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samedi, 26 novembre 2016

Le Rodez disparu, modifié... détruit

   C'est une thématique très présente dans l'actualité aveyronnaise. Elle est d'ailleurs l'objet de la chronique de Jacques Boutet "Hier encore", qui paraît le samedi dans Centre Presse et Midi Libre. Il y a quelques mois de cela, j'ai parlé de celle qu'il avait consacré au Broussy, un établissement emblématique de la place d'Armes ruthénoise. Aujourd'hui, il était question du Mazel, un passage commerçant de la vieille ville :

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   Coïncidence ? Certaines des questions abordées dans cet article ont été évoquées vendredi soir, lors de la célébration (avec un petit peu d'avance) des 180 ans de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron. A cette occasion, la pyramide du Louvre aveyronnaise les archives départementales ont accueilli, outre une assistance copieuse, trois communications.

   La première fut prononcée par Jacques Frayssenge, vice-président de la Société. Les yeux souvent rivés à ses notes, il a conté la naissance de l'association, sous la Monarchie de Juillet, citant de nombreuses anecdotes. Cherchant peut-être à aller à l'encontre des préjugés de certains des membres de l'assistance, il a insisté sur l'aspect non-partisan de l'association, fondée (entre autres) par un légitimiste (Hippolyte de Barrau) et une sorte de socialiste avant l'heure, Jules Duval. (Pour la petite histoire, celui-ci dirigea un temps le journal Le Ruthénois, lointain ancêtre de celui dont Hugues Robert fut plus récemment l'animateur.) Les accompagnaient des notabilités locales, parmi lesquelles le maire de Rodez et l'un de ses prédécesseurs. Les spectateurs dotés d'une bonne vue (ou qui étaient arrivés suffisamment tôt pour disposer d'un siège bien placé) ont pu remarquer d'autres détails sur le document projeté : la qualité de banquier de plusieurs des fondateurs. Notons que ceux-ci n'ont pas voulu faire de la Société une académie, au recrutement trop restreint. De plus, dès le début, ils ont voulu associer un musée à leurs travaux.

   Ce fut le thème de l'intervention d'Emily Teyssèdre-Jullian (l'actuelle présidente de la Société), la plus vivante de la soirée, puisqu'elle a pris soin de s'émanciper de ses notes. L'accumulation des collections de la Société a contraint celle-ci à chercher un lieu où les entreposer... voire les exposer. J'ai appris avec surprise que l'évêché fut un lieu de dépôt, tout comme, bien plus tard, les locaux actuels de la Société. Mais la révélation de la soirée fut celle du rôle du tribunal, construit au milieu du XIXe siècle (et visible au musée Fenaille, sur un tableau peint très peu de temps après son inauguration).

   Parmi les documents projetés par E. Teyssèdre-Jullian figure un plan sur lequel le mot "musée" est écrit à côté de l'aile nord-est du tribunal (celle qui longe le boulevard Guizard). Je ne sais plus si la mention est d'époque ou si c'est un ajout de la conférencière (je dois avouer qu'il m'est parfois arrivé de piquer du nez... les vendredis soirs sont difficiles !). En tout cas, les étages de cette aile ont été occupés par des collections et les bureaux de la Société. Dans la galerie qui relie les deux ailes avaient été accrochés les tableaux (qui se trouvent aujourd'hui au musée Denys-Puech). C'est lorsque Maurice Fenaille (devenu membre de la Société au début du XXe siècle) offrit le bâtiment qui porte aujourd'hui son nom que le musée trouva son emplacement définitif. Auparavant, il avait été question de l'installer dans le marché couvert situé place Eugène Raynaldy... ce qui nous ramène à l'article de Jacques Boutet.

   Ses préoccupations rejoignent celles des conférenciers (même s'il n'apprécie pas la copie de la statue), qui regrettent la disparition de nombre de bâtiments ou éléments d'architecture anciens. Ainsi, pour construire le tribunal, on a détruit ce qui restait du couvent des Cordeliers. Les modifications contemporaines du paysage architectural ruthénois ont fait l'objet de la troisième communication, celle de Pierre Lançon.

   Retour aux notes pour le bibliothécaire de la Société, dont l'intervention a suivi un de ces plans rigoureux dont il est coutumier, avec une mécanique que même l'interversion de deux écussons (sur une diapositive) n'est pas parvenue à enrayer. Il s'est appuyé sur un échantillon des dizaines de milliers de photographies prises jadis par Louis Balsan, une figure de la Société (aujourd'hui disparue). Le coeur serré, on a pu (re)découvrir les dégâts causés par l'urbanisme des XIXe et XXe siècles, qui font qu'aujourd'hui le centre historique de Rodez n'est pas dans le même état de conservation que celui d'Albi, un handicap à mon avis pour l'instant insurmontable dans la course au classement à l'Unesco.

   On pourrait commencer par supprimer l'une des verrues du centre-ville, le Monoprix, un commerce estimable certes, mais dont l'architecture jure avec celle de la cathédrale, dont, de surcroît, il bouche l'une des perspectives.

samedi, 19 novembre 2016

De l'art en barres

   Le dernier numéro du Canard enchaîné contient une demi-page sur les suites de l'enquête menée sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy... de 2007. Si, en cette période préélectorale, il ne faut pas écarter la possibilité de coups tordus (à l'image de ce que la droite a connu en 1994-1995, au plus fort de la rivalité entre Chirac et Balladur), on en apprend quand même de belles à propos des fréquentations de quelques hommes politiques... et de certains journalistes.

   Mais c'est pour une autre raison que la page 4 de l'hebdomadaire satirique a attiré mon attention. Il y est question d'une conversation entre l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin et l'homme d'affaires-entremetteur-facilitateur Alexandre Djouhri :

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   Vous noterez le prix demandé par le spéculateur collectionneur suisse : 2,4 millions d'euros. Peut-être vous rappelez-vous qu'en 2008, lors d'une vente aux enchères, une oeuvre de Soulages ("Peinture, 21 juillet 1958") s'était vendue plus d'un million et demi d'euros.

   C'est une nouvelle confirmation que je ne vis décidément pas dans le même monde que ces gens-là.

dimanche, 14 août 2016

Le Mémorial de Verdun

   C'est désormais le musée "officiel" de la bataille de Verdun, ce qu'il n'était pas à l'origine. Inauguré en 1967, le Mémorial (résultant d'une initiative privée) avait pour principal objectif d'honorer les anciens combattants. Il se trouve en dehors de la ville, en hauteur, sur le territoire d'un village détruit (celui de Fleury). Je l'ai connu il y a des années de cela, dans sa deuxième époque, après qu'on avait rajouté de multiples objets. J'en avais gardé un souvenir mitigé : les véhicules et les armes m'avaient passionné, mais les panneaux explicatifs étaient vieillots et parfois d'une lecture fastidieuse.

   Le bâtiment (ré)inauguré par Angela Merkel et François Hollande en mai dernier a été profondément modifié, surtout à l'intérieur. Vu de l'extérieur, il semble n'avoir subi que des retouches mineures. Voici comment il était il y a quelques années :

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   Et le voici en 2016, par une belle fin d'après-midi d'été :

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   Les canons n'ont pas disparu ; ils ont été déplacés en contrebas, à proximité d'allées bordées de pelouses. Les abords sont donc plus jolis qu'autrefois. Mais on remarque surtout l'apparition d'un étage supplémentaire, sous la forme d'une verrière. C'est à cet endroit qu'a été placée l'exposition temporaire  présentant l'histoire du site. On y trouve aussi une buvette, des toilettes et une terrasse très commode, d'où l'on a vue notamment sur l'Ossuaire de Douaumont :

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   C'est une visite complémentaire qui s'impose, encore plus pour des Aveyronnais, l'Ossuaire ayant été construit à l'initiative de l'évêque de Verdun de l'époque, un certain Charles Ginisty, originaire de la commune de Saint-Saturnin-de-Lenne, dans l'Aveyron.

   Mais revenons au Mémorial. L'entrée se trouve sur le côté, au sous-sol, et non plus sur le devant (par les grandes portes en bois) comme autrefois. La visite commence par une petite vidéo, résumant la géostratégie de la Première guerre mondiale, à l'aide de cartes animées. En trois-quatre minutes, elle réussit le tour de force de synthétiser l'essentiel des mouvements de troupes en Europe, de manière très accessible.

   De là on arrive dans la salle principale. A partir de ce moment, presque tout le musée est trilingue (allemand-anglais-français), un gros effort ayant été fourni tant au niveau des panneaux que des images projetées et des textes lus.

   L'avant-Verdun est présenté par un historien allemand, qui souligne la préparation minutieuse de l'offensive des troupes de Guillaume II, de surcroît très bien renseignées sur l'état des forts et le niveau de protection du côté français. L'espionnage fonctionnait dans les deux sens. S'y ajoutait l'interrogatoire des prisonniers. Le haut-commandement français ne s'est pas montré particulièrement perspicace sur ce coup-là (comme sur tant d'autres, d'ailleurs).

   Le clou de cet étage est une maquette animée, située juste après la présentation. La région de Verdun a été reconstituée en relief. Au-dessus de la maquette, trois vidéo-projecteurs y impriment diverses animations. On comprend très bien le déroulement de la bataille, le tout étant complété par un écran triple, sur lequel s'affichent des images d'époque légendées.

   Ensuite commence un parcours encadré d'énormes tronçons de bois, censés figurer un réseau de tranchées. Du coup, cette partie du musée prend la forme d'un labyrinthe, où chaque recoin réserve des surprises. On y découvre les troupes coloniales, les différents forts de la région (Vaux, Douaumont...), des véhicules et le fonctionnement de la fameuse Voie sacrée. On ne doit pas négliger le sol non plus, puisqu'une partie du dallage est transparente, laissant voir divers objets en relation avec les combats. C'est la partie du musée où j'ai passé le plus de temps.

   A l'étage du dessus, on découvre une masse d'objets de toute sorte, classés par thèmes. Les panneaux explicatifs sont plus nombreux. On a visiblement fait en sorte qu'ils ne soient pas trop longs. Çà et là, des fiches cartonnées sont disposées pour éclairer les visiteurs. Les plus futés comprendront à quels endroits il faut tirer sur des languettes... qui ouvrent de grands tiroirs vitrés. On peut aussi se contenter d'écouter (à l'aide de casques) les témoignages lus (enregistrés), parfois très durs.

   Ce deuxième niveau est celui des armes, des uniformes et des avions. On nous y présente aussi davantage la vie quotidienne des soldats, leur alimentation et l'importance du courrier. On les découvre artisans voire artistes, tant leurs productions, issues de matériaux de récupération, sont parfois extraordinaires. Très dur est le coin consacré aux soins et à la chirurgie, avec toute la panoplie du matériel médical de l'époque, innovations comprises. Les âmes sensibles éviteront de regarder un court documentaire traitant des divers traumatismes (physiques, mentaux) subis par les "poilus", les images les plus saisissantes étant sans conteste celles des "gueules cassées".

   On se dirige tout doucement vers la fin de l'étage. Confortablement installé (si l'on a pu se saisir d'une des places assises), on regarde un film racontant l'après-Verdun, des années 1920 à la reconstruction du Mémorial. On y retrouve des images célèbres (la rencontre Kohl-Mitterrand de 1984) et d'autres moins connues, comme cette cérémonie franco-italo-allemande de 1936, les visiteurs d'outre-Rhin déployant une croix gammée et faisant le salut nazi... à Douaumont !

   Si l'on veut poursuivre la visite, il faut grimper deux étages (l'étage intermédiaire étant réservé à l'administration) ou prendre l'ascenseur. On arrive au niveau où se trouvent l'exposition temporaire, la buvette et la terrasse. On peut aussi y manipuler de grandes tablettes numériques, qui permettent de visualiser les champs de bataille et de croiser trois couches d'informations. De retour au sous-sol, on peut passer par la librairie, d'une richesse incroyable sur le premier conflit mondial.

   Doté de riches collections, érudit sans être chiant, moderne dans sa scénographie, le Mémorial est un lieu à découvrir pour toute personne qui s'intéresse un peu à la Première guerre mondiale.

mardi, 26 juillet 2016

Guerriers celtes du Midi

   C'est le titre de la nouvelle exposition temporaire, visible au musée Fenaille jusqu'au 6 novembre 2016. Elle est consacrée aux stèles et sculptures découvertes dans le sud de la France et datant de l'âge du Fer (grosso modo, du VIIIe au VIe siècle avant JC).

   Dès le départ, on est cueilli par une espèce de pierre cubique, curieusement gravée :

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   Ce n'est peut-être pas très visible sur la photographie ci-dessus, mais il s'agit d'un guerrier à cheval, portant soit une lance, soit un arc. On distingue mieux les détails sur place. C'est d'ailleurs l'un des intérêts de cette exposition : la qualité de la "mise en scène", avec des éclairages très bien disposés, qui permettent de distinguer beaucoup de détails peu apparents autrement.

