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dimanche, 27 février 2022

Blacklight

   Cette "lumière noire" est un révélateur : elle rend visible ce qui n'apparaît pas à l’œil nu. Au sens symbolique, il est bien évidemment question d'un complot, un thème archi-rebattu par les scénaristes hollywoodiens, qui nous en offrent une énième resucée, sous la houlette de Mark Williams (II), réalisateur de The Good Criminal... déjà avec Liam Neeson (qu'on a vu depuis dans Ice Road).

   C'est en raison de la présence de celui-ci au générique que je me suis laissé tenter par cette histoire très très balisée. Celles et ceux qui ont vu de nombreux films d'action ou des polars conspirationnistes n'y dénicheront que peu d'inventivité.

   À noter toutefois que, dans ce film-ci, ce bon vieux Liam incarne un agent du FBI sur les épaules duquel le poids des ans commence à peser : il s'essouffle lors d'une poursuite à pieds, n'a pas le dessus lors d'une confrontation musclée et laisse échapper l'un de ses protégés, un jeune policier brillant qui a pété les plombs.

   Par contre, au volant de sa bagnole ou une arme au poing, Travis Block reste une redoutable machine à tuer, comme vont s'en rendre compte quelques méchants très méchants. En face, Liam incarne un gentil... pas si gentil que cela. Bien entendu, sa conscience professionnelle aiguë lui a fait rater sa vie familiale. Il essaie tardivement (et maladroitement) de se rattraper.

   Au niveau de la mise en scène, on ne se fout pas de la gueule du client : les poursuites en voitures sont bien maîtrisées, tout comme les rares scènes de corps-à-corps. J'ai aussi apprécié la représentation des tocs du héros. Je n'en dis pas plus mais, soyez attentifs dès le début. On pourrait avoir l'impression que c'est mal réalisé, mais, en fait, il s'agit de nous faire toucher du doigt la principale manie de Travis.

   La musique est clinquante, mais cohérente avec le sujet. Dans la salle, j'étais donc en train de me dire que j'allais pondre une critique très positive de ce film... mais c'était avant le dernier quart d'heure. A-t-on arrêté de payer les scénaristes ? A-t-on manqué de budget pour clore dignement cette intrigue ? Toujours est-il que la résolution du complot et la mise hors d'état de nuire des méchants interviennent un peu trop facilement, je trouve. C'est dommage, parce que les trois quarts du film sont assez prenants, pour qui aime le genre.

 

21:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 25 février 2022

Une jeune fille qui va bien

   Pour sa première réalisation, Sandrine Kiberlain mêle histoire familiale et amour du théâtre, dans une fiction qui s'inspire semble-t-il (un peu) de la vie d'Hélène Berr, rendue célèbre par son Journal :

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   Au vu du prénom de l'héroïne, on est aussi tenté de voir une référence à Irène Némirovsky, bien qu'elle soit d'une génération différente.

   Le début n'est pas situé dans le temps... même si, en regardant les vêtements portés par les personnages (et leur environnement technologique), on se doute bien que l'action se déroule il y a plusieurs dizaines d'années.

   Ce début ne m'a pas emballé du tout. Il est centré sur le théâtre, les répétitions et les relations entre de jeunes adultes (certains pas encore majeurs à cette époque), le tout de manière allusive. Je n'ai pas trouvé cela très bien joué (ni dirigé).

   C'est petit à petit, au fur et à mesure que le contexte se précise, que cela devient passionnant. D'abord parce qu'on découvre progressivement les contraintes qui pèsent sur l'héroïne et la majorité de ses proches. Ensuite parce qu'il est d'abord question de la vie d'une jeune femme, qui tente de concilier bonheur familial, réussite dans les études... et grand amour. On la voit se chercher, tâtonner, le tout à une époque où l'on serait tenté de penser que d'autres sujets obsédaient les esprits.

   C'est fidèle à ce qu'on trouve dans le journal d'Hélène Berr. Celle-ci ne prépare pas le Conservatoire, mais étudie l'anglais (en visant l'agrégation, puis une thèse), tout en jouant de la musique classique. Autant qu'Irène, elle est mue par l'envie de vivre, malgré tout.

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   Cela passe parce que l'intrigue est magnifiquement servie par son interprète principale, Rebecca Marder (aperçue dans La Daronne). Dès qu'elle se trouve à l'écran, elle illumine la scène. Voilà une actrice à suivre. Je suis moins convaincu par la prestation d'Anthony Bajon, que j'ai vu bien plus à son aise ailleurs (par exemple dans Teddy).

   On suit les pérégrinations sentimentales d'Irène, parallèles à ses activités théâtrales, tout en s'inquiétant à propos des nuages sombres qui s'accumulent au-dessus de la tête des juifs de Paris.

   La fin, abrupte, a déconcerté certains spectateurs. Je la trouve parfaitement justifiée.

 

mercredi, 23 février 2022

Maigret

   Patrice Leconte adapte l'un des romans de Georges Simenon, Maigret et la jeune morte. Le recentrage du titre sur le personnage du commissaire indique la volonté du réalisateur de mettre en avant la personnalité du policier, incarné par un Gérard Depardieu sobre et efficace, bien que parfois un peu pataud. (Celles et ceux qui veulent le retrouver avec plus de pêche n'ont qu'à aller voir Maison de retraite.)

   Au départ, la morte n'a pas de nom. Elle est à l'image de nombreuses jeunes femmes de province "montées" à Paris : anonyme et vulnérable. Elle est incarnée par Clara Antoons, découverte dans la série Candice Renoir, où elle interprète la fille de l'héroïne.

   D'autres comédiennes sont à leur avantage dans ce film : Aurore Clément (en grande bourgeoise), Mélanie Bernier (en petite arriviste) et surtout Jade Labeste, dont le personnage (Betty) est comme un double de la victime, mais un double que Maigret prend sous son aile, pour des raisons qui demeurent obscures.

   C'est l'un des grands intérêts de l'histoire : l'étrange relation qui se noue entre cette fille perdue et l'enquêteur souffreteux. Elle a du mal à comprendre qu'un homme s'intéresse à elle sans attendre quelque chose en retour. Lui semble d'abord vouloir lui éviter le destin de tant de jeunes provinciales. Peut-être aussi effectue-t-il un transfert sur Betty, en qui il voit un possible substitut à sa propre fille. Et puis, au détour d'un regard, on sent quand même, à un ou deux moments, qu'il pourrait y avoir du désir.

