lundi, 31 décembre 2012
Ernest et Célestine
Après Le Magasin des suicides (macabre à souhaits) et Le Jour des corneilles (enlevé et mystérieux), voici une troisième production (au moins en partie) française dans le domaine de l'animation.
On découvre d'abord une partie du monde de Célestine, la souris, dans un dortoir à l'ancienne, où ce qui ressemble à une bonne sœur terrifie les pensionnaires avec l'histoire du "grand méchant ours". Évidemment, Célestine ne croit pas à ces fadaises... et elle dessine ce qu'elle pense. Comme, en plus, elle ne rapporte que peu de dents d'ours, elle n'est guère utile à sa société souterraine. (A tous les parents qui se plaignent de voir leurs enfants manger trop de sucreries, je recommande vivement d'emmener leur progéniture voir ce film, ne serait-ce que pour la première séquence chez le dentiste !)
On nous présente ensuite Ernest, qui vit seul au fond des bois, dans sa cabane brinquebalante, où s'entassent divers objets et instruments de musique. Il n'a pas de travail et il a faim. Il se rend donc en ville, où nous découvrons une famille de commerçants : le père vend des sucreries, la mère des dents ! Le fils préfèrerait manger des douceurs plutôt que de penser à succéder à ses parents, mais on ne lui laisse pas trop le choix. Le premier commerce devient la proie d'Ernest, guidé par Célestine.
Au-delà de la confrontation de ces deux univers (a priori si différents mais finalement si ressemblants), le film traite d'une rencontre improbable, celle d'une souris et d'un ours qui ont en commun le tempérament artistique et un certain décalage vis-à-vis du monde dans lequel ils vivent. Ces individus à la marge vont faire l'objet de poursuites acharnées de la part des forces de l'ordre des deux univers, tout ça à cause du vol de centaines de dents et de l'introduction de l'ours dans le monde des souris.
C'est drôle, sans doute un peu compliqué pour les tout petits, avec des clins d’œil pour les adultes. Le tracé des personnages est vraiment original. L'animation des souris est gracieuse, subtile, sans que cela se voie. C'est à la fois joli et expressif, le tout sur une musique légère. Pour les ours, il m'a semblé néanmoins percevoir l'influence des mangas japonais. Le mélange des genres est réussi et l'on passe un bon moment, avec une histoire pas idiote sur le fond.
P.S.
Le site internet dédié est sympa.
20:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
dimanche, 30 décembre 2012
NCIS et un Paris de carte postale
Au début de l'épisode 13 de la saison 7 de la série américaine NCIS (rediffusé samedi 29 décembre 2012), on découvre deux des personnages principaux (Anthony DiNozzo et Ziva David) à Paris, a priori en mission... mais il est parfois possible de joindre l'utile à l'agréable. La scène est une caricature d'une certaine vision américaine de la capitale française :
Au premier plan, à droite, Cote de Pablo (alias Ziva David), très en beauté, attend son collègue, assise à la terrasse d'un café. (En fond sonore, on entend une vieille chanson française...) Au centre, au second plan, on voit débouler DiNozzo, fier comme Artaban sur son scooter... et ne portant pas de casque. C'est quelque chose qui ne manquerait pas de faire réagir un membre des forces de l'ordre, s'il se trouvait à proximité, comme celui qui est encadré en rouge, à l'arrière-plan. On le voit mieux un peu plus loin :
L'uniforme date un peu, c'est le moins que l'on puisse dire. On ne risque pas de rencontrer un policier avec ce képi à Paris ! Autres clichés présents sur cette image (et la précédente) : les peintures, les pépés portant casquette ou béret... et la Citroën DS... une antiquité :
La situation est d'autant plus incohérente quand on observe ce qui se trouve derrière Ziva, à l'arrière-plan :
J'ai souligné en rouge les contours de la Tour Eiffel, que l'on voit mieux sur les images qui suivent de peu le générique de début. Vu la taille et l'emplacement du monument, le café est censé se trouver dans le septième arrondissement de Paris, ou alors dans le XVIe, juste de l'autre côté de la Seine :
Cela ne concorde pas avec le quartier des peintres, situé à Montmartre, plus au nord-est. Mais le plus beau est visible sur la carrosserie du véhicule de passage :
Le reflet nous indique que, s'il y a bien une tour dans le fond, derrière l'agent David, elle ne ressemble guère à celle de Gustave Eiffel. De surcroît, un pont semble se détacher dans le ciel. Nous sommes sans doute en Californie, peut-être à Los Angeles, puisque la série est tournée en général à proximité, à Santa Clarita :
Fort logiquement, l'épisode se conclut sur un cliché (et tout le monde a fini par comprendre que les deux agents ont passé une nuit très agréable dans la capitale française...) :
22:41 Publié dans Télévision | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : france, société, télévision
samedi, 29 décembre 2012
Touristes
Ben Wheatley est un réalisateur qui explore le "côté obscur" de l'âme humaine. De lui, on a déjà pu voir cette année l'étonnant Kill List, à la limite du polar social et du thriller. Avec Touristes, on passe à l'humour noir, sarcastique, dérangeant, dans un style qui n'est pas sans rappeler l'excellent God Bless America, même si ce dernier film a une portée morale plus grande.
Les deux héros, qui forment rapidement un couple, sont deux "petits blancs", à la marge de la société de consommation. Lui, plutôt charismatique, n'est pas très beau. Elle est d'un physique quelconque... et surtout elle est d'une assez grande immaturité affective. Cet improbable duo devient une redoutable équipe de tueurs en série... un peu par hasard, lors d'un périple touristique dans le nord de l'Angleterre.
C'est là que l'on voit que le réalisateur nous a tendu un piège. Leur première victime (un enculé de première... si, si, je vous assure) nous est volontairement, caricaturalement, présentée comme antipathique. On est censé croire que son décès résulte d'un malencontreux accident, mais on a tout fait pour que les spectateurs accueillent sa mort avec joie.
Cela se complique avec les victimes suivantes, dont le meurtre est à chaque fois prémédité par l'un des membres du duo. Ils ne sont pas franchement odieux, ont visiblement tous fait des études supérieures (l'un d'entre eux reconnaît même être passé par une école privée), ne veulent faire de mal à personne... Certains sont écolos sur les bords. Bref, ce sont des bobos ! Malaise dans la salle de l'Utopia de Toulouse (où j'ai vu le film) : une bonne partie du public pourrait se retrouver à la place des trucidés !
Plus qu'une revanche morale, ces meurtres (sanglants... et montrés comme tels... super !) sont une revanche sociale. Les assassins sont des ratés : lui est au chômage et ne parvient pas à écrire son livre ; elle, à plus de 30 ans, vit encore chez sa mère. Leurs victimes sont bien insérées dans la société, elles sont du "bon côté" : elles ont une plus belle caravane, pratiquent la randonnée, le vélo ou le jogging, ont des "valeurs"... Le réalisateur met en scène la révolte de petits bourgeois en voie de prolétarisation contre la moyenne bourgeoisie.