   Dans la deuxième salle (après l'introduction), on peut voir une carte permettant de localiser les sites ayant livré des restes appartenant à ce groupe de gravures/sculptures de l'âge du Fer. Ils se trouvent dans trois actuelles régions administratives : Midi-Languedoc, Auvergne-Rhône-Alpes et PACA, celle-ci concentrant la majorité des sites, notamment dans le département des Bouches-du-Rhône. L'Aveyron et le Tarn constituent la limite occidentale du phénomène (en l'état actuel des connaissances), avec trois emplacements dans notre département et un chez nos voisins tarnais.

   De prime abord, on serait tenté de rattacher ces découvertes aux célèbres statues-menhirs, pourtant beaucoup plus vieilles, puisqu'elles datent de 3500 à 2200 avant JC. Peut-être pas toutes, en fait. Certaines d'entre elles pourraient appartenir à un groupe plus tardif et faire le lien entre les anciennes productions et les nouvelles. Voilà pourquoi l'une des statues-menhirs du dernier étage a été descendue au sous-sol, pour être intégrée à l'exposition :

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   Elle a été découverte sur le site de La Verrière, sur le territoire de la commune de Montagnol, dans le Sud Aveyron, à proximité de Sylvanès. On pourrait aussi citer celle de Tauriac-de-Camarès, moins élaborée, mais dans le même style symbolique.

   Il semble qu'entre les statues-menhirs et les stèles, le sens ait évolué. Alors que les premières (masculines, féminines ou mixtes) sont associées aux communautés d'agriculteurs sédentarisés, cherchant peut-être à délimiter leur territoire ou à matérialiser l'appartenance à un groupe, les stèles de l'âge du Fer indiquent le passage à une communauté hiérarchisée, avec la formation d'une élite aristocratique... exclusivement masculine.

   Toutefois, il ne faudrait pas voir dans ces gravures/sculptures la représentation d'un défunt en particulier ni des objets qui sont associés à sa dépouille. D'ailleurs, seule une minorité de ces stèles est associée à une tombe. Selon les auteurs de l'exposition, il faudrait plutôt y voir le symbole d'un nouveau pouvoir, celui d'une lignée, peut-être représentée par un ancêtre héroïsé. Les objets dessinés sur ces stèles seraient les attributs de ce pouvoir.

   Curieusement, de nombreuses stèles sont apparemment lisses, sans marque visible. Peut-être avaient-elles pour seule fonction de matérialiser l'endroit d'un culte. Parfois, on distingue quelques gravures, certaines prouvant que l'entreprise Citroën a décidément des origines très anciennes !

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   Dans la troisième salle, il est surtout question du site de Touriès, sur le territoire de la commune de Saint-Jean-et-Saint-Paul (à proximité de Roquefort et de Saint-Affrique). On y a découvert une foultitude d'objets, notamment des stèles dressées datant évidemment de l'âge du Fer. Une exposition complémentaire lui est consacrée, au musée archéologique de Montrozier.

   La dernière salle est consacré aux troncs et bustes sur piliers, certains particulièrement ouvragés. Si vous voulez savoir ce qu'est un "cardiophylax", c'est ici qu'il faut vous rendre. Je recommande tout particulièrement la statue du Coutarel, trouvée dans le Tarn et prêtée, me semble-t-il, par le musée Toulouse-Lautrec. Elle est sculptée de face comme de dos... et même sur le côté !

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   Les parties face et dos ne dateraient pas de la même époque... ce qui expliquerait le sort subi par la partie face (que je vous laisse découvrir sur place).

   Il y a encore plein d'autres choses à voir dans cette exposition temporaire, mais aussi dans le reste du musée. On peut notamment y trouver une série d'oeuvres d'Auguste Rodin, consacrées à Marie, l'épouse de Maurice Fenaille. Celui-ci est le mécène à l'origine de la création du musée qui porte son nom. Rappelons qu'il a fait fortune dans l'industrie pétrolière. Féru d'arts et soucieux d'améliorer le sort de ses contemporains, il a permis à plusieurs musées (Le Louvre, Carnavalet, Les Arts Décoratifs...) d'étoffer leurs collections. Il a aussi financé la restauration du château de Montal (dans le Lot) et acquis le fameux Hôtel de Jouéry, à Rodez. Dans l'est de l'Aveyron, il a créé un sanatorium, devenu aujourd'hui un EPAD.

   Outre ces nouveautés, le musée mérite le détour pour sa collection de statues-menhirs, l'une d'entre elles ayant été installée il y a moins de deux ans. De là, on peut descendre à l'étage gallo-romain, puis aux salles médiévales et Renaissance.

   P.S.

   A la boutique du musée, on peut se procurer le catalogue de l'exposition consacrée aux guerriers celtes, vraiment très bien conçu :

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mercredi, 11 mai 2016

Inculture américaine

   Lundi soir, France 2 a diffusé l'avant-dernier épisode de la saison 5 de la série Rizzoli & Isles. On y découvre que le médecin-légiste, interprété par la charmante Sasha Alexander (qui fit jadis les beaux jours de NCIS), a été nommée présidente de l'ordre des médecins de la Nouvelle-Angleterre (la région située dans le nord-est des Etats-Unis) :

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   En son honneur, ses amis ont organisé une petite sauterie, au cours de laquelle se produit un de ces couacs culturels qui marque, aux yeux du téléspectateur américain moyen, l'écart qui sépare l'intello bourgeoise Maura Isles de ses collègues et amis du commissariat de Boston :


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   Pour être juste, il faudrait faire l'expérience en France. Quelle proportion de gens ordinaires ignore que Nemo est le nom de l'un des plus célèbres héros de Jules Verne, un capitaine ombrageux qui apparaît dans Vingt mille lieues sous les mers et L'Ile mystérieuse ?

   Pour les médecins de Boston, Nemo est l'acronyme de l'association médicale. Pour les autres, c'est juste un poisson coloré, héros d'un film d'animation, l'un des premiers gros succès des studios Pixar.

samedi, 26 décembre 2015

Francofonia, le Louvre sous l'Occupation

   Alexandre Sokourov propose une vision de la culture française à travers le prisme de l'occupation allemande de sa capitale. Son film est à la fois un chant d'amour à Paris, une apologie de l'art européen (plutôt chrétien) et une oeuvre authentiquement russe.

   Ce dernier aspect est visible dans le montage des séquences. Aux images d'archives et aux scènes reconstituées répond l'époque actuelle, qui voit le réalisateur dialoguer par Skype avec le pilote d'un porte-conteneurs pris en pleine tempête avec, parmi son chargement, des pièces de musée. Je pense qu'il faut comprendre la chose au sens symbolique : les oeuvres d'art ont été ballottées par l'Histoire, au point parfois de disparaître complètement. (On notera que c'est lorsque Sokourov est absorbé par le destin du musée français que le bateau russe perd sa cargaison, en haute mer.)

   Russe aussi est le rappel des destructions subies par l'URSS, sur le Front de l'Est, notamment par la ville qui s'appelait alors Leningrad (redevenue Saint-Pétersbourg aujourd'hui), qui a subi un siège de 300 jours. C'est la ville du musée de l'Ermitage (dont les collections, comme celles du Louvre, ont été mises à l'abri) et la véritable capitale culturelle russe. Dans le ton de Sokourov, on sent presque poindre de la jalousie, quand il compare le sort de la ville fondée par Pierre le Grand à celui de Paris, curieusement épargnée par les nazis.

   Et pourtant, en 1940, l'accueil des troupes allemandes n'est pas chaleureux, y compris au Louvre. On le comprend à la vision des images d'archives et des scènes reconstituées, qui font principalement intervenir un officier allemand, le comte Wolff-Metternich, et le directeur du musée Jacques Jaujard (interprété par Louis-Do de Lencquesaing, vu récemment dans L'Antiquaire, dont la thématique est proche). Cependant, les deux hommes vont petit à petit tisser une relation de quasi-amitié, fondée sur l'amour de l'art et la protection des oeuvres. (On n'est finalement pas si loin que cela de ce qui est montré dans une fiction sortie en 2014, Diplomatie). C'est au point que le responsable allemand a été muté en 1942. La dernière partie du film évoque le destin des deux hommes après la Seconde guerre mondiale.

   Ici encore, on sent parfois poindre la jalousie de Sokourov : contrairement à Leningrad, Paris a fasciné les Allemands, y compris les nazis. De surcroît, une partie de la population locale s'est rapidement accommodée de la présence de l'occupant... Il croit trouver l'explication dans le voisinage des deux pays qui, malgré les conflits meurtriers qui les ont opposés, partagent une histoire pluriséculaire. A partir de là, il développe l'idée qu'il existe une culture européenne, qui englobe la Russie. Les nazis eux-mêmes auraient été (partiellement) sensibles à cet héritage.

   Le propos perd de sa pertinence quand on se rend compte que le réalisateur ne montre qu'un aspect de l'histoire. Il se garde bien d'aborder les destructions et surtout le pillage organisé des oeuvres d'art, notamment par Hermann Goering. Il aurait fallu sortir du Louvre et aller jusqu'au Jeu de Paume, où avaient été entreposées les oeuvres volées aux juifs. De cela il n'est pas question, pas plus que du rôle de Rose Valland (évoqué l'an dernier dans Monuments Men), pourtant bien plus important que celui de Jaujard.

   C'est dommage parce que, sur le plan formel, le film est vraiment bon. Le mélange des images de natures diverses fonctionne et, par instants, on retrouve la patte du grand réalisateur. J'ai aussi bien aimé la reconstitution graphique de l'histoire du site du château, très réussie. Quant au public français, il appréciera ou pas l'incarnation de deux "légendes nationales", Marianne et Napoléon, dont les évolutions dans le musée ne m'ont paru guère inspirées...

dimanche, 08 novembre 2015

Gibbs le patriote

   Vendredi, M6 a poursuivi la diffusion de la saison 12 de la série NCIS, par l'épisode 15, Pour Diane. Vers la fin, une scène tournée dans la maison de Gibbs le montre en discussion avec un personnage trouble, le diplomate russe (et sans doute espion) Anton Pavlenko. C'est lorsque celui-ci s'adresse à l'enquêteur américain qu'un détail apparaît à l'écran :

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On voit un peu mieux le cadre quelques secondes plus loin :

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   C'est bien évidemment une reproduction de la célèbre photographie de Joe Rosenthal, prise en février 1945 à Iwo Jima :

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   Rappelez-vous Mémoires de nos pères, de Clint Eastwood... et ce n'est pas un hasard. Gibbs comme Eastwood est de sensibilité républicaine (patriote, partisan de l'ordre)... mais plus ouvert que bien des personnes de son "camp".

   La présence de cette photographie n'est donc pas une coquetterie de décorateur. De la maison de Gibbs, on ne connaît pas l'étage (où se trouvent les chambres et la salle de bains), où le héros ne dort souvent même pas. Il partage son temps libre entre le sous-sol (l'antre du menuisier) et le salon, meublé de manière plutôt spartiate, mais dont quelques détails signifiants se détachent.

mardi, 03 novembre 2015

Suffisance radiophonique

   C'est dans la voiture que j'écoute le plus souvent la radio. Le matin, je passe d'une station à l'autre, en général France Inter ou France Culture (qui développe davantage les sujets internationaux). Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre ceci, aujourd'hui, vers 7h30 :



   Pour réécouter l'intégralité de la chronique de ce Charles Dantzig, il faut "charger" la "Matinale des écrivains" de France Cul' et se rendre à 1h03. On entendra l'écrivain commencer son propos par... une référence à son dernier livre ! (Un peu d'autopromotion ne peut pas faire de mal...)

   Plus dérangeants sont ses raccourcis historiques. Les motivations de Gavrilo Princip (l'auteur de l'attentat de Sarajevo) sont autrement plus complexes (et débattues) que ce qui ressort de cette chronique écrite à la hâte... trop même, puisque, dans sa précipitation, Charles Dantzig a omis de vérifier les détails de la biographie de l'ancien Premier ministre israélien Menahem Begin, mort dans son lit (en 1992) et pas sous les coups d'un fanatique.

   L'écrivain l'a sans doute confondu avec Yitzhak Rabin, dont on commémore actuellement le vingtième anniversaire de la disparition. Le journaliste de France Culture s'est bien gardé de relever cette erreur. Il a même conclu l'intervention de l'invité par un peu de publicité pour son oeuvre.

   Une question demeure : le journaliste (Guillaume Erner) s'est-il rendu compte de la bourde de son invité, ou bien n'a-t-il pas rectifié en raison de sa propre ignorance ?

samedi, 12 septembre 2015

"Henry de Groux - Le Front de l'étrange"

   C'est le titre de l'exposition temporaire en place au musée Fenaille de Rodez jusqu'à la fin du mois de novembre. Elle est consacrée à une partie de l'oeuvre d'un peintre belge aujourd'hui presque oublié, mais qui connut un certain succès à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Dans le dossier de presse établi par le musée, on apprend que les oeuvres exposées ont été prêtées par un collectionneur privé aveyronnais (qui se les est procurées lors d'une vente aux enchères, si je ne m'abuse).