   A côté de cela, l'intrigue policière apparaît presque secondaire. Elle est correctement construite, mais ne suscitera pas l'enthousiasme des amateurs d'histoire compliquée. On se consolera en se plongeant dans le Paris des années 1950, grisâtre et dangereux pour la plupart des pauvres.

21:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 22 février 2022

Mes César 2022

   Je n'ai pas encore eu le courage de dresser mon palmarès de l'année cinématographique écoulée... et je n'aurai sans doute ni le temps ni la volonté de m'y mettre avant que l'académie du septième art hexagonal ne distribue ses statuettes. Ben, du coup, je vais énoncer mes choix, avec l'immense avantage que les lauréats auront reçu 100 % des voix ! Pour ce faire, je vais suivre l'ordre des nominations, tel qu'il est paru sur le site officiel.

   César de la meilleure actrice : Virginie Efira, pour sa prestation dans Benedetta... et l'ensemble de sa carrière. Cela fait un petit moment déjà qu'elle aurait dû recevoir une statuette.

   César du meilleur acteur : Gilles Lellouche, nommé pour Bac Nord, mais qui est formidable dans Adieu Monsieur Haffmann. Là encore, il est grand temps que ce comédien soit distingué, lui dont le talent a longtemps été sous-estimé.

   César de la meilleure actrice dans un second rôle : Cécile de France, pour Illusions perdues... mais je ne trouverai pas scandaleux que soit récompensée Jeanne Balibar (présente dans le même film) ou Adèle Exarchopoulos, pour sa prestation dans Mandibules. Ce dernier choix permettrait de distinguer un film réalisé par le talentueux Quentin Dupieux.

   César du meilleur acteur dans un second rôle : Vincent Lacoste, pour Illusions perdues... mais, au vu de la qualité de la concurrence, un autre choix ne serait pas illogique.

   César du meilleur espoir féminin : un seul choix possible, celui d'Agathe Rousselle, pour Titane, un film de surcroît tenu un peu à l'écart des nominations majeures.

   César du meilleur espoir masculin : pas trop d'idée... pourquoi pas Benjamin Voisin, pour Illusions perdues (qui risque d'être le grand vainqueur de la soirée) ?

   César du meilleur scénario original : je pencherais pour Yann Gozlan, Simon Montaïrou et Nicolas Bouvet-Levrard, pour Boîte noire... mais, de manière incompréhensible, Arthur Harari et Vincent Poymiro sont nommés dans la même catégorie, alors que l'histoire de l'excellent Onoda est inspirée d'un livre ! A choisir entre les deux, je privilégierais le second.

   César de la meilleure adaptation : il semble destiné à Illusions perdues, puisque son principal rival (Onoda) a été reversé dans la catégorie précédente. Comme je n'apprécie pas ce genre de magouille (et que j'ai émis des réserves sur la manière dont le roman de Balzac a été adapté), je me prononce donc pour Les Choses humaines, un scénario bien moins démagogique que celui du film de Giannoli.

   César de la meilleure musique originale : il me semble évident que Warren Ellis et Nick Cave soient récompensés pour La Panthère des neiges.

   César du meilleur son : autre évidence en faveur de Nicolas Provost, Nicolas Bouvert-Levrard et Marc Doisne pour Boîte noire.

   César de la meilleure photo : pour moi, Tom Harari se détache, en raison de son travail sur Onoda - 10 000 nuits dans la jungle.

   César du meilleur montage : difficile de se prononcer... mais avantage à Cyril Nakache, pour Illusions perdues.

   César des meilleurs costumes : grosse concurrence, mais je place devant Madeleine Fontaine, pour Délicieux (autre film injustement exclu des principales récompenses).

   César des meilleurs décors : rebelote avec Bertrand Seitz pour Délicieux.

   César des meilleurs effets visuels : Stéphane Taillasson, pour Eiffel. (C'est ce qu'il y a de mieux dans ce film médiocre.)

   César de la meilleure réalisation : grosse concurrence là encore... et, après consultation de mes personnalités multiples, je me prononce en faveur d'Arthur Harari, pour Onoda - 10 000 nuits dans la jungle. Cependant, comme, désormais, on n'attribue plus les deux récompenses majeures (meilleur film et meilleure réalisation) au même film, je serais tenté de choisir Julia Ducourneau, pour Titane, réservant l'autre statuette à Onoda.

   César du meilleur court-métrage d'animation : Empty Places, de Geoffroy de Crécy, à voir sur France 3.

   César du meilleur film d'animation : Le Sommet des dieux, de Patrick Imbert.

   César du meilleur film documentaire : La Panthère des neiges, de Marie Amiguet et Vincent Munier, bien entendu.

   César du meilleur premier film : comme La Panthère des neiges est déjà récompensée par ailleurs, j'en profite pour distinguer La Nuée, de Just Philippot. (De manière générale, j'aimerais bien que cette édition mette un peu en valeur des cinéastes atypiques, comme Julia Ducourneau, Quentin Dupieux et donc Just Philippot.)

   César du meilleur film étranger : la sélection comporte plusieurs films surcotés (selon moi) ; La Loi de Téhéran, de Saeed Roustayi, sort du lot.

   César du meilleur film : Onoda - 10 000 nuits dans la jungle, d'Arthur Harari.

   C'est un drôle de hasard, mais l'ordre des récompenses fait que je termine par cinq des films qui m'ont le plus marqué en 2022. Nul doute que quatre d'entre eux auraient figuré dans mon top 10.

lundi, 21 février 2022

H6

   C'est le nom de code du sixième hôpital de Shanghai, où ce documentaire franco-chinois a été tourné (avant la pandémie de covid). En un peu moins de deux heures, la réalisatrice Ye Ye ambitionne de nous faire découvrir le travail des professions médicales, la vie quotidienne des malades et le rôle joué par les proches, au sein d'un véritable hôpital-usine.

   Si la mise en scène ne va pas jusqu'à en présenter le gigantisme ni le dédale des couloirs, il ne faut pas longtemps aux spectateurs pour comprendre l'importance de la machinerie médicale. À cet égard, certaines scènes sont particulièrement éclairantes, comme celle montrant la préparation des poches de soin ou celle illustrant la confection des repas. C'est un travail à la chaîne que la direction de l'hôpital a voulu rendre aussi rigoureux (et sanitairement correct) que possible...

