mardi, 24 octobre 2017
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
C'est le titre original (traduit) du roman qui a inspiré le film Blade Runner. Je ne sais plus si je l'avais déjà lu. En tout cas, il ne faisait pas partie de ma bibliothèque. La récente sortie (au cinéma) de la suite, Blade Runner 2049, m'a donné envie de me (re)plonger dans l'oeuvre de Philip K. Dick.
Le livre a d'ailleurs été récemment réédité en collection de poche. Je note que, bien que J'ai lu soit une filiale de Flammarion (maison d'édition française), elle-même intégrée au groupe Madrigall (une holding contrôlée par Gallimard), l'exemplaire que j'ai acheté en librairie a été imprimé... en Slovaquie.
Mais revenons au roman. A sa lecture, on constate que Ridley Scott y a apporté de nombreux changements que, grosso modo, j'approuve. Ils ont contribué à rendre le film plus romantique et plus poétique que l'oeuvre d'origine, qui est noire voire empreinte de désespoir. (Et je ne parle pas de l'ambiance visuelle, ni de la musique de Vangelis, qui n'ont pas peu contribué au succès du film.)
Dans le roman, Rick Deckard est marié... et pas très heureux en ménage. Tout cet aspect de sa vie quotidienne a été gommé, pour mettre l'accent sur sa rencontre avec Rachael, qui est moins romantique que dans le film.
De manière générale, les "réplicants" sont présentés comme plus froids que dans le film, où Scott a insisté sur leur part d'humanité. Question spectacle, leur chasse par Deckard comporte plus de péripéties que dans l'oeuvre de Dick, à part un épisode, qui a été exclu de l'adaptation : Deckard se fait arrêter par d'autres policiers, certains étant des humains, d'autres des "réplicants". Les scénaristes ont préféré resserrer l'intrigue, mais sans négliger complètement le matériau de départ, qui introduit le doute quant à la nature même de Deckard.
Un autre élément du fond du roman a disparu au moment de l'adaptation : l'aspect religieux, avec le mercérisme, sorte de doctrine officielle, propagée par la télévision et qui sert en quelque sorte d'opium du peuple (en complément des drogues autorisées, que les habitants de la Terre s'auto-administrent). Ce n'est pas qu'un décorum, puisque, vers la fin, un événement surnaturel sauve la mise à Deckard, qui n'était pas censé survivre à la traque des trois derniers "réplicants" en fuite.
Quant au contexte post-apocalyptique (nucléaire), il est utilisé dans la suite se déroulant trente ans plus tard... en fait trente ans après le premier film, le roman (écrit dans les années 1960) situant l'action en 1992. De ce point de vue, c'est bien une oeuvre de Guerre froide, qui imagine que tôt ou tard, la rivalité entre les deux Blocs va dégénérer. (Le roman a été écrit quelques années après la crise de Cuba de 1962.) Mais, en 1966, Philip K. Dick voit encore des policiers soviétiques en 1992...
Toutes ces différences rendent le roman encore plus passionnant à lire. Je l'ai dévoré presque d'une traite. Dans l'édition que j'ai eue entre les mains se trouve une postface, qui donne quelques éléments d'explication et des informations inédites. Sachez que les producteurs du film voulaient au départ que Dick réécrive son roman, en fasse l'équivalent d'une novélisation qui aurait remplacé l'oeuvre originale. L'écrivain a refusé, ce qui a conduit à l'embauche de scénaristes pour reformater l'intrigue, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
12:23 Publié dans Cinéma, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, littérature, cinéma, film, cinema, films
lundi, 23 octobre 2017
Kingsman : Le Cercle d'or
Le premier opus (sorti il y a deux ans et demi) était plutôt divertissant. On se demande néanmoins ce qui pouvait justifier une suite (à part tenter d'amasser encore plus de pognon, bien sûr). Le début m'a quand même mis dans de bonnes dispositions, avec une séquence totalement hallucinante de baston en voiture. Ces 5-10 minutes de folie justifient peut-être à elles seules la vision du film. Le problème est qu'il s'agit de la meilleure séquence. Après ça, il reste donc encore plus de deux heures à s'enquiller...
Ne soyons pas trop sévères : on nous ménage d'autres moments de bravoure, notamment quand un cowboy prend les choses en mains dans un bar glauque du Kentucky, ou quand un vol d'antidote dégénère en téléphérique fou... un épisode qui se conclut de manière proprement merdique !!! Je signale aussi la séquence qui voit les héros s'attaquer au refuge de la méchante de l'histoire (Julianne Moore, qui fait le job, sans brio mais sans déshonneur). On peut compléter par le combat final, qui oppose deux personnages à un adversaire plutôt inattendu. On notera au passage la contribution d'Elton John, ridiculisé au début de l'histoire, mais à qui la production permet par la suite de prendre sa revanche.
Sur le fond, il s'agit pour nos héros de contrer un cartel de la drogue très vilain et très puissant... et de se méfier d'un président des Etats-Unis odieux. (Eh oui, c'est un film engagé !) Dans un premier temps, les espions britanniques vont se faire damner le pion par les méchants. Ils vont avoir besoin de l'aide de leurs "cousins" d'Amérique, membres d'une succursale qui fonde sa richesse sur la production de... whisky ! Le deuxième tiers de l'intrigue nous met en contact avec ces agents totalement décomplexés, arrogants sur les bords... et pas très attirés par les méthodes subtiles. Comme ce sont nos amis britanniques qui sont aux commandes, de petites piques sont régulièrement lancées en direction des alliés yankees, dont on sous-entend qu'ils sont des dragueurs pitoyables (dotés de surcroît d'un petit pénis) et d'incurables profiteurs, mus principalement par l'appât du gain. Autant de considérations susceptibles de séduire les spectateurs français...
Le problème est qu'entre les scènes d'action (réussies) que j'ai signalées plus haut, on s'ennuie ferme. J'ai plusieurs fois regardé ma montre et esquissé un bâillement ou deux. Si la production d'un troisième épisode se confirme (ce qui est sous-entendu par la conclusion de l'intrigue), il va falloir resserrer tout ça.
23:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Kingsman : Le Cercle d'or
Le premier opus (sorti il y a deux ans et demi) était plutôt divertissant. On se demande néanmoins ce qui pouvait justifier une suite (à part tenter d'amasser encore plus de pognon, bien sûr). Le début m'a quand même mis dans de bonnes dispositions, avec une séquence totalement hallucinante de baston en voiture. Ces 5-10 minutes de folie justifient peut-être à elles seules la vision du film. Le problème est qu'il s'agit de la meilleure séquence. Après ça, il reste donc encore plus de deux heures à s'enquiller...
Ne soyons pas trop sévères : on nous ménage d'autres moments de bravoure, notamment quand un cowboy prend les choses en mains dans un bar glauque du Kentucky, ou quand un vol d'antidote dégénère en téléphérique fou... un épisode qui se conclut de manière proprement merdique !!! Je signale aussi la séquence qui voit les héros s'attaquer au refuge de la méchante de l'histoire (Julianne Moore, qui fait le job, sans brio mais sans déshonneur). On peut compléter par le combat final, qui oppose deux personnages à un adversaire plutôt inattendu. On notera au passage la contribution d'Elton John, ridiculisé au début de l'histoire, mais à qui la production permet par la suite de prendre sa revanche.
Sur le fond, il s'agit pour nos héros de contrer un cartel de la drogue très vilain et très puissant... et de se méfier d'un président des Etats-Unis odieux. (Eh oui, c'est un film engagé !) Dans un premier temps, les espions britanniques vont se faire damner le pion par les méchants. Ils vont avoir besoin de l'aide de leurs "cousins" d'Amérique, membres d'une succursale qui fonde sa richesse sur la production de... whisky ! Le deuxième tiers de l'intrigue nous met en contact avec ces agents totalement décomplexés, arrogants sur les bords... et pas très attirés par les méthodes subtiles. Comme ce sont nos amis britanniques qui sont aux commandes, de petites piques sont régulièrement lancées en direction des alliés yankees, dont on sous-entend qu'ils sont des dragueurs pitoyables (dotés de surcroît d'un petit pénis) et d'incurables profiteurs, mus principalement par l'appât du gain. Autant de considérations susceptibles de séduire les spectateurs français...
Le problème est qu'entre les scènes d'action (réussies) que j'ai signalées plus haut, on s'ennuie ferme. J'ai plusieurs fois regardé ma montre et esquissé un bâillement ou deux. Si la production d'un troisième épisode se confirme (ce qui est sous-entendu par la conclusion de l'intrigue), il va falloir resserrer tout ça.
23:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 22 octobre 2017
Blade Runner 2049
J'ai hésité avant de me décider à aller voir cette suite. C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'un de mes films-cultes est "retouché" (Ghost in the Shell) ou gratifié d'une suite. J'avais d'autant plus d'appréhension que c'est à Denis Villeneuve qu'on a confié la tâche délicate de succéder à Ridley Scott. Je trouve que ce réalisateur a beaucoup de talent, mais sa première incursion dans le genre de la science-fiction (Premier Contact) ne m'a pas convaincu.
Honnêtement, le boulot est bien fait. Villeneuve et son (abondante) équipe ont réussi à se couler dans l'univers graphique créé par Ridley Scott, en y apportant leur touche, qui se justifie d'autant plus que l'action se déroule des années après le premier film. Les séquences du début sont de toute beauté.
On peut y ajouter plusieurs références explicites à l’œuvre de l'auguste devancier. Le héros K (Ryan Gosling, très bon) rencontre une réplicante d'élite avec laquelle on sent que cela pourrait "accrocher" (comme entre Rachel et Deckard). Sur sa route, il croise une autre réplicante, une prostituée dont la tenue et le comportement ne sont pas sans évoquer Pris (interprétée par Daryl Hannah, dans le premier opus).
En fait, ce personnage a été dédoublé, donnant naissance aux deux femmes précédemment citées. Autre retour à l'écran, celui de l'ancien collègue de Deckard, le passionné d'origami, dans une courte scène correctement troussée. Et puis il y a cette autopsie numérique, dont la mise en scène rappelle les interrogatoires menés jadis par Deckard... interrogatoires dont on nous propose quelques extraits audio. La musique aussi est pleine de réminiscences "vangélisiennes". (Je suis d'ailleurs en train d'écouter le CD de la BO.) Un morceau du premier film est même repris note pour note, à la fin, dans une scène qui fait écho à l'un des plus beaux moments de l’œuvre de Ridley Scott
Villeneuve a quand même eu l'opportunité d'apposer sa patte, d'autant qu'il a pu s'appuyer sur un scénario bien charpenté. En clair : on a permis au créatif de s'exprimer, sans pour autant lui autoriser n'importe quoi. La meilleure trouvaille est peut-être cette assistante numérique qui fait office de femme au foyer. Au départ, son image est hyper-traditionnelle, misogyne même. Elle va se révéler très utile au héros et forme avec lui un couple inhabituel, furieusement romantique... qui n'est pas sans rappeler ce qu'on a vu dans Her.
C'est l'occasion d'évoquer la place des personnages féminins. Ils sont assez développés... et toujours incarnés par des femmes au physique très avantageux, dont on ne nous laisse guère ignorer de détails. C'est le côté "film de mecs" (hétérosexuels), avec nudité (au moins partielle) obligatoire pour certaines actrices, sans que cela se justifie pleinement. Dans le rôle de l'assistante numérique, il y a Ana de Armas (déjà vue dans War Dogs), qui arrive de temps à autre à sortir du statut de femme-objet :
Mais le personnage le plus marquant est celui de la "méchante" de l'histoire, Luv (Sylvia Hoeks, très convaincante, un peu dans le style de Sofia Boutella dans Kingsman), l'une des rares réplicantes de nouvelle génération à avoir reçu un nom.