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   Le thème de l'exposition est la Première guerre mondiale. Henry de Groux a obtenu du ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts de l'époque Albert Sarraut (le frère de Maurice, directeur de La Dépêche de Toulouse, l'ancêtre de La Dépêche du Midi) de pouvoir s'approcher de la zone de combats. Cela a donné une quantité d'oeuvres au style particulier, dont on a déjà eu un aperçu à l'occasion de précédentes expositions, en 2008 à Avignon et au début de 2015 à La Roque d'Anthéron, une commune dont le monument aux morts, inauguré en 1927, a été réalisé par... Henry de Groux :

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   Mais revenons aux oeuvres "aveyronnaises". Ce sont très majoritairement des dessins exécutés à la "pierre noire", une sorte de fusain, mais d'origine minérale. Il y a aussi des gravures. Le florilège qui nous est proposé donne une image assez sombre de la guerre. Les soldats sont souvent représentés avec un masque à gaz et semblent avoir perdu leur humanité, comme ici :

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   L'ajout de couleur(s) ne rend pas nécessairement les oeuvres plus rassurantes. On distingue mieux les soldats français (en bleu) de leurs adversaires allemands, mais la présence d'un élément rouge, jaune ou orange est en général le signe qu'une arme redoutable est utilisée : l'artillerie, le lance-flammes ou les gaz :

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   Parfois, on dirait que les soldats prennent la pose. Il est possible que l'artiste ait demandé à certains d'entre eux de mimer une scène devant lui. Il est plus probable qu'il ait dessiné de mémoire ou d'après des photographies.

   Outre les combattants métropolitains, on note la présence des troupes coloniales, celles d'Afrique mais surtout d'Asie, avec des tirailleurs tonkinois. Face à eux, on trouve quelques représentations des Allemands, avec leur célèbre casque à pointe. Ils sont montrés menaçants ou au contraire vaincus et pathétiques.

   Une autre catégorie de dessins s'attarde sur les dégâts de la guerre, les blessures des soldats, les destructions et surtout les nombreux morts, militaires comme civils. En 1916, cela n'a pas plu aux autorités, qui attendaient des artistes qu'ils mettent en valeur le courage, la solidarité et l'héroïsme.

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   L'exposition aurait pu s'arrêter là. Mais les concepteurs ont eu l'excellente idée d'y ajouter des objets d'époque, placés dans de petites vitrines. Nombre d'entre eux ont été prêtés par un collectionneur local, Vincent Besombes. L'an dernier, on avait pu voir un échantillon de ses pièces aux Archives départementales, avenue Victor-Hugo. (En 2015, il est devenu président du comité de Rodez-Onet du Souvenir français.)

   Au vu de la qualité de cette exposition, il est à souhaiter qu'elle soit prolongée en 2016. Cette année marquera un tournant dans les cérémonies du centenaire de la Première guerre mondiale, avec la commémoration des batailles de Verdun et de la Somme, deux sites pas très éloignés de la Belgique natale de Henry de Groux.

   P.S.

   Après avoir déambulé dans les horreurs de la guerre, les visiteurs peuvent se plonger dans les collections permanentes du musée Fenaille, qui ont été récemment enrichies de pièces inédites.

   P.S. II

   La page Wikipédia consacrée à Henry de Groux mériterait une petite mise à jour. Elle manque d'informations précises et n'évoquait pas, au moment où je l'ai consultée, l'exposition ruthénoise :

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dimanche, 06 septembre 2015

Une carte postale éminemment ruthénoise

   Je ne vais pas vous entretenir d'une vieille image dénichée au détour d'une brocante (ce qui au demeurant pourrait se révéler fort intéressant), mais d'un objet plus contemporain. Aujourd'hui, en allant acheter le journal chez un buraliste ruthénois, j'ai remarqué un étrange objet, posé sur un présentoir :

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   On doit cette création à une Parisienne. Elle est vendue deux euros. On en trouve deux teintes, celle visible ci-dessus (hommage au célèbre grès rose de la cathédrale) et une autre, qui tire sur le marron clair.

   Les lecteurs les plus observateurs de ce billet auront remarqué l'arrière-plan "outre-noir" de ma prise de vue...  ;)

jeudi, 03 septembre 2015

Des émules de Pierre Soulages

   Etrangement, c'est dans Le Canard enchaîné paru le 2 septembre 2015 que j'ai trouvé une référence au chantre de l'outre-noir :

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   Ce qu'Isabelle Barré qualifie (page 3) d' "oeuvre d'art digne de Soulages" n'est autre qu'un document, en théorie communicable au public, en réalité amplement censuré avant sa transmission.

   Cette histoire a inspiré Aurel, l'un des dessinateurs publiés dans l'hebdomadaire satirique :

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   Cette anecdote confirme que, dans beaucoup de médias, la couleur noire semble désormais associée à Pierre Soulages. Un autre exemple en avait été donné cet été dans une émission de France Culture, Les animaux ont aussi leur histoire. Le 26 juillet dernier, il a été question du corbeau. On pouvait entendre l'historien Michel Pastoureau évoquer de très grands corbeaux (aujourd'hui rares en Europe), au plumage d'un noir "plus noir que noir... outre-noir, dirait Soulages".

 

samedi, 29 août 2015

Le dais de Charles VII

   Il en a été question le 12 août dernier, dans l'une des chroniques de la série "La Visite au Louvre", diffusée cet été le matin sur France Culture. Je ne l'ai découverte que tardivement. Le principe était de mettre l'accent sur un objet méconnu ou récemment restauré appartenant aux collections de ce fabuleux musée.

   Intitulée "Dais pour un trône de Charles VII", l'émission du 12 août évoque bien évidemment l'épopée de Jeanne d'Arc et le sacre de celui qu'on n'appelait auparavant que le dauphin.

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   Le commentaire d'Adrien Goetz aborde la forme de la couronne royale et la présence du symbole solaire, emblème du souverain bien avant Louis XIV. Il évoque aussi le relatif oubli dans lequel cette tapisserie a été tenue, à tel point d'ailleurs que les représentations du XIXe siècle sont inexactes à son sujet.

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   La plus célèbre est sans doute le tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres, visible lui aussi au Louvre. Vous remarquerez que le dais, visible derrière Jeanne d'Arc, est recouvert uniquement de fleurs de lys.

   Une autre représentation connue est celle qui figure sur l'une des fresques de la basilique de Domremy-la-Pucelle :

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      Du dais on ne distingue que la couleur rouge. Il ne semble pas que l'auteur (Lionel Royer) soit allé jusqu'à en peindre les détails. Notons que les fleurs de lys sont bien présentes, mais sur les tapis de sol (comme chez Ingres, d'ailleurs).

   Cette absence de symbole solaire peut tout aussi bien être due à l'ignorance qu'à la réticence d'attribuer un emblème aussi positif à un roi qui, au XIXe siècle, était réputé faible voire ingrat, ayant abandonné à son sort la jeune femme à qui il devait tout.

lundi, 27 juillet 2015

Les enfants gâtés de l'Estivada

   Ces derniers jours, les médias locaux (notamment Centre Presse) se sont fait l'écho de la mauvaise humeur de Patric Roux, le directeur (démissionnaire) du festival musical occitaniste organisé chaque année à Rodez. Est-ce le résultat d'un petit coup de pompe (classique après une période d'efforts intenses), de la lassitude qui vient (après des années de dévouement) ou bien la manifestation d'autre chose ?

   A lire les articles, on perçoit un certain ressentiment à l'égard de la mairie de Rodez. Est-ce une question d'argent ? Apparemment non. Cette année, la subvention votée par le conseil municipal (lors de la séance du 27 avril dernier) est de 200 000 euros (!), la même que celle qui a été attribuée l'an dernier (lors de la séance du 10 juillet 2014).

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   Il n'y a donc pas de baisse, alors que nombre de manifestations et d'associations ont vu leurs financements publics s'étioler. (Rappelons qu'en 2013, c'est le Conseil général de l'Aveyron qui avait "sucré" 75 % de la somme qu'il versait auparavant au festival, ce qui avait créé une petite polémique.)

   A cela il faut ajouter la mise à disposition gratuite de salles : la MJC, l'Amphithéâtre, la (superbe) salle des fêtes... plus un local à proximité de la place de la Cité... et l'annexe du Multiplexe (dont on n'a heureusement pas exigé cette fois-ci qu'il cesse toute activité cinématographique). Notons que cette annexe donne sur l'esplanade des Rutènes, un endroit particulièrement convoité et dont l'usage n'est pas accordé à tout le monde. D'ailleurs, si, de 2011 à 2013, le festival a été "exilé" à Bourran (Mon Dieu !), il a retrouvé le centre-ville dès la fin des travaux d'aménagement du Foirail.

   Au total, on peut estimer que la commune de Rodez supporte environ 50 % du coût réel de l'Estivada, en lui accordant de surcroît une très bonne visibilité. Les récriminations qui sont formulées semblent donc injustifiées.

   Il y a peut-être une raison plus politique derrière. On reproche au maire de Rodez de ne pas faire preuve d'un enthousiasme délirant en faveur de l'occitanisme, alors que, lors de l'inauguration, le président du Conseil régional de Midi-Pyrénées (sur le départ) Martin Malvy s'est montré plus chaleureux. C'est aussi lié à l'ambiguïté du statut de l'Estivada, dont certains veulent profiter pour promouvoir l'occitanisme, tandis que beaucoup n'y voient qu'une agréable animation estivale, teintée d'une couleur locale ou régionale.

   On peut aussi revenir sur le succès de la manifestation. Les organisateurs évoquent 25 000 visiteurs, chiffre invérifiable puisque les concerts sont gratuits. Comment savoir si les personnes qui sont comptées à tel moment ne l'ont pas déjà été à un autre ? Même si l'on se fie à l'estimation donnée, 25 000 participants ne signifient pas 25 000 visiteurs. Certaines personnes sont venues plusieurs jours ou ont assisté à plusieurs concerts. On peut donc légitimement penser que la fréquentation a été plus proche de 20 000 personnes.

   C'est beaucoup, mais pas tant que cela. C'est incontestablement un joli succès pour une équipe de bénévoles et un petit festival local. Le chiffre est moins impressionnant quand on garde en mémoire que les spectateurs n'ont pas payé. Quelle aurait été l'affluence si, à chaque concert, on avait demandé ne serait-ce que 5 ou dix euros de participation ? Ceci dit, le passage (au moins partiel) au payant serait peut-être un moyen d'augmenter les ressources de l'organisation... et de pouvoir faire venir une ou deux têtes d'affiche.

   On pourrait aussi comparer l'Estivada à d'autres festivals musicaux de saison. Bien que payants (pas forcément totalement), les Vieilles Charrues attirent plus de 200 000 personnes, les Eurockéennes de Belfort environ 100 000 et les Francofolies de La Rochelle entre 80 000 et 120 000. Mais là, on ne joue pas dans la même catégorie. On pourrait prendre l'exemple de Garorock, à Marmande (dans le Lot-et-Garonne). C'est un festival payant, qui a accueilli cette année 80 000 visiteurs.

   C'est un débat que devront avoir les organisateurs de l'Estivada. Pour grandir (si grandir ils veulent), ce festival n'a peut-être pas tant besoin d'une ville très peuplée (genre Toulouse ou Montpellier) que d'une réflexion sur le payant/gratuit et sur le lieu des concerts, pour lesquels une zone unique, "encadrable", serait peut-être plus adaptée.

   Cela m'amène à un autre point évoqué par Christian Teyssèdre lors de l'inauguration : les nuisances sonores, un sujet qui préoccupe particulièrement les riverains... et pas qu'eux ! J'habite au Faubourg (donc assez loin des sites des concerts) et je peux garantir qu'à certains moments, en laissant les fenêtres ouvertes, j'avais l'impression que l'un des occupants de l'immeuble avait mis sa chaîne hi-fi à fond la caisse... Les habitants des rues adjacentes au Foirail pourraient en dire bien plus que moi.

   Ce n'est peut-être pas "politiquement correct", mais il n'est pas inutile de rappeler qu'il est des gens qui travaillent au mois de juillet et qui donc ont besoin d'une nuit de sommeil acceptable pour pouvoir exercer leur activité professionnelle. Quitte à passer pour un vieux con, je pourrais ajouter que, travail ou pas, de nombreuses personnes apprécient la quiétude d'une soirée ensoleillée, derrière une fenêtre, sur un balcon ou dans un jardin public, loin du tumulte de la vie quotidienne. On ne respecte pas ces personnes-là.

   Il ne faut donc pas s'étonner que le chef-lieu aveyronnais se vide à cette période de l'année (ce que les commerçants ont d'ailleurs fort bien remarqué). Le retour de l'Estivada sur le Foirail (en 2014) a incité nombre de ménages ruthénois à renouer avec une pratique en vigueur avant 2011 : programmer leur départ en vacances la troisième semaine de juillet. Patric Roux s'en était aperçu, lui qui, en 2011, regrettait la faible participation des Ruthénois à l'Estivada. C'est un secret de Polichinelle sur lequel les médias évitent de s'étendre : une très faible part des 25 000 habitants de Rodez assiste à au moins l'un des concerts. Le public est certes majoritairement constitué d'Aveyronnais (mais pas massivement de Ruthénois), auxquels il faut ajouter des touristes du grand Sud-Ouest et d'au-delà.

vendredi, 12 juin 2015

Le cloître à l'époque romane

   Tel était le titre de la conférence prononcée par Quitterie Cazes, le 22 mai dernier, à Conques. C'est une universitaire toulousaine. En théorie, c'est un gage de qualité, mais, parfois, le résultat est soporifique. Il faut rendre hommage au flair des organisateurs des cycles de conférences conquoises : leurs choix sont en général excellents, pour ce que j'ai pu en juger.

