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samedi, 23 mai 2015

"L'Hebdo" numéro 385

   Il y a à boire et à manger dans l'hebdomadaire satirique aveyronnais paru ce vendredi. L'éditorial de Gérard Galtier évoque l'ébauche de civisme qui semble toucher les sénateurs français, qui ont voté une série de mesures pour "moderniser" le fonctionnement de l'institution... et notamment limiter l'absentéisme des parlementaires.

   Sur le site du Sénat, on peut lire le compte-rendu intégral de la séance du mercredi 13 mai 2015. Dès le début, le rapporteur de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest (élu UMP francilien), tient à préciser cette initiative des sénateurs "répond non pas à des exigences extérieures au Sénat, bien que nous sachions écouter ce qui se dit hors de nos murs, mais à une réflexion conduite au sein de notre assemblée". Les membres de la Haute Assemblée n'ont pas envie de reconnaître qu'ils se sont fait un peu forcer la main... et que leur fonction (comme d'autres) souffre d'un grand discrédit auprès de la population, ce que reconnaît explicitement une élue écologiste du Maine-et-Loire, Corinne Bouchoux. (Plus loin dans le compte-rendu, la sénatrice révèle que nombre de ses collègues passent leur temps sur Twitter ou Facebook... alors qu'ils sont en réunion de commission !)

   Dans la foulée Jacques Mézard (élu du Cantal) s'en est pris au président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et à tous ceux qui souhaitent plus ou moins ouvertement la suppression du Sénat. Il n'en soutient pas moins l'introduction des sanctions pour absentéisme.

   Aux déclarations liminaires ont succédé les débats sur le contenu. Une première proposition d'amendement (du groupe communiste, républicain et citoyen, très actif dans le débat), attribuant une vice-présidence (ou un poste de questeur) à chaque groupe parlementaire, a été rejetée. A une plus grande visibilité des groupes minoritaires, les sénateurs ont préféré éviter l'inflation de bâtons de maréchal...

   On passe ensuite dans "le dur", l'organisation du travail des sénateurs et la sanction de l'absentéisme. Notons que la gestion de l'emploi du temps des élus pose problème, puisque certaines commissions du Sénat ont coutume de se réunir en même temps, voire pendant que se déroulent les séances plénières ! Les élus ont refusé la transparence totale, puisque la majorité a voté contre la publication du "tableau des activités", un document certes informel, mais qui permet de savoir qui fait quoi dans la journée. La majorité a aussi rejeté un amendement rendant publiques les délibérations du Bureau du Sénat (où il est question de la "cuisine interne", par exemple de la levée d'une immunité parlementaire...).

   La discussion s'est prolongée sur les exceptions, c'est-à-dire les motifs d'absence reconnus comme valables et ne devant donc pas être retenus contre les sénateurs. Des facilités ont été accordées aux élus d'outre-mer (à cause de l'éloignement de leur circonscription)... et aux femmes enceintes, les conséquences d'une grossesse ne devant évidemment pas être considérées comme une absence injustifiée ! Il est symptomatique que cette mesure (pas prévue dans le texte de la commission) soit prise en 2015, alors que les assemblées se féminisent de plus en plus.

   Quand on lit entre les lignes, on comprend que certains élus ont tenté d'introduire le maximum d'exceptions à la règle, histoire de continuer à mener leurs petites affaires en dehors du travail parlementaire... A l'inverse, certaines des propositions faites pour limiter le nombre d'absences autorisées (comme l'appartenance à plus d'une instance parlementaire internationale) ont été retoquées par la majorité, décidément très timorée.

   La discussion a aussi longuement porté sur la séance des questions au gouvernement, un moment-clé de la vie sénatoriale... retransmis à la télévision. L'accord fut quasi-général pour donner au sénateur questionneur un droit de réplique après la réponse du membre du gouvernement. Cela peut contribuer à rendre un peu plus vivant ce passage obligé de la vie parlementaire, aujourd'hui très convenu. Dans ce domaine, les démocraties anglo-saxonnes ont de l'avance sur nous.

   Et les Aveyronnais, là-dedans ? Novices dans la Haute Assemblée, ils n'ont pas participé aux débats, qui ont été limités aux interventions de quelques "figures" du Sénat. On peut en revanche s'intéresser à leur assiduité. Le site nossenateurs permet de s'en faire une idée.

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   J'ai comparé les participations des deux anciens et des deux nouveaux sénateurs de l'Aveyron. On remarque qu'en 2013-2014, Mme Escoffier n'a été réellement active qu'à la fin du printemps et durant l'été, juste avant les élections. Mais cela s'explique par sa participation au gouvernement Ayrault, jusqu'en mars 2013.

   Bien que cumulard, Alain Fauconnier n'en a pas moins été assidu aux séances du Sénat. A l'inverse de sa collègue de gauche, il a été plus présent au tournant de 2013 et 2014 qu'à l'été suivant, durant lequel il a davantage passé de temps dans sa circonscription, en prévision d'élections qui s'annonçaient difficiles. Il y a une autre raison à cet écart : en mars 2014 a été votée une loi sur la consommation, dont certains articles traitent des IGP non agricoles, en particulier de la future IGP Laguiole. Le maire de Saint-Affrique était co-rapporteur du texte.

   A droite, depuis l'automne dernier, c'est Alain Marc qui est le plus présent. Jean-Claude Luche était visiblement plus occupé par la gestion du Conseil général et la préparation des élections départementales... En 2017, MM Luche et Marc n'auront plus ce genre de souci, une fois que la loi sur le non-cumul des mandats s'appliquera pleinement.

   A titre de comparaison, voici, sur la même période, le profil d'une sénatrice très active (qui est d'ailleurs beaucoup intervenue dans le récent débat évoqué plus haut), Eliane Assassi (élue de Seine-Saint-Denis) :

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   Mais revenons à L'Hebdo, qui s'est longuement penché sur l'entrée en campagne de Dominique Reynié, désigné tête de liste UMP pour les prochaines régionales en Midi-Languedoc. L'émission Le Supplément, diffusée sur Canal+, lui a consacré un reportage intitulé Le bizut de l'UMP. Bien qu'étant né à Rodez, le politologue peut difficilement s'y affirmer enraciné, vu que, depuis ses études, il a mené toute sa carrière professionnelle en dehors de l'Aveyron. Notons que le brillant élève du lycée Foch semble avoir laissé de bons souvenirs derrière lui, nomment à l'un de ses anciens camarades, devenu vice-président du Conseil départemental de l'Aveyron :

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    Dans la rue, ce n'est pas le Ruthénois que les gens reconnaissent, mais l'homme de télévision. Ceci dit, j'ai trouvé sa relative maladresse plutôt rafraîchissante.

   Dans le petit monde médiatique, on a surtout retenu son altercation avec Christiane Taubira, qui m'est apparue un peu fabriquée. C'était l'occasion pour celui qui est présenté comme un quasi-centriste de se positionner auprès de l'électorat le plus à droite, dont l'obsession anti-Taubira est pathologique.

   Si l'on cherche à mieux connaître le bonhomme, on peut consulter son CV, accessible sur le site de Sciences Po. On ne s'étonnera pas d'apprendre que l'étudiant a travaillé sur la pensée de Friedrich von Hayek, un économiste considéré comme l'un des pères du néo-libéralisme. Il s'est aussi intéressé à une célèbre affaire politico-judiciaire de la IVe République, qui a débouché sur le procès Kravchenko.

   L'hebdomadaire aveyronnais s'étend moins que la semaine dernière sur la chronique judiciaire locale. Est notamment évoquée la condamnation (amplement méritée) d'Alexandre Larionov pour ses propos antisémites. Sa défense n'était vraiment pas bonne : il a argué d'une soirée trop alcoolisée pour tenter d'expliquer la rédaction de ses propos inadmissibles. Curieusement, une fois dessaoulé, il n'avait jamais songé à les supprimer de sa page Facebook...

   Pour se détendre, après ces considérations de haute politique, on peut lire certains des entrefilets de L'Hebdo. L'un d'entre eux est consacré au "dépucelage" de Louis XIV, une histoire cependant déjà bien connue, puisqu'elle a été jadis mise en scène dans le très bon film de Roger Planchon, Louis enfant-roi, en 1993. La déniaiseuse du roi, une femme de chambre d'Anne d'Autriche connue plus tard sous le nom de madame de Beauvais, n'a pas été gâtée par l'histoire, qui la dépeint en général comme une femme âgée et borgne (sous-entendu : laide). Pourtant, dans le film de Roger Planchon, elle a les traits ravissants d'Isabelle Renauld :

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   Peut-être qu'il s'agit là d'un choix "esthétique" typique de notre époque, qui répugne à laisser d'autres rôles que négatifs aux acteurs moins bien dotés par la nature. Néanmoins, peut-être R. Planchon est-il plus fidèle à la réalité. Selon les sources, "Cateau-la-Borgnesse" était âgée de 38 à 40 ans lorsqu'elle a initié Louis XIV aux plaisirs de la chair. A l'époque, une femme de cet âge était réputée horriblement vieille, mais cela ne signifie pas forcément qu'elle t laide, surtout si l'absence d'un oeil était son seul défaut physique.

   En tout cas, le jeune roi n'a pas été mécontent de ses "services", puisqu'il l'a aidée jusqu'à sa mort. Ce coureur de jupons égocentrique n'a pas oublié sa première fois.

jeudi, 23 avril 2015

Une si discrète décision de justice

   C'est ce que j'aime dans Le Canard enchaîné : on le lit pour y trouver certaines informations (sur les turpitudes de nos dirigeants ou des entreprises qui tentent de dicter notre existence) et, parfois, on tombe sur ce à quoi on ne s'attendait pas... et c'est très bien aussi. 

   Ainsi, le numéro du 22 avril 2015 contient, en pages intérieures, un article sur la contestation de l'implantation des éoliennes... et sa traduction judiciaire. Voici ce qu'on peut y lire :

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   Les lecteurs aveyronnais auront la surprise d'apprendre qu'en 2014, une élue de notre département a été condamnée par le tribunal correctionnel de Rodez pour prise illégale d'intérêt. Je n'en avais pas du tout entendu parler et j'ai bien l'impression que la presse locale (quotidienne comme hebdomadaire) n'a pas évoqué la chose. Pensez donc, une maire privée de ses droits civiques ! Déjà qu'elles n'étaient pas nombreuses à l'époque...

   Pour en savoir plus, il faut se rendre sur un site militant. On y apprend que, contrairement à ce qui est écrit dans Le Canard, ce n'est pas une maire, mais une conseillère municipale aveyronnaise qui a été condamnée. On peut y lire le détail des faits reprochés. Au passage, si l'amende est modique au regard du délit (1 000 euros pour un gain potentiel de presque 50 000 euros par an !), la sanction administrative (la privation temporaire des droits civils, civiques et familiaux) est sévère. Le tribunal a donc estimé qu'une faute grave avait été commise.

   Mais on ne connaît ni l'identité de l'élue en cause, ni le nom de la commune où se sont produits les faits. Pour cela, il faut consulter un site juridique. Grâce à lui, on découvre que la personne condamnée (en 2014) est une ancienne conseillère municipale de Mélagues, une commune située à l'extrémité sud de l'Aveyron, à la frontière de l'Hérault (juste à côté d'une commune nommée Arnac-sur-Dourdou... ça ne s'invente pas !)  :

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   Mais on n'a toujours pas l'identité de la personne condamnée. C'est fou, ça ! Régulièrement, dans la presse, on peut lire les noms des voleurs de sacs à main, des automobilistes alcoolisés, des instituteurs et curés pédophiles et même ceux des élus pris les doigts dans le pot de confiture. Et là, non !

   A ceux qui souhaiteraient connaître l'identité de la personne condamnée, je conseille une petite gymnastique intellectuelle : la comparaison de la liste des élus au conseil municipal de Mélagues en 2014 avec celle des élus de 2008. Dans les deux cas, vous remarquerez qu'il n'y a que trois femmes. Deux ont été élues en 2008 et 2014. Ce ne sont donc pas d'anciennes conseillères. Cherchez celle qui figurait au conseil en 2008 et qui ne s'y trouve plus en 2014. Je pense que c'est une parente (par alliance) d'un ancien maire de la commune.

   A l'origine du délit, il y a un projet d'implantation d'éoliennes sur le territoire de la commune de Mélagues, ardemment soutenu par le maire, Jean Milési. En février 2011, la présentation générale avait tout pour rassurer les esprits inquiets (en particulier sur les conséquences environnementales). En matière économique aussi, il semblait n'y avoir que des points positifs :

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   L'argent devait atterrir dans les poches d'institutions publiques et ainsi servir l'intérêt général. Sauf que... dans le projet, il était question de 14 éoliennes, alors que seuls les loyers de neuf d'entre elles (5 + 4) étaient destinés aux caisses d'institutions publiques. Qu'en était-il des cinq autres ? Mystère. La première réunion du comité de pilotage (à laquelle ont participé quatre des membres du conseil municipal), en mars 2011, donnait une (vague) information :

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    Le dossier d'étude d'impact de 2012, pourtant très détaillé, n'apportait pas davantage de précision sur ce point. En allant sur le site internet créé par Raz-Energie, on n'obtient que la confirmation de ce qui a été dit auparavant, sans plus :

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   En regardant bien les documents du dossier, on pouvait imaginer à qui appartenait au moins une partie des terrains concernés par l'implantation des éoliennes :

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   Le centre d'une exploitation agricole se trouve (à vol d'oiseau) à moins de deux kilomètres. Or, cette exploitation est gérée par un couple dont l'épouse était membre du conseil municipal de Mélagues (avant 2014). Si elle est bien la personne condamnée en 2014, elle n'aurait même pas dû participer aux débats préparatoires au projet... et encore moins aux votes.

   Qu'en est-il du projet d'implantation des éoliennes aujourd'hui ? Je ne sais pas trop. Il me semble qu'il a pris du retard. En 2013, le préfet de région avait donné son accord, suivi quelques mois plus tard par les conclusions du commissaire-enquêteur, qui soulignait l'adhésion massive des gens du cru (la population des communes voisines étant plus partagée). Peut-être que le verdict de 2014 a rafraîchi les ardeurs des promoteurs. De son côté, Jean Milési a été reconduit à la tête de la commune de Mélagues (en 2014), mais il a échoué aux récentes élections départementales, ne parvenant pas à se faire élire dans le vaste canton Causse-Rougiers, signe de la perte d'influence de l'ancien vice-président du conseil général de l'Aveyron.

dimanche, 05 avril 2015

Légionnaires "de gauche"

   Sans rompre avec les pratiques de ses prédécesseurs, François Hollande distribue les colifichets aux amis et aux courtisans. Dans la fournée de Pâques 2015, publiée au Journal Officiel, en Aveyron, on a remarqué la promotion de Pierre Soulages au plus haut grade, celui de grand'croix, en compagnie d'un ancien membre des Forces Françaises Libres, Charles Flamand.

   Ce n'est pas le seul artiste promu. Mehdi Qotbi, un peintre proche du roi du Maroc (auquel on a sûrement voulu faire une faveur), devient commandeur. On trouve d'autres artistes à la fin de la liste principale des nommés.

   Dans la liste où figure M. Qotbi se trouve un industriel alsacien, Robert Lohr. Je me demande si sa présence n'a pas pour but d'équilibrer, côté français, la promotion de Thomas Enders, président (exécutif) d'Airbus. Le premier figure sur le contingent du ministère de la Défense, le second sur le contingent du ministère des Affaires étrangères. On notera que l'aéronautique (au sens large) est fortement représentée avec (dans la liste principale) Juming Chen, présenté en France sous l'identité d'Eric Chen : c'est le président d'Airbus Chine. Il est en compagnie d'Alain Charmeau (issu du secteur aérospatial), d'Yves Gueyffier (un ancien de chez Dassault), de Jean-Paul Ebanga, PDG de CFM International, de Christophe Cador (dont l'entreprise a pour principaux clients Airbus, ATR, Latécoère....), et d'un trio estampillé Thales (le discret Raphaël EskinaziPhilippe Eudeline et Patrick Oszczeda). Une touche féminine est apportée par Yannick Assouad, directrice d'une branche du groupe Zodiac... et ancienne de chez Thales. Si l'on ajoute à ces personnalités du privé les décorés de l'aviation civile (et une directrice de l'ONERA), cela fait une belle brochette.

   Du côté des banques, on remarque la nomination du directeur général du Crédit Agricole Michel Mathieu (un -petit- coup à gauche) et celle de l'ancien PDG de la Société Générale Frédéric Oudéa (un coup à  droite).

   Un autre gros contingent est constitué d'universitaires et de hauts fonctionnaires de l'Education nationale. Il est en concurrence (ou parfois à l'intersection) avec le clan des amis politiques. Le premier d'entre eux est Jean-Claude Gayssot (nommé officier), dont on peut dire qu'il a sa carrière derrière lui. Il est encore vice-président de la (future ex) région Languedoc-Roussillon... et il incarne une vision plutôt critique de la gauche gouvernementale. A ses côtés figure Yves Krattinger, qui vient d'être réélu à la tête du département de Haute-Saône, en ayant conservé intacte sa majorité de conseillers (22 contre 12), un petit exploit qui méritait bien une récompense.

   Le grand Sud-Ouest est bien représenté, avec la périgourdine Jane Lataste, l'ariégeois Jean-Pierre Bel (ancien président du Sénat) et l'ancien maire de Montpellier, Hélène Mandroux.

   En signe d'ouverture, le corrézien (divers droite) Paul Reynal est nommé chevalier et la chiraquienne Catherine Colonna est promue officier. Le cas de Colette Blériot est un peu à part. Cette conseillère UMP a été réélue dans l'Aisne (face à des candidats FN), permettant à son camp (UMP-UDI) d'obtenir une courte majorité relative : 18 élus, contre 16 à la gauche et 8 au Front national. L'an dernier, elle avait été un peu mise à l'écart par Xavier Bertrand, dont la liste avait remporté la mairie de Saint-Quentin.

   On a aussi pansé quelques plaies, à gauche. Ainsi, l'auvergnat Jean-Claude Daurat, éliminé dès le premier tour des récentes élections départementales (bien que sortant), reçoit une breloque. Il en est de même pour la lot-et-garonnaise Catherine Pitous, elle aussi conseillère sortante, elle aussi éliminée dès le premier tour des dernières élections. Quant à Jean-Luc Fichet, s'il a été aisément réélu maire en 2014, il a perdu son mandat de sénateur quelques mois plus tard (il était troisième sur la liste PS, qui n'a obtenu que deux sièges). On a aussi consolé le communiste Jean-Paul Dufrègne : il a bien  gardé sa place au sein du conseil départemental de l'Allier (il a été réélu au premier tour... sans adversaire à gauche), mais il en a perdu la présidence, de justesse.

   Le Sud-Ouest n'est pas absent des nominations judiciaires, avec notamment l'ancien procureur de Toulouse Michel Valet (qui a désormais du temps pour déambuler sur l'Aubrac) et l'avocat Jacques Lévy (connu notamment pour avoir assuré la défense de Jacques Viguier...).

   En parcourant les décrets, on tombe sur des personnalités médiatiques (mais pas nécessairement méritantes) : Anne Sinclair, François Berléand, Georges Chelon, Thierry Rey, Patricia Girard ou encore Antoine Kambouaré...

lundi, 30 mars 2015

Bilan du second tour des élections départementales dans l'Aveyron

   Les surprises étaient quasi absentes du premier tour. Elles se sont produites à l'occasion du second... dans les deux sens. On commence d'ailleurs (en suivant l'ordre des cantons) par Ceor-Ségala, qui a vu le nouveau maire de Baraqueville Jacques Barbezange mordre la poussière (de plus de 200 voix) face à une candidate de centre-gauche, la maire de Naucelle Anne Blanc. Certains pensaient celle-ci affaiblie par sa victoire étriquée aux municipales de 2014. De son côté, J. Barbezange, soutenu par la majorité départementale, avait profité des craintes suscitées par l'adhésion de sa commune au Grand Rodez pour remporter les municipales en 2014. Le canton, dont le territoire ressemble bigrement au Grand Ségala qu'il tente de promouvoir (y compris auprès des ruraux qui n'en veulent pas), semblait lui tendre les bras.

   Un an plus tard, une partie des Baraquevillois commence à déchanter (et ils n'ont pas encore tout vu). Dans sa propre commune, Jacques Barbezange subit un quasi-désaveu : son binôme finit avec à peine 12 voix d'avance sur celui de sa rivale, contre environ 90 à l'issue du premier tour. Entre temps, la participation a augmenté, le nombre de bulletins blancs et nuls a diminué. Dans les communes voisines, c'est parfois plus cinglant. A Camboulazet, il a 9 points de retard sur sa rivale. A Manhac, plus de 25 points. Or, il y a un an, ces deux communes avaient été emportées par le mouvement (sans doute téléguidé par le conseil général) qui les avait conduites, dans la foulée de Baraqueville, à quitter le Grand Rodez. Sur Totem, lorsqu'il a été interrogé, Jacques Barbezange l'avait mauvaise, mais il ne peut s'en prendre qu'à lui et à ceux qui l'ont conseillé.

   Enne-et-Alzou a vu logiquement la victoire du binôme de gauche. Les électeurs des anciens cantons d'Aubin et de Rignac ont joué la continuité. Les reports de voix à gauche semblent avoir été bons. Les candidats divers-droite semblent n'avoir récupéré qu'une partie des voix qui s'étaient portées sur le FN au premier tour.

   Pas très loin de là, dans le canton de Lot-et-Dourdou, une autre surprise s'est produite, au bénéfice de la droite, cette fois-ci. Christian Tieulié, ancien conseiller général de Decazeville de 2001 à 2008, battu ensuite de justesse par le socialiste Pierre Delagnes (qui ne se représentait pas), va pouvoir se lancer à la conquête de la présidence du conseil départemental, lui en qui l'on avait pu voir naguère un successeur potentiel de Jean Puech. Pour la droite aveyronnaise, le gain de ce canton est une bonne nouvelle, mais elle n'en avait pas besoin pour diriger le département. Par contre, la cohésion de la majorité risque d'être mise à rude épreuve, peut-être pas tant en 2015 qu'en 2017, quand Jean-Claude Luche se retirera pour cause de cumul des mandats...

