il se fait artiste ambulant et finit par se bâtir une petite réputation.
Le second jeune homme est né difforme, dans des circonstances qui ne seront éclaircies que bien plus tard dans l'histoire. Fils renié d'une sorte de troubadour japonais très réputé, il va petit à petit se révéler le plus doué des enfants de la famille... mais il choisit de créer son propre style de spectacle ambulant, au cours duquel il se transforme, son succès contribuant à rendre son corps de plus en plus "normal".
Les deux garçons vont se rencontrer et s'associer. On se demande si leur amitié et leur intimité artistique vont plus loin que ce qui est montré à l'écran, l'un des deux prenant l'habitude de se maquiller et de s'habiller en femme...
A l'arrière-plan se trouve la politique japonaise de l'époque : deux principautés se partagent l'île de Honshu. Des clans se sont violemment opposés par le passé, l'un d'entre eux ayant subi une cuisante défaite. Mais personne n'ayant pu accomplir les rites funéraires pour les défunts, leurs esprits errent parmi les vivants. Les spectacles musicaux ambulants semblent les attirer... mais pourquoi ?
De son côté, le chef d'une des deux principautés veut unifier le territoire sous sa direction. Pour cela, il pense avoir besoin de trois trésors, trois armes magiques qui ont déjà fait beaucoup de dégâts par le passé. Il est prêt à tout pour se les procurer. Dans le même temps, il voit d'un mauvais œil le succès grandissant du nouveau troubadour, qui associe images flamboyantes et musique rock dans ses spectacles peu conventionnels. Le chef veut que la transmission des légendes reste dans un cadre prédéfini, contrôlable et que rien ne vienne supplanter le théâtre traditionnel japonais, quand bien même la nouvelle forme de spectacle conquerrait les cœurs, dans le peuple comme dans l'aristocratie.
Comme vous pouvez le constater, l'intrigue est foisonnante, complexe, passionnante. Elle est illustrée de manière virtuose, dans des styles très différents, à chaque fois avec talent. A l'écran, on assiste à un véritable feu d'artifice de couleurs et d'animations. J'ai beaucoup aimé... y compris la musique rock, dont l'insertion pourrait paraître anachronique de prime abord, mais qui sert parfaitement l'histoire.
C'est l'un des meilleurs films que j'ai vus cette année, pas loin d'un chef-d’œuvre.
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samedi, 22 octobre 2022
Samouraï Academy
Sous ce titre (un peu) trompeur (réservé au public français) se cache une animation déjantée, mettant en scène des chats (plein de chats !) et... un chien. L'amoureux des félins que je suis a enfin pu savourer un film où ces adorables boules de poils ne sont pas cantonnées dans des rôles de méchants ou de pervers. Bien évidemment, la différence entre chiens et chats (ainsi qu'entre les catégories de chats) est une métaphore des différences chez les humains. Cette histoire très balisée nous cause aussi de gros et de maigres, de riches et de pauvres, de petits et de grands, de femmes et d'hommes.
Je déconseille d'arriver en retard : le générique de début est très réussi, nourri de clins d’œil, à l'image du reste du film, dans lequel on semble d'ailleurs davantage s'adresser aux adultes qu'aux enfants. Ainsi, au détour d'une scène, on peut percevoir des allusions aux Sept Mercenaires, au Seigneur des anneaux, à L'Empire contre-attaque, aux westerns de Sergio Leone...
Je recommande la version française, très réussie, bourrée de jeux de mots faisant intervenir les chats et les chiens, allant du "chat-mouraï" à "une vie de moi", le héros (seul canidé de l'histoire) tentant, dans un premier temps, d'échapper à des villageois en furie, qui ont le projet de le transformer en "pâtée pour lui"... Parmi les acteurs de doublage, on reconnaît Thierry Desroses (alias Samuel L. Jackson), Patrick Préjean... et Sophie Forte, qui incarne avec talent une grand-mère pugnace.
C'est virevoltant, bien fichu au niveau de l'animation. Les petits (mais pas que) apprécient les allusions scatologiques, du village "Kakamucho" aux rafales de pets produites par une meute de ninjas nourrie de flageolets... Mais, attention : les tout-petits se lassent vite, ils ne comprennent pas tout... et s'agitent dans la salle, bordel de merde de connards de parents qui ne tiennent pas leur progéniture !