   Ainsi, ces dernières années, les "auditeurs" ont eu droit à la venue de Serge Klarsfeld (qui vient de publier, avec son épouse Beate, de passionnants mémoires), à une étude sur le noir au Moyen Age, à une évocation de la polychromie du tympan de l'église abbatiale ainsi qu'à la mise en lumière du rôle de Bernard d'Angers, voyageur médiéval passé par Conques et auteur d'un Livre des miracles qui fit date.

   Quitterie Cazes a commencé par rappeler qu'il ne reste pratiquement rien du cloître de Conques. Le site a beaucoup souffert à deux époques : pendant les Guerres de religion et sous la Révolution. En 1836, le cloître est détruit. Il n'a jamais été complètement restauré, malgré les travaux engagés sous l'impulsion de Prosper Mérimée, impressionné lors de sa visite des lieux en 1837. Voici ce qu'il en reste aujourd'hui :

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   A titre de comparaison, la conférencière a cité le cas d'un autre cloître roman, transporté de France aux Bahamas (sur Paradise Island) pierre par pierre, à l'initiative du milliardaire Huntington Hartford II.

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   Après cette pittoresque mise en bouche, on est passé au lourd, à savoir ce que les recherches archéologiques nous apprennent sur l'origine des cloîtres. Il semblerait que la structure soit une transformation de portiques en atriums (les cours intérieures qui précédaient l'entrée des villas gallo-romaines). L'un des plus anciens a été retrouvé à Genève. Il daterait du IVe ou du Ve siècle.

   A Rouen, l'atrium (mot qui a aussi donné "aître", désignant un cimetière) a été détruit à l'époque carolingienne. A Autun (en Bourgogne), le cloître du IXe siècle a été reconstruit aux XIe, XIIe et XVe siècles ! A Saint-Gall, on en a trace vers 830, grâce à un fabuleux plan manuscrit  (l'ensemble étant constitué de cinq feuilles cousues) :

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(L'emplacement du cloître est entouré en noir.)

   L'importance du lieu est soulignée dès le concile d'Aix-la-Chapelle (en 816-817) et par l'une des grandes figures de la chrétienté de l'époque : Benoît d'Aniane. Le cloître est perçu comme l'image de la communauté. On remarque qu'il peut se trouver de n'importe quel côté du monastère. C'est d'abord la topographie des lieux qui explique son emplacement... à tel point que les évolutions ultérieures peuvent menacer son existence. Il en fut ainsi pour le célèbre cloître de Moissac (dans l'actuel Tarn-et-Garonne) qui, sous le Second Empire, faillit disparaître lors de la construction du chemin de fer. Finalement, seul le réfectoire fut détruit... mais cela n'est pas passé loin !

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   Sur l'image ci-dessus (issue du site de l'office de tourisme local), la même que celle qui nous fut projetée, j'ai matérialisé la présence des rails par des traits rouges. Voici une autre vue, tirée de Géoportail :

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   Traditionnellement, comme le cloître met en relation les différents bâtiments du monastère, les moines souhaitent limiter l'accès dont bénéficient les laïcs (ce à quoi s'est opposé l'abbé de Cluny Pierre le Vénérable).

   Les activités quotidiennes y sont très variées. On y pratique un brin de toilette, on y fait le ménage, on y lit... on y mène même des transactions économiques ! On peut aussi se plonger dans la contemplation de certains chapiteaux, le site de Moissac présentant le plus ancien cloître historié (datant de 1100 environ). Sur l'un d'entre eux, il est question du sacrifice d'Abraham. Sur un autre est évoquée la toute récente prise de Jérusalem par les croisés (en 1099) :

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   Juste à côté, ô surprise, le chapiteau au décor végétal est surmonté d'une inscription en écriture coufique, qui ne signifie rien, d'après l'universitaire : elle a été placée ici à titre illustratif... et sans doute volontairement au voisinage du chapiteau évoquant Jérusalem et la domination musulmane.

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  Une autre curiosité s'offre aux visiteurs perspicaces. Un chapiteau aurait contenu des reliques de saint Pierre et/ou de saint Paul, là où se trouve aujourd'hui une étrange cavité :

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   (N'oublions pas que l'abbaye porte le nom du premier évêque de Rome.)

   Ailleurs en Europe, d'autres chapiteaux réservent des surprises, comme l'un des quarante du cloître de Saint-Ours dans le Val-d'Aoste :

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   Schéma de coupe à l'appui, Quitterie Cazes a expliqué comment, à partir d'une cavité aménagée dans la colonne, il était possible de faire sortir de l'eau par la petite ouverture entourée ci-dessus, la scène évoquant le miracle de la source de Busseyaz.

   Mais revenons à Moissac, le péché mignon de notre conférencière. Son cloître est aussi perçu comme une préfiguration du Paradis, dédié à la contemplation, avec son jardin d'Eden. C'est à ce point que des moines se sont fait enterrer sous les galeries, des laïcs ayant pu eux bénéficier de caveaux encore visibles aujourd'hui.

   Plusieurs abbés ont marqué l'histoire du monastère, notamment le clunisien Durand de Bredons et son successeur Ansquitil (qui lança la construction du cloître). Digne prédécesseur des politiques cumulards d'aujourd'hui, Durand ajouta l'évêché de Toulouse à son abbatiat moissagais.

   A son époque, les chapiteaux sont conçus pour répandre la réforme grégorienne. Mais, à partir de 1180, les chapiteaux sont  créés pour donner un récit en épisodes, ou alors ils sont couverts de motifs floraux, voire zoomorphes, qui prennent le dessus alors que l'ordre cistercien prend de l'ampleur.

   La toute fin du XIIe siècle connaît l'essor des "chapiteaux remarquables", avec le retour des sculptures humaines (notamment celles des évangélistes, du Christ et des apôtres). En France, on en trouve de bons exemples à Arles et à Saint-Bertrand-de-Comminges. En Sicile, le monastère de Monreale se distingue par son cloître, où l'on reconnait les influences islamiques et byzantines :

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   Les chapiteaux glorifient le souverain (d'origine normande) Guillaume II, tandis que les colonnes sont ornées de mosaïques, élaborées à partir de céramique.

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   Plus à l'ouest, dans la péninsule ibérique, à Tarragone, reconquise en 1118 après 400 ans de domination arabo-berbère, l'une des tâches prioritaires fut de reconstruire l'église. les chapiteaux et autres détails sculptés ont été copiés sur des bâtiments toulousains.

   La fin de l'époque romane voit se renforcer l'idée de l'enfermement des moines dans le cloître, exprimée jusque dans un bâtiment, à Rome. C'est une vision positive pour les membres du clergé. Se profile derrière la classification de la population en trois ordres.

 

dimanche, 18 janvier 2015

Le Centre Pompidou de Metz à la peine

   Vu de l'Aveyron, on se demande si ce qui arrive à ce musée d'art contemporain n'est pas une préfiguration de l'avenir du musée Soulages. L'un comme l'autre ont commencé tambour battant, avec une première année couronnée de succès. Un récent article du Monde évoque les difficultés de l'établissement messin. En croisant les informations qu'il fournit avec celles que l'on peut trouver dans les rapports d'activité, on arrive à la conclusion que la fréquentation n'a cessé de baisser :

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   Pour être juste, il convient d'apporter deux précisions. Comme le musée n'a ouvert ses portes qu'en mai 2010, le nombre d'entrées de la première année est sous-estimé. Sur les douze premiers mois, on se rapproche plutôt de 800 000 visiteurs. Si le succès initial n'en est que plus éclatant, la baisse qui a suivi n'en est que plus incontestable. Toutefois, il semblerait qu'en 2014, il y ait eu un léger rebond, avec 350 000 entrées. On attendra cependant la confirmation. Ainsi, en janvier 2014, lors d'une réunion du conseil municipal de Metz, il avait déjà été affirmé que la fréquentation avait atteint 350 000 visiteurs l'année écoulée, chiffre qui avait ensuite été "corrigé" en 335 000 dans le rapport publié en juin 2014 (page 32).

   En théorie, cette baisse, qui n'est pas illogique, ne menace pas (encore) l'existence du musée, parce qu'il avait été conçu sur la base de 250 000 visiteurs annuels. Pourtant, une violente polémique est née autour du budget 2015 du Centre Pompidou, à cause de la baisse -déjà annoncée l'an dernier- de la participation du conseil régional de Lorraine (de 4 à 3 millions d'euros). Cela donnait la répartition préfigurée suivante :

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   D'après l'article du Monde, les recettes issues des entrées payantes et du mécénat sont moins importantes que prévu. En 2014, on dépasse à peine les deux millions d'euros. On ne peut donc que s'étonner des nouvelles prévisions, publiées il y a deux jours dans La Croix. Il y est question de 3,5 millions d'euros en 2015. Pour cela, il faudrait que le nombre d'entrées payantes augmente et/ou que les mécènes se montrent bien plus généreux. Si l'on ajoute à ces éléments l'augmentation de la participation de la communauté d'agglomération Metz Métropole (+ 550 000), du conseil général de la Moselle (+ 300 000) et de la commune de Metz (+ 150 000), cela donne la ventilation suivante :

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   Cela me paraît quelque peu optimiste. En cherchant dans les rapports d'activité, j'ai trouvé l'origine de ce chiffre (3,5 millions d'euros) : il s'agit de l'ensemble des recettes annexes de 2013, comprenant (outre le mécénat et le produit de la billetterie) les recettes d'édition, la privatisation d'espaces, la participation de l'Association des Amis du musée ainsi que les redevances d'occupation et d'exploitation de la librairie-boutique, du restaurant et du café.

   Peut-être que le succès des expositions programmées cette année viendra démentir mes appréhensions. Cela me conduit à évoquer le musée Soulages qui, à la différence de l'établissement lorrain, bénéficie de collections permanentes. Il a aussi été moins coûteux à la construction (30 millions d'euros contre 70), mais il a été promu par des collectivités moins riches que leurs homologues lorraines.

   Commençons par le nombre d'entrées. A Rodez, on s'est félicité (à juste titre) du succès du démarrage : 200 000 visiteurs sont venus au musée Soulages en 2014. Si la fréquentation connaît la même évolution qu'à Metz, dans quatre ans, elle pourrait se situer entre 100 000 et 110 000 visiteurs. Cela concorderait avec les prévisions données dans la presse : entre 100 000 et 150 000 pour Midi Libre en mai dernier, lors de l'inauguration. Quelques mois plus tôt, on se montrait plus prudent dans Centre Presse, qui évoquait 80 000 à 100 000 visiteurs. (Je ne le lui souhaite pas mais, vu son grand âge, je ne peux m'empêcher d'envisager le décès de Pierre Soulages, qui contribuerait sans doute, dans un premier temps, à soutenir voire relancer la fréquentation.)

   Le contribuable que je suis espère que les faits ne viendront pas démentir ces prévisions, parce qu'à Rodez, contrairement à Metz, la communauté d'agglomération est seule à financer le fonctionnement du musée.

samedi, 06 décembre 2014

90 minutes inside... le Carmel de Rodez

   Le 16 novembre dernier, la journée "portes ouvertes" de l'ancien Carmel, destiné à devenir le nouveau siège de l'évêché, devait être la première et dernière occasion de découvrir un lieu de réclusion spirituelle qui a fait gamberger bien des Ruthénois pendant des dizaines d'années. Devant le succès monstre (avec environ 1 200 visiteurs, sans compter ceux qui n'ont pas pu entrer et ceux que les longues queues ont découragés), il a été décidé de renouveler l'opération cette fin de semaine, samedi 6 et dimanche 7 décembre 2014.

   Malgré la pluie glaçante, la foule s'étirait encore aujourd'hui rue Combarel, attendant, disciplinée, l'ouverture des portes. On nous a fait entrer puis patienter dans un hall, qui nous a ensuite menés, par une courte mais intense ascension, jusqu'à la chapelle, où le responsable de la communication du diocèse (eh oui, cela existe) nous a reçus avec sympathie. Il a présenté un rapide historique des lieux (dans lequel il a omis de préciser que la carmélite parisienne qui était à l'origine de la fondation du couvent était une protestante britannique convertie).