   Dans le détail, on notera que Christian Tieulié est nettement voire très nettement devancé dans les communes de tradition ouvrière (Decazeville, Boisse-Penchot, Livinhac-le-Haut et Firmi). Il est par contre largement en tête dans toutes autres communes (rurales), ce qui a fait la décision. Le canton est donc fortement divisé.

   De manière moins surprenante, Lot-et-Montbazinois, dont le centre urbain est Capdenac-Gare, a reconduit le socialiste Bertrand Cavalerie. Son binôme est en tête dans presque toutes les communes, même les plus rurales, où il n'est pas censé être aussi bien implanté. On a peut-être là une future tête de l'opposition départementale.

   L'un des cantons les plus disputés fut sans conteste celui de Millau-1, où s'est tenue la seule triangulaire du département. Le sortant Jean-Dominique Gonzales parvient à conserver son siège. L'ordre des candidats n'a pas changé par rapport au premier tour. Cela signifie peut-être que les électeurs du Front National n'ont pas privilégié l'un des trois binômes, ou que le surcroît de participation a équilibré les reports de voix frontistes.

   Ici comme à Baraqueville, les premières désillusions municipales ont pesé sur le scrutin. L'an dernier, la liste de droite soutenue par la majorité départementale était arrivée en tête à Millau, devant la liste de gauche et celle conduite par Philippe Ramondenc. Le second tour avait amplifié les écarts. Les débuts de l'équipe Saint-Pierre n'ont cependant pas fait que des heureux dans la cité du gant, ce qui explique l'ordre différent dans lequel sont arrivés les binômes qui ont pris la suite des listes en concurrence aux municipales.

   A gauche, Jean-Dominique Gonzales a tiré les leçons de l'échec de 2014 et il s'est allié au Front de Gauche. Sans cela, il n'aurait peut-être même pas été présent au second tour. A droite, on a commis une grosse erreur en négligeant Philippe Ramondenc. Il avait pourtant été investi par l'UDI (le parti de Jean-Claude Luche) et, en 2011, il avait failli battre Jean-Dominique Gonzales, un peu à la surprise générale. Je me demande si sa mise à l'écart n'est pas une exigence de la municipalité de Millau au président du conseil général. Les séquelles des tensions des municipales de 2014 étaient encore présentes en juillet dernier, lors de l'élection du président du PNR des Grands Causses. Les couteaux ne sont visiblement toujours pas rentrés.

   On notera que le binôme Niel-Orcel, constitué de deux adjoints au maire de Millau (les 4e et 7e), n'arrive en tête dans aucune commune. Il finit le plus souvent troisième, sauf à Millau (où il est deuxième, devancé par le duo Gonzales-Compan).

   Ce fut moins agité à Millau-2, bien que le résultat soit plus serré qu'attendu. Une autre adjointe au maire était alliée à un poids lourd de la majorité départementale, le sortant Jean-François Galliard. La participation n'ayant guère évolué entre les deux tours, on peut estimer que les reports de voix de l'autre candidat divers-droite... et du Front National ont profité au binôme soutenu par Jean-Claude Luche. A titre anecdotique, on notera que l'adjointe au maire de Millau subit un petit désaveu sur la partie de la circonscription située sur sa commune, où la gauche arrive en tête (de justesse).

   Les Monts-du-Réquistanais ont vu la reconduite (difficile) du sortant de gauche Régis Cailhol. Dans ce canton, les reports de voix semblent avoir été bien meilleurs à droite qu'à gauche : les résultats du premier tour laissaient entrevoir une plus large victoire du conseiller général sortant.

   A Rodez-1, on a failli assister à une grosse surprise : les candidats soutenus par le maire de Rodez ne l'ont emporté que d'une centaine de bulletins. La division de la gauche s'est traduite par de très mauvais reports de voix, une hausse de l'abstention et du nombre de bulletins blancs ou nuls, passés de 287 à 425. De leur côté, les candidats UMP-UDI ont sans doute bénéficié d'apports substantiels en provenance du FN et des divers-droite.

   A Rodez-2, Bernard Saules a finalement été réélu dans un fauteuil. En face, on n'y  croyait pas trop et le report des voix de gauche ne s'annonçait pas bon. Là aussi, l'abstention a progressé, tout comme le nombre de bulletins blancs ou nuls. Mais c'est moins spectaculaire que sur Rodez-1, où je ne serais pas étonné d'apprendre que certains adversaires acharnés (de gauche) de l'équipe Teyssèdre aient voté UMP-UDI.

   L'un des coups de tonnerre de ces élections départementales est venu de Rodez-Onet, où la gauche était pourtant majoritaire en voix. Mais, comme certains de ses camarades socialistes, le Front de Gauche Jean-Louis Roussel n'a pas bénéficié de bons reports. Entre les deux tours, l'abstention a progressé. Par contre, le nombre de bulletins blancs ou nuls a diminué, passant de 524 à 409. La candidature de Jean-Louis Roussel est peut-être apparue comme trop clivante. Une partie de l'électorat de gauche modérée a visiblement préféré donner sa chance à des proches de la nouvelle municipalité d'Onet. Et puis... ce fut peut-être, pour certains électeurs socialistes, une réponse du berger à la bergère. Quoi qu'il en soit, ces bisbilles ont eu pour principale conséquence de renforcer la majorité départementale.

   L'autre coup de tonnerre est venu du Sud, de Saint-Affrique, le seul canton n'avoir pas été transformé par la réforme territoriale. Cela n'a pas suffi pour que la gauche le conserve en son sein. Bien que le résultat soit assez serré, elle n'arrive en tête que dans trois des onze communes. A Saint-Affrique même, suprême outrage, le binôme soutenu par le maire Alain Fauconnier est devancé par ses concurrents de droite (d'une trentaine de voix).

   Derrière cet échec, il y a le désaveu national, mais aussi des causes locales. Ce canton fut conquis en 1998 par Alain Fauconnier, pour le compte de la gauche. Quand il arriva à la tête de la mairie de Saint-Affrique (en 2001), il l'abandonna à Jean-Luc Malet, qui fut élu en 2004 et réélu en 2011. Celui-ci put un temps se rêver en successeur du maire de Saint-Affrique, mais une affaire de travail dissimulé (sanctionnée par la justice) a mis fin à ces projets. Il ne fut sans doute pas facile de constituer un binôme pour ces élections. On a pu dire que, face à un opposant aussi chevronné que Sébastien David, les candidats PS étaient un peu "tendres". Il y avait pourtant le maire de Versols-et-Lapeyre, récemment devenu président des maires ruraux de l'Aveyron.

   Il faut peut-être plutôt (encore et toujours) chercher du côté des divisions de la gauche. Ces dernières années, les relations ont été plutôt tendues entre la mairie socialiste et la gauche de la gauche. En 2014, le "carnaval des enfants sauvages" a donné lieu à des débordements, jusque dans la salle du conseil municipal, qui a subi des dégradations dont les traces n'ont totalement disparu que très récemment. Enfin, il ne faut pas exclure que certains électeurs aient modérément apprécié la présence du fils du maire (qui fut son attaché parlementaire) en position de suppléant.

   Dans le canton de Tarn-et-Causses, la situation était déjà très claire au premier tour. Le second n'a été qu'une formalité pour le binôme soutenu par la majorité départementale. Ce soir, sur Totem, la sortante battue, Catherine Laur, avait du mal à encaisser. Les municipales de l'an dernier auraient pourtant dû l'alerter : à Sévérac-le-Château, sa liste fut très lourdement battue par celle menée par l'un de ses adversaires du jour, Camille Galibert. Rappelons qu'en 2008, elle n'avait gagné la cantonale qu'au bénéfice d'une triangulaire. De ce qui remonte de cette partie de l'Aveyron, il ressort que, même dans l'électorat de gauche, elle ne fait pas l'unanimité. S'ajoute à cela la poussée du FN, dans une zone qui a souffert des conséquences de différents plans sociaux. Gauche nationale comme droite locale ne paraissent d'aucune utilité à une part croissante des électeurs.

   Je vais passer plus vite sur le canton de Vallon, où la victoire du binôme de gauche était prévisible dès la semaine dernière. On remarque que, si la participation a baissé, le binôme de droite semble avoir bénéficié d'un bon report des voix du FN.

   A Villefranche-de-Rouergue, ce fut encore plus serré qu'à Rodez-1. Le PRG Eric Cantournet est bien réélu, mais avec une soixante de voix d'avance sur le binôme de droite, soutenu par la mairie de Villefranche. La gauche étant majoritaire sur le canton, le radical, arrivé deuxième dimanche dernier, pouvait espérer combler son retard. Mais il s'en est fallu de peu. Les reports ont été nettement moins bons qu'en 2011, en particulier sur la commune de Villefranche. Est-ce le résultat de la mauvaise volonté de certains membres du PS local ? Pourtant, son candidat (et rival d'Eric Cantournet depuis pas mal d'années) Jean-Michel Bouyssié a appelé à voter à gauche au second tour. Alors, hypocrisie ? Il faudrait aussi analyser dans le détail le report des voix FN. Dans ce canton comme dans d'autres, on remarque une assez grande porosité entre la droite et l'extrême-droite (au niveau d'une partie de l'électorat).

   On termine avec le canton de Villeneuvois-et-Villefranchois. Le duel des sortants a tourné à l'avantage de la droite. C'était perceptible dès le premier tour, surtout si l'on tenait compte (là encore) d'un possible report massif des voix FN.

   Au total, si j'ai bien compté, cela donne 16 conseillers départementaux pour la gauche (contre 20 dans la précédente assemblée) et 30 pour la droite (contre 26 précédemment). La présidence va donc rester dans le camp UMP-UDI-divers-droite. Jean-Claude Luche, qui a mené la campagne victorieuse, est le favori. La surprise ne peut venir que de son camp, mais je n'y crois pas trop... à moins que M. Luche ne soit prêt à lâcher les rênes dès aujourd'hui (au lieu d'attendre 2017).

vendredi, 27 mars 2015

Alain Marc et les interprètes afghans

   On en apprend de belles dans l'éditorial de Gérard Galtier dans L'Hebdo de cette semaine. Sur son site internet (inaccessible au moment où j'écris ces lignes), l'ancien député et nouveau sénateur Alain Marc aurait annoncé s'atteler à une tâche importante : le devenir des contractants civils de l'armée française en Afghanistan et plus particulièrement le cas des interprètes.

   L'édito est ambigu. L'élu s'est-il contenté d'annoncer son intervention dans la séance des questions au gouvernement, ou bien a-t-il prétendu être le (futur) rapporteur du rapport d'une commission sénatoriale ?

   Sur la Toile, on ne trouve trace que de sa question au ministre de la Défense, soit sous la forme écrite, soit sous la forme vidéo. Au passage, on remarque que ladite question, posée le 21 janvier dernier, a reçu une réponse... le 10 mars.

   En fait, tout cela n'est que du cinéma, une manière de mettre en valeur le nouveau sénateur, alors qu'il sait très bien ce que va déclarer le ministre : la réponse à sa question figure dans un rapport d'une commission de l'Assemblée nationale, datant du 26 février 2012.

   A l'époque, Alain Marc était encore député de l'Aveyron. Peut-être faisait-il partie de ladite commission ? Regardons-en la composition :

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   Ah ben non (alors qu'on y remarque la présence du Tarnais Philippe Folliot)... mais, comme il devait déjà s'intéresser à la question du devenir des anciens employés afghans de l'armée française, il y a des chances qu'il ait poussé sa lecture jusqu'à la page 30 : "La France et ses responsabilités : la question particulière des personnels civils de recrutement local". Tout y est.

   Enfin, le comble de l'hypocrisie est atteint lorsque le sénateur réagit à la réponse du ministre. Il fait mine de s'enquérir du sort de ceux qui n'ont pas été accueillis en France... sous-entendu à cause du gouvernement actuel. En réalité, les critères ont été mis en place avant 2012, sous le tandem Sarkozy-Fillon, dont Alain Marc fut un indéfectible soutien.

jeudi, 26 mars 2015

L'Aveyron dans "Le Canard enchaîné"

   Les lecteurs aveyronnais du journal satirique auront eu la surprise de découvrir, en page 2 du numéro sorti le 25 mars, un entrefilet ironisant sur le résultat du premier tour des élections départementales dans le canton de Raspes-et-Lévézou :

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   L'hebdomadaire parfois surnommé "le Palmipède", qui fait son beurre des prises de bec entre politiques qui se volent dans les plumes, a dû trouver piquante l'association des noms de ces deux candidats divers gauche (sans doute PS en réalité).

   Le hasard a voulu qu'il tombe sur un canton un peu particulier. C'est d'abord celui où le sénateur ex-député, vice-président du Conseil général sortant et premier adjoint au maire d'Ayssènes se présentait et où il a été facilement réélu... avec, en sus, un petit coup de pouce à la limite de la légalité.

   C'est aussi le canton où un binôme du Front National a obtenu son meilleur score de l'Aveyron. D'après les résultats, Alice Chauvet et Jean Azais ont recueilli 20,69 % des suffrages exprimés, pas très loin derrière le binôme de volatiles sur lequel le Canard a ironisé.

   Il convient toutefois de préciser qu'en terme de pourcentage des inscrits, le binôme constitué par Martine Brunerie et Bernard Baisson a fait un peu mieux sur Tarn-et-Causses : 11,86 contre 11,82 pour le duo Chauvet-Azais. Mais les candidats de l'Est Aveyron n'ont recueilli que 20,58 % des suffrages exprimés.

   Si l'on s'intéresse aux résultats détaillés, on constate que, dans le canton de Raspes-et-Lévézou, le binôme FN est arrivé deuxième dans 13 des 22 communes (soit la majorité). Il obtient son meilleur score à Saint-Laurent-de-Lévézou : 32,74 % des suffrages exprimés ! Au final, il passe troisième parce que le binôme divers gauche obtient de très bons résultats dans les communes de Broquiès et Saint-Victor-et-Melvieu, d'où sont originaires les deux candidats.

 

mardi, 24 mars 2015

Les électeurs du Grand Rodez plutôt légitimistes

   L'Aveyron s'est une fois de plus distingué à l'occasion des élections départementales, avec une participation plus élevée que la moyenne nationale (presque 60 %, contre un peu moins de 51 %).

   Les électeurs de la communauté d'agglomération du Grand Rodez sont répartis entre six cantons : Causse-Comtal (62 % de participation), Nord-Lévezou (57 %), Rodez-1 (51 %), Rodez-2 (49 %), Rodez-Onet (54 %) et Vallon (60,5 %). On a donc des situations contrastées, avec deux cantons (périurbains voire rurbains), où l'on a davantage voté que la moyenne départementale (déjà plus élevée que la moyenne nationale), et quatre cantons où l'on a moins voté que la moyenne départementale, l'un d'entre eux (Rodez-2... le mien !) se signalant par un taux inférieur même à la moyenne nationale.

   Au niveau des résultats, il n'y a guère de surprises. Sur Causse-Comtal, Jean-Michel Lalle ne se représentait pas, mais le maire de Bozouls Jean-Luc Calmelly avait été adoubé par Jean-Claude Luche... et il a bénéficié d'une excellente presse (avant et) tout au long de la campagne. Sa désignation apparaît donc fort logique, en dépit de la présence face à lui de la maire de Sébazac-Concourès Florence Cayla. Quand on regarde le détail des résultats, on s'aperçoit que J-L Calmelly a sans doute profité de l'absence de candidats FN... Rappelez-vous que c'est l'inénarrable Alexandre Larionov qui était prévu au départ. On peut légitimement penser que la présence de candidats FN aurait un peu mordu sur l'électorat de Calmelly. Sa victoire n'en aurait cependant été qu'un peu moins éclatante, dans ce canton marqué à droite, où il suffit d'agiter le chiffon rouge de la communauté d'agglomération du Grand Rodez pour braquer tout une catégorie d'électeurs.

   Le canton Nord-Lévezou constitue une particularité électorale : il est très peuplé, situé en zone périurbaine... mais il n'a suscité la candidature d'aucun membre du Parti socialiste, ni d'aucun divers gauche qui pourrait lui être associé. Certains y voient la main du maire de Rodez Christian Teyssèdre, qui s'entend très bien avec le maire de Luc-la-Primaube, Jean-Philippe Sadoul, candidat UDI. Coup de bol pour celui-ci : il n'a pas eu non plus à affronter des candidats FN. Seul le Front de Gauche est parti à la bataille. Il réalise d'ailleurs un score honorable dans ce contexte, recueillant un tiers des suffrages exprimés. On notera le nombre important de bulletins blancs ou nuls, qui représentent près de 8 % des inscrits.

   A Rodez-1, les jeux ne sont pas encore faits, même si l'on sent que le binôme de gauche arrivé en tête (soutenu par le maire de Rodez) a de bonnes chances de l'emporter au second tour. On notera que l'électorat de gauche, qui s'était massivement porté sur Christian Teyssèdre en 2008, a (largement) préféré le jeune binôme formé par Sarah Vidal et Arnaud Combet, issu du conseil municipal, aux radicaux soutenus par l'ancienne suppléante du maire Nicole Laromiguière (900 voix contre 404). Mais l'échec le plus cuisant est celui du dissident ex-UMP Mehdi Smaïne, qui dépasse à peine les 5 %. L'électorat de droite a lui aussi privilégié la légitimité du parti dominant son camp.

   A Rodez-2, on a un temps pensé que l'élection était pliée. Le sortant, le luchiste Bernard Saules, n'avait aucun concurrent sur sa droite, alors que deux binômes se sont présentés à gauche. C'est l'occasion de préciser que les candidats socialistes (Martine Bezombes et Serge Bories) n'ont pas renié leur étiquette politique, puisqu'elle figure sur leur bulletin :

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   Je reconnais toutefois que, sur leur plaquette de campagne, on peut longtemps la chercher... Mais il me semble que les références à Martin Malvy et Christian Teyssèdre sont très explicites.

   Quoi qu'il en soit, si Bernard Saules a bien obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il est bien en-dessous des 25 % des inscrits, qui sont nécessaires pour valider le vote, au premier tour. La faute à l'abstention. A l'absence (étonnante, comme l'a relevé L'Hebdo) de candidat FN, il faut ajouter celle d'un-e candidate écologiste, autant d'éléments qui ont pu inciter une partie des électeurs à ne pas se déplacer.

   Du coup, on va devoir revoter dimanche prochain. La donne change, puisque seuls deux binômes sont qualifiés : celui formé par Bernard Saules et Evelyne Frayssinet, et leurs adversaires socialistes. Presque 600 voix les séparent à l'issue du premier tour... soit presque le total du Front de Gauche (3e binôme en course). Ses électeurs, ainsi que les abstentionnistes, détiennent la clé du scrutin. Le conseiller général sortant (que l'on n'a vu au Faubourg qu'à l'occasion des deux campagnes auxquelles il a participé...) est clairement favori... surtout qu'il a pris soin de dire publiquement du bien de son collègue (castonétois) du Front de Gauche Jean-Louis Roussel, pendant sa campagne. Mais un retournement de situation n'est pas totalement à exclure... si ses adversaires "mouillent le maillot".

   On ne quitte pas complètement le chef-lieu aveyronnais avec le canton suivant, celui de Rodez-Onet, où le sortant est donc Jean-Louis Roussel. Bien qu'arrivé seulement deuxième, il a gagné la primaire à gauche, devant il est vrai une triplette de binômes (plus ou moins officiellement) socialistes particulièrement désunis. A ce sujet, on remarque que le duo estampillé PS (arrivé quatrième) a aussi été devancé par le binôme que certains disent avoir été lancé par le maire de Rodez. Les candidats de droite en ont profité pour arriver en tête. En théorie, comme sur Rodez-1, si l'électorat de gauche se mobilise, Jean-Louis Roussel devrait retrouver son siège. Mais la campagne du premier tour n'a-t-elle pas laissé quelques séquelles ? La droite locale a-t-elle raison de se réjouir d'affronter un adepte de Jean-Luc Mélenchon plutôt qu'un membre du PS ?

   On termine avec le Vallon, où l'union PRG-PS arrive en tête... mais n'est pas élue dès le premier tour. La faute peut-être à une candidature divers gauche. En 2011, Anne Gaben-Toutant n'avait été concurrencée (sur sa gauche) que par un communiste. La faute peut-être aussi au choix de son adversaire de droite. En 2011, c'était un UMP pur jus (Sébastien Podetti), peut-être un peu tendre. En 2015, Jean-Claude Luche a lancé un vieux renard centriste entre ses pattes, Bernard Cayzac. (Si c'est bien la personne à laquelle je pense, c'est un Espalionnais... bonjour la cohérence territoriale !) Le discrédit dont souffre la gauche gouvernementale a sans doute contribué à provoquer cette situation de ballottage. Cela risque cependant de ne pas suffire pour renverser la tendance au second tour.

   Il y aurait encore beaucoup à dire sur les autres cantons aveyronnais (notamment sur Millau et Saint-Affrique). Je vais me contenter de quelques mots sur celui de Villefranche-de-Rouergue, où le premier tour a vu le dénouement de la guérilla qui oppose depuis plusieurs années le PS Jean-Michel Bouyssié au PRG Eric Cantournet. Celui-ci, conseiller général sortant, arrive deuxième, devancé comme en 2011 par son adversaire UMP. Mais il a plutôt des raisons de se réjouir. La première est qu'il distance largement le binôme PS (il obtient presque le triple de son score), celui-ci étant même dépassé par le Front National. La deuxième raison de se réjouir est qu'Eric Cantournet a moins de 300 voix à remonter sur les deux adjoints de Serge Roques. Il reste à savoir si les autres candidats de gauche vont faire preuve de la même discipline républicaine que Claude Penel en 2011 : devancé d'à peine soixante voix par son rival radical de gauche, il avait sans hésiter appelé à voter pour lui.

lundi, 16 février 2015

Du Bou(r)din pas casher

   Tout le monde se pose la question : pourquoi a-t-il évoqué une éventuelle "influence juive" qui s'exercerait sur le Premier ministre Manuel Valls ? Qu'est-ce qui a pris à Roland Dumas Jean-Jacques Bourdin ?... car c'est bien l'animateur qui a prononcé ces mots, comme on peut le constater en (re)voyant l'intégralité de l'entretien avec l'ancien ministre des Affaires étrangères.

