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vendredi, 06 août 2021

Nadia, Butterfly

   Tourné en 2019 pour sortir en 2020, au moment des Jeux de Tokyo (durant lesquels est censée se dérouler l'action), ce film a subi le même sort que les compétitions olympiques : le report. Son arrivée dans les salles obscures françaises est opportune à plusieurs titres, d'autant qu'il aborde un sujet qui a récemment fait l'actualité (à propos de la joueuse de tennis Noami Osaka et de la gymnaste Simone Biles) : la difficulté d'être une sportive professionnelle et la charge mentale qui pèse sur les jeunes femmes. (Les Frenchies auront tendance à faire le lien avec le cas Laure Manaudou.)

   Cette fiction à caractère documentaire revêt donc plusieurs intérêts. Notons que les quatre actrices principales sont nageuses de formation. Dans l'intrigue, elles constituent une équipe de relais canadien, où l'on trouve "l'ancienne" (qui approche la trentaine !) en fin de carrière, deux nageuses confirmées plus jeunes et le grand espoir national (encore mineure). Trois sont québécoises, la quatrième anglophone stricte.

   L'héroïne est Nadia, spécialiste du papillon (d'où le titre). À 23 ans, elle est un pilier de l'équipe nationale et l'une des meilleures spécialistes mondiales de sa discipline. On la suit tout d'abord à l'entraînement, avec de superbes plans de piscine. Un regard extérieur aurait tendance à la voir comme une machine : la jeune femme aux larges épaules et aux cuisses musculeuses enchaîne les longueurs avec une apparente impassibilité. En réalité, cela bouillonne dans sa tête : elle a décidé d'arrêter la natation et de reprendre ses études après les Jeux. Cela suscite beaucoup d'incompréhension dans son entourage où, curieusement, on note l'absence totale des membres de sa famille (même en communication à distance).

   La compétition, à Tokyo, est filmée de manière classique. Notons que le scénariste avait quasiment prévu l'exact podium du relais (dont la finale s'est déroulée le 1er août dernier) ! En alternance, on nous montre les à-côtés de la vie des sportifs du village, entre soirées, obligations médiatiques et découverte du Japon. La scène qui voit Nadia tenter de gagner une peluche (de la mascotte olympique) à un jeu de capture est symbolique de ce que vit la jeune femme, qui peine à obtenir ce qu'elle veut... pour finalement changer d'avis. Elle ne sait plus trop où elle en est.

   Les Jeux sont aussi l'occasion de faire des rencontres... du moins quand sa part de compétition est achevée. Deux des membres du relais vont s'offrir une soirée déjantée, avec maquillage, godasses de "poulette", musique, alcool fort et mecs dispos. Cette séquence devrait rayonner de bonheur... mais le mal-être n'est pas loin.

   Nadia, qui a consacré la majeure partie de son temps à la natation depuis l'âge de dix ans, a l'impression d'être passée à côté de sa jeunesse. La période des Jeux est celle des choix, non sans regrets, contre lesquels elle tente de se prémunir à l'aide de son smartphone. (Soyez attentifs à ce qu'elle fait avec.)

   J'ai trouvé cette histoire très touchante, avec des interprètes authentiques et une caméra près des corps, mais sans impudeur.

Le Soupir des vagues

   Sous ce titre ressort en France un film du Japonais Koji Fukada. Depuis deux-trois ans, ses œuvres arrivent sur nos écrans, un peu dans le désordre. Leur qualité est d'ailleurs inégale. Si j'avais apprécié L'Infirmière, l'an dernier, j'ai globalement été déçu cette année par Hospitalité (son premier long métrage, moins maîtrisé que les suivants), qui nous a été un peu survendu par la critique.

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   Il y a deux ans, au mois de juin, le cinéma CGR de Rodez avait programmé plusieurs films japonais (parfois en avant-première), sur deux semaines. C'est à cette occasion que j'avais pu voir L'Homme qui venait de la mer... qui ressort donc sous un nouveau titre. Je ne vais pas réécrire le billet. Pour lire ma recension, il suffit de cliquer sur le lien précédent. Ce film mérite vraiment le détour.

00:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 02 août 2021

Les Sorcières de l'Orient

   Entre 1960 et 1982, le Japon fut une nation majeure du volley-ball féminin, avec deux titres olympiques, trois de championnes du monde et cinq places de finaliste, toutes compétition confondues.

   Ce documentaire, tourné par le Français Julien Faraut, rend hommage à la première génération de volleyeuses championnes, celle des années 1960, surnommée par les Soviétiques "les sorcières de l'Orient". Le film entremêle les séquences tournées au XXIe siècle, des extraits de manga (apparemment de la série Les Attaquantes, même si j'ai parfois eu l'impression de revoir Jeanne et Serge) et des images d'époque (actualités, reportage sur les joueuses et extraits de matchs).

   Pour qui a déjà pratiqué le volley-ball, il est évident que les adaptations animées manquent de réalisme (contrairement aux versions papier, paraît-il). Toutefois, le choix des extraits est pertinent, parce que ceux-ci font écho à ce qu'on peut voir dans les images d'archives ou celles tournées très récemment. Le montage a été judicieux.

   Le documentaire est particulièrement évocateur lorsqu'il s'appuie sur les films tournés dans les années 1960, auxquels sont juxtaposés les témoignages de celles qui sont désormais souvent grands-mères (quand elles sont encore en vie). La plus jeune devait avoir, au moment du tournage, autour de 75 ans ! Deux d'entre elles font encore beaucoup d'efforts pour rester en forme, l'une continuant à promouvoir son sport de prédilection auprès des jeunes générations.

   À ce sujet, le contraste entre les années 1960 et notre époque est flagrant au niveau de l'entraînement (même si les groupes filmés n'évoluent pas au même niveau). À celles et ceux qui l'ignoreraient, le documentaire montre quels sacrifices il faut être prêt(e) à faire pour jouer au très haut niveau. On a d'ailleurs eu tendance à estimer que le charismatique entraîneur des Japonaises avait quasiment fait œuvre de maltraitance auprès des joueuses. C'était oublier un peu vite les conditions dans lesquelles ces jeunes femmes vivaient, à l'époque. La majorité avait perdu son père très jeune (surtout à cause de la Seconde Guerre mondiale). Presque toutes ont découvert le volley-ball au lycée et ont continué une fois devenues actives. C'étaient des ouvrières du textile. Je pense qu'on peut considérer que, vu la place des femmes au Japon à cette époque et vu leur situation professionnelle, s'engager dans la compétition sportive de haut niveau a été perçu comme une forme d'ascension sociale et d'épanouissement personnel. (On pourrait comparer cela à l'épopée des Verts au football, en France, dans les années 1960-1970.) L'emploi du temps des joueuses n'en était pas moins effrayant ! Quoi qu'il en soit, l'équipe est devenue très populaire, parce qu'elle a contribué au regain de fierté nationale d'un pays qui cherchait à retrouver le lustre passé (celui d'avant 1945).

   Sur le plan cinématographique, ce n'est pas particulièrement emballant. La réalisation est très classique. Mais quel sujet !

lundi, 26 juillet 2021

Onoda - 10 000 nuits dans la jungle

   Présenté au dernier Festival de Cannes, dans la sélection "Un certain regard", ce film franco-japonais raconte l'histoire extraordinaire d'Hiroo Onoda, un soldat nippon envoyé en 1944 sur une petite île des Philippines, Lubang (à peine plus grande que la commune de Paris).

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   Sa mission est d'y organiser une guérilla susceptible de contrecarrer la progression des troupes américaines, qui se rapprochent dangereusement du Japon. L'une des séquences du début montre d'ailleurs le débarquement nocturne de "l'ennemi" et les ravages que l'armée d'Oncle Sam fait dans le camp japonais, pas très bien préparé à l'affronter.

   Ce n'est pas l'un des moindres intérêts de cette fiction à caractère documentaire. Même si l'on y croise des soldats et officiers imprégnés de la mentalité de samouraï, prêts à tous les sacrifices au nom du Japon, on s'aperçoit que beaucoup d'autres ne sont pas de cette trempe, soit qu'ils soient lassés de la guerre, soit qu'ils jugent ces efforts inutiles, soit qu'ils aient tout simplement la trouille.

   On retrouve (en partie) ces nuances au sein du quatuor de survivants, réfugié dans la jungle philippine, d'où le dernier, Hiroo Onoda, n'est sorti qu'en... 1974. (Il est décédé en 2014.) Celui-ci semble tout d'un bloc : patriote, obéissant, tenace... et même buté. Ses deux adjoints, Shimada et Kozuka, ont un peu plus d'expérience, de vécu. Le premier, ancien charbonnier, sait comment vivre dans les bois. Complète la bande le plus jeune, Akatsu, sans doute récemment incorporé... et pas vraiment adapté à la vie militaire.

   Curieusement, ce film en apparence authentiquement japonais a été réalisé par... un Français, Arthur Harari, remarqué il y a quelques années grâce à un excellent polar, Diamant noir. Il est parvenu à faire de la jungle tropicale un véritable personnage du film. La chance des quatre hommes est qu'elle fournit de quoi se sustenter, s'habiller... et même se loger. Ici, le film se fait documentaire, montrant comment les hommes parviennent à se nourrir, à construire une cabane ou à tresser des semelles de chaussures.

   Cependant, si l'environnement est source de vie, il représente aussi parfois une gêne considérable. On y croise de nombreuses petites bêtes invasives et, surtout, le climat n'est pas propice à une vie saine : les soldats subissent l'alternance de deux longues saisons : la sèche (très chaude) et l'humide, pénible pour les organismes, mais protectrice pour les fugitifs.

   Pendant la saison des pluies, les paysans de l'île ne s'aventurent pas dans la forêt. Les patrouilles des forces de l'ordre se font rares. Dans un premier temps, les quatre soldats tentent d'échapper aux troupes américaines. Quelques années plus tard (les Philippines étant devenues indépendantes en 1947, ce que les protagonistes ignorent), ce sont d'autres uniformes qui patrouillent dans l'île. Des Japonais finissent même par y revenir... mais des civils, ce qui perturbe fortement les soldats, persuadés que la guerre continue.