C'est à la fois une rivale et une partenaire potentielle du héros, qui lui sauve la mise au cours d'une embuscade, à distance, à l'aide de drones commandés à la voix et au scanner rétinien. La séquence est bluffante. Soulignons aussi la bonne prestation de Robin Wright, la patronne de K, qui, à un moment, est tentée de se la jouer cougar avec son employé modèle. (Je trouve quand même un peu gros que toutes les femmes canons tombent sous le charme du héros ! On est au XXIe siècle, merde !)
Du côté masculin, force est de constater qu'on n'a pas laissé beaucoup d'espace autour de Ryan Gosling. Seul Harrison Ford parvient à exister. Jared Leto, sorte de milliardaire de la nouvelle économie qui se prend pour un nouveau Dieu tout-puissant, m'a laissé une impression médiocre. Et que dire des considérations pseudo-philosophiques, le pire survenant dans une scène putassière, qui voit Niander Wallace triturer son nouveau "produit". C'est inutilement grandiloquent et voyeuriste.
Quoi qu'il en soit, le meilleur atout de ce film est sans doute ses effets spéciaux. C'est à la fois beau et emballant du point de vue de la mise en scène. Les décors sont vraiment réussis, y compris dans des scènes plus anodines, comme celles qui se déroulent dans un orphelinat installé dans un ancien complexe industriel.
L'intrigue recèle quelques mystères, qu'un spectateur averti décryptera sans trop de problème. La première partie de l'histoire nous incite gentiment à croire quelque chose concernant le passé de K. Mais, pour qui sait voir et écouter, sa rencontre avec un personnage inattendu donne déjà les clés pour comprendre de quoi il retourne. Cela n'enlève rien au plaisir de la découverte de la suite. On attendait la rencontre K-Deckard avec impatience et Villeneuve ne déçoit pas : il la traite de manière surprenante... et en introduisant un troisième intervenant, du genre poilu sur quatre pattes (et qui aime le whisky !).
La dernière partie de l'intrigue reprend la trame policière, avec une séquence achment bien foutue dans l'eau, comme une réponse au combat du premier Blade Runner, qui s'achève sous la pluie. On se demande longtemps comment le scénariste a décidé de conclure l'histoire. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a matière à une suite...
PS
Sur le fond, ce film se démarque légèrement du premier, en tentant de le prolonger. Chez Ridley Scott (et Philip K Dick), c'est la capacité à aimer qui fait l'humain. Villeneuve ajoute la capacité à enfanter, qui semble prendre le dessus. Je trouve cela un peu restrictif... et pas forcément juste. (Cela ne distingue pas l'humain des autres mammifères.) La faculté de créer quelque chose et la conscience de soi me paraissent de meilleurs critères d'humanité.
18:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Blade Runner 2049
J'ai hésité avant de me décider à aller voir cette suite. C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'un de mes films-cultes est "retouché" (Ghost in the Shell) ou gratifié d'une suite. J'avais d'autant plus d'appréhension que c'est à Denis Villeneuve qu'on a confié la tâche délicate de succéder à Ridley Scott. Je trouve que ce réalisateur a beaucoup de talent, mais sa première incursion dans le genre de la science-fiction (Premier Contact) ne m'a pas convaincu.
Honnêtement, le boulot est bien fait. Villeneuve et son (abondante) équipe ont réussi à se couler dans l'univers graphique créé par Ridley Scott, en y apportant leur touche, qui se justifie d'autant plus que l'action se déroule des années après le premier film. Les séquences du début sont de toute beauté.
On peut y ajouter plusieurs références explicites à l’œuvre de l'auguste devancier. Le héros K (Ryan Gosling, très bon) rencontre une réplicante d'élite avec laquelle on sent que cela pourrait "accrocher" (comme entre Rachel et Deckard). Sur sa route, il croise une autre réplicante, une prostituée dont la tenue et le comportement ne sont pas sans évoquer Pris (interprétée par Daryl Hannah, dans le premier opus).
En fait, ce personnage a été dédoublé, donnant naissance aux deux femmes précédemment citées. Autre retour à l'écran, celui de l'ancien collègue de Deckard, le passionné d'origami, dans une courte scène correctement troussée. Et puis il y a cette autopsie numérique, dont la mise en scène rappelle les interrogatoires menés jadis par Deckard... interrogatoires dont on nous propose quelques extraits audio. La musique aussi est pleine de réminiscences "vangélisiennes". (Je suis d'ailleurs en train d'écouter le CD de la BO.) Un morceau du premier film est même repris note pour note, à la fin, dans une scène qui fait écho à l'un des plus beaux moments de l’œuvre de Ridley Scott
Villeneuve a quand même eu l'opportunité d'apposer sa patte, d'autant qu'il a pu s'appuyer sur un scénario bien charpenté. En clair : on a permis au créatif de s'exprimer, sans pour autant lui autoriser n'importe quoi. La meilleure trouvaille est peut-être cette assistante numérique qui fait office de femme au foyer. Au départ, son image est hyper-traditionnelle, misogyne même. Elle va se révéler très utile au héros et forme avec lui un couple inhabituel, furieusement romantique... qui n'est pas sans rappeler ce qu'on a vu dans Her.
C'est l'occasion d'évoquer la place des personnages féminins. Ils sont assez développés... et toujours incarnés par des femmes au physique très avantageux, dont on ne nous laisse guère ignorer de détails. C'est le côté "film de mecs" (hétérosexuels), avec nudité (au moins partielle) obligatoire pour certaines actrices, sans que cela se justifie pleinement. Dans le rôle de l'assistante numérique, il y a Ana de Armas (déjà vue dans War Dogs), qui arrive de temps à autre à sortir du statut de femme-objet :
Mais le personnage le plus marquant est celui de la "méchante" de l'histoire, Luv (Sylvia Hoeks, très convaincante, un peu dans le style de Sofia Boutella dans Kingsman), l'une des rares réplicantes de nouvelle génération à avoir reçu un nom.
C'est à la fois une rivale et une partenaire potentielle du héros, qui lui sauve la mise au cours d'une embuscade, à distance, à l'aide de drones commandés à la voix et au scanner rétinien. La séquence est bluffante. Soulignons aussi la bonne prestation de Robin Wright, la patronne de K, qui, à un moment, est tentée de se la jouer cougar avec son employé modèle. (Je trouve quand même un peu gros que toutes les femmes canons tombent sous le charme du héros ! On est au XXIe siècle, merde !)
Du côté masculin, force est de constater qu'on n'a pas laissé beaucoup d'espace autour de Ryan Gosling. Seul Harrison Ford parvient à exister. Jared Leto, sorte de milliardaire de la nouvelle économie qui se prend pour un nouveau Dieu tout-puissant, m'a laissé une impression médiocre. Et que dire des considérations pseudo-philosophiques, le pire survenant dans une scène putassière, qui voit Niander Wallace triturer son nouveau "produit". C'est inutilement grandiloquent et voyeuriste.
Quoi qu'il en soit, le meilleur atout de ce film est sans doute ses effets spéciaux. C'est à la fois beau et emballant du point de vue de la mise en scène. Les décors sont vraiment réussis, y compris dans des scènes plus anodines, comme celles qui se déroulent dans un orphelinat installé dans un ancien complexe industriel.
L'intrigue recèle quelques mystères, qu'un spectateur averti décryptera sans trop de problème. La première partie de l'histoire nous incite gentiment à croire quelque chose concernant le passé de K. Mais, pour qui sait voir et écouter, sa rencontre avec un personnage inattendu donne déjà les clés pour comprendre de quoi il retourne. Cela n'enlève rien au plaisir de la découverte de la suite. On attendait la rencontre K-Deckard avec impatience et Villeneuve ne déçoit pas : il la traite de manière surprenante... et en introduisant un troisième intervenant, du genre poilu sur quatre pattes (et qui aime le whisky !).
La dernière partie de l'intrigue reprend la trame policière, avec une séquence achment bien foutue dans l'eau, comme une réponse au combat du premier Blade Runner, qui s'achève sous la pluie. On se demande longtemps comment le scénariste a décidé de conclure l'histoire. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a matière à une suite...
PS
Sur le fond, ce film se démarque légèrement du premier, en tentant de le prolonger. Chez Ridley Scott (et Philip K Dick), c'est la capacité à aimer qui fait l'humain. Villeneuve ajoute la capacité à enfanter, qui semble prendre le dessus. Je trouve cela un peu restrictif... et pas forcément juste. (Cela ne distingue pas l'humain des autres mammifères.) La faculté de créer quelque chose et la conscience de soi me paraissent de meilleurs critères d'humanité.
18:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 21 octobre 2017
Une Famille syrienne
C'est à Beyrouth (dans le Liban voisin) qu'a été tournée cette fiction ayant pour cadre une ville syrienne touchée par la guerre. Ce pourrait être Alep, dans le nord-ouest du pays. Néanmoins, on ne saura pas à quelle communauté sont censés appartenir les héros : sont-ils chrétiens, chiites ou sunnites ? A observer le grand-père (qui manipule son chapelet musulman à côté de sa bibliothèque) et sa (belle-) fille (attentive à la pudeur mais ne portant pas le voile) on se dit qu'on a affaire à des sunnites modérés.
C'est sans doute une famille de la bourgeoisie alépine, qui possède un grand appartement en ville. Celui-ci sert de refuge à trois générations : le grand-père, le couple (dont on ne voit que l'épouse), leurs deux filles et un fils. S'ajoutent des voisins (deux jeunes adultes et leur bébé), le fils d'amis de la famille (qui en pince pour l'une des filles de l'héroïne) et l'employée de maison.
Cela nous donne un excellent huis-clos, tendu presque du début à la fin, où il est d'abord question de survie, mais aussi d'amour, d'honnêteté... et d'hygiène.
L'appartement en lui-même est un personnage de l'histoire. Le principal meuble est... la porte d'entrée, barricadée comme si ses occupants étaient paranoïaques. Mais, quand on a ne serait-ce qu'un aperçu de ce qu'il se passe à l'extérieur, on trouve cette barricade encore trop fragile...
A l'opposé, les fenêtres sont masquées par des rideaux occultants, le balcon étant protégé par une sorte de moucharabieh, le tout permettant de voir sans être vu. Situé au deuxième étage de l'immeuble, l'appartement semble relativement protégé d'une intrusion venue de la rue.
Le début est empreint de douceur, celle d'un matin calme. On nous fait découvrir les principaux protagonistes. J'ai été particulièrement touché par le jeune couple, en particulier la femme, une blonde incarnée par Diamand Bou Abboud (la révélation du film, pour moi). Vu les vêtements qu'elle porte, il est possible qu'on veuille sous-entendre que cette arabophone est d'origine russe. Clin d'oeil du réalisateur : dans la chambre qu'elle occupe avec son compagnon et leur bébé, les spectateurs attentifs remarqueront la présence d'une affiche (en russe) célébrant le cosmonaute Youri Gagarine. Comme c'est l'une des chambres de la famille qui les accueille, on peut présumer qu'elle révèle qu'un de ses membres a été communiste ou sympathisant, du temps où le pays, gouverné par Hafez el-Assad (le père de Bachar), était dans le camp soviétique.
C'est dire le soin qui a été apporté aux détails, dans ce petit film où l'ingéniosité compense largement la modestie des moyens.
Mais le personnage principal est une autre femme, l'épouse du combattant qu'on ne voit jamais, la mère des deux filles et du garçon, Oum Yazan. Elle a les traits de Hiam Abbass, une formidable actrice israélienne qu'on a pu voir il y a deux ans dans Dégradé. Faute de mari à la maison, elle devient la patronne, régissant la vie des occupants, ne reconnaissant que l'autorité morale du grand-père et pourrissant, si besoin est, le quotidien des enfants et de la bonne, si elle estime que leur comportement met en danger la survie du groupe.
