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mercredi, 30 juin 2021

Shorta

   Dans une métropole occidentale, de fortes tensions agitent des "quartiers sensibles", situés en périphérie et peuplés majoritairement de "minorités visibles". Deux policiers vont se retrouver impliqués dans une flambée de violence urbaine.

   Les cinéphiles français penseront à La Haine (de Mathieu Kassovitz), aux Misérables, de Ladj Ly. Certaines séquences ressemblent fortement à ce que j'ai vu dans le second. Mais l'action se déroule à Copenhague, au Danemark.

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   La caméra, nerveuse, suit les deux héros, Jens et Mike. Le premier est calme, pondéré, respectueux des règles. Le second s'emporte facilement, n'hésite pas à bousculer et ne s'embarrasse pas trop du règlement. Ce jour-là, ils sont associés pour patrouiller dans l'agglomération, avec pour consigne de ne surtout pas entrer dans le quartier d'où est originaire le garçon victime d'une bavure policière. (L'histoire commence d'ailleurs par une scène montrant ce jeune Africain maîtrisé par des policiers et s'écriant "Je ne peux pas respirer"... une allusion transparente à l'affaire George Floyd.)

   Et là, vous vous dites : cent euros qu'ils entrent dans le quartier et que ça va dégénérer ! Et je vous réponds : lancez-vous dans l'écriture de scénarios ! Parce qu'effectivement, les deux policiers, sous l'impulsion de Mike (qui ne veut pas laisser la zone à la merci des racailles du coin), pénètrent dans le "quartier sensible".

   À partir de là, cela devient haletant. Les réalisateurs excellent à susciter un climat de tension, bien aidés il faut dire par les interprètes, ceux des flics comme ceux des délinquants et des habitants "ordinaires" du quartier. Car, au-delà des scènes d'action réussies, ce film mérite le détour pour le portrait qu'il brosse des personnes vivant dans ce qui ressemble à un ghetto.

   Dans le même temps, on voit les personnages évoluer. Le flic brutal laisse entrevoir une parcelle d'humanité, tandis que le boy-scout n'est pas loin de perdre les pédales. On sent que les auteurs ont voulu démontrer que la violence ne peut pas régler les problèmes. La volonté de préserver des vies rapproche les adultes de toutes origines, le football pourrait être une passerelle entre les "Danois de souche" et les autres. (Attention toutefois : Mike est un fervent supporteur du Réal -et admire Karim Benzema !- alors que le jeune Amos préfère les équipes anglaises.)

   Même si, pour des spectateurs français, ce film a un goût de déjà-vu, même si les intentions des auteurs sont un peu trop visibles, il est très bien fichu et constitue un spectacle prenant.

mardi, 29 juin 2021

The Father

   J'ai longtemps hésité avant d'aller voir ce film. Au départ, je n'avais aucune envie de retrouver sur grand écran une situation faisant écho à ce qui se passe dans ma famille. Et puis... le bouche-à-oreille étant très bon, j'ai profité d'une séance en version originale sous-titrée.

   Tout d'abord, quel bonheur que d'entendre ces acteurs britanniques s'exprimer dans un bon anglais ! C'est un plaisir pour les oreilles... plaisir contrarié à intervalle régulier par une musique (à cordes) lancinante, indicatrice qu'il se passe quelque chose de bizarre.

   C'est le grand point fort de ce film : la mise en condition des spectateurs, confrontés à une réalisation et un montage conçus pour semer la confusion, à l'image de ce qui se passe dans la tête du personnage principal. Un coup, c'est un dialogue répété dans un contexte différent, un autre coup c'est la pièce qui semble ne pas être la même... quand ce ne sont pas les personnages qui changent physiquement ! Si l'on se prend au jeu, cela devient une énigme digne d'Agatha Christie.

   Cela fonctionne bien parce que l'interprétation est impeccable. La plupart des seconds rôles ont été vus ailleurs, à la télévision ou au cinéma. Mais le film repose principalement sur un formidable duo, constitué d'Olivia Colman (la fille) et Anthony Hopkins (le père), une nouvelle fois magistral. Il incarne la vieillesse défaillante avec son charisme et ses rides, jusqu'à la décrépitude finale, qui m'a vraiment ému.

   Je trouve épatant qu'un tel phénomène de société (la maladie d'Alzheimer) ait été traité avec cette envergure cinématographique.

dimanche, 27 juin 2021

Tokyo Shaking

   Il y a une vingtaine d'années, Sylvie Testud incarnait, dans Stupeur et tremblements, une Française perdue au sein d'une entreprise japonaise, au pays du soleil levant. Aujourd'hui, Karin Viard interprète Alexandra, une cadre supérieure, envoyée par une banque hexagonale redresser sa succursale japonaise. Si la Française a vite compris que Tokyo est régulièrement soumise à des secousses sismiques, ce jour-là, le 11 mars 2011, la situation va sortir de l'ordinaire.

   L'arrière-plan est mondialo-japonais. Certes, on entrevoit certains aspects de ce pays fascinant et de la vie de ses habitants mais, ce qui frappe au premier coup d'oeil, c'est le fonctionnement international de l'entreprise... et de la vie privée de ses employés. Ceux-ci sont majoritairement japonais et français. Cependant, lorsqu'on jette un oeil à la liste du personnel, on s'aperçoit qu'il y a aussi des Britanniques, des Indiens, un Congolais... sans parler des nounous et des femmes de ménage, presque toutes philippines.

   Progressivement, la communauté des expatriés (occidentaux) se désagrège, au fur et à mesure que la situation s'aggrave. De leur côté, les employés japonais sont tenus de donner l'exemple. Voilà notre héroïne prise entre deux feux : son intérêt familial la pousse à agir avec la même lâcheté prudence que la plupart des expatriés, tandis que sa conscience professionnelle (et son humanité) lui suggère de rester en compagnie du personnel local, avec lequel elle a tissé des liens.

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   Parmi ses collaborateurs, trois profils sortent du lot : Amani le jeune prodige congolais (qui voudrait rester dans la boîte et croit en la méritocratie), Kimiko, l'assistante d'Alexandra (admiratrice de la culture française et employée dévouée), et Dominique Besse, le patron de la succursale (Philippe Uchan, très bien), faux-cul au possible, qu'on a souvent envie de gifler.

   Le film n'est pas extraordinaire, mais il nous offre une double plongée : dans le monde de la banque et au sein du Japon urbain. On en voit principalement les tours de l'hypercentre tokyoïte. Toutefois, l'héroïne finit par se rendre en banlieue, dans la famille de Kimiko, ce qui nous vaut l'une des plus belles séquences de cette histoire attachante.

23:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 26 juin 2021

Billie

   J'ai enfin pu voir ce documentaire consacré à la chanteuse afro-américaine, film qui complète de manière intéressante le biopic Billie Holiday, une affaire d'État sorti il y a peu.

