mercredi, 04 juillet 2018
Moriarty en manga
C'est à deux auteurs japonais inconnus au bataillon (Ryosuke Takeuchi pour le scénario, Hikaru Miyoshi pour les dessins) que l'on doit cette adaptation de l’œuvre d'Arthur Conan Doyle, avec un point de vue retourné, puisque le héros de l'histoire est le super-méchant, le "Napoléon du crime", l'infâme Moriarty.
Oui, mais lequel ? Parce que dans la première partie de ce volume (le deuxième devant sortir en septembre prochain), on découvre la jeunesse de plusieurs garçons, certains se ressemblant physiquement :
Ici, on en voit trois mais, au total, ce sont quatre individus qui sont appelés, à un moment ou à un autre, James Moriarty. Le pire est qu'aucun d'entre eux n'a pour premier prénom James ! Cela donne du fil à retordre au lecteur, qui peut suivre plusieurs pistes. A la fin du premier tome, je pense pouvoir affirmer que l'on a compris lequel des quatre va devenir le plus redoutable adversaire de Sherlock Holmes.
Avant cela, on nous plonge dans l'Angleterre victorienne, avec ses inégalités sociales vertigineuses. Le scénariste va faire de Moriarty un rebelle, sorte de Robin des Bois du crime, mâtiné de marxisme ! Il décide de s'en prendre à la noblesse anglaise, jugée indigne de vivre. La propre famille de Moriarty va servir de laboratoire à ces thèses criminelles, avant que l'action ne s'élargisse à d'autres lignées. Dans le même temps, Moriarty tente de se rapprocher du peuple, parfois de manière maladroite.
C'est une donc une assez bonne mise en bouche, un peu caricaturale parfois. L'esthétique rappellera aux vieux spectateurs des émissions enfantines des séries comme Lady Oscar ou Cobra (le mouvement et la couleur en moins). On attend avec impatience la rencontre avec le génial détective, qui devrait se produire dans l'un des tomes suivants.
D'ici là, les amateurs de "sherlockeries" se contenteront de regarder, sur M6, les derniers épisodes de la saison 5 d'Elementary, que la chaîne s'est décidée à diffuser pendant la coupe du monde de ballopied. On peut aussi se laisser tenter par Sherlock Gnomes, un bon pastiche.
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samedi, 21 avril 2018
The Third Murder
Ce troisième meurtre est celui dont est accusé Takashi Misumi (Koji Yakusho, excellent), qui a autrefois déjà été condamné pour un double homicide. A l'époque, il a échappé à la peine de mort grâce au juge. Cette fois-ci, le fils de celui-ci, qui est avocat, va tenter de lui éviter le châtiment suprême.
Au début, tout semble simple. Ce qu'on nous montre à l'écran et les premières déclarations de l'accusé (qui a avoué) vont dans le même sens, celui de sa culpabilité. L'avocat se lance donc dans une enquête pour faire émerger des faits susceptibles de constituer des circonstances atténuantes.
A partir de là, le réalisateur-scénariste Hirokazu Kore-eda (auteur, entre autres, de Tel père, tel fils) s'ingénie à multiplier les fausses pistes... et à les mêler aux vraies. Voilà que l'accusé commence à changer de version. Il va le faire à plusieurs reprises, conduisant l'équipe d'avocats à approfondir leurs recherches. D'un côté, on les sent de plus en plus désorientés par l'attitude de leur client très spécial. De l'autre, on découvre toutes les ramifications de l'affaire de meurtre, qui est au final beaucoup plus complexe qu'on ne le pensait au début.
Entre les deux, on assiste à de beaux numéros d'acteurs, en particulier de Koji Yakusho, mais aussi de Masaharu Fukuyama, lors des séances de parloir, très bien mises en scène. Ceux qui ne connaissent pas le Japon découvriront des aspects de sa culture qui parfois déroutent les Occidentaux. On peut aussi regretter la place subordonnée de (presque) tous les personnages féminins : la collègue du cabinet d'avocat sert le café aux messieurs, la fille de l'accusé est une prostituée, l'épouse de la victime est dissimulatrice. Il reste le cas de l'adolescente handicapée qui est, à bien des égards, la clé de l'énigme.
La première heure passe comme un rêve. C'est un polar sociétal très bien maîtrisé. Au cours de la seconde heure, l'auteur se perd un peu dans les circonvolutions de son intrigue : il ménage des rebondissements mais, comme il ne veut pas que l'on devine trop vite, il embrume quelque peu les choses... tant et si bien qu'à la fin, lorsque survient un énième changement de version de l'accusé, j'ai senti un peu d'agacement dans la salle. Mais, si l'on se prend au jeu, c'est un film formidable. Le paradoxe est que l'avocat, au départ, se contrefiche de la vérité et cherche uniquement les ficelles sur lesquelles il doit tirer pour gagner le procès. Il approfondit son enquête pour trouver de quoi défendre son client... et il finit par tomber, un peu par hasard, sur la vérité. C'est une belle leçon de cinéma, bien qu'un peu austère.
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mercredi, 18 avril 2018
L'Ile aux chiens
Il a fallu attendre quatre ans (une éternité, dans le monde du cinéma) pour voir sortir le nouveau long-métrage de Wes Anderson. On l'avait quitté en 2014 avec un chef-d’œuvre (The Grand Budapest Hotel), on le retrouve avec... un film d'animation, genre dans lequel il s'est déjà illustré, avec Fantastic Mr Fox.
Accusés de véhiculer une maladie incurable, les chiens sont déportés sur une île poubelle, au large du Japon. Un homme politique populiste en profite pour renforcer son pouvoir et éliminer toute concurrence. Au-delà du divertissement (et de la prouesse technique que constitue l'animation image par image), il s'agit d'une fable politique, qui puise dans notre histoire commune (l'extermination des juifs et des Tsiganes) et traite de sujets ultra-contemporains (la montée des "démocratures").
Dans sa version originale, le film est bilingue anglais-japonais. Cela renforce la vraisemblance des situations (l'action se déroule au Japon) et donne à certaines scènes une saveur inattendue : les personnages ne se comprennent pas toujours. Pourtant, les chiens parlent (anglais) ! Ils sont d'une incroyable vérité et ce alors que l'animation est conçue de manière légèrement saccadée. Cela donne un aspect quelque peu mécanique aux déplacements des personnages... et c'est souvent cocasse.
J'ai adoré entendre parler les canidés. On leur a attribué des voix chaudes, onctueuses, qui contrastent évidemment avec l'état physique des chiens, qui peinent à survivre. Certains d'entre eux sont obsédés par l'idée de voter avant de prendre toute décision : c'est l'un des running-gags du film. Il y a aussi un côté cartoon dans certaines scènes, dont le déroulement n'est pas vraisemblable... sauf si l'on admet que l'on se trouve dans une sorte de dessin animé. Anderson est arrivé à marier les deux niveaux de lecture, le sérieux et le futile. Attention toutefois : c'est un peu compliqué (et parfois dur) pour les plus petits. L'intrigue est nourrie de retours en arrière, qui permettent de mieux comprendre la psychologie de tel personnage... ou de démasquer un complot.
C'est peut-être le film le plus puissant que j'aie vu en 2018 (avec 3 Billboards) et, incontestablement, un chef-d’œuvre d'animation, servi par une réalisation millimétrée, géométrique, l'image de ce que sait faire Wes Anderson.
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samedi, 03 mars 2018
Mary et la fleur de la sorcière
Le réalisateur Hiromasa Yonebayashi est un ancien des studios Ghibli. Il a travaillé sous la houlette du célèbre Hayao Miyazaki. Il a commencé à se faire connaître avec des films comme Arrietty et (surtout) Souvenirs de Marnie. D'ailleurs, comme celui-ci, Mary est adapté d'un roman britannique destiné à la jeunesse.
La première séquence se déroule dans le passé. On n'en comprend que progressivement tout le sens. Sachez seulement qu'il y est question d'une cité mystérieuse, de balais et d'étranges graines luminescentes (superbement rendues par l'animation).
Des années plus tard, la jeune Mary, que ses parents ont placée chez sa tante pour les vacances scolaires, s'ennuie. Même le chien de la maison ne suit pas la gamine débordant d'énergie. Il y aurait bien Peter, le jeune facteur, mais celui-ci se moque sans cesse de ses cheveux roux. Finalement, c'est peut-être un chat qui va se révéler le compagnon le plus fidèle... ainsi qu'un drôle de balai.
Notre héroïne fait une découverte, au coeur de la forêt, découverte qui va la mettre en contact avec un monde magique... mais dangereux. Les cinéphiles penseront immanquablement à Kiki, la petite sorcière, au Voyage de Chihiro et à Princesse Mononoké (entre autres).
Visuellement, c'est très réussi, mêlant dessin traditionnel et images numériques. Les fleurs sont magnifiques et les effets de magie splendides. Ce n'est toutefois pas aussi brillant que les meilleures oeuvres de Miyazaki. Au niveau du scénario, c'est assez élaboré. L'histoire tient bien en haleine, avec de multiples rebondissements. C'est toutefois destiné à un jeune public. Les adultes ne s'y retrouvent pas toujours, notamment au niveau des dialogues, pas démentiels.
Les papas, mamans, pépés, mémés, tontons et tatas se sentiront davantage concernés par le sous-texte. Le film contient une vigoureuse dénonciation des expérimentations animales et, au second degré, je pense qu'il s'oppose au nucléaire civil. Voici pourquoi. La magie est comparée à plusieurs reprises à l'électricité. Or, la source la plus puissante de magie est un élément naturel (que je ne vais pas révéler), dont l'exploitation peut produire des prodiges comme des catastrophes.
Au-delà de son apparence un peu enfantine et innocente, c'est donc une oeuvre complexe, qui offre plusieurs niveaux de lecture.
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dimanche, 18 février 2018
Oh Lucy !
C'est l'histoire d'une Japonaise célibataire, un peu coincée, qui va prendre des cours d'anglais auprès d'un jeune (et séduisant) enseignant américain. Quand on a dit ça, on a tout dit et on n'a rien dit. Il faut d'abord préciser que c'est à l'initiative de sa nièce que Setsuko/Lucy (Shinobu Terajima, excellente) va se lancer dans l'apprentissage de la langue de Donald Trump. Cela nous vaut plusieurs scènes savoureuses, susceptibles de décomplexer les Français quant à l'acquisition des langues étrangères. (Et je ne parle pas du lieu dans lequel se tiennent les cours, qui prête à bien des suppositions...)