   C'est l'autre grand intérêt de cette histoire : montrer comment ces hommes (trois sur les quatre, en fait) se sont convaincus que le Japon ne pouvait pas s'être rendu aux États-Unis et donc que leur mission continuait. Onoda est incontestablement le plus buté, refusant de voir l'évidence, même quand des journaux japonais sont laissés à leur intention ou quand, après avoir récupéré un poste de radio, ils parviennent à capter des émissions de leur pays. (Le rejet des -supposés- "médias officiels" et l'adhésion aux "vérités alternatives" ne datent pas d'aujourd'hui !)  Cet aveuglement culmine dans une scène sidérante, au cours de laquelle Onoda, en s'appuyant sur un planisphère rudimentaire, tente d'expliquer à Kozuka la "nouvelle" géopolitique mondiale, totalement farfelue. Ici, le film fait écho à notre époque, où l'aveuglement idéologique (ou tout simplement la bêtise) fait croire tellement d'âneries à des gilets jaunes, antivax, complotistes divers.

   À la description minutieuse d'une auto-aliénation collective, le film ajoute la naissance d'un compagnonnage forcé, à quatre, puis trois, puis deux... Les tensions alternent avec les moments de camaraderie, voire de fraternité. Les deux derniers, Onoda et Kozuka, grisonnants et complices, finissent quasiment par former un vieux couple. C'est l'occasion d'évoquer la sexualité, très peu présente dans cette histoire de quatre hommes jeunes (âgés de 20-25 ans au début) confinés dans la jungle. Dans la première partie, un plan suggère la pratique du plaisir solitaire. Dans le dernier tiers de l'histoire, on se demande si, à certaines occasions, ces hommes n'ont pas abusé de Philippines. Globalement, les relations ne sont pas bonnes entre les soldats et la population locale, qui n'a pas gardé de bons souvenirs de la domination impériale japonaise. De plus, la propension des fugitifs à pratiquer des "réquisitions" (un euphémisme pour "vols") chez les paysans du coin, tout comme leurs activités de sabotage, leur ont valu beaucoup d'inimitié.

   Pourtant, quand Onoda finit par regagner le monde réel, il a droit à une cérémonie d'honneur. Les temps ont changé et, au bout de trente ans, la ressentiment a laissé la place à de la curiosité et de la pitié. Le plus marquant est la rencontre entre Onoda et... un touriste japonais. Se font alors face le Japon traditionnel (militariste, nationaliste, plutôt renfermé) et le moderne (pacifique, technophile et ouvert sur le monde).

   Concernant le film, je vais m'arrêter là, mais vous avez sans doute compris que j'ai été envoûté par cette histoire d'une grande richesse sur le plan historique mais aussi sur celui de la nature humaine. En complément, je suggère la lecture d'Au nom du Japon, l'autobiographie d'Onoda :

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   Publiée dès 1974 au Japon, elle n'est sortie en France que l'an dernier. Je ne sais pas si c'est lié à la rédaction d'origine ou à la qualité de la traduction (effectuée par Sébastien Raizer, un écrivain français vivant à Kyoto), mais cela se lit comme un roman. Le livre fourmille de détails qu'il n'était pas possible d'intégrer au film. On y découvre la "vie d'avant" d'Onoda et la relation particulière qu'il entretient avec son frère aîné. La vie quotidienne des soldats (dans la jungle) y est aussi décrite plus longuement, certains événements représentés une seule fois à l'écran figurant à plusieurs reprises. On peut même s'amuser au "jeu des 7 différences" (entre le livre et le film).

dimanche, 27 juin 2021

Tokyo Shaking

   Il y a une vingtaine d'années, Sylvie Testud incarnait, dans Stupeur et tremblements, une Française perdue au sein d'une entreprise japonaise, au pays du soleil levant. Aujourd'hui, Karin Viard interprète Alexandra, une cadre supérieure, envoyée par une banque hexagonale redresser sa succursale japonaise. Si la Française a vite compris que Tokyo est régulièrement soumise à des secousses sismiques, ce jour-là, le 11 mars 2011, la situation va sortir de l'ordinaire.

   L'arrière-plan est mondialo-japonais. Certes, on entrevoit certains aspects de ce pays fascinant et de la vie de ses habitants mais, ce qui frappe au premier coup d'oeil, c'est le fonctionnement international de l'entreprise... et de la vie privée de ses employés. Ceux-ci sont majoritairement japonais et français. Cependant, lorsqu'on jette un oeil à la liste du personnel, on s'aperçoit qu'il y a aussi des Britanniques, des Indiens, un Congolais... sans parler des nounous et des femmes de ménage, presque toutes philippines.

   Progressivement, la communauté des expatriés (occidentaux) se désagrège, au fur et à mesure que la situation s'aggrave. De leur côté, les employés japonais sont tenus de donner l'exemple. Voilà notre héroïne prise entre deux feux : son intérêt familial la pousse à agir avec la même lâcheté prudence que la plupart des expatriés, tandis que sa conscience professionnelle (et son humanité) lui suggère de rester en compagnie du personnel local, avec lequel elle a tissé des liens.

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   Parmi ses collaborateurs, trois profils sortent du lot : Amani le jeune prodige congolais (qui voudrait rester dans la boîte et croit en la méritocratie), Kimiko, l'assistante d'Alexandra (admiratrice de la culture française et employée dévouée), et Dominique Besse, le patron de la succursale (Philippe Uchan, très bien), faux-cul au possible, qu'on a souvent envie de gifler.

   Le film n'est pas extraordinaire, mais il nous offre une double plongée : dans le monde de la banque et au sein du Japon urbain. On en voit principalement les tours de l'hypercentre tokyoïte. Toutefois, l'héroïne finit par se rendre en banlieue, dans la famille de Kimiko, ce qui nous vaut l'une des plus belles séquences de cette histoire attachante.

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dimanche, 20 juin 2021

Hospitalité

   Cette fable japonaise met en scène une famille de classe moyenne, un couple d'imprimeurs vivant avec la soeur du mari et la fille issue d'un premier mariage. Dans le quartier, on s'observe mutuellement et la remise en ménage de l'imprimeur avec une femme beaucoup plus jeune que lui fait jaser.

   Ces chers voisins n'ont pas fini de déblatérer, puisque le couple va successivement héberger (à son corps défendant) un nouvel employé, la supposée épouse de celui-ci... et une kyrielle d'autres personnes dont on comprend à demi-mots que ce sont des squatteurs, du genre de ceux que le comité de quartier tente de faire expulser du jardin public.

   Il s'agit donc d'une fiction engagée, de gauche, qui tourne à la farce dans sa dernière partie. J'ai bien aimé le début, avec la description du quotidien des imprimeurs, des tensions familiales et de la pesanteur sociale. Un mystère plane autour du nouvel employé, fils d'un ancien investisseur de l'imprimerie, mais qui s'incruste de plus en plus dans la vie du ménage... C'est à ce moment-là que j'ai décroché. Jamais je n'aurais laissé ce type agir ainsi. On peut certes partir du principe que la civilité japonaise, poussée à son point extrême, peut mener à ce genre de situation inextricable. Mais, à force de grossir le trait, le réalisateur sombre dans le ridicule et ne sait pas comment conclure son histoire.

00:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, japon

dimanche, 23 mai 2021

On-Gaku : notre rock !

   Ce film d'animation japonais est un quasi-moyen-métrage (il dure entre 1h05 et 1h10). L'action semble se situer dans le passé, mais pas trop éloigné : on y voit des CD (et un lecteur-enregistreur de cassettes), mais pas de téléphone portable ni d'ordinateur. Je dirais : dans les années 1990.

   Au coeur de l'histoire se trouve un trio de lycéens marginaux, qui aiment se bastonner avec d'autres groupes de jeunes désoeuvrés. Mais voilà que tout à coup leur vient l'idée de monter... un groupe de rock. Super !... à ceci près qu'aucun d'entre eux ne sait jouer du moindre instrument. Cela donne le ton de cette histoire, souvent pince-sans-rire, avec un héros, Kenji le gros dur, fantasque et mutique, dont il est bien difficile de déchiffrer les pensées.

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   Au niveau du graphisme, autant les décors sont léchés, autant la "découpe" des personnages paraît simpliste. C'est peut-être dû au style de l'auteur et à son projet : montrer que, dans cette petite ville de province (proche de Kyoto) où les jeunes s'ennuient, l'organisation d'un festival de rock est un rayon de soleil. D'ailleurs, quand les groupes se mettent à jouer ou à ressentir la musique jouée par d'autres, le graphisme devient plus élaboré et échevelé.

   Au niveau du son, les partitions rock sont assez chouettes... mais que dire des paroles qui nous sont traduites ? C'est une enfilade de clichés, d'où la niaiserie n'est pas absente. Cela m'amène à quelques-uns des gags de l'histoire. Deux groupes se disputent le même nom (Kobajitsu, si je ne m'abuse). On pense que cela va mal finir... mais la musique adoucit les moeurs... surtout si elle est accompagnée d'un brin d'hypocrisie. Ainsi, quand les trois bobos jouent un morceau folk (aux paroles stupides) de leur composition devant les trois voyous, Kenji le néo-rockeur pur et dur se déclare (à la surprise générale) admiratif. Un peu plus tard, quand les trois voyous proposent un échantillon de leur "talent" aux trois enfants sages, cela déchaîne l'enthousiasme (exagéré ?) de la chanteuse. Mais la suite de l'histoire (notamment la séquence du concert) nous apprend qu'il faut se méfier de l'eau qui dort.

   Même quand on a compris le dispositif de l'auteur (qui s'amuse à créer de faux suspens, qu'il dénoue de manière inattendue), on apprécie le déroulement des scènes, souvent cocasses. Si voir un type chauve jouer de la flûte devant une troupe de punks hostiles ne vous paraît pas saugrenu, alors ce petit film est fait pour vous !

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   P.S.

   L'affiche (ainsi que la dégaine de certains musiciens) est un évident clin d'oeil aux Beatles.

jeudi, 08 octobre 2020

Lupin III - The First

   Ce film d'animation japonais met en scène Edgar de la Cambriole, un personnage dont les spectateurs français ont pu, l'an dernier (re)voir l'une des premières aventures (Le Château de Cagliostro). Notons que la sortie de ce film survient un an et demi après la mort de Monkey Punch, le créateur de Lupin/Edgar.