   L'avantage du documentaire est de nous donner à voir et à entendre la vraie Billie (ainsi que les autres protagonistes de sa vie), avec sa voix à nulle autre pareille. La comparaison des deux films confirme l'appréciation de la performance d'Andra Day : elle a magnifié Bille Holiday... et atténué, par sa beauté, la déchéance physique de sa fin de vie.

   Le documentaire en dit un peu plus sur son enfance et sa jeunesse. Il propose une version légèrement différente des ennuis de la chanteuse avec les autorités fédérales, concernant l'infiltration d'un Afro-américain dans son entourage et la cause de son arrestation : l'un de ses producteurs aurait voulu ainsi la protéger, en la forçant à suivre une cure de désintoxication. Plus loin dans le film, par contre, on perçoit l'envie de se débarrasser d'une gêneuse, dont la seule existence est une offense à la ségrégation.

   Une autre particularité du documentaire est sa double focale : sur Billie Holiday bien sûr, mais aussi sur Linda Lipnack Kuehl, une journaliste qui projetait d'écrire un livre sur la chanteuse et qui est morte (dans des conditions mystérieuses) avant d'avoir pu achever son projet. Son travail préparatoire avait été effectué à partir de cassettes audio, qui ont été retrouvées. Ces enregistrements d'entretiens se sont révélés précieux. On en entend d'ailleurs plusieurs extraits dans le film.

   La mise en parallèle de ces vies ne manque pas d'intérêt. La journaliste (blanche, juive) ne venait pas du tout du même milieu Lady Day. Mais le destin brisé de cette artiste talentueuse lui parlait. C'était d'abord une femme victime des hommes (producteurs, compagnons, époux...), dans une relation de dépendance dont elle ne semblait pas vouloir sortir. À son sujet, le documentaire évoque une forme de masochisme, ajoutant de la complexité à son histoire.

   Sans être aussi flamboyant que le biopic, le documentaire mérite le détour.

vendredi, 25 juin 2021

Cruella

   Disney s'est lancé dans la relecture de ses mythes animés, parfois sous la forme de films avec de véritables acteurs. C'est le cas ici, avec ce qui se présente comme un prequel des 101 Dalmatiens.

   Cette relecture est un biopic de la jeune Cruella, Estella de son véritable prénom. Orpheline en butte au harcèlement de gamins idiots, enfant des rues à l'intelligence précoce, elle nourrit un profond désir de revanche sociale, qui va se mâtiner d'une volonté de vengeance.

   Aux manettes se trouve Craig Gillespie, qui s'est déjà illustré avec Moi, Tonya. Il peut s'appuyer sur deux magnifiques actrices : Emma Stone (dans le rôle titre) et Emma Thompson, qui incarne un personnage qu'on croirait sorti tout droit de Le Diable s'habille en Prada... une référence encore plus évidente quand on découvre le nom que porte le dernier véhicule de l'héroïne.

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   L'univers de la mode, sa dureté et ses paillettes, constituent l'arrière-plan de l'intrigue. On a soigné les décors (réels et numériques), ainsi que les costumes. On a même mis en scène une véritable battle de défilés, qui culmine dans un concert de rock. (J'ai aussi apprécié le plan qui montre la robe de Cruella se dérouler à l'arrière d'un camion à ordures.) Car l'héroïne est rock'n'roll, rebelle... mais (hélas) terriblement attachée à la superficialité de la haute-couture.

   En fait, Estella/Cruella est une sorte de Joker au féminin, passé à la moulinette Disney. On sent quand la volonté de maintenir l'intrigue dans le cadre de la "bienséance familiale" a pesé sur le scénario (notamment quand il est question des dalmatiens et de la vengeance finale). Toutefois, j'ai été agréablement surpris par certains aspects transgressifs. À plusieurs reprises, on sent qu'Emma Stone jubile en incarnant cette voleuse en talons.

   Le paradoxe est que celle qui est connue pour être la méchante (dans Les 101 Dalmatiens) est ici d'abord une victime. La relation de fascination-répulsion qui se noue entre elle et la "Baroness" est bien mise en scène. Les deux principaux personnages féminins écrasent la distribution, où les hommes font figure de (bons) faire-valoir, à commencer par Mark Strong. Disney oblige, on notera la quasi-absence d'érotisme, une romance étant à peine esquissée entre Estella et l'un de ses acolytes... noir ! Mais, attention, hein, pas de bisou !

   J'ajoute que la musique est chouette. C'est rythmé, joli à voir, avec des rebondissements. On ne sent pas les 2h15 passer... et certains chiens sont mignons tout plein !

00:39 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 24 juin 2021

Un Espion ordinaire

   Régulièrement, la Guerre froide revient sur les écrans de cinéma. L'histoire (vraie) que nous conte ce film n'est pas sans lien avec L'Affaire Farewell (dont l'action est postérieure), La Taupe (pour le contexte britannique) et Le Pont des espions (qui se passe à la même époque).

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   Commercial rusé à la langue agile, Greville Wynne (Benedict Cumberbatch, impeccable) défend les intérêts d'entreprises industrielles britanniques en Europe centrale et orientale, à la fin des années 1950. Son profil anodin fait de lui une potentielle recrue pour le MI6, agissant pour le compte de la CIA. Une fois engagé, cet "amateur" est envoyé à Moscou, où un ponte du GRU (le renseignement militaire soviétique, moins connu que le KGB) est sur le point de faire défection.

   Au-delà de l'ambiance des films d'espionnage, c'est l'humour qui marque cette première partie. La principale qualité requise dans le nouveau travail de Greville est... de bien tenir l'alcool, ce pour quoi il ne manque pas de dispositions. Vous en déduisez sans peine que, de ce quadragénaire un peu enveloppé, à l'horrible moustache, il n'émane guère d'érotisme. Mais, petit à petit, le gars se prend au jeu. Il a les nerfs solides et juge qu'il faut qu'il se maintienne en forme. Les spectatrices énamourées vont avoir l'occasion de constater l'amélioration de la condition physique du nouvel espion... tout comme l'épouse de celui-ci, qui trouve que, depuis qu'il se rend à Moscou, son mari se montre bien plus actif au lit... (Tout cela est bien entendu à écouter en version originale sous-titrée, pour savourer le sens britannique de l'understatement.)

   La crise des missiles de Cuba (en octobre 1962) sert de cadre à la deuxième partie. Je trouve que l'arrière-plan historique est bien rendu. Les techniques d'espionnage prennent une place déterminante.

   Dans la dernière partie du film, on voit le personnage principal (et donc le comédien) subir une spectaculaire transformation physique (que je ne détaillerai pas ici). C'est aussi l'occasion, pour le réalisateur, d'insister davantage sur le rôle du KGB dans l'URSS de Khrouchtchev, un dirigeant perçu comme modéré en France, mais qui a plutôt l'image d'un extrémiste dans le monde anglo-saxon.