C'est aussi une obsédée de la propreté, une gageure dans un contexte de pénurie d'eau. Cela nous vaut quelques moments cocasses quand il est question d'assouvir des besoins naturels. Passer derrière le grand-père n'est visiblement pas une partie de plaisir...
Ces pointes d'humour ne doivent pas faire oublier le drame dans lequel baigne l'histoire. Un événement traumatisant, survenu au début du film, va changer le comportement de certains personnages, qui vont tenter de garder un secret. Vers la fin du deuxième tiers, un nouvel événement traumatisant, d'un autre genre, fait basculer l'intrigue et va inciter certains personnages à tenter une sortie.
Je me garderai bien de révéler la fin, mais je peux vous dire que je suis sorti de là assez secoué.
PS
Le réalisateur, Philippe Van Leeuw, semble sensible à la cause des femmes. Il a, entre autres, été chef opérateur de Claire Denis sur le tournage des Bureaux de Dieu, il y a un peu moins de dix ans.
22:43 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Une Famille syrienne
C'est à Beyrouth (dans le Liban voisin) qu'a été tournée cette fiction ayant pour cadre une ville syrienne touchée par la guerre. Ce pourrait être Alep, dans le nord-ouest du pays. Néanmoins, on ne saura pas à quelle communauté sont censés appartenir les héros : sont-ils chrétiens, chiites ou sunnites ? A observer le grand-père (qui manipule son chapelet musulman à côté de sa bibliothèque) et sa (belle-) fille (attentive à la pudeur mais ne portant pas le voile) on se dit qu'on a affaire à des sunnites modérés.
C'est sans doute une famille de la bourgeoisie alépine, qui possède un grand appartement en ville. Celui-ci sert de refuge à trois générations : le grand-père, le couple (dont on ne voit que l'épouse), leurs deux filles et un fils. S'ajoutent des voisins (deux jeunes adultes et leur bébé), le fils d'amis de la famille (qui en pince pour l'une des filles de l'héroïne) et l'employée de maison.
Cela nous donne un excellent huis-clos, tendu presque du début à la fin, où il est d'abord question de survie, mais aussi d'amour, d'honnêteté... et d'hygiène.
L'appartement en lui-même est un personnage de l'histoire. Le principal meuble est... la porte d'entrée, barricadée comme si ses occupants étaient paranoïaques. Mais, quand on a ne serait-ce qu'un aperçu de ce qu'il se passe à l'extérieur, on trouve cette barricade encore trop fragile...
A l'opposé, les fenêtres sont masquées par des rideaux occultants, le balcon étant protégé par une sorte de moucharabieh, le tout permettant de voir sans être vu. Situé au deuxième étage de l'immeuble, l'appartement semble relativement protégé d'une intrusion venue de la rue.
Le début est empreint de douceur, celle d'un matin calme. On nous fait découvrir les principaux protagonistes. J'ai été particulièrement touché par le jeune couple, en particulier la femme, une blonde incarnée par Diamand Bou Abboud (la révélation du film, pour moi). Vu les vêtements qu'elle porte, il est possible qu'on veuille sous-entendre que cette arabophone est d'origine russe. Clin d'oeil du réalisateur : dans la chambre qu'elle occupe avec son compagnon et leur bébé, les spectateurs attentifs remarqueront la présence d'une affiche (en russe) célébrant le cosmonaute Youri Gagarine. Comme c'est l'une des chambres de la famille qui les accueille, on peut présumer qu'elle révèle qu'un de ses membres a été communiste ou sympathisant, du temps où le pays, gouverné par Hafez el-Assad (le père de Bachar), était dans le camp soviétique.
C'est dire le soin qui a été apporté aux détails, dans ce petit film où l'ingéniosité compense largement la modestie des moyens.
Mais le personnage principal est une autre femme, l'épouse du combattant qu'on ne voit jamais, la mère des deux filles et du garçon, Oum Yazan. Elle a les traits de Hiam Abbass, une formidable actrice israélienne qu'on a pu voir il y a deux ans dans Dégradé. Faute de mari à la maison, elle devient la patronne, régissant la vie des occupants, ne reconnaissant que l'autorité morale du grand-père et pourrissant, si besoin est, le quotidien des enfants et de la bonne, si elle estime que leur comportement met en danger la survie du groupe.
C'est aussi une obsédée de la propreté, une gageure dans un contexte de pénurie d'eau. Cela nous vaut quelques moments cocasses quand il est question d'assouvir des besoins naturels. Passer derrière le grand-père n'est visiblement pas une partie de plaisir...
Ces pointes d'humour ne doivent pas faire oublier le drame dans lequel baigne l'histoire. Un événement traumatisant, survenu au début du film, va changer le comportement de certains personnages, qui vont tenter de garder un secret. Vers la fin du deuxième tiers, un nouvel événement traumatisant, d'un autre genre, fait basculer l'intrigue et va inciter certains personnages à tenter une sortie.
Je me garderai bien de révéler la fin, mais je peux vous dire que je suis sorti de là assez secoué.
PS
Le réalisateur, Philippe Van Leeuw, semble sensible à la cause des femmes. Il a, entre autres, été chef opérateur de Claire Denis sur le tournage des Bureaux de Dieu, il y a un peu moins de dix ans.
22:43 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
The Square
Cela fait déjà un paquet d'années que je ne me rue plus avec gourmandise sur la palme d'or de l'année à Cannes. Le "Carré" primé en 2017 est à sens multiple. C'est bien entendu une figure géométrique qui, par certains aspects, peut exprimer la perfection ou l'égalité (moins que le cercle toutefois). C'est aussi, pour le réalisateur suédois, une allusion aux gated communities, ces quartiers fermés (urbains) qui sont apparus dans son pays après tant d'autres. Enfin, dans le film, c'est le titre d'une exposition d'art contemporain qui va susciter la polémique... et bouleverser la vie de certains personnages.
Le héros Christian (Claes Bang, impeccable) est presque une caricature de bobo. Conservateur du musée royal, il a de l'allant : très sûr de lui, plutôt bel homme, le style savamment négligé (barbe de trois jours, chemise avec deux boutons défaits... mais costume de prix et chaussures chics), il est présenté comme un type à la fois brillant et un peu puant. Au fur et à mesure que l'intrigue évolue, ses défauts ressortent.
Un incident qui se produit dans la rue, au début, va prendre des proportions insoupçonnées, sans doute à cause d'un pickpocket. Cela va notamment conduire Christian dans un quartier populaire, dont les habitants sont les anonymes de l'histoire (et de la vie publique en Suède, selon le réalisateur).
Le héros nous est aussi montré en Don Juan, un dragueur en vérité assez pathétique, pour qui le sexe est une sorte de gymnastique. Mais, lors de la scène de copulation, le meilleur arrive à la fin (après son orgasme à lui... mais pas celui de sa partenaire). Je ne dirai rien ici, mais sachez que la scène prend un tour boulevardier inattendu et fort plaisant. C'est dû aussi à la composition d'Elisabeth Moss (vue récemment dans Truth, l'étonnant Outsider et High Rise). Son personnage n'est pas particulièrement gâté par le début de cette scène, mais elle est délicatement resplendissante lors de sa rencontre avec le conservateur, une scène là encore piquante, puisqu'elle voit la jeune femme questionner Christian sur des propos abscons qu'il a tenus naguère et que lui-même peine à clairement expliquer. Il y a donc de la satire dans ce film, mais à la scandinave, de manière subreptice... et "à froid". (Je fais partie de ceux qui ont particulièrement goûté les conséquences de l'action d'un homme de ménage sur l'un des "dispositifs" de l'exposition, un de ces exemples de création prétentieuse et vide.)
Le tout est mis en scène de manière brillante. Les plans sont très bien construits. Chaque chose, chaque personne est à sa place. C'est aussi très bien éclairé. Comme le film est long (et le rythme peu soutenu), je me suis parfois amusé à rechercher des défauts dans certains plans. Franchement, tout est nickel... et c'est parfois brillant, comme ces vues de l'intérieur de l'appartement du conservateur, quand on finit par comprendre que l'on ne voit que le reflet de la scène sur une paroi vitrée... interne ! C'est d'un chic !
Le film a donc un aspect conceptuel. Au premier degré, il dénonce l'inadéquation entre les propos généreux tenus par les bobos suédois et leur mode de vie, qui évite soigneusement tout contact avec les pauvres, voire les instrumentalise, comme dans la campagne de publicité provocatrice ou comme lorsque Christian, à la recherche de ses filles perdues dans le centre commercial, redécouvre l'existence du mendiant qu'il avait auparavant rembarré... Certains de ces bobos ont d'ailleurs mauvaise conscience, puisqu'ils répugnent à exclure d'une conférence de presse un homme atteint du syndrome Gilles de La Tourette, alors qu'il leur pourrit la vie, certes involontairement. (En poussant l'analyse très loin, on pourrait affirmer aussi que leur mauvaise conscience les pousse à accepter l'inacceptable, sorte de préfiguration de la séquence-choc ultérieure.)
Au second degré, il me semble que le film tente d'illustrer certains des propos artistiques tenus par les personnages. Le tout début est une sorte de mise en abyme, avec cet ouvrier qui construit le carré de pavés qui va symboliser l'exposition dont il est exclu (alors que le carré est sensé être inclusif). Je pense aussi au questionnement concernant l’œuvre d'art, au surgissement incongru d'un objet (ou d'une personne, considérée comme un objet...) dans un lieu.
C'est dans cette optique qu'il faut considérer la "performance" de l'homme-singe (incarné par Terry Notary, qui fut Alpha, dans La Planète des singes : les origines, et Rocket dans les suites, L'Affrontement et Suprématie). A la base, il s'agit d'une création artistique, en liaison avec le thème de l'exposition, puisque cet homme incongru pénètre dans le "carré VIP" des bobos invités à l'inauguration. Pour les spectateurs attentifs, c'est le signe que quelque chose de sexuel (et lié au pouvoir) va se passer, comme la dernière fois qu'on a vu un gorille à l'écran (chez Anne). Je ne vais pas aller plus loin, mais le dérapage dans le dérapage est chargé sur le plan métaphorique : c'est l'expression de la revanche des riches, face à la peur que leur a inspirée le pauvre. Mais la séquence instille le malaise, en raison de son ambiguïté : qu'est-ce que le réalisateur est réellement en train de filmer ? Peter Greenaway et le Festen de Thomas Vinterberg ne sont pas loin.
Le film aurait dû s'arrêter là, au bout de deux heures. Malheureusement, on nous a rajouté un épilogue d'une vingtaine de minutes qui prend la forme d'un horrible prêchi-prêcha moralisateur... et d'une rédemption de l'un des personnages. C'est lourdingue et inutile. Cela n'enlève rien aux qualités qui précèdent, mais, du coup, je suis sorti de là moins enthousiaste que prévu.
11:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
The Square
Cela fait déjà un paquet d'années que je ne me rue plus avec gourmandise sur la palme d'or de l'année à Cannes. Le "Carré" primé en 2017 est à sens multiple. C'est bien entendu une figure géométrique qui, par certains aspects, peut exprimer la perfection ou l'égalité (moins que le cercle toutefois). C'est aussi, pour le réalisateur suédois, une allusion aux gated communities, ces quartiers fermés (urbains) qui sont apparus dans son pays après tant d'autres. Enfin, dans le film, c'est le titre d'une exposition d'art contemporain qui va susciter la polémique... et bouleverser la vie de certains personnages.
Le héros Christian (Claes Bang, impeccable) est presque une caricature de bobo. Conservateur du musée royal, il a de l'allant : très sûr de lui, plutôt bel homme, le style savamment négligé (barbe de trois jours, chemise avec deux boutons défaits... mais costume de prix et chaussures chics), il est présenté comme un type à la fois brillant et un peu puant. Au fur et à mesure que l'intrigue évolue, ses défauts ressortent.