   L'action débute en France, pendant la Seconde Guerre mondiale. Des nazis tentent de mettre la main sur le journal d'un archéologue, fin connaisseur d'une ancienne civilisation détentrice de redoutables secrets technologiques. La séquence se termine par un accident dont, dans un premier temps, les spectateurs ne perçoivent pas tous les tenants et aboutissants.

   Des années plus tard, on retrouve le fameux journal exposé dans un musée... et objet de toutes les convoitises... notamment celle d'Edgar, le héros insaisissable et rigolard, qui prend plaisir à narguer les policiers maladroits qui le poursuivent. Mais, sur ce coup-là, le petit-fils d'Arsène Lupin doit affronter une redoutable concurrence féminine : son éternelle rivale, la sublime et fatale Fujiko Mine... et une étrange policière, dont l'intérêt pour le journal suscite des interrogations. J'ajoute que dans l'ombre agit une mystérieuse organisation, nostalgique d'un ordre totalitaire heureusement disparu.

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   C'est donc rocambolesque à souhaits, quelque part entre James Bond et Les Aventuriers de l'Arche perdue. L'humour est bon enfant, décontracté, pas vulgaire, quoique gouailleur, parfois. Il ne faut pas toujours s'attacher à la vraisemblance des situations. J'ai été séduit par cet improbable enchaînement de péripéties, qui mélange les Akkadiens, les trous noirs, Adolf Hitler... et un samouraï !

   P.S.

   Fait étonnant pour ce type de production, l'image est hyper-chiadée, et pas qu'au niveau des décors. Sur un grand écran, la virtuosité de l'animation éclate, avec des effets parfois somptueux.

22:51 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 30 août 2020

La Bombe

   Ce roman graphique est l'événement éditorial de ces derniers mois. En noir et blanc, sur environ 450 pages, il raconte une histoire foudroyante, de la naissance de la Terre aux lendemains d'Hiroshima.

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   Cet énorme travail a été accompli par un trio masculin : Alcante et Louis-Frédéric Bollée au scénario, Denis Rodier au dessin. En fin d'ouvrage, tous trois reviennent sur leur travail.

   L'histoire nous est racontée de manière originale, puisque le narrateur est... l'uranium.  Cependant, celui-ci ne s'exprime directement qu'à de rares occasions. La plupart du temps, on suit l'intrigue comme si on la devait à un narrateur omniscient. Notons toutefois que le noir et blanc convient particulièrement aux séquences durant lesquelles l'uranium prend la parole.

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   Cette histoire se veut totale, c'est-à-dire de tous les temps et de tous les lieux. Les lecteurs reçoivent ainsi une sorte de cours (illustré) sur les débuts de la radioactivité. On en suit (à grands traits) l'évolution dans plusieurs pays : Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni et États-Unis. D'autres pays interviennent dans l'intrigue, l'URSS, le Japon, le Congo belge et la Norvège. Mais c'est principalement aux États-Unis que l'action se déroule.

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   C'est à l'université de Chicago (numéro 1 sur la carte ci-dessus) qu'a été réalisée la première réaction en chaîne, par une équipe internationale. Pour mettre au point la bombe atomique, deux usines ont été construites. Dans l'État de Washington, à Hanford (numéro 2), on a produit du plutonium (utilisé dans l'essai "Trinity" et pour la bombe de Nagasaki). Dans le Tennessee, à Oak Ridge (numéro 3), on a produit de l'uranium enrichi (utilisé pour la bombe d'Hiroshima). C'est finalement dans le Nouveau-Mexique, à Los Alamos (numéro 4), que le programme a trouvé son aboutissement.

   Le roman graphique réussit à rendre compréhensibles des procédures parfois complexes. C'est même est assez drôle quand il est question des relations entre les scientifiques et les militaires, entre les scientifiques et les politiques, voire entre les scientifiques eux-mêmes. L'accent est mis sur le rôle d'un militaire (le générale Groves, un vrai pitbull) et de trois scientifiques, Enrico Fermi, Julius Oppenheimer et le méconnu (mais décisif) Leo Szilard.

   C'est riche en anecdotes, comme celle de la piste de ski aménagée par les scientifiques en plein Nouveau-Mexique ou encore leurs exigences au niveau de la vie quotidienne... jusqu'à la mention des milliers de préservatifs que l'administration du site a dû se procurer... et l'existence de bébés clandestins, dont le lieu de naissance devait à tout pris rester secret !

   Je retiens aussi l'histoire de l'USS Indianapolis, un navire de guerre américain rescapé des attaques de kamikazes. C'est lui qui a livré les composants des deux bombes atomiques à la base de Tinian (dans les îles Mariannes). Quelques jours plus tard, il a été coulé par un sous-marin japonais, laissant des centaines de soldats au cœur du Pacifique, sans eau douce... mais avec les requins.

   C'est aussi un roman d'aventures, avec notamment l'expédition en Norvège (contre l'usine de Vemork), particulièrement haletante. La manière dont Américains, Britanniques et résistants norvégiens ont torpillé le programme nucléaire allemand mériterait à elle seule un album.

   Les aspects peu reluisants ne sont pas passés sous silence, des expériences sur animaux à celles (peu connues) sur des humains, au départ sur des ouvriers, puis sur des personnes atteintes d'une maladie incurable. D'autre part, même si la population japonaise est présentée globalement comme victime d'un crime horrible (à Hiroshima), la nature du régime militaire nippon est clairement montrée.

   Je crois que c'est dans la représentation du bombardement d'Hiroshima et de ses conséquences que le dessin atteint des sommets.

   C'est une œuvre magistrale, superbe sur le plan graphique, une belle synthèse historique à glisser dans sa bibliothèque.

   P.S.

   De larges extraits sont lisibles sur le site des éditions Glénat.

   P.S. II

   A celles et ceux qui ignoreraient son existence, je conseille la lecture d'un manga culte, Gen d'Hiroshima, de Keiji Nakazawa, rescapé de la bombe.

mercredi, 12 août 2020

L'Infirmière

   L'an dernier, j'ai découvert le réalisateur Kôji Fukada dans le cadre de la "quinzaine japonaise". A cette occasion, les spectateurs ont pu voir L'Homme qui venait de la mer, une oeuvre mystérieuse et contemplative, assez éloignée de ce film sur le plan formel. Sur le fond, on retrouve ici les obsessions du cinéaste : les relations sociales et un certain goût pour la marginalité.

   L'intrigue se déroule sur trois temporalités. La troisième est une sorte d'épilogue. Les deux autres se croisent pendant 1h30. La première (la principale) nous fait suivre la vie d'une infirmière libérale modèle (en apparence). Elle est dévouée à ses patients, inspire confiance aux familles. Elle est sur le point d'épouser un médecin divorcé, avec lequel elle travaille, à l'occasion.

   Le trouble naît de l'insertion de scènes postérieures (d'un an ou deux). La même actrice incarne une femme d'un genre très différent. Autant l'infirmière était effacée, mal fagotée, autant la seconde femme s'affirme, jusque dans son allure, assez classe. Les spectateurs les plus futés comprennent assez vite que rien n'arrive par hasard sur l'écran. Chaque scène de la deuxième trame chronologique répond à des éléments de la première.

   Notons que l'histoire baigne dans un univers essentiellement féminin. Quelques personnages masculins apparaissent, mais ce sont des "accessoires". Ainsi, dans le cabinet d'infirmières, on ne voit que des femmes. La famille chez laquelle se rend l'héroïne est composée de la grand-mère (en perte d'autonomie), de la mère (presque toujours au boulot) et des deux filles. Celles-ci incarnent deux archétypes. L'aînée, étudiante, s'habille en "djeunse" et semble dotée d'un caractère très indépendant. La cadette (plutôt lycéenne que collégienne) porte l'uniforme et correspond au stéréotype de l'adolescente mignonne.

   Au début, tout ne semble qu'harmonie, dans un monde réglé par des tâches quotidiennes... et un peu de musique classique (du Bach, si je ne m'abuse), diffusée pour apaiser la grand-mère. Un fait divers va perturber la vie de tous les protagonistes avec, en prime, l'intrusion des médias de masse. L'un des personnages va faire l'objet de harcèlement et de lynchage médiatiques. (C'est mis en scène avec plus de délicatesse que dans Le Cas Richard Jewell, où Eastwood manie la bétonnière et la truelle.) Dans le même temps, la relation entre deux des femmes prend un tour inattendu.

   C'est un film assez original, à découvrir.

14:33 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 11 juillet 2020

La Fête de la Bite

   Ce titre racoleur fait écho à la Une de M, le magazine du Monde, vendu avec le numéro de ce samedi :

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   Cette Une renvoie à l'un des articles principaux, qui traite d'une fête traditionnelle, liée à la fertilité dans le culte shinto. La pratique s'était étiolée. Elle a été remise au goût du jour à la fin du XXe siècle, avec un "léger" accent mis sur les aspects spectaculaires, en particulier la procession du phallus (puisqu'il s'agit d'un sexe en érection, et pas d'une vulgaire teub rabougrie). En japonais, on parle de "pénis de fer" (kanamara).

   Le regain de cette fête a donné un coup de fouet à la libido au tourisme local. Sur place, on vend des friandises aux formes suggestives et il n'est pas rare de croiser des personnes curieusement vêtues...

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   Certains habitants regrettent la fête d'autrefois, d'autant qu'elle est aussi devenue un point de ralliement de la "communauté" LGBT. Quoi qu'il en soit, cette année, pour cause de pandémie, ce sera peau de zob !

   P.S.

   Le magazine contient d'autres articles intéressants, notamment celui consacré à un migrant africain bloqué en Grèce... et admis à Sciences Po Paris.

lundi, 10 février 2020

First Love, le dernier yakuza

   J'ai enfin pu voir ce film de genre japonais. Pour sa sortie en France, on nous l'a présenté comme s'apparentant à certaines oeuvres de Quentin Tarantino (Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Kill Bill, entre autres). Il faudrait y ajouter les productions Grindhouse, ainsi que quelques films d'action américains récents comme Equalizer (à cause de la séquence du magasin de bricolage).