Le film est aussi intéressant sur le plan psychologique : on voit évoluer la relation trouble (et intense !) qui lie les meurtriers. Au départ, il est clair que Tina tombe sous la coupe de Chris (qui tue les deux premières fois). Le rapport de domination semble s'inverser au fur et à mesure que la jeune femme coupe les ponts avec la "civilisation".
On peut néanmoins se contenter de voir ce film comme une bonne comédie sardonique. Il n'en reste pas moins très troublant sur le fond.
22:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 28 décembre 2012
Violeta
Ce biopic atypique est consacré à une chanteuse célèbre en Amérique latine, Violeta Parra, qui s'est illustrée dans le Chili d'avant Augusto Pinochet. Le film fonctionne par alternance de moments puisés dans l'enfance et l'âge adulte de l'artiste. C'est une sorte de puzzle, ou de kaléidoscope.
On découvre l'enfance de cette métis (à moitié mapuche), fascinée par ce père à la fois instituteur et musicien (et même comique), qui lui a transmis le goût du chant accompagné à la guitare... et une indéniable tendance à l'autodestruction. On se rend compte de la misère dans laquelle était plongé le peuple des campagnes chiliennes autour de la Seconde guerre mondiale.
On suit la jeune femme dans ses débuts, d'abord avec une petite troupe. Elle fait passer sa vie de famille après ses aspirations artistiques. On la voit donner une représentation en Pologne puis s'installer à Paris, proposer ses toiles au Louvre (véridique). On prend conscience de ses engagements politiques. On peut la qualifier de "compagnon de route" du Parti communiste. (Voilà qui explique l'engouement ressenti par les intellos de gauche pour ce film...)
De retour au Chili, elle se lance dans l'incroyable entreprise de collecte du patrimoine chanté populaire des campagnes, auquel elle tente de redonner vie. On la suit dans certaines de ses pérégrinations... La dame n'avait visiblement pas froid aux yeux !
Ses amours ont été passionnelles et finalement malheureuses. Elle les retranscrit dans ses chansons, qui ont parfois aussi un aspect social. La force du film réside en grande partie dans la qualité du jeu de Francisca Gavilan, qui, à l'image de Cécile de France dans Soeur Sourire, interprète les chansons de l'artiste qu'elle incarne, dont Gracias a la vida, qui sert de générique de fin.
La caméra filme la fille comme la femme de très près, pointant la saleté, les imperfections du visage comme le feu qui anime son regard et la beauté de son sourire. Je reprocherais toutefois au film sa longueur : 1h50, surtout qu'une demi-heure avant la fin, on sent très nettement quel tour prend la vie de l'artiste. Cela devient inutilement languissant.
P.S.
RFI a consacré une émission au film, l'invité étant le fils aîné de Violeta, Angel.
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mercredi, 26 décembre 2012
Les Hauts de Hurlevent
C'est une nouvelle adaptation du roman d'Emily Brontë. Dans mon esprit, le titre faisait allusion à une chanson de Kate Bush et à un film, ancien (très noir), avec Laurence Olivier, que ma mère avait adoré.
La première heure nous plonge dans cette lande brumeuse du nord de l'Angleterre, très peu peuplée, où les prés sont séparés par de petits murs de pierre, où souffle un vent à écorner les bœufs (même si, là-bas, on voit surtout des moutons et des chevaux)... un Aveyronnais peut y retrouver un peu d'Aubrac (en plus humide et moins enneigé). On y est attentif aux plantes, aux animaux ; on n'est pas rebuté par la boue.
La réalisatrice, Andrea Arnold, économise les dialogues. Elle veut nous faire sentir le paysage et les sentiments qui traversent les protagonistes. C'est à mon avis parfaitement réussi : qu'y a-t-il de plus sensuel qu'un bas dévoilé par inadvertance, une épaule dénudée ou une mèche de cheveux échappée d'une coiffure (trop) ordonnée ? La caméra est près des corps : on voit bien les cicatrices du jeune homme, on suit la main de Catherine s'enfoncer dans ses cheveux crépus.
Cette première heure est épatante parce qu'elle nous fait comprendre les frustrations et les aspirations des différents personnages : celles du jeune Africain Heathcliff (ramené à la ferme par le père à la fois autoritaire et chrétien convaincu), celles de Hindley, le fils limite abruti et celles de Catherine, la jeune fille au départ hostile, puis intriguée par l'étrange individu, un peu initiatrice, enfin amoureuse.
Le film est tourné de manière objective, mais, de temps à autre, la vision qui nous est donnée subit l'influence de l'un des personnages, principalement Heathcliff et Catherine.
La deuxième heure voit le retour d'Heathcliff, enrichi, et la décadence de la ferme familiale, reprise par Hindley, de plus en plus dépendant de son ancien souffre-douleur. Catherine en a épousé un autre, ce dont Heathcliff ne se remet pas. Le film ne suit pas exactement le roman et ne met pas en scène une implacable vengeance. On a plutôt l'impression que la fatalité est à l'œuvre. L'histoire s'arrête de plus au niveau de la première génération, alors que l'œuvre de Brontë poursuit avec les enfants (la fille de Catherine et son mari, le fils qu'Heathcliff va avoir avec la sœur de l'époux de Catherine... et le fils de Hindley, que l'on voit dans ce film).
L'interprétation est de qualité. J'ai préféré les acteurs incarnant les amoureux jeunes (Solomon Glave et surtout Shannon Beer, plus convaincante de Kaya Scodelario, qui joue la Catherine adulte). Mais James Howson est aussi très bien. Parmi les seconds rôles, j'ai particulièrement apprécié les employés de la ferme et le père.
Un film fort, sur la naissance d'un amour et la noirceur de la vie.
19:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
lundi, 24 décembre 2012
La Poste à Onet-le-Château
La commune d'Onet-le-Château qui, jusqu'à présent, était dotée de deux bureaux de Poste de plein exercice, n'en aura plus qu'un à partir de 2013. En échange de ce sacrifice, l'entreprise (encore) publique (paraît-il) ouvre deux relais chez des commerçants locaux, l'un aux Costes Rouges (quartier populaire qui perd son bureau), l'autre place des Rosiers (dans le "vieux" coeur urbain, où la population est assez mélangée). Voici la situation actuelle :
Je me suis appuyé sur Google Maps pour construire cette carte. Les bulles contenant une lettre désignent l'emplacement d'une structure de La Poste. Le C est situé aux Costes Rouges, une colline un peu éloignée du reste de la ville, mais assez bien reliée. Le B désigne un centre de traitement du courrier. Le A est situé place des Rosiers. En rouge, j'ai souligné grosso modo l'emplacement de La Baleine, le théâtre municipal à proximité duquel le nouveau bureau va ouvrir. On espère qu'il sera vaste et que l'amplitude horaire sera grande, pour compenser la perte des deux autres.