   L'aspect actuel de l'intérieur de la chapelle remonte à l'époque qui a immédiatement suivi le concile de Vatican II. L'autel a été détaché du mur du fond, permettant au prêtre officiant de faire face aux fidèles. De plus, le sol de la partie réservée aux laïcs ayant été rehaussé de deux mètres, ceux-ci se sont retrouvés beaucoup plus proches des religieux qu'auparavant. Quant aux vitraux très "modernes" qui ornent les ouvertures de la bâtisse, ils sont l'oeuvre de moines de l'abbaye d'En Calcat, située dans le Sud du Tarn :

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   A la suite de cette présentation, le parcours guidé dans les immenses bâtiments a pu commencer. Très vite, nous sommes arrivés dans une petite pièce où se trouvait un étrange placard :

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   Ce confessionnal a vivement intrigué les visiteurs... et il aurait pu inspirer l'une d'entre elles, dont le téléphone portable a sonné peu de temps après... et qui, pas gênée, s'est mise à engager la conversation avec son interlocuteur : "Je suis dans le truc là... tu sais à Combarel..." Plusieurs visiteurs ont manifesté leur mécontentement et, curieusement, plus aucun téléphone n'a sonné pendant le reste de la visite. (On en avait déjà entendu deux ou trois au tout début, mais leurs propriétaires avaient eu la courtoisie de ne pas répondre à l'appel et de les éteindre.)

   Nous voilà arrivés dans l'oratoire (une pièce où l'on prie). Mon regard a été attiré par le plafond...

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   ... et par le sol, où l'on pouvait voir d'étranges étoiles métalliques, incrustées dans le superbe parquet (très bien entretenu par les religieuses) :

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   Désignent-elles un emplacement réservé à certaines religieuses, pendant la prière, ou bien sont-elles des marques laissées là par des artisans ? Les voies du Seigneur sont parfois diablement impénétrables. En tout cas, cette pièce va connaître quelques bouleversements, puisqu'elle est vouée à devenir le bureau de l'évêque. Une partie de l'enceinte donnant sur la rue Combarel devrait être abaissée pour permettre à la lumière d'atteindre cette partie du bâtiment. On est décidément aux petits soins pour Monseigneur !

   Toujours à l'étage, nous découvrons les cellules des carmélites (qui n'ont jamais été plus de 24), encore plus petites que des chambres d'étudiants... et au confort rudimentaire :

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   Notez, au pied du lit, la prise électrique, de conception très ancienne !

   Les recluses entraient au contact du monde extérieur au moyen de deux parloirs, l'un situé au rez-de-chaussée, l'autre, plus grand, à l'étage :

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   D'après la guide, la taille de l'ouverture était prévue pour permettre aux religieuses (qui étaient aussi couturières) de prendre les mesures des prêtres (sans franchir la limite !). On se demande comment elles pouvaient opérer quand l'ouverture était obstruée par une grille...

   Les carmélites pouvaient aussi recevoir des objets (notamment de la nourriture), qui entraient au couvent par le tour, une structure en bois qui pivote sur un axe, et qu'actionnait la bien nommée tourière :

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   Des objets sortaient aussi du couvent, en particulier des hosties, qui ont fait la réputation des carmélites de Rodez.

   Nous sommes descendus au rez-de-jardin, où l'on trouve les pièces consacrées à la vie quotidienne, au travail et à l'activité spirituelle. Elles sont d'un aménagement sobre, quelques meubles en bois se révélant d'une grande beauté. L'une d'entre elles va être profondément transformée : le réfectoire (dont l'équipement a déjà été récupéré par d'autres communautés), qui est destiné à devenir l'entrée du bâtiment rénové. D'autres salles se distinguent, comme le lavoir communautaire, où, visiblement, tout était fait à la main :

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   Au détour d'un couloir, on découvre deux pièces dans lesquelles l'architecture d'origine a été préservée. C'est tout ce qu'il reste de l'ancien hôtel de passe, racheté jadis par l'évêque André-Charles de Ramond-Lalande. L'une de ces pièces a servi de dépôt de charbon :

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   Nous finissons par arriver dans l'un des endroits les plus attendus de la visite : la cuisine ! C'est dans celle-ci que les dernières carmélites en place avant 2013 (elles étaient quatre) passaient une partie de leurs journées. Chez les visiteurs, c'est un peu la déception. Il n'y a rien de notable à évoquer, si ce n'est cette perforation du sol (il y en a d'autres notamment dans les couloirs). D'après la guide, il s'agissait de vérifier la composition du terrain et, pour les archéologues, d'effectuer quelques sondages, dans l'espoir d'une découverte fortuite, avant les travaux. Apparemment, il n'y a pas de cadavre dans le placard...

   D'ailleurs, nous ne descendrons pas davantage : nous ne verrons pas les caves, que l'on n'a pas souhaité montrer au public, pas plus que les combles, qui couvrent toute la surface de l'étage. La charpente (en bois) est paraît-il superbe, mais les conditions de sécurité ne sont semble-t-il pas réunies pour y faire passer plusieurs centaines de personnes, pas toujours disciplinées...

   La visite se termine dans une salle où nous est présenté le projet de transformation des lieux. Les services de l'évêché vont quitter leurs locaux historiques (propriété du Conseil général de l'Aveyron), trop grands, trop coûteux à entretenir. (On a parlé de 78 000 euros de frais annuels, dont peut-être 25 000 euros de chauffage !) Les intervenants sont Xavier Cazals (secrétaire général du diocèse) et le bien nommé Jean-Marc Levesque, l'architecte du projet.

   Cette pièce contient une curiosité : une maquette du site, qui date sans doute de ses débuts, dans la première moitié du XIXe siècle :

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   Cette visite (gratuite) mérite vraiment le détour. A la place de l'évêché, j'aurais demandé une petite contribution : la transformation des lieux (qui inclut la construction d'un nouveau bâtiment, pour stocker 1,5 kilomètre de rayons d'archives) va coûter 2,5 millions d'euros, 450 000 devant être fournis par les fidèles.

dimanche, 26 octobre 2014

Le peintre des criminels

   Décidément... les séries policières (de TF1) semblent raffoler du "maître de l'outrenoir". En février dernier, c'est dans un épisode de R.I.S. que l'on a pu voir un brou de noix, dans le salon d'un homme machiavélique, qui avait tué son épouse.

   Jeudi dernier, dans le quatrième épisode de la cinquième saison de Profilage (un peu en dessous des saisons précédentes, je trouve), c'est dans la péniche où s'est réfugiée une criminelle (incarnée avec talent par une certaine Julie Gayet) que le commandant Rocher et la psycho-criminologue Chloé Saint-Laurent découvrent, accrochée au mur, une toile au style caractéristique :

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   Notons que les enquêteurs lui accordent à peine un regard, se concentrant sur les objets que la suspecte recherchée semble avoir accumulés de manière compulsive.

   Une question demeure sans réponse : la présence d'un tableau de Pierre Soulages au domicile d'une personne est-elle révélatrice de ses tendances meurtrières ?

   P.S.

   Si vous êtes observateurs, vous vous êtes rendus compte que les deux peintures (celle de l'épisode de R.I.S. et celle de Profilage) ont comme un lien de parenté... à tel point qu'une idée m'est venue à l'esprit : faire pivoter la seconde pour la mettre dans le même sens que la première. Voilà ce que cela donne :

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   Eh, oui ! Le tableau est identique ! (L'angle de la prise de vue a légèrement déformé la seconde image.) Conclusion : soit c'est vraiment une œuvre de Soulages, qui a pu être facilement prêtée à la production, soit c'est un faux (très ressemblant), conservé dans une réserve, et utilisé pour caractériser la demeure de certains personnages de fiction.

   Le tableau le plus ressemblant que j'aie pu trouver est ce Brou de noix de 1948 :

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   Le voici dans un autre sens, qui le rapproche de la "toile" des fictions de TF1 :

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samedi, 11 octobre 2014

La (future) nouvelle statue-menhir du musée Fenaille

   C'est l'une des informations que l'on peut trouver dans le compte-rendu de la réunion du conseil d'agglomération du Grand Rodez du 23 septembre 2014 (page 13) :

Nouvelle statue GRodez 23 09 2014.jpg

   Contrairement à l'une des hypothèses émises, il ne s'agit pas de celle qui a été découverte l'an dernier. La "petite" (1m55) nouvelle a été trouvée dans le Tarn, à la frontière de l'Aveyron, sur le territoire de la commune de Murat-sur-Vèbre (à côté de Brusque et de Mounès-Prohencoux) :

Murat-sur-Vèbre.jpg

    On remarque que le musée n'en est pas propriétaire (pas plus que la Société des Lettres de l'Aveyron). Comme plusieurs autres, elle appartient au musée Toulouse-Lautrec d'Albi. Je penche pour celle dont a été prise une photographie, il y a six ans, en octobre 2008 :

Bessière Toulouse-Lautrec.jpg

   Si on la compare avec celle publiée dans l'excellent ouvrage de Michel Maillé (Hommes et femmes de pierre - Statues-menhirs du Rouergue et du Haut-Languedoc), on arrive à la conclusion qu'il s'agit d'une copie, l'originale ayant été grandement dégradée :

Bessière Murat-sur-Vèbre.jpg

   C'est ce qui explique les frais engagés pour sa restauration. Il est question de 5 450 euros hors taxes... soit sans doute 1 000 euros de plus au total. Voilà pourquoi a été soumise à délibération une demande de subvention à la DRAC de Midi-Pyrénées. Si elle est accordée et si elle atteint le maximum autorisé, elle permettrait une économie de plus de 2 000 euros au Grand Rodez.

jeudi, 18 septembre 2014

Rodez sur TripAdvisor

   La perle informative dont il va être ici question est parue discrètement, mardi 16 septembre, dans "Pitonnerie", la rubrique scrutée à la loupe par certains lecteurs du quotidien aveyronnais Centre Presse :

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   En consultant le site TripAdvisor, on constate, un peu à la surprise générale, que, parmi les visites touristiques associées à la commune de Rodez, celle du musée Fenaille recueille un indice de satisfaction plus élevé que celle du musée Soulages, qui devance toutefois la cathédrale locale. (A mon humble avis, c'est plutôt çà le scandale...)

    Pourtant, la lutte n'est pas égale entre les deux musées. Depuis des mois, l'établissement consacré à l'oeuvre de Pierre Soulages bénéficie d'une couverture médiatique peut-être jamais vue pour un musée provincial. Dans un premier temps, le succès (relatif) des grosses boîtes à chaussures du Foirail a rejailli sur la vieille bâtisse donnant sur l'antique forum. 

   Mais, en matière de musée comme dans le cinéma, le nombre des entrées est à relativiser par l'indice de satisfaction. Combien de bouses filmiques attirant les masses ravissent à peine plus de 50 % de leur public, alors que des productions plus confidentielles (mais pas nécessairement élitistes) suscitent l'enthousiasme des spectateurs ? Sans maquillage outrancier ni tenue extravagante, l'altière Fenaille semble avoir procuré davantage de plaisir que la courtisane Soulages.

   Notons toutefois que le nouveau musée recueille quand même un très bon indice de satisfaction. Quand on lit le détail des observations des visiteurs, on constate qu'il existe un grand contraste entre une majorité de très contents et une mince minorité de furieux. Si quelques-uns de ceux-ci ont été déçu par le contenu, ce sont surtout les défauts d'organisation et le comportement de certains membres du personnel qui semblent expliquer les mauvaises notes.

   Du côté de Fenaille, on peut parler de belle surprise pour les visiteurs dont la destination première était sans doute le musée Soulages. L'impact des statues-menhirs (encore récemment mises à l'honneur sur Arte) explique sans doute en partie le bon classement du musée, dont les collections bénéficient d'un travail de présentation en général clair et érudit. S'y ajoute la qualité de l'exposition temporaire présente jusqu'au 26 octobre 2014 : "Impression d'Afrique".

   Espérons que la suivante poursuivra sur cette lancée. Dans un avenir proche, le musée Fenaille pourrait aussi voir son intérêt relancé par le toilettage des collections permanentes. Il semblerait que quelques ajouts soient en cours. J'ai entendu parler d'un squelette de cheval (issu d'une tombe gallo-romaine) et... d'une nouvelle statue-menhir ! S'agira-t-il de l'une de celles qui n'avaient été exposées que temporairement en 2010 ? S'agira-t-il de celle qui a été découverte l'an dernier, aux confins du Tarn et de l'Hérault ?

samedi, 30 août 2014

A l'ombre des 100 000 visiteurs

   La presse a abondamment relayé l'information concernant le grand nombre de visiteurs du musée Soulages, dépassant les prévisions de ses promoteurs. Mais les auteurs des articles n'ont pas trop cherché à en savoir plus. Ainsi, à l'exception notable du Nouvel Hebdo, aucun périodique n'a précisé le nombre d'entrées payantes.

   Du côté des quotidiens locaux, on a fait surtout de la communication. Centre Presse y va fort en qualifiant le musée de "phare culturel de la ville" et insiste sur l'impact touristique de Soulages, évoquant aussi l'augmentation du nombre de visiteurs des autres musées ruthénois. Midi Libre souligne aussi cet aspect, mais se consacre davantage à l'hôtellerie-restauration. Au passage, l'auteure de l'article lance une pique aux "soulageophobes" locaux, oubliant que c'est sur le long terme qu'il faudra juger du succès de l'établissement.

   La Dépêche du Midi cite les propos du maire de Rodez (Christian Teyssèdre) et donne des chiffres précis... mais pas tous ceux que l'on attendait, hélas. On apprend toutefois que les 100 000 entrées n'ont rapporté que 417 000 euros... alors que le billet (commun aux trois musées, ce qui est une bonne idée) coûte 7 euros (4 euros pour les comités d'entreprises et les - environ 11 000 - titulaires de la carte XXL du Grand Rodez). Cela signifie qu'une part importante des visiteurs n'a pas payé. On ne sait pas quelle proportion ils représentent, faute de connaître le nombre de billets à 7 et 4 euros.