   Le début nous présente, façon puzzle, les principaux personnages : le jeune boxeur orphelin, les yakuzas japonais, âgés comme jeunes, les mafieux chinois, les policiers plus ou moins honnêtes, les petites frappes locales... et une étrange jeune femme, un peu cinglée, droguée en quête de sa dose, retenue prisonnière.

   L'objet de convoitise, qui va déclencher un engrenage de violences, est un "colis" de cocaïne, qui rentre dans le trafic de la bande de yakuzas et que l'un d'entre eux veut détourner à son profit. Un flic corrompu se greffe là-dessus, sans savoir que la mafia chinoise veut mettre le main sur le "paquet"... et, éventuellement, se débarrasser de la concurrence japonaise.

   Evidemment, rien ne va se passer comme prévu, de la jeune prisonnière qui s'échappe à l'agression du livreur de coke qui dérape, sans parler de l'exécution de sa compagne, qui prend un tour particulièrement surprenant.

   A partir du moment où les flingues et les sabres sont de sortie, cela devient vraiment intéressant... parce que, sinon, c'est un peu mou du genou, parfois même agaçant en raison du jeu outré de certains comédiens, en particulier deux des actrices (la prisonnière, à laquelle on a envie de filer des claques, et la veuve furieuse, qu'on se lasse d'entendre hurler).

   L'ensemble des protagonistes (du moins, ceux qui ont survécu jusque-là) se retrouve dans une grande surface de bricolage, pour une séquence riche en sauce tomate. Dans une semi-obscurité, presque tous les personnages vont s'entretuer, à coups de flingues, de fusil à pompe, de couteau, de sabres et de poings. Même si la fin n'est pas des plus réussies, je suis sorti de là assez satisfait.

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mercredi, 05 février 2020

L'Adieu

   Ironiquement, une incrustation placée au tout début informe les spectateurs que l'intrigue du film est inspirée... d'un mensonge. Celui-ci est au coeur de la réunion de famille qui s'organise un peu à l'arrache, en Chine, officiellement pour célébrer le mariage de l'un des petits-enfants. En réalité, les adultes de la "tribu" ont appris que la grand-mère est en phase terminale de son cancer du poumon, un état de santé qu'on lui a jusqu'à présent soigneusement caché.

   Avant d'en arriver aux retrouvailles, on nous présente les différentes branches de la famille. Les deux fils de la matriarche se sont expatriés des dizaines d'années auparavant (si on lit entre les lignes : quelques années à peine après la répression du printemps de Pékin...). Le premier couple vit à New York, en plus ou moins bons termes avec la fille unique, une trentenaire pas encore fixée sur ce qu'elle veut faire de sa vie. Le second couple vit au Japon, où est né le fils sur le point de convoler avec une ressortissante nippone. En Chine, on découvre le reste de la famille : la tante et les cousins.

   Cette histoire pleine de délicatesse se déguste d'abord pour la description du fossé culturel qui s'est creusé entre les expatriés, leurs enfants et les Chinois de Chine. Les premiers ne parlent plus aussi bien leur langue maternelle, méconnaissent les traditions, tandis que, chez les seconds, on sent un petit complexe d'infériorité, ainsi qu'une observance quasi servile des rituels surannés..

   L'humour n'est pas absent. En fil rouge, il y a cette plaisanterie de fin de repas, qu'on nous raconte au début. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir ce que cache l'euphémisme "monter sur le toit"... Toutefois, qu'on ne s'attende pas à de la franche rigolade. C'est un humour discret, saupoudré (à bon escient) en quelques endroits.

   L'autre intérêt du film est sa mise en scène des relations entre femmes. C'est d'ailleurs peut-être le moment de préciser que la réalisation est due à une représentante du "deuxième sexe", Lulu Wang. Elle a clairement choisi de mettre l'accent sur les personnages féminins... et elle a eu raison, tant ceux-ci sont bien incarnés. Il y a bien sûr la grand-mère, une femme simple, qui, dans les difficultés de la vie, a acquis une sagesse dont elle tente de faire profiter ses cadettes. Il y a aussi l'une de ses brus, dotée d'une forte personnalité, et qui semble "porter la culotte" dans son ménage. Il y a enfin Billi, la petite-fille préférée, l'artiste un peu ratée, le cul entre deux chaises, mal à l'aise dans la culture chinoise comme dans l'hyper-urbanité individualiste new-yorkaise. Dans le rôle, Awkwafina (vue notamment dans Ocean's 8 et Jumanji 2) est formidable.

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   L'un des sommets du film est le repas de mariage, avec déclarations convenues et karaoké consternant. Mais deux autres scènes m'ont davantage marqué. La première est le petit affrontement entre Billi et sa mère, au cours duquel chacune vide son sac. Dans un premier temps, la réalisatrice semble diriger notre sympathie vers la jeune (qui est très attachée à sa grand-mère). Mais la scène bascule quand la mère révèle quelques aspects de sa vie passée et affirme nettement son caractère, ce qu'elle évite de faire en public, aux côtés de son mari.

   La deuxième scène marquante est le dialogue, dans une chambre, entre la grand-mère et la petite-fille. Il s'y dit beaucoup de choses. On en sous-entend d'autres, plus difficilement exprimables. C'est superbement joué et j'ai été ému.

   P.S.

   Ne partez pas trop vite à la fin : on découvre que cette intrigue mensongère est inspirée d'une histoire vraie.

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samedi, 25 janvier 2020

Les Mystérieuses Cités d'or, saison 3

   France 4 vient d'achever la rediffusion de la troisième saison de la série animée. Depuis un peu plus d'un an, la première saison (culte), qui date des années 1980, est disponible intégralement sur le site de la chaîne. Jadis, l'annonce de la mise en chantier d'une suite (composée de deux saisons) avait suscité l'intérêt. Mais la diffusion de la saison 2, si elle avait conquis un public enfantin, avait déçu les adultes, qui en ont trouvé le ton plus immature que dans la première mouture. Sur le fond, les épisodes associent toujours histoire et science-fiction, avec un mini-documentaire en toute fin. L'intrigue, située en Chine, avait sans doute contribué au succès.

   Cela s'est nettement amélioré dans la saison trois, je trouve. Les héros sont transportés du Japon en Inde puis en Iran, dans une farandole de civilisations propre à émerveiller et éveiller la curiosité des enfants. C'est plus rythmé, moins puéril, avec même l'ébauche d'une histoire d'amour adulte entre deux personnages (Mendoza et Laguerra).

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   Cette redoutable et ravissante jeune femme est d'ailleurs la plus belle révélation de la troisième saison. C'est la fille d'un personnage aperçu dans la saison 1, qui a été recueillie par le méchant de l'histoire (lui-même très réussi). L'effrayant Zarès en a fait sa comparse, une comparse particulièrement redoutable au fouet et à l'épée... mais qui n'a pas mauvais fond. Son apparition coïncide avec la mise en avant de Zia, le membre féminin du trio de héros enfants. Elle se découvre des pouvoirs insoupçonnés et, contrairement à ce qui se passait dans la saison 1, elle va sauver la mise des garçons à plusieurs reprises :

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   A l'issue de cette troisième saison, quatre cités d'or ont été découvertes : en pays maya, au Tibet, à proximité des côtes japonaises et en Iran. Celles et ceux qui connaissent la série savent que, dès la première saison, il était question de sept cités. Mais, du côté français, TF1 semblait avoir renoncé à financer la suite. C'est France Télévisions qui a pris le relais. L'année 2020 verra la diffusion de la quatrième et dernière saison, dont on présume qu'elle conduira les héros en Afrique... et peut-être quelque part en Europe.

lundi, 23 décembre 2019

Star Wars : 350 anecdotes

   La sortie de ce livre est fort opportune, juste avant que l'épisode IX ne soit diffusé dans les salles françaises. Il contient une foultitude de détails, certains connus, d'autres moins. L'auteur Chris Pavone s'est livré à un impressionnant travail de compilation. L'ensemble est bien écrit, facile à lire... et constitue le cadeau de Noël idéal (et pas cher : 10 euros) pour les fans de la série.

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   Beaucoup d'anecdotes évoquent la création de l'habillage visuel ou sonore des films. Ceux qui l'ignoreraient découvriront qu'avant l'ère du numérique, on bidouillait beaucoup. (On continue encore...) Ainsi, le son des sabres-lasers est constitué d'un mélange du bruit fait par le moteur d'un projecteur de cinéma et d'interférences micro. Pour la petite histoire, je signale que la premier sabre-laser à sortir du "canon" (bleu/rouge) est celui de Mace Windu, interprété par Samuel Jackson. Celui-ci avait exigé de disposer d'un sabre personnalisé... violet !

   Sans surprise, les références au monde des samouraïs abondent. Le terme Jedi est d'ailleurs un décalque du japonais "Jidai Geki", qui désigne, au pays du soleil levant, un genre théâtral, cinématographique et télévisuel.

   Au niveau des sons, sachez que le cri d'un monstre marin est en réalité la déformation du... rot du bébé de l'un des membres de l'équipe. Autre détail croustillant : dans l'épisode VII, c'est le ronronnement d'un chat qui a été utilisé pour exprimer l'usage de la Force. Un dernier bidouillage, pour la route : dans l'épisode I, le public de la course est représenté à l'aide de cotons tiges !

   Passons aux personnages principaux. Sachez que Chewbacca a été inspiré à George Lucas par son... chien, un Malamute d'Alaska nommé... Indiana ! (Le livre regorge d'ailleurs de réflexions sur les liens entre Lucas et Spielberg). Sa fourrure est faite de poils de yak et de mohair.

   Autre second rôle emblématique de la saga, R2-D2 bénéficie de plusieurs notes dans le livre. On y apprend l'origine de son nom ("Reel 2 Dialog 2"), les tourments de l'un des acteurs (nain) chargé de mouvoir le robot de l'intérieur (un jour, il a été oublié par l'équipe partie déjeuner) et le pourquoi de ses "bips" qui semblent tellement choquer C-3PO.