Que penser de cette décision ? D'abord qu'elle va surtout compliquer la vie des habitants des Costes Rouges, ceux du quartier des Quatre-Saisons étant plus proches. Mais il y a des arrêts de bus à proximité... et c'est une zone en plein essor. On constate toutefois que le service public se rapproche plutôt des quartiers bourgeois... Merci la gauche !
Onet-le-Château est tout de même la quatrième commune du département, en population (elle compte environ 11 000 habitants). C'est aussi l'une des plus vastes : 40 km², près de quatre fois la superficie de celle de Rodez. L'ouverture de deux relais-commerçants est à moitié satisfaisante. Incontestablement, l'amplitude horaire va être plus grande. C'est un plus pour le retrait des colis et des courriers recommandés (surtout quand le facteur a pris la détestable habitude de ne même pas vérifier que la personne est chez elle avant de déposer le petit billet dans sa boîte aux lettres... mais c'est une autre histoire). Se pose néanmoins un problème de confidentialité. On n'a pas forcément envie de réaliser des opérations financières, mêmes modestes, devant un (e) commerçant (e) qui connaît tout le monde dans le quartier. Dans les campagnes, on est déjà confronté à ce phénomène. Quelles que soient les qualités humaines du tenancier, un bureau de tabac n'offre pas la même discrétion qu'un guichet. Sur ce coup-là, il me semble que la mairie d'Onet s'est fait forcer la main par La Poste. Que n'aurait-on pas dit si cela avait été une majorité UMP qui avait procédé ainsi ?
Ajoutons que les plus anciens se souviennent de l'existence d'un guichet automatique de La Poste, à l'intérieur du centre commercial, juste à l'entrée de l'hypermarché Géant (c'est le petit carré bleu placé sur le plan issu de Google Maps - voir plus haut). Lors d'une première phase de travaux, ce guichet avait été supprimé, remplacé par des bureaux commerciaux (dont l'objectif est de refourguer un maximum de cartes aux clients). Par contre, une autre banque (en vert ci-dessous) avait obtenu de s'installer sur le parking même de l'hypermarché...
Passons à présent à la manière dont la presse locale a rendu compte de cette information. Il en a été question à deux reprises : le 7 décembre, quand l'annonce a été faite, et autour du 20 décembre, après la tenue de la dernière séance du Conseil municipal d'Onet, qui a entériné la décision.
Sur le site de Midi Libre, on peut lire le compte-rendu de la correspondante de Centre Presse, dont la majorité est consacrée à la question des bureaux de Poste. Elle évoque les réserves (voire oppositions) suscitées par le projet, jusque dans la majorité municipale. (Un conseiller a dû se souvenir qu'il avait voté NON, en 2005, au référendum sur le traité constitutionnel européen, dont l'application menaçait l'existence des services publics "à la française". C'est exactement ce qu'il se passe aujourd'hui...)
Certains seront peut-être étonnés de constater que c'est dans Le Nouvel Hebdo, réputé franchement de droite dès qu'il est question d'évoquer la gestion de la municipalité Geniez, que l'on peut sentir le plus grand désir de maintenir le service public de proximité :
Je m'autorise à penser que l'installation du nouveau bureau à côté de La Baleine a dû faire enrager l'auteur des lignes, qui ne manque jamais une occasion de fustiger cet investissement municipal, qui est pourtant (à mon avis) bien plus utile à la collectivité que le futur musée Soulages ne le sera (directement ou indirectement) aux Ruthénois.
La surprise est venue de la presse classée à gauche. Dans Le Ruthénois de cette semaine, on peut lire un article qui est le quasi-frère jumeau de celui publié le 7 décembre dernier dans La Dépêche du Midi :
Notons que, si les photographies illustrant les deux papiers ont visiblement été prises à quelques secondes d'intervalle, dans les deux cas, les élus tirent une tronche de dix kilomètres... étonnant, alors que l'on est censé annoncer une excellente nouvelle !
J'ai souligné le titre en rouge, parce qu'il a l'honnêteté de présenter le texte qui suit comme émanant de La Poste, ce qui n'était pas le cas dans le quotidien. Du coup, on s'étonne moins de l'aspect élogieux de certaines formules : "capacité à accompagner le développement et l'attractivité des territoires" (si la commune d'Onet continue de voir sa population augmenter, l'activité de La Poste a plutôt tendance à y diminuer...) ; "le relais Poste commerçant devrait garantir aux habitants une meilleure qualité de service"... Pourquoi ne pas le généraliser à toute la France alors ?
Bilan ? La gauche est au pouvoir (nationalement et localement) et cela n'empêche nullement une entreprise de service public, La Poste, de poursuivre une politique d'inspiration néo-libérale.
15:25 Publié dans Politique aveyronnaise, Société, Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, société
dimanche, 23 décembre 2012
Héritage
Ce film israélien, mêlant comédiens parlant arabe, hébreu et/ou anglais, est l'œuvre de Hiam Abbas (présente dans la distribution), une comédienne remarquée dans de multiples rôles, dans des films comme La Fiancée syrienne, Paradise now ou encore Amerrika.
L'histoire se noue autour d'un mariage, celui de la fille d'un entrepreneur palestinien au bord de la faillite, en Galilée. Au sens strict, les protagonistes sont donc plutôt des Arabes israéliens, même si l'on sent que l'histoire pourrait s'appliquer plutôt à des Palestiniens de Cisjordanie occupée.
L'entrepreneur est lui-même le fils d'un notable local, très malade. L'un des frères a des ambitions politiques (à concilier avec l'occupant israélien...), un autre, marié à une chrétienne, n'est toujours pas père et l'une des sœurs, la petite dernière, a décidé de mener se vie de femme à sa guise.
On voit que la réalisatrice a eu l'habileté d'entremêler la politique avec des considérations économiques et la dénonciation du patriarcat. Et pourtant... aucune des nombreuses (et ravissantes) femmes que l'on voit à l'écran n'est voilée. Nous sommes dans la bourgeoisie proche du Fatah. Ce n'est donc pas un portrait fidèle de la société palestinienne que l'on nous propose, mais une tranche de vie des catégories aisées, elles aussi confrontées à des choix douloureux.
Le contexte de la domination israélienne n'est que sous-jacent. On voit (et entend) régulièrement les avions de Tsahal parcourir le ciel. On voit parfois le résultat de bombardements. Les personnages tentent de vivre malgré tout. Au quotidien, ils sont amenés à croiser des Israéliens. S'ils veulent faire de la politique, ils vont être mis sous surveillance par la police.