Fait à signaler : la fin est réussie avec, dans un premier temps, un épisode homérique, suivi d'une harmonie retrouvée, dans le respect et la bonne humeur.
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dimanche, 28 août 2022
Memories
Je crois que c'est la première fois que ce film d'animation japonais sort dans les salles françaises, et pourtant, il date des années 1990. Il est composé de trois récits, en apparence distincts.
MAGNETIC ROSE
Le premier moyen-métrage est à mon avis le plus virtuose. On le doit à Koji Morimoto, dont le public français connaît parfois le manga Amer Béton, qui a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2007.
Dans un futur lointain (les années 2090), on suit une équipe d'éboueurs de l'espace, composée de fortes personnalités (exclusivement masculines). Ils sont amenés à répondre à un appel à l'aide, ce qui les conduit dans une zone réputée être une gigantesque décharge. La source de l'appel est un étrange astéroïde, sur lequel débarquent deux membres de l'équipe. Ils vont aller de surprise en surprise, tout comme les spectateurs.
Je ne peux pas expliquer le titre, sous peine de déflorer l'intrigue. Je me contenterai de dire qu'au cœur de l'histoire se trouve le souvenir d'une soprano, qui a arrêté de se produire en public plus de soixante ans auparavant. Son souvenir hante l'astéroïde... C'est un scénario particulièrement travaillé, servi par une animation splendide.
STINK BOMB
On doit cette « bombe puante » à Tensei Okamura, un inconnu pour moi. (Il a un peu travaillé sur Naruto.)
Avec cette deuxième histoire, on a clairement voulu jouer sur la rupture de ton. C'est sur le registre comique qu'on suit les pérégrinations d'un employé d'un centre de recherches en biotechnologies, à l'époque contemporaine. Involontairement, le jeune homme se retrouve vecteur d'une pandémie.
Certaines scènes auront une saveur particulière pour les spectateurs du XXIe siècle : on peut voir la population locale victime d'une sorte de « gros rhume », plus ou moins encline à se faire vacciner, certains habitants portant un masque chirurgical.
Sur le fond, l'auteur dénonce le complexe militaro-industriel... et l'influence des États-Unis au Japon. Le film est vraiment marqué par un fort anti-américanisme, tellement caricatural qu'il en devient contreproductif.
Mais le principal défaut de cette histoire est son invraisemblance et la lourdeur de son humour. Son « héros » involontaire est stupide et maladroit... ce qui ne l'empêche pas de déjouer toutes les tentatives des militaires pour l'arrêter, bénéficiant d'une chance insolente. Cela se termine par un petit coup de théâtre que, lorsqu'on a bien compris quel était le propos de l'histoire, on voit facilement venir.
CANNON FODDER
Katsuhiro Otomo, l'auteur du troisième film, est peut-être le plus connu du public français. On lui doit, entre autres, Akira et Steamboy, cette dernière œuvre ayant une parenté avec ce qui nous est montré ici.
C'est une sorte d'uchronie, que l'on peut toutefois situer dans le passé. De puissantes cités militarisées s'affrontent. Dans l'une d'entre elles, organisée de manière prussienne, on suit la journée d'un garçon, le fils d'un « chargeur de canon », dont le rêve est de diriger un jour l'une de ces imposantes batteries, dont l'importance patriotique est soulignée chaque joue par la propagande télévisuelle.
Dans le contexte japonais, il faut comprendre cette histoire comme une dénonciation de la dictature militaire des années 1930-1940, qui a conduit le pays au bord du gouffre. C'est aussi une habile mise en scène de l'embrigadement de la jeunesse.
D'une durée totale d'un peu moins de deux heures, cet ensemble inégal mérite le détour surtout pour le premier film (le plus ambitieux sur le plan cinématographique). La structure globale illustre le titre (Memories), puisque l'on part d'une situation futuriste, pour se plonger dans un présent fictif, avant de terminer dans le passé.