   J'ai gardé mon préféré pour la fin. Sous ses identités successives, Dark Vador a été interprété (physiquement et vocalement) par onze acteurs différents tout au long de la saga... le pire étant peut-être Hayden Christensen, dont la carrière a d'ailleurs périclité après le tournage de la prélogie. Signalons que le masque qui apparaît à la fin de celle-ci a été créé par un Français, Martin Rezard. Je pense que personne ne sera étonné d'apprendre que cet objet culte est inspiré d'un masque samouraï, le pectoral lui trouvant son inspiration dans l'Ancien Testament. Le masque a rencontré un tel succès qu'il a inspiré une gargouille de la cathédrale de Washington !

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   Bonne lecture !

Millennium Actress

   On doit ce film d'animation au Japonais Satoshi Kon, auteur, entre autres, des superbes Perfect Blue et Paprika. Mort précocement en 2010 à l'âge de 46 ans, il n'a hélas pas eu le temps d'étoffer une cinématographie qui, par ce que j'en ai vu, a de quoi rivaliser (en qualité) avec celle d'Hayao Miyazaki.

   L'action se déroule dans les années 1990, puisqu'on nous dit que l'actrice en question, qui a dépassé 70 ans, est née l'année du grand séisme du Kanto, en 1923. Faites le compte : 1923 + 70-75 = 1993-1998. Dans certains des retours en arrière, on la voit enfant sous le régime militariste qui a conduit le Japon au fond du gouffre, en 1945.

   Le fil rouge est le reportage qu'un duo de journalistes (l'un d'entre eux fan de l'actrice depuis des années) obtient de tourner chez la comédienne âgée. Un petit cadeau va lancer la série de confidences et, dans la foulée, une vague de scènes bourrées de références.

   On découvre l'actrice jeune, de ses débuts à ses derniers succès dans les années 1960, avant qu'elle ne se retire du métier, pour des raisons qui restent longtemps mystérieuses. Cette actrice a joué aussi bien dans des romances, que dans des films de samouraïs, de science-fiction ou de guerre. La grande habileté du scénario est d'avoir entremêlé la vie de l'actrice et ses rôles.

   Au niveau de la mise en scène, il faut signaler un procédé cocasse : les deux journalistes contemporains sont insérés dans les retours en arrière qui illustrent les instants de la carrière et de la vie de la comédienne.

   A l'origine de cette carrière se trouve un coup de foudre, en pleine période de dictature. Ici, les rôles traditionnels sont renversés : c'est l'amoureuse qui part à la recherche de son aimé. C'est follement romanesque, un brin désuet. J'ai adoré.

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jeudi, 15 août 2019

Le Mystère des pingouins

   Un matin, en se rendant à l'école, le jeune Aoyama croise... des pingouins (appelés "penguins" dans la version originale japonaise, qui ne fait pas la différence avec des manchots). Démarre alors une incroyable enquête, menée par ce gamin obstiné, très bon élève et sûr de lui. Il va d'abord s'appuyer sur l'assistante du dentiste, une charmante jeune femme dont il est secrètement amoureux. Celle-ci semble avoir un lien particulier avec les pingouins...

   Très vite, un autre mystère surgit : l'apparition d'une gigantesque bulle d'eau opaque, dans une clairière située au coeur d'un bois quasi impénétrable. Celle-ci semble aussi avoir un lien avec les pingouins. Aoyama tente de résoudre cette énigme-ci en compagnie de son meilleur ami et d'une camarade de classe très douée, excellente joueuse d'échecs... et amoureuse de lui (ce dont il ne se rend pas compte).

   L'intrigue est foisonnante, bien mise en images, même si le résultat n'est pas aussi impressionnant que dans Les Enfants de la mer, Maquia ou encore Wonderland. C'est du fantastique poétique... ou de la poésie fantastique. Au passage, comme les héros sont des élèves de fin de primaire, on a droit à une plongée dans l'univers scolaire japonais, avec ses problèmes de harcèlement. Mais ce n'est pas montré de manière caricaturale. L'histoire s'étire suffisamment pour laisser place à l'évolution de certains personnages.

   Le plus étonnant est le lien qui se noue entre Aoyama et la jeune assistante (qui semble beaucoup plus compter à ses yeux que sa propre mère, que l'on voit surtout s'occuper de sa soeur cadette). Elle le fait progresser aux échecs et l'aide dans son enquête, en particulier pour ses expériences. (Le gamin est féru de sciences.) On notera que, dans ce film, on ne voit ni ordinateur ni téléphone portable... mais une télévision à écran plat est présente, à l'école. Cela indique que l'on n'est ni tout à fait dans le passé, ni dans le présent, mais plutôt dans un monde imaginaire, parallèle.

   A l'arrière-plan (pour les adultes), on remarque qu'il est question d'harmonie (perdue, à retrouver). Je pense que le film est nourri de références au yin et yang, ne serait-ce qu'à travers les éléments en noir et blanc présents à l'image (pourtant en couleurs) : les pingouins et les jeux d'échecs, auxquels on peut ajouter l'opposition entre la nuit et le jour. Celle-ci est déterminante pour comprendre comment apparaissent les pingouins et leur pendant maléfique, les Jabberwocks. Concernant les échecs, on remarque que les parties montrées à l'écran (au café, dans la salle de classe ou lors d'un pique-nique) opposent systématiquement un personnage féminin à un personnage masculin.

   Tout cela pour dire que, même si ce n'est pas l'animation la plus virtuose sortie cet été, elle est d'un très grand intérêt en raison de son scénario fouillé et de ses différents niveaux de lecture. J'ai trouvé la fin très émouvante.

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lundi, 05 août 2019

Wonderland, le royaume sans pluie

   Ce royaume est celui d'un monde parallèle, dans lequel l'héroïne Akané va se retrouver embarquée (en compagnie d'une commerçante un peu fantasque) par un alchimiste guindé (Monsieur Hippocrate) et son assistant lilliputien.

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   Auparavant, on aura goûté au monde réel, celui d'une fille unique d'un couple dont l'épouse est restée au foyer. (On ne verra jamais le père.) A l'école, les relations entre élèves sont parfois compliquées. Heureusement, il y a le chat Gorobeh (avec coucougnettes apparentes) qui la câline... ou lui pète à la figure !

   Ce film d'animation japonais est foisonnant, tant au niveau des images que de l'intrigue. (Le réalisateur, Keiichi Hara, s'est fait connaître par Colorful et Miss Hokusai.) L'ambiance s'inspire visiblement de l’œuvre de Miyazaki, mais aussi de Tolkien et sans doute des contes de fées européens. Quand j'aurai ajouté que le monde parallèle subit une redoutable sécheresse, qui menace la vie de tous ses habitants, vous aurez compris que les préoccupations environnementales ne sont pas absentes de ce film visible par tous, mais sacrément élaboré.

   L'habileté de l'animation se voit aux jeux d'ombre et de lumière, aux reflets, aux couleurs, en particulier dans les scènes de repas. Je suis sorti delà bigrement affamé !

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   Dans le monde parallèle, on croise des oiseaux et poissons géants (superbe scène nautique à la clé), d'énormes moutons capables de mettre en échec un petit char, des magiciens, des forgerons... et un étrange individu, Zang, mi-squelette, mi-robot, dont on ne découvre que tardivement la véritable identité.

   C'est romanesque à souhait, très bien dessiné, avec de l'humour (ah, les chats douaniers...), de multiples rebondissements... et c'est peut-être moins hermétique que le non moins superbe Les Enfants de la mer, sorti il y a quelques semaines.

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samedi, 13 juillet 2019

Les Enfants de la mer

   Ce film d'animation est l'adaptation d'un manga, par un illustre inconnu, Ayumu Watanabe. Les héros sont trois (pré)adolescents (ni crétins, ni rivés sur leur téléphone portable), une fille et deux garçons. Les parents de celle-ci travaillent dans un parc d'attraction aquatique, qui fascine leur fille depuis son plus jeune âge. De surcroît, elle semble avoir un don pour communiquer avec le monde marin. Par contre, à l'école, la gamine pleine d'énergie ne se fait pas que des amis...

   Un été, au début des vacances, elle rencontre deux garçons très spéciaux, Umi et Sora, deux orphelins qui ont été recueillis par des chercheurs après avoir été élevés par des dugongs. Ils paraissent dotés de pouvoirs surnaturels. (A un moment, le film nous propose une scène éblouissante avec des dugongs, animaux très joueurs et qui manifestent si paisiblement leur affection pour leurs proches.)

   Un mécanisme s'enclenche après le passage d'un météore, qui s'est échoué dans l'océan, à un endroit où la faune marine semble converger, notamment d'extraordinaires baleines qui, dans certaines circonstances, deviennent resplendissantes. La clé se trouve peut-être dans leur chant, étudié par des scientifiques, eux-mêmes chapeautés par des militaires qui aimeraient bien tirer parti de leurs découvertes.

   Vous réalisez donc que c'est d'une grande richesse scénaristique. Le film traite à la fois (évitant la lourdeur comme la superficialité) des problèmes familiaux, de l'intégration à l'école, d'amitié, de la sauvegarde des océans... et de l'origine du monde.

   Au niveau de la mise en images, c'est souvent d'une beauté stupéfiante. On a visiblement beaucoup travaillé les effets autour de l'eau (de l'océan, des piscines, de la pluie... et même des larmes). Soyez aussi attentifs aux (grands) yeux des personnages principaux (et des baleines). Il s'y passe beaucoup de choses. J'ajoute que les décors sont superbes et que les jeux de lumières sont à couper le souffle.

   Le dernier quart de l'histoire tourne au conte philosophique (genre 2001, L'Odyssée de l'espace). La base en est quand même scientifique : la vie sur Terre vient de l'eau et celle-ci est arrivée de l'espace (je fais court). Comme les Japonais ne sont pas monothéistes, ils ne vont pas chercher un deus ex-machina derrière tout cela. Non, l'explication se trouve plutôt dans une forme de panthéisme, parfaitement compatible avec des convictions écologistes.

   Dit ainsi, cela semble peut-être pompeux. Allez voir le film, et vous comprendrez sans peine, grâce aux images.

   Je ne sais pas qui est Ayumu Watanabe (le réalisateur), mais il peut prétendre au titre de digne successeur d'Hayao Miyazaki !