Mais le cœur de l'histoire est constitué de ces vies de femmes. Il n'y a pas de matriarche, l'épouse du chef de famille étant décédée, sans doute en mettant au monde la petite dernière. Du coup, ce sont les deux grandes sœurs qui incarnent les figures dominantes. Bien que modernes d'apparence et traitées d'égal à égal par leurs époux, elles poussent au maintien des traditions. Le film tente d'explorer ce paradoxe. Une seule des jeunes femmes adhère à ce schéma, la future mariée. Sa sœur est plus coquine, plus libertaire... un peu comme sa (jeune) tante, qui suit des études et s'est entichée d'un Anglais.
C'est (très) bien joué, correctement filmé. Il ne faut pas s'attendre toutefois à un grand film à thèse sur le conflit proche-oriental. Mais cette fiction mérite le détour.
23:49 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 22 décembre 2012
Le Voyage de Monsieur Crulic
Ce voyage est (entre autres) celui réalisé par le corps du héros, ramené dans son pays d'origine (la Roumanie) par deux membres de sa famille. Dès le début, donc, on sait que cela finit mal. C'est une histoire (malheureusement) vraie, celle d'une erreur judiciaire. Mais elle est racontée sous forme animée, l'auteure (Anca Damian) mêlant les styles.
Ce Roumain n'a pas eu la vie facile. Il a arrêté tôt l'école, n'a pratiquement pas connu sa mère (à cause de la séparation précoce de ses parents) et a perdu son seul enfant à la naissance de celui-ci. Comme beaucoup de Roumains arrivés à l'âge adulte dans les années 1990-2000, il a tenté sa chance à l'étranger. Une partie de sa famille a migré en Italie, lui s'est tourné vers la Pologne. C'est là qu'il va être accusé à tort, deux fois. Désespérant de faire valoir ses droits, il se lance dans une grève de la faim. J'ai retrouvé un peu de l'ambiance de l'excellent Présumé coupable. (Certains ont vu une parenté avec Hunger.)
Ce film est aussi l'occasion de tracer un portrait sans complaisance de deux anciennes "démocraties populaires", à l'heure post-communiste. C'est particulièrement accablant pour les services publics : police, justice, hôpitaux, ambassade...
Ah, oui, j'oubliais : l'histoire nous est contée à deux voix. La plupart du temps, on entend celle du narrateur, le héros (du moins l'acteur qui l'incarne). Le ton est rocailleux (à la slave), mélancolique. C'est de manière presque neutre que sont racontés des drames. L'autre voix est féminine ; elle donne un peu de perspective à l'histoire de Crulic.
De prime abord, l'animation peut paraître rudimentaire, voire bâclée : cela ressemble à de la gouache. Mais l'auteure a mélangé les styles et les plans. Elle a inséré des photographies (surtout dans la première partie) et des effets numériques élaborés (comme cette soeur qui pleure, résumée à un oeil sur jupe qui finit par disparaître, sous l'effet de la douleur).
La dernière séquence est un montage d'extraits de journaux télévisés traitant de l'affaire. On replonge dans le réel mais, finalement, c'est la fiction animée qui m'a paru la plus cruelle.
23:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 21 décembre 2012
Le Hobbit : un voyage inattendu
On prend (presque) les mêmes et l'on recommence ! Peter Jackson remet le couvert pour ce qui semble être le premier épisode d'une nouvelle trilogie, dont l'action est antérieure à celle du Seigneur des anneaux. On retrouve donc Bilbon, Frodon (brièvement), Gandalf et certains elfes. Les véritables héros sont une troupe de nains (plus grands que les hobbits mais plus petits que les humains et les elfes) : je vous garantis qu'on a soigné les trognes !
Mais 2h45, c'est long... d'autant plus que l'histoire peine à démarrer. (Il paraît qu'il existe une version longue d'environ 3h30...) C'est qu'il faut concilier plusieurs types de public : les fans des romans, qui connaissent déjà l'histoire, ceux qui, comme moi, n'ont pas lu les livres mais apprécié la première trilogie et le nouveau public, qui n'a peut-être même pas vu ces films à la télévision ou en DVD.
Cela commence sur le registre comique. L'interprète de Bilbon jeune, Martin Freeman (remarqué dans le rôle du docteur Watson dans la mini-série Sherlock), adopte avec une aisance déconcertante la posture de la victime consentante, bonne pâte qui se fait manger la laine sur le dos... la laine, et le reste, puisqu'il doit accueillir une belle bande de pique-assiettes ! Merci, Gandalf ! Dit comme cela, cela donne l'impression que la séquence est hilarante, mais, franchement, c'est très convenu.
L'intrigue suit le même schéma que celle de la précédente trilogie. Ce premier volet pourrait être appelé "La Communauté des nains". La petite troupe se constitue, se chamaille, se bagarre et marche dans la campagne néo-zélandaise, à l'image de ce que l'on a vu naguère.
Visuellement, c'est réussi, mais je ne vois pas ce que la 3D apporte. De plus, par moments, l'image m'est apparue surchargée d'éléments. On ne distingue pas tout nettement, d'autant plus que les scènes d'action sont menées tambour-battant. On est à la limite du jeu vidéo (ce n'est pas un compliment).
Sur le fond, on sent que Tolkien avait puisé dans l'Ancien Testament. Ce peuple autrefois puissant, avide de richesses, qui a été vaincu et qui est désormais condamné à l'errance n'est pas sans rappeler les Hébreux. (Les références sont plus nauséabondes dans la trilogie déjà adaptée au cinéma.)
L'histoire est malgré tout prenante. J'ai aimé la présentation de la puissance puis du déclin du royaume des nains. J'ai surtout apprécié de retrouver Gollum, que Bilbon rencontre et auquel il va dérober son "précieux". Les scènes confrontant les deux hommes font partie des meilleures du film. Petit plaisir perso : l'introduction (parcimonieuse, hélas) de Cate Blanchett, sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise.
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jeudi, 20 décembre 2012
L'Odyssée de Pi
Ce nouvel Ulysse est un adolescent indien, dont le prénom a été choisi en référence à la piscine Molitor, à Paris. La première demi-heure est longuette, pas super bien jouée (ni doublée). Elle nous permet néanmoins de découvrir comment le garçon de l'ancien comptoir français de Pondichéry (où l'on enseigne encore la langue de Molière) a réussi à faire triompher le diminutif mathématique (Pi) sur les quolibets du genre "Pisseux".
Marquante est l'une des premières séquences à le mettre en contact avec le tigre. C'est l'occasion pour le père de donner une "leçon de vie" à ses fils. C'est aussi l'occasion pour le spectateur un brin attentif de se rendre compte que la réalisation manque parfois de rigueur : il est évident que le tigre n'a pas pu faire passer entre les barreaux le cadavre de sa proie, qu'il n'a pas encore dépecé.