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   Les mauvaises langues diront que l'animateur de RMC et BFM TV a voulu "faire le buzz"... et c'est réussi. D'autres insinueront qu'il s'est peut-être montré complaisant avec ce qu'il pense être l'opinion de nombre de ses auditeurs/téléspectateurs : comme la radio et la télévision sont réputées très suivies à la fois par un public sensible aux thèses du Front national et par un public que l'on peut qualifier de "franco-maghrébin", une allusion antisémite ne peut que les conforter dans leurs préjugés.

   Ce n'est pas du tout ainsi que l'animateur présente la chose. Il déclare être une sorte d'accoucheur, qui fait dire à ses invités ce qu'ils pensent, même quand ils n'ont pas l'intention d'être aussi francs à l'antenne. Cela signifierait-il qu'il aurait perçu, dans les écrits de Roland Dumas, un poil d'antisémitisme ? Reprenons l'entretien depuis le début.

   L'ancien ministre est venu promouvoir son nouveau livre, où il se targue d'être "politiquement incorrect". Il déclare d'ailleurs d'emblée à Jean-Jacques Bourdin : "Vous ne serez pas déçu." En clair, vous voulez de la provoc' ? Eh bien, vous allez être servi !

   Le journaliste commence avec la tuerie de Copenhague. Au cours de la conversation, en quelque cinq minutes, il va principalement être question de Bernard-Henri Lévy, de Laurent Fabius (actuel ministre des affaires étrangères) et de Benjamin Netanyahu (Premier ministre d'Israël)... tous trois juifs. Certes, la discussion porte sur la politique étrangère française (et le seul qui est victime de la vindicte de Dumas est BHL) mais, tout de même, cette coïncidence est troublante, à la fois dans les choix opérés par J-J Bourdin et dans les réponses de R. Dumas.

   Sur le fond, ce que dit l'ancien ministre n'est pas inintéressant. Il essaie de contextualiser les événements et invite à ne pas tout dramatiser. Mais, entre les éléments d'analyse qui prouvent qu'il a gardé des capacités de réflexion malgré son grand âge (92 ans, quand même) se sont glissés des raccourcis voire des approximations. Il déclare ainsi qu'après le massacre de Charlie Hebdo "Aujourd'hui, les Arabes ont eu satisfaction". Je pense qu'il pensait "les musulmans". (Il commet cette confusion une nouvelle fois quelques minutes plus loin.) Par contre, on aurait aimé quelques éclaircissements sur sa formule, ce que Jean-Jacques Bourdin n'a pas pensé à demander.

   Concernant BHL (pour lequel je n'ai pas une grande estime), il prétend citer le défunt François Mitterrand, qui aurait évoqué son "entregent" (son influence). C'est encore une formulation riche en sous-entendus, qui ne fait l'objet d'aucune explication précise. Du coup, lorsque Roland Dumas prétend dénoncer "les gens qui jettent de l'huile sur le feu" (avec BHL comme principal exemple), on se retrouve un peu en face d'un pompier pyromane... un pompier qui, de surcroît, minimise constamment le poids de l'intégrisme musulman.

   On ne peut qu'être d'accord avec Dumas quand il regrette le chaos dans lequel sont plongées la Libye et la Syrie. Il estime qu'il aurait fallu réfléchir et négocier davantage avant de lancer les troupes contre les armées de Kadhafi et Bachar el-Assad. Il oublie les massacres de civils qui avaient déjà eu lieu et ceux qui risquaient de survenir. Mais, quand on voit le résultat aujourd'hui, on se dit qu'il n'a pas complètement tort. Par contre, il s'embrouille un peu entre les gouvernements français. Il semble attribuer à Laurent Fabius (et donc à François Hollande) le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'O.T.A.N. et la décision d'attaquer la Libye. Or, c'est pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy que ces événements se sont produits.

   Arrive enfin le passage sur Manuel Valls. C'est le retour des allusions déplaisantes et des imprécisions. Roland Dumas tente d'opposer le parcours du Premier ministre à celui de son père Xavier, qui fut un peintre renommé. C'est là qu'il se plante royalement, présentant le papa comme un républicain ardent, qui a fui l'Espagne franquiste pour ne plus y revenir du vivant du dictateur sanguinaire. Or, qu'apprend-on en lisant la biographie de Xavier Valls ? Qu'il a quitté l'Espagne dès la guerre civile... en 1949, après avoir obtenu une bourse à Paris. Il a ensuite effectué plusieurs allers-retours entre les deux pays, puisqu'il a été régulièrement exposé à Barcelone et à Madrid. La vraie rupture intervient en 1959, peu de temps après son mariage avec Luisangela Galfetti.

   Il dit de Manuel (par rapport à son père Xavier) : "lui, il a pris le point de vue contraire". C'est doublement faux, d'abord parce qu'il part du principe que le père était un révolutionnaire, ensuite parce que Manuel Valls n'est pas un héritier du franquisme (le "contraire" du républicain espagnol de l'époque). Jean-Jacques Bourdin semble s'être rendu compte de l'énormité de l'affirmation, puisqu'il relance son invité sur le "socialisme" du Premier ministre. En quelques minutes, Roland Dumas se contredit à nouveau, déclarant d'abord que M. Valls n'est pas socialiste avant de dire qu'il l'est, à sa manière (celle des dirigeants de la S.F.I.O. pendant la guerre d'Algérie)...

   Enfin, il va dans le sens de l'animateur quand celui-ci évoque "l'influence juive" à laquelle le Premier ministre serait soumis. Au passage, on se garde bien de nous dire quelles seraient les preuves de cette supposée influence. En clair, Manuel Valls serait influencé par sa femme... mais dans quels domaines, mystère. Est-ce pour le choix de ses cravates ? celui de ses ministres ? celui des sorties du couple ? Nous voilà devant deux mâles dominants (l'interviouvé et l'interviouveur), qui ont eu de nombreuses conquêtes féminines (on en reparlera plus loin) et discutent d'un autre homme, qui serait soumis à l'influence d'une femme. Figurez-vous qu'en plus elle est juive ! Sans que rien d'autre ne soit dit sur l'action supposée d'Anne Gravoin. On en conclut que Roland Dumas lui attribue les prises de position de Manuel Valls sur le conflit israélo-palestinien (ou sur le militant politique extrémiste Dieudonné). On est donc parti d'une épouse juive pour arriver au soutien de la politique d'Israël. Bel amalgame, le tout, je le rappelle, sans aucun élément pour étayer l'affirmation.

   Je pense que Roland Dumas, comme beaucoup de ceux qui critiquent l'action de Manuel Valls, a en tête son intervention devant des membres de la communauté juive de Strasbourg, en 2011. (Précisons que, contrairement à ce qu'affirme une kyrielle d'imbéciles qui se défoulent sur la Toile, ce n'est pas Manuel Valls qui essaie de faire retirer la vidéo du réseau, mais la station de radio qui avait organisé la rencontre.) Intéressons-nous donc à cet extrait, en gardant à l'esprit qu'à cette date, le 17 juin, il vient de se déclarer candidat à la primaire socialiste.

   La très grande majorité de son intervention (qui est la réponse à une question du public) est une défense de la politique du PS (mais pas de Roland Dumas, qu'il égratigne au passage... eh oui, il y a presque quatre ans). Il lance une pique contre le soutien à Nicolas Sarkozy et rappelle, incidemment, que beaucoup d'électeurs musulmans sont prêts à voter pour un ami des juifs. Comme il est en campagne, il se présente comme le meilleur rempart contre l'antisémitisme. La référence à son épouse vient dans ce contexte-là : "Par ma femme je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël... quand même ! Donc je viens pas ici pour recevoir des leçons de brevet... euh... euh... de lutte contre l'antisémitisme."

   Ceux qui citent le début de ce passage comme la preuve de l'inféodation de Manuel Valls à Israël et de l'influence qu'exercerait son épouse sur lui sont donc à côté de la plaque. Alors en campagne, le maire d'Evry vient rassurer des Français juifs (inquiets de la remontée de l'antisémitisme dans notre pays), polir son image de présidentiable... et remettre les pendules à l'heure concernant l'action politique du Parti socialiste. On peut considérer qu'il y va peut-être un peu fort dans la démonstration affective, mais c'est celle d'un homme politique indépendant d'esprit.

   Terminons sur quelques notes d'humour. Pour cela, Roland Dumas et Jean-Jacques Bourdin vont nous être utiles. Durant l'entretien, le premier n'hésite pas à taquiner le journaliste. Au début, quand il est question des slogans hâtivement lancés à l'occasion des récents faits divers, il dénonce la course à l'audience (qui grossit exagérément des événements auxquels on finit, selon lui, par accorder trop d'importance) et, s'adressant à Bourdin, lui dit : "Vous savez ce que c'est, l'audimat !"

   Vers la fin, il est question des relations entre élus (hommes) et journalistes politiques (femmes)... des relations qui ne sont pas que professionnelles. Un ange passe dans le studio, Jean-Jacques Bourdin ayant lui-même épousé une journaliste qu'il avait d'abord invitée dans son émission. Roland Dumas y fait subtilement allusion : "La relation avec les FEMMES journalistes est difficile. Ce n'est pas à vous que je vous le dirai [sic]" Bourdin fait semblant de ne pas avoir compris et déclare n'avoir aucune relation (privée) avec un homme ou une femme politique. Bien vite, il relance son interlocuteur et le flatte, le qualifiant de "séducteur". Roland Dumas répond en disant que tout cela est "éculé"... et Bourdin s'écroule de rire, d'autant plus que Dumas en remet une couche : "J'ai dit éculé".

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   Et voilà ces grands-pères qui se comportent comme deux adolescents. Ils sont bien sympathiques, mais la manière dont ils ont parlé de la supposée "influence juive" me reste en travers de la gorge.

samedi, 07 février 2015

Pourquoi C. Teyssèdre ne pouvait pas gagner

   Dans la course à l'investiture du Parti socialiste pour les élections régionales de décembre prochain, le maire de Rodez a fini par "jeter l'éponge", comme on dit en général dans ces cas-là. Bref, il a renoncé avant le vote des militants, parce qu'il a compris qu'il ne pouvait pas l'emporter.

   Mais la première question qui vient à l'esprit de l'observateur avisé est plutôt celle-ci : pourquoi diable s'était-il lancé dans cette aventure, avec si peu de chances de succès ? De prime abord, on serait tenté de penser qu'il estimait (à tort ou à raison) avoir accompli l'essentiel de son oeuvre à la tête de la commune de Rodez. Il lui fallait donc un nouveau défi.

   Pourquoi pas la députation ? Il avait (vainement) tenté sa chance en 2007, mais il me semble que Christian Teyssèdre soit plus intéressé par la gestion d'une collectivité territoriale que par le travail parlementaire. Ceci dit, je fais partie de ceux qui pensent qu'en 2012, il aurait pu enlever la première circonscription au député sortant Yves Censi, réélu de justesse face à Monique Bultel-Herment.

   Une autre possibilité était la conquête du conseil général de l'Aveyron. Mais, en 2011, c'est Guy Durand (à l'époque maire de Millau) qui avait mené ce combat. En 2015 comme en 2011, en dépit de la réforme territoriale, la gauche risque fort de mordre à nouveau la poussière. Dans le passé, C. Teyssèdre a pu réaliser ce que c'est que d'être conseiller général dans l'opposition. Il ne semble pas qu'il souhaite vivre à nouveau cette situation.

   Il restait donc la succession de Martin Malvy à la présidence du conseil régional de Midi-Pyrénées. Ce n'est que tardivement que l'on a appris officiellement le renoncement du sortant (un secret de Polichinelle, pour ceux qui savaient lire entre les lignes). Depuis deux-trois ans, on s'agite beaucoup dans le dos du président. Voilà sans doute pourquoi le maire de Rodez n'avait pas démissionné de son poste de vice-président, contrairement à l'un de ses engagements de campagne. Il a peut-être été conforté dans sa démarche par l'éviction successive de plusieurs des prétendants au trône : Kader Arif (rattrapé par la justice), Philippe Martin (plus préoccupé par le conseil général du Gers... et dont le passage au gouvernement n'a pas laissé une trace indélébile) et surtout Nicole Belloubet, opportunément nommée au Conseil constitutionnel en 2013.

   Comptant profiter de la disparition de ses principaux concurrents et s'appuyant sur l'inauguration réussie du musée Soulages, Christian Teyssèdre n'a pas compris que, début 2015, la situation avait changé. Cette élection est d'abord celle de la fusion de deux régions. Or, le maire de Rodez s'est présenté en solitaire, sans penser à former un tandem (voire une équipe) avec une élue languedocienne. En face, l'idée du duo Delga-Alary est une bonne trouvaille : on associe deux élus de grosses fédérations du PS, des deux régions d'origine ; on maintient (en cas de victoire) la présidence midi-pyrénéenne, tout en attribuant un beau lot de consolation à celui qui ne voulait pas de la fusion. Pour que sa candidature soit plus crédible, Christian Teyssèdre aurait dû rechercher l'alliance d'au moins une collègue socialiste de Languedoc-Roussillon... pas forcément montpelliéraine d'ailleurs.

   Le contexte de janvier 2015 a aussi été défavorable à la candidature du maire de Rodez. L'attitude de François Hollande suite aux meurtres commis par des terroristes islamistes a renforcé sa stature de président... et sa crédibilité aux yeux des militants socialistes. La solution imposée par les dirigeants du PS (qui a dû obtenir l'aval de l'Elysée) n'aurait sans doute pas été aussi bien acceptée quelques semaines auparavant. De ce point de vue, les attaques de Christian Teyssèdre contre l'appareil du PS sont arrivées à contre-temps. Les militants socialistes l'ont sans doute plus perçu comme un diviseur que comme un rassembleur... impression renforcée par ses bisbilles avec le PRG local. Ils ont choisi la sécurité de la solution proposée par Paris.

   Ce n'est pas tant dans les médias qu'auprès des militants de base qu'il aurait fallu intervenir, en utilisant ses réseaux. S'il avait vraiment déjà en tête sa candidature il y a trois-quatre ans, le maire de Rodez aurait dû mettre à profit sa vice-présidence de Midi-Pyrénées pour étoffer son carnet d'adresses. Il s'est peut-être un peu trompé de campagne... ou alors, faute d'un réseau suffisamment développé au sein de l'appareil, il a dû tenter de passer au-dessus, en utilisant principalement la presse... dont l'impact est aujourd'hui beaucoup plus faible qu'il y a vingt ans.

   Il y a pourtant bien eu une campagne interne au PS. Les non-initiés en ont eu des échos dans les journaux. Le maire de Rodez s'est rendu jusqu'à Tarbes pour tenter de convaincre les militants et on a pu voir Mme Delga à Albi où, d'après Le Tarn libre, elle a été bien accueillie par la fédération PS (sans doute déjà acquise à sa cause) :

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   Quatre débats ont même été organisés (d'après ce qu'on pouvait lire dans le cahier régional de Midi Libre de vendredi), le dernier semble-t-il à Toulouse :

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   Cette mini-campagne n'en a pas moins eu un certain retentissement. Outre les médias locaux et régionaux, quelques médias nationaux en ont rendu compte, comme Le Parisien et 20minutes. Quant à Christian Teyssèdre, il va désormais pouvoir pleinement se consacrer à Rodez et à sa communauté d'agglomération. D'autres tâches l'attendent, peut-être moins clinquantes que celles auxquelles il espérait se consacrer à l'Hôtel de région, mais tout aussi importantes pour l'avenir de cette partie de l'Aveyron.

samedi, 24 janvier 2015

"Tout est pardonné"

   J'ai enfin réussi à me procurer le numéro de Charlie Hebdo publié le 14 janvier. C'est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas : même en Aveyron, à Rodez, les lecteurs se sont rués chez les marchands de journaux. Cela confirme l'impression ressentie au cours de la marche du dimanche 11 janvier : un grand nombre de mes concitoyens a voulu manifester sa condamnation des assassinats et son attachement à la liberté d'expression, ainsi sans doute qu'à la laïcité.

   J'ai quand même failli tomber de ma chaise quand j'ai appris que ma mère avait elle aussi acheté un exemplaire de l'hebdomadaire satirique ! Elle qui n'en a jamais été lectrice, elle qui trouve les caricatures vulgaires, elle qui fréquente assidûment les églises et n'apprécie pas que l'on dénigre les religions (pas que la catholique, d'ailleurs) ! Pas très intéressée par la lecture, elle a rapidement donné l'exemplaire à un membre de la famille...

   Commençons par la Une, qui a fait polémique, pour plusieurs raisons :

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   Le premier motif de mécontentement de certains musulmans est la représentation de Mahomet. Selon ces personnes, il est interdit (Par qui ? Mystère...) de représenter le prophète de l'islam. C'est l'une des idées reçues qui circulent à propos de cette religion, idée reçue qui a été démontée dans un article des "Décodeurs" du Monde. Ainsi, les musulmans qui réclament que l'on ne représente pas Mahomet ne sont les vecteurs que d'une interprétation de l'islam.

   Ceci dit, ils pourraient aussi s'appuyer sur la Bible (dont s'est inspiré le Coran), notamment les Dix Commandements. Il y est clairement question du rejet de toute représentation imagée. Cela explique que, dans les synagogues, on ne trouve pas de représentation humaine, encore moins de Yahvé. Mais on ignore souvent que le christianisme (qui est né du judaïsme) a lui aussi été agité de violents débats au sujet des images. Ce sont d'abord les orthodoxes de l'Empire byzantin qui ont connu la querelle de l'iconoclasme. Plus tard, à la Renaissance, l'Europe occidentale a été le théâtre d'affrontements sanglants entre catholiques et protestants, ces derniers s'en prenant aux représentations imagées.

   Il reste que, pour nombre de musulmans, Mahomet n'est pas qu'un fondateur, un homme exceptionnel. Il a le statut d'un quasi-dieu, ce qui rapproche l'islam du christianisme (qui a tenté de résoudre la quadrature du cercle monothéiste avec l'invention de la Trinité, sorte de "trois dieux en un").

   L'autre erreur des intégristes est de (faire semblant de) croire que des préceptes religieux peuvent s'imposer à la loi française. Fort heureusement, nous vivons dans une république (imparfaitement) laïque. Elle n'est pas pour autant athée, ni islamophobe. Ici, nous rencontrons deux problèmes. Le premier est l'instrumentalisation de cette affaire par des dirigeants (politiques et/ou religieux) musulmans qui savent pertinemment que l'islam n'est pas mis en danger par ces caricatures, mais qui profitent de l'occasion pour asseoir leur pouvoir ou prendre la main sur des adversaires plus timorés. Le second problème est l'inculture des masses sous-éduquées, auxquelles on tente de faire croire tout et n'importe quoi.

   Le deuxième motif de mécontentement est la manière dont Mahomet est dessiné. Pourtant, elle n'est pas nouvelle. Le turban et la barbe sont des attributs classiques du prophète des musulmans, y compris dans les représentations islamiques. Des discussions sont nées de la présence supposée du sexe masculin sur la caricature. Voici ce que cela donne lorsqu'on la retourne :

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   En y regardant bien (et avec un peu d'imagination), on peut reconnaître un premier pénis, formé par les yeux et le nez de ce Mahomet d'opérette. Un deuxième membre masculin (plus imposant) serait composé du turban et du visage du Prophète. On pourrait en distinguer un troisième, formé par ce même turban, avec la bandelette qui dépasse de la tête du personnage.

   Même si je reconnais que la remarque ne manque pas de fondement, il faut rappeler que le dessinateur Luz a coutume de représenter Mahomet ainsi. On a déjà pu le voir notamment en couverture du numéro intitulé Charia Hebdo, qui avait valu à l'hebdomadaire satirique les foudres de certains agités du bocal.

   Il est même plutôt sympathique, au regard de la version de Cabu, qui avait fait la Une d'un autre numéro désormais collector, C'est dur d'être aimé par des cons. Celle-ci avait d'ailleurs fait l'objet de la même polémique que celle qui touche le journal paru le 14 janvier. On avait accusé Cabu d'insulter tous les musulmans, alors qu'il ne visait explicitement que les intégristes. Mais pour cela, encore fallait-il avoir lu le titre qui accompagnait le dessin :

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   Ici, je me suis contenté de procéder à un petit truquage maladroit, mais je me souviens qu'à l'époque, j'avais vu des reproductions de la Une, sans le texte d'accompagnement.

   Concernant la représentation "sexuée" de Mahomet, certains mauvais esprits pourraient être tentés d'affirmer que Luz sous-entend que le prophète des musulmans est une "tête de noeud"... D'autres esprits ont cru reconnaître un sexe féminin (non épilé) dans le dessin du bas du visage... (Cabu l'avait fait jadis avec un portrait de Yasser Arafat... qui n'avait pas suscité de telles réactions.) C'est surtout révélateur des obsessions qui habitent (en un seul mot, hein !) l'esprit de certains croyants, musulmans ici, catholiques là, quand il a été question de l'enseignement de l'égalité des sexes à l'école.

   Enfin, je me dois de rappeler qu'il n'est pas rare que des caricaturistes "introduisent" un élément sexuel dans la représentation d'un personnage. En France, ce fut notamment le cas de Plantu, dans Le Monde, à propos de Dominique Strauss-Kahn. Il n'y a vraiment pas de quoi en faire un drame.

   Le troisième motif de mécontentement (à propos de la couverture) est le texte d'accompagnement. Cette fois-ci, ce sont plutôt les amis de Charlie qui n'ont pas apprécié (ou compris) le message. Luz n'a pas voulu trop en dire, mais l'on sent qu'il y a une intention conciliatrice derrière (du genre "on représente votre prophète, certes, mais sans intention de nuire"). Cela n'a pas forcément été perçu ainsi par les musulmans extrémistes. A contrario, les amis de Charlie ne voient pas ce que l'hebdomadaire aurait à se faire pardonner. La liberté d'expression ne se mendie pas. Le dessin, avec la pancarte "Je suis Charlie", se suffisait à lui-même.

   Passons au contenu du journal, à présent. La tentation des lecteurs est de passer directement de la première à la dernière page. D'abord, parce que c'est une manipulation très facile à réaliser. Ensuite, parce que c'est à cet endroit que se trouvent "les couvertures auxquelles vous avez échappé", parfois meilleures que celle qui a été retenue pour faire la Une. J'ai particulièrement aimé celles de Catherine Meurisse :

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   La seconde fait allusion à l'action de margoulins, qui ont voulu se faire de l'argent facile avec le slogan (contestable) créé par Joachim Roncin. Plus d'une centaine de tentatives de dépôt de marque (dont deux pour des armes...) ont été refusées par l'INPI.