   Je trouve que c'est un bon film d'espionnage et un film humaniste, qui rend hommage à l'action de deux hommes de bonne volonté, un dans chaque camp.

mercredi, 23 juin 2021

Un Homme en colère

   Cet homme est Patrick Hill, le nouvel employé d'une société de transport de fonds. Au début de l'histoire, on se demande ce que peut bien vouloir dire le titre. "H", comme le surnomment ses collègues, est du genre mutique, pas emporté... du moins tant qu'on ne le menace pas. (Ce personnage de baroudeur peu causant est taillé sur mesure pour Jason Statham, qui n'a ainsi que peu de répliques à prononcer.) Évidemment, ce type un peu spécial n'est pas là par hasard...

   Plusieurs retours en arrière permettent aux spectateurs de comprendre le contexte, en particulier de l'événement clé, l'attaque d'un fourgon blindé par laquelle débute l'histoire. On va voir cette séquence sous trois angles différents. La première fois, on suit les convoyeurs, avec caméra à l'intérieur du fourgon. La deuxième fois, on découvre quel est le lien entre le héros et ce braquage. La troisième fois, on nous présente l'équipe de "molosses" qui a réalisé le coup.

   Cette première partie témoigne d'un incontestable savoir-faire. Aux manettes, Guy Ritchie (qui, jadis, avait fait débuter Statham dans Arnaques, crimes et botanique) varie les plans et les angles de vue. Cela donne un film d'action rythmé, quasiment sans temps mort, dont l'apogée se situe dans le super-braquage monté par l'équipe de "molosses".

   La vengeance à l'oeuvre rappellera quelque chose aux spectateurs français... puisque ce film est un remake du Convoyeur, de Nicolas Boukhrief. À Albert Dupontel, Jean Dujardin, François Berléand et Julien Boisselier ont succédé Statham, Jason Donovan, Josh Hartnett et Scott Eastwood. Le héros-justicier se montrant redoutablement efficace au combat (plutôt avec des flingues), on ne peut pas ne pas faire le lien avec le récent Nobody.

   En dépit de l'habileté de Guy Ritchie à mettre en scène et utiliser les véhicules, j'ai trouvé cet Homme en colère moins bon que Nobody : il n'y pas une once d'humour et quasiment pas d'émotion réelle dans ce film sous tension. Il n'en constitue pas moins un très bon divertissement pour les amateurs du genre.

00:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 21 juin 2021

The Last Hillbilly

   Ce documentaire réalisé par deux Français nous expose la vie de "Hillbillies", sortes de "crétins des Alpes" à la mode états-unienne. Ils habitent au fin fond du Kentucky, un État voisin de celui dans lequel fut tourné un autre documentaire présentant des électeurs de Donald Trump, Monrovia, Indiana.

   C'est là que le bât blesse. Pour qui a vu les deux films, il est évident que le plus récent est le moins bien fichu : moins bien filmé (c'est de la vidéo ordinaire... et sur grand écran, ça se voit), moins riche sur le fond et moins neutre (on sent parfois un peu de condescendance dans le regard porté sur ces ruraux pas très séduisants et aux moeurs simples).

   Il y a bien une scène intéressante de-ci de-là mais, franchement, ça ne dure qu'1h15 et, en sortant, on a l'impression d'y avoir passé la demi-journée. Ce film a été clairement survendu par la critique.

   P.S.

   Pour être totalement honnête, je dois signaler que les passages avec Brian face à la caméra ne manquent pas d'intérêt. Il y fait preuve d'une belle lucidité (allant à l'encontre de certains préjugés)... mais c'est bien maigre par rapport au reste du film.

L'Oubli que nous serons

   Ce film colombien (adapté d'un roman autobiographique) nous raconte, par petites touches, la vie adulte d'Hector Abad Gomez, un médecin progressiste, père de six enfants (cinq filles et un garçon), dans une Colombie en pleine mutation. Les épisodes les plus anciens (situés au début des années 1970) ont pour cadre la République libérale, tandis que les séquences des années 1980 ont pour arrière-plan la violence, que ce soit celle des paramiliaires que celle des groupes communisants. (On note toutefois que l'essor des cartels de la drogue a été évacué de l'intrigue.)

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   Si l'interprétation n'est pas toujours parfaite, il faut néanmoins signaler la performance de Javier Camara, qui a la tâche d'incarner le charismatique médecin. Celui-ci était quasiment un saint laïc : époux fidèle (et pas macho), père attentionné, enseignant compréhensif et docteur humaniste, payant de sa personne pour aider les plus pauvres.

   La première partie du film nous présente sa personnalité et le milieu familial. On est dans la bourgeoisie progressiste, hostile au conservatisme sans être sensible aux mouvements marxisants. Sur le plan politique, Gomez est un libéral, au sens IIIe République (française) : anticlérical, croyant dans le progrès scientifique (la vaccination, les règles d'hygiène...), mais pas révolutionnaire. Du coup, il est dénigré à la fois par les cathos autoritaires (qui le trouvent trop moderne) et les fans des guérilléros (qui le trouvent trop timoré).

   Ce père est vu par les yeux de son seul fils, enfant gâté puis jeune homme apolitique, qui finira par comprendre toute la portée de l'engagement de son père.

   C'est joliment filmé. Les années 1970 sont présentées comme un âge d'or, dans une famille où l'on goûte à la société de consommation, sans être opprimé (ou si peu) par le carcan religieux. La situation se gâte dans les années 1980, jusqu'à la conclusion, trop mélodramatique selon moi.

   En dépit de quelques longueurs et maladresses, ce film mérite le détour, pour l'histoire inconnue et exemplaire qu'il nous raconte.

La Nuée

   Il s'agit d'un film de genre (fantastique, épouvante), français. Tout part d'une situation "normale" : une agricultrice a du mal à joindre les deux bouts et à s'occuper seule ses deux enfants. Sa particularité est d'élever des sauterelles, dont elle fait de la farine, réputée riche en protéines. Mais ça paie peu.

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   Cette agricultrice, à la fois douce et entêtée, est interprétée par une actrice formidable, Suliane Brahim, que j'ai découverte naguère dans la série Zone blanche. Les seconds rôles sont eux aussi bien campés, avec une mention particulière pour Marie Narbonne, qui incarne la fille de l'héroïne. Contrairement à ce que l'on peut voir dans nombre de fictions françaises, ici, les enfants ne sont pas des têtes à claques qu'on a envie de gifler toutes les cinq minutes.

   L'autre personnage principal de cette histoire est l'exploitation "insecticole". Au début, on ne voit qu'une géode de plastique (à armature métallique), bientôt accompagnée de serres annexes, de plus en plus nombreuses.