Il faut dire qu'en plus d'être charmant, John (incarné par Josh Hartnett, mesdames) sait y faire. Ses méthodes d'enseignement semblent assez originales. De plus, il est très... tactile. Visiblement, les dames (et même les messieurs) adorent. Setsuko, qui s'ennuie dans un emploi rébarbatif (quoique rémunérateur), aux côtés de collègues hypocrites, y voit l'occasion de changer de vie.
La deuxième partie nous transporte aux Etats-Unis, plus précisément en Californie, où (pour des raisons que je me garderai de révéler) nous retrouvons notre petit monde, à savoir John, Setsuko, mais aussi sa ravissante nièce Mika et Ayako, la mère de celle-ci (et donc la soeur de Setsuko, si vous avez bien suivi). On comprend vite qu'entre les deux frangines existe un sacré contentieux, dont on va finir par découvrir la cause.
D'ailleurs, Cet événement ancien a sans doute des répercussions sur l'évolution de la situation actuelle, en particulier sur le comportement de Setsuko/Lucy, qui commence à kiffer la vie à la californienne. On rit presque autant que dans la première partie, même si, petit à petit, l'émotion prend le dessus.
Au-delà des apparences (et des convenances), chaque personnage cache au moins une faille, que cette aventure va faire émerger. C'est traité avec délicatesse par la réalisatrice Atsuko Hirayanagi. Ce film est l'une des excellentes surprises de ce début 2018.
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vendredi, 10 novembre 2017
Dans un recoin de ce monde
Ce film d'animation japonais est l'oeuvre de Sunao Katabushi, qui a auparavant travaillé pour des studios prestigieux. Ici, il adapte le manga éponyme, créé par une dessinatrice née à Hiroshima, Fumiyo Kono. La particularité de cette histoire est que l'héroïne est une jeune femme d'Hiroshima, douée pour le dessin et dont nous allons suivre la vie dans les années 1930-1940.
Au départ, j'ai trouvé le dessin un peu naïf et pas particulièrement brillant. C'était trompeur. Certaines scènes voient le brio de l'auteur éclater, comme quand il montre l'héroïne en train de dessiner. Sous nos yeux, l'animation prend forme, avec une précision déconcertante. Superbes aussi sont les scènes décrivant la manière dont l'observation de la nature inspire la jeune dessinatrice.
L'intrigue nous conduit à suivre l'histoire japonaise à travers le regard de l'adolescente qui devient femme. Elle est bientôt mariée (sans qu'on lui demande trop son avis) au fils d'une famille de Kure, une grande ville proche d'Hiroshima et qui constitue la principale base navale de la mer Intérieure.
La militarisation du Japon et son entrée en guerre (d'abord contre la Chine, puis contre les Etats-Unis) nous sont montrées par les yeux d'une épouse soumise et travailleuse... qui ne renonce pas toutefois à son passe-temps artistique, d'autant plus que l'époux qu'on lui a choisi se révèle un type attentionné. Délicates sont les scènes qui évoquent l'intimité du couple.
Avec le reste de la belle-famille, les relations ne sont pas toujours faciles, d'autant qu'avec la guerre, la population souffre de pénuries grandissantes. La jeune Suzu va faire son apprentissage de femme au foyer, de belle-fille, de belle-soeur et de voisine. Touchante aussi est sa découverte de la grande ville, au cours d'une sortie qui la voit se perdre dans le quartier des prostituées.
C'est donc moins "engagé" que le Gen d'Hiroshima de Keiji Nakazawa. On n'en perçoit pas moins les échos de la politique japonaise (avec l'intrusion de la redoutable Kempetai) et de la guerre, avec notamment les bombardements de la base navale de Kure, la voisine (et industrielle) Hiroshima semblant curieusement préservée.
Vous vous doutez bien que, petit à petit, le film mène les personnages vers le 6 août 1945. L'explosion est filmée de manière indirecte, mais les conséquences elles sont clairement montrées à l'écran. Cela donne certaines des scènes les plus fortes de ce film, qui n'est pas sans rappeler le récent Lumières d'été.
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jeudi, 24 août 2017
Lumières d'été
Jean-Gabriel Périot (auquel on doit le médiocre Une Jeunesse allemande) mêle ici fiction et documentaire pour parler d'Hiroshima et de ses conséquences.
Dans la salle où j'ai vu le film, il était précédé d'un court-métrage du même auteur, 200 000 fantômes, constitué d'un diaporama construit à partir de la superposition de vues du Dôme de Genbaku, le seul bâtiment resté debout au niveau de l'épicentre de l'explosion atomique. En fond sonore, on entend un poème dit en anglais (et non traduit). Le concept de base est intéressant, mais le résultat manque de lisibilité. Les images défilent trop vite et pas dans un ordre strictement chronologique. On comprend quand même que les vues présentent le Dôme avant l'explosion, juste après et dans les phases de reconstruction de la ville.
Le film en lui-même démarre ensuite, par une séquence dont tout le monde a parlé : le témoignage d'une hibakusha, une rescapée de l'explosion atomique. J'ai beau avoir beaucoup lu et vu sur le sujet, j'ai été saisi par les paroles de cette vieille femme digne. J'ai repensé au formidable manga Gen d'Hiroshima, dont l'auteur Keiji Nakazawa était (il est mort en 2012) un autre rescapé du bombardement. Cette séquence est d'autant plus réussie que le témoin est... une actrice.
Le réalisateur du documentaire, un Japonais qui vit à Paris, sort quelque peu bouleversé de cet entretien. Il se trouve dans le parc de la Paix lorsqu'il fait une curieuse rencontre : Michiko, une jeune femme en kimono, délicieusement désuète, qui semble en savoir beaucoup sur la ville d'Hiroshima et les conséquences de l'explosion atomique. Voilà qu'on nous embarque dans une déambulation romantique, à pieds, en train, en ville, au bord de la mer. On assiste à une partie de pêche, un repas entre amis, une cérémonie en l'honneur des ancêtres et un concours de lueurs. Même si on comprend assez vite qui est la jeune femme, c'est assez inattendu, plein de délicatesse et de poésie, culminant dans une scène de chant indescriptible.
Certains critiques ont beau faire la fine bouche, j'ai été très touché par cette histoire, portée par deux actrices formidables : Mamako Yoneyama et Akane Tatsukawa.
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jeudi, 13 juillet 2017
Hirune Hime - Rêves éveillés
Cette animation japonaise a l'ambition de mêler plusieurs thématiques fortes. Il y est question d'innovations technologiques, des futurs jeux olympiques de Tokyo, d'un drame familial et de la vie quotidienne dans une petite ville de province japonaise, le tout sur fond de polar.
L'originalité du scénario est d'alterner les séquences de la réalité et celles des rêves, ceux de l'héroïne Kokone. On y retrouve les mêmes personnages que ceux de la vie de la lycéenne, mais dans des rôles différents. Ils évoluent dans un monde qui allie technologie et magie. (D'un point de vue visuel, cela m'a rappelé Steamboy, de Katsuhiro Otomo, l'auteur d'Akira.) La fille du roi y est considérée comme une quasi-sorcière, à enfermer, alors qu'elle a peut-être les pouvoirs de tout arranger. On peut aussi y voir des robots animés (et c'est beaucoup moins chiant que Transformers). Attention toutefois : dans ce monde des rêves, un des personnages n'est pas exactement celui que l'on croit.
Dans la réalité, Kokone est une lycéenne bien élevée mais un tantinet rebelle, très attachée à son père, un mécanicien surdoué. Tous deux souffrent de l'absence de la mère de l'héroïne, morte dans un accident. Kokone se demande si elle va poursuivre ses études à Tokyo... un moyen peut-être de retrouver son ami Morio, un geek très gentil. Quant au père, il doit gérer les pressions d'une entreprise automobile, qui le menace d'un procès. Comme dans le monde des rêves, une mystérieuse tablette numérique semble être au coeur de l'intrigue.
J'ai vraiment été emballé par ce film. L'histoire est bien ficelée, avec cette alternance de séquences aux ambiances très différentes. Une fois qu'on en a compris le principe, on comprend comment ce que vit l'héroïne dans la réalité influence le monde des rêves. Cela devient encore plus passionnant quand, à son tour, le monde des rêves commence à avoir un impact sur la réalité.
C'est mené avec brio et une certaine douceur dans le traitement des personnages. Certes, il y a des méchants, mais l'accent est mis sur les personnages positifs, qui arrivent le plus souvent à leur échapper voire à les tourner en ridicule. C'est amusant sans être enfantin et c'est visible par tous. Au second degré, le film montre comment une adolescente tente de gérer son deuil. C'est de plus très bien réalisé. A la qualité photographique des images s'ajoute la virtuosité de certains plans, surtout dans les séquences des rêves.
PS
Restez pour le générique de fin.
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vendredi, 07 juillet 2017
Creepy
Ce film d'épouvante est signé du prolifique (et inégal) Kiyoshi Kurosawa, dont on a récemment pu apprécier deux des œuvres : Shokuzai (en deux parties) et Real. C'est un maître de la mise en scène, qui aime se servir des films de genre pour aborder des aspects psychologiques ou sociétaux.
Ici, il entrecroisent le film d'épouvante (ou thriller) et le drame bourgeois. L'action d'un tueur en série sert de révélateur à la crise d'un couple, celui formé par le héros et sa compagne (pas très bien interprétés, autant le dire tout de suite). Lui est un policier, devenu criminologue universitaire. Elle a visiblement renoncé à sa vie professionnelle et a accepté de le suivre dans sa nouvelle carrière. Les voilà qui emménagent dans un autre quartier, une banlieue résidentielle à la japonaise, propre et calme sans être luxueuse, où les voisins se fréquentent peu. Voilà qui ne convient guère à l'épouse esseulée, qui cherche de la compagnie... et se montre de plus en plus curieuse.
Dans le même temps, le héros Takakura retrouve certains anciens collègues policiers, qui peinent à élucider une mystérieuse disparition, qu'on pense être en réalité un triple meurtre déguisé. Petit à petit, Takakura découvre qu'il pourrait y avoir un lien avec son voisinage, notamment ce directeur d'association assez mystérieux, très bien campé par Teruyuki Kagawa, déjà vu dans Shokuzai.