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vendredi, 19 août 2022
De l'autre côté du ciel
Cette animation japonaise baigne dans une ambiance post-apocalyptique : les habitants d'une cité-État industrielle sont confinés dans un territoire marqué par la verticalité. Le ciel est bouché par d'épaisses fumées. La ville s'arrête au bord d'une mer où vit, selon la rumeur, une redoutable créature, qui aurait dévoré Bruno, un couturier un peu trop curieux, qui racontait qu'au-dessus des nuages se trouvent des étoiles et qu'il existe d'autres mondes, par-delà les mers.
Bruno a pour fils Lubicchi, le jeune héros, qui cumule les difficultés. Orphelin de père, il risque de perdre aussi sa mère, gravement malade. Pour subvenir à leurs besoins, il travaille dans l'équipe de ramoneurs des énormes cheminées qui parsèment la ville. Presque toujours en compagnie d'adultes, le gamin n'a pas vraiment d'amis... jusqu'au jour où il croise un drôle d'individu.
Ce personnage, Poupelle, l'homme-poubelle, est l'une des réussites de ce film. Formé de bric et de broc, il passe au départ pour un déguisement d'Halloween, avant que la population ne constate qu'il s'agit d'un être vivant très particulier, que certains n'hésitent pas à qualifier de monstre. Mais les apparences sont trompeuses...
L'amitié qui se noue entre le gamin et Poupelle est touchante, parfois drôle dans les péripéties qu'ils affrontent. Derrière, on sent le message de tolérance, un de ceux que le film est chargé de véhiculer.
On l'a cependant un peu trop vite raccroché à certaines de nos préoccupations. En dépit de l'omniprésence des fumées obscures, il ne s'agit pas d'une dénonciation de la pollution. Ces fumées, produites par les cheminées contrôlées par la famille régnante, ont pour fonction de masquer la réalité. C'est donc plutôt le repli sur soi, le refus de l'ouverture au monde que pointe le film. On y trouvera aussi le harcèlement entre enfants et la crédulité des adultes, prêts à croire à n'importe quel bobard. L'histoire dénonce l'intolérance dont sont victimes les personnes différentes et la mise en place d'un régime dictatorial, supposé défendre le bien commun.
Sur le plan visuel, c'est brillant, aussi bien dans les scènes hyper colorées que dans celles, plus sombres, qui font intervenir les fumées. Certains plans sont construits avec un souci du détail impressionnant. Je conseille notamment d'observer tout ce qui a trait au corps de Poupelle.
En dépit de ces qualités, j'ai quelques réserves à émettre. La première est la présence de chansons, qui n'apportent rien au film. La seconde est une trop grande insistance sur les difficultés que rencontre le garçon. J'ai préféré quand l'histoire s'emballait, au début dans la séquence de rencontre et à la fin lors de l'expédition en bateau. C'est clairement (sur le fond) une animation plutôt destinée aux enfants, mais réalisée avec un incontestable brio.
P.S.
Je pense que l'intrigue de ce film se comprend différemment au Japon et en Occident. Il est fort possible que la confrérie des ramoneurs, ainsi que le personnage de Poupelle, soient des allusions aux burakumin, une catégorie de population jugée impure.
Enfin, la représentation d'un pouvoir autoritaire, s'appuyant sur une milice (les "inquisiteurs"), est sans doute une référence au retour en force des mouvements nationalistes, en partie à cause de la montée en puissance de la Chine.
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dimanche, 14 août 2022
Bullet Train
Adaptée d'un roman, l'intrigue de ce film frappadingue est à la fois maline et tortueuse. Le héros, Coccinelle/Ladybug (Brad Pitt, en pleine forme), est un malfrat qui agit sur commande, par l'intermédiaire d'une sorte d'« agent des criminels » (Sandra Bullock, maquillée comme une voiture volée... mais c'est sa voix qui importe). Il doit remplacer au pied levé l'un de ses collègues, un certain Carter (dont on découvre tardivement qu'il a les traits d'une vieille connaissance de Brad), tombé subitement malade. Comme il est question de mettre la main sur un gros paquet de billets, on se dit que la métaphore tient la route : cette histoire de truands a comme un air de ressemblance avec les mœurs d'Hollywood.
Cela commence dans une gare, se poursuit dans le Shinkansen japonais, la succession de péripéties (en plus du lieu) nous faisant penser au Snowpiercer, de Bong Joon Ho. Le principal fil narratif, en apparence linéaire, est entrecoupé de retours en arrière qui éclairent la "carrière" des différents protagonistes. Il s'avère qu'une brochette de criminels a décidé de prendre le même train au même moment... pas forcément pour les mêmes raisons. Clairement, certains sont motivés par l'appât du gain... mais les autres sont animés par une quête de vengeance.