   ... parce que l'exploitation se développe. Pourtant, au début, elle semble au bord de la faillite. Alors ? Entre temps, un accident s'est produit dans la géode, accident dont les conséquences vont aller en s'amplifiant, au fur et à mesure que l'héroïne découvre à quel point elle peut développer son élevage... grâce à des méthodes peu orthodoxes.

   Le film, étrange jusqu'à présent, prend un tour franchement flippant : quelque part entre L'Invasion des chauve-souris, Les Oiseaux de Hitchcock et Frankenstein, on nous embarque dans le délire d'une démiurge, une reine-sauterelle accompagnée du bruit strident de ses "créatures". (J'en profite pour signaler l'excellent travail effectué sur le son.)

   Bref, au lieu de se taper une énième resucée de clichés horrifiques (avec Conjuring XV ou Annabelle XXIII), je conseille plutôt l'expérience de ce premier long-métrage de Just Philippot, un nom à retenir.

21:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 20 juin 2021

Les deux Alfred

   Revoilà les frères Podalydès, dans une comédie sociétale parfois ubuesque, quelque part entre Jacques Tati et Groland. Je ne suis pas un inconditionnel de leur style, que je trouve inégal. Mais, parfois (comme dans Adieu Berthe), c'est réussi.

   L'intrigue est centrée sur une boîte de communication 2.0, qui va embaucher Alexandre (Denis Podalydès), ancien imprimeur au chômage, dont le mariage avec une sous-marinière bat de l'aile. (Faites bien attention à la fin : on finit par voir la dame, dont le visage ne vous sera pas inconnu.)

   C'est l'occasion pour Bruno Podalydès d'ironiser sur le langage en cours dans les start-up et boîtes de com', ainsi que sur la surabondance d'outils numériques. Le réalisateur s'amuse comme un petit fou avec les ordinateurs, les smartphones, les drones, les tablettes, les montres connectées, pour notre plus grand plaisir. C'est souvent cocasse, d'autant que les dialogues sont plutôt bien écrits.

   Le meilleur arrive avec une voiture autonome, dont l'utilisation est source de savoureuses péripéties. C'est aussi l'occasion de voir apparaître Sandrine Kibelain, la nouvelle "binôme n+1" d'Alexandre. Dès que la comédienne apparaît à l'écran, je trouve que le film acquiert un punch fou. Elle sait aussi jouer sur le registre de l'émotion : son personnage est plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord.

   J'ajoute à cela le personnage masculin le plus intéressant (pour moi) : Arcimboldo, incarné par Bruno Podalydès en personne. C'est un auto-entrepreneur précaire, spécialisé dans tous les "nouveaux métiers" de service numérique. Avec Alexandre prend forme un compagnonnage bon enfant, que l'on suit avec plaisir. C'est l'occasion de découvrir, pour celles et ceux qui l'ignoreraient, que, dans la famille Podalydès, le meilleur acteur n'est pas forcément celui que l'on croit.

   Même si, de temps à autre, il y a quelques facilités, je suis sorti de là de fort bonne humeur.

11:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Hospitalité

   Cette fable japonaise met en scène une famille de classe moyenne, un couple d'imprimeurs vivant avec la soeur du mari et la fille issue d'un premier mariage. Dans le quartier, on s'observe mutuellement et la remise en ménage de l'imprimeur avec une femme beaucoup plus jeune que lui fait jaser.

   Ces chers voisins n'ont pas fini de déblatérer, puisque le couple va successivement héberger (à son corps défendant) un nouvel employé, la supposée épouse de celui-ci... et une kyrielle d'autres personnes dont on comprend à demi-mots que ce sont des squatteurs, du genre de ceux que le comité de quartier tente de faire expulser du jardin public.

   Il s'agit donc d'une fiction engagée, de gauche, qui tourne à la farce dans sa dernière partie. J'ai bien aimé le début, avec la description du quotidien des imprimeurs, des tensions familiales et de la pesanteur sociale. Un mystère plane autour du nouvel employé, fils d'un ancien investisseur de l'imprimerie, mais qui s'incruste de plus en plus dans la vie du ménage... C'est à ce moment-là que j'ai décroché. Jamais je n'aurais laissé ce type agir ainsi. On peut certes partir du principe que la civilité japonaise, poussée à son point extrême, peut mener à ce genre de situation inextricable. Mais, à force de grossir le trait, le réalisateur sombre dans le ridicule et ne sait pas comment conclure son histoire.

00:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, japon

samedi, 19 juin 2021

5ème set

   Thomas Edison (!), ancien grand espoir du tennis français, ne se résout pas à raccrocher la raquette. À bientôt 37 ans, il pense avoir retrouvé la grande forme, celle qui lui avait permis, des années auparavant, d'atteindre la demi-finale de Roland-Garros, perdue au cinquième set.

   J'y suis allé à tout hasard, incité par la présence au générique d'Alex Lutz. Je trouve que ce comédien, dont la carrière me semblait anodine, a pris de l'épaisseur, ces dernières années. Le voici dans le rôle d'un has been, qui vit pour le tennis, sa femme, son fils... et le regard de sa mère, dirigeante d'un club de tennis. Pas facile de concilier tout cela.

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   À la performance d'Alex Lutz il faut ajouter les très bonnes compositions de Kristin Scott Thomas (la mère) et d'Ana Girardot (l'épouse, qui a sacrifié ses aspirations tennistiques pour servir la carrière médiocre de son mari). C'est donc aussi une histoire de famille et une histoire de couple.

   La réalisation est emballante. Quentin Reynaud a fait le pari de filmer les matchs à hauteur d'homme et non du dessus. Pour celles et ceux qui pratiquent ou qui ont pratiqué le tennis, cela donne une plus grande impression de réalisme. La terre battue est palpable, on sent bien la sueur, la rage, la trouille, les blessures et le désir de gloire.

   La musique, signée Delphine Malaussena, contribue à donner à l'histoire le ton d'un quasi-thriller. C'est vraiment prenant du début à la fin. Le seul bémol à mon enthousiasme est la surreprésentation des marques. Quand on est à Roland, c'est inévitable, mais c'est hélas aussi très visible durant le reste de l'histoire. Sinon, c'est un très bon film... qui ne marche pas du tout en salle.

23:51 Publié dans Cinéma, Sport | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, sports, film, films

La gare de Rocamadour

   Son existence (ou sa non-existence) a fait l'objet d'une altercation lundi dernier, au cours du débat qui a réuni huit des neuf têtes de liste se présentant aux élections régionales en Midi-Languedoc. Plus précisément, le sujet a opposé Vincent Terrail-Novès, qui mène une liste d'obédience macroniste, à Aurélien Pradier, tête de liste LR.