   Les pages 2 et 3 sont remplies de dessins des défunts caricaturistes, qui encadrent l'éditorial de Gérard Biard. Celui-ci a bien senti que le drame qui a frappé l'hebdomadaire satirique allait faire l'objet de récupérations. C'est l'occasion de réaffirmer la défense de la laïcité. Il profite de l'occasion pour rappeler que les collègues aujourd'hui quasi unanimes à les soutenir ont été plus réticents les années passées, notamment en 2012, lorsque l'affaire des caricatures avait rebondi.

   Les textes occupent ensuite davantage de place. On trouve notamment un papier de Jean-Yves Camus sur les thèses complotistes nées dans certains esprits dérangés. Très instructif. Les pages suivantes m'ont moins intéressé. L'intérêt est remonté à la lecture de la double-page centrale, consacrée à la manifestation parisienne du 11 janvier. Sur la partie gauche, une double-bande verticale (signée Luz) fait le bilan des changements positifs et négatifs survenus depuis les assassinats.

   Le suite est un mélange d'inédits des caricaturistes décédés, de dessins de ceux qui sont encore vivants et de textes plus ou moins intéressants. Je retiens un épisode des aventures des inénarrables Maurice et Patapon, sans doute la meilleure création de Charb :

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   La suite (début février) nous dira si Charlie Hebdo sait rebondir. Son assise financière sera (provisoirement) plus solide. Le talent suivra-t-il ?

dimanche, 11 janvier 2015

Gros succès pour la journée piétons à Rodez

   Il faut saluer cette initiative citoyenne. Des milliers d'Aveyronnais (17 000 selon Centre Presse) ont convergé dimanche vers le chef-lieu et sa célèbre place d'Armes, pour s'engager dans une marche d'environ une heure, un excellent exercice pour la santé, comme vont le diront tous les médecins.

   Ce dimanche, en début d'après-midi, le Faubourg est très calme. Ce n'est qu'en remontant vers le centre-ville que, petit à petit, des grappes d'individus commencent à peupler les trottoirs. Et pourtant, ce n'est pas l'heure de la messe. Le soleil resplendit, preuve que les dieux sont avec nous. (Ce petit blasphème est dédié aux culs-bénits de toute obédience.)

   Carrefour Saint-Cyrice, une fois les feux passés, un choix cornélien se propose aux courageux piétons. Vaut-il mieux s'engager sur le trottoir de droite, qui, à cette heure de la journée, bénéficie d'un bel ensoleillement, ou bien sur le trottoir de gauche, certes situé à l'ombre, mais offrant le chemin le plus court à destination du lieu de rassemblement ? La majorité des piétons optent pour la version ensoleillée, laissant plus de place aux braves qui ont choisi la voie de gauche. Régulièrement, les piétons voient des voitures les dépasser, chose étonnante un dimanche à Rodez.

   Lorsque la rue bifurque sur la gauche, la situation des trottoirs au regard de l'ensoleillement se trouve inversée. Quelques "droitistes" rejoignent l'autre camp, même si la majorité reste fidèle à son premier choix. Quelques mètres plus loin, de la musique reggae vient déchirer le silence de la procession. Le froid n'a visiblement pas découragé l'occupant indélicat d'un logement donnant sur la rue (côté gauche, en montant) : les fenêtres grandes ouvertes, il asperge le flot de passants, croyant sans doute exprimer ainsi une sorte de révolte. La connerie humaine prend décidément des formes qui ne cesseront jamais de me surprendre.

   A l'approche du sommet de la rue Béteille, les véhicules sont détournés de la place d'Armes, dont l'accès est bloqué. Pour les piétons, la tâche s'annonce presque aussi ardue, parce que les manifestants déjà arrivés ont tendance à s'entasser au bas de la place, où débarque aussi une foule en provenance de la rue Victor-Hugo. Un petit détour permet d'arriver par le boulevard d'Estourmel et de se faufiler sur la place.

   Au pied de la cathédrale se trouve un groupe de Femen. Sur leurs torses dénudés est écrite la désormais célèbre formule de ralliement "Je suis Charlie". Je propose de réchauffer l'une d'entre elles avec mes mains, mais elle me traite de gros porc et me gifle sauvagement.

   Les bonnets sont de sortie, tout comme les écharpes. Sur l'estrade aménagée au centre de la place, une brève allocution rend hommage aux victimes et proclame l'attachement indéfectible à la liberté d'expression. Suit une minute de silence assez émouvante, au cours de laquelle on entend, troublante coïncidence, les cloches de la cathédrale marquer 14h45. Une longue salve d'applaudissements vient conclure.

   Comme il reste un peu de temps avant le début de la marche (qui doit commencer à 15h15), je pars à la recherche de connaissances. Je suis surpris de rencontrer presque davantage de périurbains et de ruraux que de Ruthénois. La foule est bigarrée. S'y mêlent jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et moins riches. Les "minorités visibles" sont présentes, mais pas en très grand nombre. Je remarque que, parmi celles-ci, ce sont plutôt des jeunes (étudiants ou actifs pas très âgés) qui se sont déplacés.

   La majorité des manifestants est venue en toute simplicité, sans banderole ni affichette. Celles qui sont brandies ne s'en remarquent que davantage. Il y a bien sûr la reproduction de certaines "unes" de l'hebdomadaire satirique, la plus répandue étant sans conteste celle montrant un dessinateur et un imam s'embrassant goulûment :

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   Bien entendu, on peut voir des pancartes "Je suis Charlie", l'une d'entre elles proclamant "Je suis policier et je suis Charlie". D'autres manifestants se sont creusé la cervelle et ont découpé et colorié des morceaux de carton. L'un d'entre eux a la forme d'une main dont quatre des doigts sont repliés, le cinquième (le majeur) étant vigoureusement levé vers le ciel... Pour compléter le tableau, il faut citer les drapeaux tricolores. J'en ai vu vierges de toute inscription ou avec "liberté égalité fraternité". (Personnellement, en hommage à "l'esprit de Charlie", j'aurais complété par "poil au nez" !) Je n'ai pas pu déchiffrer totalement ce qui était écrit sur un autre. Le nom "Charlie" y figurait, tout comme le nombre 17, peut-être une référence aux victimes des terroristes : les 12 de l'attaque de Charlie Hebdo + la policière municipale de Montrouge + les quatre clients de l'épicerie juive. (On commence enfin à évoquer le caractère antisémite de l'une des agressions...)

   15h25 : il semble que la foule commence à se mouvoir... mais pas dans le sens habituel. La marche ne s'élance pas vers la droite et le boulevard Gambetta, mais vers la gauche et le boulevard d'Estourmel. Pourquoi ? Mystère. L'une des gargouilles de la cathédrale regarde tout cela, l'air narquois :

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   Nous empruntons donc le même parcours que lors de la manifestation contre la réforme des retraites de 2010, mais en sens inverse. Du boulevard d'Estourmel jusqu'au musée Denys Puech, le soleil nous a quittés, ses rayons désormais rasants étant bloqués par les immeubles qui encadrent notre parcours. Du coup, la marche est assez rapide, d'autant que le vent est de la partie !

   Devant le commissariat, le convoi ralentit. Certaines personnes s'arrêtent. Un hommage particulier doit être rendu aux policiers qui ont été sauvagement assassinés. (Franck Brinsolaro et Ahmed Mebaret étaient membres de la police nationale. Clarissa Jean-Philippe était encore stagiaire, en attendant de devenir policière municipale.)

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   Après avoir dépassé le musée Denys-Puech, nous avons retrouvé le soleil et entamé la dernière partie du parcours, passant devant le tribunal. Que l'on regardât vers l'avant ou vers l'arrière, la foule était impressionnante... et calme, dans une ambiance bon enfant. C'était une belle manif.

jeudi, 01 janvier 2015

Des nouvelles de Béatrice Marre

   On en a par l'entremise du Journal Officiel, plus précisément d'un décret de la présidence de la République : l'ancienne élue aveyronnaise a été nommée chevalier de la légion d'honneur, sur le contingent du ministre de l'Intérieur (page 16 du fac-similé). Quoi de plus normal pour une préfète ?

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   Le décret nous apprend qu'elle est chargée de mission au ministère. (Cela ressemble un peu à une bonne planque.) Elle doit occuper ce poste depuis mars 2014, époque à laquelle Nicole Bricq a cessé d'exercer la fonction de ministre : membre du gouvernement Ayrault, elle n'a pas été reconduite dans l'équipe Valls ; elle est redevenue sénatrice

   D'après Documents et informations parlementaires (où l'on peut trouver une biographie détaillée, pages 4-5), Béatrice Marre était devenue la collaboratrice de la ministre du Commerce extérieur en janvier 2013. Cela lui avait d'ailleurs valu un article dans La Dépêche du Midi.

   Les Aveyronnais connaissent l'ancien chef de cabinet de François Mitterrand surtout pour son passage dans le Sud Aveyron. En 2007, elle avait, sous les couleurs socialistes, tenté sa chance contre Alain Marc, lors des élections législatives. En 2008, elle avait participé au succès de la liste d'union de la gauche (conduite par Guy Durand), à Millau. Toutefois, bien que quatrième sur la liste vainqueur, elle n'avait pas obtenu de poste d'adjointe. Signalons que (d'après Roger Lajoie-Mazenc, dans son livre Fantassins de la démocratie) le futur maire de Millau, qui avait aussi décroché le mandat de conseiller général, n'avait été désigné candidat socialiste (aux cantonales) qu'avec une voix d'avance sur Béatrice Marre...

   On comprend mieux pourquoi, en 2012, certains caciques socialistes ont laissé la place aux Verts, dans la troisième circonscription aveyronnaise (dévolue à une candidate). Les mauvaises langues disent que certains dirigeants socialistes locaux préféraient encore voir le député UMP sortant réélu plutôt que d'assister à la victoire d'une redoutable concurrente... L'exclusion du PS de Béatrice Marre (qui n'a pas participé aux municipales de 2014) ne l'a visiblement pas empêchée de se reconvertir, avec l'aide d'amis présents au gouvernement (ou à l'Elysée).

   En remontant dans le temps, on constate que sa carrière a été fortement dépendante de la couleur politique du pouvoir exécutif. Jusqu'aux débuts de la première présidence Mitterrand, elle fut une sorte d'apparatchik du PS, avant de travailler pour plusieurs ministres de gauche puis de devenir sous-préfète (en 1985, peu avant la première cohabitation). Elle atteignit la notoriété en devant chef de cabinet du président durant son second mandat. C'est au début de 1995 qu'elle fut promue préfète, certes pendant la deuxième cohabitation, mais à une époque où le gouvernement Balladur acceptait de recaser les fidèles serviteurs du président mourant.

   Je pense que le duo Chirac-Juppé, aux manettes entre 1995 et 1997, n'a pas fait preuve du même esprit de conciliation. Ils ont visiblement placé Béatrice Marre dans un beau placard, en la nommant préfète hors cadre en 1996. De 1997 à 2008, elle vécut sa première carrière d'élue, loin de l'Aveyron, dans l'Oise.

   En parallèle, elle poursuivit (un peu en sourdine) son parcours de haut-fonctionnaire. En 2006, elle fut nommée à la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (en tant que représentante du ministère de l'Intérieur). En 2010, le gouvernement Fillon (plus précisément le ministère de l'immigration et de l'identité nationale) l'éjecta de ce poste en douceur, en la nommant préfète honoraire :

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   La légion d'honneur attribuée à Mme Marre est un peu son bâton de maréchal. A bientôt 63 ans, elle est proche de la retraite (de fonctionnaire... mais peut-être pas en retrait de la politique).

samedi, 08 novembre 2014

"Le trublion Eric Teyssedre"

   J'ai trouvé cette formule dans Le Journal toulousain du 6 novembre. Après bien des déboires, cet hebdomadaire "indépendant de droite" reparaît depuis septembre dernier. On peut notamment y lire la rubrique "Les petits bruits du Landernau", sous la plume de Thomas Simonian, le directeur de la publication (qui est aussi l'un des associés de la SCOP formée pour relancer le titre). Voici celle qui a été publiée jeudi :

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   A ceux qui ne connaissent pas en détail la (passionnante) vie politique aveyronnaise, signalons que le maire de Rodez (et président de la communauté d'agglomération du Grand Rodez) se nomme Christian Teyssèdre. Vice-président (toujours pas démissionnaire) du Conseil régional de Midi-Pyrénées, on sait qu'il pense succéder à Martin Malvy, le matin en se rasant. L'article semble accorder de meilleures chances aux deux autres personnalités de gauche mentionnées... même si, en 2015, il est fort possible que la droite récupère, au niveau régional, les bénéfices des erreurs de la gauche au plan national.

   Notre bon maire de Rodez n'a décidément pas de chance avec l'hebdomadaire toulousain. Il y a deux ans déjà, lorsqu'il avait été question de la succession de Martin Malvy, il n'avait même pas été cité parmi les candidats potentiels. (Les vedettes de l'époque sont aujourd'hui soit grillées, soit occupées à d'autres tâches.) Notons toutefois le progrès : d'inconnu, il passe à méconnu. Le succès du réaménagement du Foirail et la renommée du musée Soulages pourraient lui servir de tremplin pour 2015... mais il reste visiblement encore beaucoup de chemin à parcourir... (Et puis, il est peut-être plus urgent de construire un Grand Rodez élargi, bien accepté par le voisinage.)

    P.S.

   Plus intéressant que l'encadré sur la course à l'échalote midi-pyrénéenne, le long article intitulé "Les médias toulousains en crise" mérite la lecture, ne serait-ce que pour comprendre les difficultés à faire vivre un journal hors de l'influence du patron de La Dépêche du Midi... et des principaux annonceurs.

vendredi, 24 octobre 2014

Une pincée de Valls pour une bonne purge

   Il est des coïncidences parfois troublantes. Aujourd'hui, en lisant Le Petit Journal du 20 mars 1915 (disponible dans la dernière livraison de Journaux de guerre, centrée sur le génocide des Arméniens), je suis tombé, page 4, sur une publicité ma foi assez déroutante :

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samedi, 04 octobre 2014

Qui a payé ?

   C'est une question à laquelle on aurait aimé avoir la réponse en lisant la presse locale. Dimanche 28 septembre 2014, le président du Conseil général Jean-Claude Luche a été facilement élu sénateur de l'Aveyron. Il a entraîné avec lui le député Alain Marc (accessoirement premier vice-président du Conseil général), à qui il a cependant fallu un second tour, une centaine de grands électeurs (sans doute ruraux), pourtant proches de la Majorité départementale, ne jugeant pas sa candidature légitime (et osant l'exprimer dans les urnes).

   Après le stress du dépouillement, à la salle des fêtes de Rodez, est venu le temps des réjouissances, dans le nouvel espace culturel de Saint-Geniez-d'Olt, dans le fief de Jean-Claude Luche. Cela nous a valu un bel article dans Centre Presse, jeudi 2 octobre (le temps pour le journaliste de se remettre de cette soirée mémorable, sans doute) :

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   Plus de cinq cents personnes ont assisté à ce qui est qualifié d' "apéritif dînatoire", en clair un mini-gueuleton que l'on savoure plutôt debout. Mais, s'il y avait des invités, c'est donc qu'il y avait un hôte. Qui cela pouvait-il bien être ?

   La logique voudrait que ce soit Jean-Claude Luche, sur ses deniers personnels (ne vous emballez pas : ce sont les indemnités de ses différents mandats, qui sortent de notre poche), qui ait réglé la note. Est-ce le cas ? On ne nous le dit pas.

   La petite sauterie s'est passée à Saint-Geniez-d'Olt, dans une salle qui a été rénovée notamment grâce à 100 000 euros issus de la partie ministérielle de la réserve parlementaire, en 2011. L'ancienne salle polyvalente étant un équipement intercommunal, l'invitant était-il la Communauté de communes des pays d'Olt et d'Aubrac ? Si oui, à quel titre ? Précisons que celle-ci est présidée (depuis 2014) par le maire de Sainte-Eulalie-d'Olt (depuis 2008), Christian Naudan.

   On pourrait aussi s'intéresser au montant. Offrir un "apéritif dînatoire" à plus de 500 personnes n'est pas donné à tout le monde. Mettons qu'à tout casser il y ait eu 600 pique-assiette convives à régaler ce soir-là. Une collation modeste peut revenir à cinq euros par personne. Si les petits-fours sont de grande qualité et qu'on a sorti quelques bonnes bouteilles, cela peut monter facilement à quinze euros, soit un total compris entre 3 000 et 9 000 euros... sans prendre en compte la location (mise à disposition ?) de la salle, l'éclairage, l'utilisation des sanitaires...

   L'addition pourrait être encore plus salée si les coûts de personnels sont inclus. Certains membres du fan club de Jean-Claude Luche se sont-ils crus obligés de procéder (bénévolement) à la mise en place et au service, ou bien a-t-on rémunéré deux ou trois personnes pour officier ce jour-là ? Il y aurait bien une troisième solution, mais j'ai peine à croire qu'on ait pu demander à des employés municipaux (ou intercommunaux) de venir servir le gratin de la droite aveyronnaise un soir d'élection.

   Je termine par quelques mots sur la photographie d'illustration. Yves Censi (de nouveau très pote avec Luluche... mais qui a sérieusement cru qu'ils ne se parlaient plus ?) a tombé la cravate, tout comme Alain Marc. Seul J-C Luche, en boss qui garde la tête froide, conserve toute sa dignité vestimentaire. Les suppléantes sont là pour éviter les accusations de phallocratie... mais il manque une personne, pour laquelle le résultat de ces élections constitue une petite revanche (par procuration) : Jean Puech, dont le successeur au Conseil général a repris certaines méthodes.

   Jean-Claude Luche est donc bien le "patron" du département (le seul pouvant lui faire ombrage étant visiblement surtout attiré par le Conseil régional), mais, il a quand même cru nécessaire de faire attribuer un volant de subventions du Conseil général à quelques mois du vote...

samedi, 20 septembre 2014

Un nouveau préfet (de gauche) pour l'Aveyron

   C'est inhérent à la fonction : régulièrement, un mouvement de "chaises musicales" vient redistribuer les postes de haut fonctionnaire. On doit aussi s'y attendre dès qu'un gouvernement change de composition, que le titulaire de l'Intérieur reste le même ou pas. (Ainsi, Bernard Cazeneuve est resté en place dans le deuxième gouvernement Valls.) Par contre, le vivier dans lequel puisent les ministres pour constituer leur cabinet a beaucoup en commun avec celui d'où sortent les préfets.

   Jean-Luc Combe, le nouveau représentant de l'Etat en Aveyron est un "voisin", puisqu'il était en poste dans le Cantal depuis un an et demi. Mais son parcours (détaillé dans un article de Centre Presse) est bien plus long... et surtout moins stéréotypé que celui de nombre de ses collègues.

   Il a commencé sa carrière en 1981, en Seine-Saint-Denis, à Noisy-le-Sec, en tant que responsable du secrétariat général. La date (année de la première élection de François Mitterrand à la présidence de la République) et le lieu (un département qui fut longtemps géré par le Parti communiste) pourraient nous inciter à penser qu'il était proche de la gauche. D'ailleurs, le maire au service duquel il entre (et dont il a ensuite été directeur de cabinet) est Roger Gouhier, un communiste d'origine ouvrière.

   Il a 26 ans à l'époque. La Dépêche du Midi nous apprend qu'il est titulaire d'une licence d'histoire-géographie, décrochée à Toulouse (alors qu'il est né à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, pas très loin de la Seine-Saint-Denis). Il n'est donc pas un exemple de haut fonctionnaire issu d'une grande école, au parcours balisé. Ses débuts se rapprochent plutôt de ceux de nombre de fonctionnaires territoriaux qui ont commencé leur carrière dans les années 1980. Les lois Defferre ont accordé plus de pouvoirs aux collectivités territoriales, qui ont dû, dans la foulée, recruter rapidement de nouveaux collaborateurs. A l'époque, les formations spécifiques n'étaient pas légion. On a donc abondamment puisé dans les universités (plutôt en Lettres, Sciences économiques et Droit).

   En 1988, Jean-Luc Combe devient secrétaire général de la commune de Vigneux-sur-Seine, dans l'Essonne, au sud d'Ivry. Là encore, il s'agit d'une mairie communiste, qui a été dirigée pendant 21 ans par un homme de terrain, Lucien Lagrange. (C'était l'époque où le PCF avait un réservoir de militants dévoués, très souvent d'origine populaire... et beaucoup plus d'électeurs.)

   En 1993, il retourne en Seine-Saint-Denis, à Epinay-sur-Seine, cette fois au service d'un élu socialiste, Gilbert Bonnemaison. Assez vite (peut-être en raison du retrait du maire d'Epinay), il revient dans l'Essonne, auprès du maire d'Evry Jacques Guyard, lui aussi membre du PS. L'évolution politique des employeurs du futur préfet aveyronnais est-elle révélatrice du changement de sa "sensibilité" ? Il aurait été proche du PCF dans sa jeunesse, avant d'évoluer vers le PS.

   On en a la confirmation en 1998, quand il devient directeur général des services du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, présidé par le socialiste Jean-Louis Bianco... depuis 1998.

   En 2005, il passe à la Communauté d'agglomération d'Angers, elle aussi présidée par un membre du PS, Jean-Claude Antonini.

   Notre homme a toujours la bougeotte, puisque dès 2007, il change à nouveau d'affectation, peut-être pour se rapprocher de sa région d'origine. Il se retrouve au Conseil général de Seine-et-Marne, présidé là encore par un socialiste, Vincent Eblé.

   Celui-ci devient sénateur en 2011, année qui voit Jean-Luc Combe passer au service du nouveau président (socialiste) de la Haute Assemblée, Jean-Pierre Bel. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une coïncidence. En devenant sénateur, Vincent Eblé a pu bénéficier de fonds pour rémunérer ses collaborateurs. Il n'avait peut-être plus besoin de celui qu'il avait recruté au Conseil général. De surcroît, ce dernier connaissait peut-être Jean-Pierre Bel depuis longtemps. Bien que quelques années les séparent (ils sont nés en 1955 et 1951), ils ont pu se rencontrer à Toulouse, où ils ont tous deux poursuivi leurs études... et Jean-Pierre Bel étant issu d'une famille communiste, il est possible que les deux jeunes hommes se soient croisés lors de soirées militantes.

