jeudi, 22 février 2018
Plan loup : Macron et Philippe font du Hollande
Presque dix mois après l'élection d'Emmanuel Macron, on peut affirmer que son mouvement, censé être transcourant, marche principalement (uniquement ?) sur sa jambe droite, à tel point qu'on peut se demander en quoi un gouvernement nommé par François Fillon (et s'appuyant sur une alliance droite-centre) aurait pu se différencier de la politique menée par Edouard Philippe.
Tel n'est pas le cas de l'attitude face au loup. Le gouvernement semble avoir voulu ménager la chèvre et le chou (ou plutôt la brebis et le loup)... ce qui conduit, de toute façon, à la dégradation inéluctable de la situation des éleveurs extensifs des zones montagneuses. Voici pourquoi.
Le Plan loup, cité par le quotidien Le Monde, estime à 360 le nombre de ces prédateurs présents en France. Or, l'objectif, à court terme, n'est pas la stabilisation de l'effectif, mais son augmentation, puisque le rapport parle de 500 loups d'ici quatre ans, soit une progression d'environ 40 % ! C'est se moquer du monde, alors que la situation est déjà intenable dans certaines zones de pâturage.
Le pire est qu'il est sous-entendu que, si l'on veut assurer la pérennité de l'espèce, c'est un effectif de 2 500 à 5 000 loups qu'il faudrait atteindre ! Cela semble être un objectif à moyen-long terme. Du coup, c'est la survie de l'élevage ovin dans le Sud Aveyron (et même une partie de l'élevage bovin dans le Nord) qui est menacée. Ce plan ne tient pas compte d'un récent rapport de l'INRA, fondé sur une méthode rigoureuse et non sur des préjugés environnementalistes, coupés de la réalité du terrain.
La contrepartie annoncée (des aides à la protection) n'est qu'un affichage, histoire de pouvoir affirmer qu'on ménage les deux parties. Mais le bilan n'est pas neutre. On sait que ne serait-ce que le maintien de l'actuelle population de loups dans les zones d'élevage pourrait, à terme, menacer l'existence de 25 % à 40 % des exploitations, dans un contexte qui est déjà celui d'une déprise agricole. Encore une fois, c'est le monde rural qui risque de trinquer à cause de politiques décidées en haut lieu sous l'influence de lobbys.
Rappelons qu'au milieu du XXe siècle, le loup avait disparu de France métropolitaine. Cinquante ans plus tôt (comme le précise une vidéo du Monde, qui donne un peu trop la parole à une ethnozoologue plutôt favorable au canidé), il était déjà absent de l'Aveyron :
Quoi qu'il en soit, la gestion de ce problème repose sur des observations de terrain. Or, comme on peut le lire dans la version numérique du Plan loup, les agriculteurs ne représentent que 3 % des membres des réseaux de correspondants, contre, par exemple, 10 % pour les associations environnementalistes et 13 % pour les "particuliers"...
Ici et là, il se murmure que nombre d'observateurs (censés être neutres) évitent de transmettre une partie de leurs découvertes, pour empêcher la localisation des meutes de loups et aussi pour minimiser leur présence, pour que le grand public ne s'alarme pas de la forte (et récente) augmentation des effectifs.
Cela permet de comprendre pourquoi une région comme l'Aubrac est désormais touchée. C'est un problème de plus qui va se poser au tout jeune PNR, dont l'objectif principal est de revitaliser la zone en s'appuyant sur la préservation du patrimoine, la valorisation de l'élevage et la promotion du tourisme. Quid du loup là-dedans ? C'est cette ambiguïté qui a sans doute suscité une virulente tribune ("Le loup traumatise la population de l'Aubrac") parue aujourd'hui dans Centre Presse.
Elle est, me semble-t-il, signée par un éleveur du Nord Aveyron, qui reproche à André Valadier (le "papa" du PNR) ses tergiversations. Celui-ci n'a pas osé prendre publiquement position contre la présence du loup. Je pense que c'est d'abord une question de contexte : le PNR n'existant pas encore officiellement (sa naissance devant être annoncée lors du Salon de l'agriculture), son promoteur, qui lui a consacré des années de sa vie, redoute qu'une énième contrariété ne vienne repousser à nouveau cette création tant désirée.
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lundi, 19 février 2018
Sugarland
Cet étonnant documentaire australien se place dans la lignée de Supersize me, de Morgan Spurlock, sorti il y a déjà une quinzaine d'années. Ici, au lieu de s'alimenter uniquement dans une chaîne de restauration rapide, l'auteur-interprète (Damon Gameau) choisit de faire l'expérience d'une alimentation sucrée, en excluant toutefois les produits les plus évidents : bonbons, chocolat, gâteaux, glaces... En théorie, il consomme de "bons" aliments, achetés (en général) en grande surface. On se rend rapidement compte qu'ils regorgent de sucres cachés.
Comme Damon Gameau a le sens de l'humour, il se met en scène de manière comique, comparant le développement de son embonpoint abdominal à la progression de la grossesse de sa compagne. En deux mois, il aura pris plus de huit kilos... sans consommer davantage de calories (autour de 2 300 par jour) ! Il a pourtant pris soin de ne pas changer de rythme de vie, continuant à pratiquer du sport à intervalle régulier. Pour valider son expérience, il se fait suivre par quatre spécialistes, auxquels il donne des surnoms de super-héros.
Le documentaire se veut pédagogique. Il explique quels sont les différents types de sucre. Il a aussi recours à des experts, dont les interventions apparaissent souvent en incrustation, sur les étiquettes des produits que consomme Gameau. On a même droit à quelques animations anatomiques, notamment pour découvrir le fonctionnement du foie.
La première partie du film se déroule en Australie. En moyenne, ses habitants consommeraient l'équivalent de quarante cuillerées de sucre par jour ! Le "régime" auquel s'astreint Gameau le conduit à ingurgiter la chose à travers des aliments transformés. Un des exemples marquants est la comparaison entre la consommation de quatre pommes et celle du volume de jus de fruits correspondant. La différence est, qu'au bout de deux voire trois pommes, le sentiment de satiété se fait sentir, alors qu'avoir bu tout le jus ne suffit pas à couper la faim.
Une des séquences les plus fortes se déroule dans un territoire aborigène. Les jeunes générations ont complètement rompu avec le modèle ancestral, d'où la consommation de sucre était absente. C'est arrivé à un point que les magasins de la région sont considérés par les plus profitables du monde par les vendeurs de sodas. Un homme a essayé de réagir face à cette situation de dépendance et à ses conséquences (en particulier l'obésité). Le film montre comment il est parvenu (avec d'autres), dans sa communauté, à faire en sorte que les gens reprennent goût à une alimentation saine. Hélas, son association a perdu ses subventions...
La deuxième partie du film se déroule aux Etats-Unis, siège de la plupart des multinationales de l'agroalimentaire qui dominent le secteur. Sans avoir le talent d'un Michael Moore, Gameau dénonce l'influence néfaste de ce lobby et découvre jusqu'où les transformateurs vont fourrer le sucre (par exemple l'équivalent de quatre cuillerées dans un plat cuisiné à base de poulet !). Ne reculant devant aucun sacrifice, il va, sur une journée, jusqu'à remplacer les plats cuisinés par l'équivalent en sucre réel... à vous dégoûter d'en manger ! (C'est le but, d'ailleurs.)
Ce séjour états-unien est aussi l'occasion de montrer les méfaits d'une consommation intensive et régulière de produits sucrés. Gameau suit un dentiste qui intervient (bénévolement semble-t-il) dans l'est du Kentucky, une région où le taux de pauvreté est élevé. Je pense qu'aucun des spectateurs de la salle n'oubliera le cas de ce jeune homme, dont toutes les dents sont pourries (et rongées), à cause de sa dépendance à un soda particulièrement sucré créé par Pepsi. (Coca n'est pas la seule boîte à vendre de la m...). Le pire est que le jeune homme n'envisage pas de changer de mode alimentaire, tant celui-ci est ancré en lui... peut-être depuis la plus tendre enfance, certaines mères de famille de la région n'hésitant pas à remplir le biberon de soda !
Il y aurait encore plein de choses à dire à propos de ce documentaire, parfois un peu surjoué par son auteur, mais vraiment passionnant (et drôle). C'est à voir si vous en avez l'occasion.
20:03 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
vendredi, 09 février 2018
La Sopave abandonnée
Depuis fin 2017, il ne se passe pas une semaine sans que l'entreprise de Viviez (connue désormais sous le sigle SRVPA) ne fasse l'actualité, hélas pas pour le meilleur. Toutefois, il a fallu attendre l'annonce officielle de la fermeture prochaine du site pour que les élus locaux semblent sortir de leur torpeur.
Il faut dire que, dans le Bassin, entre la disparition des commerces de centre-ville et les menaces qui pèsent sur les services publics, il y a de quoi s'occuper. Pourtant, depuis décembre dernier, un petit vent d'optimisme s'était mis à souffler sur le territoire. A Viviez même, c'est une autre entreprise industrielle, la SNAM (Société Nouvelle d'Affinage des Métaux), qui a annoncé un plan de développement. Dans la presse nationale, on a parlé d'environ 600 emplois putatifs (d'ici 2023), alors que Centre Presse a titré sur plus de 700, présentés dans l'article comme certains.
Dans le même temps, pas très loin de là, à Decazeville, le sort de SAM technologies suscitait de grandes inquiétudes... que l'intervention d'un groupe chinois est venue (temporairement ?) dissiper. Il reste à espérer que, dans cinq ans, le groupe Jinjiang ne lève pas le camp, emportant dans ses bagages la technologie de SAM, achetée à bon prix.
Remontons un peu en arrière... toutefois pas jusqu'à 1986 (création de l'entreprise), ni même 2006 (année de la reprise par le groupe Suez). Arrêtons-nous en septembre 2012. Ce n'est pas si lointain. A l'époque, l'ambiance est au beau fixe. Pensez donc : une nouvelle ligne de production est lancée. Tout le gratin politico-administratif est là le jour de l'inauguration. L'entreprise emploie alors 73 salariés (à comparer aux 35 qui restent aujourd'hui...). Durant les années qui suivent, le site semble continuer sur sa lancée. En 2016, la Sopave a même remporté un appel d'offre "lointain" : la fourniture de sacs jaunes (pour les déchets recyclables) à la communauté Angers-Loire-Métropole.
Cependant, la dynamique n'est plus la même. Ainsi, en janvier 2017, quand le nouveau directeur du site est interrogé, les effectifs ont fondu à 48 salariés, soit une diminution d'un tiers en environ quatre ans. Le chiffre d'affaires a reculé à cause de la baisse des commandes de sacs plastiques. L'article de La Dépêche auquel renvoie le premier lien de ce billet évoque la perte du marché des deux collectivités les plus proches (aujourd'hui fusionnées), celles de Decazeville-Aubin et de la Vallée du Lot, en 2015.
La collecte et le traitement des déchets sont l'une des compétences de l'ancienne comme de la nouvelle communauté de communes. Celle-ci est toujours présidée par le maire d'Aubin (André Martinez), dont le deuxième vice-président, qui a en charge le développement économique, est François Marty, maire de Decazeville depuis 2014. Le maire de Viviez (Jean-Louis Denoit, en place depuis 2001), troisième vice-président, n'a en charge que l'urbanisme et l'habitat. L'environnement et le cadre de vie sont du ressort de Jean-Pierre Ladrech, premier vice-président et maire de Firmi (depuis 2008). Auparavant, il avait sous sa coupe le développement économique. Voilà plusieurs personnes qu'il serait intéressant d'interroger sur la non-reconduction des marchés avec la Sopave.
Quant au groupe Suez, il se contente d'affirmer avoir beaucoup investi dans le site. Le choix d'arrêter la production de sacs plastiques a été déterminant pour la suite des opérations. Il est fort possible qu'à partir de ce moment-là, la fermeture du site ait été programmée sans que les employés n'en aient été informés.
P.S.
Je ne voudrais pas avoir l'air de lui jeter particulièrement la pierre (il est arrivé trop récemment aux commandes), mais François Marty s'est régulièrement distingué, dans ses déclarations, par sa volonté de réduire les coûts, aussi bien au niveau de la municipalité de Decazeville (récemment dans Centre Presse) que de la communauté de communes (en janvier 2017, par exemple).
Je me demande si la Sopave n'a pas été considérée comme quantité négligeable, au regard de l'enjeu représenté par le maintien de la SAM et de la SNAM.
17:42 Publié dans Economie, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médias, journalisme, société, france, économie, actualité
jeudi, 04 janvier 2018
Prendre le large
Ce long-métrage a fini par arriver à Rodez, presque deux mois après sa sortie en salles. J'en reparlerai sans doute dans un autre billet, mais les cinéphiles ruthénois nourrissent quelques inquiétudes depuis le rachat de Cap Cinéma par CGR.