Un incident qui se produit dans la rue, au début, va prendre des proportions insoupçonnées, sans doute à cause d'un pickpocket. Cela va notamment conduire Christian dans un quartier populaire, dont les habitants sont les anonymes de l'histoire (et de la vie publique en Suède, selon le réalisateur).
Le héros nous est aussi montré en Don Juan, un dragueur en vérité assez pathétique, pour qui le sexe est une sorte de gymnastique. Mais, lors de la scène de copulation, le meilleur arrive à la fin (après son orgasme à lui... mais pas celui de sa partenaire). Je ne dirai rien ici, mais sachez que la scène prend un tour boulevardier inattendu et fort plaisant. C'est dû aussi à la composition d'Elisabeth Moss (vue récemment dans Truth, l'étonnant Outsider et High Rise). Son personnage n'est pas particulièrement gâté par le début de cette scène, mais elle est délicatement resplendissante lors de sa rencontre avec le conservateur, une scène là encore piquante, puisqu'elle voit la jeune femme questionner Christian sur des propos abscons qu'il a tenus naguère et que lui-même peine à clairement expliquer. Il y a donc de la satire dans ce film, mais à la scandinave, de manière subreptice... et "à froid". (Je fais partie de ceux qui ont particulièrement goûté les conséquences de l'action d'un homme de ménage sur l'un des "dispositifs" de l'exposition, un de ces exemples de création prétentieuse et vide.)
Le tout est mis en scène de manière brillante. Les plans sont très bien construits. Chaque chose, chaque personne est à sa place. C'est aussi très bien éclairé. Comme le film est long (et le rythme peu soutenu), je me suis parfois amusé à rechercher des défauts dans certains plans. Franchement, tout est nickel... et c'est parfois brillant, comme ces vues de l'intérieur de l'appartement du conservateur, quand on finit par comprendre que l'on ne voit que le reflet de la scène sur une paroi vitrée... interne ! C'est d'un chic !
Le film a donc un aspect conceptuel. Au premier degré, il dénonce l'inadéquation entre les propos généreux tenus par les bobos suédois et leur mode de vie, qui évite soigneusement tout contact avec les pauvres, voire les instrumentalise, comme dans la campagne de publicité provocatrice ou comme lorsque Christian, à la recherche de ses filles perdues dans le centre commercial, redécouvre l'existence du mendiant qu'il avait auparavant rembarré... Certains de ces bobos ont d'ailleurs mauvaise conscience, puisqu'ils répugnent à exclure d'une conférence de presse un homme atteint du syndrome Gilles de La Tourette, alors qu'il leur pourrit la vie, certes involontairement. (En poussant l'analyse très loin, on pourrait affirmer aussi que leur mauvaise conscience les pousse à accepter l'inacceptable, sorte de préfiguration de la séquence-choc ultérieure.)
Au second degré, il me semble que le film tente d'illustrer certains des propos artistiques tenus par les personnages. Le tout début est une sorte de mise en abyme, avec cet ouvrier qui construit le carré de pavés qui va symboliser l'exposition dont il est exclu (alors que le carré est sensé être inclusif). Je pense aussi au questionnement concernant l’œuvre d'art, au surgissement incongru d'un objet (ou d'une personne, considérée comme un objet...) dans un lieu.
C'est dans cette optique qu'il faut considérer la "performance" de l'homme-singe (incarné par Terry Notary, qui fut Alpha, dans La Planète des singes : les origines, et Rocket dans les suites, L'Affrontement et Suprématie). A la base, il s'agit d'une création artistique, en liaison avec le thème de l'exposition, puisque cet homme incongru pénètre dans le "carré VIP" des bobos invités à l'inauguration. Pour les spectateurs attentifs, c'est le signe que quelque chose de sexuel (et lié au pouvoir) va se passer, comme la dernière fois qu'on a vu un gorille à l'écran (chez Anne). Je ne vais pas aller plus loin, mais le dérapage dans le dérapage est chargé sur le plan métaphorique : c'est l'expression de la revanche des riches, face à la peur que leur a inspirée le pauvre. Mais la séquence instille le malaise, en raison de son ambiguïté : qu'est-ce que le réalisateur est réellement en train de filmer ? Peter Greenaway et le Festen de Thomas Vinterberg ne sont pas loin.
Le film aurait dû s'arrêter là, au bout de deux heures. Malheureusement, on nous a rajouté un épilogue d'une vingtaine de minutes qui prend la forme d'un horrible prêchi-prêcha moralisateur... et d'une rédemption de l'un des personnages. C'est lourdingue et inutile. Cela n'enlève rien aux qualités qui précèdent, mais, du coup, je suis sorti de là moins enthousiaste que prévu.
11:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 18 octobre 2017
Le Sens de la fête
L'année 2017 aura été un grand cru pour Jean-Pierre Bacri : avant d'interpréter Max, l'organisateur de mariages festifs, il a incarné (avec talent) l'un des croque-mort de Grand froid. C'est donc pour moi l'occasion de retrouver celui que j'ai considéré, à une époque, comme mon alter ego cinématographique, quand il se glissait dans la peau du râleur désabusé, prompt à se lancer dans d'improbables tirades, sous les yeux d'un entourage tendrement amusé ou agacé.
Il m'a quand même fallu quelques minutes pour me réhabituer à ce nouveau Bacri, amaigri (certains diront svelte), vieilli et peut-être aussi sortant de maladie. On est malgré tout rapidement pris dans les mailles du filet de cette comédie très écrite. Le duo Nakache-Toledano (auquel on doit Intouchables) a soigné les dialogues, il est vrai servis par des acteurs formidables. Outre Bacri, on remarque les performances de Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve (qui nous la joue un peu Jean-Claude Dusse), Eye Haidara, Hélène Vincent... et Benjamin Lavernhe (vu l'an dernier dans L'Odyssée), une révélation dans le rôle de Pierre, le mari... un connard de première ! C'est du niveau de ce que pourrait faire un Laurent Lafitte, c'est dire !
Si le film n'innove pas au niveau de la mise en scène, il s'inspire de recettes qui ont fait leurs preuves, oscillant entre le rythme trépidant d'un Birdman (avec plusieurs plans-séquences à la clé) et la satire un brin misanthrope de La photo de mariage de Jean-Marie Bigard. Le plus étonnant est que cet attelage acrobatique fonctionne ! Dès le début, j'ai marché à ces détails cocasses, comme la voiture du héros. J'ai souri à cette peinture des travers, des faiblesses voire des ridicules de nos contemporains. C'est juste sans être méchant. Bacri lui-même n'en fait pas trop, se révélant parfois touchant.
Évidemment, le repas de mariage ne va pas se dérouler comme prévu. Je dois dire que la succession de contretemps est assez inattendue, avec quelques facilités parfois (comme les gags récurrents). Particulièrement croustillante est la découverte de la cause d'un incident de cuisine...
L'action culmine dans le dernier tiers de l'histoire, avec une séquence au départ grand-guignolesque (avec le mari mégalomane), qui se révèle finalement poétique. Bacri/Max jusque-là plutôt pince-sans-rire finit par se lâcher (façon Bigard dans le sketch). Mais, même quand on est au fond du trou, une lueur peut surgir et (presque) tout rattraper. C'est un autre point fort de cette histoire que d'ouvrir de nouvelles portes là où l'on pensait que l'intrigue était conclue.
La salle où je me trouvais était bien garnie et le public a beaucoup ri. J'ai passé un très bon moment.
23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Le Sens de la fête
L'année 2017 aura été un grand cru pour Jean-Pierre Bacri : avant d'interpréter Max, l'organisateur de mariages festifs, il a incarné (avec talent) l'un des croque-mort de Grand froid. C'est donc pour moi l'occasion de retrouver celui que j'ai considéré, à une époque, comme mon alter ego cinématographique, quand il se glissait dans la peau du râleur désabusé, prompt à se lancer dans d'improbables tirades, sous les yeux d'un entourage tendrement amusé ou agacé.
Il m'a quand même fallu quelques minutes pour me réhabituer à ce nouveau Bacri, amaigri (certains diront svelte), vieilli et peut-être aussi sortant de maladie. On est malgré tout rapidement pris dans les mailles du filet de cette comédie très écrite. Le duo Nakache-Toledano (auquel on doit Intouchables) a soigné les dialogues, il est vrai servis par des acteurs formidables. Outre Bacri, on remarque les performances de Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve (qui nous la joue un peu Jean-Claude Dusse), Eye Haidara, Hélène Vincent... et Benjamin Lavernhe (vu l'an dernier dans L'Odyssée), une révélation dans le rôle de Pierre, le mari... un connard de première ! C'est du niveau de ce que pourrait faire un Laurent Lafitte, c'est dire !
Si le film n'innove pas au niveau de la mise en scène, il s'inspire de recettes qui ont fait leurs preuves, oscillant entre le rythme trépidant d'un Birdman (avec plusieurs plans-séquences à la clé) et la satire un brin misanthrope de La photo de mariage de Jean-Marie Bigard. Le plus étonnant est que cet attelage acrobatique fonctionne ! Dès le début, j'ai marché à ces détails cocasses, comme la voiture du héros. J'ai souri à cette peinture des travers, des faiblesses voire des ridicules de nos contemporains. C'est juste sans être méchant. Bacri lui-même n'en fait pas trop, se révélant parfois touchant.
Évidemment, le repas de mariage ne va pas se dérouler comme prévu. Je dois dire que la succession de contretemps est assez inattendue, avec quelques facilités parfois (comme les gags récurrents). Particulièrement croustillante est la découverte de la cause d'un incident de cuisine...
L'action culmine dans le dernier tiers de l'histoire, avec une séquence au départ grand-guignolesque (avec le mari mégalomane), qui se révèle finalement poétique. Bacri/Max jusque-là plutôt pince-sans-rire finit par se lâcher (façon Bigard dans le sketch). Mais, même quand on est au fond du trou, une lueur peut surgir et (presque) tout rattraper. C'est un autre point fort de cette histoire que d'ouvrir de nouvelles portes là où l'on pensait que l'intrigue était conclue.
La salle où je me trouvais était bien garnie et le public a beaucoup ri. J'ai passé un très bon moment.
23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 16 octobre 2017
La Passion Van Gogh
C'est à une coproduction anglo-polonaise que l'on doit cet hommage à l'un des peintres les plus imaginatifs de tous les temps. Au lieu de se contenter d'un biopic poussiéreux, les auteurs nous proposent une enquête picturale, qui voit l'une des connaissances de Van Gogh chercher à transmettre une lettre, avant d'enquêter sur la mort du peintre, sur laquelle plane un mystère.
Techniquement, on a utilisé la rotoscopie, déjà à l’œuvre dans A Scanner darkly, Valse avec Bachir ou encore Aloïs Nebel. A l'écran, les décalques des acteurs se meuvent dans les oeuvres du peintre, soudain mises en mouvement. On a notamment beaucoup puisé dans la période arlésienne, ainsi que dans son séjour à Auvers-sur-Oise.