   En arrivant dans l'Aveyron, Jean-Luc Combe pousse vers la sortie Cécile Pozzo di Borgo, qui avait été nommée par le gouvernement Fillon en 2011. Agée de 62 ans, elle se dirige tout doucement vers la retraite, à un poste que certaines mauvaises langues n'hésitent pas à qualifier de sinécure : l'administration des T.A.A.F. (Terres Australes et Antarctiques Françaises).

dimanche, 31 août 2014

Un logo poutinien ?

   Il n'a échappé à personne que les récents championnats du monde de judo se sont déroulés en Russie, dans la riante cité de Chelyabinsk (ou Tcheliabinsk). Pendant la Seconde guerre mondiale, elle devint un centre important de fabrication de tanks. Elle est aussi tristement célèbre pour un accident nucléaire qui s'y est déroulé durant la Guerre Froide (en 1957). En 2013, elle fit la Une de l'actualité, frappée par une météorite.

   C'est en écoutant la radio, au volant de ma luxueuse, voiture que j'ai entendu ce qui m'est apparu d'abord être une plaisanterie : le logo des championnats se serait inspiré de la personne de Vladimir Poutine. Certes, on connaît l'affection que le dictateur président de la Russie éprouve pour ce sport, qu'il a beaucoup pratiqué. Mais ce serait quand même pousser un peu loin le culte de la personnalité.

   Pour en avoir le coeur net, observons le logo des championnats :

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   On y voit la silhouette d'un judoka, sans doute assis en tailleur sur un tatami. Cette posture ne m'est pas étrangère. Quelques recherches sur la Toile m'ont rapidement conduit à une photographie qui date un peu (de 2006, semble-t-il... mais je la pense plus ancienne) :

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   La silhouette du logo est clairement un décalque de l'image de Vladimir Poutine. Le soviétisme n'est pas encore mort !

   P.S.

   On peut aussi trouver une affiche de promotion des championnats du monde, sur laquelle apparaît officiellement le dirigeant russe... qui a n'a pas rechigné à mettre la main au kimono.

mardi, 29 juillet 2014

Timidité parlementaire

   C'est l'une des (timides) réformes utiles de la majorité actuelle : la loi sur la transparence de la vie politique. On a en vu très tôt l'une des applications : la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement Ayrault, puis celle des membres du gouvernement Valls (les précédentes étant dès lors inaccessibles, si leurs auteurs avaient perdu leur portefeuille ministériel). Dans ce cadre a été créée la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, dont le site internet permet d'accéder aux déclarations.

   Plus récemment, les parlementaires ont dû remettre leur déclaration d'intérêts et d'activités, qui viennent d'être rendues accessibles au grand public (au contraire du patrimoine des députés et sénateurs, difficilement consultable... et surtout pas publiable). Je me suis intéressé aux cinq actuels élus nationaux de l'Aveyron : Marie-Lou Marcel, Alain Marc et Yves Censi (députés) ; Anne-Marie Escoffier et Alain Fauconnier (sénateurs).

   Quatre d'entre eux sont officiellement à la retraite. Qui ne le savait pas s'en serait douté pour A-M Escoffier et A Fauconnier, respectivement nés en 1942 et 1945. C'est un peu moins connu pour M-L Marcel, qui a fait valoir ses droits (de manière légèrement anticipée) à 60 ans, en 2013. C'est limite polémique à propos d'Alain Marc, qui (comme je l'ai rappelé naguère) n'a pas trouvé gênant de profiter d'une retraite anticipée à 53 ans... tout en votant la loi reportant l'âge légal de départ à 62 ans. Curieusement, seule M-L Marcel a cru nécessaire de faire figurer, dans le cadre 1 de la déclaration (celui réservé aux rémunérations liées à une activité professionnelle autre que parlementaire), le fait qu'elle touche une pension de retraite. C'est peut-être lié au fait qu'elle a bénéficié d'un congé spécial de fin de carrière. Vous allez me dire : mais quel conflit d'intérêt peut naître de cette situation ? Eh bien, par exemple, il est intéressant de connaître l'exacte situation professionnelle de ceux qui votent les lois sur nos (futures) retraites... ainsi que le montant de leur pension, au moment où l'on demande aux Français de base de faire des sacrifices.

   Passons maintenant aux indemnités parlementaires. C'est la déception pour M-L Marcel, qui n'intègre pas la sienne dans sa déclaration. De son côté, A-M Escoffier mentionne son salaire de ministre déléguée, puisqu'elle a fait partie du gouvernement Ayrault. Yves Censi déclare pour seul revenu son indemnité de député... sans en préciser le montant. Guère moins hypocrite, Alain Marc donne le chiffre annuel (environ 66 000 euros), et pas mensuel (environ 5 400 euros nets)... peut-être pour éviter certaines comparaisons. Le champion de la transparence est, de ce point de vue, Alain Fauconnier, qui précise le montant mensuel de son indemnité de sénateur, ainsi que celui de son indemnité de frais de mandat, qui est un revenu complémentaire masqué.

   Venons-en aux autres indemnités. Yves Censi est le seul non-cumulard. Il devance Anne-Marie Escoffier, conseillère générale qui ne donne que son indemnité annuelle brute et M-L Marcel, qui est aussi conseillère régionale (environ 2 000 euros nets par mois). Pour cette dernière, si on fait la somme (avec les indemnités de la députée et sa retraite), on dépasse sans doute (légalement) 15 000 euros de revenu par mois.

   C'est peut-être davantage pour Alain Fauconnier et Alain Marc, deux cumulards dont les indemnités subissent néanmoins l'écrêtement. Ces deux parlementaires ne peuvent toucher plus de 8 300 euros (bruts) par mois, au titre de leurs mandats. Le sénateur-maire de Saint-Affrique dépasse légèrement les 7 000 euros nets, auxquels s'ajoutent environ 600 euros au titre de la présidence du PNR des Grands Causses (qu'il vient d'ailleurs de proroger). Ce n'est donc pas par générosité qu'il ne touche rien au titre de président de la communauté de communes du Saint-Affricain (qu'il vient aussi de récupérer). Il a toutefois l'honnêteté de faire figurer la somme qu'il recevait quand il était vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées. Mais l'on ne sait rien du montant de sa retraite (il a été conseiller d'éducation).

   On n'a pas plus d'information sur la pension d'Alain Marc. Il est de surcroît sans doute lui aussi écrêté. Si l'on ajoute son indemnité parlementaire à celle de vice-président du Conseil général de l'Aveyron, on ne doit pas être loin du maximum autorisé. Notons que pour cette indemnité comme pour la précédente, le député donne le chiffre annuel arrondi (23 000 euros). Il gagnerait donc à ce titre environ 1 900 euros nets par mois. Or, la population aveyronnaise se situant dans la tranche 250 000 - 500 000 (habitants), un vice-président du Conseil général doit toucher plus de 2 600 euros bruts (vraisemblablement plus de 2 100 euros nets). Alors ? A-t-il volontairement minoré sa déclaration ou n'a-t-il inscrit que le montant après écrêtement ? D'autre part, il se garde bien de préciser qu'il est aussi président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn (reconduit en 2014)... et (premier) adjoint au maire d'Ayssènes. En raison de l'écrêtement (disposition introduite en 1992 par le gouvernement d'Edith Cresson... eh oui !), il ne peut sans doute rien toucher au titre de ces mandats.

   Hors revenus "publics", nos élus ne reçoivent aucune rétribution. Ils n'exercent aucune activité de "conseil" et, lorsqu'ils occupent diverses présidences, c'est à titre bénévole.

   J'ai envie de terminer par leurs collaborateurs parlementaires. Quatre en déclarent trois, A-M Escoffier se contentant de deux. Rappelons qu'ils sont payés par nos impôts, par l'intermédiaire du crédit affecté à la rémunération de collaborateurs (9 500 euros par mois pour un député, 7 500 pour un sénateur).

   Je ne suis pas assez savant pour pouvoir décrypter tout l'arrière-plan du recrutement des assistants parlementaires. Mais je peux faire quand même quelques remarques. La principale est qu'une partie non négligeable des collaborateurs est composée de proches. C'est particulièrement visible pour Alain Fauconnier, qui a recruté son fils (qui, "dans le civil", travaille dans le lycée où a longtemps officié son père). La déclaration du sénateur mériterait éventuellement une mise à jour, puisque Doris Niragire Nirere n'est peut-être plus une collaboratrice à temps plein : elle travaillerait désormais aussi pour Amnesty International. Signalons aussi qu'un ancien collaborateur du sénateur est devenu son adjoint (et son hypothétique successeur, selon certains) à la mairie de Saint-Affrique.

   De son côté, Marie-Lou Marcel emploie Bertrand Cavalerie, conseiller général (socialiste) de Capdenac-Gare, et Cécile Boullet-Laumond, elle aussi militante socialiste... qui fit, dans sa jeunesse, un bout de chemin avec le Parti de Gauche. Notons que le troisième membre de l'équipe, Jérôme Hébert, est partagé avec une autre députée, Martine Martinel (élue de Haute-Garonne, née la même année que Marie-Lou Marcel), ce qui figure aussi dans la déclaration de sa collègue.

   Yves Censi n'échappe pas à la règle de la grande proximité politique, puisque sa principale assistante parlementaire, Stéphanie Lacombe, est une militante UMP et qu'elle a même figuré (en 13e position) sur la liste menée par Régine Taussat, candidate aux municipales de 2008, à Rodez. Le député de la première circonscription aveyronnaise a peut-être eu besoin de se rassurer, après le conflit qui l'a opposé à l'une de ses anciennes employées, conflit qui s'est mal conclu pour l'élu. (Une autre de ses assistantes est restée en place moins de deux ans. Elle a par la suite rejoint le cabinet de Jean-François Copé. Elle est aujourd'hui consultante.)

   Terminons par l'équipe d'Alain Marc. Elle comporte une militante de la droite aveyronnaise, Nathalie Bécu, qui fut candidate aux élections municipales de Saint-Affrique, en 2008 sur la liste menée par Serge Wenner (en 14e position), en 2014 sur celle menée par Sébastien David (en 22e position). Est-il nécessaire de préciser que chacune de ces listes s'opposait à celle du socialiste Alain Fauconnier ? Beaucoup moins classique est le parcours de Paskalita Francheteau. Elle fut d'abord employée par l'acteur Richard Berry, puis la chanteuse Jeane Manson, avant de passer au service de Jacques Godfrain, le mentor d'Alain Marc.

jeudi, 24 juillet 2014

Jean Zay, cet inconnu

   En février dernier, le président François Hollande a un peu surpris son monde en annonçant la panthéonisation de quatre nouvelles personnes : Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay. Sans leur faire insulte, on peut dire qu'elles sont inconnues du grand public. Ceux qui lisent les journaux connaissent sans doute déjà Pierre Brossolette, dont il a été question ces dernières années dans des articles traitant de la Résistance. La nièce de Charles de Gaulle est davantage réputée pour son action à la tête d'ATD-Quart monde. Germaine Tillon (elle aussi ancienne résistante) s'est fait connaître comme ethnologue et pour ses engagements ultérieurs (contre la guerre d'Algérie, pour la cause des femmes). Et Jean Zay ?

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   Une exposition lui rend actuellement hommage, pour quelques jours encore, à Brive. Il est né en 1944 d'un père juif et d'une mère protestante. Le papa est une figure locale de la gauche, qui dirige le quotidien Le Progrès du Loiret, où le fiston a écrit, entre les deux guerres. Ardent patriote, le père, en uniforme de poilu, pose avec sa petite famille lors d'une permission, en 1916 :

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   Lycéen, Jean Zay se fait remarquer par ses résultats brillants (qui lui valent une bourse)... et son esprit caustique. Par la suite (dans les années 1920), avec des amis, il a publié un journal, dans lequel les jeunes hommes laissent libre cours à leur fantaisie. On a plus tard reproché cette période au futur ministre, à cause d'écrits pastiches d'inspiration antimilitariste. C'était oublier l'horreur que la Grande Guerre avait inspirée aux familles des poilus. Et, si l'on devait regarder tout ce que nos hommes politiques ont pu écrire à 20 ans, on n'en finirait pas de polémiquer. La suite de la carrière de Jean Zay allait confirmer son incontestable patriotisme.

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   Avant d'en arriver là, il achève ses études et devient avocat. Il plaide au civil comme au pénal et se fait rapidement une petite réputation : il a réussi à faire acquitter deux assassins des amants de leurs femmes ! Très vite aussi, il assume la défense d'associations professionnelles et de syndicats de gauche. Dans le même temps, il se marie (à une protestante, Madeline Dreux, qu'il épouse dans un temple)... et adhère à la franc-maçonnerie (à la loge Etienne Dolet, qui rend hommage à un imprimeur de la Renaissance), un choix qui lui a été reproché par la suite.

   Cela a sans doute aidé à lancer sa carrière politique, du côté des radicaux-socialistes. Dès 1925, il a adhéré aux Jeunesses Laïques et Républicaines, dont il est devenu vice-président. En 1932 (à 27 ans), il est élu député du Loiret. Il est réélu en 1936, avec la vague du Front Populaire. Il devient ministre, à 31 ans :

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   Alors que la composition des gouvernements varie fortement sous la IIIe République, lui est resté en place plus de trois ans, sous cinq gouvernements successifs. Il lance une réforme du système éducatif qui a été poursuivie sous la Ve République. La durée de la scolarité obligatoire est prolongée (jusqu'à 14 ans), l'unification du système scolaire est engagée. Le ministre introduit le cinéma et la radio à l'école, tout comme le Brevet sportif populaire. Il double le nombre de boursiers et soutient le jeune CNRS. Du côté des arts, il encourage la fréquentation des théâtres et des musées. Il soutient la naissance de la Cinémathèque française et décide la création d'un festival de cinéma à Cannes. Il devait être inauguré le 1er septembre 1939...

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   La guerre brise cette brillante carrière. Et pourtant... ce n'est ni le courage ni la lucidité qui manquaient à Jean Zay. Bien que non mobilisable, il choisit de porter l'uniforme et démissionne du gouvernement.  Toujours député, il fait partie de ceux qui prônent la poursuite de la lutte contre l'Allemagne nazie, à partir de l'Afrique du Nord. Il embarque donc sur le Massilia (avec son épouse et sa fille) et tombe sans doute dans le piège tendu par Pétain et Laval aux républicains ardents.

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   Tout comme Pierre Mendès-France, il est accusé (à tort) de désertion. Il est arrêté puis condamné, à Clermont-Ferrand (par le même tribunal militaire qui a condamné à mort Charles de Gaulle). L'extrême-droite, qui l'avait déjà dans le collimateur (et qui l'a toujours...) se déchaîne.

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      Il est transféré à la maison d'arrêt de Riom. Il obtient de pouvoir lire et surtout écrire. Il rédige quantité de lettres, des nouvelles et une sorte d'autobiographie. Il a même réussi à communiquer avec des résistants. Mais le 20 juin 1944, trois membres de la Milice (l'organisation fasciste dirigée par Joseph Darnand, membre du gouvernement Pétain... et engagé volontaire dans la Waffen SS) le sortent de prison, pour l'exécuter. Le corps n'a été retrouvé qu'en 1948 et seul l'un des trois assassins a été jugé, en 1953.

   P.S.

   L'exposition (où l'entrée est gratuite), dont la première mouture a sans doute été conçue pour le cinquantième anniversaire de son assassinat, va bientôt quitter Brive. Je suppose qu'elle va tourner et peut-être un jour arriver à Rodez. Quand ? Eh bien, je donne ma langue au chat (briviste) !

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samedi, 19 juillet 2014

La nouvelle nouvelle carte des régions

   La sagesse commencerait-elle à gagner les parlementaires français (notamment de gauche) ? En tout cas, au fur et à mesure que le texte portant sur la délimitation des régions est discuté, la carte s'affine et semble s'éloigner des errements du premier projet gouvernemental. Voici le découpage qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale, tel que le présente Le Monde :

Carte PS 15 07 2014 b.jpg

   Les députés se sont contentés de répartir les régions. Ils n'ont pas touché à la ventilation des départements, qui sont déplacés (ou pas) en blocs régionaux. Par rapport au projet précédent, on constate la disparition du "monstre" constitué de la Picardie et de la Champagne-Ardenne, la première étant rattachée au Nord-Pas-de-Calais, la seconde au bloc Alsace-Lorraine. On a aussi renoncé au "machin" regroupant Centre, Limousin et Poitou-Charentes, pour constituer un grand Sud-Ouest aquitain, construit autour de Bordeaux. L'Aveyron reste dans l'ensemble formé par Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon.

   Le sujet, pourtant âprement débattu dans les régions, n'a visiblement pas motivé les députés, puisque sur 577 élus, seuls 85 étaient présents pour le vote de l'article 1, soit moins de 15 % ! Et l'Aveyron ne brille pas dans ce domaine, puisqu'aucun des députés de notre département n'était dans l'hémicycle ! En vacances Mme Marie-Lou Marcel (PS) ! En vacances M. Yves Censi (UMP) ! En vacances M. Alain Marc (UMP) !

   Si l'on regarde dans le détail, on s'aperçoit que 54 des 290 membres du groupe "Socialiste, républicain et citoyen" étaient présents, soit 18,6 % du total. Même si c'est davantage que la moyenne des députés, c'est un chiffre lamentable, d'autant plus qu'il s'agit d'un projet de loi socialiste ! Leurs alliés radicaux font-ils mieux ? Oui, puisque 5 des 16 députés du groupe étaient présents, soit environ 31 % du total. C'est un peu mieux que les écologistes : 5 des 18 députés sont venus (28 % du total)... mais se sont tous abstenus !

   A droite, c'est la Bérézina. Le groupe UMP n'était représenté que par 10 % de ses membres (20 députés sur 199). Le groupe UDI fait mieux, avec presque 17 % de présents (5 députés sur 30)... mais il n'y a pas de quoi sauter au plafond.

   Conclusion : sur un texte aussi important, on n'a pas besoin de 577 députés pour faire vivre le débat ni pour faire passer des amendements au texte du gouvernement. (Si vous êtes allés voir sur le site de la Chambre basse, auquel mène le lien précédent, vous avez pu constater que les votes ne sont pas uniformes. Le texte transcende quelque peu le clivage gauche/droite, même si une tendance est nettement perceptible dans la plupart des groupes.) C'est bien la preuve que l'Assemblée nationale peut fonctionner avec (beaucoup) moins de 577 membres...

   Toutefois, si, comme moi, vous n'êtes pas encore pleinement satisfait du résultat, vous pouvez vous amuser (comme le propose Le Monde) à construire une carte régionale selon vos goûts. Je me suis livré au jeu. Voici ce à quoi j'arrive :

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   Contrairement au projet gouvernemental, je me suis permis de déplacer des départements sans tenir compte de leur région d'origine. Cela donne un Grand Languedoc (Midi-Pyrénées + Languedoc-Roussillon) sans le Gard, rattaché à PACA. La question se poserait de la partie ouest du département, qui regarde clairement vers la Lozère, l'Aveyron et l'Hérault. Au niveau de l'Aquitaine, si j'ajoute intégralement le Limousin (une idée qui a émergé très vite, début juillet), je fais disparaître le Poitou-Charentes, seules les deux Charentes étant fusionnées au grand Sud-Ouest, la Vendée et les Deux-Sèvres étant incluses dans un grand Centre-Ouest, avec les Pays-de-la-Loire et le Centre, qui, à mon avis, ne doit pas rester seul et enclavé. J'ai toutefois ôté la Loire-Atlantique de l'ensemble pour la rattacher à la Bretagne.

   Pour le reste, j'arrive aux mêmes conclusions que le projet gouvernemental concernant Rhône-Alpes et la Normandie. Je propose aussi d'étendre le Nord-Pas-de-Calais à la Picardie, mais pas en entier. Il est évident que l'Oise est désormais un département de la région parisienne (rattaché donc à l'Ile-de-France). Se pose alors la question de l'Aisne, que j'aurais tendance à ne pas séparer de la Somme, mais dont la partie sud vit en fait dans l'orbite de Paris, et ce depuis longtemps :

Ile-de-France province.jpg

   La Champagne-Ardenne m'a posé problème. Comme d'autres régions, elle manque d'unité et de poids économique. Le PS suggère de construire un grand Nord-Est, dont Metz serait sans doute le chef-lieu. Voilà qui inquiète les élus strasbourgeois, qui se contenteraient d'une fusion Alsace-Lorraine, dont Strasbourg, bien qu'excentrée, pourrait exiger d'être le centre politique... parce qu'il faut bien se rendre compte que, derrière les protestations vertueuses de certains élus locaux, il y a d'abord la volonté de ne pas perdre le siège de la préfecture de région.

   Comme je trouve que l'ensemble formé par la Bourgogne et la Franche-Comté (amputée du Territoire-de-Belfort, historiquement alsacien) serait un peu fragile (il compterait moins de 3 millions d'habitants et pèserait moins de 4 % du PIB), je propose d'y ajouter la Champagne-Ardenne, sans les Ardennes, rapprochées du Grand-Nord. Cela donnerait une cohérence à la frontière franco-belge et l'on retrouverait une grande Bourgogne.

   Corse exceptée (qui pourrait regagner la région PACA, dont elle fit partie jusqu'en 1970), aucune région ne compterait moins de 3,4 millions d'habitants (et seulement deux moins de 4 millions). Toutes pèseraient au moins 5 % du PIB.

   Il reste que la méthode gouvernementale, au départ marquée par la précipitation, ne manque pas de pertinence. En 2014, on regroupe les régions. Dans un deuxième temps, après les élections de 2015 (au cours desquelles les débats ne manqueront sans doute pas d'animation), les départements auront la possibilité d'opter définitivement pour une région différente. Cela risque de fiche un beau bazar pendant deux-trois ans !

vendredi, 18 juillet 2014

Trois de chute pour Daniel Diaz

   C'est un scrutin en apparence anodin, mais qui se révèle riche d'enseignements sur la vie politique aveyronnaise : l'élection du président du parc naturel régional des Grands Causses, qui s'est déroulée à la fin du mois de juin. Un peu à la surprise générale (des non-initiés), le sénateur-maire de Saint-Affrique Alain Fauconnier (qui avait de surcroît récemment récupéré la présidence de la communauté de communes du Saint-Affricain...) a été réélu et même confortablement, puisque, d'après La Dépêche du Midi, il a obtenu 30 voix, contre 19 à son concurrent Daniel Diaz.