La principale qualité du film est la réussite de cette montée en tension, à l'aide de scènes (en apparence) anodines, au fur et à mesure que de petits incidents impliquent de plus en plus l'ancien policier dans l'enquête. Un mystère plane aussi sur les motivations et la méthodologie du tueur en série. C'est en fait un manipulateur, qui connaît les faiblesses du comportement humain... et étudie la géographie urbaine de son territoire de chasse. Si l'on est indulgent, on dira que l'on peut hésiter quant à son identité. Est-ce le voisin inquiétant ? Sa fille, qui semble bien barrée elle aussi ? Ne faut-il pas plutôt voir dans le profil du tueur l'indication qu'il est de la police ? Mais que cache l'épouse du héros ? Et lui-même, n'est-il pas un peu perturbé ? Ne nous prépare-t-on pas un de ces retournements dont le cinéma de genre est désormais friand ?
Tout cela donne l'impression que le film est trépidant, alors qu'il n'en est rien. Certaines scènes s'étirent inutilement en longueur. Et Dieu que les adversaires du tueur sont stupides ! Il y a aussi quelques invraisemblances. Au début de l'histoire, un policier accepte de tourner le dos à un psychopathe armé. Plus tard, à plusieurs reprises, on voit un policier (jamais le même) se présenter seul au domicile d'un suspect... dans une enquête pour meurtre ! Je veux bien que les moeurs japonaises soient différentes des nôtres, mais là, je pense que le scénariste plie la réalité au déroulement de son intrigue. C'est donc finalement assez décevant, pas un mauvais film, mais une œuvre très en-dessous de ce que Kurosawa nous a proposé auparavant.
ATTENTION : LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE
Concernant le héros, on peut s'attendre à un retournement (la révélation qu'il est le tueur et qu'on ne nous a montré qu'une vision déformée des faits) à partir du moment où il discute avec la rescapée du précédent massacre. Celle-ci lui dit qu'il a "un comportement inhumain", expression qu'elle a employée auparavant à propos du voisin de ses parents qui l'a autrefois observée avec tant d'insistance. On comprend un peu plus tard que ce n'est pas la solution. La jeune femme veut oublier ce qui s'est passé chez ses parents parce que le tueur lui a à l'époque retourné le cerveau, faisant d'elle sa complice. C'est un aspect de l'histoire qui est assez subtil, au contraire d'autres éléments, moins élaborés que ce que l'on peut voir dans les meilleurs épisodes de la série Esprits criminels.
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lundi, 03 avril 2017
Ghost in the shell
Entre hommage et pompage, cette superproduction internationale s'inspire d'un des plus célèbres mangas, objet déjà de deux adaptations en long-métrage d'animation, que beaucoup considèrent comme des chefs-d’œuvre.
Le début est un décalque du premier de ces films, puisqu'il nous montre la (re)naissance du personnage principal, le Major, mélange de femme et d'androïde de dernière génération. Il manque la musique hypnotique de l'original, dont on peut entendre quelques bribes dans le film et un extrait un peu plus long dans le générique de fin. Décalquée aussi est la scène qui montre la première intervention de l'héroïne, qui se laisse tomber du haut d'un immeuble.
Du coup, même si l'intrigue est travaillée (avec cette quête des origines qui vaut mieux que ce qu'on en a dit), pour les vieux fans comme moi, cela a un air de déjà-vu. Je reconnais néanmoins que les effets visuels sont parfois splendides... et, pour une fois, la 3D doit apporter quelque chose au film. La mégapole illuminée et grouillant de publicités holographiques est un personnage à elle seule.
Cependant, je n'ai pas été convaincu par l'interprétation de Scarlett Johansson. On sent qu'elle a fait de gros efforts pour rendre crédible son personnage. Mais elle n'est pas assez grande pour le rôle et, surtout, elle dégage peu de mystère.
Il reste quand même les scènes d'action, spectaculaires, l'intrigue policière, assez prenante, et les effets visuels. C'est tout à fait correct, mais cela n'a pas la magie de l'original. Aux jeunes spectateurs, je conseillerais de voir d'abord ce long-métrage, pour préserver le plaisir de la nouveauté, mais d'ensuite visionner (en V.O. sous-titrée) les films d'animation (surtout le premier), qui sont d'un autre niveau.
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mercredi, 15 février 2017
Silence
Le nouveau film de Martin Scorsese (nettement moins tape-à-l'oeil que Le Loup de Wall Street) est l'adaptation d'un roman japonais, mais son intrigue a un arrière-plan historique : les tentatives de christianisation du Japon, notamment par les Jésuites, ordre auquel appartiennent les héros.
Le film (dans sa version originale) est polyglotte : on y entend parler anglais, latin, japonais et même chinois. Scorsese semble suivre la même démarche que Clint Eastwood dans Lettres d'Iwo Jima : son oeuvre ne sera pas une vision occidentalo-centrée. Toutefois, il n'a pas poussé le réalisme jusqu'à faire s'exprimer les personnages principaux européens en portugais. Déjà qu'il a eu du mal à financer le film...
D'un point de vue visuel, c'est superbe. Scorsese n'a pas perdu la main. Epaulé par un très bon directeur de la photographie, il réalise de superbes plans des zones côtières comme des intérieurs. Les scènes de nuit sont les plus belles, avec une incontestable maîtrise des éclairages. Je note cependant un certain penchant à montrer la saleté à l'écran... penchant qui concorde avec le propos du film.
Scorsese a visiblement pris du plaisir à mettre en scène une lente défaite, celle des Européens sûrs d'eux face à la civilisation (et à la force) japonaise. Pour les spectateurs occidentaux, c'est original, mais, à l'écran, c'est long à venir. On doit subir des tunnels de dialogues pas franchement palpitants. De surcroît, je ne suis pas convaincu par le choix d'Andrew Garfield pour le rôle principal. Il était meilleur dans Tu ne tueras point, mais il interprétait un personnage plus monolithique. Il est visiblement moins à l'aise dans le rôle d'un homme de plus en plus tourmenté, dont les convictions vont vaciller. A ses côtés, Adam Driver (que l'on voit beaucoup moins) est plus marquant. Surtout, quand Garfield se retrouve face à Liam Neeson, on sent clairement qu'il y a une classe d'écart.
Beaucoup de choses sont assez prévisibles dans cette histoire. Du coup, comme l'action n'est guère trépidante, je me suis un peu ennuyé. J'ai eu le temps de goûter la beauté de certains plans mais, franchement, pendant 2h40, ça fait long. Il convient néanmoins de rester attentif jusqu'au bout. En chrétien convaincu, Scorsese a voulu montrer que la véritable victoire est intérieure, en tout cas beaucoup plus discrète que ne le furent les tentatives d'évangélisation...
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mardi, 10 janvier 2017
Your Name
Au Japon, Makoto Shinkai est un auteur reconnu, dont les précédents longs-métrages ne sont pas sortis en salles en France. C'est donc avec cette œuvre ambitieuse que le grand public va le découvrir. Le scénario mêle la tradition japonaise (les relations entre adolescents), le fantastique et un romantisme échevelé, surtout vers la fin.
Cependant, dès le début, on est frappé par la qualité des images. Sur un grand écran, c'est un réel plaisir des yeux. S'y ajoute une incontestable virtuosité technique, visible par exemple quand une femme fume une cigarette ou quand des personnages se retrouvent dans une voiture : ils sont "filmés" de l'extérieur, à travers le pare-brise et les multiples reflets.
La première partie de l'histoire est assez cocasse : une lycéenne qui s'ennuie dans son village montagnard va vivre temporairement dans la peau d'un garçon de Tokyo qui, à cette occasion, se réveille avec une jolie paire de nichons : le voilà dans le corps de la lycéenne. Cela donne naissance à de bons moments de comédie, un peu appuyés parfois.
Les ados qui ne se connaissent pas vont apprendre à communiquer (leur interversion n'est qu'intermittente). Chacun va essayer d'améliorer la vie de l'autre. Ainsi, le garçon un peu bourru se découvre une part de féminité, ce qui ne laisse pas indifférent une partie de son entourage. Quant à la jeune fille, elle devient tout à coup plus audacieuse et même caractérielle.
Les deux histoires vont évidemment finir par se rencontrer, une fois qu'un mystère aura été résolu. Je ne peux pas en révéler la teneur, mais l'intrigue est marquée par un coup de théâtre qui donne une autre ampleur au film. Il prend alors le chemin d'une mission impossible, à laquelle on a envie de croire... jusqu'à la toute fin, qui n'est pas sans rappeler (partiellement) celle de L'Effet papillon.
En attendant, on aura découvert un peu le "Japon de l'envers", montagnard, rural, où subsistent certaines traditions... et des pouvoirs magiques.
21:58 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 26 octobre 2016
Kubo et l'armure magique
Je n'avais pas du tout entendu parler de la sortie de ce film d'animation américain. Quand j'ai appris qu'il était produit par le studio auquel on doit Coraline et Les Boxtrolls, j'ai tenté ma chance... et j'ai eu raison.
La première remarque que l'on peut faire est que, sur la forme, Disney-Pixar a désormais un rival de poids, qui confirme film après film la qualité de son travail. Dès le début, on est saisi par cette scène de navigation en pleine mer d'une mère et de son enfant, par une nuit de tempête. La suite n'est pas moins jolie, avec des plans magnifiques qui font notamment intervenir une guenon, dont l'apparence et les mouvements ont été particulièrement soignés.
Mais c'est au niveau des pliages (numériques, ici) que la virtuosité de l'animation est la plus criante. Le film est un vibrant hommage à l'origami, érigé en art au pays du soleil levant. Kubo devient rapidement un maître du pliage (à distance), d'abord quand il se produit en public avec ses contes animés, ensuite quand il met son pouvoir au service de sa quête. L'intrigue elle-même s'inspire des traditions japonaises (en particulier celle des samouraïs) et la mêle à l'univers des mangas : le jeune héros est à la recherche des pièces d'une armure (ce qui n'est pas sans rappeler Les Chevaliers du Zodiaque) et, vers la fin, il doit combattre un dragon maléfique. Fort heureusement, l'aspect traditionnel l'emporte sur les références au dessin animé industriel.
Nous voilà donc plongé dans un étourdissant roman d'aventures. Le garçon, qui a perdu ses parents, doit contrer les ambitions de son grand-père et de ses tantes, de véritables sorcières. Il va s'appuyer sur une drôle d'équipe, composée d'un samouraï de papier (muet, mais très expressif), d'une guenon magicienne et d'un soldat-scarabée gaffeur. Cet attelage hétéroclite ne va pas se former sans heurts, ce qui est source de nombre de gags savoureux.