   Le documentaire démarre pourtant sur un sacré contraste, qui va guider l'ensemble du film : l'opposition entre la Chine rurale, peu (pas) touchée par la modernité et le cœur de la mégapole, dont les habitants, habitués à évoluer dans un métro ultramoderne, ont le plus souvent les yeux rivés sur l'écran de leur smartphone.

   C'est ainsi que l'on découvre certains patients et leur famille. Dans le groupe filmé, il ne semble pas y avoir de très riches (qui vont sans doute se faire soigner dans des établissements plus sélectifs), mais la classe moyenne et les pauvres. On arrive facilement à les distinguer à l'aide de leurs téléphones et de leurs vêtements. Certains d'entre eux ignorent la caméra, d'autres semblent la fuir, tandis que quelques-uns jouent visiblement avec elle.

   Qu'est-ce qui surprendra les spectateurs français ? La faible amplitude de l'horaire des visites, le petit nombre de visiteurs autorisés, l'aspect "usine" de l'accueil aux urgences... et le fait que les membres des familles couchent sur place ! Nombre d'entre eux viennent avec un siège pliant, un sac rempli d'affaires et de la nourriture. La nuit, ils sont autorisés à occuper les couloirs, mais, le jour, il faut libérer la place, tout en espérant obtenir un "ticket d'entrée" pour les visites.

    Il convient aussi d'avoir de l'argent liquide avec soi, pour s'offrir des à-côtés... mais, surtout, pour améliorer l'ordinaire des patients. Si l'accueil aux urgences et les soins de base sont gratuits, tout le reste est payant, du coiffeur à l'opération chirurgicale, en passant par le service supplémentaire des aides-soignantes.

   Celles-ci constituent l'un des corps de métiers de l'établissement. On voit très peu les administratifs, à peine plus les infirmières. Le documentaire est concentré sur les médecins et l'une des aides-soignantes, que l'on met un petit moment à identifier comme telle : la plupart du temps, elle ne porte pas de blouse... mais, durant ses pauses, elle surveille les cours de la bourse sur son téléphone dernier cri !

   Une conclusion s'impose : le système de santé chinois semble moins "socialiste" que le français. Pour obtenir une opération cruciale, il faut payer un important supplément, ce qui conduit les patients les plus pauvres à s'endetter, voire à se ruiner. On suit plus particulièrement le cas de ce paysan, tombé d'un arbre un jour de congé, pas pris en charge par l'assurance de base. Il survit péniblement. Les médecins et les membres de la famille engagent une discussion pénible sur la nécessité et faisabilité (financière) de l'opération.

   D'autres cas sont tout aussi tragiques. Il y a cette petite fille qui, alors qu'elle jouait à proximité de l'étal de son père commerçant (après avoir échappé à la surveillance de sa grand-mère), s'est fait renverser par un bus. La compagnie d'autocars rechigne à payer et la famille n'a pas les moyens d'assumer l'intégralité des soins... Une autre gamine a eu un accident de voiture en compagnie de sa mère. Elle n'a aucune nouvelle de celle-ci. Le père est omniprésent à l'hôpital. Quand il n'a pas de ticket de visite, il reste à proximité et chante (très fort) pour donner du courage à sa fille. J'ai aussi été ému par ce couple âgé, l'homme venant le plus souvent possible apporter du réconfort à sa compagne en phase terminale, dans un mouroir dortoir de soins où n'existe aucune intimité. Il y a aussi l'un des fils rouges de l'histoire, un homme boiteux, mal habillé, pas du tout à l'aise dans la grande ville, où il est invisible à la plupart des regards. On apprend son histoire dans la dernière parti du film.

   J'ai gardé pour la fin le portrait de ce médecin hors-norme, qui fait son jogging tous les matins. Très âgé, il n'opère plus, mais joue le rôle d'une sorte de rebouteux. Il s'occupe de cas délicats, ceux de patients que l'hôpital n'a pas envie d'opérer parce qu'ils sont pauvres, et auxquels on propose des soins de seconde catégorie, qui vont certes éviter le pire mais, la plupart du temps, les laisser avec des séquelles durables. À l'image des rares infirmières que l'on entend parler, il demande aux patients d'accepter leur situation, de faire preuve de courage face à l'adversité... et surtout de se résigner. Cela ressemble bigrement au comportement politique que les dirigeants (supposés) communistes attendent de la population.

   C'est passionnant. Un peu long, certes, mais riche de nombreuses anecdotes. On n'est pas très loin du Short Cuts de Robert Altman (l'aspect trépidant en moins).

Le Canard à l'orange... ou au gros rouge ?

   Cette semaine, L'Obs a voulu frapper un grand coup en annonçant, dès mardi après-midi, le dossier principal du numéro devant paraître le jeudi : "L'espion qui venait du Canard enchaîné".

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   Au passage, on notera l'habileté du timing : même si la direction du Canard a été consultée, l'annonce de la parution le mardi après-midi (au moment ou l'hebdomadaire satirique est bouclé) le prend de court. Il va falloir attendre mercredi 23 février pour lire sa réponse.

   Cet opportunisme éditorial (dont l'objectif est de réaliser un coup médiatique pour doper les ventes) a beau manquer d'élégance, il est compréhensible... et il n'est pas sans rappeler la méthode du Canard, pour lancer certaines "affaires" : dès le mardi soir (ou le mercredi matin), des médias annoncent une partie du contenu du nouveau numéro de l'hebdomadaire, qui a toujours pris soin de contacter auparavant les personnes incriminées, tout en veillant à ne pas trop dévoiler son jeu.

   Voilà pourquoi je recommande la lecture du dossier de L'Obs, une série d'articles que j'ai confrontée aux ouvrages que je possède sur l'histoire du "Volatile" : une monographie d'historien (plutôt en empathie avec son sujet)

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   ... et un livre plus polémique, se livrant à une critique "de gauche" :

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   Les deux ouvrages commencent à être anciens (le premier date de 2001, le second de 2008), mais ce n'est nullement gênant au vu du sujet, qui tourne autour de la personnalité de Jean Clémentin, qui a travaillé pour Le Canard de la fin des années 1950 à la fin des années 1980.