   Pourtant, c'est plutôt l'inverse qui était attendu par certains observateurs. En effet, les dernières élections municipales ont fait passer plusieurs mairies dans le camp de la majorité départementale (dont se réclame Daniel Diaz), notamment Millau. Ainsi, les représentants de cette commune et ceux de la communauté de communes Millau-Grands-Causses n'apporteraient pas leurs suffrages au président sortant A. Fauconnier. Cela devait suffire à faire basculer la majorité puisque, trois ans auparavant, le socialiste (malgré le succès rencontré par la gauche aux municipales de 2008) ne l'avait emporté que de 3 voix sur son adversaire.

   Le scrutin semblait toutefois suffisamment ouvert pour permettre à un candidat pas trop marqué de tirer son épingle du jeu. Quatre personnes se sont présentées au départ : Christian Font, président délégué (et maire de Saint-Juéry), Alain Fauconnier, Daniel Diaz et Christophe Laborie (maire et conseiller général de Cornus), proche de Jean-Claude Luche. Le sortant a paraît-il hésité à se représenter. Ses amis politiques lui auraient d'ailleurs conseillé de laisser C. Font courir le risque de la défaite. Mais il s'est finalement lancé, ce qui a incité son président délégué à renoncer, alors qu'à droite, C. Laborie a décidé (tout seul ou sur le conseil de personnes bien intentionnées) d'abandonner la course, au profit de Daniel Diaz.

   Celui-ci restait sur deux échecs... et même trois, si l'on remonte aux municipales de 2008, qui ont vu la défaite de la liste menée par Jacques Godfrain (maire sortant de Millau, à l'époque), liste sur laquelle figurait Daniel Diaz, en 17e position. Il ne fut pas élu conseiller municipal, puisque seuls les 7 premiers de la liste Godfrain eurent ce bonheur. Six ans plus tard, les difficultés de l'équipe Durand s'ajoutant à l'impopularité du gouvernement de gauche, il y avait un boulevard pour une liste de droite bien structurée. Encore fallait-il en choisir la tête. Les militants de la droite et du centre ont préféré Christophe Saint-Pierre (UMP, ancien adjoint de Jacques Godfrain) à Daniel Diaz. L'article ne donne pas le détail du vote. A l'époque, on a spéculé sur un possible accord entre les deux hommes, Saint-Pierre se réservant la mairie et Diaz obtenant la communauté de communes.

   La campagne 2012 ne fut pourtant pas une partie de plaisir, notamment parce qu'une autre liste (celle menée par Philippe Ramondenc) leur a disputé les voix du centre et de la droite modérée. Elle est arrivée avec moins de 200 voix de retard sur la liste UMP-UDI au premier tour. Certaines mauvaises langues osent même affirmer que, si Daniel Diaz avait été tête de liste, c'est son adversaire Ramondenc qui serait arrivé en tête. Au second tour, le duo Saint-Pierre / Diaz l'a emporté, mais finalement d'assez peu.

   Arrivent ensuite les élections à la communauté de communes, dont j'ai déjà parlé. Daniel Diaz y connaît un second échec... et même un troisième, puisqu'il n'obtient que la deuxième vice-présidence, avec seulement 23 voix... et 23 bulletins blancs (d'après le Journal de Millau). Certains élus du centre et de droite, urbains comme ruraux, ont visiblement voulu marquer leur désaccord.

   Dans cette perspective, la présidence du PNR pouvait constituer un beau lot de consolation pour Daniel Diaz. Alain Fauconnier a senti qu'il y aurait des réticences dans le groupe d'élus ruraux "sans étiquette". Je pense qu'il y a sans doute eu aussi un accord avec Philippe Ramondenc, qui est devenu membre du bureau syndical du parc, alors que Daniel Diaz n'y figure pas. La vice-présidence attribuée au représentant des communes urbaines a été décrochée par Sylvie Ayot, deuxième adjointe au maire de Millau.

   C'est un résultat qui n'a visiblement pas plu au rédacteur du Journal de Millau, d'après ce qu'on peut lire dans un article du 26 juin dernier :

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   Derrière toute cette agitation se profilent les élections sénatoriales de septembre prochain. L'Aveyron est l'un des départements "renouvelables". Au vu des résultats aux municipales, il est évident que la gauche ne va pas garder ses deux sénateurs... surtout qu'en face, le président du Conseil général Jean-Claude Luche est en campagne depuis plusieurs mois, sous couvert de réunions d'information des élus municipaux des cantons.

   La question est : la droite va-t-elle récupérer les deux sièges ou un seul ? La logique arithmétique voudrait que la gauche perde tout. Mais, comme de nombreux grands électeurs sont des conseillers municipaux "sans étiquette", il est possible que l'un des deux sortants tire son épingle du jeu. Cela paraît compliqué pour Anne-Marie Escoffier, qui ne sort pas particulièrement grandie de son passage au gouvernement. Peut-être faudrait-il qu'elle laisse la place à quelqu'un de plus jeune, qui n'aura pas peur de cette "mission impossible". Mais il est bien tard pour commencer une campagne...

   Au vu des scrutins qui se sont déroulés en 2014, il y a peut-être de la place pour un sénateur de gauche qui arriverait à recueillir beaucoup de voix auprès des "sans étiquette" du Sud du département. A. Fauconnier y sera en concurrence (notamment) avec Alain Marc, le député réélu en 2012, qui est aussi vice-président du Conseil général (conseiller du canton de Saint-Rome-de-Tarn), président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn... et adjoint au maire d'Ayssènes.

   Ce sera donc cumulard contre cumulard... à ceci près que, s'il est compréhensible qu'un sénateur sortant cherche à se faire réélire (bien qu'il soit très occupé ailleurs...), on a du mal à voir pourquoi un député à peine reconduit cherche à entrer dans la Haute Assemblée. Le duo Luche-Marc a avancé l'idée qu'il fallait deux candidats de poids pour regagner les sièges perdus en 2008 et ainsi faire basculer le Sénat à droite. Tu parles ! Comme s'il n'existait pas d'autre candidat potentiel dans le département ! Et puis, au vu de la lourde défaite de la gauche aux municipales de 2012, il est presque certain (malgré les retouches au mode de scrutin) que la droite va reconquérir la majorité.

   P.S.

   Cette hypocrisie électorale a inspiré un joli dessin à l'un des contributeurs du Nouvel Hebdo paru ce vendredi :

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mercredi, 02 juillet 2014

L'Aveyron dans la réforme de la carte régionale

   Ce billet s'appuie sur un passionnant article du Monde, de l'excellente rubrique des "Décodeurs". Il y est question de la réforme territoriale proposée par le gouvernement Valls... mais aussi des solutions avancées par les formations politiques plus ou moins en opposition à la majorité actuelle.

   On commence par la carte du projet gouvernemental, qui ferait passer le nombre de régions métropolitaines de 22 à 12 :

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   L'Aveyron, département excentré de Midi-Pyrénées, se retrouverait dans un grand Languedoc en compagnie des voisins lozérien, gardois et héraultais. Ce n'est pas illogique... mais cela met en fureur les Montpelliérains, qui perdraient le chef-lieu, au profit de Toulouse. Pourquoi ne pas avoir plutôt rapproché Midi-Pyrénées de l'Aquitaine ? En raison des équilibres démographiques.

   Comme le rappelait le rapport du Comité Balladur (dès mars 2009), ce n'est pas tant la taille des régions françaises de métropole qui pose problème que leur relative faible population. (Rappelons que la France est -de loin- le pays le plus vaste de l'Union européenne.)

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   Le Comité Balladur avançait l'idée qu'il fallait atteindre les 3-4 millions d'habitants pour (sauf exception liée à une configuration géographique particulière) être visible (et peser) au niveau européen. L'Aquitaine atteint (de justesse) ce seuil, alors que ce n'est le cas ni de Midi-Pyrénées ni surtout de Languedoc-Roussillon. La fusion des deux (peut-être allégée d'un ou deux départements) permettrait d'atteindre 5 millions d'habitants, dans un ensemble pas si incohérent que cela. (Pour les Aveyronnais, c'est une bien meilleure solution que la fusion avec l'Aquitaine qui, si elle aurait préservé le chef-lieu toulousain, aurait accentué la localisation périphérique de notre département.)

   Dans le même ordre d'idée, l'Alsace, trop faible démographiquement, est rapprochée de la Lorraine (elle aussi sous-peuplée), avec une partie de laquelle elle partage une longue histoire commune. Voilà pourquoi d'autres régions comme les deux Normandie, l'Auvergne, le Limousin, la Picardie, la Bourgogne, Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, Centre et le Poitou-Charentes ne peuvent rester en l'état. Il restait les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire, dont la population avait atteint le pallier fatidique. Les rapprocher n'est toutefois pas illogique. Par contre, dans le projet gouvernemental, deux nouvelles régions ont des formes absurdes : l'ensemble Centre-Limousin-Charentes et la Picardie-Champagne. De ce point de vue, le premier projet, que l'hebdomadaire Challenges avait révélé en avril dernier, était plus sage :

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   Notons que, pour l'Aveyron, cela ne changeait rien. Par contre, le grand Sud-Ouest aquitain (peut-être un peu trop vaste) semblait plus cohérent, laissant une région centre-ouest se former aux portes de la Bretagne, agrandie de la Loire-Atlantique. Dans le Nord-Est, la Picardie était rapprochée du Nord-Pas-de-Calais, tandis que la Champagne-Ardenne était ajoutée à l'ensemble alsacien-lorrain. Mais certains barons du P.S. ont visiblement fait pression pour que la carte soit "adaptée". Du coup, les autres partis politiques s'y sont mis. Voici (toujours d'après Le Monde) la carte proposée par les communistes :

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   C'est d'un conservatisme affligeant, la seule retouche concernant les deux Normandie. Il est vrai que le PCF a déjà bien du mal à obtenir des élus dans les conseils régionaux actuels. Cela risquerait d'être encore plus difficile dans des ensembles plus vastes. Les écologistes sont beaucoup moins timides :

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   Il semble qu'ils aient été sensibles à certains aspects "identitaires". Cela donne une très grande disparité territoriale, qui ne tient pas compte des réalités économiques. Cette carte s'appuie aussi sur un non-dit : le rattachement potentiel de portions du territoire français (côtés basque et catalan) à des régions étrangères (espagnoles). Quant à l'Aveyron, il ferait partie d'une grande région toulousaine, aux côtés notamment de la Lozère et de l'Hérault. Ce n'est pas idiot. Je pense par contre que la fusion du Limousin et de l'Auvergne, pour créer une entité identifiée au Massif Central, si elle est séduisante sur le papier, ne serait pas porteuse de dynamisme. De surcroît, l'ensemble pèserait à peine 2 millions d'habitants, ce qui serait insuffisant. On verra plus loin qu'un autre parti propose une solution plus ambitieuse à ce sujet.

   Passons à présent aux radicaux de gauche, dont le projet est mi-chèvre mi-chou :

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   On ne toucherait pas à Midi-Pyrénées, mais l'on garderait les deux anomalies du projet gouvernemental (centre-Charentes et Picardie-Champagne). Bof... Les propositions des centristes de l'U.D.I. paraissent plus audacieuses :

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   Côté positif, on trouve de vastes régions cohérentes, avec une Bretagne élargie, un Nord étendu vers le sud-est, une grande Alsace-Lorraine, un territoire construit autour de l'axe Saône-Rhône et une zone méditerranéenne concentrée sur les départements littoraux.

   Côté négatif, il y a ce gigantesque Sud-Ouest bordelo-toulousain, qui s'arrêterait aux portes de l'Aveyron, rattaché à une espèce de Massif Central sans les "poignées d'amour", organisé selon un axe nord-sud. Enfin, ce projet créerait une vaste région parisienne, qui écraserait encore plus le pays que l'actuelle Ile-de-France.

   Quant à l'UMP, il se borne à envisager une fusion Alsace-Lorraine :

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   Pourquoi soutiendrait-il la diminution du nombre de régions, alors qu'il pense que les élections de 2015 vont lui permettre de prendre le contrôle de presque la totalité d'entre elles ? C'est un calcul politique à courte vue. Le niveau de réflexion est encore plus faible avec le Front national, qui prône la disparition des régions :

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   L'actuel projet gouvernemental est imparfait. Le précédent (celui de mars-avril) paraissait plus abouti. C'est plutôt sur cette base (avec certains apports de l'U.D.I.) qu'il faudrait réfléchir pour refondre la carte régionale de la France métropolitaine.

mardi, 01 juillet 2014

Caricaturistes

   Ce documentaire de Radu Mihaileanu suit le dessinateur de presse Plantu et une douzaine d'autres caricaturistes, qui, pour la plupart, n'ont pas la chance d'exercer dans des pays où les droits individuels sont aussi bien respectés qu'en France.

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   Le Russe Mikhail Zlatkovsky a commencé à exercer sous le régime communiste. Il raconte la pesanteur de la censure, qui a commencé à s'atténuer sous Gorbatchev. Il a ensuite connu une époque bénie, dans les années qui ont suivi l'éclatement de l'URSS. L'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine correspond à une "reprise en mains" de l'opinion :

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   Jeff Danziger vit dans le pays qui est censé être le paradis de la liberté d'expression, les Etats-Unis. S'il dispose d'une latitude dont nombre de ses collègues aimeraient bénéficier, il reconnaît néanmoins qu'il ne peut pas tout dire. Il est de plus un cas particulier, puisqu'il a "fait" le Vietnam, en tant que soldat :

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   Au Mexique, les dessinateurs sont, comme la population, victimes de la violence protéiforme qui sévit dans le pays. Angel Boligan tente d'y faire entendre sa voix :

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   Sur le même continent, Rayma Supran exprime ses critiques vis-à-vis du régime chaviste (au Venezuela, donc), avant comme après la mort du "Commandante". Elle aussi a subi des pressions assez fortes, qu'elle a contournées non sans causticité :

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   En Chine, c'est sur la Toile que Pi San a pu développer son art, notamment dans de petits dessins animés très virulents. La police du régime veille, mais il semble avoir su jouer avec le système pour faire vivre sa petite entreprise :

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   Vient ensuite celui qui est peut-être mon préféré, Slim, un Algérien farouchement anti-islamiste, auteur jadis d'un album hilarant intitulé Le Monde des barbus :

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   On nous présente aussi l'un de ses compatriotes (arabophone, celui-là), Baki Bouckhala :

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   L'Afrique du Nord est décidément à l'honneur, avec la (charmante) Tunisienne Nadia Khiari, créatrice d'un personnage devenu emblématique, Willis from Tunis :

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   Au Burkina Faso, c'est un Français d'origine (Damien Glez) qui a créé un hebdomadaire satirique, le Journal du jeudi :

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   Il reconnaît facilement les limites auxquelles son activité est confrontée. Dans la Côte-d'Ivoire voisine, son collègue Lassane Zohore semble disposer de plus de liberté (tout est relatif) :

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   Le tableau serait incomplet sans un détour par le Proche-Orient. On nous présente un Israélien francophone de gauche, Michel Kichka, et un Palestinien laïc, Baha Boukhari :

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   Plantu est mis en scène à plusieurs reprises. Il fait le lien entre les différents auteurs. On évoque son travail au Monde et, bien évidemment, l'affaire des caricatures de Mahomet... où le rôle de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo me semble quelque peu édulcoré.

   Sur la forme, on peut dire que c'est plaisant parce que le montage fait alterner les dessinateurs, en tentant de tracer des ponts entre leurs styles ou les pressions qu'ils subissent. Cela n'est toutefois pas toujours passionnant, parce que tous ne sont pas aussi habiles en paroles qu'en dessins. Restent les caricatures, encore plus impressionnantes lorsqu'elles sont projetées sur un écran de salle de cinéma.

22:16 Publié dans Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 24 mai 2014

Hold-up à Bruxelles

   Tel est le titre du dernier livre corédigé par José Bové et Gilles Luneau et sorti en librairie en février dernier :

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   Je ne suis pas particulièrement fan du député européen, mais j'apprécie son côté "fouteur de merde", parce qu'il veut faire avancer les choses (ce qui n'est pas le cas de tous ceux qui s'agitent devant les photographes et les caméras). Ce livre-là m'a d'autant plus intéressé qu'il n'est pas un simple plaidoyer pro domo d'un député sortant sollicitant à nouveau les suffrages des électeurs. En décrivant de l'intérieur le fonctionnement de la machine institutionnelle communautaire, il fait oeuvre civique.

   Au coeur du premier chapitre ("Les agents doubles des biotechnologies") se trouve l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Il est beaucoup question des conflits d'intérêts qui ont faussé les avis rendus par cette institution, et de son ancienne présidente, Diana Banati. L'affaire de la pomme de terre transgénique Amflora a cristallisé les oppositions. Le duo Bové-Luneau raconte la découverte de sa malhonnêteté et le processus qui va aboutir à son éviction à la manière d'un roman policier. On y découvre le rôle trouble d'un drôle d'institut, l'Ilsi (International Life Sciences Institute), inconnu du grand public alors qu'il est le plus important groupe de pression agro-industriel du monde.

   Le chapitre 2 ("Le plan fumeux du lobby du tabac") nous fait toucher du doigt l'importance du lobbying au sein des institutions bruxelloises. Cette fois-ci, on a l'impression de se retrouver dans un mauvais roman d'espionnage, qui voit un commissaire européen, John Dalli, être la cible d'un double complot, un mené par Philip Morris International (le célèbre cigarettier, bénéficiant de complicités au sein des institutions européennes), l'autre par des rivaux maltais de l'homme politique. Le plus cocasse dans l'histoire est que c'est un sujet en apparence anodin, le snus (du tabac à priser), qui a déclenché la tourmente. Bové se dépeint presque en Don Quichotte de la transparence face aux moulins à vent de l'industrie. Le récit n'en est pas moins passionnant. On y découvre un président de la Commission (José Manuel Barroso) au mieux incompétent, au pire manipulateur, et des hauts fonctionnaires européens adeptes du pantouflage et du mélange des genres.

   Avec le troisième chapitre ("Une PAC sous influence"), on entre dans le coeur de compétence du député, l'agriculture et le vote par le Parlement européen des orientations agricoles pour cinq ans. On découvre les méandres du travail en commission et les débats suscités, par exemple, par la volonté de limiter les subventions aux exploitations. Bové y raconte ses espoirs et sa déception. Au départ, il avait l'ambition de limiter à 100 000 euros (ce qui était déjà une très belle somme) les versements aux exploitations. Cela permettait de récupérer des milliards d'euros, destinés à bénéficier aux exploitations de taille plus modeste et à financer le développement rural. Il s'est vite rendu compte que sa proposition n'avait aucune chance de passer. Il trouvait que 300 000 euros étaient une limite trop haute. Il pensait transiger à 200 000 (l'équivalent de plus de 16 000 euros par mois !), mais une courte majorité a finalement préféré la proposition de la Commission Barroso. Les votes des députés allemands et français sont commentés.

   Bové signale au passage l'incohérence du Front national, qui prétend défendre les exploitants modestes, et dont les deux députés présents (B. Gollnisch et J-M Le Pen) ont voté contre le plafonnement. Quant à Marine elle était, ce jour-là comme tant d'autres, absente de l'hémicycle. En voilà une autre que nos impôts paient à ne rien faire...

   Le chapitre suivant ("Insecticides : le goût de la victoire") est l'occasion de se regonfler le moral. Mais ce ne fut pas sans mal. Les auteurs y dénoncent les méthodes de voyous employés par certains grands groupes agrochimiques (bien aidés par les partisans de l'agriculture intensive...). Cette fois-ci,  le "bien" a triomphé du "mal".

   Plus inattendu est le chapitre consacré au Maroc ("Le Maroc, banc d'essai européen du libre-échange"). A la lecture, on comprend que Bové, qui sentait qu'on lui avait tendu un piège en lui confiant la rédaction d'un rapport sur les relations commerciales (agricoles) entre l'Union européenne et le Maroc, a pris plaisir à jouer l'empêcheur de tourner en rond, mettant sur la sellette la question du Sahara occidental, dont personne ne voulait entendre parler. C'est savoureux mais aussi instructif sur le comportement prédateur de certains Européens et Marocains, qui ne visent que l'enrichissement d'une minorité, au détriment de la masse des agriculteurs des deux pays. Les auteurs relient aussi le projet d'accord UE-Maroc aux politiques libérales soutenues par différentes institutions internationales (OCDE, FMI...). (Pour un point de vue totalement différent, vous pouvez écouter un sujet diffusé sur RFI, qui présente la coopération économique franco-marocaine uniquement sous un jour favorable.)

   Dans le chapitre 6 ("La bataille du gaz de schiste, ou comment garder le pouvoir sur son cadre de vie"), les lecteurs qui ont suivi cette affaire n'apprendront pas grand chose, à part sur le contexte polonais, avec des témoignages touchants. Bové et Luneau ont l'honnêteté de préciser que, pour les Polonais, s'émanciper du fournisseur russe est un enjeu important. Mais de là à accepter le saccage de l'environnement...

   Le septième chapitre ("La grande bataille du libre-échange avec l'Amérique du Nord") aborde un sujet qui défraie la chronique, celui du projet de traité entre l'Union européenne et les Etats-Unis, négocié par la Commission européenne dans une relative opacité. (Décidément, vivement que Barroso "dégage" !) Bové et Luneau relient ce projet aux négociations commerciales déjà engagées avec le Canada, qui pourraient servir de modèle. Le prochain Parlement européen aura à se prononcer dessus. D'où l'importance des élections de ce dimanche 25 mai.

   Le livre s'achève sur des propositions ("Refonder l'Europe"), organisées selon trois axes. Bové prône la constitution de listes paneuropéennes, pour une partie des députés. Il souhaiterait augmenter les ressources propres de l'Union, sans recourir aux dotations des pays membres. Une taxe sur les transactions financières lui paraît appropriée. Enfin, contre les politiques de rigueur, il en appelle à la relance économique.