L'action est très rythmée, la musique entraînante. On ne s'ennuie pas un instant. Et si certaines scènes sont de prime abord violentes, on a pris soin d'en ôter ce qui pourrait choquer des yeux innocents : la mort de personnages (bons comme méchants) n'est jamais montrée crûment. Soit elle fait l'objet d'une ellipse, soit elle est enrobée dans un effet visuel qui l'euphémise.
La salle où j'ai vu le film était pleine. Adultes comme enfants ont visiblement adoré !
22:44 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 05 juillet 2016
Belladonna
Cette animation japonaise des années 1970 ressort dans les salles... et elle est interdite aux moins de 12 ans. Ce n'est pas en raison de l'hyper-violence de certaines scènes (même si le personnage principal subit un viol, représenté de manière psychédélique), mais plutôt à cause des corps nus et des phallus gigantesques qui surgissent au détour d'un plan.
Cette profusion d'images (et, parfois) de musique m'a un peu saoulé. J'ai de plus eu du mal à rentrer dans l'histoire. La partie qui montre la jeune paysanne subir les assauts du seigneur puis tomber sous la coupe du diable ne m'a pas emballé. La suite, qui tourne autour du personnage de la supposée sorcière et de la réaction des villageois, m'a paru meilleure. Certains plans sont virtuoses, avec une grande qualité du dessin, une fluidité des mouvements et une imagination foisonnante. Par contre, je n'ai pas vu l'intérêt des plans fixes.
Ceux dont la jeunesse a été baignée par la production commerciale japonaise de masse ne seront pas perdus : l'héroïne a de grands yeux cristallins, un corps aux formes très appétissantes et les couleurs sont chatoyantes. Mais, franchement, cette ressortie ne s'imposait pas.
P.S.
Sur un sujet approchant, allez plutôt voir The Witch.
11:44 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 18 mai 2016
Hana et Alice mènent l'enquête
Cette animation japonaise sort de l'ordinaire, d'abord parce qu'elle est une nouvelle adaptation d'une histoire qui a déjà été filmée en images réelles par le réalisateur Shunji Iwai, il y a quelques années. Au niveau du style, cela ne ressemble guère à ce que le Japon produit habituellement. Tantôt on a l'impression d'être en face d'une oeuvre picturale, de style aquarelle, tantôt on pense qu'il s'agit d'un décalque numérique et colorisé de scènes tournées par de vrais acteurs. Quoi qu'il en soit, c'est assez joli à regarder, et parfois virtuose, en particulier quand certains personnages dansent.
Mais c'est l'intrigue qui est la plus captivante. Un mystère plane dans un collège, d'où un élève a disparu il y a quelques mois. Dans le même temps, des histoires circulent à propos d'un certain Judas et de ses quatre épouses. Voilà qui suscite l'intérêt de la petite nouvelle, Alice, obligée de déménager à cause du divorce de ses parents. (Dans l'histoire, elle n'est d'ailleurs pas la seule dans ce cas. Le scénario est assez fouillé et nous offre quelques perspectives intéressantes sur la société japonaise contemporaine.)
On notera que l'adolescente paraît beaucoup plus mûre que sa mère, une gamine attardée qui fout un peu la honte à sa fille. D'autres problèmes se présentent à Alice, en particulier son intégration au collège, d'où le harcèlement n'est pas absent.
Petit à petit, l'héroïne va découvrir que les choses et les personnes sont parfois différentes de ce qu'elles paraissent. De plus, elle va nouer une relation avec la très étrange voisine d'en face, Hana, qui vit cloîtrée depuis de terribles événements (qu'on découvre plus tard dans l'histoire). Piquées par la curiosité, les deux ados vont former un improbable duo d'enquêtrices amatrices... en fait une belle paire de pieds nickelés ! Cela nous vaut plusieurs savoureux moments de comédie, dans lesquels les téléphones portables jouent un rôle non négligeable.
Alice et Hana vont donc partir à l'aventure et faire quelques rencontres. Cela donne un ensemble très agréable, qui réussit à parler de l'adolescence sans niaiserie ni vulgarité.
19:10 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 28 février 2016
Le Garçon et la bête
Trois ans et demi après Les Enfants Loups, Mamoru Hosoda revient avec un film d'animation qui puise dans la tradition japonaise. Ainsi, le garçon en question (que l'on voit grandir au cours de l'histoire) va devenir l'apprenti d'un ours-samouraï. Dans les scènes de combat, on perçoit nettement l'influence de l'univers du sumo et, lorsqu'un personnage quasi divin apparaît, c'est le fond bouddho-shintoïste des croyances qui est mis à contribution. L'histoire est aussi connectée au monde actuel, à travers un quartier du Tokyo d'aujourd'hui, celui dans lequel a d'abord vécu Ren (bientôt renommé Kyuta).
De prime abord, on serait tenté de penser que la bipartition de l'intrigue suit un schéma binaire : monde réel / monde fictif, monde civilisé / monde sauvage ou monde de la raison / monde de l'imagination. C'est beaucoup plus subtil que cela, en réalité. Le monde moderne, celui des humains, est parfois d'une grande dureté avec les individus : le garçon a perdu sa mère et sa famille le coupe de son père ; il est aussi question de harcèlement à l'école. Toutefois, c'est dans ce monde que l'adolescent va pouvoir se construire un avenir.
Dans l'autre monde ne vivent que des animaux, tous bipèdes, qui ont renoncé à dégainer le sabre et s'efforcent de vaincre leurs mauvais penchants. Le pouvoir suprême, perçu comme bienveillant, est l'enjeu d'un combat lorsque le titulaire sent qu'il est temps qu'il laisse la place. Le futur maître du garçon, ours irascible et solitaire, ambitionne de remporter ce combat. Face à lui risque de se dresser un adversaire modèle, pondéré et apprécié, qui a lui fondé une famille. Il y a donc tout un contexte sociétal à cette partie de l'intrigue.
Mais c'est d'abord une bonne comédie, où l'on retrouve le ton de certains mangas destinés à la jeunesse. On note la présence d'un petit animal domestique, une boule de poils qui s'attache à Ren/Kyuta et trouve refuge dans son abondante chevelure ! Mais la principale source de gags est la cohabitation du jeune apprenti humain et du maître grincheux. Dans la version française, les dialogues ne sont pas "politiquement corrects". Les deux personnages jurent copieusement et même s'insultent... pour le plus grand plaisir des enfants présents dans la salle.
Evidemment, une relation forte va se nouer entre le maître et l'élève. Le premier se lasse peut-être de sa vie de marginal, alors que le second est en quête d'une figure paternelle. L'intrigue est de ce point de vue assez originale, puisqu'elle dépasse le traditionnel rapport maître/élève : le second va aussi apprendre beaucoup au premier, signe que les adultes devraient de temps en temps écouter un peu ce que les jeunes ont à leur dire.
La dernière demi-heure voit l'histoire basculer dans un fantastique plus convenu, très réussi sur le plan visuel (avec l'intervention d'une baleine !). On sent que l'auteur s'est évertué à concilier la violence (plus présente dans cette partie) et des aspects plus rassurants pour le jeune public.
Cela donne une oeuvre originale, visible par les grands et les (pas trop) petits.
15:14 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 08 novembre 2015
Gibbs le patriote
Vendredi, M6 a poursuivi la diffusion de la saison 12 de la série NCIS, par l'épisode 15, Pour Diane. Vers la fin, une scène tournée dans la maison de Gibbs le montre en discussion avec un personnage trouble, le diplomate russe (et sans doute espion) Anton Pavlenko. C'est lorsque celui-ci s'adresse à l'enquêteur américain qu'un détail apparaît à l'écran :
On voit un peu mieux le cadre quelques secondes plus loin :
C'est bien évidemment une reproduction de la célèbre photographie de Joe Rosenthal, prise en février 1945 à Iwo Jima :
Rappelez-vous Mémoires de nos pères, de Clint Eastwood... et ce n'est pas un hasard. Gibbs comme Eastwood est de sensibilité républicaine (patriote, partisan de l'ordre)... mais plus ouvert que bien des personnes de son "camp".
La présence de cette photographie n'est donc pas une coquetterie de décorateur. De la maison de Gibbs, on ne connaît pas l'étage (où se trouvent les chambres et la salle de bains), où le héros ne dort souvent même pas. Il partage son temps libre entre le sous-sol (l'antre du menuisier) et le salon, meublé de manière plutôt spartiate, mais dont quelques détails signifiants se détachent.
01:08 Publié dans Histoire, Japon, Politique étrangère, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, histoire, culture
vendredi, 11 septembre 2015
Miss Hokusai
Cette animation japonaise est consacrée à l'un des maîtres de la peinture extrême-orientale (l'auteur de Sous la vague au large de Kanagawa)... et à l'une de ses filles, elle aussi très douée pour le dessin... et qui a contribué à certaines de ses œuvres. L'intrigue se déroule toutefois en 1814, bien avant qu'Hokusai ne réalise la Vague.
Cette histoire est d'abord une une réhabilitation, celle d'O-Ei, la fille méconnue, restée dans l'ombre d'un père ombrageux et narcissique. On nous la montre dotée d'un caractère bien trempé... et elle en a bigrement besoin, vu la faune masculine qu'elle fréquente au quotidien... à commencer par son père. Cet animé a donc le grand mérite de ne pas chercher à masquer les aspects déplaisants de la personnalité du Maître.
Il nous offre ainsi un tableau de la condition féminine dans le Japon de l'époque, plus précisément à Tokyo, alors nommée Edo. En ville se croisent sans se mélanger deux principales catégories de femmes : les épouses et les prostituées. Devinez lesquelles sont les plus populaires auprès des artistes... Cela nous vaut toutefois plusieurs portraits saisissants des personnes qui louent leur corps (et leurs talents de divertissement), en particulier celui d'une femme qui dort dans un lit protégé par une moustiquaire très spéciale : elle a pour objet d'empêcher l'ectoplasme de sa tête quitter son corps lorsqu'elle est endormie. A l'écran, la séquence est saisissante et répond à une autre, qui montre les mains et les avant-bras d'Hokusai partir à l'aventure, là aussi durant la nuit.