   Selon L'Obs, entre 1957 et 1969, ce journaliste aurait été stipendié par les services secrets tchécoslovaques (communistes), à l'époque soumis à la "bienveillante" tutelle du KGB. Après lecture des articles, il semble que les accusations soient fondées. Plusieurs questions restent toutefois en suspens, concernant les motivations du journaliste et les causes du début et de la fin de sa collaboration. L'argent et l'idéologie sont entrés en ligne de compte.

   L'année 1957 est visiblement une charnière. C'est à ce moment-là (d'après le livre de Karl Laske et Laurent Valdiguié) que Clémentin commence sa chronique "Allô, ici Bidasse", qui évoque la Guerre d'Algérie dans un sens que n'apprécie pas le commandement militaire français. C'est aussi l'année où il commence à recevoir de l'argent de la StB. Mes lectures ne me permettent pas pour l'heure de trancher à propos de l'antériorité : Jean Clémentin était-il déjà en contact avec les services secrets tchécoslovaques quand il est entré au Canard, ou bien n'a-t-il été "pris en main" qu'après son arrivée dans l'équipe de l'hebdomadaire ? Le flou est d'autant plus grand qu'à l'époque, un pigiste pouvait contribuer à certaines rubriques sans être mentionné, même sous un pseudonyme.

   Des incertitudes subsistent aussi parce qu'on connaît mal la jeunesse de Clémentin, né en 1924 en Normandie. Le dossier de L'Obs (s'appuyant sur les documents de la StB) le présente comme le fils d'un ancien militaire catholique, anticommuniste, tandis que Laske et Valdiguié évoquent un fils d'agriculteur normand, passé par une école de commerce. On trouve à peu près les mêmes informations chez Laurent Martin, qui précise que l'écolier est passé par les Jésuites et qu'il a appris l'allemand. Son séjour en Indochine (au cours de la guerre de 1946-1954) semble l'avoir dégoûté de l'armée et de la colonisation. Cela explique son engagement à propos de l'Algérie et peut-être son entrée au Canard à cette époque. Depuis son retour en métropole, le jeune homme est surveillé par la police, qui le considère comme un sympathisant communiste. Il semble toutefois que, plus que ses convictions politiques, ce soient ses besoins d'argent qui aient incité Clémentin à accepter de travailler pour les Tchèques.

   Qu'a-t-il fait pour eux ? Transmettre des informations. Rien de secret, mais, à l'époque de la Guerre froide, chaque camp utilisait toutes les ressources disponibles pour se renseigner sur les adversaires. D'après le dossier de L'Obs, Clémentin a su se faire mousser auprès de la StB, alors qu'il ne lui a pas apporté grand chose. Plus gênante est l'affirmation qu'il a contribué à véhiculer de fausses informations, à trois occasions : après la démission du chancelier allemand Adenauer, à propos de l’Éthiopie et lors de l'affaire Ben Barka. (Je laisse à chacun le loisir de lire le détail dans L'Obs.) Étrange coïncidence : l'opposant marocain était lui aussi lié à la StB. C'est plutôt sur ces points-là qu'on aimerait des éclaircissements, y compris venant de l'actuelle rédaction du Canard.

   Quoi qu'il en soit, Jean Clémentin a cessé sa collaboration en 1969. L'Obs semble penser que c'est lié à la défection d'un espion de la StB. On peut aussi estimer que la répression du "Printemps de Prague", en 1968, a joué un rôle. Je note que c'est aussi l'époque à laquelle Clémentin a accédé au statut de rédacteur en chef du Canard, un poste mieux rémunéré, qui l'a sans doute mis à l'abri du besoin. Il en a d'ailleurs profité pour réorienter partiellement l'activité de l'hebdomadaire satirique, développant l'aspect enquête qui a fait son succès.

   Sur le plan politique, les deux ouvrages cités sont d'accord pour dire qu'au sein de la rédaction, Clémentin faisait partie de ceux qui voulaient maintenir un certain équilibre. En clair, il fallait taper des deux côtés (à gauche et à droite). Les sources et fréquentations de Clémentin étaient d'ailleurs éclectiques, puisqu'elles incluaient des personnes classées très à droite comme Jean Montaldo et Claude Paillat. Mais l'époque à laquelle Clémentin dirigea la rédaction fut aussi celle qui vit arriver de nouvelles plumes de sensibilité communiste, en particulier Claude Angeli qui, par la suite, a dirigé la rédaction pendant une trentaine d'années.

   Enfin, le dossier de L'Obs a le mérite de remettre au premier plan l'affaire dite des micros du Canard. Si, en 1973, le ministère de l'Intérieur (français) a décidé d'espionner l'hebdomadaire satirique, c'est peut-être au moins en partie parce qu'il savait que son rédacteur en chef avait naguère été payé par les services secrets tchécoslovaques.

samedi, 19 février 2022

Maison de retraite

   Tourné il y a plus d'un an, ce film de fiction sort alors que l'actualité est brûlante concernant le fond de l'histoire : la vie dans les EHPAD. Cet arrière-plan est croisé avec l'évolution d'un jeune personnage, le héros Milann, incarné par Kev Adams (qui produit le film, ceci expliquant peut-être cela).

   Ce jeune homme a tout du loser : il ne parvient pas à garder un emploi, squatte chez son meilleur pote qui, lui, a réussi dans la vie, passe sa journée à jouer sur sa console et ne semble pas avoir une vie sentimentale trépidante. Si vous ajoutez à cela qu'il a commis l'erreur d'emprunter de l'argent au caïd local... qu'il ne compte pas rembourser... vous aurez le portrait complet d'un "jeune con", comme certains personnages l'appellent. Mais le garçon n'est pas méchant... et il a des circonstances atténuantes : c'est un orphelin, que la vie n'a pas gâté. Après une énième connerie (dans une supérette), il se voit offrir une alternative à la prison : un travail d'intérêt général dans une maison de retraite médicalisée.