   Il reste à savoir si les élections de dimanche vont donner naissance à une majorité sensible à ces propositions.

jeudi, 22 mai 2014

Nicolas Sarkozy, l'Europe... et (surtout) la France

   L'ancien président de la République semble, depuis sa semi-retraite, affectionner les petits coups médiatiques. Il y a deux mois, en pleine campagne des municipales, il s'était "invité" dans Le Figaro, surtout pour répondre aux attaques d'ordre judiciaire. Cette fois-ci, dans Le Point, s'il profite de la campagne des élections européennes, c'est pour aborder le sujet de fond.

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   La photographie qui illustre la couverture est reproduite en pages intérieures. On y remarque un Nicolas Sarkozy serein, le visage marqué par une barbe de deux jours... C'est son côté rebelle ! Plus loin dans l'article, une autre photographie le montre en plein mouvement, à peine sorti d'un véhicule :

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   L'hyperactif ex-président est montré tenant nonchalamment deux téléphones en main, souriant, sans cravate et le ventre bien rentré. Conclusion : Nico tient la forme !

   La tribune commence par une phrase qui semblera familière à beaucoup : "D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti viscéralement français." C'est la première partie qui me disait quelque chose. Une mienne connaissance m'a signalé une chanson de Jean-Jacques Goldman, Ton Autre Chemin, qui commence de la même manière. Mais le thème de la chanson me paraît trop éloigné de celui de la tribune.

   Et puis... je me suis enfin rappelé qu'une autre chanson, de Barbara, démarre de façon similaire : "Du plus loin que me revienne - L'ombre de mes amours lointaines". Il s'agit de Ma plus belle histoire d'amour, qui se conclut par "C'est vous".

   Mais les cinéphiles m'en voudraient de ne pas citer ce qui pourrait bien être la source (inconsciente ?) de Nicolas Sarkozy, à savoir un film de Martin Scorsese, Les Affranchis, dans lequel l'un des personnages déclare : "Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être un gangster."

   Que déduire de cela ? Que cette tribune, au-delà du thème affiché (la construction européenne), est un cri d'amour lancé par l'ancien bad boy de la politique hexagonale à l'électorat français ? Poursuivons la lecture pour en avoir le coeur net.

   Si le premier paragraphe exprime l'attachement profond de N. Sarkozy à la France et à l'Europe, il est curieux qu'il n'y soit fait aucune mention de l'origine hongroise de son père, par exemple. De par l'histoire de sa famille, l'ancien président est un incontestable produit de l'Europe. Mais la référence à un passé migratoire a peut-être semblé inopportune, surtout vu ce qu'il avait l'intention d'écrire sur Schengen.

   La suite rappelle ce que certains lecteurs de France et d'ailleurs ont peut-être oublié, à savoir que la construction européenne a garanti au continent des décennies de paix, en se fondant sur la réconciliation d'ennemis dits héréditaires, la France et l'Allemagne. Au passage, les relectures successives (évoquées dans un autre article du Point, qui raconte la gestation du coup médiatique) ont laissé passer une bourde historique : "Rien qu'avec nos voisins allemands, nous nous sommes régulièrement combattus tous les trente ans, et ce depuis la bagatelle de trois siècles !" Voyons voir... J'ai eu beau chercher sur la page wikipedia consacrée aux guerres ayant impliqué la France, même en tenant compte de la division du territoire allemand en une kyrielle de principautés, je ne suis pas arrivé à trouver un affrontement franco-germanique tous les trente ans. La plume du nègre du président aura sans doute dérapé...

   Pour revenir à la construction européenne, presque deux semaines après le 9 mai, il n'aurait pas été incongru que Nicolas Sarkzoy tire un coup de chapeau à d'illustres aînés comme Jean Monnet ou Robert Schuman. Mais, compte tenu de ce qu'il avait l'intention d'écrire sur le fonctionnement de l'Union européenne, cela a sans doute semblé inopportun.

   La prose (ex)présidentielle se veut pédagogique quand elle évoque les conflits qui ensanglantent les territoires (en rouge) se trouvant aux portes de l'Union (en bleu) et les menaces qui en découlent :

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   On notera que si N. Sarkozy cite l'Afrique du Nord, la Turquie, la Syrie et l'Ukraine, il omet de parler de la Russie, principal élément perturbateur en Europe de l'Est. Quant à la liste des dangers, si elle évoque la faillite des Etats, les trafics et le terrorisme, elle omet d'évoquer explicitement l'intégrisme religieux... tout comme la financiarisation de l'économie. Il est certains lecteurs que l'ancien président n'a visiblement pas envie d'offusquer.

   Sans surprise, N. Sarkozy se félicite que le fonctionnement de l'Union européenne bride les envies de changement de certains de ses adversaires politiques, qu'il ne nomme pas (mais on comprend de qui il s'agit). On remarque aussi un gros appel du pied à la droite souverainiste, qu'il s'agit d'empêcher de céder à la tentation du Front national :

"[...] il y eu et il y a encore des contresens et des erreurs qui sont commis par ceux qui font de l'Europe une nouvelle idéologie et qui voudraient qu'il y ait les intelligents d'un côté -comprenez les Européens (comprenons les fédéralistes)- et les populistes bornés de l'autre -comprenez les souverainistes. Ce clivage est absurde [...], il nous faut reconnaître, et surtout corriger, les graves erreurs qui furent commises au nom d'une pensée unique de plus en plus insupportable aux oreilles d'un nombre de Français chaque jour grandissant."

   Je dois dire que j'ai été quelque peu interloqué de lire sous la plume de l'ancien président une dénonciation de la "pensée unique", même s'il y a en la matière sans doute un détournement de sens.

   Juste après, il prend le temps de défendre la candidature à l'Académie française d'Alain Finkielkraut. C'est curieux. Même si celle-ci a suscité une assez forte opposition, elle n'a pas empêché ce médiatique imprécateur de rejoindre les Immortels. C'est là encore un signe envoyé, cette fois-ci aux "républicains", aux anciens souverainistes de gauche et à tous ceux qui estiment que la France est en déclin.

   Dans la foulée, il s'en prend aux accords de Schengen, qu'il accuse à demi-mots d'être responsables de l'immigration incontrôlée qui se jette aux portes de l'Union. Cette fois-ci, le message est clairement adressé à l'électorat UMP qui serait tenté par le Front national. La parution de cette tribune aurait été souhaitée par les dirigeants de ce parti, pour mobiliser les troupes et tenter d'éviter un éventuel succès du mouvement frontiste aux élections européennes, comme les sondages l'annoncent.

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   Mais, au-delà de la politique politicienne, ce sont les propositions de Nicolas Sarkozy qui méritent l'attention. Il demande un renforcement de l'axe franco-allemand, en particulier sur le plan économique. Il propose (il n'est pas le premier) que l'on cesse de vouloir tout fait à 28 et que les pays de la zone euro accentuent leur intégration... sous la houlette des "poids lourds" de l'Union. Une pointe de gaullisme surgit quand il réclame de renationaliser certaines compétences, pour concentrer le travail communautaire sur un petit nombre de sujets vitaux : l'industrie, l'agriculture, le commerce, l'énergie, la recherche. D'un autre côté, les fédéralistes apprécieront que l'ancien président souhaite confier un rôle plus important en matière législative au Parlement... en rognant sur les pouvoirs de la Commission. Comme on le voit, il y a matière à débat.

   P.S.

   Dans ce numéro du Point, l'éditorial de Franz-Olivier Giesbert est consacré à l'Europe. Voici ce qu'on peut y lire, dans l'un des derniers paragraphes :

Victor Hugo, notre génie national, a écrit dans un drame romantique, Les Burgraves : "Il y a aujourd'hui une nationalité européenne comme il y avait au temps d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide une nationalité grecque." C'est tout aussi vrai aujourd'hui, au temps de Günter Grass, Yasmina Reza, Michel Tournier et Umberto Eco, qui, de notre Vieux Continent, s'adressent au monde entier. Sans parler d'Airbus, de Soulages et de Daft Punk. (C'est moi qui souligne.)

   Dommage. La chute casse tout l'effet.

 

lundi, 21 avril 2014

Elections communautaires

   Dans les principales villes aveyronnaises, ce que l'on appelle parfois "le troisième tour des municipales" a réservé quelques surprises. Mais les situations du Grand Rodez, de Millau-Grands Causses et du Villefranchois diffèrent.

   Commençons par le chef-lieu départemental. Si la victoire de la liste Teyssèdre aux dernières municipales est incontestable, une petite incertitude planait sur l'élection à la présidence de l'agglomération. On s'est livré à de savants calculs. Officiellement, le maire de Rodez ne disposait que de 16 des 51 voix. Il fallait leur ajouter celles des listes victorieuses à Olemps (2) et Sébazac-Concourès (2)... ainsi que celles des listes vaincues à Onet-le-Château (2) et Baraqueville (1). Cela donnait 23 voix acquises sur 51, la majorité des autres conseillers étant classés "divers droite".

   Avant même que l'on apprenne que les maires des communes de l'agglomération s'étaient réunis à la demande de Christian Teyssèdre, il n'était pas nécessaire de réfléchir très longtemps pour arriver à la conclusion que le sortant réussirait sans peine à rallier à sa candidature une bonne partie des "divers" (notamment du côté du Monastère et de Sainte-Radegonde) avec lesquels il travaille depuis plusieurs années.

   Mais tout vote à bulletins secrets comporte des risques (voir en fin de billet)... Le jour venu, trois candidats se sont présentés, Yves Censi et Bruno Bérardi briguant eux aussi les suffrages des délégués communautaires. Le résultat, sans appel (38 voix pour Christian Teyssèdre, 7 pour Yves Censi, 4 pour Bruno Bérardi et 2 bulletins blancs), a surpris. On a attribué aux "manoeuvres" du sortant sa très large victoire, alors qu'en 2013, il n'avait recueilli que 27 voix (contre 16 à Bruno Bérardi) :

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    Rappelons qu'en 2008 Ludovic Mouly (soutenu par le maire de Rodez) avait été élu avec 38 voix, contre 5 à Maïté Laur et 2 bulletins blancs :

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   En réalité, c'était couru d'avance, mais pour d'autres raisons. Compte tenu de la large réélection de Christian Teyssèdre, il serait apparu comme un détournement du vote démocratique que l'un des deux vaincus de la municipale revienne par la fenêtre de l'agglomération.

   Pour contester le sortant, il aurait fallu que l'un des maires "divers droite" de l'agglo se présente contre lui. Dans l'état actuel des choses, deux personnes auraient pu endosser le costume de rival : Jean-Philippe Keroslian et Jean-Philippe Sadoul. Mais le premier, à peine élu à Onet-le-Château, a très vite fait savoir qu'il n'était pas intéressé... surtout si on lui laissait la première vice-présidence. De plus, il s'entendrait assez bien avec le maire de Rodez (qu'il a peut-être connu jadis à EDF...). Restait Jean-Philippe Sadoul, triomphalement réélu à Luc-La Primaube. Membre de l'UDI, le parti de Jean-Claude Luche (qui voulait faire tomber Christian Teyssèdre), il semble avoir d'abord tenu compte des réalités locales... et il a peut-être surtout pensé à l'implantation du futur parc des expositions.

   A Millau-Grands Causses, la messe était dite pour la gauche : elle avait perdu la commune centre, elle allait perdre la direction de l'intercommunalité. Mais qui, à droite, allait succéder à Guy Durand ? Le nouveau maire de Millau, Christophe Saint-Pierre, a fait campagne sur le non-cumul... et il a dû tenir compte des ambitions de son colistier, Daniel Diaz (neveu d'un ancien maire de Millau). Le duo avait par contre sous-estimé l'indépendance d'esprit des autres élus de droite de la communauté, nombre d'entre eux étant de surcroît nouveaux venus dans l'assemblée.

   Sur 48 élus, 20 sont de Millau. 14 de ces 20 sont issus de la liste Saint-Pierre/Diaz, les deux listes vaincues se partageant équitablement les 6 autres. La droite millavoise a pensé qu'il serait facile de gagner une dizaine d'élus à sa cause. La réunion des maires a été un premier signal négatif, confirmé par l'élection jeudi 17 avril de Gérard Prêtre. C'est un maire "périphérique" (celui de Saint-Georges-de-Luzençon), qui "a la carte" (il est membre de l'UMP) et qui a la confiance des élus locaux (il était le premier vice-président sortant et a travaillé six ans avec la gauche). Il a recueilli 31 des 48 votes, contre seulement 14 à Daniel Diaz. Le candidat millavois n'a donc visiblement recueilli que les voix des membres de sa liste. Cela veut donc dire qu'aucun élu communautaire périphérique n'a voté pour lui, son adversaire ayant sans doute rallié ce type de suffrage.

   Il reste les autres voix millavoises, celles de la liste socialiste et celles de la liste Ramondenc, un divers droite qui a ratissé large aux municipales, mordant sans doute un peu sur l'électorat de gauche et récupérant un vote contestataire qui n'a pas trouvé d'autre moyen de s'exprimer. Pendant la campagne municipale de Millau, les échanges ont été assez durs entre les membres des listes Saint-Pierre et Ramondenc. Le refus de fusionner de ce dernier (au second tour) a été très mal pris, en face. A la communauté de communes, il y a fort à parier que les trois membres de liste Ramondenc ont voté Prêtre. Les élus socialistes auraient voté blanc.

   Les élus communautaires ont donc rejeté l'arrangement conclu entre les deux meneurs de la liste vainqueur à Millau. Peut-être que, si Christophe Saint-Pierre avait été candidat, il aurait été élu. Mais il aurait trahi une promesse de campagne... ce qu'il a d'ailleurs à moitié fait, puisqu'il est quand même devenu premier vice-président de la communauté de communes, devant Daniel Diaz, dont le rejet en troisième position (une place certes honorifique, mais qui n'est pas celle qu'il briguait) est une nouvelle claque. Toutefois, les élus millavois restent globalement dominants. Toutes ces péripéties semblent avoir été avant tout des questions de personnes.

   Passons à Villefranche-de-Rouergue. L'incertitude était plus grande quant à la présidence de la communauté de communes. Le sortant était Patrice Couronne (un divers gauche en place depuis 2001), qui souhaitait ne plus être que conseiller municipal de Morlhon-le-Haut, la commune dont il était maire. Cela risquait de fragiliser sa position à la communauté, d'autant plus qu'il a été le moins bien élu des conseillers de Morlhon.

   Il avait pour rivaux le battu de Villefranche, Eric Cantournet (PRG), et son vainqueur, Serge Roques (UMP), qui avait tardé à se déclarer. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'agitation en coulisses, à gauche comme à droite. A gauche, Patrice Couronne voulait rassembler les élus de la périphérie (qu'il connaît bien) autour de lui. Cela devait lui permettre d'être désigné dès le premier tour et d'éviter ainsi de voir les Villefranchois éventuellement se liguer contre lui (17 des 35 conseillers venant de la commune centre). Surprise le jour du vote : si P. Couronne arrive en tête, il n'obtient pas la majorité absolue, avec 17 voix, contre 13 à Serge Roques et 5 à Eric Cantournet, qui a récupéré le vote d'un conseiller rural. Au second tour, la gauche fait bloc et Couronne l'emporte avec 21 voix contre 13 à Serge Roques, l'un des conseillers (peut-être celui qui avait voté Cantournet au premier tour) choisissant de voter blanc. Logiquement, au vu du score étriqué, la désignation des vice-présidences aurait dû permettre de réconcilier tout le monde, gauche et droite, ville et campagne. Eric Cantournet et ses colistiers sont exclus du partage... Voilà qui semble être une nouvelle séquelle des querelles à gauche, notamment entre socialistes et radicaux, dont j'ai parlé récemment.

   L'hebdomadaire Le Villefranchois (favorable à Serges Roques) a rendu compte de ces tractations en insistant sur l'échec du candidat radical de gauche, dans un article intitulé  "Comment Eric Cantournet s'est fait rouler... (Drame en trois actes et un épilogue de tragédie grecque)"

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   J'attire votre attention sur la fin de l'article, particulièrement orientée. L'auteur regrette que la présidence ait échappé à Villefranche-de-Rouergue, à cause selon lui de l'attitude d'Eric Cantournet. Mais pourquoi aurait-il dû voter pour son adversaire municipal, alors qu'à Rodez comme à Millau, la présidence n'a pas été un enjeu communal mais communautaire ? Qui plus est, depuis le temps que la présidence est exercée par un maire d'une autre commune, Villefranche n'a pas eu vraiment à en souffrir. Alors, parler d'une décision "lourde de conséquences pour les Villefranchois" n'est pas très honnête. Un esprit mal intentionné serait tenté de voir dans la fin de l'article l'expression de la volonté d'affaiblir la position du principal opposant à Serge Roques, dans la perspective des élections à venir (les départementales en 2015, les législatives en 2017 et les municipales en 2020)...

   Terminons par une note d'humour. La communauté de communes du Plateau de Montbazens nous en fournit l'occasion. Une seule personne était candidate à la présidence : Jacques Molières, tout juste élu maire de Montbazens. (Claude Catalan ne se représentait pas). Il pensait que ce ne serait qu'une formalité. O surprise ! A l'issue du premier tour, quelqu'un a bien rassemblé la majorité absolue des suffrages exprimés, mais c'est Antoine Stouff (13 voix) et non Jacques Molières (12 voix). Précisons que le premier, adjoint au maire de Roussennac (et agriculteur, comme son adversaire du jour), n'était pas candidat, mais avait semble-t-il exprimé une vision du fonctionnement intercommunal légèrement différente de celle de Jacques Molières.

   Depuis, c'est un peu la pagaille dans la région. On a annoncé puis démenti la démission d'Antoine Stouff. Des pressions se sont-elles exercées sur lui ? Rappelons que Jacques Molières, président de la Chambre d'agriculture (fonction qui lui laisserait du temps libre...), est réputé proche du président du Conseil général, Jean-Claude Luche. Le retrait annoncé de deux élus locaux (Claude Catalan, maire et président de l'intercommunalité, et Gisèle Rigal, conseillère générale) lui offrait une belle occasion de se constituer un petit fief électoral. Ce modeste vote à bulletins secrets sonne comme une éclatante rebuffade.

   P.S.

   Dans les semaines qui viennent, on attend que Christian Teyssèdre applique sa première promesse : démissionner de la vice-présidence du Conseil régional de Midi-Pyrénées, comme il s'y est encore engagé dans Le Ruthénois du 4 avril dernier :

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samedi, 05 avril 2014

Fléchettes municipales

   La claque prise par la gauche aux récentes élections municipales a conduit les médias à se contenter parfois d'une analyse de surface, où l'on pourrait éventuellement percevoir un poil de partialité.

   Dans l'Aveyron, ce fut flagrant dans le commentaire des résultats à Villefranche-de-Rouergue et Onet-le-Château, deux communes où la gauche pensait l'emporter. Pour souligner l'éclatante victoire de la droite (J-F Keroslian n'étant subitement plus classé "sans étiquette"...), plusieurs journalistes n'ont pas craint de dire voire d'écrire qu'elle avait été obtenue dès le premier tour. Le Petit Journal en est l'illustration, avec un billet figurant page 8 du numéro du 29 mars 2014 :

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   Le clou est enfoncé dans le même numéro, page 26 :

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   Rappelons qu'à Villefranche-de-Rouergue (comme à Onet-le-Château), seules deux listes étaient en concurrence :

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   Le vainqueur ne pouvait donc l'emporter qu'au premier tour ! Il n'y a aucun mérite à cela ! La même remarque s'impose à propos de la commune de Lavaur (citée dans l'article du Petit Journal) :

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   Vous aurez aussi noté l'optimisme excessif du journaliste à l'égard de l'avenir de la liste UMP à Lourdes : elle "n'a pas encore gagné"... elle a même été battue au second tour. On sent que la plume de droite avait perçu le risque puisque, juste au-dessous de l'article, figurait un appel où l'on avait bien du mal à retrouver une quelconque impartialité :

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   A ceux qui croiraient que ce papier s'adressait aux électeurs ruthénois de la liste Bérardi, dont le maintien était (éventuellement) susceptible de mettre en difficulté Christian Teyssèdre, je rappellerais qu'à Lourdes, c'est une liste Front National qui jouait le rôle de l'invité surprise. (Accessoirement, c'est révélateur de la mentalité de pas mal de personnes, à droite, qui estiment que les voix du FN ont vocation à se reporter sur les candidats UMP. Ils sous-estiment le rejet du système de ces électeurs... et oublient qu'une partie d'entre eux viennent de la gauche et qu'ils n'ont aucune envie de faciliter l'élection des amis de Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé.)

   Plus rares ont été les médias à proposer une analyse approfondie. Cela a été plus souvent le cas concernant la commune d'Onet. Pour Villefranche-de-Rouergue, il faut se tourner vers un article de La Dépêche du Midi (signé Jean-Paul Couffin)... et lire entre les lignes des tribunes publiées dans Le Villefranchois. Ce dernier est globalement très favorable à Serge Roques, le maire réélu. On peut d'ailleurs reconnaître à celui-ci un indéniable savoir-faire, qui lui a permis de perturber le jeu de la gauche dans l'ouest aveyronnais depuis plus de vingt ans. Voici donc ce qu'on pouvait lire dans l'hebdomadaire du 27 mars dernier :

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   Le signataire n'est autre que Jean-Michel Bouyssié, un cadre du Parti socialiste local, dont les ambitions ont été contrariées par la percée du radical de gauche Eric Cantournet. J-M Bouyssié fut adjoint au maire (radical de gauche) Jean Rigal. Il avait tenté sa chance en 2008... et l'on peut dire qu'il s'était "ramassé" :

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   Les électeurs de gauche avaient visiblement privilégié la liste (déjà) conduite par le radical Eric Cantournet. Par contre, le spectacle de la désunion à gauche avait sans doute (déjà) favorisé la réélection de Serge Roques.

   La hache de guerre n'était pas enterrée pour autant entre le PS et le PRG. Les cantonales de 2011 en ont été la preuve, avec, à Villefranche-de-Rouergue, un premier tour en forme de primaire à gauche, entre Eric Cantournet et Claude Penel, ancien maire socialiste de Villefranche (bénéficiant de la démission de Jean Rigal, quand il était devenu député en 1997), qui avait échoué à se faire élire en 2001.