De manière générale, l'animation est "propre" sans être exceptionnelle. Les amateurs de l’œuvre de Miyazaki seront peut-être déçus, sauf à l'occasion de ces séquences oniriques, la première d'entre elles mettant en scène un dragon fantasmagorique, dont Hokusai père et fille vont tenter de fixer l'image sur le papier.
C'est le moment de préciser que le réalisateur Keiichi Hara n'est pas un inconnu : on lui doit notamment Colorful, qui témoignait de la même fascination pour la peinture. Cela se voit sans certaines des scènes les plus "bluffantes" : on a réussi à représenter l'acte du dessinateur (ou de la dessinatrice). Cela n'a l'air de rien, mais c'est extrêmement difficile.
Cette virtuosité est aussi parfois mise au service de l'humour, comme dans cette scène qui voit le chien de la famille et l'un des apprentis d'Hokusai se comporter de manière mimétique :
A travers cet exemple et bien d'autres, disséminés dans l'histoire, on retrouve l'intérêt, très présent chez les réalisateurs japonais, pour la représentation des animaux et des phénomènes naturels. Cela contribue à rendre ce film encore plus attrayant. Sa sortie confidentielle n'en est que plus scandaleuse. C'est pour moi l'un des meilleurs films du moment, qui pourtant peine à trouver sa place sur des écrans occupés par quantité de médiocrités.
11:42 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 21 juin 2015
Goshu le violoncelliste
Cette animation japonaise d'Isao Takahata (dont on a récemment pu voir Le Conte de la princesse Kaguya) date du début des années 1980. Elle a révélé un réalisateur de grand talent. Elle est aussi connue pour marier le dessin et la musique, celle de Ludwig van Beethoven, dont la Symphonie pastorale traverse l'histoire.
Goshu est un jeune musicien maladroit, "gauche", mais désireux de s'améliorer. Il appartient à un petit orchestre, qui ambitionne de remporter une compétition régionale. Pour cela, il faudrait que tout le monde joue à son meilleur niveau. Goshu, qui vit à l'écart de la ville et mange les produits de son jardin, va être aidé par des animaux, en lesquels il voit d'abord une gêne. Leurs relations vont être plus ou moins conflictuelles.
Le premier visiteur est un chat facétieux, qui vit un peu aux crochets de Goshu, tout en en étant indépendant :
Je n'ai pas du tout aimé le traitement que Goshu fait subir au sac-à-puces (j'aime pô qu'on s'en prenne aux chats !), mais je reconnais que c'est le prétexte à une belle séquence, qui allie musique contemporaine et torture ! Lui répond l'une des dernières scènes du film, dans un contexte très différent.
Le deuxième visiteur est un coucou, virevoltant et exigeant :
Il va faire répéter ses gammes au jeune violoncelliste, avant de le quitter, de manière incongrue.
Le troisième "invité" est un jeune blaireau (une espèce qu'il vaut mieux éviter de côtoyer dans une salle de cinéma... et dans la vie, en général), adepte lui aussi de la musique classique. Les spectateurs attentifs reconnaîtront le petit personnage qui a salué l'assistance juste avant le début du film.
Pour terminer, c'est un duo qui rend visite au héros : une maman souris et son fils, en mauvaise santé. Comment le jeune violoncelliste pourrait-il guérir le souriceau ? Je vous laisse le découvrir.
Quand il se rend dans la salle de répétition, Goshu retrouve les autres membres de l'orchestre. Il est le plus jeune ou l'un des plus jeunes de la bande... qui comprend des adultes de tous âges et même quelques personnes dont l'acuité auditive doit être singulièrement détériorée ! En fait aussi partie une demoiselle qui semble "en pincer" pour le héros. Mais il n'a pas trop le temps de songer à la bagatelle, vu que le chef d'orchestre ne laisse rien passer à ses musiciens. C'est un personnage haut en couleurs, à l'image de ce que l'on trouve dans d'autres mangas.
L'animation a un peu vieilli. Les décors ont visiblement été réalisés à la gouache. C'est tout de même parfois superbe. On y a superposé des éléments animés qui témoignent d'un indéniable savoir-faire. L'ensemble dure à peine plus d'une heure et l'on passe un bon moment.
13:44 Publié dans Cinéma, Japon, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ciinéma, cinema, film, films
samedi, 16 mai 2015
BD reportages
Ils ont été publiés dans le numéro de Courrier international paru le 13 mai, dont la Une est consacrée à l'un d'entre eux :
On se précipite donc sur la rubrique-phare, pour lire la biographie imagée de l'un des assassins du 7 janvier dernier. Ceux qui ont suivi de près l'affaire des massacres de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher n'apprendront rien. Les autres découvriront quelques détails. Le style est assez épuré. C'est tout de même intéressant de voir comment un dessinateur italien a choisi de représenter l'histoire du délinquant devenu intégriste.
Les autres récits graphiques sont consacrés à un ancien centre minier serbe, à une mère habitant Chicago (dont la fille est morte dans une fusillade) et à un ouvrier "nettoyeur" du site de Fukushima... en fait un auteur de mangas qui s'est infiltré. Son ouvrage, déjà publié au Japon (et dont la version intégrale sortira en France en 2016), a suscité la polémique. Il est jugé trop complaisant, alors qu'un autre manga, lui aussi consacré aux conséquences de la catastrophe, est beaucoup plus critique.
L'un des intérêts de l'hebdomadaire est aussi le foisonnement d'articles divers qu'il propose, sur à peu près tous les sujets et tous les pays du monde. Parmi ceux-ci, je signale un reportage sur la culture de maïs et de manioc dans différents quartiers d'Abidjan (en Côte d'Ivoire), un dossier sur le don d'organes dans le monde, une étude sur la gestion de l'eau en Californie et le récit de l'introduction des automates au Moyen Age en Occident.
En bonus, sur le site internet, on peut lire un passionnant article à propos de l'enquête menée par un journaliste d'investigation sur la mort d'Oussama ben Laden. Le papier est complété par une animation, intitulée The Shooter, construite à partir d'entretiens réalisés avec le membre des Navy Seals qui aurait abattu le dirigeant terroriste. La version donnée est un peu différente de ce que l'on peut voir dans le film Zero Dark Thirty.
PS
Les affirmations du journaliste Seymour Hersh sont contestées, notamment dans un article du Monde.
17:27 Publié dans Japon, Politique étrangère, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, médias, presse, journalisme, bande-dessinée, bd
samedi, 07 février 2015
Souvenirs de Marnie
Cette production du studio Ghibli (coproduite par Disney !) est signée Hiromasa Yonebayashi, un nom qui ne vous dit sans doute pas grand chose... mais sachez qu'il est le réalisateur d'Arrietty, un petit bijou d'animation sorti il y a quelques années. Auparavant, il a fait ses premières armes aux côtés d'Hayao Miyazaki : il a eu en charge les effets visuels du splendide Voyage de Chihiro.
On retrouve la qualité de l'animation (même si l'on n'atteint pas tout à fait la virtuosité du maître Miyazaki). Soyez notamment attentifs aux mouvements, ceux des humains comme ceux des objets : par exemple, quand l'héroïne Anna tourne les pages de son cahier de dessins ou quand le couple qui l'héberge pour les vacances se trouve à table (les mouvements de baguettes sont rendus avec un réalisme stupéfiant). Ces dernières scènes sont tellement réussies qu'elles mettent en appétit ! Voilà donc un film à voir juste avant un bon resto.
L'histoire semble hyper classique au premier abord : une orpheline de douze ans connaît des problèmes de santé et elle a du mal à s'intégrer à sa nouvelle école, où l'a inscrite sa mère adoptive. On l'envoie à la campagne, en bord de mer. C'est là qu'elle va faire des rencontres déterminantes. La plus importante d'entre elles est celle de Marnie, aussi blonde qu'Anna est brune, aussi intrépide qu'Anna est timorée.
Une belle amitié se développe, dans un contexte mystérieux. C'est le soir et la nuit que les deux enfants se rencontrent, lorsque le manoir isolé, où habite Marnie, s'illumine. Mais le jour, il semble abandonné.
On commence à se poser des questions. Anna est-elle atteinte d'une maladie mentale, ou bien quelque chose de surnaturel est-il à l'oeuvre dans cette zone marécageuse ? Qui est réellement Marnie par rapport à Anna ? Des indices nous sont donnés, en particulier dans quelques scènes très courtes, celles des rêves d'Anna.
D'autres personnages vont contribuer à éclaircir le mystère : le pêcheur muet, l'aquarelliste âgée et la nouvelle voisine, une gamine à lunettes curieuse comme tout, qui introduit un peu d'humour dans cette histoire mélancolique. Y contribuent aussi les époux qui accueillent Anna, un duo bienveillant et assez truculent, dans la tradition de l'animation japonaise.
Cela donne un ensemble hétéroclite, étrange, émouvant et drôle à la fois, sur un rythme qui m'a toutefois paru un peu lent.
12:33 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 08 juillet 2014
Le Conte de la princesse Kaguya
Cofondateur du studio Ghibli, Isao Takahata ne jouit pas en Occident de la même réputation qu'Hayao Miyazaki. Et pourtant... Dans sa jeunesse, il a créé la série Heidi (qui a fait beaucoup pleurer dans les chaumières). Plus tard, il est passé aux longs-métrages d'animation, avec Kié la petite sorcière et surtout Le Tombeau des lucioles, un véritable chef-d'oeuvre. Par la suite, il s'est aussi fait remarquer avec le superbe Pompoko et l'hilarant Mes Voisins les Yamada.
D'un point de vue formel, c'est moins flamboyant que les créations de Miyazaki. Les visages des personnages sont assez rudimentaires, à l'image de ce que l'on trouvait dans les productions japonaises des années 1980 :
Par contre, c'est du "fait main" (on dirait des peintures), avec un grand souci du détail et une véritable science du mouvement des personnages. Je pense à cette scène qui montre la princesse s'amuser avec un chat, d'une fluidité étonnante, ou ces moments où le bébé fait l'apprentissage de la marche (cul nu !), à coups de cabrioles plus vraies que nature.
L'atmosphère est celle d'un conte. Les amateurs des frères Grimm ou de Charles Perrault ne seront donc pas déboussolés, même si c'est ici tourné à la sauce japonaise, avec des références au bouddhisme et au shintoïsme. On notera aussi le grand soin apporté à la description des animaux (insectes, batraciens, poissons, oiseaux, mammifères...).