   On apprend aussi que la boutique du musée connaît un grand succès, ce dont tout visiteur du début avait pu se rendre compte. Déjà, le 16 juin dernier, Centre Presse parlait de la ruée sur le petit espace commercial du musée... sous-entendant que tous ceux qui repartaient avec un ou deux ouvrages n'avaient pas forcément payé. Et pourtant, au début du projet, cette boutique n'avait pas d'existence assurée. On réalise aujourd'hui qu'on a bien fait de l'étoffer et que c'est même devenu un atout de l'établissement, qui deviendrait ainsi, le siège de la librairie de référence sur Soulages.

   Sans surprise, le quotidien économique Les Echos s'appuie lui aussi sur ces données pour évoquer la réussite du musée. Il est même plus précis sur le chiffre d'affaires de la boutique (329 575 euros, contre 329 000 selon La Dépêche).

   Le Figaro rentre moins dans le détail des recettes, mais il précise le nombre d'entrées par mois. Il relaie aussi les critiques émises à propos des horaires d'ouverture. On peut en effet légitimement penser qu'avec une offre plus étendue, le musée aurait accueilli encore plus de visiteurs. La journaliste a peut-être copié ce qu'elle a lu dans l'article de Centre Presse (paru une semaine plus tôt), auquel elle a aussi emprunté la formule "phare culturel".

   On termine avec La Croix et un article assez long. On y retrouve et le détail des recettes et les entrées par mois. Manquent juste la proportion d'entrées payantes et l'origine des visiteurs.

   Tournons-nous donc vers Le Nouvel Hebdo et le "Grain de sel" de Gérard Galtier. On y découvre que la part d'entrées payantes n'atteint même pas 60 % du total. En effet, aux visiteurs de l'inauguration (portes ouvertes), il faut ajouter ceux du premier dimanche de chaque mois, où l'entrée est gratuite. Affluence garantie... signe aussi (peut-être) que les locaux, s'ils viennent jeter un oeil au musée qui a fait la "une" des médias, ne sont pas prêts à payer pour cela. A l'avenir, il est un autre public qui contribuera à accroître le nombre d'entrées sans participer financièrement : les scolaires... mais cela fait partie des missions de tout établissement de ce type.

   Ceci dit, on ne va pas faire la fine bouche. En tant que contribuable du Grand Rodez, je me réjouis que les recettes du musée soient plus importantes que prévu. C'est autant que nous n'aurons pas à remettre au pot. Notons toutefois qu'il s'agit (concernant les entrées payantes) des recettes des musées, le billet étant commun.

   Je termine par une information que, là encore, je n'ai lue que dans Le Nouvel Hebdo. Figurez-vous que le directeur du musée, tout comme son adjointe, ont choisi le mois d'août pour partir en vacances et ce, alors que la tension était à son comble en matière de gestion du personnel. En effet, le succès du nouvel établissement a contraint de revoir les emplois du temps... et il me semble que l'on a un peu déshabillé Fenaille (et Denys-Puech) pour habiller Soulages. Visiblement, pendant que l'élite partait se dorer la pilule, la valetaille était priée d'assurer le service...

vendredi, 29 août 2014

"Impression d'Afrique" au Musée Fenaille

   Le plus intéressant des musées ruthénois propose, jusqu'au 26 octobre 2014, une exposition temporaire construite à partir des réserves de l'établissement, mais aussi de collections particulières et de prêts du Musée du Quai Branly et du Musée Africain de Lyon.

   La première salle est celle des objets, utilitaires et/ou d'apparat. On y trouve des sabres, haches et herminettes, mais aussi une natte, un siège ashanti... ainsi qu'un étrange et superbe ustensile :

Couteau.jpg

   Je vous donne un indice : il a été fabriqué avec du bois, du fer et des clous de laiton.

   D'autres éléments exposés sont d'origine européenne. Il y a ces lettres d'Aveyronnais expatriés (qui vont envoyer ou rapporter des objets) et ces assiettes en faïence qui racontent, sur un ton humoristique (et condescendant vis-à-vis des populations africaines), la conquête du royaume d'Abomey. (Aujourd'hui encore, la vision de cet empire varie. Les locaux le regardent comme certains Français regardent l'ère de Louis XIV. En Europe, le point de vue est moins élogieux, comme dans cet article de L'Express.)

Assiettes.jpg

   Dans la deuxième salle a été aménagé un "dispositif artistique" : de grandes photographies du crâne d'un chef congolais, qui avait été ramené en Belgique, font face à un écran où est diffusé un film essentiellement composé d'images de l'océan... Vers la fin de ce film ont été insérées d'autres types de scène (avec une poupée et sur une danse appelée "menuet congolais").

   Je n'ai pas été emballé par cette création. A mon avis, une approche scientifique ou historique aurait été plus pertinente. On aurait ainsi pu évoquer l'anthropologie raciste qui sévissait à cette époque, ou la collecte des crânes. (En 1910, un lieutenant de l'Infanterie coloniale était tout fier d'en rapporter à la Société d'anthropologie de Paris.) On aurait pu aussi poser la question de la conservation (en musée) de restes humains. La récente restitution du crâne d'un insurgé kanak nous rappelle que c'est encore un sujet brûlant.

   La troisième salle d'exposition est peut-être la plus richement dotée. On y découvre le parcours d'Alexandre Visseq, jeune missionnaire catholique originaire de Saint-Félix-de-Lunel (commune située entre Decazeville et Espalion, à proximité de Conques). Il est envoyé fin XIXe siècle au Congo, vaste territoire mal défini (entre les actuels Angola et République Démocratique du Congo), où il a finalement passé une dizaine d'années.

   Si son objectif est l'évangélisation des populations africaines (tâche qui s'est révélée ardue), le missionnaire s'intéresse aussi aux coutumes locales. Il a notamment collecté des statuettes, qui ont été offertes à la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron. Celle qui suit avait déjà été exposée à Rodez, mais je la trouve toujours aussi belle :

Statuette.jpg

   On lui doit aussi un dictionnaire Fiot-Français, dont un exemplaire est présenté, sous vitrine. Les curieux se pencheront aussi sur la carte qui nous permet de préciser le parcours de Visseq en Afrique. La marge gauche est couverte de remarques (qui ne sont pas de Visseq) concernant Tombouctou. Il y est question de l'histoire de la cité (et de sa soumission passée au Maroc), de sa localisation, de sa population (estimée à la louche entre 10 000 et 50 000 habitants). L'auteur juge que la ville a perdu de sa superbe. Il y remarque toutefois la pratique de la liberté de culte (les juifs, autrefois interdits de séjour, y vivent sans problème).

   Le reste de la salle contient des productions africaines, principalement des masques et des statuettes. Certaines de ces oeuvres témoignent de l'interpénétration des influences. J'ai notamment été étonné par le masque d'un démon rieur, surmonté d'un Christ au pénis particulièrement visible...

DSCN4763.JPG

   On peut faire encore d'autres jolies découvertes en déambulant dans cette intéressante exposition, peut-être un peu moins passionnante que Curiosités et merveilles, présentée en 2012.

vendredi, 11 juillet 2014

Les dessous pas très chics de la construction du musée Soulages

   Le quotidien Midi Libre a réussi un joli coup éditorial en mettant en ligne, dès hier soir (pour les abonnés), un article faisant état d'une enquête sur une fraude dans les marchés de construction du musée ruthénois. Il a été très vite repris par l'agence AFP, puis par Le Monde. A Rodez, il suffisait de ne pas se lever trop tard ce matin pour pouvoir se procurer la version papier.

   On peut commencer par quelques remarques sur la chronologie. D'après l'article, tout a démarré par hasard, en mai 2011. Des écoutes téléphoniques réalisées par la Police judiciaire, sur Bordeaux, font émerger un soupçon d'entente illicite entre des professionnels du bâtiment, dans le cadre dans la construction du musée Soulages.

   Ce n'est qu'en mars 2013 qu'une information judiciaire est ouverte par le procureur de Rodez. Il a fallu presque deux ans... pour réunir un faisceau de présomptions plus important ? En tout cas, on n'apprend la chose qu'en juillet 2014, environ seize mois plus tard. Soit les médias n'étaient pas au courant, et dans ce cas c'est au niveau du Parquet ou du Grand Rodez qu'on a voulu éviter d'ébruiter la chose (dans un article de La Dépêche du Midi, le maire et président de la Communauté d'agglomération Christian Teyssèdre évoque la venue de fonctionnaires du SRPJ de Toulouse en mai 2013). Soit les médias locaux étaient au courant et ils ont "retenu" l'info. Quelle que soit la vérité sur ce point, il est clair qu'on a voulu que l'inauguration du musée ne soit pas "parasitée" par les investigations en cours.

   D'autres interrogations subsistent, concernant l'implication des différents acteurs dans cette affaire. D'après l'article de Midi Libre, dans l'état actuel des choses, seuls des entrepreneurs (pas forcément aveyronnais) sont impliqués. Il s'agirait d'une entente illicite, comme il s'en est déjà produit des dizaines centaines milliers de fois dans le pays. Le but est de contourner la mise en concurrence, qui oblige à serrer les coûts. Il existerait même des logiciels qui permettraient de fabriquer de fausses propositions crédibles... mais légèrement moins bonnes que celle de l'entrepreneur qui a été désigné pour remporter l'appel d'offres. L'entente peut aussi jouer sur un plan vertical, entre, par exemple, un maître d'oeuvre et des sous-traitants, voire entre sous-traitants. C'est ce que l'information judiciaire devra déterminer.

   Il reste la possible implication de politiques. Elle semble pour l'instant exclue. L'article de Midi Libre n'en fait pas mention et C. Teyssèdre affirme que le Grand Rodez n'est pas mis en cause. Le maire de Rodez s'avance peut-être un peu trop quand il déclare que même le personnel de la Communauté d'agglomération n'est pas concerné par l'affaire. C'est à l'enquête de le dire. Il est possible qu'il ait raison. Mais il est aussi possible qu'au moins l'un des entrepreneurs ait eu une "source interne", pas forcément un-e élu-e, mais quelqu'un, travaillant à l'agglo, ayant fourni de précieux renseignements.

   A suivre donc.

 

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Un Lotois dans les Andes

   Ce Lotois était Théodore Ber, né à Figeac en 1820 et mort à Lima (au Pérou) en 1900. Son parcours n'est toutefois pas étranger à l'Aveyron, puisque, quelques années après sa naissance, sa famille s'est installée à Decazeville (où vécut par la suite sa soeur, devenue adulte). Lui même fut, à partir de l'âge de 15 ans, employé dans divers ateliers de mercerie, d'abord à Rodez, puis à Bordeaux, avant de "monter" à Paris.

   Toutes ces informations sont issues d'une passionnante exposition (temporaire) du musée Champollion, à Figeac : "40 ans dans les Andes - L'itinéraire oublié de Théodore Ber". Elle coïncide avec l'édition des mémoires du Lotois, sous la forme d'un assemblage de fragments d'un journal inachevé :

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   Il est fils d'artisan-commerçant. Sur l'acte de naissance, son père est présenté comme "tailleur". On dit aussi qu'il est issu d'une famille de couturiers. Quand ils s'installent à Decazeville, le père ouvre un magasin de confection. (Notons que la -jeune- ville ouvrière n'a pas fait bonne impression sur Théodore, qui l'a plus tard qualifiée de "vilain trou"...)

   C'est lors de son séjour à Paris qu'il se radicalise. On est sous la Monarchie de Juillet et il fréquente des cercles républicains. Il y a aussi de fortes chances qu'il soit devenu franc-maçon. Il est arrêté en 1841, mais vite relâché. En 1845, il participe à la fondation d'un journal, La Fraternité. En 1848, on le retrouve du côté des révolutionnaires les plus actifs. Il devient même chef de barricade. Par la suite, il a été envoyé dans l'Aveyron, comme secrétaire du commissaire du gouvernement. S'est-il présenté aux élections législatives ? On serait tenté de le penser en lisant un article du (formidable) livre de Roger Lajoie-Mazenc Fantassins de la démocratie. Page 99, il y est question d'un Ber (sans prénom), "ouvrier, candidat aux législatives en 1848 (non élu, arrive en 55e position avec 627 voix pour 10 sièges à pourvoir)".

   En 1851, il s'oppose au coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Mais, plus que ses ennuis politiques, ce sont semble-t-il des problèmes conjugaux (il est marié depuis 1847 à une certaine Emilie Fanton) ou des soucis financiers qui le poussent à émigrer. On le retrouve en Amérique du Sud, d'abord au Chili (1860) puis au Pérou (1863). Il y a exercé de nombreux métiers, manuels comme intellectuels. Il a notamment enseigné le français. Il ne rentre en France qu'à la chute du Second Empire. A Paris, il rejoint les Communards et devient le secrétaire de l'une des figures marquantes du mouvement, Charles Delescluze.