Au début, il faut s'accrocher un peu, pour s'habituer au procédé et à la conception de l'intrigue. Notre guide est un personnage réel, Armand Roulin, qui a été peint par Van Gogh :
Dans ses pas, on découvre plusieurs des lieux visités par le peintre, à commencer par le fascinant café nocturne, où l'on va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur :
Parmi ceux qui m'ont marqué, dont on voit les traits fixes soudain s'animer, je peux citer le soldat zouave ou encore Paul-Eugène Milliet :
A partir de là, le héros-enquêteur va aller à la rencontre des logeurs de Van Gogh, notamment la patronne d'un bar et la fille du docteur Gachet, ce dernier finissant par apparaître à l'écran, sous les traits de Jerome Flynn :
Cette juxtaposition de l’œuvre d'origine et de sa transposition cinématographique est très représentative du talent mis en œuvre dans cette fiction picturale, particulièrement réussie au niveau des portraits. On pense évidemment à ceux que Van Gogh a faits de lui-même, spécialement à ceux qui le montrent avec l'oreille coupée (droite sur les tableaux peints en miroir, gauche dans la réalité). Mais le plus beau (pour moi) est sans conteste celui qui le montre portant un chapeau et que l'on voit s'animer sous l'effet de coups de pinceau numériques :
On comprend pourquoi l'on considère Van Gogh comme un précurseur du fauvisme. Cela nous conduit tout naturellement aux paysages peints par l'artiste. Les champs de Provence sont superbement emballés de couleurs chaudes, tandis que les scènes nocturnes prennent un relief particulier quand les lumières s'animent :
Je recommande aussi la scène qui montre l'une des chambres où a logé Van Gogh, avec une flamme d'huile (numérique) qui vacille et fait danser les ombres de la pièce.
C'est une œuvre extraordinaire, à voir a-bso-lu-ment !
PS
En complément, je conseille la lecture du numéro 1 de la nouvelle collection "Le Musée idéal", publiée par Le Monde en partenariat avec Géo :
19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, peinture, culture
La Passion Van Gogh
C'est à une coproduction anglo-polonaise que l'on doit cet hommage à l'un des peintres les plus imaginatifs de tous les temps. Au lieu de se contenter d'un biopic poussiéreux, les auteurs nous proposent une enquête picturale, qui voit l'une des connaissances de Van Gogh chercher à transmettre une lettre, avant d'enquêter sur la mort du peintre, sur laquelle plane un mystère.
Techniquement, on a utilisé la rotoscopie, déjà à l’œuvre dans A Scanner darkly, Valse avec Bachir ou encore Aloïs Nebel. A l'écran, les décalques des acteurs se meuvent dans les oeuvres du peintre, soudain mises en mouvement. On a notamment beaucoup puisé dans la période arlésienne, ainsi que dans son séjour à Auvers-sur-Oise.
Au début, il faut s'accrocher un peu, pour s'habituer au procédé et à la conception de l'intrigue. Notre guide est un personnage réel, Armand Roulin, qui a été peint par Van Gogh :
Dans ses pas, on découvre plusieurs des lieux visités par le peintre, à commencer par le fascinant café nocturne, où l'on va rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur :
Parmi ceux qui m'ont marqué, dont on voit les traits fixes soudain s'animer, je peux citer le soldat zouave ou encore Paul-Eugène Milliet :
A partir de là, le héros-enquêteur va aller à la rencontre des logeurs de Van Gogh, notamment la patronne d'un bar et la fille du docteur Gachet, ce dernier finissant par apparaître à l'écran, sous les traits de Jerome Flynn :
Cette juxtaposition de l’œuvre d'origine et de sa transposition cinématographique est très représentative du talent mis en œuvre dans cette fiction picturale, particulièrement réussie au niveau des portraits. On pense évidemment à ceux que Van Gogh a faits de lui-même, spécialement à ceux qui le montrent avec l'oreille coupée (droite sur les tableaux peints en miroir, gauche dans la réalité). Mais le plus beau (pour moi) est sans conteste celui qui le montre portant un chapeau et que l'on voit s'animer sous l'effet de coups de pinceau numériques :
On comprend pourquoi l'on considère Van Gogh comme un précurseur du fauvisme. Cela nous conduit tout naturellement aux paysages peints par l'artiste. Les champs de Provence sont superbement emballés de couleurs chaudes, tandis que les scènes nocturnes prennent un relief particulier quand les lumières s'animent :
Je recommande aussi la scène qui montre l'une des chambres où a logé Van Gogh, avec une flamme d'huile (numérique) qui vacille et fait danser les ombres de la pièce.
C'est une œuvre extraordinaire, à voir a-bso-lu-ment !
PS
En complément, je conseille la lecture du numéro 1 de la nouvelle collection "Le Musée idéal", publiée par Le Monde en partenariat avec Géo :
19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, art, peinture, culture
lundi, 09 octobre 2017
Le Jeune Karl Marx
Méfiez-vous des programmes de présentation : ce film n'est diffusé que dans une seule version, multilingue, puisqu'on y parle (principalement) allemand, (sinon) français et (occasionnellement) anglais. C'est lié à la distribution (internationale) et aux péripéties de la vie du jeune Karl Marx, qui a vadrouillé entre Prusse (rhénane), France, Belgique et Royaume-Uni.
Il est incarné par un très bon acteur allemand, August Diehl, qu'on a récemment pu voir dans En mai, fais ce qu'il te plaît et Diamant noir. Je suis moins convaincu par Stefan Konarske en Friedrich Engels, un rôle certes difficile, puisque c'est un fils à papa qui va se révéler très sensible à la cause ouvrière.
Le film mérite aussi le détour pour les interprètes féminines, en particulier Vicky Krieps (vue dans Colonia) en Jenny Marx et Hannah Steele en Mary Burns, la compagne d'Engels. Subrepticement, le film montre que nos esprits (masculins) rebelles ont encore du chemin à faire, puisque, dans leurs rapports aux femmes, ils se révèlent des mecs comme les autres... et encore, le film n'ose suggérer que Marx a engrossé la bonne de la famille, comme n'importe quel bourgeois phallocrate !
La fin des années 1840, sur laquelle se concentre le film, est celle des révélations pour le duo Marx-Engels, qui va se constituer et, au contact l'un de l'autre, affiner sa pensée. Ils vont notamment se démarquer de Proudhon (Olivier Gourmet, excellent) et de Bakounine, tout en récupérant le mouvement socialiste prophétique anglais. Pour que le tableau soit complet, il nous manque les "socialistes utopiques" (sans doute caricaturés par la catégorie précédente), qui ont hélas été oubliés dans l'histoire de la gauche contestataire, alors que les doctrinaires souvent sectaires tiennent encore aujourd'hui le haut du pavé.
Quant à la classe ouvrière, elle fait l'objet d'assez peu d'attention dans le film. Le début est chargé de nous montrer la difficile condition des employées du textile, mais, à l'image du personnage d'Engels, le réalisateur et le scénariste n'en ont qu'une connaissance externe, limite intellectualisée. Du coup, le film perd beaucoup en force, d'autant plus qu'il manque de rythme. Cela m'a un peu fait l'impression d'une collection de vignettes, plutôt destinée à des intellos. Le capitalisme sans foi ni loi a encore de beaux jours devant lui, vu la maladresse de ceux qui le critiquent...
21:36 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Le Jeune Karl Marx
Méfiez-vous des programmes de présentation : ce film n'est diffusé que dans une seule version, multilingue, puisqu'on y parle (principalement) allemand, (sinon) français et (occasionnellement) anglais. C'est lié à la distribution (internationale) et aux péripéties de la vie du jeune Karl Marx, qui a vadrouillé entre Prusse (rhénane), France, Belgique et Royaume-Uni.
Il est incarné par un très bon acteur allemand, August Diehl, qu'on a récemment pu voir dans En mai, fais ce qu'il te plaît et Diamant noir. Je suis moins convaincu par Stefan Konarske en Friedrich Engels, un rôle certes difficile, puisque c'est un fils à papa qui va se révéler très sensible à la cause ouvrière.
Le film mérite aussi le détour pour les interprètes féminines, en particulier Vicky Krieps (vue dans Colonia) en Jenny Marx et Hannah Steele en Mary Burns, la compagne d'Engels. Subrepticement, le film montre que nos esprits (masculins) rebelles ont encore du chemin à faire, puisque, dans leurs rapports aux femmes, ils se révèlent des mecs comme les autres... et encore, le film n'ose suggérer que Marx a engrossé la bonne de la famille, comme n'importe quel bourgeois phallocrate !
La fin des années 1840, sur laquelle se concentre le film, est celle des révélations pour le duo Marx-Engels, qui va se constituer et, au contact l'un de l'autre, affiner sa pensée. Ils vont notamment se démarquer de Proudhon (Olivier Gourmet, excellent) et de Bakounine, tout en récupérant le mouvement socialiste prophétique anglais. Pour que le tableau soit complet, il nous manque les "socialistes utopiques" (sans doute caricaturés par la catégorie précédente), qui ont hélas été oubliés dans l'histoire de la gauche contestataire, alors que les doctrinaires souvent sectaires tiennent encore aujourd'hui le haut du pavé.
Quant à la classe ouvrière, elle fait l'objet d'assez peu d'attention dans le film. Le début est chargé de nous montrer la difficile condition des employées du textile, mais, à l'image du personnage d'Engels, le réalisateur et le scénariste n'en ont qu'une connaissance externe, limite intellectualisée. Du coup, le film perd beaucoup en force, d'autant plus qu'il manque de rythme. Cela m'a un peu fait l'impression d'une collection de vignettes, plutôt destinée à des intellos. Le capitalisme sans foi ni loi a encore de beaux jours devant lui, vu la maladresse de ceux qui le critiquent...
21:36 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
mercredi, 04 octobre 2017
Confident Royal
Opération My taylor is rich aujourd'hui, avec le nouveau film de Stephen Frears, en version originale sous-titrée à Rodez ! Ces derniers temps, le cinéma britannique aime à revisiter les moments marquants du passé national (antérieurs à l'adhésion à la CEE...). En juin dernier, on a pu voir un Churchill compatissant au sort des soldats participant au débarquement de Normandie. En juillet, c'est le stoïcisme et le sens du devoir des tommies en 1940 qui fut à l'honneur dans Dunkerque. On a aussi eu droit à l'abnégation du couple Mountbatten dans Le Dernier Vice-Roi des Indes.
Le récent auteur de Florence Foster Jenkins s'est attaqué à un autre monument national, la reine Victoria (vieillissante), remarquablement interprétée par Judi Dench, qui retrouve ainsi le réalisateur de Philomena. Dans le rôle principal, l'actrice assume ses rides et ses dents manquantes, pour composer un formidable portrait de la souveraine, à la fois protégée et corsetée par l'étiquette de la cour. C'est l'occasion de découvrir une brochette de seconds rôles bien campés, entre vieilles badernes et culs pincés, le tout sur fond d'ambitions personnelles.
L'arrivée de serviteurs indiens musulmans va mettre le feu aux poudres. On a un peu rapidement présenté cette histoire comme une totale révélation, issue de la découverte des carnets de l'ancien favori de la reine, en 2010. En réalité, des historiens spécialisés avaient déjà évoqué la chose (certes sans y consacrer un livre entier). En français, une biographie de Victoria datant de l'an 2000 (et signée Roland Marx) consacrait un peu moins d'une demi-page à la petite révolution de cour qui agita le microcosme à l'extrême fin du XIXe siècle.
C'est donc un film orienté (à l'image des récentes productions historiques britanniques), tout à la gloire de la reine, très dur pour "Bertie" (le futur Édouard VII) qui pourtant, une fois devenu roi, engagea le rapprochement avec la France, qui mena à la signature de l'Entente Cordiale. Un autre personnage subit un traitement (à mon avis) injuste : Lady Churchill (la maman de Winston, une Américaine qui a des ancêtres... français), présentée comme une intrigante revêche... sans qu'on ose préciser qu'elle fut (entre autres) l'une des (nombreuses) maîtresses du futur Édouard VII.
Le début est assez drôle, avec la découverte d'une reine gourmande, pas très propre à table et dont le médecin s'enquiert de la qualité des selles... La rencontre avec l'Indien Abdul est aussi assez comique, avec, au centre de l'attention, un de ces horribles desserts à la gelée dans lequel je n'ai pas pu m'empêcher de voir des allusions sexuelles.