Le début de l'histoire baigne dans le merveilleux, avec la découverte de la princesse par un vieux couple de paysans, dans une bambouseraie. La gamine se révèle vite être un phénomène, grandissant à vue d'oeil. Cette enfance est aussi placée sous le signe de la joie, "Pousse-de-bambou" s'amusant avec les enfants du village et profitant des plaisirs simples de la vie, comme de déguster un succulent melon par une journée caniculaire :
Mais, au bout de 45 minutes environ, une rupture de ton intervient. La princesse a du mal à supporter le destin que des gens pourtant bien intentionnés lui ont tracé. Le dessin se fait moins lisse, révélateur des tourments internes de l'héroïne :
La jeune femme, dont la beauté est l'objet de spéculations dans tout l'empire, va apprendre à ruser avec l'étiquette très contraignante qui lui est imposée. Le dessin se fait plus traditionnel, s'inspirant visiblement des estampes qui ont fait la renommée du Japon :
Très drôles sont les séquences faisant intervenir les cinq prétendants, qui vont connaître des fortunes diverses... que je me garderai bien de révéler. Ici, on sent plutôt l'influence des Mille et une nuits dans la ruse dont la jeune femme fait preuve pour éviter d'avoir à se marier contre son gré. C'est ensuite au tour de l'empereur lui-même de s'intéresser à la princesse. Toute cette partie du film voit le personnage principal mûrir. Il a renoncé à certaines choses et appris à "vivre dans le système", tout en se ménageant des espaces de liberté. Ce conte est aussi une histoire d'apprentissage.
Une nouvelle rupture de ton annonce la dernière partie. On y apprend la véritable origine de la princesse, qui va tenter de connaître à nouveau le bonheur, qu'elle a touché du doigt dans l'enfance.
C'est une magnifique histoire, hélas desservie (à mon avis) par les chants (qu'ils soient en japonais ou doublés en français, dans la version que j'ai vue). Si les paroles sont porteuses de sens et la musique d'accompagnement en général agréable (je pense notamment aux morceaux joués sur un koto), les parties chantées m'ont semblé désespérément languissantes.
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dimanche, 01 juin 2014
L'Ile de Giovanni
Ce manga croise l'histoire japonaise avec une oeuvre de fiction, Train de nuit dans la voie lactée. C'était le livre préféré de la mère des héros (deux garçons, dont les prénoms sont inspirés de l'oeuvre). Il est devenu le leur et une source de rêveries (superbement matérialisées à l'écran).
Mais l'action du film démarre en 1945. Nous sommes sur l'île de Shikotan, située au nord du Japon, juste à côté d'Hokkaido. La guerre finit par arriver sous la forme d'un bombardement américain... puis des bateaux soviétiques.
L'animation (qui n'est pas d'une qualité exceptionnelle au niveau des personnages... ça ressemble à du manga "de consommation courante") est suffisamment habile pour permettre aux spectateurs de comprendre l'étonnement des Japonais (encore plus des enfants) devant ces grands soldats blonds (ou bruns) qui débarquent et prennent possession de l'île.
La suite de l'histoire montre les sentiments ambivalents des enfants qui, à l'image du reste de la population, souffrent des pénuries diverses, mais qui nouent une drôle d'amitié avec la fille du commandant, une jolie blonde tout aussi fascinée qu'eux par les trains. Cela nous vaut une scène magnifique autour d'un petit train électrique, de nuit, entre les deux parties de la maison, brièvement réunies. (C'est évidemment une métaphore de la situation des îles Kouriles, que la Russie contrôle toujours aujourd'hui.)
J'apprécie aussi que, bien qu'ayant vu le film en version française, on ait pris soin de laisser les dialogues russes, qui sont donc sous-titrés. Je vous assure que cela n'a nullement gêné les bambins présents dans la salle. De la même manière, on a permis à nos oreilles occidentales de profiter aussi bien des chants japonais que des russes, entonnés à l'école primaire, dans deux classes voisines.
L'histoire prend un tour tragique quand l'expulsion des habitants est décidée. Ceux-ci ne sont pas directement envoyés au Japon. C'est le début d'un périple, qui voit les garçons partir à la recherche de leur père, plus ou moins aidés par leur oncle, un drôle de type, franchement magouilleur, qui rappellera bien des personnages comiques aux amateurs de mangas.
L'histoire ne s'arrête pas aux années 1940. Une séquence nous montre certains des protagonistes, au début du XXIe siècle. C'est à la fois mélancolique et porteur d'espoir.
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dimanche, 30 mars 2014
Patéma et le monde inversé
Cette animation japonaise présente un monde post-apocalyptique... en fait deux mondes, qui se touchent et où les effets de la gravité sont inverses. La plupart des habitants de l'un ignorent l'existence de l'autre. Deux adolescents (un de chaque monde), une fille et un garçon, vont partir à la découverte de l'autre.
On appréciera la peinture d'un Etat totalitaire, sous la férule d'un dictateur mégalomaniaque, dont l'emblème rappellera bien des choses aux spectateurs d'Europe (et d'ailleurs) :
Le film repose sur un scénario très élaboré, évidemment inspiré d'oeuvres de science-fiction. On peut aussi y dénicher des références à des classiques du manga, comme Ghost in the Shell et Jin-Roh - La brigade des loups (regardez bien les uniformes des policiers). De surcroît, il nous ménage deux coups de théâtre dans la dernière partie de l'histoire. Je pense que c'est un peu complexe pour des tout petits.
On a toutefois pensé au public jeune : les héros sont entrés dans l'adolescence et l'expression des sentiments est assez stéréotypée, à l'image de ce que l'on trouve dans les séries qui nous viennent du pays du soleil levant. Les habitués de ce genre de productions ne seront pas étonnés par les visages des personnages, dévorés par de grands yeux expressifs.
Cette réserve émise, il faut par contre reconnaître que l'animation est d'une grande qualité. Les couleurs sont magnifiques et quelle richesse au niveau des décors ! Sur grand écran, c'est un plaisir des yeux. Je suis un peu plus mitigé sur le recours au flou dans certaines scènes. J'en comprends la raison, mais je trouve que l'on en abuse.
Dernière bonne surprise : la réalisation. Ce n'est pas dans ce domaine qu'a priori on s'attend à être épaté, mais c'est pourtant le cas. On a tiré profit de l'inversion des gravités pour proposer des scènes d'une grande inventivité... et même d'une grande beauté :
Au niveau du cadrage, c'est excellent. Les visages comme les corps sont habilement disposés à différents endroits... et c'est parfois très drôle ! Je pense bien entendu à la rencontre entre les deux personnages principaux, mais aussi à la séquence qui voit deux garçons pénétrer au coeur de la tour principale de l'un des mondes. Pour échapper aux caméras de vidéosurveillance, ils se muent en acrobates du plafond !
Comme dans toute bonne production nippone, l'histoire principale est enrichie de péripéties qui font intervenir une truculente galerie de personnages secondaires.
L'émotion n'est pas absente de l'histoire, puisque les deux personnages principaux ont subi la perte d'un proche. Leur audace (celle de transgresser les interdits de leur monde) est aussi liée à une quête personnelle. Sur le fond, l'histoire est un plaidoyer en faveur de l'acceptation des différences.
C'est incontestablement l'un des films à voir en ce moment.
11:23 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 31 janvier 2014
Le Vent se lève
Pour le public cinéphile français, ce titre évoque un film de Ken Loach consacré à la guerre d'indépendance irlandaise. C'était une traduction approximative du titre d'origine. Ici, le Japonais Miyazaki fait explicitement référence à la fin d'un poème de Paul Valéry.
De manière générale, l'ambiance culturelle de l'histoire est assez cosmopolite, puisque le héros japonais (qui va mettre au point le chasseur Zéro de sinistre mémoire en Asie du Sud-Est et en Océanie) admire un inventeur italien, alors que les industriels japonais de l'Entre-deux-guerres cherchent à imiter les succès allemands. Cela nous vaut plusieurs séquences en Allemagne, avant et après la prise de pouvoir par Hitler. Sans que ce soit trop explicite, on sent tout de même que le héros est inquiet de la montée de l'intolérance et de la violence.
C'est le paradoxe de cette histoire : un jeune ingénieur talentueux et pacifiste va contribuer à faire de l'armée japonaise (ici la marine) l'une des plus efficaces machines de guerre de l'époque.
A cette trame se superposent deux fils conducteurs : la passion pour la technologie et l'amour naissant entre le héros et la fragile Naoko. A l'image d'autres auteurs de mangas japonais, Miyazaki tient en très haute estime les concepteurs et les inventeurs. Dans ce film, le héros est présenté comme un artiste dans son genre. Le dessin est au service de ce projet. On retrouve la "patte" Miyazaki dans la fluidité des mouvements et le souci du détail. La virtuosité est plus rare. Elle est perceptible dans la mise en scène du travail de l'ingénieur, en particulier lorsqu'on nous le montre en train de dessiner. Je n'avais jamais vu auparavant une animation capable de rendre aussi bien compte des mouvements du bras et de la main.
Par contre, l'histoire d'amour m'a beaucoup moins accroché. Elle est trop mélancolique à mon goût. On sent un peu trop souvent le poids de la fatalité. Cela n'empêche pas certaines scènes d'être enjouées, mais cette apologie des petits riens du quotidien amoureux manque de relief. (J'en profite pour préciser que ce n'est absolument pas un film pour les petits. Dans la salle où je l'ai vu, des parents inconscients - ou égoïstes - avaient emmené des marmots de 5-6 ans... qui ont vite décroché. Ceux âgés d'une dizaine d'années sont restés attentifs.)
Pour moi, ce n'est pas le meilleur Miyazaki. Il lui manque le souffle de Nausicaä, de Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro, qui sont d'authentiques chefs-d’œuvre. Mais cela se laisse regarder sans déplaisir.
P.S.
Je pense que Miyazaki est conscient d'avoir réalisé un film qui n'est pas à la hauteur de ses plus grandes réussites. Il le dit même indirectement dans Le Vent se lève, par l'intermédiaire de Gianni Caproni (l'ingénieur italien). Le mentor du héros affirme à celui-ci qu'il faut pleinement tirer profit de sa période la plus créative, censée durer dix ans. Je pense qu'à travers l'ingénieur, Miyazaki parle de lui en tant qu'auteur de films d'animation. (Ce serait la période 1992-2001, qui a vu la création de Porco Rosso, Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro... On pourrait prolonger jusqu'à 2004 et la sortie du Château ambulant.)