   Menacé en raison de ses engagements, il retourne en Amérique du Sud, où sa réputation de Communard finit par le rattraper. N'étant plus employé comme précepteur, il contribue à différents journaux francophones (L'Union nationale, L'Echo du Pérou) et finit par en diriger un (L'Etoile du Sud). C'est à cette époque qu'il commence à se lancer dans des fouilles archéologiques, en amateur. Il va y laisser sa maigre fortune, mais aussi faire de belles découvertes, qui lui valent de faire partie de la délégation du Pérou (curieusement dominée par des Français) au Congrès des Américanistes de 1875, qui se déroule à Nancy. (En 1878, il est même devenu membre de la Société américaniste de France !)

   En 1876, il se lance dans un périple en Bolivie, où il est resté 6 mois, dont 4 à vivre parmi les Indiens, pour lesquels il a pris fait et cause, contre l'exploitation dont ils sont victimes de la part des descendants des colons européens. Il se désintéresse de plus en plus de la France, où il revient pour la dernière fois en 1893.

   Théodore Ber était donc un homme engagé. Il garda ses convictions après s'être installé en Amérique du Sud. Il s'est intéressé au sort des Indiens de la Sierra ainsi qu'à celui des travailleurs chinois (que l'on fait venir au Pérou depuis les années 1840), exploités par leurs employeurs. L'exposition propose plusieurs photographies (surtout des Indiens), prises pendant les fouilles de Ber par un Allemand, à sa demande. Pour la petite histoire, signalons que Ber détestait la tauromachie. C'était aussi un "bon citoyen". Pompier volontaire, il a contribué à éteindre l'incendie qui a frappé la ville portuaire de Callao, bombardée par une escadre espagnole en 1866.

   A quoi ressemblait-il ? Vers la fin de sa vie, à ceci :

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   C'est la personne assise, entre le gouverneur militaire de la région bolivienne où se trouve le site de Tiahuanaco (à proximité du lac Tititcaca) et le curé du village, chez lequel il logeait à l'époque.

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   J'ai aussi souligné Ancon sur la carte ci-dessus, parce que c'est sur ce site péruvien qu'il a fait beaucoup de découvertes. La construction d'un chemin de fer a mis au jour un ancien cimetière. Comme les défunts étaient enterrés avec tous leurs biens, la découverte des tombes a ressuscité toute une civilisation. Voici par exemple un lama tacheté (prêté par le musée du Quai Branly) :

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   Il est caractéristique de la culture Chancay, qui s'est développée entre 1100 et 1450. On a aussi trouvé une étrange pièce de tissu, sans doute originaire d'un royaume chimu du Nord, qui, à l'époque, avait déjà été annexé par les Incas :

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   Impressionnantes sont aussi les momies, enveloppées dans plusieurs couches de tissus. En voici un exemple :

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   En Bolivie, la moisson a été aussi très riche. Le site de Tiahuanaco est plus ancien que celui d'Ancon. Il aurait été peuplé dès le IVe siècle avant JC, l'apogée ayant été atteint entre  les Ve et Xe siècles après JC.  La cité est devenue la plus peuplée d'Amérique du Sud, comptant peut-être 30 000 habitants. Au XIe siècle, elle a soudainement périclité. Ber et son équipe ont notamment trouvé un vase (sans doute un encensoir) à tête de puma :

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   Un peu plus loin, on tombe sur un étrange objet, allongé, sculpté et creux... c'est un inhalateur de drogue !

   De nouvelles découvertes ont été réalisées à l'occasion d'une expédition de 5 ans sur le piémont amazonien, dans la vallée de Chanchamayo, dans la colonie de La Merced (voir la carte du début). Théodore Ber y est toujours révolté par le comportement de certains Européens vis-à-vis des populations andines. C'est aussi l'époque où il exerce à peu près tous les métiers et semble se plaire dans une vie rude et frugale, loin de l'Occident supposé évolué.

   Parmi les pièces visibles dans l'exposition, j'ai aussi remarqué une tête réduite, production des Indiens Shuars, que l'on connaît mieux sous le nom de Jivaros. Le texte d'accompagnement précise qu'à l'origine, il s'agissait pour le vainqueur d'un combat de se protéger de la vengeance du vaincu (de son esprit). Par la suite, ces têtes ont fait l'objet d'un commerce de plus en plus important, ce qui explique que certaines ne soient pas d'origine, mais des "créations" destinées aux voyageurs fortunés...

   Voilà, je n'ai pas tout dit, mais j'espère vous avoir donné envie d'en savoir plus sur ce Lotois au destin peu ordinaire. L'exposition est visible jusqu'au 5 octobre 2014.

lundi, 16 juin 2014

Le personnel du musée Soulages broie du noir

   C'est du moins ce que l'on peut conclure de la lecture d'un article paru dans le quotidien aveyronnais Centre Presse et intitulé "Petits tracas au musée Soulages". Selon le journal, il faut plutôt y voir la rançon de la gloire : c'est l'engouement suscité par le nouveau musée qui expliquerait que le personnel soit débordé, voire exténué.

   Pour preuve, la version papier du quotidien publie une photographie sur laquelle on voit une foule massée à l'entrée du musée, canalisée par des barrières, la légende mettant l'accent sur le succès de l'établissement :

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   En la voyant, j'ai immédiatement "tiqué". Cette image m'en rappelait une autre, un peu plus ancienne. En cherchant un peu, j'ai trouvé : il s'agit d'une photographie prise au moment de l'ouverture du musée, juste après l'inauguration par François Hollande. On peut la trouver dans un article daté du 1er juin dernier :

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   Attention toutefois. Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas exactement de la même photographie. En regardant les deux images de très près, on se rend compte que les personnes qui font la queue sont différentes. Elles ont dû être prises à quelques (dizaines de) minutes d'intervalles. L'axe est le même. Le temps semble identique : c'est ensoleillé, mais frisquet (plusieurs personnes sont même assez chaudement vêtues), loin des hautes températures actuelles. Par contre, à l'arrière-plan, dans le jardin d'enfants, on reconnaît, de dos, le même homme, aussi bien dans l'article récent...

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   ... que dans l'article "ancien" :

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   Les files d'attente sont tout de même nettement moins impressionnantes aujourd'hui qu'à l'époque où la visite était gratuite !

   De surcroît, le stress des employés n'est peut-être pas tant dû à la surfréquentation du musée qu'au sous-effectif du personnel d'encadrement. L'article de Centre Presse le sous-entend, quand il évoque une personne en arrêt-maladie.

   Mais, quand on laisse traîner ses oreilles du côté des autres musées ruthénois (dont le personnel a été "mutualisé" avec le tombeau Soulages), on perçoit un autre son de cloche. On entend parler d'emplois du temps acrobatiques pour certains employés, qui jonglent avec plusieurs sites. (Ce n'est pas le cas de tout le personnel, bien entendu.) On entend aussi parler de restrictions budgétaires : il n'est un secret pour personne désormais que les coûts de fonctionnement du pôle muséal ont été sous-estimés. Résultat : on compresse le personnel... du moins tant que l'on maintient les trois musées ouverts. Une fois l'été passé, il sera toujours temps d'évoquer certains changements. Tout le monde pense (sans trop oser le dire) au musée Denys Puech, dont le succès est plutôt confidentiel...

   P.S.

   Si vous voulez faire des affaires, c'est le moment où jamais de vous précipiter à la boutique du musée, où c'est quasiment du libre-service !

   Quant aux oeuvres des collections permanentes, figurez-vous qu'elles ne sont pas assurées !

   P.S. II

   Finalement (toujours selon Centre Presse), ce sont les toilettes du musée qui semblent connaître la plus grosse affluence. Je me garderai bien d'en tirer des conclusions hâtives...

samedi, 07 juin 2014

Naissance d'un musée

   Il reste encore quelques heures pour voir le documentaire consacré par France 3 au musée Soulages, inauguré la semaine dernière par François Hollande.

   Cela commence par une visite du chantier (déjà bien entamé) par Pierre Soulages, entouré de professionnels du bâtiment, d'une grappe d'élus, d'une foule de privilégiés et d'une horde de journalistes. L'artiste se montre d'abord préoccupé par le volume des réserves, qu'il a peine à estimer... tout comme ses interlocuteurs. La conversation porte sur des m² et des longueurs de rail...

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   Sur l'image, à gauche, on reconnaît Ludovic Mouly (à l'époque président de la Communauté d'agglomération du Grand Rodez), qui ne quitte pas Soulages d'une semelle, Martin Malvy (président du Conseil régional de Midi-Pyrénées), habile à se placer dans le champ de la caméra, et Christian Teyssèdre (le maire de Rodez)... qui a l'air de se faire chier (et on le comprend).

   La visite se poursuit en extérieur. Le peintre rencontre les ouvriers du chantier, juste le temps de serrer quelques louches :

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   Ici comme ailleurs, les entrepreneurs français ont recours à des sous-traitants ou de la main-d'oeuvre étrangère, avec l'exemple de cet ouvrier, à droite. Sa rencontre donne lieu à un échange "lolesque" :

- Qu'est-ce que vous êtes, vous ?

- Euh... portugais.

   Gêné, le patron de la boîte tente de rebondir en disant qu'il s'agit bien là d'un musée européen...

   On retrouve Pierre Soulages dans un entretien, dans lequel il raconte la genèse du projet de musée, au cours de discussions avec celui qui était à l'époque maire de Rodez : Marc Censi.

   Puis c'est au tour des architectes catalans d'avoir les honneurs de la caméra. Leurs explications sont censées mettre en évidence les liens qui existeraient entre l'architecture du musée et l'oeuvre de Soulages. Je n'ai pas été convaincu...

   Retour à Rodez, pour une séance de dédicaces. Des anonymes comme des vedettes locales viennent faire parapher leur exemplaire d'un ouvrage consacré à Soulages. Je trouve ce comportement de "groupie" infantile de la part d'adultes supposés intelligents. A moins que... cette signature ne soit considérée comme un investissement, qui rendrait l'ouvrage précieux. Ou alors c'est simplement l'expression de leur narcissisme : le "message personnel" de l'artiste les mettrait en valeur...

   A l'occasion de cette séance, Soulages rappelle involontairement combien il est attaché à la ville de Sète, où il est installé depuis des années... et où aurait dû être construit le musée consacré à son oeuvre ! Je pense que ce sont les Aveyronnais, plus que les Sétois, qui regrettent que cette occasion n'ait pas été saisie...

   On nous ramène ensuite au chantier. Le peintre s'enquiert de l'espace consacré aux expositions temporaires, qui doit être de 500 m². Mais cela ne colle pas avec ce qu'il voit du bâtiment. En fait, l'espace est divisé en deux salles, sur deux niveaux. Celle du dessus a un haut plafond (entre  7 et 8 mètres), alors que celle du dessous a moins de 5 mètres de hauteur, ce qui est présenté comme tout à fait "normal". Soulages rebondit sur le mot, avec esprit : "Une salle d'exposition normale pour des peintures normales... comme nous avons un président normal, ça c'est parfait tout ça !"

   La séquence suivante est consacrée à Conques et aux vitraux de l'église abbatiale. On y découvre un extrait d'un autre documentaire de Jean-Noël Cristini (aussi réalisateur de celui-ci). On nous présente un Soulages plus jeune (il a vingt ans de moins), au travail avec un assistant. Pour les aficionados du maître de l'outrenoir, c'est sans doute un moment d'anthologie, qui voit le génie créatif s'exprimer dans tout sa splendeur, avec notamment cette exclamation qui, j'en suis sûr, restera dans les mémoires : " Ce chatterton, c'est une trouvaille, hein ! "

   Au passage, signalons le crime de lèse-majesté commis par la chaîne publique qui, en plein documentaire, laisse passer les résultats du quinté !

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   Une longue séquence nous montre ensuite l'emballage, la réception puis le classement des oeuvres qui vont être installées au musée. On retrouve Pierre Soulages dans un entretien intéressant, où il évoque les peintures rupestres, nées dans la quasi-obscurité des grottes préhistoriques.

   On a ensuite droit à un autre moment de détente, avec les gesticulations autour du sens dans lequel exposer une oeuvre magistrale :

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   Soulages a du mal à se faire comprendre de son assistant... et aucun des deux ne sait vraiment dans quel sens regarder ce truc !

   Le film s'achève sur la mise en place des cartons de Conques, au musée ruthénois. On perçoit l'implication de l'artiste, mais on ne tente pas de nous faire comprendre quoi que ce soit sur les fameux vitraux...

   P.S.

   Arrivé en fin de rediffusion gratuite, le documentaire n'a pas suscité l'engouement sur le site tv-replay. Au bout de six jours et demi, à peine plus de deux cents personnes l'ont regardé, alors que la trilogie consacrée à l'histoire de l'électricité a été suivie par 2 500 à 3 500 internautes.

 

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   P.S.

   Pour ceux qui ont raté le film, France 3 a prévu une séance de rattrapage lundi 16 juin... à 8h45.

 

samedi, 31 mai 2014

Fulgurances soulagiennes

   Ce vendredi après-midi, à Rodez, le spectacle n'était pas au musée, pas plus qu'au Café Bras, mais plutôt dans les rues de Rodez, et ceci bien avant que les manifestations programmées le soir ne commencent.