   On se doute bien qu'entre la bande de vieux acariâtres et le jeune égocentrique insouciant, il va se produire quelques étincelles. On est servi. Il faut dire que, face à Kev Adams, on trouve, entre autres, Mylène Demongeot, Liliane Rovère, Firmine Richard, Jean-Luc Bideau et surtout Gérard Depardieu, très convaincant en ancien boxeur. Les papys et les mamys vont mener la vie dure au godelureau... mais aussi se prendre d'affection pour lui. De son côté, au contact des anciens, Milann évolue, s'ouvre aux autres, fait preuve d'altruisme... oui, oui, tout cela est un peu convenu, mais, en cette période de cynisme et de violence gratuite, un peu de bon esprit ne fait pas de mal. Vieux comme jeunes apprennent à se connaître et à s'entraider.

   Parmi les figures de l'EHPAD, je me dois d'en signaler deux qui nous font un joli numéro : Daniel Prévost (Monsieur Alzheimer) et Marthe Villalonga, qui est successivement Marilyn Monroe, Monica Belluci et... Madonna ! Succès garanti dans la (grande) salle archicomble !

   Parmi les nombreux invités de cette comédie familiale très balisée, je ne voudrais pas oublier Antoine Duléry, qui incarne le directeur de l'EHPAD... qui n'est pas le personnage le plus sympathique de l'histoire. La fin nous réserve une petite surprise, avec la présence d'un (ancien) joueur de tennis (qui coproduit le film).

   Cette comédie m'a fait du bien.

mercredi, 16 février 2022

Moonfall

   J'ai déjà entendu de mauvaises langues affirmer que les œuvres de Roland Emmerich sont au cinéma ce que la fanfare militaire est à la musique classique. En tout cas, quand on achète son billet, on sait ce qu'on va voir. Ici, il s'agit évidemment d'un film catastrophe, que d'autres mauvaises langues qualifient de catastrophique. Voyons ce qu'il en est.

   Au niveau de l'intrigue comme de la mise en scène, aucune surprise n'est à attendre. Emmerich et sa brigade de scénaristes ont entremêlé des références à Armageddon, Alien, Independence Day (un peu d'auto-citation ne fait pas de mal), Le Jour d'après (peut-être son meilleur film), Mission to Mars et même 2001, L'Odyssée de l'espace. (Trop de modestie tue la modestie.)

   Sur le plan visuel, cela dépote... parfois. J'ai particulièrement apprécié deux séquences : celle qui mène au décollage d'une navette en pleine situation apocalyptique (où l'on retrouve la "patte Emmerich") et celle qui voit un groupe de civils tenter d'échapper à une bande de voyons, avec une belle poursuite en voitures à la clé, dans des conditions climatiques extrêmes. J'ai toutefois été assez attentif pour remarquer, dans d'autres séquences, des imperfections techniques dont le réalisateur n'est pas coutumier : quand deux (ou trois) plans sont superposés, le montage est parfois voyant. Cela fait factice... et un peu désuet, rappelant de vieux films de science-fiction.

   Que dire de l'interprétation ? Les acteurs font ce qu'ils peuvent. Patrick Wilson (vu notamment dans Midway et Aquaman) a pris la place de Bruce Willis dans le rôle du petit Blanc aux couilles de béton qui va sauver le monde... mais, désormais, pas tout seul. Il a bien besoin du coup de main de la nouvelle patronne (afroaméricaine) de la Nasa, incarnée par Halle Berry, que j'ai eu grand plaisir à retrouver. Se greffe sur ce duo un petit gros, un fils à maman genre geek conspirationniste. Cet astrophysicien du dimanche va se révéler très utile. Comme Emmerich fait du cinéma inclusif, il a complété sa distribution par d'autres archétypes. Je note aussi que le scénario, s'il oppose dans un premier temps certains "Américains d'en-bas" à l'élite, prône leur alliance pour sauver New York la planète. Enfin, comme ce "Blockbuster" (à l'image d'autres, de plus en plus nombreux) est une coproduction chinoise (coucou Tencent !), on ne s'étonnera pas de voir à l'écran une nounou issue du "pays du milieu", ni que le fils de la patronne de la Nasa apprenne le mandarin. Mieux encore : le pays soumis à la poigne de fer de présidé avec tact et délicatesse par l'honorable Xi Jinping est présenté comme un ami des États-Unis.

   A la réflexion, je pense que les scénaristes ont aussi puisé à une source française : le Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne. Ici, c'est plutôt "Voyage au centre de la Lune". La troisième partie de l'intrigue a beau accumuler les invraisemblances (et le "juste à temps"), elle n'en est pas moins entraînante, alternant les scènes futuristes (dans l'espace et sur la Lune) et les pérégrinations des personnages restés sur Terre. Cela suffit pour passer un début de soirée divertissant, sans plus.

21:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 14 février 2022

Mort sur le Nil

   Quatre ans après le très moyen Crime de l'Orient-Express, Kenneth Branagh revient avec cette nouvelle adaptation du roman d'Agatha Christie, un des plus machiavéliques qu'elle ait écrits. Cette fois-ci, j'ai fait l'effort de trouver une séance en version originale sous-titrée, histoire de ne pas être perturbé par un mauvais doublage (celui de Branagh en l'occurrence).

   Au niveau de la distribution, j'ai été plutôt impressionné par la partie féminine. On nous propose une quinte magique, avec Gal Gadot, Annette Bening, Emma Mackey, Sophie Okonedo et Letitia Wright, qui donnent vie à de superbes personnages, certains légèrement modifiés par rapport à ceux qu'a créés la romancière.

   Je suis moins emballé par les messieurs. Je trouve leurs prestations assez stéréotypées. Je ne repêche ni Tom Bateman, ni Armie Hammer, ni Kenneth Branagh. Celui-ci  a droit a sa petite séquence historique, au début du film. Elle est censée nous faire découvrir la cause de l'existence (et de l'entretien) de son horrible moustache. Cette séquence ne tient pas la route pour deux raisons. La première est liée aux accents. Poirot/Branagh est censé être un Belge francophone. Or, dans la version originale, le contraste est flagrant entre la manière de parler des autres soldats (qu'on pourrait prendre pour des Français) et celle de Poirot, qui parle comme un Anglais tentant de s'exprimer en français. Cela passe peut-être auprès du public anglo-saxon, mais, pour un Frenchie, c'est totalement ridicule ! (David Suchet, qui incarnait le détective dans la série d'ITV, s'en sortait beaucoup mieux.)