La suite est hélas plus plan-plan, manquant de rythme, malgré la qualité de l'interprétation. (Je recommande tout particulièrement la déclaration que Judi/Victoria assène, en gros plan, à un trio d'emmerdeurs masculins dans son bureau.) A voir si l'on se pique d'anglomanie, ou si l'on peut se contenter de suivre les évolutions de Judi Dench à l'écran.
PS
C'est la deuxième fois que Stephen Frears gâche un splendide matériau. Il y a une dizaine d'années, la performance d'Helen Mirren (Elizabeth II dans The Queen) n'avait été que médiocrement servie par un film décevant.
22:55 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Confident Royal
Opération My taylor is rich aujourd'hui, avec le nouveau film de Stephen Frears, en version originale sous-titrée à Rodez ! Ces derniers temps, le cinéma britannique aime à revisiter les moments marquants du passé national (antérieurs à l'adhésion à la CEE...). En juin dernier, on a pu voir un Churchill compatissant au sort des soldats participant au débarquement de Normandie. En juillet, c'est le stoïcisme et le sens du devoir des tommies en 1940 qui fut à l'honneur dans Dunkerque. On a aussi eu droit à l'abnégation du couple Mountbatten dans Le Dernier Vice-Roi des Indes.
Le récent auteur de Florence Foster Jenkins s'est attaqué à un autre monument national, la reine Victoria (vieillissante), remarquablement interprétée par Judi Dench, qui retrouve ainsi le réalisateur de Philomena. Dans le rôle principal, l'actrice assume ses rides et ses dents manquantes, pour composer un formidable portrait de la souveraine, à la fois protégée et corsetée par l'étiquette de la cour. C'est l'occasion de découvrir une brochette de seconds rôles bien campés, entre vieilles badernes et culs pincés, le tout sur fond d'ambitions personnelles.
L'arrivée de serviteurs indiens musulmans va mettre le feu aux poudres. On a un peu rapidement présenté cette histoire comme une totale révélation, issue de la découverte des carnets de l'ancien favori de la reine, en 2010. En réalité, des historiens spécialisés avaient déjà évoqué la chose (certes sans y consacrer un livre entier). En français, une biographie de Victoria datant de l'an 2000 (et signée Roland Marx) consacrait un peu moins d'une demi-page à la petite révolution de cour qui agita le microcosme à l'extrême fin du XIXe siècle.
C'est donc un film orienté (à l'image des récentes productions historiques britanniques), tout à la gloire de la reine, très dur pour "Bertie" (le futur Édouard VII) qui pourtant, une fois devenu roi, engagea le rapprochement avec la France, qui mena à la signature de l'Entente Cordiale. Un autre personnage subit un traitement (à mon avis) injuste : Lady Churchill (la maman de Winston, une Américaine qui a des ancêtres... français), présentée comme une intrigante revêche... sans qu'on ose préciser qu'elle fut (entre autres) l'une des (nombreuses) maîtresses du futur Édouard VII.
Le début est assez drôle, avec la découverte d'une reine gourmande, pas très propre à table et dont le médecin s'enquiert de la qualité des selles... La rencontre avec l'Indien Abdul est aussi assez comique, avec, au centre de l'attention, un de ces horribles desserts à la gelée dans lequel je n'ai pas pu m'empêcher de voir des allusions sexuelles.
La suite est hélas plus plan-plan, manquant de rythme, malgré la qualité de l'interprétation. (Je recommande tout particulièrement la déclaration que Judi/Victoria assène, en gros plan, à un trio d'emmerdeurs masculins dans son bureau.) A voir si l'on se pique d'anglomanie, ou si l'on peut se contenter de suivre les évolutions de Judi Dench à l'écran.
PS
C'est la deuxième fois que Stephen Frears gâche un splendide matériau. Il y a une dizaine d'années, la performance d'Helen Mirren (Elizabeth II dans The Queen) n'avait été que médiocrement servie par un film décevant.
22:55 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 30 septembre 2017
Mon Garçon
A ma grande surprise, la salle a presque fait le plein, avec un public plus diversifié que ce à quoi je m'attendais. En gros, ça allait de 7 à 77 ans. C'est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un film quasi expérimental, avec certes quelques pointures à l'affiche.
Je pense que c'est aussi le sujet qui a attiré ce monde. Il est question de l'enlèvement d'un enfant, mais aussi d'un couple divorcé et d'un père qui a privilégié son travail. Les deux parents sont d'ailleurs magnifiquement interprétés. Dans la première partie, c'est Mélanie Laurent qui sort du lot. Dans la seconde, Guillaume Canet occupe presque en permanence l'écran, avec talent.
Christian Carion est l'un des réalisateurs français capables de proposer du divertissement populaire de qualité. On l'a vu avec Une Hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël (déjà avec G. Canet), L'Affaire Farewell (encore avec Canet) et En mai, fais ce qu'il te plaît. En terme de mise en scène, c'est un modèle de ce qu'il est possible de faire avec peu de moyens (mais sans que le film soit cheap). L'idée de filmer en gros plan les occupants des véhicules, de l'intérieur, en laissant floue à l'écran la vision du pare-brise (et du paysage au-delà) est très bonne. En extérieur, Carion n'abuse pas de la caméra à l'épaule. Enfin, il intercale des extraits de vidéos tournées par la mère du garçon. La solution de l'énigme se trouve peut-être à l'intérieur de celles-ci.
Cependant, les gendarmes qui mènent l'enquête sur la disparition de Mathys ne privilégient pas cette piste. C'est dans l'activité professionnelle du père qu'ils voient une possible explication. Du coup, ce dernier décide de mener sa propre enquête. La caméra se fait subjective, nous mettant dans les pas (voire dans la tête) de ce père déboussolé, mais déterminé à retrouver son fils.
Cela donne un très bon suspens, tendu du début à la fin, sur une musique au poil, avec aussi une très bonne utilisation des sons. Même si je regrette quelques facilités dans la dernière partie, j'ai beaucoup aimé ce thriller filmé au plus près du quotidien.
22:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Mon Garçon
A ma grande surprise, la salle a presque fait le plein, avec un public plus diversifié que ce à quoi je m'attendais. En gros, ça allait de 7 à 77 ans. C'est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un film quasi expérimental, avec certes quelques pointures à l'affiche.
Je pense que c'est aussi le sujet qui a attiré ce monde. Il est question de l'enlèvement d'un enfant, mais aussi d'un couple divorcé et d'un père qui a privilégié son travail. Les deux parents sont d'ailleurs magnifiquement interprétés. Dans la première partie, c'est Mélanie Laurent qui sort du lot. Dans la seconde, Guillaume Canet occupe presque en permanence l'écran, avec talent.
Christian Carion est l'un des réalisateurs français capables de proposer du divertissement populaire de qualité. On l'a vu avec Une Hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël (déjà avec G. Canet), L'Affaire Farewell (encore avec Canet) et En mai, fais ce qu'il te plaît. En terme de mise en scène, c'est un modèle de ce qu'il est possible de faire avec peu de moyens (mais sans que le film soit cheap). L'idée de filmer en gros plan les occupants des véhicules, de l'intérieur, en laissant floue à l'écran la vision du pare-brise (et du paysage au-delà) est très bonne. En extérieur, Carion n'abuse pas de la caméra à l'épaule. Enfin, il intercale des extraits de vidéos tournées par la mère du garçon. La solution de l'énigme se trouve peut-être à l'intérieur de celles-ci.
Cependant, les gendarmes qui mènent l'enquête sur la disparition de Mathys ne privilégient pas cette piste. C'est dans l'activité professionnelle du père qu'ils voient une possible explication. Du coup, ce dernier décide de mener sa propre enquête. La caméra se fait subjective, nous mettant dans les pas (voire dans la tête) de ce père déboussolé, mais déterminé à retrouver son fils.
Cela donne un très bon suspens, tendu du début à la fin, sur une musique au poil, avec aussi une très bonne utilisation des sons. Même si je regrette quelques facilités dans la dernière partie, j'ai beaucoup aimé ce thriller filmé au plus près du quotidien.
22:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Wind River
Ce polar-western un brin sordide a pour cadre les montagnes enneigées du Wyoming, un Etat rural du nord-ouest des Etats-Unis. On y rencontre des cowboys, des Indiens (nous sommes dans une réserve)... et des motos-neige, qui remplacent les chevaux.
Ces derniers, assez rares à l'écran, sont parfois victimes de prédateurs (les pumas, mais aussi les loups). Aux éleveurs du Larzac excédés par les atermoiements des politiques et le baratin des bobos, je recommande l'une des premières scènes, qui montre le héros "s'occupant" de certains dévoreurs de bétail.
Ainsi nous est présenté le personnage principal, Cory Lambert, interprété par Jeremy Renner. Il compose très bien une sorte de monolithe fissuré : ce tireur d'élite, membre du corps des Eaux-et-Forêts, n'arrive pas à surmonter le décès de sa fille aînée... et le divorce qui lui a succédé.
Le meurtre d'une autre jeune femme indienne va lui donner l'occasion de (peut-être) se racheter. Mais l'enquête se révèle difficile. La police indienne, certes de bonne volonté, est dépassée par les événements et le FBI n'envoie qu'une stagiaire inexpérimentée (Elizabeth Olsen, très correcte, dans un rôle stéréotypé), dont cette affaire va constituer une sorte de bizutage. Pour mener à bien l'enquête, il va falloir conjuguer les talents de pisteur de Cory, le procédurisme de Jane et les rares renseignements fournis par les habitants du coin.
Dans le même temps, Cory doit faire son boulot de garde-forestier et traquer une famille de pumas (qu'on finit par découvrir, dans un plan superbe). Cela nous vaut de belles scènes dans les montagnes enneigées. Mais les prédateurs les plus redoutables ne sont pas ceux que l'on croit. Ils sont plus sournois... et plus dangereux pour les humains.
Notons que le réalisateur (Taylor Sheridan, scénariste, entre autres, de Sicario) prend son temps. Le film entremêle les scènes de tension et des moments plus tendres, plus poétiques. C'est d'ailleurs le cas du retour en arrière introduit dans le dernier tiers de l'histoire. Il est à mon avis inutile, puisque, rien qu'avec le jeu des acteurs et la mise en scène, on avait compris que les enquêteurs tenaient le bon bout. Mais il faut bien s'adresser aussi aux spectateurs un peu mous du bulbe... et justifier le basculement dans l'extrême violence. Dans ces contrées reculées, où, en cas de pépin, il est inutile d'espérer l'arrivée de secours, la justice prend parfois un caractère expéditif.
14:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Wind River
Ce polar-western un brin sordide a pour cadre les montagnes enneigées du Wyoming, un Etat rural du nord-ouest des Etats-Unis. On y rencontre des cowboys, des Indiens (nous sommes dans une réserve)... et des motos-neige, qui remplacent les chevaux.
Ces derniers, assez rares à l'écran, sont parfois victimes de prédateurs (les pumas, mais aussi les loups). Aux éleveurs du Larzac excédés par les atermoiements des politiques et le baratin des bobos, je recommande l'une des premières scènes, qui montre le héros "s'occupant" de certains dévoreurs de bétail.
Ainsi nous est présenté le personnage principal, Cory Lambert, interprété par Jeremy Renner. Il compose très bien une sorte de monolithe fissuré : ce tireur d'élite, membre du corps des Eaux-et-Forêts, n'arrive pas à surmonter le décès de sa fille aînée... et le divorce qui lui a succédé.
Le meurtre d'une autre jeune femme indienne va lui donner l'occasion de (peut-être) se racheter. Mais l'enquête se révèle difficile. La police indienne, certes de bonne volonté, est dépassée par les événements et le FBI n'envoie qu'une stagiaire inexpérimentée (Elizabeth Olsen, très correcte, dans un rôle stéréotypé), dont cette affaire va constituer une sorte de bizutage. Pour mener à bien l'enquête, il va falloir conjuguer les talents de pisteur de Cory, le procédurisme de Jane et les rares renseignements fournis par les habitants du coin.