Les rebondissements sont donc nombreux, le scénario prenant son temps pour nous dévoiler les mystères qui enveloppent l'intrigue. On pourra se tromper quant à l'identité réelle du Frelon, tout comme sur celle du véritable commanditaire de ce qui ressemble à un gigantesque complot... complot qui s'apparente à une œuvre cinématographique, au scénario complexe et à la mise en scène élaborée.
On doit celle-ci à David Leitch, qui s'est déjà fait remarquer avec John Wick, Atomic Blonde et surtout Deadpool 2, dont on retrouve ici l'association jouissive de la verve comique et de la tuerie chorégraphiée.
En clair : c'est pulp, parfois brut de décoffrage, saignant, fracassant. Si l'on ajoute les dialogues truculents et les références à la culture japonaise (notamment aux samouraïs), on ne peut pas ne pas penser à Quentin Tarantino. Celui-ci se faisant rare dans les salles obscures, on est tenté de lui chercher un (digne) successeur. Je crois qu'on l'a trouvé.
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vendredi, 27 mai 2022
Coupez !
Ce film de Michel Hazanavicius est le remake du japonais Ne coupez pas ! (sorti en France en 2019). Il est construit exactement de la même manière : la première partie est un plan-séquence d'environ une demi-heure, qui montre l'irruption d'authentiques zombies sur le tournage d'un film d'horreur (mise en abyme 1)... ce qui est en réalité le scénario du véritable film (mise en abyme 2), dont on nous explique ensuite la genèse. Hazanavicius a donc tourné un film sur un film évoquant l'irruption de zombies sur le tournage d'un film de zombies... vous suivez toujours ? C'est la mise en abyme 3.
La première partie est une bouse. C'est (volontairement) mal filmé, mal joué (on comprend plus tard pourquoi), avec les événements qui dérapent. Curieusement, dans ce magma à prétention cinématographique, Romain Duris et Bérénice Bejo surnagent, lui en réalisateur au taquet, elle en reine de la hache...
La deuxième partie n'est qu'un peu plus emballante. On nous raconte la naissance du projet et les difficultés rencontrées, notamment lors des répétitions. Je pense que le réalisateur en profite pour régler quelques comptes avec des professionnels du monde du cinéma (producteur casse-couilles, acteur qui se la pète, technicien poil-dans-la-main...).
C'est dans la troisième partie que cela devient fendard. On découvre pourquoi les acteurs ont l'air de si mal jouer et pourquoi certaines scènes de la première partie semblaient si mal fagotées. Notons qu'Hazanavicius a eu abondamment recours aux fluides corporels (vomi, diarrhée et giclées de sang). J'ai aussi follement apprécié certaines répliques, du jeu de mots "Je veux Ken" à "Pourritures de Zombies ! J'vais vous fendre le cul !", déclamé avec tellement d'élégance par Bérénice Bejo.
Même si je n'ai pas boudé mon plaisir, je regrette qu'il faille attendre aussi longtemps pour vraiment profiter du film. La version japonaise était plus courte. Bien que moins "léchée" sur le plan formel, elle était plus tonique.
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jeudi, 26 mai 2022
Détective Conan - La Fiancée de Shibuya
Sous ce titre débarque en France l'un des plus gros succès en salles au Japon, adapté d'un manga et d'un animé très populaires. A celles et ceux qui ne connaîtraient pas la série d'origine, une partie du début du film présente les principaux personnages. (Sinon, voir ici.)
Conan n'est pas le véritable nom du héros, qui s'appelle en réalité Shinichi. Celui-ci a été laissé pour mort par les hommes de main d'une mafia locale. En fait, il a muté. Son esprit de jeune homme (17-18 ans) se retrouve emprisonné dans le corps d'un garçon d'école primaire ! Le choix du prénom Conan est évidemment un clin d’œil au créateur de Sherlock Holmes. D'autres allusions au roman policier britannique classique sont disséminées dans le film.