19:10 Publié dans Cinéma, Histoire, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 27 décembre 2013
Tel père, tel fils
Le réalisateur Hirokazu Kore-eda aime travailler la "pâte humaine" et mettre en scène les tourments intérieurs de ses personnages. Il sait aussi filmer les enfants et les insérer dans une intrigue complexe, comme il l'a prouvé jadis avec le superbe Nobody knows.
Ici, il est question d'un échange de bébés, qui s'est produit six ans auparavant à la maternité. (Ce n'est pas du tout invraisemblable. C'est plutôt la fiction qui rejoint la réalité.) Cela pourrait donner naissance à une comédie graveleuse, mais c'est le mélodrame qu'a choisi le réalisateur. En même temps, il esquisse un portrait des inégalités sociales au Japon.
A ma gauche se trouvent les Nonomiya. C'est un couple de la grande bourgeoisie, qui n'a qu'un enfant, Keita, que son père trouve trop calme, pas assez entreprenant et, pour tout dire, pas génial du tout. Lui, le papa, est un jeune et brillant architecte, issu d'une "bonne famille". Son épouse, d'origine plus modeste, a cessé son activité professionnelle pour s'occuper de l'éducation du fils. Ensemble, ils habitent un splendide appartement, à propos duquel plusieurs des protagonistes (notamment la belle-mère et le second papa) n'hésitent pas à dire que "l'on se croirait à l'hôtel" !
A ma droite se trouvent les Saiki. Le père vivote dans une supérette de quartier, tandis que son épouse travaille dans la restauration rapide. On sent qu'ils tirent un peu le diable par la queue... d'autant plus qu'ils ont non pas un mais trois enfants, plus le grand-père à nourrir. Autant dire qu'à la maison, l'ambiance est beaucoup moins calme !
On note aussi le contraste dans l'éducation des enfants. Keita suit des cours de piano, va être inscrit dans une école privée très sélective (au prix de quelques mensonges...) et doit prendre son bain tout seul, dans une grande baignoire. Ryusei est plus sportif, plus remuant et passionné de jeux vidéo. Dès son plus jeune âge, il a été habitué aux bains familiaux (collectifs), dans une baignoire étroite.
Si le choc des cultures nous réserve quelques moments de comédie, le film s'attache plus aux sentiments qu'éprouvent les adultes pour les enfants... et vice versa. Qu'est-ce qui est le plus important ? Le sang, qui fait que le fils finira tôt ou tard par ressembler à ses parents biologiques (et à se détacher des autres) ou les six ans d'éducation et d'amour, qui ont déjà façonné la personnalité des gamins ?
Les garçons se retrouvent ballottés entre ces deux familles, qui peinent à trouver un accord. L'histoire se concentre davantage sur le couple aisé. L'épouse n'ose dire franchement ce qu'elle éprouve, alors que son mari est finalement très hésitant, subissant encore à son âge les contrecoups de la séparation de ses propres parents.
C'est très finement mis en scène, sur une musique douce, principalement celle de Bach. Les cinéphiles qui ont l'oreille fine reconnaîtront certains des morceaux qui ont servi d'habillage musical à l'adaptation de Stupeur et tremblements, par Alain Corneau, en 2003. La différence est que dans ce film-ci, ils sont joués au clavecin, alors que dans Tel père, tel fils, ils sont joués au piano.
Quelques scènes sont particulièrement marquantes, comme le départ des Nonomiya de chez les Saiki, après qu'ils leur ont laissé Keita pour le week-end. Puissante est la séquence autour du concours de piano, drôle et tragique à la fois. Enfin, très émouvant est le moment où l'un des personnages découvre des photographies inconnues, dans la mémoire d'un appareil numérique. Elles font basculer l'intrigue.
Je me dois de ne pas dissimuler le principal défaut du ce film : sa lenteur. Deux heures, c'est long, surtout quand le réalisateur prend le temps de dérouler toute la pelote des sentiments. On aurait pu pratiquer quelques coupes.
19:44 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, société
samedi, 09 novembre 2013
Lettre à Momo
Contrairement à ce que pensait un petit garçon dans la file d'attente du cinéma, "Momo" n'est pas ici le diminutif de Mohammed, d'abord parce que le héros éponyme est une fille, ensuite parce qu'elle est japonaise.
C'est une préadolescente d'une dizaine d'années. Elle est fille unique. Son univers a récemment été bouleversé par la mort de son père, océanographe, et le déménagement de sa mère, qui a choisi de tout quitter à Tokyo pour retourner s'installer dans le village d'origine de sa famille, sur une île située dans la mer Intérieure :
Le film illustre le manque de communication entre une mère encore jeune, moderne, dotée d'un caractère solide et une fille citadine dans l'âme, tiraillée par la dispute qu'elle a eue avec son père, juste avant la mort de celui-ci. Il n'a même pas eu le temps d'écrire la lettre qu'il lui destinait.
Se greffe là-dessus la vie tranquille d'un bourg de province, complètement isolé du pays quand survient un typhon. Les personnes âgées sont nombreuses. Les plaisirs des rares enfants y sont simples. La petite Momo a quelques difficultés à s'intégrer.
La troisième couche est d'ordre surnaturel. Dès le début, on comprend que des événements peu communs vont survenir. Cela commence par des bruits suspects dans le grenier de la vieille maison que les arrivantes vont occuper. Seuls les enfants distinguent des ombres suspectes. On se demande alors si le réalisateur ne va pas orienter l'histoire dans un sens effrayant : ce sont là des codes propres aux films d'horreur japonais.
Comme c'est un dessin animé destiné au (pas trop) jeune public, on se dit que l'intrigue ne va pas s'engager dans cette voie. C'est plutôt le ressort comique qui est mis à contribution. Momo va devoir apprendre à surmonter sa peur et à dompter ces esprits facétieux, capricieux... et affamés ! Cela nous vaut une séquence ébouriffante, avec un drôle de quatuor embarqué dans l'ascension d'une montagne verdoyante, sur un chariot automatique... fuyant une meute de sangliers !
L'entente finit par régner (à peu près) entre ces protagonistes. Les esprits ont une mission à mener, que Momo ne doit surtout pas découvrir avant qu'elle ne soit réalisée. J'ai encore en mémoire la scène qui voit tout ce petit monde se lancer dans une danse magique, pour faire parvenir un message à l'au-delà !
La dernière partie du film tourne autour du typhon. Le déchaînement des éléments précipite la résolution de l'énigme et place chacun face à ses responsabilités. Je recommande tout particulièrement le franchissement d'un pont, grâce à un tunnel de fantômes en mouvement... impressionnant !
L'histoire se conclut sur une plage, où est célébrée une fête traditionnelle, au cours de laquelle de petits bateaux illuminés sont mis à l'eau. C'est visuellement magnifique. (C'est le moment de signaler que l'auteur n'est autre qu'Hiroyuki Okiura, à qui l'on doit le superbe Jin-Roh - La Brigade des loups et qui a contribué à l'animation de chefs-d'oeuvre comme Ghost in the Shell, Metropolis et Paprika.)
A l'issue de ces aventures, la jeune Momo a mûri et va pouvoir enfin se jeter dans le grand bain !
21:36 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 08 novembre 2013
Anne Frank au pays du manga
J'ai récemment découvert (par hasard) ce reportage en bandes dessinées, publié par Les Arènes et Arte Editions :
A l'origine, c'est une oeuvre multimédia, encore consultable sur le site d'Arte. Aux dessins s'ajoutent des contenus audio et vidéo, ainsi que des animations particulières à certains dessins. On remarque que le chef de l'équipe qui s'est rendue au Japon n'est pas le dessinateur, qui a semble-t-il eu tout loisir d'égratigner son patron (Alain Lewkowicz) dans le récit qu'il a mis en images.
Le projet était de comprendre les raisons du succès du Journal d'Anne Frank adapté en manga et de confronter la mémoire occidentale de la Seconde guerre mondiale à la perception qu'en ont les Japonais.
Le premier chapitre est consacré à la découverte de l'ampleur du phénomène des mangas. Il y en a pour tous les goûts... et l'on publie vraiment sur tout et n'importe quoi, sans hiérarchiser (les oeuvres de Victor Hugo côtoient Mein Kampf d'Hitler), ce qui a conduit Alain Leiwkowicz à imaginer le générique d'une émission "grand public" pour rendre cette idée :
Les reporters ne sont pas au bout de leurs surprises. Ils rencontrent la personne qui veille à la publication du manga consacré à l'enfant juive. C'est un chrétien, qui a appris l'hébreu. Il est même à l'origine de la création d'un musée de l'extermination des juifs... près d'Hiroshima !
Les Français constatent que la population japonaise est ignorante de ce qui s'est passé en Europe durant la Seconde guerre mondiale... et qu'elle n'en sait pas plus sur les crimes commis par l'armée japonaise en Asie. L'ironie de l'histoire est qu'un diplomate japonais est l'auteur de l'un des plus beaux gestes d'humanité de la guerre : Chiune Sugihara a accordé des milliers de visas pour le Japon à des juifs lituaniens, malgré l'opposition formelle de ses supérieurs. (Bien entendu, un manga lui a été consacré.) L'équipe de journaliste finit par rencontrer son fils, qui leur paraît peu concerné par la chose.
Le deuxième chapitre mène le groupe au sanctuaire de Yasukuni, où sont vénérés les mânes des soldats morts pour la patrie... y compris les criminels de guerre condamnés par le procès de Tokyo :
C'est le début d'une série de rencontres avec divers représentants de l'extrême-droite nippone. Nombre d'entre eux disent être "non acceptionnistes" : ils nient la réalité du massacre de Nankin commis par les troupes japonaises en 1937.
Au temple, plusieurs entretiens ont été réalisés. Le premier montre un homme encore jeune, développer un discours argumenté, sur un ton calme. On peut aussi entendre une vieille dame, inoffensive au premier abord, mais qui finit par se déclarer fière de l'attaque de Pearl Harbor, à laquelle son beau-père a participé. Plus tard, les journalistes rencontrent des militants nationalistes, plus ou moins subtils.
Cependant, si l'on peut regretter leur aveuglement quant aux crimes du Japon militaristes, on ne peut pas rejeter tous leurs arguments : l'impérialisme américain n'est pas une légende et la Chine communiste a massacré bien plus de monde. C'est peut-être de ce côté-là que les journalistes auraient dû creuser : dans quelle mesure l'émergence de la Chine comme puissance économique explique-t-elle la résurgence du nationalisme nippon ?