Dans le même temps, Cory doit faire son boulot de garde-forestier et traquer une famille de pumas (qu'on finit par découvrir, dans un plan superbe). Cela nous vaut de belles scènes dans les montagnes enneigées. Mais les prédateurs les plus redoutables ne sont pas ceux que l'on croit. Ils sont plus sournois... et plus dangereux pour les humains.
Notons que le réalisateur (Taylor Sheridan, scénariste, entre autres, de Sicario) prend son temps. Le film entremêle les scènes de tension et des moments plus tendres, plus poétiques. C'est d'ailleurs le cas du retour en arrière introduit dans le dernier tiers de l'histoire. Il est à mon avis inutile, puisque, rien qu'avec le jeu des acteurs et la mise en scène, on avait compris que les enquêteurs tenaient le bon bout. Mais il faut bien s'adresser aussi aux spectateurs un peu mous du bulbe... et justifier le basculement dans l'extrême violence. Dans ces contrées reculées, où, en cas de pépin, il est inutile d'espérer l'arrivée de secours, la justice prend parfois un caractère expéditif.
14:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 22 septembre 2017
L'un dans l'autre
Ce titre à sens multiple (parfois graveleux) annonce une comédie sociétale qui pourrait s'avérer lourdingue. Elle commence pourtant de manière assez habile, avec ce couple amoureux (incarné par le duo Bourgoin - De Groodt), dont on finit par comprendre la véritable situation conjugale. Comme je n'avais quasiment rien lu sur le film, j'ai apprécié l'effet de surprise.
Un autre atout est la performance de Louise Bourgoin, qui rend totalement crédible le fait que l'esprit d'un homme ait pris possession de son corps et ce, alors que le premier quart d'heure la montre dans un tout autre contexte. Pour les mecs hétéros (et les dames homos), je me permets d'ajouter... qu'elle est dotée d'une poitrine magnifique ! Un grand merci aux scénaristes, qui sont sans doute de fieffés coquins.
Blague à part, depuis Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, je trouve que Louise Bourgoin a pris de la bouteille (professionnellement parlant). On avait d'ailleurs pu s'en rendre compte dans La Religieuse.
Par contre, en face d'elle, Stéphane De Groodt ne tient pas la route. Son jeu est trop stéréotypé, oscillant entre une version contemporaine de Louis de Funès et une parodie d'homme efféminé... Il n'est toutefois pas tout le temps mauvais. Parfois, dans certaines scènes avec Louise Bourgoin, il se passe quelque chose... par exemple lors d'un échange vidéo qui se termine de manière graveleuse.
C'est d'ailleurs l'une des qualités de cette comédie, qui, de temps à autre, ose pousser ses personnages dans de réjouissantes ornières. (Ah, la scène chez la dentiste !) Ça ne va pas bouleverser l'histoire du cinéma, mais cela dit quelques vérités à propos des relations homme-femme, sur un ton léger.
21:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
L'un dans l'autre
Ce titre à sens multiple (parfois graveleux) annonce une comédie sociétale qui pourrait s'avérer lourdingue. Elle commence pourtant de manière assez habile, avec ce couple amoureux (incarné par le duo Bourgoin - De Groodt), dont on finit par comprendre la véritable situation conjugale. Comme je n'avais quasiment rien lu sur le film, j'ai apprécié l'effet de surprise.
Un autre atout est la performance de Louise Bourgoin, qui rend totalement crédible le fait que l'esprit d'un homme ait pris possession de son corps et ce, alors que le premier quart d'heure la montre dans un tout autre contexte. Pour les mecs hétéros (et les dames homos), je me permets d'ajouter... qu'elle est dotée d'une poitrine magnifique ! Un grand merci aux scénaristes, qui sont sans doute de fieffés coquins.
Blague à part, depuis Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, je trouve que Louise Bourgoin a pris de la bouteille (professionnellement parlant). On avait d'ailleurs pu s'en rendre compte dans La Religieuse.
Par contre, en face d'elle, Stéphane De Groodt ne tient pas la route. Son jeu est trop stéréotypé, oscillant entre une version contemporaine de Louis de Funès et une parodie d'homme efféminé... Il n'est toutefois pas tout le temps mauvais. Parfois, dans certaines scènes avec Louise Bourgoin, il se passe quelque chose... par exemple lors d'un échange vidéo qui se termine de manière graveleuse.
C'est d'ailleurs l'une des qualités de cette comédie, qui, de temps à autre, ose pousser ses personnages dans de réjouissantes ornières. (Ah, la scène chez la dentiste !) Ça ne va pas bouleverser l'histoire du cinéma, mais cela dit quelques vérités à propos des relations homme-femme, sur un ton léger.
21:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 16 septembre 2017
Que Dios nos perdone
"Que Dieu nous pardonne" est un film de genre, espagnol, sorti cet été, dans la lignée de certains succès de ces dernières années (Balada triste en 2011 et surtout La Isla minima en 2015).
Il est difficile aussi de ne pas voir comme une parenté entre cette œuvre et un autre succès (d'estime) estival : Le Caire confidentiel. Dans les deux cas, des crimes surviennent dans une grande ville (Madrid et Le Caire), en période trouble (des manifestations anti-austérité, la venue du Pape Benoît XVI et le printemps arabe). Dans les deux cas, les policiers ne sont pas des modèles de vertu et l'enquête va être quelque peu entravée.
La particularité de ce polar est son imprégnation catholique : une église joue un rôle important dans l'intrigue et plusieurs personnages vont ressentir le poids de la culpabilité, pour différentes raisons.
Au cœur de l'histoire se trouve le travail d'un nouveau duo de policiers atypiques et dépareillés : Alfaro le sanguin (Roberto Alamo très convaincant), l'intuitif, parfois la brute (mais quand même un bon flic) et Velarde le bègue, le minutieux, l'intellectuel limite autiste, qui vit dans un appartement sans télévision, entouré de ses 33 tours. Dans le rôle, on retrouve l'excellent Antonio de la Torre (déjà remarqué dans Balada triste, Amours cannibales et... La Isla minima), qui nous la joue un peu façon Dustin Hoffman dans Rain Man.
Avis aux âmes sensibles : c'est assez cru, sans toutefois tomber dans le gore. Le réalisateur ne nous cache pas les aspects sordides d'une enquête criminelle, en particulier l'autopsie des victimes âgées... ce qui a provoqué quelques émotions dans la salle, en majorité remplie de spectatrices du troisième âge !
Notons que le film prend son temps (2h05), aimant musarder en chemin, histoire de nous montrer à quel point la vie privée des flics investis dans leur boulot n'est pas une partie de plaisir. C'est aussi l'occasion de mettre en scène certains aspects de la société espagnole contemporaine. Tout bon polar est une tranche de vie... avec un "bon" méchant, que l'on découvre vraiment assez tard. Il est incarné par un jeune acteur talentueux. A cela s'ajoute une bonne musique, propre à souligner la tension qui monte. C'est de surcroît adroitement filmé, avec une tendance à choisir des angles de prise de vue inhabituels.
Pour les amateurs de films de genre, c'est une découverte à ne pas manquer.
22:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Que Dios nos perdone
"Que Dieu nous pardonne" est un film de genre, espagnol, sorti cet été, dans la lignée de certains succès de ces dernières années (Balada triste en 2011 et surtout La Isla minima en 2015).
Il est difficile aussi de ne pas voir comme une parenté entre cette œuvre et un autre succès (d'estime) estival : Le Caire confidentiel. Dans les deux cas, des crimes surviennent dans une grande ville (Madrid et Le Caire), en période trouble (des manifestations anti-austérité, la venue du Pape Benoît XVI et le printemps arabe). Dans les deux cas, les policiers ne sont pas des modèles de vertu et l'enquête va être quelque peu entravée.
La particularité de ce polar est son imprégnation catholique : une église joue un rôle important dans l'intrigue et plusieurs personnages vont ressentir le poids de la culpabilité, pour différentes raisons.
Au cœur de l'histoire se trouve le travail d'un nouveau duo de policiers atypiques et dépareillés : Alfaro le sanguin (Roberto Alamo très convaincant), l'intuitif, parfois la brute (mais quand même un bon flic) et Velarde le bègue, le minutieux, l'intellectuel limite autiste, qui vit dans un appartement sans télévision, entouré de ses 33 tours. Dans le rôle, on retrouve l'excellent Antonio de la Torre (déjà remarqué dans Balada triste, Amours cannibales et... La Isla minima), qui nous la joue un peu façon Dustin Hoffman dans Rain Man.
Avis aux âmes sensibles : c'est assez cru, sans toutefois tomber dans le gore. Le réalisateur ne nous cache pas les aspects sordides d'une enquête criminelle, en particulier l'autopsie des victimes âgées... ce qui a provoqué quelques émotions dans la salle, en majorité remplie de spectatrices du troisième âge !
Notons que le film prend son temps (2h05), aimant musarder en chemin, histoire de nous montrer à quel point la vie privée des flics investis dans leur boulot n'est pas une partie de plaisir. C'est aussi l'occasion de mettre en scène certains aspects de la société espagnole contemporaine. Tout bon polar est une tranche de vie... avec un "bon" méchant, que l'on découvre vraiment assez tard. Il est incarné par un jeune acteur talentueux. A cela s'ajoute une bonne musique, propre à souligner la tension qui monte. C'est de surcroît adroitement filmé, avec une tendance à choisir des angles de prise de vue inhabituels.
Pour les amateurs de films de genre, c'est une découverte à ne pas manquer.
22:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 11 septembre 2017
Seven Sisters
Ces sept sœurs (comme on n'a pas voulu le traduire en français) sont toutes incarnées (à l'âge adulte) par Noomi Rapace, révélée à l'international par la première adaptation de Millenium et qui a depuis dû souvent se contenter de seconds rôles, quand elle n'occupait pas le devant de la scène dans de médiocres productions comme Conspiracy.
C'est dire si le film repose sur sa performance d'actrice (bien complétée par celle de Clara Read, qui interprète les septuplées enfants). A cela s'ajoutent d'impressionnants effets spéciaux... essentiellement français, avec des contributions britanniques et indiennes. Cette coproduction belgo-américano-roumaine est donc marquée du sceau de la mondialisation... sous les auspices de la défiscalisation belge... et des "opportunités de tournage" danubiennes.
Mais ne boudons pas notre plaisir. L'habillage numérique est très réussi. Les doublures sont bien utilisées et les scènes de baston sont haletantes. Quatre sont à retenir. Sur les deux qui ont lieu dans l'appartement principal, j'ai préféré la première, vraiment sauvage par instants... ce qui n'empêche pas la quasi-restauration à l'identique dudit appart, dont la porte d'entrée retrouve rapidement toute sa splendeur. (Il y a quelques invraisemblances dans cette histoire pourtant bien ficelée.) La bagarre chez le collègue de l'héroïne mérite aussi le détour, avec une conclusion qu'un-e cinéphile averti-e sent venir. On peut faire la même remarque à propos du combat dont les toilettes pour dames sont le théâtre : c'est très bien mis en scène, mais assez prévisible, jusque dans le retournement qui s'inspire un peu de ce qu'on a vu récemment dans Alien : Covenant. (C'est d'autant plus cocasse que Noomi Rapace fut tête d'affiche de Prometheus, l'épisode précédent.)
Le scénario ménage suffisamment de mystère pour soutenir l'intérêt pendant deux heures (qu'on ne sent pas passer). Les sept sœurs ne sont pas les seules à avoir un secret. Plusieurs d'entre elles vont devoir découvrir ce qui se cache derrière la politique de l'enfant unique initiée sur cette Terre surpeuplée... jusqu'au coup de théâtre, que là aussi on sent venir. Soyez bien attentifs aux premières scènes, qui mettent en parallèle les sept gamines et les sept adultes, que le grand-père a voulu aussi originales de tempérament qu'elles étaient semblables physiquement. On nous réserve même une ultime surprise, qui pourrait laisser présager une suite. La charpente de l'intrigue m'est apparue tellement solide que j'ai pensé que c'était l'adaptation d'un roman d'anticipation. Apparemment, non.
22:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Seven Sisters
Ces sept sœurs (comme on n'a pas voulu le traduire en français) sont toutes incarnées (à l'âge adulte) par Noomi Rapace, révélée à l'international par la première adaptation de Millenium et qui a depuis dû souvent se contenter de seconds rôles, quand elle n'occupait pas le devant de la scène dans de médiocres productions comme Conspiracy.
C'est dire si le film repose sur sa performance d'actrice (bien complétée par celle de Clara Read, qui interprète les septuplées enfants). A cela s'ajoutent d'impressionnants effets spéciaux... essentiellement français, avec des contributions britanniques et indiennes. Cette coproduction belgo-américano-roumaine est donc marquée du sceau de la mondialisation... sous les auspices de la défiscalisation belge... et des "opportunités de tournage" danubiennes.
Mais ne boudons pas notre plaisir. L'habillage numérique est très réussi. Les doublures sont bien utilisées et les scènes de baston sont haletantes. Quatre sont à retenir. Sur les deux qui ont lieu dans l'appartement principal, j'ai préféré la première, vraiment sauvage par instants... ce qui n'empêche pas la quasi-restauration à l'identique dudit appart, dont la porte d'entrée retrouve rapidement toute sa splendeur. (Il y a quelques invraisemblances dans cette histoire pourtant bien ficelée.) La bagarre chez le collègue de l'héroïne mérite aussi le détour, avec une conclusion qu'un-e cinéphile averti-e sent venir. On peut faire la même remarque à propos du combat dont les toilettes pour dames sont le théâtre : c'est très bien mis en scène, mais assez prévisible, jusque dans le retournement qui s'inspire un peu de ce qu'on a vu récemment dans Alien : Covenant. (C'est d'autant plus cocasse que Noomi Rapace fut tête d'affiche de Prometheus, l'épisode précédent.)
Le scénario ménage suffisamment de mystère pour soutenir l'intérêt pendant deux heures (qu'on ne sent pas passer). Les sept sœurs ne sont pas les seules à avoir un secret. Plusieurs d'entre elles vont devoir découvrir ce qui se cache derrière la politique de l'enfant unique initiée sur cette Terre surpeuplée... jusqu'au coup de théâtre, que là aussi on sent venir. Soyez bien attentifs aux premières scènes, qui mettent en parallèle les sept gamines et les sept adultes, que le grand-père a voulu aussi originales de tempérament qu'elles étaient semblables physiquement. On nous réserve même une ultime surprise, qui pourrait laisser présager une suite. La charpente de l'intrigue m'est apparue tellement solide que j'ai pensé que c'était l'adaptation d'un roman d'anticipation. Apparemment, non.
22:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 01 septembre 2017
7 jours pas plus
On peut tenter de définir ce film par ce qu'il n'est pas. Ce n'est pas une énième comédie mettant en valeur un Benoît Poelvoorde cabotineur. Ce n'est pas non plus une bluette centrée sur la relation possible entre Jeanne et Pierre. Enfin, ce n'est pas une oeuvre militante lourdingue sur la dure condition des migrants originaires des pays en développement. Mais c'est un peu de tout cela.
Commençons par Pierre (Poelvoorde, à la fois drôle et émouvant), un vieux garçon qui gère une quincaillerie peu prospère. C'est un maniaque, chez qui chaque chose doit être à sa place. Méfiant, il compte le nombre de vis présentes dans la boîte qu'il a commandée à son grossiste... qui l'arnaque un peu. Ses (rares) colères fulgurantes sont très drôles. Mais, au fond, c'est un brave type.
Pour rompre sa solitude, il y aurait bien Jeanne (Alexandra Lamy, lumineuse), qui lui fait ostensiblement du gringue. Elle lui plaît bien, mais nouer une relation avec cette femme conduirait Pierre à changer profondément la rassurante monotonie de son quotidien.
Quoi qu'il en soit, celle-ci est bouleversée par l'arrivée d'Ajit (interprété par Pitobash, une révélation), un Indien du Bengale qui cherche à rejoindre son oncle... du moins c'est ce que l'on finit par comprendre à force de gesticulations et de traductions plus ou moins fiables. Le périple de Poelvoorde pour trouver un interprète ne manque pas de sel... et il est révélateur des préjugés des Européens de base sur le sous-continent indien. Le quincailler va comprendre que, bien qu'ils se ressemblent physiquement, Indiens et Pakistanais peuvent différer dans bien des domaines. Il en est de même pour les Indiens eux-mêmes, un hindiphone ne comprenant pas un bengaliphone habitant pourtant le même pays. Ne parlons même pas des Sri Lankais !
L'autre source de cocasserie est le choc des cultures entre l'Indien et le Français. Les deux hommes, très différents en apparence mais faits du même bois, vont petit à petit s'apprivoiser. Le rapport de force va un peu s'inverser. L'Européen bien installé dans sa vie est immature sur le plan affectif, alors que l'Indien dévoile petit à petit des trésors de créativité.
Cela se traduit à l'écran, avec quelques scènes animées (façon théâtre d'ombre) qui donnent du piquant à l'intrigue. Cependant, toute l'histoire n'est pas d'une vraisemblance absolue (et la vision de la police est très manichéenne). On est souvent proche du conte, à l'image de la première scène, qui finit pourtant de manière ironiquement inattendue. On n'en comprend la totale signification que vers la fin, tout comme on saisit l'importance du passe-temps de Pierre, qui découpe dans la presse des articles évoquant des faits divers improbables.
C'est donc un "petit" film, subtilement drôle et humaniste, très bien joué.
21:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
7 jours pas plus
On peut tenter de définir ce film par ce qu'il n'est pas. Ce n'est pas une énième comédie mettant en valeur un Benoît Poelvoorde cabotineur. Ce n'est pas non plus une bluette centrée sur la relation possible entre Jeanne et Pierre. Enfin, ce n'est pas une oeuvre militante lourdingue sur la dure condition des migrants originaires des pays en développement. Mais c'est un peu de tout cela.
Commençons par Pierre (Poelvoorde, à la fois drôle et émouvant), un vieux garçon qui gère une quincaillerie peu prospère. C'est un maniaque, chez qui chaque chose doit être à sa place. Méfiant, il compte le nombre de vis présentes dans la boîte qu'il a commandée à son grossiste... qui l'arnaque un peu. Ses (rares) colères fulgurantes sont très drôles. Mais, au fond, c'est un brave type.
Pour rompre sa solitude, il y aurait bien Jeanne (Alexandra Lamy, lumineuse), qui lui fait ostensiblement du gringue. Elle lui plaît bien, mais nouer une relation avec cette femme conduirait Pierre à changer profondément la rassurante monotonie de son quotidien.
Quoi qu'il en soit, celle-ci est bouleversée par l'arrivée d'Ajit (interprété par Pitobash, une révélation), un Indien du Bengale qui cherche à rejoindre son oncle... du moins c'est ce que l'on finit par comprendre à force de gesticulations et de traductions plus ou moins fiables. Le périple de Poelvoorde pour trouver un interprète ne manque pas de sel... et il est révélateur des préjugés des Européens de base sur le sous-continent indien. Le quincailler va comprendre que, bien qu'ils se ressemblent physiquement, Indiens et Pakistanais peuvent différer dans bien des domaines. Il en est de même pour les Indiens eux-mêmes, un hindiphone ne comprenant pas un bengaliphone habitant pourtant le même pays. Ne parlons même pas des Sri Lankais !
L'autre source de cocasserie est le choc des cultures entre l'Indien et le Français. Les deux hommes, très différents en apparence mais faits du même bois, vont petit à petit s'apprivoiser. Le rapport de force va un peu s'inverser. L'Européen bien installé dans sa vie est immature sur le plan affectif, alors que l'Indien dévoile petit à petit des trésors de créativité.
Cela se traduit à l'écran, avec quelques scènes animées (façon théâtre d'ombre) qui donnent du piquant à l'intrigue. Cependant, toute l'histoire n'est pas d'une vraisemblance absolue (et la vision de la police est très manichéenne). On est souvent proche du conte, à l'image de la première scène, qui finit pourtant de manière ironiquement inattendue. On n'en comprend la totale signification que vers la fin, tout comme on saisit l'importance du passe-temps de Pierre, qui découpe dans la presse des articles évoquant des faits divers improbables.
C'est donc un "petit" film, subtilement drôle et humaniste, très bien joué.
21:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 30 août 2017
Petit Paysan
Cet agriculteur a repris la ferme de ses parents (restés vivre à proximité) et élève une trentaine de vaches laitières (des Prim'Hostein), en Haute-Marne (entre Paris et la Lorraine). On le suit dans le quotidien du travail de paysan, du soin aux bêtes à la gestion du stock fourrager, en passant par la traite. On assiste aussi à une mise-bas, à laquelle le jeune homme (35 ans) doit faire face seul, un peu comme l'héroïne d'Une Hirondelle a fait le printemps avec ses chèvres.
La comparaison entre les deux films ne s'arrête pas là. Le cheptel de Pierre va être touché par un mal mystérieux, semblant atteindre les animaux au hasard. Il veut protéger son troupeau, menacé d'un abattage total si la maladie (la fièvre FHD dans le film) est détectée. Cette maladie n'existe pas : elle est un substitut de l'encéphalopathie spongiforme bovine (dont les symptômes sont différents), qui a frappé l'ancien troupeau de Michel Serrault dans Une Hirondelle.
Cette fiction a donc un caractère documentaire et elle mêle deux époques : celle des années 1990 (pour la crise de la vache folle) et la nôtre, qui voit un agriculteur recourir à des applications professionnelles sur son ordiphone, un autre utiliser quotidiennement internet et un dispositif pour surveiller à distance ce qu'il se passe dans son étable. L'influence du passé se voit à travers l'exploitation du héros, très modeste. De nos jours, on ne laisserait plus s'installer en élevage conventionnel un jeune agriculteur disposant d'un troupeau de seulement 30 vaches, surtout depuis la fin des quotas laitiers.
Au fur et à mesure que l'intrigue se déploie, l'aspect documentaire cède la place à une sorte de thriller rural. Pierre (formidable Swann Arlaud, déjà vu dans Michael Kohlhaas, Ni le ciel ni la terre et plus récemment Une Vie) va se murer dans le mensonge et le déni. Il veut s'en sortir tout seul, ne comptant à la rigueur que sur l'appui de sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau, très bien). Sans rien révéler, je peux dire que cela va le mener assez loin, à tel point que jusqu'à la fin, on se demande comment le réalisateur va conclure son récit.
C'est très prenant, très fort, très noir aussi, avec d'excellents interprètes. Outre ceux que j'ai déjà cités, on peut mentionner Isabelle Candelier (la mère), Bouli Lanners (le paysan belge complotiste), Marc Barbé (le responsable DSV) ou encore India Hair en boulangère qui en pince pour le jeune paysan. (On peut la voir occuper un rôle plus important dans Crash Test Aglaé.)
C'est de surcroît bien filmé, avec une attention toute particulière portée aux vaches (et au veau, qui devient l'animal de compagnie du héros). Dans ma jeunesse, chez mes grands-parents, j'ai côtoyé ce genre de bêtes, dont on a fait des "pisseuses de lait". (J'ai encore des souvenirs des moments où j'allais nourrir les veaux avec ma grand-mère.) Je crois qu'elles n'ont jamais été aussi bien filmées. C'est aussi un hommage au travail du paysan, un besogneux qui aime ses bêtes... peut-être plus que tout.
22:56 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films