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dimanche, 16 juin 2019

Nicky Larson Private Eyes

   Quinzaine japonaise, acte IV. Cette adaptation en long-métrage animé du manga City Hunter succède, en France, au film délicieusement régressif de Philippe Lacheau. Celui-ci ayant plutôt bien marché (ayant attiré environ 1,7 million de spectateurs), il est étonnant que la distribution de l'animé soit aussi parcimonieuse.

   La plupart des séances sont proposées en version doublée (à laquelle a contribué P. Lacheau). Je me suis tourné vers l'une des rares séances en version originale sous-titrée. L'intrigue aura un goût de déjà-vu pour les familiers de la série télévisée. Une ravissante jeune femme est menacée par de mystérieux individus. Coup de bol pour elle : elle va bénéficier de la protection du meilleur garde du corps du monde, à savoir Nicky Larson.

   Hélas pour elle, son protecteur, s'il est un combattant d'élite, a une mentalité de gamin de treize ans. C'est la principale source de gags de l'histoire. On y voit aussi un gros dur fondre en larmes pour un petit robot pour lequel il s'est pris d'affection.

   Une place assez importante est laissée à Laura, la partenaire de Nicky, dont on découvre depuis quand elle a pris l'habitude de marteler le crâne des mecs immatures à l'aide d'une massue. Elle se trouve aussi embarquée dans une étrange histoire sentimentale : elle recroise un séduisant ami d'enfance, qui est désormais à la tête d'un puissant conglomérat, dont l'étendue des activités ne cesse de surprendre les détectives...

   Au niveau du dessin, c'est de la production industrielle japonaise : pas dégueu, mais pas brillant. Aux amateurs de graphisme élaboré, je conseille d'aller voir plutôt Maquia, dont l'intrigue est de surcroît d'une autre tenue.

   D'humeur indulgente, je me suis laissé prendre à cette histoire rocambolesque, menée à la truelle. Si j'ai parfois un peu piqué du nez, la dernière demi-heure a retenu toute mon attention. Cela devient trépidant... et très violent.

   C'est un film visiblement fait pour les aficionados.

   P.S.

   Le réalisateur Kenji Kodama s'est d'abord fait connaître au Japon avec la série Cat's Eye (Signé Cat's Eyes dans la version française). Cela explique les nombreuses références insérées dans ce film.

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samedi, 15 juin 2019

L'Homme qui venait de la mer

   Quinzaine japonaise, acte III. L'homme dont il est question semble assez jeune (âgé de 25-30 ans). Il émerge un jour sur une plage indonésienne, dans la province d'Aceh, sur l'île de Sumatra. Son identité est inconnue (d'autant qu'au début il ne parle quasiment pas), mais il porte des vêtements qui ressemblent à ceux d'un touriste japonais qui a récemment disparu, mais dont personne ne sait à quoi il ressemble.

   Pour éclairer ce mystère, les habitants de la région comptent sur une Japonaise installée là depuis des années. Elle vit avec son fils, issu d'un mariage mixte. Elle est sur le point d'accueillir sa nièce, en provenance du Japon. Dans le même temps, on suit une jeune Indonésienne musulmane qui, en compagnie d'un ami d'enfance, interroge les habitants de l'île, notamment ceux qui ont connu le terrible tsunami de 2004.

   L'intrigue entremêle donc deux propos. D'un côté, il est question des relations entre Indonésiens et Japonais. Pour les plus jeunes habitants de l'île, ceux-ci sont d'abord des touristes issus d'un pays riche. Pour les plus âgés, ce sont des ressortissants d'un ancien envahisseur, dont la "sphère de coprospérité orientale" n'a pas laissé de très bons souvenirs dans la région.

   L'autre versant de l'intrigue est d'ordre surnaturel. L'arrivée de "l'homme de la mer" suscite d'abord la curiosité, puis le trouble. Des phénomènes inexpliqués se produisent. Le voilà qui se met à parler (même si c'est de manière laconique et souvent sibylline), en japonais et en indonésien. De plus, il semble pouvoir se déplacer très rapidement, voire se trouver à deux endroits en même temps, il peut même marcher sur l'eau et... réalise ce qui ressemble à des miracles ! Dans une province très conservatrice, où s'applique la charia et où le principal personnage féminin indonésien déclare sans la moindre gêne qu'il n'est pas question qu'elle épouse un non-musulman, il y a de quoi perturber !

   Mais qu'on imagine pas un propos sociologisant lourdingue. La plupart des choses sont suggérées. Le réalisateur est d'évidence un formaliste, qui construit ses plans dans un objectif d'abord contemplatif. C'est perceptible dès le début, avec la vision de l'homme qui sort progressivement de l'eau, puis nous est montré vu du ciel, étendu sur la plage, à côté des vagues qui viennent lécher le sable.

   Le film ne dure qu'1h25. Il constitue une belle expérience esthétique... et (à mon avis) un acte militant en faveur du "vivre ensemble".

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Civisme japonais

   Il a beau être devenu un lieu commun de souligner la dignité du comportement des Japonais en général et des supporteurs japonais en particulier, je ne vois pas pourquoi je me priverais de signaler à nouveau le civisme dont font preuve les habitants du pays du soleil levant.

   Les Français sont actuellement particulièrement bien placés pour faire ce constat, en raison de la coupe du monde féminine de football, organisée dans l'Hexagone. L'équipe nipponne, tenue en échec par l'Argentine lundi dernier, s'est rattrapée hier en battant l'Ecosse. Mais le spectacle était aussi dans les gradins, comme l'a signalé hier soir le compte twitter de la FIFA :

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   Ce supporteur-là semble être un soutien assidu des équipes nationales, puisque l'an dernier, il était déjà présent en Russie, lors de la coupe du monde masculine, durant laquelle il a fait preuve du même civisme :

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   Si l'on remonte dans le temps, quelle que soit la compétition à laquelle les Japonais ont participé (par exemple au Brésil en 2014), le comportement de leurs supporteurs semble avoir été toujours exemplaire... et ce n'est une surprise ni pour les Français en général (s'ils ont un peu de mémoire), ni pour moi en particulier, puisque j'ai pu l'observer en 1998, à l'occasion de la coupe du monde qui s'était déroulée dans notre pays. A l'époque, je connaissais des personnes qui s'étaient (pour diverses raisons) trouvées dans l'un des stades (ou à proximité) à l'occasion des matchs de l'équipe japonaise, dont c'était la première participation. A l'extérieur, les supporteurs faisaient preuve d'une discipline exemplaire. A l'intérieur du stade, ils s'étaient distingués notamment par leur respect des locaux : ils étaient venus avec leur repas et ont remporté tous les déchets dans des sacs en plastique... qu'ils ont aussi remplis en nettoyant les abords de leurs places. A Nantes et à Toulouse, je pense qu'on s'en souvient encore : les gradins étaient plus propres après leur départ qu'à leur arrivée !

vendredi, 14 juin 2019

Ne coupez pas !

   Quinzaine japonaise, acte II. Cette fois-ci, j'ai vu un film avec de vrais acteurs. Cette petite production nipponne, sortie en France en avril dernier, fait beaucoup parler d'elle. Son titre est à double sens : il s'agit bien entendu d'une expression propre au domaine cinématographique (et l'un des personnages la prononce au cours du film)... et c'est une allusion à certaines péripéties, qui font intervenir des morts-vivants... et une hache.

   Nous voilà plongés dans le tournage d'un film d'horreur bon marché. Le site est une ancienne station d'épuration, dont on finit par apprendre que, des années auparavant, elle a été un centre d'expérimentations de l'armée japonaise. Très vite, cela dérape : d'authentiques zombies débarquent et s'attaquent à l'équipe de tournage.

   Je ne peux pas en dire trop, mais sachez qu'à cette première mise en abyme succède une autre, puis encore une autre. La première partie prend la forme d'un unique plan séquence de trente minutes environ... et ce que l'on voit à l'écran est très mauvais. C'est une caricature de tout ce que l'on peut rassembler comme clichés sur un film d'horreur. Cela m'a d'ailleurs inquiété. La suite serait-elle du même tonneau ?

   Heureusement non. La deuxième partie de l'histoire est un retour en arrière, qui nous raconte la genèse du film, de l'écriture du scénario aux répétitions du plan-séquence, en passant par le choix des comédiens, parfois dû au hasard. C'est une vision ironique du monde du cinéma, avec ses coquetteries et ses jalousies.

   Mais le meilleur vient avec la troisième partie. On revoit le navet du début, mais du point de vue des coulisses. On découvre comment le plan-séquence a été tourné et, là, cela devient franchement drôle. Tout ce qui paraissait bizarre, mal fagoté voire incompréhensible au début s'éclaire sous un jour nouveau, en général comique. C'est un joli tour de force, qui incite les spectateurs à la patience et à la modestie : ce qui de prime abord ressemblait à un épouvantable nanard se révèle une œuvre expérimentale plutôt ingénieuse.

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jeudi, 13 juin 2019

Maquia - When the promised flower blooms

   Dans le cadre de la quinzaine japonaise des cinémas CGR (les Saisons Hanabi), j'ai découvert ce film d'animation, dont l'intrigue s'inscrit dans un univers d'heroic fantasy, où l'on perçoit l'influence de l'œuvre de Tolkien. L'action se déroule dans un Moyen Age fantasmé, urbain et rural, avec des châteaux-forts, des chevaliers, des auberges, des marchands et des paysans.

   On y croise des êtres fabuleux, comme les Renatos, sortes de dragons ailés, et le peuple Iolph, à l'extraordinaire longévité : quand les humains vieillissent de 10 ans, eux gagnent l'équivalent d'un ou deux ans. Maquia est l'une d'entre eux. Comme la plupart des femmes de son peuple, elle vit isolée du reste du monde et consacre ses journées à tisser d'impressionnantes étoffes, qui racontent les destins des êtres.

   Cette quiétude est chamboulée par l'intrusion des soldats du royaume voisin, qui massacrent la population pour ne garder que quelques femmes. La meilleure amie de Maquia est dans ce cas, tandis que l'héroïne réchappe par miracle à la tuerie... et s'entiche d'un bébé dont les parents ont été tués.