En attendant, revenons au film. Sandrine Bonnaire (quasiment pas maquillée) incarne une ouvrière textile sur le point d'être licenciée. Elle n'est pas particulièrement belle ou intelligente et s'habille de manière conventionnelle pour pas cher. On est donc loin ici d'un personnage d'héroïne flamboyante. Il s'agit plutôt d'une antihéroïne, travailleuse honnête, pas militante syndicale pour deux sous... et surtout une femme qui se sent seule : elle est veuve et son fils unique a quitté la région lyonnaise pour Paris, où il mène sa vie à l'écart de sa mère. Celle-ci a de surcroît noué peu de liens d'amitié dans son univers professionnel. Il lui reste sa maison, sa voiture... et son travail.
Plutôt que de perdre celui-ci (avec le risque de ne plus jamais en retrouver de semblable), Edith préfère accepter un reclassement au Maroc, suscitant l'incompréhension autour d'elle. (C'est un aspect de l'intrigue qui n'est pas sans rappeler le récent Crash Test Aglaé.) Vu son ancienneté dans la boîte (25-30 ans apparemment), elle pouvait compter toucher une indemnité de licenciement représentant deux ans et demi à trois ans de salaire. C'est là qu'intervient le premier trait de caractère de l'héroïne : elle croit à la valeur travail et préfère tenter une nouvelle vie de l'autre côté de la Méditerranée plutôt que de se morfondre seule dans la campagne rhodanienne. Dans cette première partie de l'histoire, la mise en scène suit le mode documentaire, qu'elle retrouvera par la suite.
La deuxième partie montre l'installation et les premiers pas de la Française à Tanger. Le réalisateur réussit à creuser un fossé entre Edith, qui voit presque tout sous un jour favorable, et les spectateurs, qui ressentent un malaise face à ce qu'ils perçoivent comme une dégradation de ses conditions de vie. Plusieurs scènes ont pour fonction d'enfoncer le clou.
Et puis, petit à petit, de petits bonheurs se font jour. C'est un après-midi de congé ensoleillé, c'est un peu de réconfort et d'amitié de la part d'une collègue, de l'hôtelière ou de son fils. C'est un peu de liberté retrouvée grâce à une mobylette d'occasion.
Mais, comme ce n'est pas un conte de fées, la cruelle réalité va reprendre le dessus. Gaël Morel en profite pour nous faire découvrir différentes catégories de travailleurs pauvres (des femmes notamment) et nous faire toucher du doigt les aspirations d'une jeunesse qui étouffe dans un Etat patriarcal. On a toutefois évité de trop politiser le propos.
C'est vraiment un beau film, à la fois cruel et empreint d'humanité.
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vendredi, 29 décembre 2017
Le loup au diable Vauvert
... mais, hélas, cela ne veut pas dire qu'il s'éloigne de nous, puisque Vauvert est une commune du département du Gard (frontalier de l'Aveyron), où la présence du loup serait en train de se développer, selon un passionnant dossier publié dans le dernier numéro de La Gazette de Montpellier :
(Notez que les auteurs ont suivi grosso modo les limites de l'ancienne région Languedoc-Roussillon, preuve que, du côté de Montpellier, on n'a toujours pas digéré la fusion-acquisition avec Midi-Pyrénées...)
Sur la carte, j'ai entouré (approximativement) les zones aveyronnaises concernées. On peut regretter que les auteurs n'aient pas tenu compte d'un récent rapport de l'INRA (dont il a beaucoup été question le mois dernier), qui confirme le renforcement de la présence lupine aussi bien sur l'Aubrac que sur le Larzac... et même à proximité de Millau.
D'ailleurs, une partie du dossier va dans ce sens. Un entretien avec José Bové évoque la sous-estimation du nombre de loups... à mon avis volontaire, pour limiter les "tirs de prélèvement". Si l'on tenait compte de la situation réelle dans les zones pastorales, on devrait autoriser l'abattage de davantage de bêtes (des loups, hein, parce que du côté de l'attaque des brebis, aucun véritable frein ne semble devoir être posé aux appétits de canis lupus lupus).
Les amateurs de curiosité découvriront peut-être dans ce dossier une photographie prise l'an dernier sur l'Aubrac (par Manoel Atman), celle d'une louve "pleine" (c'est-à-dire sur le point de mettre bas) :
Et dire qu'officiellement, on continue à affirmer qu'il n'y a qu'un seul loup dans le Nord Aveyron !
Le dossier comporte aussi deux intéressantes cartes historiques, une présentant le nombre de victimes humaines des attaques de loup, par département, entre 1271 et 1918. La seconde carte répertorie les communes où des loups ont été tués en 1796-1797... Impressionnant ! (Pour les voir, il va falloir acheter le magazine !)
D'autres articles méritent la lecture dans ce numéro de La Gazette de Montpellier. L'un d'entre eux traite du Cévenol, le train reliant le Languedoc à Clermont-Ferrand. Un autre évoque l'histoire d'un antipoison, dont la conception a nécessité des ingrédients de provenance parfois lointaine...
20:15 Publié dans Economie, Politique, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, société, actualité, occitanie, environnement, presse, médias, journalisme, agriculture, paysans
mardi, 21 novembre 2017
Carbone
Olivier Marchal signe un nouveau polar, dont l'intrigue s'inspire de l'affaire la fraude à la TVA sur les quotas de carbone. En août dernier, Le Monde a consacré une excellente série de papiers à cette arnaque tarabiscotée, qui a sombré dans le macabre.
Par précaution et peut-être aussi pour mieux gérer la tension dramatique, les scénaristes se sont parfois un peu éloignés de l'histoire. Ainsi, le personnage principal, incarné par Benoît Magimel (correct, mais pas transcendant), est un mélange d'Arnaud et de Fabrice (pour ceux qui connaissent l'affaire). On a de plus rendu son personnage plus sympathique que dans la réalité... sinon il n'y aurait pas eu de film : les spectateurs lambdas n'auraient pas pu s'identifier à des escrocs minables et des salauds sans scrupule.
Le début est un peu lourd, avec l'insistance mise sur ce courageux chef de PME que le fisc emmerde et qui, de surcroît, doit supporter la morgue de son richissime beau-père (Depardieu, potable). Les meilleures scènes surviennent quand il se retrouve avec ses potes, très bien interprétés. Parmi eux, je distingue Mickaël Youn et surtout Idir Chender, qui incarne le mec immature, qui ne va pas parvenir à gérer la pression et à qui le succès va faire perdre les pédales. Il est vraiment très convaincant. Signalons aussi la composition de Dany en matrone juive. Laura Smet n'est pas mal non plus en compagne du vainqueur du jour.
Le principe de l'arnaque est expliqué sans trop de détails. Le but n'est pas de créer une fiction à caractère documentaire. Marchal veut manier la pâte humaine, à l'américaine, et brosser le tableau de l'ascension et de la chute d'une bande de potes. Au passage, il se vautre un peu dans la représentation du luxe ostentatoire (musique assourdissante, filles affriolantes, sexe, drogue, alcool, grosses voitures et montres rutilantes). Mais, comme c'est filmé avec style, ça passe. La tension monte efficacement, notamment à partir du moment où des truands patentés vont vouloir prendre leur part du gâteau... voire celle des autres.
Le fait que cette arnaque ait été mise en oeuvre par des minorités (et que Marchal n'ait pas cherché à atténuer cet aspect communautaire) a gêné certains critiques (notamment celui du Monde). Oui les premiers arnaqueurs étaient presque tous des juifs du Sentier, oui leurs associés étaient des trafiquants maghrébins et oui les blanchisseurs de l'argent sale étaient d'origine chinoise. Et alors ?
On peut très bien s'émanciper du contexte et se contenter de savourer un film d'action efficace, comme le cinéma français en propose peu.
20:59 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 17 novembre 2017
Phagocytose cinématographique
Hier après-midi, quand la nouvelle est tombée, en Aveyron, elle a fait l'effet d'un coup de tonnerre : le groupe CGR va absorber son concurrent Cap Cinéma et ainsi devenir provisoirement (en nombre d'établissements, pas en nombre d'écrans) le premier exploitant de salles de France.
Immédiatement une foule de questions se pose. Les multiplexes (tel celui de Rodez, inauguré en 2013) vont-ils changer de nom ? La programmation va-t-elle subir le contrecoup de cette sorte de fusion-acquisition ? On peut nourrir quelques inquiétudes quand on se souvient de la médiocrité de l'offre cinématographique des salles d'Albi, quand CGR gérait le Lapérouse et le Tivoli. (Pour nos amis tarnais, c'est donc une sorte de retour aux sources, puisque les cinémas albigeois, récemment passés des mains de Cinémovida à celles de Cap Cinéma, étaient auparavant sous l'étendard CGR. Ce groupe n'aura toutefois pas eu à financer la modernisation des salles albigeoises, ni la construction et l'aménagement du complexe des Cordeliers...)
Notons que Philippe Dejust, le PDG de Cap Cinéma, n'a pas vendu l'intégralité des établissements de son groupe. De nombreux médias ont cité le nombre de 22 sur 24, ce qui a suscité quelques inquiétudes, notamment à Beaune, en Côte-d'Or. CGR aurait-il refusé d'acquérir quelques "canards boiteux", qui se retrouveraient désormais isolés, sans l'appui d'un grand groupe ? En réalité, Philippe Dejust a voulu conserver ses "petits bébés", les cinémas de Blois.
Enfin, l'analyse des emplacements des cinémas des deux groupes (en noir ceux de CGR, en rouge ceux de Cap Cinéma) débouche sur une conclusion aussi surprenante qu'évidente : ils sont très complémentaires :
En aucun lieu Cap Cinéma et CGR ne sont véritablement concurrents. C'est dans l'agglomération parisienne que leurs établissements respectifs sont les plus proches. Mais, dans ce cas, la clientèle est tellement abondante qu'il serait malhonnête d'affirmer qu'ils se gênent mutuellement. Finalement, ce rapprochement pourrait s'avérer fructueux. Tout dépend de la manière dont la fusion va être gérée.
vendredi, 03 novembre 2017
Y a comme un loup
Aujourd'hui, les quotidiens aveyronnais (notamment Centre Presse et Midi Libre) se sont faits l'écho d'un rapport de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) consacré à l'étude de la compatibilité entre l'élevage ovin extensif et la présence du loup sur les grands causses aveyronnais. L'étude porte sur la majorité du territoire du PNR des Grands Causses, au total 45 communes du sud-est du département :
Précisons qu'au nord de la zone, seule une partie de la commune nouvelle de Sévérac-d'Aveyron est concernée : les anciennes communes de Sévérac-le-Château, Lapanouse et Lavernhe (Buzeins et Recoules-Prévinquières étant exclues).
L'étoile verte est placée sur le territoire de la commune de Saint-Jean-et-Saint-Paul, où se trouve une unité expérimentale de l'INRA, depuis 1965. Entre l'Aveyron et l'institut, c'est donc une longue histoire d'amour... quelque peu perturbée ces dernières années par l'augmentation du nombre d'attaques dont sont victimes les ovins (trois rien qu'en avril dernier), à l'image de ce qui se passe à l'échelon national.
D'après la version intégrale du rapport, à l'intérieur du périmètre d'étude, les attaques d'ovins et de caprins d'élevage (et le nombre de victimes) n'ont cessé de croître, depuis 2014 (date à laquelle la présence du loup en Aveyron est certifiée) :
Notons que les auteurs de l'étude ont eu l'honnêteté de distinguer les types d'attaques. Celles qui sont qualifiées de "loup non écarté" sont celles qui sont attribuées au loup (le contraire étant "loup écarté"). C'est important pour les éleveurs concernés, parce que cela donne droit à des indemnisations. (Mais celles-ci ne compensent pas la perte génétique d'un troupeau issu souvent de dizaines d'années de sélection, sans parler de la souffrance animale, un aspect de la question qui ne semble guère émouvoir les défenseurs acharnés du loup.) Quoi qu'il en soit, tous les types d'attaque sont en augmentation, que les responsables soient des loups, des chiens errants ou divagants. La présence de canis lupus n'est donc pas le seul problème qui se pose aux éleveurs de brebis. C'est l'occasion de rappeler que les maires sont tenus de faire appliquer le code rural, dans ce domaine comme dans les autres. C'est un aspect du problème qui, s'il ne doit pas faire oublier les dégâts provoqués le loup, est curieusement passé sous silence.