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   A l'issue de ces élections, Eric Cantournet apparaissait comme l'opposant numéro 1 à Serge Roques... et preuve était faite que la gauche unie pouvait, au second tour, renverser l'UMP. Restait à conclure un accord entre le PS et le PRG. Il semblerait qu'une partie des dirigeants socialistes locaux aient été mécontents des conditions qui leur étaient proposées par le PRG, à qui devait revenir la tête de liste (et la majorité des places de délégué à la communauté de communes), alors qu'à Rodez, le socialiste Teyssèdre a compris qu'il ne fallait pas se montrer hégémonique. (De son côté, le radical de gauche Mazars semble avoir saisi que les sirènes de droite, du centre et d'ailleurs, qui lui susurraient de se présenter contre le sortant, ne cherchaient qu'à faire tomber la municipalité de gauche.) Le PRG villefranchois aurait pu conclure un deal réservant la présidence de la communauté de communes au PS, en cas de conquête de la mairie.

   Bref, à Villefranche-de-Rouergue, la participation a été étonnamment basse et Eric Cantournet a réalisé qu'il lui avait manqué des voix de gauche pour l'emporter. On a avancé (non sans raison) que le manque de charisme du candidat, associé à une campagne assez terne, expliquaient au moins en partie son échec. Mais les félicitations adressées par l'ancien rival de gauche au maire de droite réélu me semblent être un incontestable pied-de-nez au radical vaincu.

   Quelques mauvaises langues insinuent aussi qu'à la discorde PS-PRG se superposerait un antagonisme personnel. L'un des deux ne supporterait pas les succès de l'autre (de surcroît un peu plus jeune que lui)... succès qui feraient obstacle à ses propres ambitions.

   Mais laissons là les gamineries villefranchoises pour nous intéresser à un autre échec de la gauche à ces municipales : la commune de Baraqueville, où la campagne fut particulièrement animée. On a souligné la défaite de la sortante de gauche, dont le choix d'adhérer au Grand Rodez aurait facilité la tâche de ses adversaires de droite, coalisés contre elles au second tour. C'est sans doute pertinent mais, force est de constater que, malgré le matraquage dont elle a été victime dans tout le canton, la liste conduite par Mme Marty est quand même arrivée en tête au premier tour, réunissant 658 voix, loin toutefois des 1 027 qui s'étaient portées sur son nom en 2008 (avec un autre mode de scrutin).

   En théorie, elle ne disposait d'aucune réserve de voix pour le second tour, à l'exception de quelques abstentionnistes supplémentaires par rapport à 2008. Or, le dimanche suivant, la liste Marty, si elle a bien été battue, a obtenu 780 voix, soit 122 de plus qu'au premier tour. Ses adversaires ont plafonné à 870, alors qu'ils pouvaient en espérer au moins 950. Notons que la participation a été quasi identique, mais que le nombre de bulletins blancs a fortement diminué. Une partie de l'électorat a semble-t-il commencé à tourner casaque...

   ... et la nouvelle équipe municipale risque de décevoir ceux qui ont voté pour elle en espérant qu'elle retourne à la communauté de communes du pays baraquevillois ! Le nouveau maire (ancien rugbyman) a tendance à botter en touche, reportant à plus tard les questions douloureuses. Il est une qui risque d'emporter la décision : la dette. Baraqueville comme la communauté de communes ont des marges de manoeuvre réduites, marges qui s'étaient améliorées pour Baraqueville grâce au soutien de la communauté d'agglomération du Grand Rodez. Il suffit de consulter le compte-rendu de la réunion du 25 février dernier (pages 9-10) pour constater que l'agglo a repris à son compte un reliquat d'emprunt d'un million d'euros et qu'elle a accordé une subvention de plus de 500 000 à la commune de Baraqueville. Comment le nouveau maire de cette commune compte-t-il faire pour rembourser ces sommes, si sa commune quitte le Grand Rodez ? Il ne le dit pas. Cerise sur le gâteau, l'ancienne maire a publié un communiqué dans Le Petit Journal pour rappeler les tenants et les aboutissants de l'affaire... et pour souligner les difficultés qui attendent la nouvelle équipe si elle persiste dans son projet irréaliste :

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   Dans l'Aveyron, la gauche ne fut pas la seule à connaître des déconvenues. La majorité départementale UMP-UDI a vu deux des siens mordre la poussière, à Saint-Côme-d'Olt et à Nant. On a entendu parler du premier résultat parce que la sortante, Nathalie Auguy-Périé, ne se représentait pas sur place, mais à Rodez, sur la liste conduite par Yves Censi. Son bilan était sujet à polémique, mais l'on ne savait pas dans quelle mesure cela allait influer sur les votes en 2014.

   Le résultat est sans appel : la liste d'opposition a raflé plus de 56 % des suffrages exprimés. En face, c'est une équipe sortante fortement renouvelée qui a mené campagne : en plus de la maire en titre, trois des quatre adjoints ne se représentaient pas. C'est une simple conseillère municipale qui a tenu la barre et dû assumer la défaite : sa liste n'a recueilli que 384 voix, loin des 600 et quelques obtenues six ans plus tôt (avec un autre mode de scrutin, il est vrai). La campagne a visiblement là aussi été rude, si l'on se fie au communiqué que Mme Besombes-Palous a envoyé à Centre Presse (qui l'a publié le 3 avril) :

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   Les journaux se sont beaucoup moins étendus sur les résultats de la commune de Nant, située dans le Sud du département. Elle se trouve juste sous la barre des mille habitants (929 en 2011, sans les "comptés à part"). Elle devait donc désigner 15 conseillers municipaux, au scrutin majoritaire. Les listes complètes n'étaient pas obligatoires, mais, curieusement, 30 candidats (deux fois 15) se sont présentés. On a compris qu'il y avait deux "obédiences".

   A l'issue du premier tour, le suspens était à son comble. La liste soutenue par le maire sortant Bernard Saquet (qui ne se représentait pas) a vu six des siens se faire élire (dont la tête de liste Richard Fiol), contre cinq pour la liste adverse, pourtant conduite par le conseiller général Jean-François Galliard (issu de la majorité départementale UMP-UDI), ce dernier étant d'ailleurs bien élu, en deuxième place.

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   Au soir du second tour, ô surprise, ce sont quatre membres de la liste Fiol qui ont décroché les dernières places, avec une trentaine de voix d'avance sur leurs concurrents. C'est net et sans bavure. C'est donc un nouvel échec pour celui qui, devenu maire de Nant en 1995, fut une première fois battu en 2008.

   Pour la petite histoire, le contentieux est ancien dans la commune. En 2001, l'élection municipale (qui avait vu finalement la victoire des troupes de J-M Galliard) avait été annulée par le Tribunal administratif de Toulouse, saisi par le candidat d'opposition Alain Lourdel. L'année suivante, le Conseil d'Etat avait finalement donné raison au maire sortant.

   Si vous voulez connaître les détails de cette histoire pittoresque (où est en cause une lettre du curé de la paroisse...), je vous conseille de lire la décision du Conseil d'Etat, accessible sur la Toile. Vous devinerez sans difficulté qui se cache derrière les formulations "Jean-François G..." et "Alain L...". Pour certains des autres noms (ceux des plaignants qui contestent l'annulation du scrutin), il faut piocher dans la liste des élus de 2001 :

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La Dépêche du Midi, 12 mars 2001

 

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Centre Presse, 13 mars 2001

   Bon, c'est pas tout ça, mais je m'aperçois que je n'ai plus le temps de vous parler de Saint-Affrique. La situation mérite que j'y consacre un prochain billet.

mercredi, 26 mars 2014

Yves Censi, le roi du gag

   A Rodez, la campagne municipale qui s'achève n'aura pas marqué les esprits par sa subtilité, ni par l'enthousiasme qu'elle a suscité. Ce sont plutôt les aigreurs que l'on a remarquées : aigreur du Front de Gauche de s'être fait éconduire par la liste "Rodez Citoyen" ; aigreur ressentie par certains membres du "collectif citoyen" à l'égard de Christian Teyssèdre ; aigreur de ce dernier face à la multiplication des pains dans la gueule listes de gauche ; aigreur des candidats UMP face aux attaques de Teyssèdre contre Yves Marc Censi... et à sa prétention de mieux gérer que la droite ; aigreur de la liste Danen de ne pas se retrouver au second tour, contrairement à ce que les sondages laissaient présager.

   Toutefois, dans cet océan d'acidité électorale s'est glissé un lutin facétieux : Yves Censi (le fils de l'autre, rappelons-le). Ce matin, en passant chez le marchand de journaux pour me procurer un exemplaire d'un hebdomadaire satirique cher à mon coeur, j'ai machinalement jeté un oeil aux gros titres de la presse locale. J'ai frôlé l'arrêt cardiaque en regardant la "une" de Midi Libre :

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   Deuxième couche, page 2 (c'est ce que l'on appelle le comique de répétition) :

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   Il faut dire qu'une campagne municipale, c'est usant. Il faut un peu se dévoiler aux électeurs, aller à leur rencontre, se laisser toucher, faire semblant de les écouter, de les comprendre... de les approuver. Arrive l'accident bête : l'usage du second degré devant un journaliste de la presse régionale. Risqué, comme procédé. Va-t-il comprendre ? Un sourire complice va-t-il apparaître sur son visage ? Ah ben, non. Le voilà qui prend des notes !

- Chaque quartier... par coeur ? fait-il répéter. Trop tard pour nier ou rectifier.

   Et pourtant... Combien de fois, à peine sorti de l'avion, le député parisien a-t-il arpenté, les cheveux la barbe au vent, les rues du Piton, vêtu simplement de sa cape d'invisibilité ? Combien de fois est-il allé sur Google Street View taper la discute avec ses potes du quartier Ramadier, ou de Gourgan ? On sous-estime le nombre de paires de pompes à 300 euros qu'il a niquées en allant fraterniser avec le peuple.

   P.S.

   Au détour de l'article, on apprend quand même que l'exercice de la fonction de député -façon Yves Censi- représente 2,5 à 3 jours de boulot à Paris. En voulant briser son image d'élu "hors sol", souvent loin de l'Aveyron (et donc de Rodez), il se tire une balle dans le pied. Il passe pour un dilettante, lui qui touche une indemnité de plus de 5 000 euros nets par mois, à laquelle s'ajoutent quelque 6 400 euros pour frais de représentation (en gros, il s'habille et voyage aux frais de la princesse).

lundi, 24 mars 2014

Mètres carrés de gauche, mètres carrés de droite

   C'est la lecture d'un article paru aujourd'hui dans Le Monde (demain dans la version papier) qui m'a interpellé, plus précisément la carte qui l'illustre :

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   On y retrouve la traditionnelle coupure entre l'ouest et l'est de la commune de Paris, certains arrondissements centraux constituant parfois des "anomalies" sociologiques. Cette carte m'a immanquablement rappelé celle du prix des logements en 2013 :

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   C'est encore plus explicite quand on fusionne les deux bleus les plus foncés, qu'on remplace le bleu clair par le rose, et qu'on élève la limite de cette couleur à 8 200 euros le m² :

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   Il y a quasi-concordance du vote à droite avec un prix élevé du foncier du vote à gauche avec un prix du foncier plus bas. Intéressons-nous aux exceptions. Dans le XIVe arrondissement, le PS est arrivé en tête et la gauche est majoritaire, alors que les prix des logements y sont plus élevés qu'à l'est... mais d'assez peu, finalement. Notons que c'est l'arrondissement où Nathalie Kosciusko-Morizet a choisi de se présenter... et où elle est en ballottage défavorable. C'était néanmoins louable de sa part... et tactiquement bien joué : éviter une candidature du MoDem (Marielle de Sarnez a concouru en 2008) devait lui permettre de gagner cette circonscription... et ensuite de rêver à la mairie de Paris. Cet objectif semble difficile à atteindre, d'autant plus que le PS et EELV ont signé un accord dans la capitale.

   A l'inverse, dans le XVIIe arrondissement (celui en bleu, au nord, à la limite de la zone rose), où les prix des logements sont légèrement plus bas, le PS a connu une véritable déroute. La gaulliste Brigitte Kuster a été largement vainqueur dès le premier tour, succédant brillamment à Françoise de Panafieu (qui l'avait emporté difficilement au second tour en 2008). Son adversaire socialiste, Annick Lepetit, a perdu plus de 5 000 voix en six ans.

   Légèrement au sud-est du précédent, dans le IXe arrondissement, les logements sont un peu plus chers qu'à l'est. Mais ce n'est que d'extrême justesse qu'une candidate UMP a devancé son adversaire socialiste, qui semble disposer d'une plus grande réserve de voix. Mais, par rapport à 2008, environ 2 000 voix ont basculé d'un camp à l'autre.

   IIe arrondissement. On se rapproche du centre et les prix montent. Pourtant, c'est la gauche qui est en position favorable, avec un candidat écologiste en tête (Jacques Boutault) et de bonnes réserves de voix du côté socialiste. Au second tour, il pourrait renouveler sa performance de 2008, quand il avait intégré la liste PS pourtant arrivée devant la sienne. Nous sommes au coeur du "boboland" parisien.

   Trois autres arrondissements centraux (les IIIe, IVe et Ve), plus indécis, transgressent le déterminisme socio-économique. Dans le IIIe, où les logements sont encore un peu plus chers (toujours "boboland"...), le socialiste sortant est bien parti pour l'emporter, même s'il perd plus de 1 000 voix par rapport à 2008. Dans la même fourchette de prix se trouve l'immobilier du Ve (le fief des Tiberi). Même si c'est une liste de gauche qui est en tête, ses adversaires de droite disposent de plus grandes réserves de voix... mais il faut qu'ils se mettent d'accord, sachant que le dissident UMP (arrivé troisième) n'est autre que Dominique Tiberi...

   Il nous reste le IVe arrondissement, le troisième plus cher de la capitale. La situation y est différente du cas précédent, puisqu'un candidat UMP y est arrivé légèrement en tête, la gauche semblant disposer de meilleures réserves de voix. Elle est toutefois nettement en retrait par rapport à 2008, quand Dominique Bertinotti (aujourd'hui ministre déléguée à la Famille dans le gouvernement Ayrault) l'avait largement emporté.

   Ces quelques exemples exceptés, l'orientation politique des votes et les prix de l'immobilier de la capitale semblent fortement corrélés. (Le talent de Bertrand Delanoë a été de parvenir à faire passer à gauche des arrondissements aisés où sont fortement représentées les professions artistiques et intellectuelles.)

   La coupure Ouest/Est ne date pas d'aujourd'hui. Déjà, au XIXe siècle, elle était perceptible dans le comportement des Parisiens lors de la Commune, en 1871, les plus tenaces adversaires des Versaillais étant les habitants des arrondissements de la moitié est :

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   P.S.

   Les médias m'ont paru bien tendres avec Anne Hidalgo. Certes, son camp est bien placé pour conserver la gestion de la capitale... mais sa situation personnelle, dans le XVe arrondissement, est très mauvaise. Son adversaire UMP a frôlé l'élection dès le premier tour et, par rapport à 2008, la socialiste perd 5 000 voix tandis que Philippe Goujon en a gagné 12 000. Comme sa rivale Nathalie Kosciusko-Morizet, elle a eu le courage de se présenter dans une circonscription qui n'était pas gagnée d'avance mais, dimanche prochain, elle risque de se prendre une grosse claque.

dimanche, 16 mars 2014

On s'écharpe sur le Ségala

   Les élus de sept communes du pays baraquevillois viennent de rendre leurs écharpes à la préfecture de l'Aveyron... à une semaine du premier tour des élections municipales. Ce mouvement d'humeur médiatique plonge ses racines dans la réforme de l'intercommunalité décidée par le gouvernement Fillon (sous le quinquennat Sarkozy), reprise en partie par le gouvernement Ayrault. A l'époque, les "communes" orphelines ont été invitées à rejoindre une structure intercommunale et on a incité celles-ci à s'étendre et à intensifier leurs coopérations.

   La commune de Baraqueville n'était au départ pas forcément concernée par ce "big bang territorial". Elle appartenait à la communauté de communes du pays baraquevillois (en vert sur la carte), proche mais séparée du Grand Rodez (en rouge) :

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   Mais, pour qui connaît un peu la région, il est évident que plusieurs des communes du Baraquevillois sont des dépendances économiques du pôle urbain ruthénois. L'INSEE utilise la notion d'aire urbaine, y incluant les communes dont plus de 40 % des actifs travaillent dans le pôle. Voici ce que cela donne en 2010 :

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   Alors que la communauté d'agglomération du Grand Rodez regroupait alors à peine plus de 50 000 habitants, c'est plus de 80 000 qui vivent au rythme du chef-lieu aveyronnais. Vous noterez d'ailleurs que, parmi la quarantaine de communes figurant dans l'aire urbaine, on trouve Baraqueville, Manhac, Camboulazet... ainsi que Boussac, Gramond et Moyrazès, toutes adhérentes (à l'époque) de la communauté de communes du pays baraquevillois.

   Il a donc paru pertinent à la maire de Baraqueville de poser la question de son rattachement au Grand Rodez. Contrairement à ce que ses opposants affirment, la décision n'est pas sortie du chapeau en quelques jours, il y a eu plusieurs mois de discussion au préalable, comme la maire l'a rappelé dans une tribune publiée le 7 mars dans Le Ruthénois :

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   Voilà donc trois des communes (Baraqueville, Manhac et Camboulazet) parties. Concernant la dernière, on nous a dit que son rattachement au Grand Rodez s'effectuait uniquement en raison de critères géographiques. Certes, elle se retrouve coupée des autres communes qui n'ont pas suivi Baraqueville. Mais elle aurait pu se rapprocher du Naucellois ou de Cassagnes-Bégonhès. Ce serait oublier que nombre de ses actifs travaillent à Rodez, Onet-le-Château ou Luc-Primaube, donc dans le Grand Rodez, où les ménages effectuent aussi une partie de leurs achats...

   Le contentieux s'est déplacé sur la répartition des actifs et de la dette de la communauté baraquevilloise. Cela s'est de plus compliqué avec la réforme de la fiscalité locale et la création d'indemnités compensatoires.

   Bref, les élus des "communes abandonnées" (qui n'ont pas rejoint le Grand Rodez) semblent avoir voulu faire payer la note à Baraqueville, Manhac et Camboulazet. On n'a pas les chiffres exacts mais, il était question de leur attribuer 75 % de la dette, alors que ces trois communes pesaient ensemble moins de 50 % de la population intercommunale (environ 4 200 des 8 900 habitants).

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   Bien évidemment, d'autres critères que la seule démographie sont à prendre en compte lors de telles négociations. Si elles n'aboutissent pas, les communes peuvent se tourner vers la préfecture, ce qu'a fait Baraqueville, en juin dernier.

   C'est en décembre 2013 (et pas 2014, contrairement à ce qui figure sur la première page du recueil des actes administratifs) que la préfecture a rendu sa décision. Elle attribue à Baraqueville environ 59 % de l'endettement non individualisé (et un peu plus de 5 % à Manhac)... à régler au plus tard le 31 janvier 2014. De surcroît, Baraqueville a dû aussi prendre à son compte l'emprunt pour une zone d'activités intercommunale qu'elle a récupérée (soit un million de plus...).

   Si Baraqueville a accepté l'arbitrage, elle en conteste les modalités d'exécution (le paiement rapide en une fois). Le conseil municipal du 10 février dernier a proposé de commencer les versements, mais de réclamer un délai (le total dépasse tout de même deux millions d'euros). Cela n'a pas satisfait les élus des autres communes, visiblement mécontents aussi de la répartition, alors que la préfecture s'est appuyée sur les textes produits par l'ancienne structure intercommunale. Le tribunal administratif de Toulouse semble avoir récemment donné raison à Baraqueville.

   Les difficultés de cette commune sont réelles.  Pour pouvoir appliquer la décision de la préfecture, elle a dû de nouveau recourir à l'emprunt, comme on l'apprend dans le compte-rendu du conseil municipal du 24 février dernier. Son profil financier n'est pas apparu assez solide aux banques pour que l'une des quatre sollicitées accepte de lui prêter l'intégralité de la somme demandée. Il a fallu souscrire deux emprunts, auprès de deux établissements différents.

   Fort heureusement pour Baraqueville, le Grand Rodez a repris à son compte la dette portant sur la zone d'activités. De plus, une subvention d'équipement lui a été attribuée. (Voir la séance du Conseil d'agglo du 25 février 2014, pages 9 à 11.) Cela va permettre à la commune de garder la tête hors de l'eau, elle qui, depuis trois mandats (de gauche comme de droite), souffre d'un endettement important.

   On a aussi agité le chiffon de l'emploi pour dénigrer la démarche de la municipalité baraquevilloise : son départ de la communauté de communes pourrait conduire à des licenciements dans la fonction publique territoriale. Force est de constater que, jusqu'à présent, pour les compétences que la commune a récupérées, il y a eu transfert du personnel de la communauté à la commune (et au Grand Rodez pour la compétence "déchets").

   Dans cette affaire, si la volonté de la municipalité baraquevilloise de rejoindre la communauté d'agglomération du chef-lieu a pu être perçue dans les campagnes environnantes comme une trahison, elle tient compte de l'évolution du territoire et de la sociologie de sa population. En face, certains maires ruraux comptaient peut-être sur Baraqueville et la communauté de communes pour continuer à s'endetter à bon compte...

   Il est par contre indéniable que cette histoire est actuellement instrumentalisée, dans le contexte de la campagne des municipales. La majorité départementale semble vouloir faire tomber la maire de Baraqueville... et reconquérir le Grand Rodez. Yves Censi ne parviendra peut-être pas à déboulonner Christian Teyssèdre à Rodez même, mais, si les différentes listes de droite ou (faussement) apolitiques présentées de Sébazac-Concourès à Baraqueville font de bons scores, la majorité pourrait basculer à la communauté d'agglomération.

   P.S.

   On est aussi en train de préparer les prochaines sénatoriales. Si la presse s'est fait l'écho des difficultés à trouver des candidats dans certaines communes très peu peuplées, dans beaucoup d'autres, des listes se sont facilement montées. Quand on lit entre les lignes de la presse locale, on sent bien que, dans nombre de cas, l'une des deux listes penche à gauche et l'autre à droite. Rappelons que 95 % des grands électeurs (qui élisent les sénateurs) sont des conseillers municipaux...