Le troisième chapitre met les Français en contact avec le monde des mangas engagés. Ils font la rencontre de Motomiya Hiroshi, qui a osé jadis mettre en scène le massacre de Nankin. Ils découvrent un homme ordinaire, qui a dû en rabattre pour continuer à gagner sa croûte. Par la suite, c'est un éditeur "révisionniste" qui les reçoit. Pour se remonter le moral, le trio d'enquêteurs part à la rencontre d'une enseignante qui a été suspendue pour avoir contesté les aspects nationalistes de l'éducation de son pays.
Le quatrième et dernier chapitre mène les journalistes dans la préfecture d'Hiroshima (au sud). Ils y retrouvent le révérend Otsuka et son musée du génocide. (On peut y entendre un témoignage marquant, celui d'Otto Frank, le père d'Anne, qui a rencontré jadis le révérend et a été très touché par la connaissance que les Japonais avaient de l'histoire de sa fille.) Ils sont un peu désarçonnés par le fait que, pour l'équipe du musée, il soit plus important de transmettre un message de paix et de gentillesse que d'enseigner de manière rigoureuse l'histoire de la Seconde guerre mondiale.
Le périple s'achève au mémorial d'Hiroshima, qui est dirigé par... un Américain, Steven Leeper, un sage :
Les journalistes français quittent le Japon avec peut-être moins de certitudes qu'à leur arrivée. La bande dessinée a l'honnêteté de retracer ce cheminement, sans chercher à enjoliver : elle montre notamment qu'Alain Lewkowicz avait, au départ, des idées très (trop ?) arrêtées. C'est de plus joliment dessiné (en noir et blanc) et cela fourmille d'anecdotes sur le Japon contemporain.
22:33 Publié dans Histoire, Japon, Livre, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, histoire, bd, culture, bande dessinée, bande-dessinée
jeudi, 20 juin 2013
Shokuzai
A l'origine, c'est une mini-série télévisée en cinq épisodes (signée Kiyoshi Kurosawa), qui a été transformée en deux longs métrages pour le cinéma. Le titre signifie "pénitence". Les personnages principaux ont tous au moins une faute grave à expier. Le scénario emprunte la voie du polar pour dénouer les fils d'une intrigue à base sentimentale, mais qui débouche sur une série de drames. C'est aussi un portrait de femmes dans le Japon d'aujourd'hui, les hommes n'en sortant (en général) pas grandis.
Le premier film est sous-titré "Celles qui voulaient se souvenir". La première séquence se déroule il y a quinze ans. Dans une petite ville de province, quatre gamines se lient d'amitié avec une petite nouvelle, fille d'un riche entrepreneur local et d'une dame très belle et très classe. L'une des filles va se faire assassiner de manière sordide... mais les quatre copines, traumatisées, sont incapables d'aider la police. Furieuse, la mère leur a extorqué une promesse.
Cette séquence démarre de manière anodine. On est rassuré par ce Japon calme et ordonné, ces enfants bien élevés. La tension monte soudainement. On est pris à la gorge.
15 ans plus tard, Sae est devenue une ravissante jeune femme. (Notons que les quatre actrices sont excellentes... et fort jolies, ce qui ne gâche rien.) Elle a refoulé sa féminité et sa sexualité. Elle se contente de son petit boulot dans un centre de soins et se dépêche de rentrer chez elle le soir.
Cet épisode la voit rencontrer un mec qui va se révéler aussi tordu qu'elle, pour d'autres raisons. Sachez seulement que des poupées traditionnelles françaises sont au coeur de l'intrigue. L'image de luxe est d'ailleurs associée à notre pays, puisque le principal personnage masculin roule dans une Peugeot haut de gamme. Incidemment, on nous montre que la vie d'une épouse qui a dû abandonner son travail n'est pas des plus réjouissantes. Cet épisode explore une piste quant à l'identité du tueur. On y croise aussi la mère de la victime (comme dans les parties suivantes, d'ailleurs), toujours habillée de sombre... et très classe. (On devine qu'elle doit porter quelques productions made in France.)
De son côté, Maki est devenue institutrice dans sa ville. C'est une femme énergique, investie dans son travail... et, elle aussi, célibataire (malgré sa jolie paire de seins).
On sent toutefois que quelque chose pourrait se nouer avec ce prof de sport sympathique, tolérant, aimé des élèves. Elle par contre est redoutée pour son niveau d'exigence scolaire et son autoritarisme. Cette séquence est particulièrement riche. Elle explore la psychologie d'un personnage féminin qui a choisi de lutter, ses motivations, ses craintes. Elle nous montre aussi la mentalité d'une ville de province, avec une vue intérieure de la vie d'une école, les parents d'élèves étant montrés comme un groupe pas forcément commode, auquel les enseignants doivent manifester du respect. Face à celle qui ne dévie pas de sa route, les autres personnages apparaissent bien versatiles.
Le second film est sous-titré "Celles qui voulaient oublier". C'est paradoxalement dans cette partie que la quête de la mère va le plus progresser. La première séquence traite du cas d'Akiko, fille-ours qui rejette le monde et les codes qu'il impose aux femmes.
Le retour de son frère va déclencher sa mutation. On la voit en possible jeune femme de son époque, le temps d'une sortie avec la belle-fille du frangin, dont elle va s'attribuer la protection. On sent la suite venir à des kilomètres, puisque c'est en prison que l'héroïne de cette séquence raconte son histoire à la mère. On nous propose une nouvelle piste dans la recherche du tueur, tout en développant un peu les mêmes thèmes que dans le cas de Maki.
La solution de l'énigme commence à apparaître dans la séquence consacrée à Yuko. Celle-ci est devenue fleuriste.
Le magasin qu'elle vient d'ouvrir porte un nom français, Le Ciel, écrit en caractères latins. On entr'aperçoit d'autres inscriptions dans notre langue (comme "Studio"). Et là je me rends compte qu'il va falloir que je vous cause du "franponais" un de ces quatre... Mais revenons à notre histoire. Contrairement aux trois autres, Yuko ne semble pas traumatisée par ce qu'elle a vécu. Elle se contrefiche de la promesse faite quinze ans auparavant. Elle essaie de vivre sa vie... et ce n'est pas forcément facile. Elle aussi est célibataire, mais semble avoir été liée à un policier. On réalise qu'elle aussi a été touchée par le drame. Elle est en quête de protection, d'autant plus que son patron la harcèle. Le réalisateur a choisi de ne pas rendre ce personnage sympathique. Elle peut se révéler particulièrement cynique.. mais elle va nous mener au tueur.
Une séquence supplémentaire règle les comptes et nous propose plusieurs révélations. On découvre bien entendu la personnalité du tueur et, par ricochet, le passé de la mère de la victime. Le polar s'accélère un peu, alors que le rythme de ce second film est particulièrement lent. Il aurait fallu pratiquer des coupes dans ces 2h30 ! La fin est à mon avis marquée par trop de grandiloquence.
Ces deux films n'en sont pas moins remarquables par leur richesse scénaristique et l'ampleur psychologique de l'histoire. S'y ajoute un indéniable savoir-faire en matière de réalisation. J'ai en mémoire un repas entre Sae et son prétendant. La scène est filmée de l'extérieur du restaurant. A l'écran s'entremêlent la vue de l'intérieur et le reflet de ce qui se passe derrière la caméra, à l'extérieur. La position et les déplacements des actrices sont aussi soigneusement choisis. Dans la quatrième histoire, on voit se retourner, de manières opposées, la mère et la jeune femme qu'elle est venue interroger, à l'hôpital, dans un superbe mouvement synchrone qui n'apparaît pourtant pas artificiel. Plus loin, c'est l'arrivée de la mère dans l'école privée qui nous vaut un plan magnifique. Elle, cachée derrière un bâtiment, se trouve en bas à gauche du cadre, alors que l'homme qu'elle recherche (et qui se sent épié) apparaît en haut à droite. A la toute fin, je recommande aussi la scène qui se déroule dans un bâtiment désaffecté. C'est vraiment brillant.
12:51 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
mardi, 30 avril 2013
Tu seras sumo
C'est en gros ce que déclare un père (veuf) à l'un de ses deux enfants, son fils cadet Takuya. Nous sommes dans le nord du Japon, sur l'île d'Hokkaido :
Ce documentaire de la Française Jill Coulon, tourné en 2008, traite du difficile apprentissage que va suivre le jeune homme, à Tokyo (au sud). Dans cette école de sumo, les jeunes sont totalement pris en charge, mais doivent vivre en communauté.
C'est la voix du jeune homme qui rythme les séquences tournées par la réalisatrice. Le tout début permet d'avoir un aperçu de la vie encore assez traditionnelle des provinciaux d'Hokkaido. Takuya, lui, achève le lycée (il va décrocher son bac) et ressemble à beaucoup de grands adolescents. Il a une bande de potes, aime s'amuser et, s'il est un sport qui le passionne, c'est le judo.
Mais c'est le père qui commande. Je pense, de surcroît, que la famille n'est pas riche : il n'est visiblement pas question de financer de coûteuses études pour le jeune homme, qui ne semble pas particulièrement doué en quoi que ce soit.
La deuxième partie du film nous fait découvrir la vie en collectivité de cette brochette de gars obèses, plutôt sympas, mais avec une hiérarchie à respecter. Le nouveau va devoir faire ses preuves et, avant toute chose, il faut qu'il prenne du poids. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils bouffent à longueur de journée, mais ils s'empiffrent quand même sacrément ! (Et moi qui avais mangé juste avant la séance... La digestion fut laborieuse.)
On nous montre aussi les phases d'entraînement. C'est assez répétitif et très physique.
On découvre aussi quelques aspects du combat de sumo. Le poids seul ne suffit pas, même si le "héros" se rend vite compte qu'il y a quand même une masse minimale à atteindre (autour de 130 kilos) si l'on veut espérer faire carrière. Faute d'avoir un corps de rêve, les lutteurs prennent grand soin de leur chevelure, dont l'organisation est presque un art.
On finit par voir ces jeunes en compétition. Ils passent en lever de rideau, la soirée étant réservée aux combats de têtes d'affiche. Les assauts sont en général très courts. On suit les progrès réalisés par Takuya, qui passe par différentes phases.
Si vous voulez savoir jusqu'où il va aller, vous pouvez vous laisser tenter par ce documentaire un peu aride, mais passionnant.
22:30 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film