J'ai quelque peu modifié l'histogramme du rapport de l'INRA pour permettre la comparaison de deux augmentations, celle du nombre total de victimes (en orange) et celle du nombre de victimes attribuées au loup (en rouge). C'est ce nombre-là qui connaît la plus forte hausse, peut-être parce qu'auparavant, on hésitait davantage à attribuer certaines attaques au loup. Il apparaît aussi que le nombre de victimes par attaque est en augmentation. Ce ne sont pas toutes des bêtes croquées par le prédateur ; dans le lot, on trouve notamment des brebis effrayées par la présence de celui-ci et qui se sont jetées d'un talus ou d'une falaise. (Ne rigolez pas, cela se produit plus fréquemment qu'on ne le pense. Les ovins peuvent rapidement adopter un comportement que nous jugerions irrationnel.)
Les trois quarts des élevages d'ovins présents dans la zone ont fait l'objet de l'étude. Ce sont les plus importants (comptant chacun plus de 100 animaux reproducteurs), représentant au total plus de 98 % du cheptel ovin de la zone. En fonction de leurs caractéristiques, les élevages ont été classés en plusieurs catégories, chacune ayant été soumise à plusieurs scenarii fictifs... mais envisageables (quatre au total).
La première conclusion importante est qu'au niveau des grands causses, une troisième zone (aveyronnaise) de présence permanente du loup est peut-être en train de se former. (Les deux premières se trouvent sur l'Aubrac et dans l'extrême-sud du département.) Dans deux communes (à Millau et Cornus), la présence du loup est considérée comme régulière. (Amis Millavois, ne vous emballez pas, le croqueur de moutons ne rôde pas dans la zone urbaine, mais dans la partie rurale de la Cité du gant, vaste de près de 170 km².) De plus, aucune des communes de la zone d'étude ne peut être considérée comme étant à l'abri d'une attaque de loup :
D'après la carte (ci-dessus) publiée dans la version intégrale du rapport, on s'aperçoit que seules des portions de quelques communes (en bleu) connaissent un risque faible (mais pas inexistant), la majorité du territoire étant soumise à un risque moyen (en orange), l'est du territoire (en brun) étant la zone la plus sensible... et c'est logique, puisque c'est une région limitrophe de la Lozère, département où le loup est encore plus menaçant... surtout quand des personnes mal intentionnées procèdent à un lâchage sauvage. (D'ailleurs, qu'en est-il de l'enquête à propos de cet acte délictuel ?)
La suite de l'étude se concentre sur la viabilité (économique, écologique et sociétale) de l'activité d'élevage selon le type d'exploitation et les mesures prises par les agriculteurs et les autorités. Les deux premiers scenarii sont fondés sur la mise en place d'une protection forte (avec clôtures, filets et chiens), les deux autres sur la minimisation du risque par une tactique de repli... quitte, dans le scenario 4, à sortir de l'AOP Roquefort !
Les chercheurs ont effectué des simulations, aboutissant à une estimation des coûts directs (achat et entretien du matériel, des chiens, emploi de personnel supplémentaire...) et indirects (modification de l'organisation de l'exploitation, augmentation des achats de fourrage, baisse du prix du lait...), en partant du principe qu'on ne touchait pas au loup.
Résultats ? En fonction du scénario adopté, de 25 % à 85 % des exploitations seraient désormais non viables (en incluant les aides publiques !), les scenarii de repli étant les moins "performants" sur le plan économique... avec, de surcroît les plus graves conséquences environnementales et sociétales : la fermeture de pans entiers du paysage et une perte en matière d'attractivité touristique. (Dans ces domaines, les conséquences sont aussi globalement négatives avec les scenarii 1 et 2.)
Cependant, même avec des protections subventionnées, même avec une adaptation de l'élevage, ce sont 25 % à 40 % des exploitations qui ne seraient plus viables. Et encore, l'étude ne mesure pas l'augmentation de la pénibilité professionnelle, ni la perte d'attractivité du métier (déjà incontestable). Cerise sur le gâteau, les chercheurs sont partis du principe que, quel que soit le scénario, les mesures prises permettaient de contenir les attaques de loups...
On en arrive donc à un constat proche de celui que faisait par exemple José Bové dès 2012 (et encore en 2015) : la progression du nombre de loups est incompatible avec le maintien d'un élevage extensif viable dans la région. Il convient donc, non pas d'exterminer, mais de limiter la présence de ce prédateur (dans une zone où il avait complètement disparu depuis 70 à 100 ans, rappelons-le)... sans oublier de lutter contre les dégâts provoqués par les chiens errants ou divagants.
00:32 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, environnement, société, presse, médias, journalisme
samedi, 28 octobre 2017
Fermeture d'une autre librairie à Rodez
L'année 2017 aura décidément été fatale au commerce de livres en tout genre à Rodez. Après la fermeture de la petite libraire Mot à Mot en mars dernier, c'est au tour de Cubik (ex-Culture BD) d'annoncer la baisse (définitive) du rideau pour le 1er décembre prochain. En quelques mois, c'est un pan de l'histoire économique récente de Rodez qui aura disparu.
Remontons un peu dans le temps. Sur le Piton, depuis des années, c'est la Maison du Livre (numéro 1 sur le plan) qui tient le haut du pavé. Fondée au sortir de la Seconde guerre mondiale, cette librairie (religieuse au départ) a un peu bougé dans la ville, puisque avant de s'installer Passage des Maçons (à la fin des années 1950), elle a été localisée boulevard Denys-Puech puis rue Louis Blanc (où se trouvent aujourd'hui les locaux de La Dépêche du Midi).
En 2008, elle a profité de la récente fermeture du cinéma Le Family (le premier ouvert dans la ville, en 1922, dans les locaux de l'ancien couvent Notre-Dame !) pour récupérer le bâtiment et en faire une annexe dédiée à la papeterie et aux bandes dessinées (numéro 1 bis sur le plan). Il me semble que l'opération a été facilitée par la proximité capitalistique qui a autrefois existé entre les Cinémas de Rodez et la Maison du Livre. (Je crois aussi que le fait de récupérer l'espace du cinéma a permis de rapatrier le stock en centre-ville, alors qu'auparavant, un local était loué du côté du boulevard du 122e RI, à l'intersection de la rue Saint-Michel, tout à gauche du plan ci-dessus.) Voici l'aspect extérieur actuel, comparé à une vue ancienne (datant sans doute du début des années 1920, puisque Le Cheikh, avec Rudolph Valentino, est à l'affiche) :
La Maison du Livre se porte donc bien. Elle serait l'une des principales librairies indépendantes de la région Midi-Languedoc (la deuxième de l'ancienne Midi-Pyrénées)... et, en 2013, elle a racheté un établissement toulousain, Privat (preuve que la ville de Rodez n'est pas la seule où les librairies connaissent des difficultés).
Si l'on remonte dans le temps, on constate que la situation était quelque peu différente à Rodez, il y a une vingtaine d'années. Place de la Cité (dans les locaux d'une actuelle agence de voyages, numéro 2 sur le plan) se trouvait la librairie-papeterie Majuscule, qui a fermé au tout début du XXIe siècle, l'activité papeterie étant relocalisée sous un autre nom, sur le tour de ville, boulevard Ramadier (numéro 2 bis).
Avec la fermeture de Mot à Mot, ouverte rue Saint-Cyrice (numéro 3) au milieu des années 1990, ce sont donc deux concurrents de la Maison du Livre qui ont disparu. Un troisième va bientôt fermer ses portes. En 2001, un jeune homme entreprenant (Rodolphe Cosson) ouvrait la première librairie de bandes dessinées de l'Aveyron, place du Bourg (numéro 4 sur le plan), dans ce qui fut la maison natale du peintre Maurice Bompard (anecdote rappelée par une plaque située au-dessus du magasin).
Je suis un client irrégulier, partageant mes achats avec l'annexe de la Maison du Livre (où je me suis par exemple procuré le dernier album des aventures d'Astérix). L'ouverture de celle-ci, en 2008, a dû porter un coup au chiffre d'affaires de l'ex-Culture BD. (Apparemment, en 2014, le bénéficie ne s'est monté qu'à 4 500 euros....)
Mais je pense que c'est l'essor d'un autre concurrent qui lui a fait le plus de mal (à lui et aux autres) : l'Espace culturel Leclerc. Quand celui-ci a ouvert (lui aussi au tout début du XXIe siècle, me semble-t-il), il était beaucoup plus proche du centre-ville de Rodez, puisqu'il se trouvait entre le carrefour Saint-Eloi et le rond-point Saint-Félix (numéro 5 sur le plan), où il a été remplacé depuis par un "drive" du même groupe. L'emplacement semblait excellent : à proximité immédiate d'une zone à forte circulation, doté d'un parking gratuit (mais vite saturé), bientôt complété par une station d'essence. Là où les patrons de Leclerc ont eu du nez, c'est quand ils ont décidé de déplacer l'Espace culturel sur la zone du Comtal (à Sébazac-Concourès), à proximité de l'hypermarché inauguré en 2006. Ils ont compris qu'une part non négligeable de la clientèle veut se garer le plus près possible des commerces, quitte à faire de la route. Surtout, ne pas marcher !
Quand j'habitais au Faubourg, il m'arrivait de me rendre à l'Espace culturel. Quand il a déménagé, j'ai décidé de réserver mes achats aux librairies du centre-ville. Mais j'aurais peut-être dû me rendre plus souvent chez Cubik. Incontestablement, c'est l'établissement le plus "pointu" en matière de BD sur le Grand Rodez. J'espère que les associés ont trouvé une solution de repli, sur le plan professionnel.
12:59 Publié dans Economie, Livre, Loisirs, Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, livres, bd, bande dessinée, bande-dessinée
jeudi, 28 septembre 2017
Hypocrisie catalane
La couverture médiatique de la "question catalane", en France, néglige (en général) certains aspects du problème. Par sympathie pour la ville de Barcelone ou antipathie pour le gouvernement Rajoy, le beau rôle est laissé aux indépendantistes catalans, occultant les motivations de certains d'entre eux.
Le territoire espagnol est divisé en "généralités", qui disposent d'une plus ou moins grande autonomie vis-à-vis du pouvoir central. La Catalogne (tout comme le Pays basque) est très bien dotée, notamment depuis la réforme de 2006. Mais les généralités ne disposent pas des mêmes ressources financières. Leurs habitants n'ont pas le même niveau de vie, mesuré par le PIB/habitant régional. Il varie presque du simple au double, de 15 900 euros en Estremadure (dans le Sud-Ouest) à plus de 30 000 au Pays basque (dans le Nord) :
Madrid, le Pays basque et la Navarre (en rouge) sont les généralités où le niveau de vie est le plus élevé. Accessoirement, on comprend mieux pourquoi la bourgeoisie basque cherche à s'émanciper de la tutelle castillane, puisqu'elle est obligée de contribuer au financement des régions moins riches. On comprend aussi pourquoi les nationalistes basques tiennent tant à fusionner avec la Navarre, où le niveau de vie est comparable.
En France, cela correspond aux régions Pays de la Loire et Paca, dont le PIB/habitant tourne autour de 29 000 - 30 000 euros, derrière Auvergne-Rhône-Alpes (plus de 31 000) et surtout très loin derrière l'Ile-de-France (plus de 52 000 euros).
La strate suivante est composée de... la Catalogne, l'Aragon et la Rioja (en orange), avec un PIB/habitant oscillant entre 25 000 et 27 000 euros. En jaune sur la carte se trouvent les généralités à 20 000 - 22 000 euros par habitant. J'ai laissé en blanc les régions les plus pauvres, où le revenu par habitant est inférieur à 20 000 euros. (C'est donc moins qu'en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion. L'Estremadure et l'Andalousie peuvent néanmoins se comparer à la Guyane, où quelques poches de prospérité peinent à masquer la relative pauvreté de la majorité des habitants.)
De là à penser que les classes dirigeantes catalanes (et basques) brandissent la cause nationaliste pour se débarrasser du fardeau de la solidarité interrégionale, il n'y a qu'un pas, que très très peu de journalistes et de commentateurs se risquent à franchir...
21:58 Publié dans Economie, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, europe
mardi, 15 août 2017
Fermeture d'un cinéma à Albi
Il y a quelques semaines, la nouvelle est tombée : l'un des trois cinémas d'Albi, le Lapérouse, allait fermer définitivement ses portes au mois de juillet. Les raisons avancées sont le coût des travaux à effectuer et le nombre insuffisant d'entrées. Pourtant, il a été refait à neuf en 2007 (et retouché en 2009, pour le passage au numérique) et sa fréquentation, en hausse ces quatre dernières années, aurait dû permettre son maintien. L'autre raison est le montant du loyer (5000 euros par mois en 2015). Le propriétaire parisien aurait refusé de baisser celui-ci. Déjà, en 2015, un signe avant-coureur était perceptible : la vacance estivale du cinéma, sa fermeture définitive étant envisagée pour la fin de l'année ou l'été 2016. Cela aura pris un peu plus de temps que prévu : début 2016 encore, le directeur des Cordeliers se félicitait de la hausse de la fréquentation et disait ne pas prévoir de fermeture à court terme...