   On touche le fond avec la moustache. Elle est censée masquer une blessure de guerre. Or, quand, durant la majorité du film, le héros, portant moustache, est filmé en gros plan, aucune micro-cicatrice n'est visible, même au bord de la moustache, ce qui est invraisemblable compte tenu des dégâts constatés aussi bien au début qu'à la fin de l'histoire (moustache rasée).

   Si Branagh n'est pas un bon Poirot, il peut néanmoins s'appuyer sur la distribution féminine (vraiment classe)... et sur l'habillage (décors, costumes, effets spéciaux), superbe, bien qu'un peu clinquant. Peut-être suis-je influencé par ma récente vision de Vaillante, mais je suis tenté de dire que le réalisateur verse dans l'art pompier.

   Il reste que l'histoire d'origine est assez fidèlement suivie. Quand on aime les intrigues à énigme, on est pris. Mais je conseille quand même de retourner voir le téléfilm de 2004, rediffusé dimanche dernier, et accessible sur MyTF1. Outre David Suchet en Hercule Poirot, on peut y découvrir David Soul, la Française Félicité du Jeu et surtout la délicieuse Emily Blunt (vue récemment dans Jungle Cruise et Sans un bruit 2), alors peu connue.

21:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 12 février 2022

Vaillante

   Salle comble à Rodez pour ce film d'animation féministe, avec, dans le public, outre les bambins (et bambines) habituel(le)s, des adultes... dont, me semble-t-il, quelques "soldats du feu".

   La première partie de l'histoire se situe en dehors de l'univers des pompiers, puisqu'elle montre un papa... couturier, veuf, tentant d'élever une intrépide garçonne (Georgia) qui rêve de passer plus tard ses journées sur un camion rouge. Problème : nous sommes à New York, en 1920. Il n'est pas question qu'un individu de sexe féminin puisse rejoindre la rugueuse confrérie des manieurs de lance à incendie.

   Une dizaine d'années plus tard, "Pistache" a grandi et semble avoir oublié ses rêves d'enfant... au grand soulagement de son père. Mais, dans la "grosse pomme", un mystérieux pyromane détruit les théâtres les uns après les autres, provoquant la disparition de presque tous les pompiers de la ville. Déguisée en garçon, Georgia contribue à former, en compagnie de son père, d'un chauffeur de taxi farfelu et d'un chimiste du dimanche, la dernière équipe de secours.

   La suite est une farandole d'aventures, avec cascades, humour, rebondissements et émotion (autour des relations père-fille). J'ai ri, j'ai été pris par le suspens... et j'ai eu les yeux qui piquent (vers la fin).

   Je recommande vivement cette production française. Aux manettes se trouve Laurent Zeitoun, l'un des scénaristes de Ballerina.

   P.S. I

   Ne quittez pas la salle trop vite : le générique de fin est accompagné d'images d'archives, des photographies des premières pompières dans plusieurs pays. Figure dans le florilège la Française Françoise Mabille.

   P.S. II

   Les spectateurs attentifs noteront le soin apporté au contexte états-unien de l'intrigue. Les décors urbains ont été vraiment bien travaillés. Au niveau des personnages, il est évident que Shawn Nolan (le papa) est en réalité "Sean", un Irlando-Américain, souvent habillé de vert. Dans la famille, on a la passion du service public, tout comme d'autres descendants de migrants catholiques, les Reagan, policiers au cœur de la série Blue Bloods.

mardi, 08 février 2022

La Place d'une autre

   Au cours de la Première Guerre mondiale, une infirmière d'origine modeste se retrouve, à proximité du Front Ouest, dans une bâtisse, en compagnie de soldats (français) blessés, d'un médecin militaire et d'une civile qui a quitté la Suisse à cause de la mort de son père. Soudain, un obus frappe le bâtiment, ouvrant le champ des possibles...

   Le fond de l'intrigue est social... et culturel. C'est l'amour de la lecture qui permet à l'imposture de fonctionner... et à la transfuge sociale de changer de vie. C'est aussi une histoire de femmes, entre la notable âgée, riche, guindée mais au cœur ouvert (Sabine Azéma, malicieuse et impeccable), l'ancienne infirmière qui cherche sa place (Lyna Khoudri, un peu effacée) et la fille de bourgeois déclassée qui veut retrouver un rang qu'elle estime digne d'elle (Maud Wyler, chargée d'incarner une victime antipathique).

   Le début a pour fonction de faire comprendre aux spectateurs ignorants quelle était la précarité de la situation des jeunes femmes pauvres au début du XXe siècle. Sans perspective scolaire (à une époque où les enfants du peuple doivent, à moins d'être très doués, se contenter au mieux d'un certificat d'études), soumises au harcèlement sexuel, sombrant dans la mendicité voire la prostitution, les jeunes prolétaires n'ont pas la vie facile. Dit comme cela, l'impression est celle d'un tableau misérabiliste. Il n'en est rien. Tout est suggéré par petites touches. De la même manière, la séquence de guerre parvient à transmettre l'essentiel, avec une étonnante économie de moyens. Certains trouveront ça un peu cheap. Moi, j'ai apprécié.

   La mise en scène de la relation qui naît entre la lectrice et son employeuse est hyper classique. On est dans le "qualité française". Les dialogues sont parfois trop littéraires. Je me suis quand même un peu inquiété quand est survenu le coup de théâtre que tout le monde attendait. Je trouvais qu'il arrivait trop tôt... eh bien les scénaristes ont trouvé de quoi relancer l'intrigue.

   C'est une belle histoire, qui se laisse regarder avec plaisir.

22:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 06 février 2022

Morse... fin ?

   Ce soir, France 3 diffuse le troisième et dernier épisode de la huitième saison de la série Les Enquêtes de Morse. Intitulé "Terminus" dans la version originale comme dans la version française, il joue sur une ambiguïté : fait-il référence au dernier arrêt d'une ligne d'autobus périurbains (à proximité duquel survient un crime), ou bien à la dernière étape d'une série qui pourrait s'arrêter au trente-troisième épisode, comme ses deux devancières (Inspecteur Morse et Inspecteur Lewis) ?

   Que le premier meurtre soit commis au terminus de la ligne 33 (clin d’œil au numéro de l'épisode) n'est pas le fruit du hasard. Morse est directement concerné, puisque c'est la ligne qu'il emprunte pour rentrer chez lui, quand il est trop bourré pour prendre le volant. C'était le cas le soir du meurtre. Il a donc côtoyé la future victime... et peut-être l'assassin.