   A partir de ce moment, l'intrigue se dédouble. On suit Leilia retenue prisonnière au royaume, mariée de force à l'héritier de la couronne, tandis que meurent peu à peu les derniers Renatos, pour une raison mystérieuse. Dans le même temps, Maquia mène sa petite vie de mère célibataire, d'abord à la campagne, où elle se fait des amis, puis en ville. Au bout de quelques années, elle se force à migrer, pour éviter que les humains qu'elle côtoie ne se demandent comment il se peut qu'elle ne vieillisse pas, alors que son bébé devient un enfant, un adolescent, puis un jeune adulte.

   Le fond de l'histoire est donc riche. La jeune Iolph va comprendre pourquoi on leur interdisait de vivre parmi les humains : ceux-ci peuvent se montrer agressifs avec ce qu'ils ne comprennent pas et tout Iolph est destiné à voir rapidement vieillir et mourir les personnes qu'il/elle aime. C'est aussi une réflexion sur la maternité et l'éducation des enfants. Signalons que l'auteur, Mari Okada, est une femme, scénariste de formation.

   Le graphisme n'en est pas moins très élaboré. Certains plans sont une véritable splendeur, comparables à ce qu'on peut voir dans les meilleures œuvres d'Hayao Miyazaki.

   J'ai donc beaucoup apprécié ce film, en dépit de ses longueurs et de l'aspect un peu trop mélo de la seconde partie. Celle-ci est aussi parfois trépidante, avec l'assaut du château principal par des rivaux des kidnappeurs du début.

   Je recommande vivement cette œuvre originale, parfois captivante.

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mardi, 05 mars 2019

Le Château de Cagliostro

   Quelques semaines après la sortie d'un documentaire consacré à Hayao Miyazaki, voilà que son premier long-métrage est de nouveau sur les écrans. C'est l'un des rares que je n'avais encore pas vus.

   Au niveau de la forme, cela rappelle les dessins animés des années 1970-1980. C'est donc moins élaboré que les œuvres ultérieures du maître... mais c'est toujours mieux que n'importe quelle adaptation de Dragon Ball (comme celle dont on nous a fait la promotion dans les bandes-annonces)... Le style rappelle ce que Miyazaki a fait dans la série Sherlock Holmes ou dans Edgar de la Cambriole, que ce film a permis de lancer.

   On retrouve néanmoins le souci du détail des œuvres de Miyazaki, ainsi que le désir de "creuser" ses personnages, au long d'une histoire fouillée, pleine de rebondissements. C'est feuilletonnesque, à l'image de ce qu'on peut lire sous la plume d'un Jules Verne ou d'un Alexandre Dumas. (Ce dernier est l'auteur d'un Joseph Balsamo, dont le héros est un certain Cagliostro.)

   De quoi est-il question ? D'une jeune femme enlevée, de mystérieuses bagues, d'un trafic de fausse monnaie, d'une bande de mafieux ressemblant à des créatures extraterrestres... et d'un château fantastique, regorgeant de souterrains, passages secrets et ouvertures masquées.

   C'est plaisant à suivre et visible par tout le monde, puisque l'humour est bon enfant. On voit clairement la parenté avec d'autres mangas mettant en scène un héros cavaleur et dont l'une des acolytes est une jeune femme furieusement indépendante (et ravissante, cela va sans dire). Ici, elle se prénomme Magali. Rappelons-nous que nous sommes en 1979 et que c'est destiné à des enfants.

   Pendant 1h40, on peut se plonger dans ce roman d'aventures illustré, un brin surréaliste, dont on sait par avance qu'il ne va pas mal finir.

00:08 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 09 janvier 2019

Never-Ending Man : Hayao Miyazaki

   Ce court (1h10) documentaire japonais est consacré à l'une des grandes figures du cinéma d'animation, qui a fortement contribué à renouveler le genre et à l'élever au rang d'art majeur. Nombre de cinéphiles gardent des souvenirs émus de Nausicaä, du Château dans le ciel, de Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro, entre autres. Ses dernières œuvres sont Ponyo sur la falaise et Le Vent se lève, qui devait être l'ultime, en 2013.

   C'est donc un "jeune" retraité (de plus de 75 balais, quand même) que le réalisateur suit, caméra numérique au poing. Signalons tout de suite que l'image n'est pas d'une qualité exceptionnelle et, surtout, que le son est parfois épouvantable. Mais c'est pour mieux connaître le Maître que l'on va voir ce film.

   On découvre un homme passionné par son art, qui ne peut se résoudre à raccrocher. J'ai beaucoup aimé les scènes qui le montrent en train de dessiner. Parfois, un extrait de l'un de ses films est placé en contrepoint. On le suit aussi dans sa vie quotidienne, dans sa maison, devant laquelle est garée une antique 2CV ! On ne verra toutefois pas son épouse, ni de détail scabreux. L'homme est pudique, resté modeste malgré la reconnaissance internationale.

   Par contre, dans le boulot, il peut se montrer cassant. Exigeant avec les autres comme avec lui-même, il n'aime ni l'approximation, ni le travail bâclé. Mais, découragé par la somme d'efforts que nécessite la création à la main d'un long-métrage animé, Miyazaki expérimente l'outil numérique, en compagnie d'une nouvelle équipe de jeunes (l'ancienne ayant été dissoute après son dernier film), qui ne témoigne pas à son égard d'un respect particulier. J'ai eu l'impression que, certes, ils reconnaissaient l'apport du grand ancien, mais qu'ils le considéraient peut-être comme faisant partie d'un monde révolu. Les étapes de la création du court-métrage Boro la chenille n'en sont pas moins passionnantes à suivre.

   Ce n'est pas trahir un grand secret que de révéler que Miyazaki n'a pas été conquis par l'animation numérique. Il devient même franchement hostile quand il apprend qu'une équipe japonaise, spécialiste d'intelligence artificielle, prévoit de créer un programme qui permettra de remplacer complètement les humains ! Du coup, malgré son grand âge, malgré l'affaiblissement de ses capacités intellectuelles et physiques (ce dont il est conscient), malgré le décès de certaines de ses collaboratrices historiques (une dessinatrice avec laquelle il a travaillé pendant quarante ans ainsi que sa coloriste attitrée), Miyazaki décide de se lancer dans un ultime projet (dont l'aboutissement est pour l'instant prévu en 2022).

   Ce n'est pas un "beau" film sur le plan esthétique, mais il intéressera les fans de manga et d'animation de qualité.

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mercredi, 02 janvier 2019

Miraï, ma petite soeur

   J'ai parfois lu et entendu que cette oeuvre révélait au grand public un créateur de la trempe d'Hayao Miyazaki (dont je parlerai bientôt). C'est oublier que Mamoru Hosoda n'est pas un débutant. Cela fait une quinzaine d'années qu'il réalise des longs-métrages, parmi lesquels on peut distinguer Summer Wars, Les Enfants Loups et, il y a trois ans, l'enthousiasmant Le Garçon et la bête.

   D'ailleurs, dès les premières minutes, n'importe quel spectateur peut constater quel est le degré de maîtrise de l'auteur, à travers plusieurs types de plan. Il y a les vues aériennes d'une grande ville portuaire, sans doute Yokohama. Il y a les scènes montrant le gamin faire de la buée sur les vitres avec son souffle, un geste simple mais très difficile à mettre en image. Il y a enfin les premiers instants du bébé à la maison, en gros plan... saisissant.

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   L'histoire s'adresse à la fois aux parents et aux enfants (de différents âges). Le coeur de l'intrigue porte sur la jalousie que Kun éprouve à l'arrivée de Miraï dans la famille. Le gamin, déjà assez capricieux à la base (et jamais puni par ses parents, des intellos "modernes"), va devenir limite insupportable... et se réfugier dans l'imaginaire, croit-on.

   En réalité, le jardin situé dans la cour intérieure de l'habitation est magique. Il va mettre Kun en contact avec l'ancien "prince de la maison" (un grand jeune homme qui est le substitut d'un personnage que je laisse à chacun le plaisir de découvrir), puis sa soeur devenue adolescente, ensuite sa propre mère lorsqu'elle était enfant, son grand-père récemment disparu, enfin une version plus âgée de lui-même.

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   C'est passionnant, d'abord parce que c'est crédible sur le plan visuel (un grand soin ayant été apporté aux détails), ensuite parce que les rencontres effectuées par Kun sont toutes porteuses de sens. Elles lui font comprendre qu'un autre personnage a déjà connu le sentiment de déclassement affectif qui le taraude désormais. Il est aussi amené à voir sa petite soeur sous un autre jour (le gag étant que la version de celle-ci adolescente appelle "grand frère" un gamin de moins de huit ans !). Il va mieux comprendre ses parents (le caractère de sa mère et l'introversion de son père).

   Du coup, quand on est spectateur, on a le choix du personnage auquel s'identifier. On peut se reconnaître dans plusieurs d'entre eux, à différents moments de la vie. Qu'est-ce qu'être parent ? Qu'est-ce que l'enfance ? (dans le Japon d'aujourd'hui... et ailleurs) Le film ambitionne de répondre (avec humour et délicatesse) à ces angoissantes questions.

   PS

   Au niveau de la trame temporelle, à première vue, on pourrait penser qu'il y a un problème de concordance des âges. Kun enfant a au maximum six-sept ans, ses parents étant âgés de 35 à 40 ans. Or, le grand-père est censé avoir vécu (jeune) la Seconde guerre mondiale (et l'un des bombardements massifs de 1945). S'il avait ne serait-ce que 18 ans à l'époque, il ne peut avoir donné naissance à l'un des deux parents de Kun, qui sont nés une trentaine d'année avant celui-ci, donc vers 1980.

   La solution est donnée par un dialogue entre le héros et sa version plus vieille (âgée sans doute de 18-20 ans). Le vrai présent est celui au cours duquel Miraï est devenue ado et Kun un jeune adulte, prenant le train pour suivre ses études à Tokyo. Le présent de la narration (avec Kun âgé de 5-6 ans) est en fait un passé récent (remontant à 12-15 ans). L'action se déroulerait au tout début des années 2000, les parents de Kun étant nés au milieu des années 1960.