Ce long-métrage a une intrigue particulièrement élaborée. Un mystérieux criminel sévit, aussi bien en Russie qu'au Japon. C'est un spécialiste des explosifs. Il semble actuellement s'en prendre à des policiers, pour une raison mystérieuse, presque autant que son identité. Du côté japonais, la brigade criminelle entre en concurrence avec la Sécurité intérieure (l'antiterrorisme, dirait-on chez nous). Conan est proche de certains des policiers ou de leur famille (en particulier la fille d'un enquêteur, dont il est secrètement amoureux... mais qui ignore tout de son état).
C'est donc d'abord un polar, sur fond technologique, avec de grandes pincées d'humour bon enfant. Les personnages ont de grands yeux étoilés et l'on rougit facilement dès qu'il est question de sentiments. On est donc bien dans la tradition de l'animation populaire grand public... mais sans que la violence soit édulcorée. On n'est pas chez Disney.
Au niveau de l'animation, c'est du bon travail, certains décors étant particulièrement réussis. C'est plein de rebondissements et (cerise sur le gâteau) on y croise des Russes, des gentils et des méchants. La résolution de l'énigme va nécessiter la collaboration des Japonais et de ces Moscovites, qui, de prime abord, ont plutôt tendance à se regarder en chiens de faïence.
Quant aux amoureux du Japon, ils retrouveront dans les décors des quartiers de l'agglomération de Tokyo, en particulier celui de Shibuya, dont certaines des rues principales forment un gigantesque symbole du yen... un élément clé de l'intrigue.
14:19 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 21 mai 2022
Junk Head
Ce film d'animation (réalisé image par image ou, si vous préférez, en stop motion) est une dystopie japonaise, dans laquelle les amateurs de mangas (ainsi que les autres cinéphiles) dénicheront des références à plusieurs succès nippons (et américains) de la fin du XXe ou du début du XXIe siècle.
Attention : ce n'est pas destiné au jeune public (pas avant dix ans, au moins). L'histoire est sombre, un peu à l'image de L'Île aux chiens, de Wes Anderson (même si le sujet est différent).
Le héros (Parton) est une sorte d'humain augmenté. Il vit dans le monde d'en-haut, celui qui bénéficie d'une technologie très évoluée, à tel point que les humains sont désormais immortels... mais ils ne peuvent plus procréer.
C'est l'objet de la mission du héros, qui part en exploration dans les mondes inférieurs. La première strate à passer est celle d'une sorte de police des frontières. Ses agents sont vêtus de bandelettes, un peu comme des momies... et ils ont tendance à tirer sur tout ce qui bouge.
Au-dessous se trouvent les strates inférieures, peuplées d'être vivants dont certains semblent avoir conservé la capacité à procréer. La première partie de l'histoire montre la découverte de ce milieu par Parton qui, de surcroît, a perdu la mémoire dans des circonstances que je ne révèlerai pas.
Cet enfer souterrain (qui comporte plusieurs cercles, toujours plus profonds) est peuplé de mutants, les Marigans, décalques ratés d'humains qui considèrent le nouveau venu comme un déchet... ou comme un dieu. Ils vivent sous la menace d'étranges créatures, mélanges d'humain et d'animal... et surtout cannibales. Cela devient donc sanglant à l'occasion... et drôle, l'arrière-plan sombre étant souvent entrecoupé de moments comiques assez réussis.
En bas règne la loi de la jungle, même si ,en certains endroits une forme d'organisation régulée persiste, comme dans ce monde dirigé par des créatures féminines, chargées de superviser l'entretien d'un système de chaudière. Presque tous les personnages s'expriment dans un sabir incompréhensible, entre borborygmes et crachouillis.
Le héros, amnésique ou pas, fait preuve d'empathie et réussit à se faire des amis... à commencer par un improbable trio, des sortes de pingouins humains. De prime abord, on ne les prend pas très au sérieux. Mais ils nous réservent quelques surprises...
On peut prendre cela comme un film d'aventures ou comme une réflexion sur notre monde, à travers une histoire post-apocalyptique, animée avec un soin, une méticulosité impressionnants.