   L'enquête se déroule en plein hiver, en période neigeuse, ce qui n'arrange pas les policiers... au contraire du meurtrier. Le lendemain du premier crime, le même bus se retrouve piégé par le verglas. Certains passagers (sans doute des habitués) sont identiques à la veille, accompagnés de quelques nouveaux. Tout ce petit monde trouve refuge dans un hôtel abandonné, où s'est déroulée une horrible tuerie huit ans plus tôt.

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   Outre le policier, sont présents le chauffeur et le contrôleur du bus, une retraitée des Postes, un ancien prof, un avocat, un étudiant, une serveuse, une doctoresse et deux autres (une femme et un homme), au métier indéfini.

   Nous voilà embarqués dans une intrigue à la Agatha Christie, Morse coincé avec les suspects dans l'hôtel, apparemment inoccupé, tandis que ses collègues, restés au poste, voient leur inquiétude grandir au fur et à mesure qu'ils découvrent les dessous de cette affaire.

   C'est une excellente conclusion pour cette huitième saison... une conclusion qui laisse des interrogations en suspens et pourrait donc, en théorie, permettre une continuation.

   J'espère !

samedi, 05 février 2022

Super-héros malgré lui

   Pour présenter ce film, je pourrais affirmer qu'il propose une réflexion sociologique sur le malaise narcissique contemporain... mais je crois qu'il est plus juste de dire que la "bande à Lacheau" s'appuie sur le triptyque "bite anus vomi" pour rendre un hommage parodique aux films de super-héros hollywoodiens.

   Lacheau réalisateur était attendu avec impatience, tant son Nicky Larson était tordant. (Comme acteur, on l'a vu entre temps dans le film de son pote Boudali 30 jours max.) Ici, il incarne un acteur de seconde zone, qui peine à percer, et qui, suite à un accident, va se prendre pour le personnage qu'il incarne dans un film.

   Ce Badman est évidemment un décalque de Batman, tout comme le méchant Clown est un décalque du Joker... mais c'est le personnage interprété par Lacheau qui plagie la fameuse scène des escaliers (avec Joaquin Phoenix). Tout le film est comme ça : tantôt dans le faux sérieux, avec des bastons et des poursuites qui font authentique, bien vite contrebalancées par "le détail qui tue", forcément parodique et qui remet tout le monde à sa place. (... et, parfois, révèle quelques secrets de fabrication !) Je recommande la bagarre avortée de la fin, dans l'entrepôt, qui est peut-être un clin d’œil à Deadpool 2. Les connaisseurs apprécieront aussi la scène qui fait intervenir un personnage doté de grands favoris... et une voiture de marque roumaine ! On remarque que Lacheau a puisé aussi bien chez DC (Batman) que chez Marvel, des Avengers à Spiderman, en passant par les X-Men.

   Il ne faut pas plus relâcher l'attention quand sont proposés des flashs d'information. Intéressez-vous aux sous-titres... (Allez, je vous en donne un : sachez que Michèle Thor va reprendre la chanson Si j'avais un marteau...) Une autre révélation est présente dans ce film : la cause réelle de l'accident qui a eu lieu sur le tournage d'un film américain...

   Au niveau de la distribution, il faut noter le retour de Chantal Ladesous (pas très présente mais marquante dès qu'elle est à l'écran) et la venue de Régis Laspalès (qui semble se demander ce qu'il fait là). De son côté, Jean-Hugues Anglade incarne le père du héros, dans un rôle qui est sans doute une manière de faire référence à la série Braquo. Soyez attentifs à tout ce qui concerne un nouveau modèle de voiture...

   Dès le début, le ton est donné, avec un personnage qui subit un "coup du sort" et un autre qui se voit ridiculisé par une publicité. On est au-dessous de la ceinture et l'on ne va pas beaucoup en bouger durant cette histoire. Les scénaristes ne respectent rien, ni les enfants, ni les animaux... ni Notre-Dame de Paris !

   Dans la salle, la plupart des spectateurs savaient ce qu'ils venaient voir et ont bien ri. J'ai toutefois été étonné que plusieurs couples soient accompagnés d'un garçon en bas âge. Je ne pense pas que la nature des gags visuels ni les dialogues soient adaptés à ce type de public.

22:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Twist à Bamako

   Robert Guédiguian fait escale au Mali (en réalité au Sénégal, où le film a été tourné), en 1962, alors que le pays est indépendant depuis peu. Au pouvoir se trouve Modibo Keita, formé dans des écoles françaises puis devenu marxiste : le nouveau Mali penche davantage du côté de l'URSS que de celui des États-Unis, même si la culture occidentale est omniprésente dans le pays... du moins dans les villes.

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   Le cinéaste (qui n'a quasiment tourné qu'avec des acteurs noirs, français ou africains) a constitué un joli couple de héros. Lui, Samba (Stéphane Bak, vu l'an dernier dans Tokyo Shaking), est un fils de bourgeois converti au marxisme, adepte fervent de la Révolution. Elle, Lara (Alicia Da Luz Gomes, une révélation), vient d'une famille descendant d'esclaves ruraux et a été mariée de force au petit-fils du chef du village. Tous deux ont de la fougue et du charme. Leur love story fonctionne à merveille, sur fond de musique occidentale : américaine bien sûr, mais aussi française, puisqu'on entend Dick Rivers (à l'époque membre des Chats sauvages), Johnny Hallyday et Claude François, dont les posters ornent les murs du côté de la chambre occupé par le frère de Samba. L'aîné, lui, a accroché les images du président Keita, du communiste vietnamien Hô Chi Minh  de Patrice Lumumba... ainsi que "l'affiche rouge", un clin d’œil à l'un des précédents films de Guédiguian, L'Armée du crime.

   Sur le plan visuel, la mise en scène intègre des photographies prises sur le vif (dans les dancings) ou dans un atelier, qui font référence au travail de Malick Sidibé (décédé en 2016). Bien qu'étant en noir et blanc, ces photographies donnent une couleur supplémentaire au film, déjà fort chamarré par ailleurs.