C'est le résultat d'une longue histoire. Il y a une vingtaine d'années, le "marché " cinématographique albigeois était clairement réparti entre deux offres : le grand public aux deux établissements CGR (1 le Lapérouse, déjà, mais pas tout à fait avec la même orientation, et 2 le Tivoli) et l'art-et-essai à la salle Arce de l'Athanor (3), qui faisait référence à l'époque.
Le centre-ville était configuré différemment. On circulait allègrement place du Vigan, où les piétons avaient peu droit de cité, et on entrait à l'Athanor non par le côté mais par le devant (l'entrée actuelle du multiplexe des Cordeliers), légèrement en hauteur, quelques marches menant à un imposant parking de plein air (vite plein la journée en semaine).
Le premier grand changement est survenu en 2004, quand CGR a vendu ses salles (du Lapérouse et du Tivoli) à Cinémovida. Pour les cinéphiles, ce fut une bouffée d'air. D'importants travaux ont été engagés (surtout au Lapérouse) et la programmation art-et-essai a connu une embellie, avec des tarifs attractifs.
Mais, à mesure que le temps passait, on sentait bien que le Tivoli avait besoin de plus que d'un rafraîchissement. Et puis, avec huit salles (4 du Tivoli, 3 du Lapérouse et celle de l'Athanor, rénovée) dont la majorité comportait peu de sièges, l'offre semblait insuffisante. Cinémovida s'est donc lancé dans la construction d'un multiplexe, qui s'insérait dans les travaux programmés à Albi : construction d'un nouveau vaisseau amiral théâtre, déplacement du parking de l'Athanor sous terre, piétonisation partielle (avec création d'une esplanade)... Cela ne vous rappelle rien, amis aveyronnais ? Eh, oui, l'immense chantier du Foirail, qui a conduit à la construction d'une nouvelle salle des fêtes, du musée Soulages et, surtout, à l'inauguration du multiplexe Cap Cinéma, en octobre 2013... plus de deux mois avant son alter-ego albigeois... Nananèreux !
Ceci dit, les Aveyronnais n'avaient pas que des raisons de se réjouir. L'ouverture du multiplexe ruthénois, si elle s'est traduite par une incontestable amélioration de l'offre (en terme de confort, de nombre de films et d'horaires), a eu aussi pour conséquence une augmentation des tarifs. A Albi, Cinémovida restait aux commandes, pour l'instant. De plus, désormais, le Lapérouse était voué entièrement à l'art-et-essai, un pari audacieux et qui faisait d'Albi un pôle cinématographique presque aussi ambitieux que le centre-ville de Toulouse. Toutefois, même après qu'elle fut rentrée dans ses murs (une fois les travaux du multiplexe achevés), la salle Arce de l'Athanor n'a pas retrouvé toute l'ampleur de sa programmation précédente.
Le changement suivant est intervenu assez vite : dès 2014, Cap Cinéma a pris le contrôle de Cinémovida. Cela s'est traduit par une augmentation du prix des places, même si les cinémas d'Albi ont conservé quelques particularités, notamment la pratique du tarif réduit le mercredi et le lundi.
Au niveau des entrées, si, comme je l'ai dit plus haut, le Lapérouse a vu sa fréquentation augmenter (de 25 000 à 45 000 entrées), pour les Cordeliers, l'évolution a été inverse : 290 000 entrées la première année (2013-2014), 282 000 la deuxième (2014-2015) et 275 000 la troisième (2015-2016). C'est dans ce contexte aussi qu'il faut comprendre la fermeture du Lapérouse. Le paradoxe est qu'on a "puni" un établissement qui marchait certes modestement, mais de mieux en mieux, alors que le multiplexe peine à décoller. L'une des pistes à suivre est peut-être l'animation de l'esplanade, avec la récente ouverture du Crokciné.
PS
Les locaux de l'ancien cinéma Tivoli (fermé définitivement lors de l'ouverture du multiplexe des Cordeliers), qui appartiennent aux précédents propriétaires de Cinémovida, seraient toujours à vendre.
PS II
Depuis la fermeture du Lapérouse, Albi ne possède plus que 9 salles intra-muros (les 8 du multiplexe et celle de l'Athanor)... contre 10 à Rodez ! Notons que, contrairement à son homologue albigeois, le multiplexe ruthénois connaît une fréquentation en (légère) hausse : environ 315 000 entrées en 2014, 318 000 en 2015 et 333 000 en 2016.
14:24 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 11 août 2017
Conte d'épicier
Il était une fois un jeune épicier d'ascendance ifriquienne, qui installa son commerce dans la capitale des Rutènes. Il y avait trouvé un bon emplacement et pensait y attirer de nombreux chalands. Ouvert le jour de repos saint, l'épicier permettait à certains indigènes du bourg de croiser des personnes qu'ils n'auraient jamais côtoyées ailleurs. Ces personnes venaient chercher à l'épicerie des produits exotiques ou conformes à ce qu'elles croyaient être la morale religieuse.
Le commerce du jeune épicier connut le succès, qui l'incita à s'agrandir dans la rue du Général. Quelques années à peine après son installation, son activité atteignait les 470 000 ducats. Six années plus tard, elle culminait à presque 680 000 ducats.
C'est alors que la foudre frappa pour la première fois l'épicier. Le Grand Echevin de la capitale des Rutènes décida de réaménager la rue du Général. Le commerce exotique était voué à disparaître. Mais l'épicier ne fut pas abandonné pour autant. Le Grand Echevin, magnanime, lui accorda une compensation de 110 000 ducats.
Contraint de quitter les lieux, le jeune épicier ne voulut pas lâcher la proie pour l'ombre. Il se mit en quête d'un nouvel emplacement, qui fût aussi propice que le précédent à sa lucrative activité. La tâche n'était pas aisée, si bien que le pacte signé avec le Grand Echevin arrivait à son terme sans qu'une solution fût trouvée. Dans son malheur, le jeune épicier bénéficia de la bienveillance du Seigneur des Rutènes, qui prolongea de cinq mois la validité du pacte.
Peu avant le terme ultime, l'épicier crut trouver son bonheur. Dans la Châtellenie voisine de la capitale des Rutènes, un autre commerce avait baissé le rideau, sans que quiconque se fût jusqu'à présent montré intéressé par l'emplacement. L'épicier se manifesta auprès des autorités et, après moult négociations, parvint à un accord avec le propriétaire des lieux.
Deux mois plus tard, la foudre frappa une nouvelle fois l'entrepreneur. Il reçut une missive des autorités de la Châtellenie : l'accord qu'il avait signé n'était plus valable ! Par un curieux effet du Destin, les autorités de la Châtellenie venaient de décider d'acquérir l'emplacement convoité par l'épicier, pour y construire des Logements du Peuple. Ce projet causa quelque étonnement parmi la population, l'emplacement étant depuis des années voué à l'activité commerciale, tout comme les autres parcelles situées autour de la place. Par un autre effet du Destin, quelques semaines auparavant, l'Echevin Principal de la Châtellenie avait obtenu de pouvoir préempter un bien jusqu'à une valeur de 800 000 ducats. D'aucuns ne voient aucun lien entre ceci et cela, mais le jeune épicier se retrouve fort marri.
21:18 Publié dans Economie, Politique aveyronnaise, Presse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, occitanie, politique, médias, presse, journalisme
vendredi, 23 juin 2017
Le griffon automobile
On connaît le griffon, animal mythologique, généralement représenté sous la forme mi-aigle mi-lion. Il est devenu le symbole d'une marque automobile britannique, Vauxhall. Les spectateurs attentifs de France 2 ont pu noter sa présence lundi dernier, quand a été diffusé l'épisode 6 de la sixième saison de la série Meurtres au paradis (la deuxième partie de "Un homme à la mer") :
Exceptionnellement, cet épisode double a été tourné en partie au Royaume-Uni, où s'est poursuivie l'enquête débutée dans les Caraïbes (tournée en Guadeloupe). Il faut y voir comme un symbole de l'alchimie franco-britannique qui fait le succès de cette série.
En effet, le nom de la marque (Vauxhall) a une origine française. Foulques de Bréauté était un chevalier normand des XIIe-XIIIe siècles, installé à la cour d'Angleterre. Le domaine qu'il occupait, à proximité de Londres, prit son nom : Falkes' (Fawkes') Hall. Les armoiries normandes devaient être présentes en ces lieux. Il n'est donc pas étonnant qu'elles aient inspiré l'emblème de l'entreprise automobile qui se développa des siècles plus tard, dans ce qui était devenu un quartier londonien.
L'histoire industrielle de l'Europe nous a récemment fait un petit clin d'oeil. En raison de l'achat d'Opel par le groupe PSA, la marque Vauxhall se retrouve désormais sous pavillon français !
17:09 Publié dans Economie, Histoire, Presse, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, presse, économie, histoire, médias
dimanche, 23 avril 2017
Corporate
Cette fiction explore une partie du monde entrepreneurial, celui du siège parisien d'une firme transnationale, à la tête duquel se trouve Stéphane Froncart, un ancien prof de fac devenu une sorte de gourou managérial (Lambert Wilson, excellent, dans un rôle qui n'est pas sans ressemblance avec celui qu'il a interprété dans Tout de suite maintenant).
L'héroïne Emilie (Céline Sallette, encore plus étonnante que dans Cessez-le-feu) est un pur produit de l'élitisme français. Très diplômée, polyglotte, classieuse et rigoureuse à l'extrême, elle rappelle un peu la Miss Sloane récemment incarnée par Jessica Chastain. Elle veut tout contrôler, des plis de son chemisier aux mèches de sa coiffure, en passant par le début de transpiration qui apparaît à la mi-journée. Maigre et droite comme un I, elle nous est, de prime abord, présentée comme l'exacte opposée de l'inspectrice du travail (Violaine Fumeau, plus douce, aux formes voluptueuses) qui vient enquêter après le suicide d'un employé que la direction cherchait à pousser vers la sortie.
Grosso modo, c'est un portrait uniquement à charge de la gestion d'une partie du personnel (les cadres), l'intrigue ne lésinant pas sur les facilités pour faire progresser l'action dans le sens voulu. Mais c'est vraiment bien joué, par les "têtes d'affiche" comme par les "seconds couteaux".
Il y a quand même parfois un peu de subtilité. L'une des premières scènes montre la DRH en plein "entretien d'évaluation comportementale", celui-ci ayant pour but de pousser l'employée mise sur le gril dans la voie choisie pour elle. Tout est dans le non-dit et dans l'emploi des formules calibrées. Une autre scène marquante est le faux entretien d'embauche que l'héroïne fait passer à son conjoint, un soir, au siège. Elle utilise son langage professionnel codé pour tenter de faire passer son ressenti à son époux... qui finit par comprendre (mais après les spectateurs, toutefois).
Ces quelques moments brillants rehaussent l'intérêt du film, qui s'inspire visiblement d'au moins deux traditions cinématographiques. On peut y déceler la trace du film sociétal à la française (Ressources humaines, L'Emploi du temps, De bon matin, L'Outsider...) mais aussi l'influence du cinéma hollywoodien, notamment dans le dénouement de l'intrigue. Je pense que ce n'est évidemment pas un hasard s'il est sorti en pleine campagne présidentielle...
00:03 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 06 janvier 2017
Le Fondateur
Le titre appuie là où ça fait mal : qui est le véritable créateur de la chaîne de restaurants McDonald's ? Les deux frères éponymes, Dick et Mac, inventeurs d'un nouveau type d'établissement, de "recettes" particulières, ou bien Ray Kroc, le commercial qui a contribué à répandre l'enseigne et structurer un groupe devenu tentaculaire ?
Le scénario évite de trancher dans le vif, sans doute parce que les trois hommes sont des incarnations de la réussite à l'américaine. Dick et Mac McDonald's sont des archétypes de petits patrons besogneux, économes, honnêtes et ingénieux. Ray Kroc est une grande gueule entreprenante, avide de conquête(s) et d'enrichissement.
Le début de l'histoire nous prend toutefois presque à contrepied. On nous présente les frères McDonald's comme des types très à cheval sur la qualité de leurs produits et la présentation de leurs restaurants. Ils sont incarnés par des acteurs "de second rang" (très bons au demeurant) : Nick Offerman (dont le public américain connaît surtout la voix, entendue dans de nombrex films d'animation) et John Carroll Lynch (un habitué des séries télévisées).