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   Acte I - A la quarante-huitième minute de la première partie du débat, V. Terrail-Novès fait pertinemment remarquer qu'il n'est pas très efficace de mettre de l'argent dans les TER (notamment pour développer le tourisme) si la gare à laquelle descendent les visiteurs est éloignée du site qu'ils viennent visiter (ou mal reliée à celui-ci). Il prend pour exemple celle de Rocamadour-Padirac.

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   Acte II - Au début de la seconde partie du débat (à partir de la quatrième minute), Aurélien Pradier s'en prend vivement à V. Terrail-Novès, affirmant qu'il n'y a pas de gare à Rocamadour... sous-entendant par là que son adversaire ne connaît pas le territoire qu'il aspire à gérer. (Au passage, je trouve que le député du Lot a raison de rappeler que les déplacements intrarégionaux se font très majoritairement par la route.)

   Vincent Terrail-Novès lui a vertement répondu, ce qui a enclenché une mini-polémique, sous la forme d'un véritable échange (calme mais peu amical) entre les deux hommes. Cela changeait de la succession de contributions des différents candidats, les uns après les autres.

   Alors, qui a raison ? Les deux, mon général !

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   Sur la carte ci-dessus, on remarque la présence d'une gare (encadrée en bleu). Celle-ci se trouve bien sur le territoire de la commune de Rocamadour. Celle-ci est assez vaste, s'étendant sur une cinquantaine de kilomètres carrés (un peu plus qu'Onet-le-Château, mais moins que Salles-la-Source... et deux fois moins que Paris, en gros).

   Pour atteindre le village de Rocamadour, on peut emprunter un petit sentier de randonnée (en pointillés bleus), qui longe des pâturages. Ce sentier aboutit à l'Hospitalet, un des lieux-dits de la commune de Rocamadour, situé en aplomb du village. On y trouve de grands parkings. Il n'y a donc pas de gare dans le village de Rocamadour, mais il y en a bien une sur le territoire de la commune, assez loin de celui-ci. C'est exactement ce qu'affirmait Vincent Terrail-Novès.

   Toutefois, ce n'est pas une véritable gare. Voyons ce qu'en dit la SNCF :

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   Cette "gare" a le statut de halte ferroviaire. C'est une simple desserte, sans personnel (chef de gare) ni possibilité d'acheter un billet. (À une époque pas si ancienne que cela, on pouvait encore acheter un titre de transport sur une borne automatique.)

   Bilan des hostilités ? Aurélien Pradier a raison d'affirmer qu'il n'y a pas de gare de plein exercice (ce qu'il s'est gardé de préciser) à Rocamadour (commune comme village). Vincent Terrail-Novès a raison d'affirmer qu'il existe bel et bien une "gare" sur le territoire de la commune et que cette "gare" est éloignée, mal reliée au bourg touristique.

   Mais, bon, pour qui n'est pas du coin, cette querelle peut paraître picrocholine. Autre chose se cache derrière : Vincent Terrail-Novès et Aurélien Pradier sont issus du même parti, LR (ex-UMP). C'est sous cette étiquette qu'en 2014, le premier a été élu maire de Balma, dans la banlieue toulousaine (avant de se faire réélire comme candidat du camp d'E. Macron en 2020). Aux régionales de 2010, il figurait en deuxième position sur la liste de droite menée par Brigitte Barèges en Haute-Garonne... tandis qu'Aurélien Pradié était le numéro 2 de la liste de même obédience dans le Lot. Rebelote en 2015 : Vincent Terrail-Novès menait la liste soutenant Dominique Reynié en Haute-Garonne, Aurélien Pradié dans le Lot. Les deux jeunes loups du centre-droit sont aujourd'hui des rivaux. La position d'Aurélien Pradié est d'autant plus délicate que, sur sa droite, le RN est mené par un autre ancien UMP (LR) : Jean-Paul Garaud. Dans cette élection régionale, il n'est pas facile d'exister à droite, face à une sortante (Carole Delga) qui semble maîtriser ses dossiers.

mardi, 15 juin 2021

Elementary (fin)

   Samedi soir, la chaîne 6ter (du groupe M6) a enfin diffusé les quatre derniers épisodes de la septième et ultime saison de la série Elementary. On les attendait depuis l'été 2020... en sachant que le public états-unien en avait profité un an auparavant, en... 2019.

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   Les scénaristes n'ont eu que treize épisodes pour conclure la série avec tous ses arcs narratifs : la relation Holmes-Watson, la relation Holmes-Moriarty, la relation Holmes-Holmes senior, le désir d'enfant de Watson... et la lutte contre un nouveau vilain (façon Minority Report), peut-être le plus redoutable de tous, Odin Reichenbach.

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   Pour les fans de la saga holmsienne, le nom de celui-ci est évocateur. C'est une allusion aux Chutes du Reichenbach, un lieu bien réel, où se déroule un épisode clé d'une des enquêtes du célèbre détective. Bien entendu, le choix de ce nom, pour l'adversaire de Sherlock, n'est pas le fait du hasard...

   J'ai laissé partir ce sympathique duo. Les scénaristes ont gagné leur(s) pari(s) : faire du docteur Watson une femme, mettre en scène une association professionnelle fondée sur une filiation intellectuelle, devenue amicale, contemporaniser et américaniser les aventures du duo. Ce fut le plus souvent prenant et drôle, notamment grâce au talent des deux acteurs principaux : Lucy Liu et Jonny Lee Miller. Bye, Watson ! Bye Holmes !

dimanche, 13 juin 2021

The Wicker Man

   Il faut attendre la toute fin de l'histoire pour savoir qui est cet "homme en osier", aboutissement d'une machination particulièrement retorse. Elle est au coeur du scénario de ce film datant du début des années 1970, récemment ressorti en salles.

   La caméra suit un policier écossais très croyant, envoyé sur une île située au large des Highlands. Une lettre anonyme a signalé la disparition d'une adolescente. Le problème est que, quand le policier interroge la population locale (amicale mais peu coopérative), personne ne reconnaît la disparue sur la photographie... y compris sa supposée mère !

   Arrivé en hydravion, le policier est amené à passer plusieurs jours sur l'île. Découvrant les moeurs de ses habitants, il va de surprise en surprise, tandis que son enquête progresse, tant bien que mal. Les habitants semblent s'amuser à le faire tourner en bourrique... mais ce n'est qu'à la fin qu'on s'aperçoit à quel point il a été dupé.

   D'ici là, le croyant fervent a tout pour être choqué par le comportement des villageois : ils ont ôté presque toute référence chrétienne à leur vie quotidienne, au profit d'un culte païen, solaire... et libertaire. On baise sans restriction sur cette île, sans respect des "liens sacrés du mariage".