   Je suis plus partagé sur la partie politique du film. Je trouve intéressant d'avoir choisi de donner une version africaine de l'histoire... ce qui implique que les malheurs des Maliens ne proviennent pas forcément de la France, mais parfois (souvent ?) de leurs compatriotes. Mine de rien, Guédiguian dénonce le patriarcat, le conservatisme religieux, les chefferies traditionnelles... et (même) les vues étriquées des nouveaux dirigeants révolutionnaires. Tout le monde en prend pour son grade, de manière relativement nuancée (concernant les chefferies et les "anciens", présentés certes comme très conservateurs, mais avec un sens du collectif). A la fin, peut-être (selon moi) pour éviter toute accusation de "regard néocolonial", Guédiguian fait dire à l'un des personnages que le Mali n'en serait pas arrivé là s'il n'avait pas été colonisé... une manière un peu facile de faire porter le chapeau aux méchants Européens.

   Je note que, contrairement aux séquences consacrées à la vie privée des héros, celles évoquant le combat politique ne sont pas toujours très bien jouées. C'est dommage, parce que le film ne manque pas d'allant, se concluant par une séquence contemporaine, dans laquelle on retrouve l'une des protagonistes, qui a survécu.

vendredi, 04 février 2022

Lynx

   La sortie de ce documentaire animalier fait inévitablement penser à celle de La Panthère des neiges (à voir absolument). Dans les deux cas, un passionné de la nature tente de débusquer un félin et rencontre en cours de route une flopée d'animaux sauvages, dans des paysages somptueux.

   Là s'arrêtent les similitudes. Contrairement à Sylvain Tesson, Laurent Geslin n'existe que par la voix. Il n'apparaît pas physiquement dans le film, s'effaçant derrière son sujet. De plus, l'objet de sa quête n'est pas un animal mystérieux, dont il explore l'un des derniers refuges sur Terre, mais un animal autrefois disparu du Jura (suisse), et qui a été réintroduit. C'est d'ailleurs le sens de l'une des premières scènes.

   J'aime les félins, dans la vie et sur les écrans (grands comme petits). Ce documentaire-ci leur rend hommage. Quand le réalisateur est parvenu à les repérer, il nous en propose des images à la fois belles et saisissantes.

   Au début, c'est un mâle adulte qu'il a débusqué. Au moment des amours, il se lance à la recherche d'une femelle, qu'il finit par rencontrer. (Étranges chants nuptiaux que ceux des lynx !...) Visiblement, on se trouve mutuellement très à son goût, on copule... et un trio de chatons débarque, deux mâles et une femelle. Le cinéaste s'amuse à remarquer que cette dernière semble plus dégourdie que ses frangins, qui ne pensent qu'à s'amuser. On la voit commencer très jeune à explorer son environnement. (Quand on connaît la suite, on se demande toutefois si ce n'est pas une réécriture a posteriori.)

   Je vais essayer de ne pas trop divulgâcher mais, sachez qu'au bout du compte, une partie de la "famille" aura disparu. Entre temps, on aura croisé "le borgne" (un mâle rival du père), mais aussi des renards, des chats, des hermines, des marmottes, des corbeaux, des geais, des hiboux, des chamois, des chouettes... et des humains (des promeneuses), lors d'une scène stupéfiante, que le réalisateur n'avait pas anticipée. Je n'en dis pas plus ! Hélas, à d'autres occasions, quand un lynx croise le chemin d'un humain, cela se passe moins bien...

   On saura gré au réalisateur de ne pas avoir caché que la nature est cruelle (même sans les humains)... et parfois solidaire : les proies potentielles s'avertissent les unes les autres de la présence d'un prédateur.

   Dans la salle, on a été captivé de 7 à 77 ans.

22:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Adieu Monsieur Haffmann

   Je ne connais pas la pièce de théâtre dont ce film est (très librement) inspiré. J'ai été attiré par la distribution, le bouche-à-oreille (très bon) et le sujet. Au cœur de l'intrigue se trouve la spoliation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les territoires qu'ils contrôlent, les nazis ont interdit aux juifs de posséder des entreprises, les contraignant à les vendre (souvent à prix cassé) voire à les abandonner, au profit soit des nazis eux-mêmes, soit de collaborateurs peu scrupuleux.

   Pour tenter de contourner ces mesures discriminatoires, certains artisans ou commerçants ont transmis (plus ou moins fictivement) leur boîte à un employé ou un ami non-juif. C'est ce qu'il se passe ici, au tout début de l'histoire, quand le bijoutier Joseph Haffmann (Daniel Auteuil, très bien) décide de faire partir sa famille en zone non-occupée et de passer la main (officiellement) à François Mercier.

   Toute la première partie dresse le tableau des relations complexes entre les deux familles, si dissemblables. Le couple de bijoutiers est riche, celui formé par son employé et son épouse, sans être dans la misère, tire le diable par la queue. Haffmann est heureux en ménage et père de trois enfants. Mercier pense qu'il est stérile et son couple n'est pas serein. Enfin, le bijoutier jouit d'une bonne santé, tandis que l'employé a un pied-bot. Cela lui a permis d'éviter d'être mobilisé en 1939, mais, à une époque où l'on est très pointilleux sur le patriotisme et les signes de virilité, l'employé "chanceux" souffre d'un gros complexe d'infériorité.

   L'arrivée des nazis et ses conséquences permettent à François Mercier (ainsi qu'à son épouse) de vivre une sorte de revanche sociale. Certes, en théorie, il n'est que le gardien de la boutique (passée à son nom, tout de même), mais il se sent pousser des ailes... et puis l'occupant n'est pas toujours antipathique... et il permet de très bien gagner sa vie.

   C'est sur ce couple modeste, auquel la vie semble sourire enfin, que le film est centré. Sara Giraudeau et Gilles Lellouche sont remarquables, le second encore plus que la première. J'ai toutefois eu de grandes appréhensions quand j'ai découvert le "marché" que François proposait à son ancien patron. Je n'en dirai pas plus, mais j'ai eu peur que l'on tombe dans le très glauque. La suite m'a rassuré.

   À porter aussi au crédit du film la mise en scène du travail manuel des bijoutiers. On comprend mieux ce que signifie l'expression "être orfèvre en la matière". (Les deux acteurs principaux ont été doublés dans les scènes de taille des bijoux.)

   C'est un beau film sensible, subtil, humaniste, féministe même à travers l'évolution du personnage de Blanche, d'abord épouse soumise, puis de plus en plus indépendante (dans la mesure du possible, à l'époque).