Face à eux, Michael Keaton (ressuscité depuis Birdman) est grandiose. Dans un premier temps, on le trouve pathétique, en commercial adepte de la méthode Coué, mais qui accumule les échecs. On le sent aussi en porte-à-faux avec le milieu social dans lequel évolue son épouse, visiblement issue de la "Haute". Ceci dit, on rit volontiers de ses mésaventures. De plus, la rencontre entre le vibrionnant VRP et les taiseux frères McDonald's ne manque pas de saveur.
La suite tente de ménager la chèvre et le chou. On nous montre Kroc comme un type très entreprenant, ayant parfois des intuitions géniales, mais ne s'embarrassant pas de scrupule pour arriver à ses fins. Quant aux frangins californiens, ils sont dépeints de telle manière que chaque spectateur en tire les conclusions qui l'arrangent. Les partisans de Kroc relèveront leur frilosité et leur côté vieux garçons coincés. Les adversaires du commercial souligneront l'éloge de leur intégrité et de leur ténacité au quotidien.
Le basculement va s'opérer autour de la propriété des restaurants (qui commencent à ouvrir dans tout le pays) et du fonctionnement du système de franchise. Un conflit va aussi naître à propos des ingrédients. Notons que le scénario s'est efforcé d'intégrer des aspects économiques et commerciaux à l'intrigue, sans que cela soit difficile à suivre.
Le plus cocasse est que, lorsqu'il est question de prendre un bon repas, tout ce beau monde (y compris le personnel que Kroc va recruter pour diriger les nouveaux restaurants ou gérer la société commerciale qui commence à grossir) se rend dans un établissement traditionnel, à l'opposé de la machine alimentaire fordiste dont ils assurent le développement... sans que cela paraisse contradictoire. Le film est donc assez ambigu, n'ayant pas réellement choisi de point de vue. Mais il nous raconte une formidable histoire.
00:00 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 04 janvier 2017
Un demi-euro balte
J'ai récemment eu une bien belle surprise, après avoir glissé une pièce dans la fente d'un distributeur automatique de boissons. Après avoir récupéré mon café et la monnaie, j'ai pensé à jeter un coup d'oeil aux pièces... et voici ce qui figure sur la face nationale de celle de 50 centimes :
Il s'agit d'une pièce lituanienne, comme l'indique la mention "LIETUVA". Elle est illustrée par le Vytis, le "chevalier poursuivant", équipé d'un bouclier orné d'une croix d'Anjou (dite aussi croix de Lorraine). C'est la reproduction des armoiries de la noblesse lituanienne et du grand-duché, dont l'existence s'étendit sur le Moyen Age et le l'époque moderne.
Voilà qui complète ma collection de pièces baltes, après celle venue d'Estonie (récupérée en 2011) et celle venue de Lettonie (récupérée en 2015). Signalons que la Lituanie est, à l'heure où j'écris ces lignes, le dernier pays à avoir intégré la zone euro, le 19e sur 28 pays membres de l'Union européenne.
16:47 Publié dans Economie, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, union européenne, économie, société, histoire
mardi, 20 décembre 2016
Comment est-ce possible ?
Récemment, je me trouvais dans un hypermarché de l'agglomération ruthénoise (appelons-le "Minus"). J'ai notamment déambulé dans le rayon "arts de la table", à la recherche de petites fourchettes, vous savez celles qui sont très utiles pour manger des produits souvent servis à l'occasion des fêtes de fin d'année. (Normalement, j'aurais dû me rendre dans une boutique située rue du Bal, en centre-ville, mais là, j'ai profité de l'occasion pour jeter un coup d'oeil.)
Arrivé aux casiers regorgeant de couverts, j'ai machinalement jeté un oeil aux couteaux. Voici ce sur quoi je suis tombé :
Dès le premier regard, on repère le produit bas-de-gamme. Au toucher, on se rend vite compte que c'est un objet qui ne risque pas de faire de vieux os. Et que dire de son pris : 3 euros ! Pourtant, le nom d'un fabricant est gravé sur la lame :
De plus, en retournant le couteau, on peut voir une étiquette censée rassurer les acheteurs (avec un beau drapeau tricolore) :
La marque Jean Dubost n'est pas une invention de fraudeur tentant de faire passer sa camelote pour ce qu'elle n'est pas. Ce coutelier a pignon sur rue à Thiers et il communique sur le "made in France".
Qu'est-ce à dire ? Ce coutelier thiernois est-il victime d'un contrefacteur, qui aurait dupé la centrale d'achat qui approvisionne l'hypermarché ? Ou bien y a-t-il une réponse un peu moins limpide ?
En cherchant sur la Toile, on peut facilement trouver des avis de consommateurs, notamment de ceux qui ont acheté des couteaux de cette marque. Force est de constater qu'ils sont contrastés. Soit ils soulignent la qualité de la marchandise, soit ils expriment la satisfaction d'un bon rapport qualité-prix (ce qui pourrait être traduit par "les couteaux ne sont pas d'une qualité exceptionnelle, mais, vu le prix payé, ça me suffit amplement"), soit ils témoignent d'une grande déception, comme ici.
Cela fait quelques années déjà que le public informé sait que des couteaux Laguiole fabriqués en Chine peuvent être vendus sous marque thiernoise. (A côté de cela subsiste une importante production auvergnate de qualité et fabriquée sur place.) L'été dernier, Thierry Moysset, le directeur de la Forge de Laguiole, allait plus loin, affirmant qu'à Thiers même, il existait une production bas-de-gamme, ce à quoi j'avais du mal à croire.
J'en ai trouvé confirmation sur le site d'Honoré Durand, un concurrent de la Forge (mais qui, comme elle, fabrique presque intégralement ses couteaux en Aveyron) :
Derrière ces couteaux bas-de-gamme se trouvent donc des robots, pas des ouvriers, un travail nettement moins élaboré et des matières premières moins coûteuses.
12:39 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, économie, france
samedi, 15 octobre 2016
José Bové repart en campagne
Cette semaine, l'annonce de l'expulsion de José Bové du Canada a fait la Une des médias français, avant que son séjour ne soit finalement autorisé. Il semble évident que le député européen a programmé sa venue au Canada pour qu'elle coïncide avec la visite du Premier ministre français, Manuel Valls, le tout dans le contexte de la ratification du traité économique entre l'Union européenne et le Canada.
La question qui se pose est celle-ci : le gouvernement français a-t-il suggéré de ne pas laisser entrer Bové, ou bien est-ce une initiative purement canadienne ? Si tel est le cas, l'expulsion est-elle le fait de fonctionnaires un peu trop zélés, ou bien avaient-ils reçu des instructions ? C'est troublant, parce que, si l'on ne considère que des personnalités françaises, on constate qu'Alain Juppé, bien que condamné peu de temps auparavant par la justice française, avait pu enseigner à l'ENA québécoise. Quant à Marine Le Pen, elle n'a rencontré aucune difficulté pour effectuer une visite de propagande en mars dernier (même si elle a été tenue à l'écart).
Concernant Alain Juppé, la lecture de son blog (qu'il tient depuis des années) mérite le détour. Il ne paraît pas avoir "fait le ménage" dans ce qu'il a écrit durant son séjour canadien. Du coup, c'est avec plaisir qu'on peut encore lire le billet du 7 mai 2005, sobrement intitulé "Mexico". Alors que l'essentiel du propos est consacré à la mondialisation, le dernier paragraphe évoque l'avenir de celui qui n'est plus à l'époque qu'un ancien Premier ministre :
Je sens qu'on va me dire que, depuis mai 2006, de l'eau a coulé sous les ponts (de la Garonne, mais aussi de la Seine...) et que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, selon la formule proverbiale. Et, comme Alain Juppé se considère sans doute comme le contraire d'un imbécile... Notons que le billet a suscité -à l'heure où j'écris ces lignes- 92 commentaires, tous datés de mai 2006. Certains font état de la triste situation (économique, sociale, politique, morale...) de notre pays... sous Chirac et Villepin.
Mais revenons à nos moutons... et même à nos brebis laitières, puisqu'il est question de José Bové. Cela fait plusieurs mois qu'il sonne le tocsin contre les dangers du traité de libre-échange avec le Canada. Le 11 septembre, il avait signé une tribune dans Libération, dans laquelle il évoquait un gros problème : le traité aboutit à la reconnaissance de certaines AOP fromagères, en laissant tomber toutes les autres. Au départ, ses propos ont eu peu d'écho. Ils ont même été tournés en dérision dans Le Canard enchaîné du 14 septembre :
J'ai été surpris de lire sous la plume d'un journaliste de mon hebdomadaire préféré, une conclusion qui semble plutôt se réjouir d'une éventuelle baisse du prix de ces fromages. Faut-il rappeler à cet imbécile que le prix de ces produits, qui peut paraître élevé en comparaison de celui de concurrents bas-de-gamme, se justifie (entre autres) par l'exigence du cahier des charges des appellations et par la volonté de fournir un revenu décent aux producteurs de denrées agricoles ? L'auteur aurait pu contacter le député européen, par ailleurs lecteur du Volatile depuis des années :
J'ai souligné dans l'article les noms de certains fromages dont l'appellation n'est pas reconnue par le traité. Si l'on en consulte le texte officiel, on constate que seules les "grosses marques" ont obtenu la reconnaissance de leur AOP, comme le comté, le reblochon, le roquefort (ouf !), le camembert, le brie, l'emmental, le maroilles (erreur dans l'article du Canard), le cantal, le bleu d'Auvergne... mais pas celui des Causses, ni le rocamadour, ni le laguiole !
Un article du Monde a pris le contrepied de la position de José Bové. Il explique (ce qui n'est pas faux) que le traité signé, bien qu'imparfait, représente un progrès par rapport à la situation actuelle. D'ailleurs, il ne fait pas l'unanimité du côté canadien non plus. On peut penser que les producteurs canadiens qui proposent actuellement des fromages copiés sur des modèles européens redoutent de voir débarquer les originaux. Mais il existe aussi une production fermière locale, qui a peur de se voir manger par les "gros".
C'est aussi une crainte que peuvent nourrir des producteurs français : voir débarquer en Europe des fromages "Canada dry", qui ressemblent aux nôtres, portent (presque ?) le même nom mais ne sont pas produits selon les mêmes critères ni, surtout, sur le même terroir. De surcroît, le Canada étant lié aux Etats-Unis par l'ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain), ne pourrait-il pas constituer un cheval de Troie pour des industriels yankees ? Plus vraisemblablement, les concurrents des AOP non reconnues pourront leur tailler des croupières à l'exportation. Or, rien ne dit que les petits fromages d'aujourd'hui ne deviendront pas grands demain. Les actuels géants du secteur ont tous démarré petits.
La presse française n'a pas été la seule à discuter des propos de José Bové. Dès mai 2016, La Presse (quotidien montréalais) s'est faite l'écho des déclarations du député européen, suivie en septembre par son concurrent Le Devoir. La semaine dernière, on pu voir dans le même journal une caricature plutôt sympathique :
Signalons que dimanche 17 (demain, à l'heure où j'écris ces lignes) sera diffusée l'émission Tout le monde en parle (version québécoise), qui a apparemment été enregistrée jeudi 13. José Bové figure parmi les invités.
On va dire que j'en fais un peu trop à propos du député européen. Pourtant, l'Aveyronnais que je suis n'a jamais été une "groupie" du paysan rebelle... même si je reconnais que j'ai suivi avec bienveillance sa défense du Roquefort et le conflit qui l'a opposé à une entreprise de restauration rapide dont je me garde bien de fréquenter les établissements. J'ai aussi une opinion plutôt favorable du député européen, qui a cosigné un bouquin très intéressant en 2014. Entre 2009 et 2014 (durant son premier mandat), il faisait partie des plus assidus (au contraire des Philippe de Villiers, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon) :
Depuis sa réélection, en 2014, son activité ne semble pas avoir faibli, d'après ce qui figure sur le site VoteWatch.
16:07 Publié dans Economie, Politique, Politique étrangère, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, économie, société, actualité, presse, médias, journalisme
jeudi, 11 août 2016
Le Laguiole vu d'ailleurs
Hier, en lisant le quotidien régional L'Est Républicain, je suis tombé sur un article intitulé "Le Laguiole, un couteau indémodable". (Il est paru dans les autres quotidiens dépendant du même groupe de presse, Ebra, contrôlé par le Crédit Mutuel.)
L'article principal évoque l'histoire aveyronnaise du couteau et s'appuie principalement sur le témoignage du directeur de la Forge de Laguiole, Thierry Moysset. Si les propos rapportés ont bien été tenus, on peut en déduire qu'il a profité de l'entretien pour balancer une petite vacherie sur le compte des fabricants thiernois. Je ne sais pas si l'on a contracté de manière un peu abrupte les propos du gérant, mais ce qui est écrit n'est pas tout à fait exact.