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   L'esprit (post) soixante-huitard souffle donc sur ce film, où l'on remarque la présence de Christopher Lee, en châtelain charismatique et bienveillant. Notons toutefois que la mentalité révolutionnaire n'est pas allée jusqu'à placer les représentants des deux sexes sur un pied d'égalité. Le réalisateur s'est ingénié à mettre à l'écran de jolies jeunes femmes, parfois peu vêtues, tandis que les hommes (la plupart du temps plus âgés) gardent leurs habits. (Cela nous rappelle que, pour certains hommes, la "révolution sexuelle" a surtout été un moyen de coucher facilement avec des femmes, qui se devaient d'être moins prudes...)

   Si l'aspect christianophobe de l'intrigue peut paraître daté, on peut quand même suivre avec plaisir l'enquête policière jusqu'au retournement final.

samedi, 12 juin 2021

200 mètres

   C'est la distance (à vol d'oiseau) entre deux logements, situés de part et d'autre du mur de séparation israélien. Du côté est (cisjordanien) habite Mustafa (Ali Suliman, excellent), dans la maison de sa mère. Son épouse et leurs trois enfants résident en Israël (à l'ouest), dont ils possèdent la nationalité, une possibilité refusée par Mustafa. Le constat de cette séparation est à l'image de ce film original : nuancé. En effet, si le gouvernement israélien est responsable d'une partie des ennuis de cette famille palestinienne, l'obstination du père n'y est pas étrangère non plus.

   Le réalisateur Ameen Nayfeh met en scène une multitude de tensions. Celles entre Israéliens et Palestiniens sont particulièrement perceptibles au niveau des check-points. Mais, dans la première partie de l'histoire, on perçoit bien autre chose. Il y a le cas du fils de Mustafa, qui se bat à l'école avec des Arabes israéliens qui méprisent le "Cisjordanien". Il y a surtout cette diversité d'attitudes face à la domination israélienne. Certains y voient l'occasion de monter leur petite affaire, en particulier dans le passage clandestin de la frontière. C'est à un point tel qu'à un moment de l'histoire, on entend des Palestiniens parler de "notre mur" à propos de la construction israélienne !

   Là-dessus se greffe un accident, qui pousse Mustafa à vouloir passer coûte que coûte de l'autre côté. Il n'y a que quelques kilomètres routiers à parcourir, mais son passage clandestin va prendre l'allure d'un périple, en van, dans le coffre d'une voiture... Le trajet réunit des personnes qui sinon ne se seraient jamais rencontrées : un Palestinien de l'extérieur, d'autres, de Cisjordanie, qui cherchent du boulot... et une étrange journaliste allemande. Au départ, on la prend pour une de ces bobos occidentales qui voient dans la "cause" palestinienne un moyen  de donner sens à leur vie. Le dévoilement progressif de ce personnage va dynamiter l'intrigue.

   Au final, c'est un beau film humaniste, qui tente d'évoquer ce conflit proche-oriental au-delà des clichés.

vendredi, 11 juin 2021

Vers la bataille

   C'est l'histoire d'un Français, issu de la bourgeoisie marchande, qui, en plein XIXe siècle, part en Amérique prendre des photographies de la Guerre du Mexique, un conflit aujourd'hui oublié, auquel a été mêlée la France du Second Empire.

   Cependant, ce ne sont pas les scènes de combat qui s'imposent à l'écran. En effet, en voulant s'enfoncer dans le pays, Louis (Malik Zidi, assez charismatique), encombré par son fatras (et ne disposant pas de cartes à jour) perd de vue les soldats. C'est l'occasion pour lui de découvrir un autre Mexique, rural, forestier, où une bête sauvage aux yeux rouges semble le guetter. Du point de vue visuel, c'est assez emballant... et je n'écris pas cela parce que le réalisateur, Aurélien Vernhes, est né à Figeac (tout près de l'Aveyron). L'une des scènes du début, qui montre le réveil du héros, est particulièrement belle.

   En attendant de rejoindre les troupes, Louis fait une drôle de rencontre : un Mexicain, père de famille comme lui, mais avec lequel il peine à communiquer. Au départ, les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Ils vont parvenir à s'entraider, malgré leurs problèmes de communication (l'un ne parle que français, l'autre qu'espagnol). Louis finit même par faire de Pinto (Leynar Gomez, lui aussi très bien) son assistant.

   C'est l'un des intérêts de ce film : la mise en scène des débuts de la photographie, avant l'essor de la pellicule... et en milieu hostile ! C'est intéressant sur le plan historique, mais aussi technique, avec en particulier une scène de "révélateur" assez épatante.  Piquante aussi est la rencontre du néophyte états-unien, moins exigeant que Louis sur la qualité... et l'éthique... Je n'en dis pas plus, pour ne pas déflorer une "superbe" scène de massacre...

   Cela nous mène à la dénonciation de la violence. Durant les deux tiers du film, elle émane plutôt des Français (pas très bien campés, soit dit en passant), qui soutiennent le rétablissement d'une monarchie au Mexique. À plusieurs reprises toutefois, on sent que les ravages montrés à l'écran sont peut-être l'œuvre d'autres combattants. On en a la confirmation dans le dernier tiers de l'histoire, qui se conclut par l'esquisse d'un beau geste, mêlant hommage photographique et amitié.

   Du coup, ce film, plutôt anecdotique au départ, m'a beaucoup plu.

jeudi, 10 juin 2021

Des Hommes

   Le titre de cette fiction à caractère documentaire est à double sens. La participation à la Guerre d'Algérie a fait des jeunes appelés du contingent français "de vrais hommes" ou, du moins, elle les a fait mûrir (et quitter l'âge de l'adolescence insouciante) à vitesse grand V. Mais c'est aussi un constat : ce sont bien des hommes (des êtres humains) qui, des deux côtés, ont commis des horreurs.

   Derrière la caméra se trouve Lucas Belvaux, l'un des meilleurs réalisateurs francophones de sa génération (hélas inconnu du grand public). Ces dernières années, on lui doit 38 témoins et Chez nous. Je recommande surtout la vision de sa trilogie, sortie en 2003 : Un Couple épatant, Cavale et Après la vie. Y figure notamment Catherine Frot, que l'on retrouve dans la partie contemporaine de l'histoire contée par Des Hommes.

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   Dans le courant des années 2010, un repas de famille est organisé pour l'anniversaire de Solange. Tous les cousins sont invités, dont Rabut (Jean-Pierre Darroussin)... mais pas "Feu-de-bois", le frère incontrôlable, alcoolique, raciste et querelleur, qui vit reclus dans une vieille maison chauffée par une unique cheminée. Dans le rôle du connard, Depardieu m'a convaincu. Mais les interactions de son personnage avec les autres m'ont paru artificielles. Belvaux aurait-il reculé devant la perspective de faire jouer et rejouer certaines scènes par ces trois monstres sacrés ?