On retrouve cette négligence dans la séquence du naufrage. Il est vrai que, depuis le Titanic de James Cameron, la barre a été mise haut. Mais on se fout un peu de nous quand on laisse de côté la grande majorité des occupants du navire qui sombre et quand on évite de donner la cause de la catastrophe, quitte à ce que des enquêteurs japonais tentent de la découvrir plus tard. (C'est un procédé scénaristique - le lampshade hanging - récemment décrit dans une petite vidéo bien fichue mise en ligne sur le site du Monde.)
La séquence nous met en contact avec un drôle de cuistot, sorte de beauf raciste incarné avec conviction par Gérard Depardieu. Dans la scène du repas, j'ai eu l'impression qu'il ne s'adressait pas au père du héros, mais à Jean-Marc Ayrault. Et pourtant, le cargo n'était pas en partance pour la Belgique...
Arrive donc le naufrage. Moyen. Parfois invraisemblable, comme ce moment durant lequel le garçon est en suspension sous l'eau, face au navire qui coule, les lumières encore allumées.
A partir du moment où il se retrouve dans le canot, en compagnie du tigre, le film devient presque bon. La relation ambiguë qui se noue entre le félin arrogant (très joli matou numérique) et l'ado maladroit est fouillée, intéressante. (J'ai bien ri quand il a été question de la délimitation du territoire de chacun. Le tigre - ici sans doute une tigresse - lui joue un petit tour façon Zarafa...) Les péripéties s'enchaînent, notamment en raison de la présence d'autres animaux. On sent la volonté de glorifier la nature, à travers ces scènes montrant l'océan, vu du dessus ou par en-dessous, de jour ou de nuit. Cependant, cela sent trop le montage numérique. J'ai pourtant vu le film en 2D, mais c'était parfois vraiment artificiel. Dommage.
Bien que totalement invraisemblable, la séquence sur l'île végétale, peuplée de suricates, m'a beaucoup plu. Elle est formellement magnifique et riche de sens, sur le fond.
Il reste que l'ensemble donne l'impression d'être un collage mal assemblé. Si j'étais mauvaise langue, je dirais que des producteurs en panne d'inspiration ont voulu réaliser un coup en puisant dans différents films à succès (Seul au monde, Slumdog Millionaire, Madagascar, Deux Frères, entre autres). Le résultat n'est pas très convaincant. Le mélange des civilisations et des mondes est un peu trop appuyé.
Il n'aurait pourtant pas fallu grand chose pour que ce soit un grand film. Une demi-heure avant la fin, le héros adulte, qui raconte l'histoire, reprend son récit et en donne une autre version. Du coup, on se demande si tout ce que l'on a vu depuis le naufrage n'était pas mensonge ou fantasme. Malheureusement, ce filon n'est que trop peu exploité.
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samedi, 15 décembre 2012
C'est où, Groland ?
Les inconditionnels de l'émission satirique connaissent tous cette carte mythique, qui place la présipauté au milieu de nulle part, c'est-à-dire au centre du monde :
Les géographes pointilleux tiqueront, la France étant placée au nord-ouest, entre la Corée et le Japon !
C'est une tout autre localisation que l'on nous a proposée, dans l'émission de samedi 15 décembre :
Voici ce que cela donne, avec un peu de recul :
Le Groland serait donc situé à la frontière de l'Allemagne et de la République tchèque. En voilà une info !
Très vite, on retourne sur terre, avec un reportage engagé sur le désarroi de certaines travailleuses manuelles :
Les amateurs de créativité publicitaire seront servis, avec ce spot en faveur d'un parfum très masculin :
La fine équipe a aussi enquêté sur la stratégie politique de François Grollande. Elle semble avoir trouvé où il puise son inspiration :
Du côté de la présipauté, on ne cesse d'innover. On a ainsi créé des "babybox"... et des "papybox", pour gérer le flux sans cesse grandissant de personnes âgées. On y fait aussi le bilan du mariage homo, sous un angle très "grolandien" :
Ne croyez pas que l'émission néglige la culture pour autant. Francis Kuntz profite de son "moment littéraire" pour faire une promo d'enfer à un énième livre de cuisine :
Quand vient le tour de la musique, il est question d'un rappeur engagé, Boubou Bou :
Fin du monde oblige, l'émission nous met en contact avec une secte très spéciale :
Je vous laisse découvrir le reste, des incrustations en arrière-plan de l'animateur aux infos made in ailleurs... Banzaï !
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vendredi, 14 décembre 2012
Le cheval blanc d'Henri IV
- Ville de Rodez, bonjour !
- Bonjour madame. Je suis bien à la mairie de Rodez ?
- Oui.
- Je suis de passage à Rodez et je cherche la réponse à une question : quelle était la couleur du cheval blanc d'Henri IV ?
- Euh... Vous pouvez patienter s'il-vous-plaît ?
- Oui ! ?
...
- Allo ?
- Oui, je vous passe le service qui s'en occupe !
Cette scène surréaliste est bien entendu inspirée de ce que l'on a pu entendre sur Europe 1, mercredi, dans l'émission de Laurent Ruquier "On va s'gêner". (Au passage, précisons que le "Vert Galant", avant de devenir roi de France, fut comte de Rodez, grâce à sa mère, Jeanne d'Albret, qui était la fille de Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier.)
Je n'ai pas entendu l'émission au moment de sa diffusion. Les âmes charitables n'ont pas manqué pour signaler à mon attention cette pépite, condensée en un quart d'heure dans la version diffusée sur Youtube.
Une fois que l'on a bien ri, on peut faire quelques remarques. D'abord, parmi les fonctionnaires de la mairie de Rodez, les femmes semblent nombreuses. Ensuite, aucune de ces personnes (pas plus que les employés de l'évêché) n'a su ou voulu tenter une réponse. Pourtant, nombre d'entre elles doivent passer quotidiennement devant la cathédrale ! (C'est encore plus vrai pour les employés de l'évêché, qui n'ont que la rue Frayssinous à traverser...)
On peut regretter la timidité des employés (sans doute soucieux de ne pas se couvrir de ridicule... c'est raté), mais leur attitude est peut-être le reflet d'une sorte de conditionnement. Le travail au standard est formaté : il faut ventiler les coups de fil vers les personnes compétentes et écarter les gêneurs. L'employée a agi de même avec Laurent Ruquier. Elle n'a sans doute pas pensé, de prime abord, qu'elle pourrait répondre à sa question : ce n'est pas son boulot. Ceci dit, au standard de la mairie de Rodez, elle doit parfois en entendre de belles...
Bref, toutes ces personnes se sont refilé la patate chaude. Voilà l'animateur d'Europe 1 baladé de service en service, à l'image des héros de Goscinny et Uderzo, dans une séquence restée célèbre des Douze Travaux d'Astérix. On pourrait aussi penser au sketch de Pierre Palmade, La Moto.