Si des Laguiole bas-de-gamme sont bien vendus sous des marques thiernoises, ce sont (à ma connaissance) uniquement les premiers prix. C'est néanmoins l'occasion de rappeler que certains entrepreneurs auvergnats ont délocalisé une partie de leur production en Chine, comme le révélait il y a cinq an un billet du blog d'un journaliste du Monde. (Au passage, signalons que Thierry Déglon, le patron de coutellerie à l'époque maire de Thiers, a été battu par une liste socialo-communiste aux municipales de 2014, pourtant peu favorables à la gauche.)
Je rassure nos amis thiernois : la chronologie (sommaire) qui accompagne l'article rend hommage au rôle des couteliers auvergnats dans la perpétuation du Laguiole. La langue de Thierry Moysset a peut-être fourché en raison du récent rapprochement entre les producteurs de Thiers et certains couteliers aveyronnais (qu'une mauvais esprit de ma connaissance qualifie d'assembleurs plus que de couteliers).
L'article principal est complété par un second, plus court, intitulé "Bataille juridique pour la marque Laguiole".
Ici, c'est le maire de Laguiole (Vincent Alazard) qui sert de référence au journaliste. Celui-ci s'est peut-être à nouveau un peu emmêlé les crayons, à propos de la décision de la Cour de Justice de l'Union européenne, dont j'ai parlé l'an dernier. En effet, l'article affirme que c'est à la commune de Laguiole que le tribunal a donné raison, alors que c'est la Forge qui a obtenu (partiellement) gain de cause contre Gilbert Szajner.
Ce papier est un travail un peu approximatif (certes, sur un sujet complexe), mais qui offre une belle publicité aux couteaux aveyronnais.
22:20 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, presse, médias, économie, france
lundi, 25 juillet 2016
L'Engrenage - Mémoires d'un trader
Les éditions J'ai Lu (une filiale du groupe Flammarion) ont profité de la sortie en salles du film L'Outsider pour rééditer (avec une nouvelle couverture) le livre que Jérôme Kerviel avait écrit au cours de l'instruction de son premier procès.
A sa lecture, on s'aperçoit qu'il a beaucoup inspiré le scénario du film de Christophe Barratier. On part de la découverte de ses prises de positions extrêmement risquées (et frauduleuses), avant de revenir en arrière. Le livre remonte plus loin que le film, puisqu'il évoque le parcours scolaire de Jérôme Kerviel. Mais il est plus discret sur sa vie sentimentale. Il semble que, dans l'adaptation cinématographique, le personnage incarné par Sabrina Ouazani soit un mélange de deux des amies du "héros".
Au niveau du travail à la banque, c'est plus détaillé que dans le film. On comprend mieux en quoi cela consiste, même si je dois avouer que, parfois, j'ai un peu lâché prise. C'est quand même très technique pour un profane comme moi.
Au détour d'une page, on se rend compte des petites modifications auxquelles on a procédé pour tourner le film. On a eu raison de couper, pour rendre l'intrigue plus lisible.
Mais c'est la troisième partie de l'ouvrage qui m'a le plus intéressé : elle traite du parcours judiciaire de Jérôme Kerviel, de son arrestation à la veille de son premier procès (ce qu'on ne voit pas dans le film). Plus tôt dans l'ouvrage, le jeune homme a affirmé éprouver de l'admiration pour le juge Renaud Van Ruymbeke. La première partie de l'instruction semble l'avoir confirmé dans ce sentiment. Mais, plus le temps a passé, plus Kerviel a senti qu'il était considéré comme le coupable désigné. La Société Générale semble avoir "bétonné" les déclarations de ses employés, afin de rejeter toute la faute sur un seul homme : Kerviel. Les juges d'instruction auraient été abusés par les manoeuvres de la banque, qui aurait profité de leur mauvaise connaissance du fonctionnement d'une salle des marchés.
On suit ce nouveau "présumé coupable" dans le tourbillon médiatique et la farandole des avocats, beaucoup n'ayant proposé leurs services que pour se faire de la publicité. De temps en temps, l'auteur se livre un peu plus : on sent qu'il est sorti de là complètement lessivé.
Même si c'est un plaidoyer pro domo, ce livre n'en mérite pas moins le détour, pour la vision interne qu'il propose et pour le portrait d'une société (la nôtre) tombée dans le vertige de l'argent facile et des paillettes médiatiques.
P.S.
Le texte est (parfois) entrecoupé de documents, les plus nombreux figurant en fin d'ouvrage. Ce sont des courriels, des contrats ou des extraits d'autres types de documents. Ils sont là pour appuyer les affirmations de Jérôme Kerviel. Les plus saisissants sont ceux situés tout à la fin, anonymisés, qui évoquent les conditions dans lesquelles certains de ses anciens collègues ont négocié leur licenciement... et leur silence. Seul regret : dans la version de poche, les caractères de ces documents sont vraiment très petits.
jeudi, 21 juillet 2016
L'Outsider
Il n'est pas facile de voir ce film consacré à l'affaire Kerviel, sorti le mois dernier. Pourtant, le sujet est porteur et plusieurs acteurs renommés sont à l'affiche (en particulier François-Xavier Demaison et Sabrina Ouazani). C'est toutefois le moins connu du groupe qui m'a le plus impressionné : Arthur Dupont incarne un Jérôme Kerviel très crédible et tout en nuances. Signalons aussi la qualité des seconds rôles, interprétés par Mhamed Arezki (remarqué dans Candice Renoir), Benjamin Ramon ou encore Sören Prévost (le fils de Daniel).
Le "héros" ne nous est pas présenté comme un ange ou un chevalier blanc de la finance. C'est d'abord un Rastignac du XXIe siècle, issu d'une famille modeste, qui tente de se faire une place au soleil. Cela nous vaut quelques scènes touchantes avec les parents, dont il s'éloigne peu à peu.
Le film mérite le détour aussi pour la description du petit monde des traders, avec sa hiérarchie implicite, son arrogance et sa grossièreté. Le jeune Kerviel fait tache dans ce milieu où pullulent les fils à papa. Chacun est attaché à son statut : "trader", "assistant", "chargé du middle office"... Il existe aussi un service interne de contrôle des risques, subtilement surnommé "la Gestapo" par les traders... D'ailleurs, qu'est-ce qu'ils sont grossiers ! C'est vraiment une bande de beaufs, un comble pour des types (il y a très peu de femmes dans le "saint des saints") souvent bardés de diplômes.
Concernant la spéculation elle-même, on n'apprend pas grand chose. Le réalisateur a reconstitué la salle des marchés et tente de faire saisir l'importance des tensions que le travail sur ordinateur crée. Pas facile pour les non-spécialistes de s'y retrouver. Le dossier de presse mis en ligne sur le site du distributeur tente de combler les vides.
Comme grosso modo tout le monde sait à peu près comment cela va se terminer, l'intrigue prend la forme d'un thriller sentimentalo-financier. La vie personnelle du héros est bouleversée par son travail... dans lequel il prend de plus en plus de risques. Le propos du cinéaste n'est pas neutre : il est implacable pour la Société Générale, en particulier ses cadres, qui ont laissé Kerviel agir à sa guise tant que ça leur rapportait du fric et qui lui ont tout collé sur le dos quand la situation s'est dégradée. Au passage, le film laisse entendre qu'ils n'y comprenaient pas grand chose, tant les manoeuvres de Kerviel étaient alambiquées. On s'aperçoit aussi que ce travail de courtier s'apparente un peu trop souvent au jeu de casino, à ceci près qu'ici des milliards d'euros et des centaines de milliers d'emplois sont en jeu.
Même si ce n'est pas une oeuvre magistrale, c'est un bon film de genre, qui tient parfaitement la distance.
00:35 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, économie
mercredi, 13 juillet 2016
Du Nutella customisé
Récemment, j'ai contribué à relancer la consommation des ménages. Dans le chariot (que je poussais avec puissance et dignité) s'est retrouvé un étrange pot de Nutella, aux couleurs de l'Euro 2016 de football :
Notez la disposition des représentants nationaux. Les Français sont en grand, au sommet, entourés des Italiens et d'un Portugais. A l'opposé se trouve un Allemand. Les commerciaux du groupe Ferrero ont eu du nez, puisque la finale du dernier championnat d'Europe a opposé (comme personne ne l'ignore) la France au Portugal. On remarque que seuls douze pays sont représentés : outre les précédemment cités, on trouve la Belgique, l'Autriche, la Roumanie, la Pologne, la Russie, l'Espagne, l'Angleterre et peut-être l'Irlande du Nord (ou la Turquie).
Qu'en est-il dans les autres pays ? Je n'ai trouvé des pots aux couleurs de la compétition que dans trois pays. Bien entendu, l'Italie figure dans le lot :
En Allemagne, la présentation est plus sobre :
La palme de l'originalité revient au "pot belge", qui existe sous deux versions, égalité des sexes oblige :
En creusant un peu le sujet, je suis tombé sur un article publié à l'occasion du décès de Michele Ferrero, la "père" du Nutella. On y apprend que les Français sont les plus gros consommateurs mondiaux de la pâte à tartiner chocolatée, devant les Allemands, les Italiens et les Suisses. Quant à la Belgique, elle occupe aussi une place à part : le Nutella y détient plus de 50 % de parts de marché, le groupe Ferrero y possède une importante usine... et l'équipe des "diables rouges" faisait partie des favoris, avant le début de la compétition.
11:46 Publié dans Economie, Shopping, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, société, euro 2016, football, actualité
vendredi, 01 juillet 2016
Les gros bosseurs de la Territoriale
Au départ, c'est un petit encadré en page 8 du Canard enchaîné paru le 29 juin 2016 qui a attiré mon attention. Intitulé "Les collectivités en petite forme", il aborde la question de l'absentéisme dans les collectivités territoriales (communes, départements, régions).
L'hebdomadaire satirique s'appuie sur une étude de la Sofaxis, une société d'assurance spécialisée dans les collectivités. Concrètement, on constate une coïncidence entre la suppression du jour de la carence par la gauche et la (re)montée de l'absentéisme. Allons voir cela dans le détail.
L'analyse du taux d'absentéisme permet de constater que presque 10 % du temps de travail théorique est supprimé à cause des absences (justifiées) liées à l'état de santé. C'est énorme, d'autant plus que s'ajoutent à ces heures non effectuées les stages suivis par le personnel et ses congés règlementaires. Autant dire qu'à plusieurs moments de l'année, il est évident que certains services tournent au ralenti...
On remarque aussi que ce sont les petits congés maladie qui pèsent le plus dans ces absences : environ la moitié du total temps et plus de 80 % des arrêts. Là est sans doute le problème : la multiplication de ces petits congés maladie, certains justifiés, d'autres de confort... avec, désormais, la certitude de ne pas perdre le moindre jour d'indemnisation. Soyons honnêtes, il existe un autre facteur d'explication : le vieillissement des agents.
Fait extraordinaire : en 2015, presque la moitié des fonctionnaires territoriaux ont été absents au moins une fois pour raison de santé. On ne mesure pas à quel point les épidémies de grippe font des ravages dans certains bureaux climatisés...
Parmi les autres enseignements de cette passionnante étude, il y a la variation de l'absentéisme en fonction de la taille de la collectivité territoriale (page 5 du document) :
Plus la collectivité emploie d'agents, plus la proportion d'heures perdues en raison d'arrêts maladie est grande. Attention, il s'agit bien de taux et pas de nombres. S'il est logique que le nombre d'heures perdues augmente avec le nombre d'agents, il n'est pas normal que, plus une collectivité compte d'agents, plus ils aient tendance à tomber malades !
Des scientifiques pourraient m'opposer le fait que, plus un service compte d'agents, plus les risques de propagation de germes sont élevés. Mais, j'aurais plutôt tendance à penser que, là où les agents sont plus nombreux, on trouve plus facilement à remplacer un(e) collègue "indisposé(e)". On a peut-être moins tendance à vérifier que le congé maladie est réel, ou alors on met moins de pression sur les employés. Notons qu'un seul des critères explique la différence entre les collectivités : les petits congés maladie.
C'est encore plus flagrant si l'on considère le nombre d'arrêts pour cent agents, dans les cas de "maladies ordinaires". Dans les collectivités employant moins de 10 agents, ceux-ci posent deux fois moins d'arrêts maladie que les agents des collectivités employant entre 30 et 149 personnes... et entre trois et quatre fois moins que les agents des collectivités employant plus de 349 agents ! En gros, plus la collectivité dans laquelle travaillent les agents est importante, plus ils ont tendance à poser de petits congés maladie ! C'est le genre d'étude dont la lecture aurait été utile aux membres du gouvernement Valls, qui pousse au contraire à la formation de collectivités plus grandes.