   Quoi qu'il en soit, c'est quand l'histoire plonge dans le passé des protagonistes, 50-55 ans auparavant, que cela devient intéressant. C'est d'abord beaucoup plus beau à l'écran... et c'est (à mon avis) voulu. Cette époque révolue, celle de la Guerre d'Algérie, suscite, malgré ses drames, une sorte de nostalgie. Pieds noirs comme appelés du contingent (certains d'entre eux, en tout cas) auraient aimé y faire leur vie. C'est d'ailleurs l'un des atouts de ce film que de nous proposer une représentation pas trop caricaturale du petit monde de ces Européens d'outre-Méditerranée, si méconnu de nos jours.

   Les acteurs qui incarnent les mêmes personnages, en plus jeunes, sont plutôt bons. Je distingue tout particulièrement Félix Kysyl et Fleur Fitoussi. Je suis à moitié convaincu par Yoann Zimmer, version rajeunie de "Feu-de-bois". (En particulier, la scène durant laquelle il insulte Reine, qui vient d'accoucher, est mal jouée.) Le concernant, le plus intéressant est la mise en scène de son progressif basculement : au départ, il n'était pas raciste.

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   La vie des troufions, entre trouille, alcool et ennui, est bien reconstituée. Les scènes ayant pour cadre l'Algérie rurale sont prenantes, vraiment bien filmées. On n'est pas très loin de L'Ennemi intime, de Florent-Emilio Siri (mais en un peu moins bien).

   Sur le fond sont dénoncées les horreurs commises aussi bien par les militaires français (et les membres de l'OAS) que par les indépendantistes du FLN. J'ai quand même remarqué que, quand ce sont les "Français" qui se comportent mal, leurs actes sont plus clairement montrés à l'écran, tandis que quand ce sont des membres du FLN, cela devient plus allusif (cas du médecin et de la famille de l'ingénieur, les spectateurs étant censés imaginer le pire : le traitement infligé à la petite fille). Néanmoins, je trouve positif qu'une nouvelle fiction "progressiste" ne tente pas de faire passer les gars du FLN pour de petits saints.

   Ces souvenirs nous sont proposés par l'intermédiaire de retours en arrière, le plus long (une quarantaine de minutes) constituant l'avant-dernière partie du film, avant une conclusion contemporaine un peu convenue.

Nomadland

   C'est la sortie-événement de la semaine, dans les salles obscures. Le film de Chloé Zhao débarque en France porté par trois Oscar... qui, autant le dire tout de suite, me semblent amplement mérités.

   Fern (Frances McDormand... la force tranquille) est une veuve précaire. Comme nombre des habitants de la cité d'Empire (commune de Gerlach, dans le Nevada), elle a (presque) tout perdu quand l'ancienne mine a fermé. L'entreprise possédait tout : les terrains, les maisons, les écoles. Seule, Fern a décidé de tailler la route. Son mini-van (appelé Vanguard... "avant-garde") est devenu sa maison. Ce film nous conte l'errance de cette femme-escargot ainsi que ses rencontres.

   Les plans tournés en extérieur (dans le Dakota du Sud, dans le Nebraska et en Californie) sont magnifiques. Que ce soit un désert, une forêt, un site rocheux ou un coucher de soleil qui occupe l'écran, c'est inspirant. On comprend l'héroïne, qui, jusqu'à présent, a refusé de retourner à une vie "normale" pour continuer à mener sa barque, farouchement attachée à son indépendance et à la découverte des grands espaces.

   Cette indépendance a un prix : la précarité. Fern vit de peu, récupère tout ce qui peut lui servir et accepte les petits boulots, où elle côtoie aussi bien des jeunes déclassés que des retraités peinant à survivre avec une faible pension. Nombre d'entre eux sont des nomades, comme Fern. Des espaces de solidarité, voire d'amitié, se créent... puis se distendent.

   Cela va sans doute surprendre beaucoup de spectateurs français, mais le boulot que préfère l'héroïne (et qui l'occupe environ un tiers de l'année) est opératrice dans un entrepôt d'Amazon : c'est le mieux payé et l'entreprise a laissé s'installer à proximité de ses locaux un camping très spécial, où logent nombre de travailleurs précaires. Le reste de l'année, Fern fait le tour de ce qui se propose, du parc d'attraction au fast-food, en passant par la récolte de betteraves et l'entretien d'un camping. Dure à la tâche, elle ne se plaint pas et trouve souvent l'occasion de nouer des liens. L'un des nomades pourrait d'ailleurs devenir plus que cela...

   Ces rencontres sont un autre grand intérêt du film. Certes, il y a des jeunes, mais la majorité sont des adultes proches de la retraite ou qui se sont remis à bosser. Nombre d'entre eux sont des femmes. Ces rencontres sont touchantes, faites de petits riens qui disent tant de choses.

   Soyons clairs : ce film ne propose aucune scène spectaculaire et il ne narre pas un destin extraordinaire. Mais, pour moi, c'est un grand film.

lundi, 07 juin 2021

Billie Holiday

   Sous-titré "une affaire d'État", ce biopic est consacré à celle qui est considérée comme l'une des plus grandes chanteuses de jazz et de blues. Il a été réalisé par Lee Daniels, auquel on doit aussi Le Majordome. On pouvait donc redouter que ce long-métrage ne prenne la forme d'un hommage consensuel à une femme qui fut tout sauf conventionnelle.

   Il faut immédiatement parler de l'actrice, Andra Day, véritablement habitée par le rôle. Elle livre une performance exceptionnelle (oscarisable)... et elle chante ! Oui, elle s'est appropriée les titres de "Lady Day". Franchement, elle n'a pas la même voix, mais son ton rauque passe à merveille.

   La biographie se concentre sur les années quarante et cinquante (en gros, les seize-dix-sept dernières années de la vie de Billie). Que nous montre-t-on ? Une femme talentueuse, charismatique, grande consommatrice d'alcool, de drogues... et d'hommes (musclés). Le film a pour but de nous faire comprendre que ce comportement auto-destructeur vient des traumatismes vécus dans son enfance : le viol (à peine effleuré), la pauvreté, le racisme, l'abandon. La musique et le chant ont été les portes de sortie de Billie. C'est particulièrement bien montré dans une séquence onirique de la seconde partie, consécutive à une injection d'héroïne.

   Pour le reste, c'est assez conventionnel et chic : les décors (en partie numériques) sont soignés, les tenues parfois incroyables... et quel boulot des coiffeurs !

   Si le biopic se concentre sur les années 1940-1950, c'est aussi pour mieux insister sur l'imbrication entre la musique et la cause noire. Pourtant, la plupart des titres chantés par Billie Holiday sont anodins : on y célèbre la fête, on y parle d'amour. Mais il en est un qui a déchaîné la colère des Blancs racistes : Strange Fruit (le lien mène à la version interprétée par la vraie Billie, plus belle encore que celle qu'on entend dans le film). Le paradoxe est que cette chanson, pas du tout représentative du répertoire de Billie Holiday, a figé son image de chanteuse engagée.