A Paris, on a fini par comprendre que les Ruthénois (pas les Rodéziens, hein !) ne sont même pas d'accord entre eux sur la couleur de la cathédrale. Comment est-ce possible ? La photographie d'une partie de l'auguste bâtiment va nous être utile :
Nous sommes au pied de la façade Ouest, qui donne sur la place d'Armes. La prise de vue date d'octobre dernier, le jour où j'avais pris en photo certains éléments de la tour Sud, notamment. Vous aurez remarqué la diversité des teintes. N'oublions pas que l'édifice, dans sa forme actuelle, résulte d'une série de travaux s'étalant sur deux siècles et demi (de la fin du XIIIe au début du XVIe). Si vous ajoutez à cela les restaurations successives, il n'est pas étonnant de rencontrer une telle variété.
A la base, comme le précise l'office du tourisme (qu'aurait pu penser à contacter Laurent Ruquier), c'est en grès rose que la cathédrale a été construite. Avec le temps, certaines pierres (surtout pas des briques !) ont noirci. En fonction de l'ensoleillement, certaines parties peuvent passer pour rouges ou ocres.
Cela, les chroniqueurs de l'émission "On va s'gêner" auraient pu le trouver sans problème, à l'heure des smartphones et tablettes reliées à Internet. C'est à se demander si la démarche téléphonique est aussi spontanée qu'elle en a eu l'air. L'émission étant enregistrée, pendant ce qui est présenté comme la pause publicitaire, la moindre recherche sur la Toile aurait mené la fine équipe (ou plutôt leurs assistants dévoués) à la bonne réponse. (Il semble toutefois que les assistants ne soient pas d'une grande habileté : quand l'animateur leur a demandé, en désespoir de cause, de contacter un café local, ils ont choisi le torréfacteur Cafés Ruthéna !) On a peut-être pensé jouer un joli coup. Après tout, pourquoi ne pas tenter la démarche téléphonique. On ne sait jamais sur quoi cela va déboucher...
Cela n'exonère pas pour autant les employés de leur responsabilité. Combien de Ruthénois (et d'Aveyronnais), passant à proximité de la cathédrale, ont le nez plongé sur l'écran de leur téléphone portable ? Quelle part des habitants aurait pu répondre à la question simple posée par l'animateur ? Je suis persuadé que les réponses auraient par contre fusé si les mêmes personnes avaient été interrogées sur le gagnant de telle ou telle émission de télé-réalité... Triste époque !
20:43 Publié dans Aveyron, mon amour, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, humour, médias
mercredi, 12 décembre 2012
Musée Soulages : l'avenir s'assombrit
On s'y attendait un peu. Néanmoins, l'annonce, par Jean-Claude Luche, de la division par deux de la subvention du Conseil général de l'Aveyron pour la construction des gigantesques boîtes à chaussures du Foirail a provoqué un mini-séisme politique.
Pour commencer, notons le léger décalage dans la manière dont deux des quotidiens locaux ont présenté la chose. La Dépêche du Midi, sans reprendre entièrement les propos de Christian Teyssèdre (le maire de Rodez, pas content du tout), choisit un titre plutôt défavorable à Jean-Claude Luche :
La photographie est prise en contre-plongée. Le président du Conseil général y paraît puissant (même si cela ne correspond pas tout à fait au titre), presque hautain. On a l'impression qu'il pourrait quand même allonger la thune, mais que, rien pour faire iech le maire de Rodez, il décide de fermer (partiellement) le robinet à subventions.
Midi Libre attribue son revirement au contexte économique et minimise les conséquences :
La photographie présente l'élu en position d'explication. Il est pris quasiment de face, presque en train de s'excuser de devoir baisser le niveau de la subvention. L'article du quotidien montpelliérain passe d'ailleurs plus de temps à détailler les choix budgétaires de J-C Luche qu'à traiter du financement du musée Soulages. Précisons que Luluche a eu l'habileté de reporter une partie des crédits sur des projets soutenus par des mairies de gauche (Onet-le-Château et Millau). Quel métier !
Ceci dit, sur le fond, je ne peux pas lui jeter la pierre. La situation financière du département n'est pas brillante (même s'il y a bien pire) et, franchement, il a mieux à faire que de financer ce gagdet pour cultureux.
C'est le moment que choisit le contribuable ruthénois pour se réveiller en moi. Il sent -ce contribuable- que c'est vers lui que l'on risque de se tourner pour boucler le financement du musée. Déjà qu'on ne lui dit pas qui va payer la différence entre l'estimation que des médias continuent à véhiculer (environ 21,5 millions d'euros dont 9,5 pour le Grand Rodez) et celle que le journal publié par la mairie de Rodez a fini par donner en décembre dernier (28 millions d'euros dont 50 % issus des subventions, soit 14 millions pour la Communauté d'agglomération).
Si le Conseil général divise par deux le montant de sa participation au projet, c'est bien plus de deux millions d'euros qui risquent retomber sur les reins du Grand Rodez : n'oublions pas la part des taxes ! De surcroît, compte tenu du retard pris par les travaux et de la volonté du peintre de reporter l'inauguration de plusieurs mois (le "maître" de l'outrenoir ne voulant pas d'une cérémonie en novembre 2013, en pleine saison "sombre"... un comble !), qui sait quelle somme pourrait encore s'ajouter au total déjà faramineux. On va bien finir par atteindre les 30 millions d'euros que certains commentateurs évoquent déjà depuis des mois.
Faites les comptes : au lieu d'un montant (faussement) annoncé de 9,5 millions d'euros, c'est 16 ou 18 millions que le Grand Rodez (et donc les contribuables locaux) va devoir sortir du porte-monnaie ! (Déjà en 2010, La Dépêche du Midi précisait que le dépassement de budget devrait être réglé par la Communauté d'agglomération...) On se prend à rêver que l'ex-sénatrice de l'Aveyron Anne-Marie Escoffier, aujourd'hui ministre dans le gouvernement Ayrault, décide de prendre en mains ce dossier pour le défendre devant sa collègue de la Culture, histoire que la contribution de l'Etat puisse passer de 4 à 8 ou 10 millions d'euros...
20:52 Publié dans On se Soulages !, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, presse, arts, culture, peinture
dimanche, 09 décembre 2012
La folie du gaz de schiste
C'est le titre d'un petit dossier publié dans le numéro de Courrier international de cette semaine :
Je profite de l'occasion pour dire tout le bien que je pense de ce journal. Il a le grand mérite de rendre accessibles au public francophone des articles souvent passionnants issus de la presse étrangère. Il a aussi l'intelligence d'être vraiment bi-média : seule une partie des articles de la version papier est accessible sur le site internet, où l'on peut découvrir des contenus enrichis.
Cela commence par une "accroche" qui replace la question dans un contexte international, même si les Français en entendent désormais régulièrement parler, comme on va le voir plus loin.