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jeudi, 23 décembre 2021
Les Amants sacrifiés
Le titre de ce long-métrage japonais est trompeur. Il laisse entendre qu'une histoire d'amour constitue l'essentiel de l'intrigue et que les héros sont amants... alors qu'ils sont mariés. Peut-être est-ce une erreur de traduction. (Le titre d'origine est "Supai no tsuma", "Wife of a spy" chez les Anglo-Saxons.)
Du coup, au début, j'étais un peu dans le brouillard. L'action commence en 1940, dans un Japon impérialiste et dictatorial, qui occupe une partie de la Chine mais n'est pas encore en guerre contre les États-Unis. (L'attaque de Pearl Harbor date du 7 décembre 1941.)
Le couple de héros est asymétrique. Yusaku Fukuhara est un prospère négociant en soie, très occidentalisé, un peu rétif à l'idéologie dominante. Son épouse Satoko a une dizaine d'années de moins que lui. Jeune et naïve, elle ne s'épanouit pas dans son rôle d'épouse (sans enfant). Elle a sans doute plus d'affinités avec son neveu par alliance (qui travaille pour son époux) et pour un ami d'enfance, qui vient de rentrer au pays en tant qu'officier de la redoutable Kempetai (la police militaire japonaise, qui fut souvent comparée à la Gestapo de sinistre mémoire).
Il faut se méfier de l'apparente simplicité de certaines scènes. Le réalisateur Kiyoshi Kurosawa (remarqué grâce à des œuvres aussi différentes que Real, Creepy et surtout Shokuzai) a pris un malin plaisir à placer en début d'histoire une séquence (celle du tournage d'un mini-film d'espionnage) qui va servir de mise en abîme. De manière générale, les films occupent une place décisive dans l'intrigue... et l'on peut penser que le cinéaste leur attribue le pouvoir de changer les choses.
Tel pourrait être le cas ici d'une mystérieuse bobine, rapportée de Chine, plus précisément de Mandchourie. L'histoire du couple bancal va percuter la grande histoire, celle de l'unité 731, dont on a peu entendu parler en Europe, mais qui a laissé des traces indélébiles en Asie orientale.
Un fois qu'on a compris de quoi il retourne, le suspens devient haletant. La relation de couple paraît bien secondaire, aussi bien au spectateur qu'au réalisateur d'ailleurs. Même s'il faut tenir compte de l'époque et des différences culturelles, je pense qu'il a surtout voulu évoquer l'héroïsme de gens relativement ordinaires... et dénoncer le nationalisme japonais, très puissant à l'époque et qui semble connaître une nouvelle jeunesse de nos jours, en réaction à la montée de la puissance chinoise.
22:38 Publié dans Cinéma, Histoire, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
mercredi, 29 septembre 2021
Le Sommet des dieux
En matière d'alpinisme, je ne suis ni croyant ni pratiquant. Mais, quand j'ai appris la sortie d'un film d'animation adapté d'un manga de Jiro Tanigushi (lui-même adapté d'un roman japonais), j'ai décidé de tenter l'expérience.
L'intrigue nous fait suivre un photographe japonais amateur d'alpinisme. Un soir, à la sortie d'un bar de Katmandou, il pense être tombé par hasard sur Habu, une des légendes nippones de l'escalade, disparu des radars depuis plusieurs années.
Suivent plusieurs retours en arrière. Pendant que le héros se lance à la recherche de l'alpiniste, on nous fait revivre des épisodes importants de son passé. J'ai trouvé très réussies les scènes d'escalade, à la fois belles et haletantes. (Il serait toutefois intéressant d'avoir l'opinion d'un.e spécialiste.) Certains plans d'altitude sont particulièrement beaux... même si je persiste à penser que des prises de vue réelles auraient été encore plus impressionnantes.
L'intrigue prend aussi la forme d'un polar. En effet, il est possible qu'Habu ait trouvé, au cours d'une de ses expéditions impossibles, l'appareil photographique de feu George Mallory, dont on se demande encore aujourd'hui s'il ne fut pas, presque trente ans avant Edmund Hillary, le premier alpiniste (occidental ?) à avoir gravi l'Everest.
La dernière partie voit le suspens augmenter. On suit la folle tentative de deux hommes, seuls face aux éléments et à leurs faiblesses. C'est bigrement bien foutu.
P.S.
Le réalisateur, Patrick Imbert, est le co-auteur du Grand Méchant Renard.
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