   La dernière partie de l'histoire n'est pas très originale : elle évoque la déchéance de la vedette, celle-ci toujours diablement bien interprétée. Du coup, même si le film est un peu long (environ 2h10), même si l'imagerie est un peu trop léchée, je le recommande, en raison de la force du destin qui le traverse.

dimanche, 06 juin 2021

Nobody

   Ce "monsieur Personne", Hutch Mansell, est a priori un père de famille ordinaire, une sorte de "monsieur-tout-le-monde". Il habite une coquette maison dans une banlieue résidentielle, est père de deux enfants et, ainsi que la deuxième séquence nous le fait bien comprendre, est astreint à un métro-boulot-dodo des plus aliénants.

   Sauf que... cela ne concorde pas avec l'image de l'homme au visage ensanglanté, que l'on voit au tout début de l'histoire, menotté, assis derrière une table, face à deux policiers issus de services fédéraux différents. Le plus cocasse est la manière dont cette scène se poursuit. Je défie quiconque de deviner ce qu'il va sortir de sa veste ! Excellent !

   C'est à l'image de ce film d'action hyper-violent, manichéen dans la définition du bien et du mal (ici représenté par la mafia russe)... et parsemé d'humour, voire de tendresse.

   Mais revenons à Hutch (Bob Odenkirk, très bien). En apparence, il a tout de l'homme qui subit : il s'habille mal, rate souvent le passage des éboueurs, se fait chier dans son boulot de comptable, gagne sans doute moins que sa femme et perçoit le mépris de son fils aîné, surtout depuis qu'il a hésité à frapper des cambrioleurs qui s'étaient introduits au domicile familial.

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   On découvre un peu plus tard que cette scène n'est pas tout à fait ce dont elle a l'air, de prime abord. Quoi qu'il en soit, elle déclenche un profond changement chez le héros. Qu'on le méprise, qu'on le rabaisse ou qu'on lui fasse des reproches, ça passe, mais si l'on vole le bracelet à tête de chat de sa fille, alors là il se transforme en impitoyable prédateur !

   Figurez-vous que l'employé modèle, aussi affable que terne, est une couverture pour un ancien agent spécial du gouvernement états-unien. (On pense de plus en plus à Equalizer, ainsi qu'à John Wick, qui a le même scénariste.) Les premiers à s'en apercevoir sont les cambrioleurs, qu'Hutch va retrouver. Mais ceux qui vont "déguster" le plus sont les membres d'une bande de jeunes cons pétés de thunes, que le héros va corriger sévère dans un bus. La séquence est orchestrée avec brio, avec aux manettes un certain Ilya Naishuller.

   Un autre moment d'anthologie est l'attaque nocturne du domicile d'Hutch, suivie d'une scène de voiture pas piquée des hannetons. La conclusion survient dans l'entreprise même où travaillait le héros. Il finit par la racheter et la transformer en zone de combat, où il projette de piéger le reste de la bande de mafieux russes. Pour cela, il peut s'appuyer sur ancien collègue... et sur papa, lui aussi ancien agent fédéral... et qui meurt d'envie de quitter la maison de retraite pour corriger la racaille qui menace son fils. Dans le rôle, j'ai retrouvé avec plaisir Christopher Lloyd, inoubliable interprète du Doc' et de Fétide et vu récemment dans un épisode de NCIS.

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   C'est bien fichu, brut de décoffrage et cela ne dure qu'1h30. J'ai passé un très bon moment.

22:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 05 juin 2021

Promising Young Woman

   On pourrait traduire le titre de ce film par "Jeune Femme prometteuse" ou "Jeune Femme promettant"... ce qui n'a pas le même sens... mais serait tout aussi valable. L'héroïne Cassandra est à la fois une ancienne étudiante brillante (qui a brusquement quitté la fac de médecine, pour des raisons inconnues) et une amie qui semble avoir fait une promesse qu'elle s'évertue à tenir.

   Cette promesse concerne les hommes. Dans un premier temps, on découvre Cassie (Carey Mulligan très bien, déjà remarquée dans Les Suffragettes) dans un curieux rapport aux individus de sexe masculin. Certains soirs, elle hante les bars jusqu'à plus soif, dans l'attente qu'une bonne âme se propose pour la raccompagner... sauf que cette bonne âne n'a en général pas que des intentions louables... et ça tombe bien, puisque Cassie n'est (presque) jamais ivre ! Le lendemain, elle annote son carnet, d'une couleur différente selon la manière dont la soirée a tourné...

   Petit à petit, on comprend qu'une vengeance est à l'oeuvre, dont la source remonte au passé estudiantin de l'héroïne. On va finir par découvrir pourquoi, à trente ans, l'ex-future médecin est caissière dans un café et pourquoi elle vit toujours chez ses parents, sans fréquentations régulières. Là, le scénario, qui pourrait sembler prévisible, se montre malin, avec des rebondissements inattendus. Certains concernent Ryan, un ancien camarade de fac pas considéré comme un "porc". Voilà Cassie écartelée entre son désir de vengeance et la possibilité (inenvisageable jusqu'à présent) d'une nouvelle vie. La réalisatrice mêle adroitement les styles, entre thriller, film d'ado et comédie romantique.

   Même si le sujet de fond est des plus sérieux, l'intrigue est émaillée d'humour, parfois sarcastique. Le tout début plante le décor, avec ces plans serrés sur l'aine de mâles trentenaires un peu bedonnants. Tout aussi drôle est la séquence qui suit immédiatement celle d'une "soirée spéciale". Dans un premier temps, la mise en scène suggère tout autre chose que ce que l'on peut constater ensuite, quand le plan s'élargit sur l'héroïne qui marche dans la rue.

   L'usage de la musique est lui aussi futé. On joue sur les codes, liés aux films de jeunes et aux comédies romantiques... mais, quand c'est trop "sucré", il vaut mieux se méfier. J'ai aussi trouvé particulièrement réussie la réorchestration d'un "tube" de Britney Spears.

   En dépit du plaisir que j'ai éprouvé à regarder ce film, j'ai deux réserves à émettre. Tout d'abord, les scènes "sucrées" le sont un peu trop à mon goût (je pense qu'il ne faut pas toujours y voir du second degré) mais, surtout, je trouve la vision des mecs globalement caricaturale (mais juste dans le détail). La construction du scénario me convient, dans le sens où elle montre que le machisme continue à faire des ravages même des années après, y compris dans la classe moyenne, mais je ne peux pas accepter une représentation presque intégralement négative de la gent masculine.