Terminons par la proportion d'agents absents. Plus la collectivité emploie de personnes, plus la proportion de celles qui sont absentes pour raison de santé est élevée. Là encore, ce sont les petits arrêts maladie qui expliquent à eux seuls les écarts constatés. Il est tout de même sidérant de constater que, dans les collectivités employant moins de 10 agents, 21 % d'entre eux aient été absents pour "maladie ordinaire" en 2015... contre 60 % dans les collectivités employant plus de 349 agents !
C'est d'autant plus étonnant que c'est dans les petites collectivités que le travail des agents est le plus susceptible de varier (et de susciter le stress, l'accident lié à la maladresse), alors que dans les grandes collectivités, les agents sont souvent plus spécialisés, davantage intégrés dans une forme de routine.
Bilan ? La suppression par François Hollande du jour de carence a été une fausse bonne idée. Elle a incité certains personnels (minoritaires certes, mais leur comportement pèse sur la collectivité) à adopter une attitude moins responsable à l'égard de leur mission de service public.
21:29 Publié dans Economie, Politique, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, presse, médias, journalisme, france
jeudi, 02 juin 2016
L'euro de l'Euro
Voici une pièce de deux euros, qui a atterri aujourd'hui dans mon porte-monnaie, à l'occasion de mon passage chez un marchand de journaux ruthénois :
Il s'agit d'une toute nouvelle pièce commémorative, frappée par la Monnaie de Paris en hommage à l'organisation du championnat d'Europe de football, dont on va nous bassiner (au moins) jusqu'au dix juillet prochain.
La conception de l'avers n'en est pas moins originale. Cette face s'articule autour d'une figure centrale, le territoire de la France métropolitaine légèrement schématisé, pas toutefois au point d'être simplifié en hexagone. Nos amis corses noteront l'absence de l'Ile de Beauté... sans doute pour une question de mise en page.
L'intérieur de la carte est occupé par une coupe... évidemment pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit du Trophée Henri Delaunay. Sa base est entourée des mêmes poinçons que ceux figurant sur la pièce monégasque que j'ai trouvée l'an dernier.
Tout autour de la carte sont gravés des éléments rappelant le sport qui occupe tant de place sur les petits écrans nationaux. Je dois reconnaître que l'ensemble ne manque pas de style.
16:37 Publié dans Economie, Société, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, économie, europe, union europénne, france
mercredi, 20 avril 2016
Cauval au bord du gouffre ?
Le groupe d'ameublement français ne cesse de défrayer la chronique (économique). Il y a quelques années, on en a beaucoup parlé dans l'Aveyron, jusqu'à la déconfiture de l'usine de Sévérac-le-Château, au profit (pensait-on) de celle de Bar-sur-Aube. Les difficultés n'ont cependant pas cessé, avec, l'an dernier, un conflit avec les enseignes But à la clé. Du côté de la Champagne, on a aussi pu constater la baisse progressive des effectifs.
Le patron Gilles Silberman était à la recherche de nouveaux partenaires et semblait avoir trouvé le bon, une société portugaise qui évolue dans le même secteur... mais qui s'est finalement désistée. Faute d'apport financier, le groupe a été placé en redressement judiciaire, dans l'attente d'un (ou plusieurs) repreneur(s). Les candidatures ne se sont pas fait attendre. On a parlé de six puis de dix repreneurs potentiels, aucun ne s'engageant à garder l'intégralité des sites, à l'exception de deux anciens cadres de Cauval, soutenus par un fonds d'investissement.
Certains (comme le suédois Hilding Anders ou Arcole Industries) semblent avoir peu de chances. On s'étonne aussi de voir figurer la holding Verdoso, contrôlée par... l'un des fondateurs de Cauval (Franck Ullmann). De très mauvaises langues se demandent s'il n'y aurait pas là une manoeuvre concertée avec G. Silberman, pour conserver le groupe Cauval après l'avoir "dégraissé" à moindres frais. Autre surprise : la candidature du portugais Aquinos... le partenaire avec lequel Cauval envisageait tout récemment de se "marier" ! Là, on se demande si le secteur de l'ameublement n'est pas devenu un lac aux requins. Aquinos est-il de bonne foi et a-t-il renoncé à l'alliance avec Cauval pour de bonnes raisons (la crainte d'avoir affaire à un partenaire peu scrupuleux) ? Ou bien le groupe portugais n'est-il qu'un opportuniste, qui a jugé que, devant les difficultés de Cauval, mieux valait laisser pourrir la situation, pour n'en garder que les bons morceaux ? C'est difficile à dire, d'autant plus qu'il est possible que les deux soient vrais !
Cependant, il semble que ce soit un autre candidat qui tienne la corde : le groupe sud-africain Steinhoff. Il y a moins d'un mois, Le Monde a consacré un portrait plutôt flatteur à Christoffel Wiese, le premier actionnaire du groupe. Celui-ci est à la manoeuvre en France depuis au moins le début des années 2010, quand il a racheté Conforama au groupe Pinault (PPR). Cela a d'ailleurs contribué à dégrader la situation de Cauval, dont c'est l'un des principaux clients, qui s'est désormais davantage fourni ailleurs. On a récemment reparlé de Steinhoff, qui tente de souffler Darty à la FNAC. Pour la petite histoire, précisons que la FNAC est une autre ancienne pépite du groupe PPR (aujourd'hui Kering), dont le premier actionnaire reste la holding Artemis, qui gère les intérêts de la famille Pinault.
Pour compléter ce mécano industriel, ajoutons que Darty est à l'origine une entreprise française, passée (dans les années 1990) sous la coupe du britannique Kingfisher... tout comme But, autre entreprise tricolore (et le principal concurrent de Conforama en France, après Ikea). Les deux ont été intégrées dans une filiale, Kesa, qui s'est séparée de But en 2008.
L'autre indice qui me fait penser que c'est Steinhoff qui tient la corde dans la reprise de Cauval est que le groupe sud-africain a amélioré son offre (sur des conseils venus de France ?) : alors qu'il proposait, à l'origine, de ne reprendre que trois des usines, il est monté à quatre puis à cinq. Par contre, il ne garderait qu'un peu plus de la moitié des employés. C'est dû au fait qu'il laisse de côté le principal site de Cauval, l'usine de Bar-sur-Aube qui, malgré toutes les aides publiques versées depuis moins de dix ans, risque donc de fermer définitivement. Chez Cauval, c'est le secteur des matelas (et les marques) qui intéresse les éventuels repreneurs, pas celui des canapés et fauteuils.
Un autre site est menacé de fermeture : celui de Flaviac, en Ardèche. Il y a quelques années, Cauval y avait arrêté la fabrication de matelas Simmons. Une soixantaine d'emplois avaient été maintenus grâce à la reconversion du site, devenu Ecoval, avec un projet innovant (autour du recyclage)... financé par de l'argent public, le groupe Cauval s'étant là encore débarrassé des locaux en les vendant à la communauté de communes.
Qu'est-ce qu'il ressort de tout cela ? Que la gestion du groupe Cauval n'est pas des plus limpides. Même si le secteur de l'ameublement traverse une période difficile, il y a sans doute des causes internes aux problèmes du groupe. L'arrivée de Steinhoff pourrait se révéler bénéfique, si elle assure davantage de débouchés aux produits des usines. Mais peut-être vaudrait-il mieux que ce soit une équipe qui connaisse l'entreprise qui la reprenne. Il faudrait voir le détail du projet des anciens cadres, jugé crédible par la CGT.
A une échelle beaucoup plus réduite, à Sévérac-le-Château, dans l'Aveyron, le site a naguère été relancé par d'anciens employés, qui ont fondé ITA Moulding Process. Il va de son bonhomme de chemin et communique, de temps à autre. Il sera partenaire du ROC Laissagais 2016, qui servira de support au championnat du monde de VTT marathon :
Centre Presse, 19 avril 2016
P.S.
Pour en savoir plus sur le site de Sévérac-le-Château (et l'entreprise qui l'occupe actuellement), on peut lire les articles qui viennent de paraître dans Centre Presse.
D'après un encadré présent dans la version papier, un livre et un DVD sont en préparation.
15:29 Publié dans Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médis, journalisme, actualité, économie, france
dimanche, 10 avril 2016
Merci patron !
Le documentaire militant de François Ruffin est enfin arrivé à Rodez, pour une petite semaine de projection. C'est l'occasion de découvrir pourquoi cette piqûre de moustique (un film à diffusion confidentielle ayant coûté moins de 200 000 euros) a pu subir à sa sortie ce qui ressemble à une forme de censure médiatique... qui l'a finalement bien servi.
C'est d'abord un film social, qui évoque la condition des ménages ouvriers des "Hauts-de-France" comme il faut dire maintenant. Ruffin et son équipe sont partis à la rescousse d'un couple d'ouvriers licenciés. Au passage, on découvre (ou pas) l'un des paradoxes de notre économie : l'un de ses fleurons du luxe (LVMH) a bâti sa prospérité sur l'exploitation d'une main-d'oeuvre mal payée, d'abord française, aujourd'hui polonaise ou autre. A cet égard, je conseille la scène qui voit le réalisateur essayer un costume dans une boutique du groupe, tout comme celle tournée dans une usine polonaise. Tendez l'oreille pour saisir les chiffres, en particulier l'écart entre le coût de la main-d'oeuvre et le prix d'un costume...
C'est aussi une satire politique, la "gauche de la gauche" ne se privant pas d'égratigner au passage la "gauche de gouvernement" (le PS), à travers la personne d'un élu socialiste, très proche de Bernard Arnault et bien vu de François Hollande.
Mais c'est surtout une excellente comédie satirique, dans laquelle, le plus souvent, Ruffin adopte l'antiphrase et se fait passer pour un benêt (faussement) admirateur de Bernard Arnault, aussi bien devant l'ancienne déléguée CGT que devant les employés de LVMH. Il y a comme une parenté avec le style de l'humoriste Guillaume Meurice. On sent aussi l'influence de Pierre Carles.
Au coeur du film se trouve une grosse entourloupe, la menace proférée par le couple d'ouvriers de lancer une campagne médiatique contre Bernard Arnault s'il ne les aide pas à rompre la spirale de l'endettement. Ce ménage, dont les ressources plafonnent à quelques centaines d'euros, en a des milliers à payer, la maison, construction d'une vie, risquant d'être saisie. Les deux ouvriers se prêtent de bon coeur à la manoeuvre de François Ruffin, qui a placé des caméras et des micros à leur domicile.
Cela nous vaut certaines des plus belles scènes du film, avec une sorte d'homme à tout faire du groupe LVMH, un ancien policier engagé pour gérer les problèmes d'image qui peuvent se poser. Au départ méfiant, l'homme finit par s'exprimer avec une franchise déconcertante devant un couple qu'il sous-estime. Il n'est d'ailleurs lui-même pas méchant au fond. Il est le sbire d'un homme puissant, qu'il sert sans état d'âme, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide.
C'est donc drôle, militant, rageant parfois, accompagné d'une musique entraînante, d'où se détache une chanson méconnue des Charlots.
P.S.
Une soirée débat est programmée au Cap Cinéma de Rodez lundi 11 avril, à 20h :
(La Dépêche du Midi, 8 avril 2016)
mardi, 23 février 2016
Le coutelier de l'ombre
L'idée de ce billet a commencé à germer dans mon esprit à la lecture d'une double-page du quotidien Centre Presse du jeudi 4 février dernier. Insérée dans la rubrique "AUBRAC - CARLADEZ : SPECIAL LAGUIOLE", cette double-page était en fait une apologie de la coutellerie de... Thiers. Au détour de l'un des articles, il était question d'un coutelier aveyronnais, Christian Valat, en place à Espalion depuis les années 1990.
Cela nous ramène à l'histoire de la Forge. Elle est née en 1987, sous le nom de SARL Laguiole. D'après l'ouvrage de Daniel Crozes Le Laguiole, Eloge du couteau, quatre fées se sont penchées sur son berceau... des fées avec du poil aux pattes, puisqu'il s'agit de quatre messieurs : l'Aveyronnais Christian Moulin, le Thiernois Jean-Michel Mazelier (qui a fourni les premières machines), le cafetier parisien Jean-Louis Costes (qui a apporté les fonds) et Gérard Boissins, qui a dirigé le tout.
En 2003 se produit le premier changement de direction. Gérard Boissins et ses associés se retirent, au profit d'un certain Bernard Divisia, un ancien de LVMH. Quelques années plus tard, on comprend que le succès n'est plus au rendez-vous : le PDG cherche de nouveaux actionnaires (et de l'argent frais).