Le premier véritable article, "Alerte rouge pour Gazprom", est extrait d'un magazine économique russe. Le géant du gaz naturel voit sa puissance remise en cause par l'essor des gaz non conventionnels (plus coûteux à exploiter en Russie). Il est bien entendu question de la dépendance réciproque qui lie l'entreprise à l'Europe, alors que la construction du gigantesque réseau de gazoducs South Stream vient d'être lancée.
La perspective semble aussi se brouiller avec l'Asie, notamment la Chine ("Vu de Chine") qui, jusqu'à présent, trouve trop chers les hydrocarbures russes... et qui possèderait d'immenses réserves de gaz de schiste:
Une difficulté basique se présente aux autorités de Pékin : les plus grandes réserves sont situées dans des zones arides. Quand on connaît l'importance de l'eau dans le processus d'extraction, on se dit que ce n'est pas demain que la Chine cessera d'importer du gaz...
En complément, sur le site internet de l'hebdomadaire, on peut lire un papier qui traite des revirements des autorités bulgares, qui tantôt semblent vouloir favoriser les investissements étrangers (occidentaux) dans l'exploration des gaz de schiste, tantôt semblent se découvrir une conscience écologique très prononcée... peut-être sous l'influence de Gazprom.
"Vu de Varsovie", c'est l'indépendance énergétique qui semble l'emporter sur tout autre considération. Rappelons que l'ancienne démocratie populaire, bien que devenue indépendante de l'ancien "grand frère" russe, lui achète encore 70 % du gaz qu'elle consomme. De leur côté, la République tchèque et la Roumanie se montrent plus prudentes vis-à-vis du gaz de schiste, sans que l'on sache vraiment si l'on doit cette attitude au désir de préserver l'environnement ou à l'influence de Gazprom... c'est-à-dire du gouvernement russe.
Aux Etats-Unis, c'est l'optimisme qui semble l'emporter : "Le grand retour de l'industrie aux Etats-Unis". La baisse du prix de l'énergie provoquée par l'exploitation massive du gaz de schiste semble favoriser la relocalisation d'entreprises. Nombre d'experts pensent que Washington est en passe de recouvrer son indépendance énergétique. Voilà qui pourrait bouleverser la géopolitique du Moyen-Orient : Oncle Sam ne se sentirait plus obligé d'y jouer le rôle de gendarme... ce qui contraindrait la Chine à s'y investir davantage.
Qu'en pensent les autres pays en développement ? Au Mexique, on s'inquiète des conséquences environnementales. Au Maghreb, d'après la petite revue de presse publiée par l'hebdomadaire, le débat fait rage. L'Algérie s'inquiète de l'épuisement de ses ressources conventionnelles et, en Tunisie, s'il est indéniable que le pays aurait besoin de développer le potentiel national, la corruption semble à l'oeuvre...
L'Indonésie vit une situation paradoxale. L'exploitation incontrôlée du charbon a fait la fortune d'une mince "élite"... et permis au pays de récupérer des devises, grâce aux exportations. Mais les principaux clients sont la Chine et l'Inde, dont les achats pourraient chuter s'ils développent l'extraction de gaz de schiste. Dans un cas comme dans l'autre, il ne semble pas y avoir de "bonne" solution environnementale.
Cela nous ramène au débat français, alimenté aussi bien par des "experts" que par des vétérans de la politique qui ne se résolvent pas à ne plus jouer de rôle. L'été dernier, Le Monde comme La France agricole se sont fait l'écho des arguments échangés. Récemment, on a beaucoup parlé des déclarations de Michel Rocard au "quotidien de référence". La semaine passée, Midi Libre s'est penché sur la question. Comme le journal a donné la parole à des scientifiques partisans de l'exploitation, il s'est attiré l'ire de certains lecteurs.
En complément des articles, le quotidien de Montpellier a publié une carte commentée des permis d'exploration :
L'Aveyron a été progressivement "libéré" de la menace. (Les curieux peuvent d'ailleurs se rendre sur le site du ministère du développement durable pour observer l'évolution de la carte des titres miniers d'hydrocarbures.) L'an dernier, trois permis, dont celui de Nant (qui englobait le Larzac) ont été annulés, sans doute grâce à la mobilisation locale (et à la proximité d'élections nationales). Il en restait 61... et l'ouest de l'Aveyron était concerné par celui de Cahors. Il fait partie des sept qui ont été rejetés en septembre dernier :
A suivre...
15:38 Publié dans Economie, Politique, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, société, médias, presse, écologie, environnement, actualité
vendredi, 07 décembre 2012
J-C Luche et les conseillers départementaux
Le ministre de l'Intérieur du gouvernement Ayrault, Manuel Valls, a présenté fin novembre un projet de loi relatif aux collectivités territoriales. Il y est question des départements. Hélas, il n'est pas prévu de diminuer le nombre de conseillers généraux. Ils sont 46 dans l'Aveyron et verraient leur nom changer : on les appellerait désormais "conseillers départementaux", ce qui n'est pas idiot, soit dit en passant.
Concernant leur mode d'élection, le projet a l'habileté de concilier le mode de scrutin majoritaire (à deux tours) avec l'exigence d'une plus grande parité. Ainsi, dans l'Aveyron, les nouveaux conseillers départementaux seraient élus par "couple" (un homme et une femme), dans 23 circonscriptions. (Rappelons qu'à l'heure actuelle, les femmes ne représentent qu'environ 14 % des conseillers généraux français.) A première vue, l'idée semble devoir séduire à la fois les partisans d'un relatif statu quo (farouchement opposés à la réforme sarkozyenne qui voulaient créer des conseillers territoriaux) et ceux qui ne se satisfaisaient plus de l'ancienne situation, jugée pas adaptée à la France du XXIe siècle.
On est donc à moitié surpris de l'opposition exprimée par le président du Conseil général de l'Aveyron, Jean-Claude Luche, par exemple dans le communiqué publié dans Le Villefranchois de cette semaine :
(Au passage, je recommande la lecture de ce numéro, riche en informations. On y trouve notamment une réponse de Martin Malvy aux interrogations des Aveyronnais concernant l'absence d'élu de notre département au sein du nouvel exécutif régional.)
Le diable va se nicher dans les détails. Deux aspects de la réforme font tiquer Jean-Claude Luche : le renforcement de la parité et le redécoupage cantonal... peut-être pour d'inavouables raisons. En effet, à l'heure actuelle, sauf erreur de ma part, le Conseil général compte 10 femmes pour 36 hommes, soit environ 22 %. La réforme proposée par le gouvernement conduirait donc au moins 13 de ces élus à abandonner leur siège en 2015. Adieu veaux, vaches, cochons ! Adieu belle indemnité et copieux gueuletons ! Comme les conseillers de sexe masculin sont un peu plus nombreux du côté de la majorité départementale que de l'opposition (21 contre 15, si je ne m'abuse), on imagine sans peine quel camp risque de se déchirer quand il va s'agir de former les "tickets" pour 2015. (De surcroît, à gauche, certains vétérans de sexe masculin sont susceptibles de ne pas se représenter, ce qui faciliterait la tâche des socialistes et de leurs alliés.)