   La population du Piton s'est accrue de manifestants extérieurs à la ville, de policiers, de journalistes... et de touristes. C'est en écoutant certains d'entre eux s'exprimer que j'ai constitué le petit florilège suivant.

   On commence par une rue située à proximité d'un tabac-presse. Une jeune femme, qui doit consacrer des sommes importantes à améliorer son apparence, est au téléphone. Visiblement, elle ne voit aucun inconvénient à ce que la moitié de la rue comprenne sa conversation. Cela donne ceci :

- T'es où ?

- ...

- Moi ? A Rodez. Tu sais... Soulages !

- ...

- ?? Ta gueule !

-...

- Enculé !

   Je n'ai pas entendu la suite, mais je dois dire, qu'émerveillé par tant de classe, j'ai regretté de devoir m'éloigner. Bien m'en a pris. Voici ce que j'ai saisi peu après, en entrant dans un commerce :

- Il a pas des gènes allemands, Soulages ?

   Je pense que la personne, induite en erreur par la couleur noire, a dû confondre le chantre de l'outrenoir avec Hugo Boss...

   Sur le Piton, en fin d'après-midi, on a commencé à s'inquiéter devant le noircissement de l'atmosphère, alors que, plus tôt, la venue de François Hollande avait été accompagnée d'un soleil radieux. Ce thème constituant la matrice de nombre de conversations de bistrot, il n'est pas étonnant qu'elles aient subi l'influence de l'actualité :

- Tiens, regarde le ciel ! On dirait du Soulages !

   Enfin, quittant la vieille ville, je regagnai rapidement le Faubourg, espérant pouvoir passer entre les gouttes. Cela ne m'a pas empêché de capter une bribe de la conversation tenue par des personnes faisant le chemin inverse (sans doute en direction du flash mob) :

- Putain, finalement, c'est grand, Rodez !

- C'est surtout que ça monte !

   Un peu plus bas, au carrefour Saint-Cyrice, j'ai eu le loisir d'observer les plaques d'immatriculation des véhicules quittant le centre-ville. Aux côtés des nombreux 12 s'affichaient le 2A, le 15, le 10, le 69... et même une plaque en "E" ! (N'oublions pas que les concepteurs des boîtes à chaussures du Foirail sont originaires de Catalogne !)

vendredi, 30 mai 2014

Soulages en BD

   Elle est intitulée Chercheur de lumière (une formule qu'a reprise un journaliste du Monde, dans son récent article consacré à l'ouverture du musée). Elle a été réalisée par des élèves du lycée Foch. Elle est parue il y a un peu plus de trois mois.

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   Sur un plan conceptuel, la bonne idée est de s'appuyer sur la biographie de Pierre Soulages pour (tenter d')expliquer son oeuvre. Chaque page ou double-page a été réalisée par un ou deux élèves... évidemment en noir et blanc.

   Fort logiquement, après avoir présenté leur rencontre avec l'artiste, les lycéens commencent par évoquer la genèse de l'inspiration de Soulages. Je trouve que Léa Poux montre assez bien la fascination pour les jeux d'ombre et de lumière :

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   Quelques pages plus loin, c'est dans un style qui oscille entre surréalisme et expressionnisme qu'est représentée l'action créative (par Sarah Calmettes) :

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   Si, d'un point de vue formel, je trouve cette partie très réussie (les dessins étant souvent de qualité médiocre... mais, bon, ce sont des adolescents), sur le fond, c'est assez pédant. Mais, comme les phylactères semblent rapporter des propos de Pierre Soulages, il est possible que ce soit à lui qu'il faille attribuer certaines expressions pompeuses.

   L'inspiration préhistorique aurait peut-être mérité un traitement plus approfondi. C'est une partie qui m'a plutôt déçu. On peut aussi rapidement passer sur l'extase exprimée par certains lycéens représentés dans la BD... (Cet ouvrage n'a évidemment pas pour but d'inciter à une réflexion critique sur l'oeuvre de Soulages. On est dans la promotion.)

   Contrairement à ce que certaines personnes malintentionnées pourraient croire, le peintre n'a pas choisi l'art abstrait par manque de technique. Il a bien été reçu aux Beaux-Arts, qu'il a rapidement quittés. Il a aussi peut-être renoncé à une possible carrière dans le rugby... Nul doute qu'il y aurait développé sa technique de l'oeil-au-beurre-noir !

   La suite de la BD évoque son installation dans le Midi, sa rencontre de peintres contemporains d'avant-garde et ses premières expositions. Du brou de noix à l'outrenoir, on finit par arriver à Conques et ses vitraux. Rien ne particulièrement emballant là-dedans, si ce n'est le passage sur les outils de Soulages (par Claire Bailleau, qui s'est sans doute inspirée d'une photographie de Michel Dieuzaide) :

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   L'ouvrage se termine par un historique de la construction du musée, des premières idées jusqu'à son inauguration.

   Notons qu'il est vendu à un prix modique (10 euros). Bien que n'étant pas très intéressé par l'oeuvre de Pierre Soulages, je pense que c'est une initiative à saluer.

dimanche, 18 mai 2014

Soulages a-t-il bonne presse ?

   Alors que l'inauguration du musée consacré à l'artiste se rapproche, les articles se multiplient, dans la presse locale, mais aussi nationale. Plus intéressantes que les papiers de commande, écrits à la va-vite, les anecdotes liées à la manière dont l'oeuvre de Soulages est perçue nous permettent de mesurer l'aura du peintre.

   Ainsi, au détour d'un article du Monde, on apprend que Claude Perdriel, le (re)fondateur du Nouvel Observateur (qui vient de vendre l'hebdomadaire), collectionne avec son épouse les oeuvres de Soulages et de Matisse.

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   Le mois d'avril a vu l'actualité soulagienne devenir plus trépidante. De manière surprenante, c'est d'abord le cinquantième anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine communiste qui a mis le nom de l'artiste à l'honneur. En effet, l'une des manifestations organisées a consisté en l'envoi de dix chefs-d'oeuvre (ou supposés tels) des musées nationaux français en Chine (où ils resteront jusqu'en juin). Renoir y côtoie Fragonard, Rigaud, Clouet, Georges de La Tour, mais aussi Léger, Picasso... et Soulages, à travers une oeuvre de 1950, sobrement intitulée "Peinture" :

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   Le concert de louanges s'est accentué à l'occasion de l'ouverture d'une double exposition des oeuvres de Soulages à New York, l'une dans la galerie Perrotin (de l'outrenoir sur des murs blancs), l'autre chez Dominique Lévy. Sur ce dernier site, la vidéo mise en ligne nous impose un commentaire dithyrambique, où il est d'ailleurs une fois question de l'Aveyron.





   On peut couper le son et concentrer son attention sur les images : la caméra est mouvante, faisant apprécier les jeux de lumière sur les oeuvres, parfois filmées en très gros plan. Notons qu'un journal destiné principalement aux Français expatriés aux Etats-Unis a consacré un article élogieux à l'exposition.

   En Aveyron, la presse quotidienne regorge de "papiers" sur Pierre Soulages ou son musée. On remarque que, si les critiques sont (pour l'instant) mises sous le boisseau, ce n'est tout de même pas l'enthousiasme qui semble avoir guidé les plumes. Les aficionados de Soulages ne pourront pas faire ce reproche au mensuel gratuit A l'oeil, exclusivement louangeur, l'un des articles du dernier numéro étant même titré "Pierre Soulages, Populaire !"

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   ... Tout dépend auprès de qui. Pour justifier le titre, l'auteur-e de l'article rappelle les expositions prestigieuses et le montant des ventes de tableaux. C'est se limiter à une très petite frange de la population, encore plus étroite dans le second cas. Le marché de l'art est en grande partie spéculatif. Il n'est en aucun cas révélateur de la qualité d'une oeuvre, ni de son écho auprès de la masse de la population. Quant aux visiteurs des musées d'art contemporain, il faut rappeler que, s'ils sont plus nombreux que les acheteurs de tableaux, ils ne constituent qu'une infime part de la population. Difficile donc de parler de "popularité" à propos de Pierre Soulages.

   Plus loin, dans la retranscription de l'entretien accordé par Benoît Decron (le conservateur du musée), on sent que le sujet provoque la gêne :

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   On notera que la question est ambiguë. Il pourrait s'agir d'une litote (du genre "Je ne te hais point", pour dire "Je t'aime"). Ici, il faudrait comprendre que le musée a suscité un fort sentiment de rejet de la part de la population. L'usage du passé signifie que, si un tel rejet a existé il y a quelques années, tel n'est plus le cas aujourd'hui. La réponse de B. Decron va dans ce sens, même s'il est plus mesuré dans son propos.

   En réalité l'ouverture du musée approchant et l'existence de celui-ci étant incontournable, les Ruthénois (et les Aveyronnais), en bons pragmatiques, ont mis leurs critiques en sourdine... mais ils n'en pensent pas moins. Benoît Decron semble l'avoir compris. Il souhaiterait que les habitants s'investissent plus dans ce coûteux projet, qui leur a été imposé sans consultation.

   Signalons que chez les marchands de journaux, depuis quelques jours, la presse magazine s'est enrichie d'un petit nouveau, Caracterres, dont le premier numéro fait sa Une... sur le musée Soulages :

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   Consécration ultime, c'est aussi le cas dans le dernier numéro de la revue L'Oeil, un mensuel consacré aux arts, qui avait déjà fait sa Une sur Soulages à l'occasion de l'exposition du Centre Pompidou, en 2009. Mais le diable vient parfois se nicher dans les détails. Est-ce le résultat d'une mise en page maladroite, ou de l'action d'un maquettiste facétieux ? Toujours est-il que la première page du numéro de mai 2014 prête à confusion :

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   Un coup d'oeil (!) trop rapide pourrait faire croire que le gros titre s'applique à la personne figurant sur la Une. Compte tenu du fait que Soulages est peut-être le seul artiste à se voir construire un musée de son vivant, cette mise en page n'est peut-être pas totalement fortuite.

   Mais le coup de patte le plus sarcastique vient sans conteste d'une nouvelle publication satirique, uniquement numérique, La Dèche du Midi. Le dernier article mis en ligne est en plein dans le sujet, puisqu'il s'intitule "Le nouveau musée Soulages de Rodez se visite dans le noir complet". Même si l'auteur (qui signe sous le pseudonyme de Jean-Pierre Watt) n'est pas le premier à imaginer une "blind visit" du musée, je reconnais que la prose ne manque pas de saveur.

samedi, 22 mars 2014

Linnea dans le jardin de Monet

   Ce moyen-métrage d'animation suédois est une curiosité. C'est un hommage à la peinture et à la botanique, à travers la vie et l'oeuvre de Claude Monet. En 30 minutes, on nous raconte l'histoire d'une petite fille à l'esprit curieux, qui va partir en France en compagnie d'un ami, un voisin âgé lui aussi passionné par l'impressionnisme.

   On aurait aimé que des Français se lancent dans cet hommage très pédagogique. C'est drôle et coloré. C'est d'abord Paris qui est mise en valeur : c'est la première destination du duo, qui doit se rendre au musée Marmottan.

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   Place ensuite au véritable but du voyage : la maison et le (foisonnant) jardin de Monet, à Giverny. Le film fait des allers-retours entre le jardin réel, les représentations que le peintre a faites et la vision du dessin animé. Quelques explications complètent la démonstration (comme au musée, d'ailleurs). C'est joli à regarder et, pour les enfants comme pour les adultes profanes, cela constitue une agréable initiation à l'oeuvre de l'un des grands maîtres de la peinture française.

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   Dans la salle où j'ai vu le film, des adultes accompagnaient des enfants au départ intrigués par la nature du film. A la fin, ils ont été déçus que cela s'arrête aussi vite. L'un des bambins ne voulait plus sortir de la salle : il exigeait de voir la suite !

lundi, 24 février 2014

Soulages, peinture criminelle ?

   Les téléspectateurs aveyronnais qui ont regardé TF1 jeudi dernier (20 février) ont eu une belle surprise lors de la diffusion de la seconde partie de l'épisode de la série R.I.S. intitulé Chute libre.

   L'un des enquêteurs de la police scientifique est en fuite, soupçonné d'avoir assassiné sa maîtresse, qui était fiancée à un entrepreneur en systèmes de sécurité, incarné par Christophe Malavoy. Celui-ci reçoit à son domicile le commandant du R.I.S., une ravissante femme très opiniâtre, Lucie Ballack (qui cherche à le confondre). Voici ce que l'on voit à l'écran lors de l'arrivée de  celle-ci :

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   L'entrepreneur incarne la haute société cultivée... et aussi le mâle sûr de lui, dominateur, prêt à tuer. Il n'est pas anodin qu'à côté des céramiques rares, de la sculpture massive et des meubles de prix figure une œuvre du maître de l'outrenoir... puisque son propriétaire est passé du côté obscur !

   P.S.

   Je sais que la période "brou de noix" (dont l'œuvre ici présente est caractéristique) est bien antérieure à celle de l'outrenoir... mais, bon, hein, faites pas chier !