C'est à ce moment-là (en 2007) que Christian Valat est entré en scène. Enfin... cela dépend des sources. La plupart (comme L'Usine nouvelle) citent les noms des cinq nouveaux actionnaires : Jean-Luc Bessodes (agent immobilier), Jean-Marc Calvet (maire de Rignac, aussi présent dans le secteur de l'immobilier), Thierry Moysset, Honoré Durand (un ancien photographe qui s'est lancé avec succès dans la coutellerie, à Laguiole) et... un certain Philippe Valat, qui est parfois présenté comme coutelier. En 2008, au moment du retrait d'Honoré Durand, il est toujours question de ce Philippe Valat. Le problème est que je n'ai pas trouvé trace de ce coutelier-là et que, dès 2009, c'est Christian Valat qui est présenté comme l'actionnaire majoritaire de la Forge. Donc, soit il a succédé à un membre de sa famille, soit il était, dès 2007, l'un des cinq, comme le sous-entend un récent article suisse.
Si c'est le cas, l'erreur commise par presque tous les médias de l'époque est révélatrice de la discrétion du personnage (et de la relative opacité qui a entouré les changements d'actionnaires de la Forge). Il n'est d'ailleurs pas facile de dénicher une photographie du coutelier. J'ai fini par en trouver une (qui date de quelques années), sur le site d'un passionné :
Comme le précise le rédacteur du site, elle a été prise par Christian Lemasson. Elle est même présente (page 182) dans sa monumentale Histoire du couteau de Laguiole, parue il y a un peu plus d'un an... et qui rend principalement hommage aux couteliers thiernois. Précisons que le livre a été publié aux éditions des Monts d'Auvergne.
L'auteur y consacre quelques pages à ceux qui, comme Christian Valat, défendent aujourd'hui le couteau Laguiole de qualité, sans être très connus. Et pourtant, c'est un entrepreneur d'envergure, qui a investi dans un grand nombre de sociétés, comme en témoigne la fiche qui lui est consacrée sur le site de bfmtv. Le vaisseau amiral est bien entendu la coutellerie espalionnaise, dont le chiffre d'affaires n'est pas très éloigné de celui de la Forge de Laguiole.
Cela nous mène tout naturellement à 2014. Christian Valat et Jean-Marc Calvet ont vendu leurs parts (de la Forge) à une holding suisse. (Il n'est pas question de Jean-Luc Bessodes.) Les rumeurs les plus folles ont couru sur l'Aubrac, à tel point que le coutelier espalionnais avait pris la peine de démentir dans Centre Presse... alors qu'il allait bien vendre ses parts. Pour combien ? On ne sait pas. Secret des affaires. Chut. En théorie, on doit pouvoir se baser sur le chiffre d'affaires et les bénéfices. Le premier, d'après tous les sites spécialisés (comme Manageo), est d'un peu moins de 5 millions d'euros. En fonction du secteur concerné et du profil de l'entreprise, cela peut constituer une base de départ, la fourchette s'étalant peut-être entre 2,5 et 6 millions d'euros (de 50 % à 120 % du C.A.). Mais les bénéfices sont relativement faibles, autour de 100 000 euros. Cela me conduit à penser que le prix de vente était plus proche de 3 millions que de 5 millions d'euros... à moins que les investisseurs suisses n'aient vu en la Forge une pépite sous-valorisée.
Quoi qu'il en soit, les actionnaires vendeurs ont dû empocher un joli paquet. Est-ce pour autant l'appât du gain qui a motivé cette vente ? C'est difficile à dire. La Forge a le vent en poupe. En 2014, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne lui a donné raison contre Gilbert Szajner. La même année, la loi sur la consommation a entériné la création des indications géographiques pour les produits manufacturés, une décision qui ne peut que favoriser commercialement la production française.
C'est à mon avis justement là que le bât blesse. Dans la région, personne n'ignore les tensions qui existent entre certains couteliers laguiolais (au premier rang desquels la Forge) et leurs homologues de Thiers (rejoints par quelques Aveyronnais mi-assembleurs mi-couteliers). Je pense que Christian Valat fait le pari qu'il n'y aura pas d'IG Laguiole-Aveyron, mais une IG Laguiole-France (dont l'aire géographique engloberait les deux bassins couteliers). Cela expliquerait son désengagement de la Forge.. et son rapprochement des couteliers thiernois... ce qui nous ramène au début de ce billet, à l'article de Centre Presse, dans lequel on peut lire que la coutellerie "David de Thiers" (propriété de... Christian Valat) a rejoint le Claa (l'association "Couteau Laguiole Aubrac Auvergne"), qui milite pour une IG unique, sur une zone large. Tout un symbole !
22:39 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, économie, france
mercredi, 17 février 2016
Un métier à risques
C'est peu après 11 heures, ce matin, que, sur mon lieu de travail, a commencé à se répandre la nouvelle du meurtre d'une jeune conseillère de la Chambre d'agriculture de l'Aveyron, sur la commune de Mayran.
Dès que cela a été possible, tout le monde s'est rué sur les sites des médias locaux et nationaux, où l'on a pu lire les informations basiques sur cet horrible fait divers. Ici ou là, quelques imprécisions ont été relevées, sur l'heure du meurtre (7h ? 7h30 ? 8h30 ?) ou l'âge de la victime (estimé selon les sources à 25, 26 ou 27 ans). Presque tous les médias n'ont publié que le prénom de la victime (Elodie). Son identité complète a été révélée notamment par L'Obs.
Il serait déplacé de discuter ici des détails de l'agression dont la jeune femme a été la cible. La gendarmerie enquête. Laissons-la traiter cette affaire avec la circonspection qui s'impose. L'examen du contexte dans lequel ce meurtre s'est déroulé n'en est pas moins porteur d'enseignements sur quelques évolutions récentes du monde agricole et para-agricole.
La victime, technicienne à la Chambre d'agriculture, a pu être parfois désignée sous le nom de "contrôleur laitier". Cela appelle deux remarques. La première est que, depuis au moins une dizaine d'années, le contrôleur laitier est de plus en plus souvent... une contrôleuse. La profession, comme tant d'autres, s'est féminisée... et rajeunie. Les agriculteurs ont vu débarquer dans leur ferme un autre profil de technicien-ne, auquel ils n'étaient pas accoutumés.
Ces jeunes sont généralement issus de l'enseignement supérieur court. Ils (Elles) sont souvent titulaires d'un BTS, agricole ou pas. Ils (Elles) ont de plus en plus tendance à prolonger par une licence professionnelle. Ils (Elles) deviennent techniciens, à un poste où la rémunération dépasse rarement le SMIC. De surcroît, comme l'activité de conseil à laquelle ils (elles) se livrent ne se limite pas aux visites sur site (ils sont souvent contactés par téléphone... et pas qu'aux heures de boulot), on comprend vite que la fonction n'est pas des plus attractives. Du coup, dans certains départements, le turn-over est élevé, ce qui agace les agriculteurs plus âgés, habitués à garder longtemps le même interlocuteur, qui finit par comprendre à demi-mots les petits problèmes de ses "clients".
La deuxième remarque porte sur le travail de ces "contrôleurs". Ce sont fréquemment de simples conseillers, dont la mission est d'aider les agriculteurs à améliorer leur production, dans le respect de la réglementation existante. C'est le prix à payer pour garder une agriculture de qualité, quoi qu'en pensent les grandes gueules promptes à beugler contre les "contraintes administratives". Mais, pour certains agriculteurs, ces conseillers sont parfois les seuls visiteurs qu'ils reçoivent de la semaine. Si une relation de confiance s'installe entre les deux parties, le conseiller peut se muer en confident. Si c'est la méfiance qui l'emporte, le conseiller peut devenir le bouc émissaire du mal-être d'un agriculteur dépassé par les événements.
On pourrait penser que des femmes compétentes sur le plan technique sont mieux placées pour instaurer un dialogue apaisé avec des professionnels à cran. Mais, au quotidien, les jeunes femmes se retrouvent, de temps à autre, confrontées à des situations délicates... et à des individus qu'il serait difficile de qualifier de gentlemen. C'est qu'il peut s'en passer des choses, dans la quiétude d'une exploitation reculée ! Certaines garderaient une petite bombe dans leur sac. D'autres, plus sportives, se sentent suffisamment "entraînées" pour repousser un mec trop collant. Il y a aussi la solution du gros chien qui attend dans la voiture. Il paraît que ça calme bien des ardeurs...
Tout ça pour dire que la fonction de technicien-ne à la Chambre d'agriculture n'est pas de tout repos et que, si ce fait divers horrible pouvait (indirectement) contribuer à améliorer le sort de ces agents, ce ne serait déjà pas si mal.
18:32 Publié dans Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, presse, médias, journalisme, société, agriculture
samedi, 16 janvier 2016
The Big Short
Ce "casse du siècle" est le résultat d'un pari audacieux, celui que les titres boursiers constitués de prêts immobiliers étaient considérablement surévalués et qu'ils allaient s'effondrer, entraînant avec eux les banques et les épargnants.
L'intrigue suit plusieurs mecs futés, qui ont compris avant les autres que le système était fragile... et même frauduleux. Quelques vedettes sont venues à la rescousse d'une histoire a priori un peu rébarbative, notamment Christian Bale, Ryan Gosling et Brad Pitt (qui coproduit). On les a un peu enlaidis, pour les faire davantage ressembler aux types qui se sont réellement fait du blé avec la crise des subprimes : Ryan Gosling est coiffé comme un maquereau, Brad Pitt pourrait sortir du bois avec une hache sur l'épaule et Christian Bale a du mal à supporter la prothèse dentaire qu'on lui a fourrée dans la bouche... (Mais, je rassure les dames, une scène de piscine confirme qu'il a gardé son corps d'athlète...)
C'est symbolique de l'ambiguïté du film. Il dénonce le culte des apparences, l'argent facile, la malhonnêteté... et (de manière très américaine) il met en valeur la réussite d'un groupe de francs-tireurs, qui se sont montrés plus malins que le système... et qui sont, à bien des égards, tout aussi malhonnêtes et cupides. Seuls les personnages incarnés par Brad Pitt et Steve Carell se montrent, par instants, capables de regarder au-delà de leur nombril.
Sur le fond, l'intrigue se veut pédagogique. L'enjeu était d'à la fois divertir et rendre compréhensible certains des mécanismes de la crise. Le résultat est moins aride qu'Inside Job, mais moins emballant que Margin Call ou encore Cleveland contre Wall Street. J'ai de plus moyennement apprécié le fait que certains personnages s'adressent de temps à autre à la caméra.
Le films a même quelques aspects putassiers, à l'image du Loup de Wall Street. Il met en scène la fascination exercée par l'argent facile et le recours à des prostituées... mais sans aucun recul critique. C'est aussi visible dans deux scènes qui voient de charmantes jeunes femmes nous expliquer un élément complexe de la crise. A première vue, l'introduction de ces paraboles (du genre "La crise pour les nuls") n'est pas inintéressante. Cela a aussi le mérite d'introduire des personnages féminins présentés comme intelligents et cela va à l'encontre du cliché de la ravissante idiote... sauf que la mise en scène contredit en partie le discours : ces femmes (deux bimbos qui jouent leur propre rôle) sont d'abord montrées comme attirantes. Je pense que, dans l'esprit du réalisateur, c'est censé être drôle... mais c'est vraiment de l'humour de beauf.
Comme c'est globalement bien joué (mais pas très bien doublé en français) et que le montage est efficace, on ne passe pas un mauvais moment. Mais le résultat est trop clinquant à mon goût. Il reste le plaisir de voir les banquiers se faire dénigrer par un film grand public, ce qui n'est pas mince.
11:44 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 06 décembre 2015
Placement de produits
C'est devenu une pratique courante dans le cinéma. On pourrait par exemple s'amuser à relever dans 007 Spectre la liste des produits de luxe (vêtements, voitures, montres, boissons, parfums...) qui sont plus ou moins habilement insérés dans l'intrigue. C'est aussi le cas des séries télévisées... y compris celles qui sont animées, comme Archer, la parodie de films d'espionnage dont j'ai déjà parlé l'an dernier.
Actuellement, la chaîne France 4 rediffuse la saison 2, dont je n'avais pas vu l'intégralité. Dans l'épisode 8, où il est question du cancer de Malory puis de Sterling Archer, on voit distinctement une bouteille d'armagnac, dont l'étiquette est montrée en gros plan :
La commune d'Eauze, située dans le Gers, existe bel et bien... et, pour ceux qui l'ignoreraient, précisons que c'est le berceau historique de la célèbre eau-de-vie.
Une question demeure : l'image (et la rédaction de l'étiquette) est-elle identique dans la version d'origine (américaine) de la série ? La réponse est oui. Voici ce que l'on peut voir au même moment de l'épisode :
Cela confirme qu'à l'étranger, il est signifiant de conserver le caractère français de certaines marques.
09:48 Publié dans Economie, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, société, économie, bd, bande-dessinée, france, médias