Mais c'est peut-être le redécoupage cantonal qui risque de mettre le feu aux poudres de la majorité départementale. On pense qu'il va s'effectuer sur une base démographique : des cantons peu peuplés pourraient être fusionnés. Il faut dire qu'ils sont très inégalement peuplés, de 894 habitants (pour Saint-Chély-d'Aubrac) à 23 678 pour Rodez-Ouest, d'après l'INSEE. Je veux bien qu'il faille assurer la représentation des territoires, mais un tel écart (de 1 à 26) est excessif !
Quant à l'argument de la proximité, il fait sourire. Le découpage cantonal est pour l'essentiel un héritage de la première moitié du XIXe siècle, époque à laquelle l'automobile n'existait pas. La possession quasi généralisée d'un véhicule, couplée aux moyens de communication modernes (téléphone et internet), rend possible la création de territoires de proximité un peu plus vastes qu'il y a 150-200 ans.
Je ne sais pas encore comment le gouvernement compte procéder, mais il y a fort à parier qu'en Aveyron, les cantons moins peuplés que la moyenne (6 000 habitants) soient regroupés. Or, que constate-t-on lorsque l'on s'intéresse à l'orientation politique des élus desdits cantons ? Ceci :
J'ai retouché la carte publiée en première page de Centre Presse le lundi 28 mars 2011. Le quotidien aveyronnais avait attribué une couleur à chaque canton en fonction de l'orientation politique de son élu : rose pour la gauche, bleue pour la droite. J'ai ajouté des points blancs sur le territoire des cantons peuplés de moins de 6 000 habitants.
L'impression visuelle est nette : ce sont majoritairement des cantons "bleus" (tenus par la droite) qui sont peu peuplés et qui risquent donc d'être fusionnés avec l'un de leurs voisins (21, contre 8 à la gauche). J'ajoute que, parmi les cantons les plus proches de la barre des 6 000, on trouve ceux détenus par la gauche (Cassagnes-Bégonhès, Naucelle, Réquista et Rignac). Il y a donc fort à parier que, si le gouvernement choisit de placer la barre un peu plus bas, la quasi-totalité des cantons aveyronnais susceptibles de fusionner pourraient être ceux détenus par des proches de Jean-Claude Luche (lui-même inclus). Voilà sans doute la véritable raison du rejet de la réforme qu'il a exprimé.
23:46 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, ump, ps, france, société
dimanche, 02 décembre 2012
Les Lignes de Wellington
La compagne et collaboratrice de feu Raoul Ruiz (elle a procédé au montage des Mystères de Lisbonne) a repris son dernier projet de film. Cela donne une ambitieuse coproduction franco-portugaise, dont l'intrigue se situe pendant l'invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes, déjà présentes à l'époque en Espagne.
Le fil rouge de l'histoire est la migration des civils portugais, qui fuient l'avancée des troupes françaises et les destructions opérées par les armées portugaises et britanniques, qui ont choisi de pratiquer la politique de terre brûlée, pour affaiblir l'envahisseur. L'objectif est de l'attirer au pied de fortifications réputées imprenables, construites dans le plus grand secret, au sud du pays, à l'initiative du général Wellington.
On suit donc ces improbables colonnes de fuyards, mêlant aristocrates, bourgeois et gens du peuple, Portugais et Britanniques. Il y a ce mari épris de culture, qui recherche son épouse disparue. Il y a cette veuve anglaise, à laquelle un sous-officier portugais va s'attacher. Il y a les hommes de troupe (les personnages les mieux campés, à mon avis), qui entrent parfois en relation avec les infirmières (l'une d'entre elles interprétée -avec talent- par Elsa Zylberstein). Il y a cette jeune Anglaise volage. On n'a pas oublié les prostituées, ni les marchands. Certains saynètes sont croquignolesques, mais, globalement, l'accumulation lasse.
Du coup, de temps à autre, on se réjouit de suivre un peu les Français. Hélas ! Ils sont systématiquement présentés sous un jour négatif. Et quand on se retrouve face à un trio d'acteurs bien de chez nous (Isabelle Huppert, Catherine Deneuve et Michel Piccoli), on apprend qu'ils incarnent des Suisses !
Cete séquence est d'ailleurs à l'image du film : riche en promesses, s'appuyant sur une distribution prestigieuse, mal employée, et au final décevante. Le film pêche par la faiblesse de la direction d'acteurs. On a l'impression que la réalisatrice n'a pas osé se montrer trop directive avec ses comédiens... Le "métier" ne fait pas tout ! Et puis il y a ces scènes qui sont jouées comme du vieux théâtre filmé...
Bref, en dépit de la présence de plusieurs moments savoureux, c'est dans l'ensemble assez maladroit et ennuyeux.
11:56 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
samedi, 01 décembre 2012
Les élus grands-ruthénois attendent le Père Noël
La nouvelle a fait la "une" de la presse locale, sans que l'artiste se soit exprimé de vive voix : il effectuerait une deuxième donation d'oeuvres au (futur) musée ruthénois. Exclu sensationnelle ? Non. L'information circule depuis juin dernier, y compris sur des sites nationaux comme celui de France Télévisions.
Cet empressement à annoncer le "cadeau de Noël" de l'artiste m'a inspiré un détournement d'une célèbre chanson :
C'est la belle nuit de Noël
L'outrenoir étend sa cape sombre
Et les yeux levés vers le ciel
A genoux, les petits zélus
Avant de recompter la caisse
Espèrent une dernière largesse.
Petit Papa Soulages
Quand tu descendras de Sète
Avec tes tableaux par milliers
N'oublie pas les Aveyronnais.
Mais pour te déplacer
Dans ton si joli musée
Il faudra bien t'éclairer
Dedans il fera si noir
C'est un peu à cause de toi.
Les zélus attendent que le jour se lève
Pour voir si tu leur as apporté
Tous les gribouillis qu'ils voient en rêve
Et qu'ils voudraient exposer.
Petit Papa Soulages
Quand tu descendras de Sète
Avec tes tableaux par milliers
N'oublie pas les Aveyronnais.
Le marchand de rêve est passé
Les zélus sont émerveillés
Et tu vas pouvoir commencer
Avec ta palette enchantée
Sous la caresse de la bise
Tes barbouillages surprises.
Et quand tu quitteras le mont Saint-Clair
Pour revenir en Aveyron
Pense à fouetter les zélus visionnaires
Qui dépensent notre pognon.
Petit Papa Soulages
Quand tu descendras de Sète
Avec tes tableaux par milliers
N'oublie pas les Aveyronnais.
Petit Papa Soulaaaaages !
12:28 Publié dans Bouts rimés, On se Soulages !, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, culture, art, peinture, musique