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mardi, 25 décembre 2018

Une Affaire de famille

   Cette année, au festival de Cannes, le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda a obtenu la consécration (la Palme d'or) pour ce film, cinq ans après que le prix du jury a récompensé Tel père, tel fils. Sa virtuosité était aussi apparente il y a quelques mois, dans The Third Murder, reparti bredouille de la Mostra de Venise.

   C'est l'histoire de Juri, une gamine de cinq-six ans, sans doute battue par ses parents, qu'une famille de salariés modestes va recueillir, au départ pour une nuit, puis pour plus longtemps. Le père est intérimaire dans le bâtiment, la mère travaille dans une blanchisserie industrielle. Faute d'argent, ils ont emménagé chez la grand-mère et vivent un peu sur sa pension de retraite. En même temps, celle-ci garde les jeunes enfants... enfin sauf quand ils vont voler dans les magasins, en compagnie du père. Cette famille élargie serait incomplète sans la présence de la jeune (et ravissante) soeur de la blanchisseuse, qui gagne sa vie sans un peep-show, aux franges de la prostitution.

   Le réalisateur n'y est pas allé avec le dos de la cuillère ! A cette accumulation s'ajoute la volonté méticuleuse de mettre en scène le misérabilisme au quotidien. La maison dans laquelle loge ce beau monde est trop petite pour eux. Les objets s'y entassent dans un ordre approximatif. On ne sait pas trop ce qui devrait être jeté ou gardé. Les murs sont crasseux, la salle de bains sommaire. On se dit qu'en entrant, on doit être saisi par un drôle de fumet, mêlant transpiration froide, senteur de pieds, émanations de cuisine voire odeur d'urine.

   Cette famille n'est donc de prime abord pas recommandable. La mère fait les poches des vêtements qui passent entre ses mains à la blanchisserie. Le père n'enseigne que le vol aux enfants et essaie de travailler le moins possible. Enfin, quand on apprend qu'il a été blessé sur un chantier, dans la famille, la première question porte sur une éventuelle indemnisation.

   On serait donc tenté de croire que ce groupe de "cassos" n'a rien pour lui. Erreur, car le réalisateur a des intentions politiques (ce qui lui a d'ailleurs été reproché au Japon). Cette famille improbable va offrir ce qui manque le plus à la gamine recueillie : de l'amour (et de l'attention). La première heure est donc l'histoire de son intégration au groupe, en bien comme en mal, puisqu'elle va aussi apprendre le vol. Mais elle y découvre une forme de bonheur, loin de l'école et d'un bel appartement. (Notons que les enfants sont très bien dirigés, une qualité qui n'est pas nouvelle chez Kore-eda.)

   Le contraste est saisissant avec l'autre famille, non pas celle de la petite Juri, mais celle du défunt mari de la grand-mère Hatsue (formidablement incarnée par Kiki Kirin, déjà remarquée dans Les Délices de Tokyo). On finit par découvrir qu'il l'avait quittée pour fonder un autre foyer. Il a eu un fils, qui s'est marié et est à son tour devenu père. La séquence de la venue de Hatsue chez ces bourgeois est pleine de sous-entendus.

   Le réalisateur est plus explicite sur le fonctionnement (négatif selon lui) de la société japonaise contemporaine. Il dénonce la situation précaire de nombreux salariés : le père n'obtient finalement aucune pension pour son accident de travail et la mère risque de se faire licencier de la blanchisserie, non pas à cause de ses petits larcins, mais parce qu'elle coûte trop cher à son employeur. Signalons qu'elle est interprétée par Sakura Andô, qui a incarné l'une des héroïnes de Shokuzai (la fille-ours). Elle nous livre une magnifique composition.

   Je dois cependant dire qu'au bout d'une heure, j'en avais un peu marre. Je trouvais le trait trop appuyé, schématique. Et puis est arrivé le retournement. Auparavant, à plusieurs reprises, on sent que quelque chose ne tourne pas rond. C'est d'abord au cours d'une conversation entre le père et le fils, le père semblant détenir un secret que le fils a oublié. Plus tard, lorsque les deux soeurs discutent en cuisine, on se demande s'il n'y a pas anguille sous roche. Il faut aussi être attentif à la séquence de la visite de la grand-mère dans l'autre famille. On peut y découvrir l'une des supercheries. Enfin, le doute n'est plus permis lorsqu'on entend ce que se disent les deux époux lors d'une scène de salle de bains : cette famille est remplie de mystères, que la dernière demi-heure va éclaircir.

   Du coup, j'ai trouvé cela brillant. Le réalisateur a réussi à insérer les indices dans la première partie bien huilée de son histoire, celle qui a l'apparence d'un documentaire sur la vie des Japonais modestes (qui m'a un peu rappelé Nobody Knows). Les révélations de la dernière demi-heure ne font que renforcer son propos principal : les liens du coeur sont plus forts que les liens du sang (avec lesquels ils ne coïncident pas forcément).

12:40 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 23 octobre 2018

La Saveur des ramen

   Les rāmen sont un plat typiquement japonais (importé de... Chine !), composé de nouilles et d'un bouillon, auquel sont ajoutés divers ingrédients. Le père du héros Masato excelle dans la préparation de ce mets populaire, ce qui vaut une renommée méritée à son petit restaurant de province, où il travaille avec son frère et son fils unique. La mère de celui-ci est morte voilà plusieurs années. Elle était d'origine singapourienne et le fils regrette d'avoir perdu les saveurs de la cuisine de son enfance.

   Un événement particulier va le pousser à partir pour Singapour. Il y (re)découvre la cuisine locale (plus épicée que son homologue japonaise), en particulier le bak kut teh, littéralement "thé à l'os de viande", un plat qu'adorait jadis son père et que sa mère et son oncle savaient si bien préparer. Les repas sont autant d'occasions de retrouver le souvenir de moments heureux du passé, à l'image de ce que produit notre "madeleine de Proust".

   Le séjour de Masato n'a pas qu'un objectif culinaire. Il veut retisser les liens avec la partie singapourienne de sa famille. Il va retrouver son oncle cuisinier et rencontrer ses cousines. Entre eux, c'est la langue anglaise qui fait le lien, Masato ne comprenant pas le mandarin. Mais le plus difficile va venir des retrouvailles avec la grand-mère maternelle. Le séjour permettra-t-il de mettre fin à des querelles très anciennes ? Mystère.

   En attendant, on peut savourer les scènes culinaires. Ce film donne furieusement envie de manger. Le réalisateur Eric Khoo (auquel on doit, entre autres, Hôtel Singapura) a un incontestable talent pour filmer la préparation (et la dégustation...) des plats. Ces scènes sont autant de moments de partage, en famille ou entre amis. C'est aussi le moment où s'effectue la transmission d'un savoir-faire traditionnel. Je pense que, parfois, les cinéphiles feront le rapprochement avec Les Délices de Tokyo (un superbe film que j'avais raté à sa sortie en salles et que l'on m'a fait découvrir en DVD).

   Le ton est donc délicat, certains moments se révélant très émouvants. J'ai particulièrement aimé les retours en arrière, qui font revivre les débuts d'un amour amputé, celui du père japonais et de la mère singapourienne. J'ai aussi été très touché par l'une des dernières scènes, entre la grand-mère et le petit-fils. Ce film est une très grande réussite.

   PS

   L'argument culinaire est susceptible d'intéresser tout particulièrement les Aveyronnais. En effet, les rāmen comme le bak kut teh sont des plats d'origine populaire (de récupération même pour le second), qui ont désormais une place reconnue dans la gastronomie asiatique, un peu à l'image de l'aligot chez nous.

23:32 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 02 septembre 2018

Silent Voice

   C'est l'adaptation d'un manga (créé par une femme, Yoshitoki Oima), sortie il y a près de deux ans au Japon. L'intrigue se déroule principalement dans un contexte scolaire, d'abord en fin d'école primaire, puis en fin de lycée. Shoko Nishimiya est une enfant sourde, qui débarque dans une classe "normale", sans doute un CM2. Chez ses camarades valides, elle suscite l'étonnement ou la moquerie. Elle devient la cible de plaisanteries vexantes, notamment de la part du boute-en-train de la classe, Shoya Ishida.

   On retrouve celui-ci quelques années plus tard. Il a changé, physiquement comme moralement. Son évolution a d'ailleurs commencé dès que l'affaire de harcèlement a été rendue publique. A son tour, il est devenu l'objet des sarcasmes et d'une forme d'évitement. Il va tenter de retrouver Nishimiya, pour se faire pardonner. Dans le même temps, on nous montre ce que sont devenus ses anciens camarades. Le passé ressurgit. Il peut permettre de ressouder un groupe... ou de le dissoudre définitivement.

   L'histoire est très forte. Elle traite de thèmes contemporains : le harcèlement, le handicap, l'amitié, l'amour, la tentation du suicide. Les personnages ont l'apparence d'Européens blancs, mais ils ont plutôt un comportement de Japonais. Cela explique cette politesse que certains jugent excessive. On est aussi dans les codes du manga : les filles sont toutes minces, avec de longues jambes dévoilées par des jupes courtes, une chevelure en général pleine de volume(s)... et des yeux immenses. Deux personnages sortent de ce cadre : le "protecteur" de Nishimiya (que l'on découvre dans la seconde partie) et le futur meilleur ami d'Ishida, un petit gros sympathique, souvent de bon conseil. J'ai apprécié que l'on valorise des personnages au physique ordinaire voire ingrat, tandis que les harceleurs ont plutôt une belle apparence physique.

   Même si l'animation s'inspire (en partie) des classiques télévisés, ce n'est pas une oeuvre bas-de-gamme. Les décors sont superbes ; les effets de lumière et de transparence témoignent de la virtuosité de la mise en forme. Toutes les scènes qui font intervenir une vitre, un miroir, un écran ou de l'eau sont d'une grande beauté.

   Mon principal regret est l'accentuation de certains comportements. On pleure beaucoup dans cette histoire et, si les auteurs n'ont pas trop appuyé les scènes de harcèlement, ils se sont bien étalés sur la phase de repentance. Cela apparaîtra donc un peu exagéré à des adultes, et peut-être compliqué à de jeunes enfants. Mais cela peut donner l'occasion de discuter de sujets sensibles avec des (pré)adolescents.

23:03 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films