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mardi, 18 août 2015

Une nouvelle pièce commémorative

   Cette fois-ci, ce n'est pas un brocanteur du dimanche, mais une employée d'un restaurant ruthénois, qui m'a permis de faire une trouvaille... et il s'agit encore d'une pièce de deux euros !

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Avers 2.JPG

   Le "RF" présent sur l'avers indique qu'elle a été imprimée en France (à Pessac, comme la babiole monégasque qui m'est tombée dans le porte-monnaie il y a une dizaine de jours). La colombe est bien évidemment une allégorie de la paix, celle apportée sur le continent par la construction européenne.

   Voilà pourquoi, alors que seuls 19 pays sont dans la zone euro, ce sont les codes ISO des 28 membres de l'UE qui ont été gravés en éventail au-dessus du volatile.

AT = Autriche

BE = Belgique

BG = Bulgarie

CY = Chypre

CZ = République tchèque

DE = RFA

DK = Danemark

EE = Estonie

EL = Grèce

ES = Espagne

FI = Finlande

FR = France

HR = Croatie

HU = Hongrie

IE = République d'Irlande

IT = Italie

LT = Lituanie

LU = Luxembourg

LV = Lettonie

MT = Malte

NL = Pays-Bas

PL = Pologne

PT = Portugal

RO = Roumanie

SE = Suède

SI = Slovénie

SK = Slovaquie

UK = Royaume-Uni

   Parmi les petits symboles gravés figurent le logo d'Eurostar et une corne d'abondance (allusion à la Monnaie de Paris). Saurez-vous les retrouver ?

dimanche, 09 août 2015

Des euros princiers

   Ce matin, je me trouvais dans une brocante lorsque je fis involontairement une belle découverte. Je venais de négocier avec un vendeur l'achat d'une revue ancienne (et fort intéressante). Je lui avais tendu un billet de dix euros, sur lequel il me rendit six euros de monnaie, sous la forme de trois pièces de deux.

   Depuis des années, j'ai coutume de jeter machinalement un oeil aux pièces qui atterrissent dans ma main. Cela m'a permis de découvrir une pièce estonienne (à Rodez, en 2011) et, plus récemment, une pièce maltaise (en 2012). Curieusement, parmi celles qui sont issues des "petits" pays utilisant la monnaie unique, ce sont plutôt les pièces de 1 ou 2 euros qui voyagent loin.

   La règle a été respectée aujourd'hui, puisque, parmi les trois pièces récupérées auprès du brocanteur du dimanche se trouvait celle-ci :

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   Là, je sens que certains d'entre vous sont quelque peu interloqués. "Mais, bougre de crétin, tu devrais savoir que toutes les pièces de deux euros possèdent le même côté européen (le côté pile) ! Montre-nous donc plutôt le côté face !"

   Exécution !

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   Sur cet avers, le portrait d'Albert II de Monaco est entouré des douze étoiles du drapeau de l'Union européenne, bien que la principauté qu'il dirige n'en fasse pas partie. Ceci dit, Monaco et la France sont liées par une union douanière. De plus, d'après le site du gouvernement français, la principauté est associée à l'espace Schengen et, en 2001, elle signé une convention monétaire avec l'Union européenne, convention qui a été renouvelée en 2011.

   Enfin, aux curieux qui s'interrogeraient sur la nature des inscriptions encadrant l'année 2012, je précise que ce sont des poinçons, l'un du graveur général, l'autre du centre de frappe de Pessac (qui dépend de la Monnaie de Paris).

 

mercredi, 01 juillet 2015

Internet ralenti

   C'est un phénomène assez récurrent, sans même tenir compte de la qualité du matériel que l'on utilise pour se connecter au réseau. Ainsi, aux Etats-Unis, une enquête est actuellement en cours sur des dégradations volontaires commises en Californie, autour de Sacramento et de San Francisco. Quand on connaît le poids de la "net économie" dans cette région, et son impact à l'échelle internationale, on mesure l'importance du sujet.

   Ce n'est pas la première fois que l'état des câbles sous-marins est évoqué à propos de la Toile. Par le passé, on a surtout parlé des dégâts provoqués par les ancres de bateaux imposants. La cause peut être encore plus directement humaine. Il y a un peu plus de deux ans, deux plongeurs avaient coupé (par mégarde, ont-ils affirmé) l'un des plus importants câbles, reliant l'Europe du Sud à l'Asie du Sud-est, en passant par le Moyen-Orient. Les conséquences en avaient été perçues jusqu'à la Réunion, où la situation n'était redevenue normale qu'environ un mois plus tard.

   En juin dernier, c'est encore une gaffe (cette fois-ci, d'un opérateur asiatique) qui a eu des conséquences au niveau mondial. Dans les autres cas, le ralentissement est une conséquence de la croissance du réseau. Ainsi, en 2014, certains routeurs étaient en cause. Une autre fois, c'était la nécessaire mise à jour de certificats de sécurité des navigateurs.

   Mais la cause la plus étrange (et la plus cocasse) que j'ai trouvée est... naturelle. Il s'agit de... morsures de requins, évoquées en août dernier par le site Slate :

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   La courte vidéo qui accompagne l'article montre un énorme squale s'approchant lentement de l'un de ces câbles sous-marins... avant de tenter de le croquer avec appétit ! Le journaliste suggère que les champs électromagnétiques qui s'en dégagent pourraient attirer les requins. Celui-ci n'a par exemple pas du tout été intéressé par un autre câble, plus petit, partant du véhicule sous-marin en train de filmer la scène. Il est tout aussi possible que l'animal, ne possédant pas de mains, utilise sa gueule pour "tâter" l'objet, dont la présence à cette profondeur a dû lui paraître inhabituelle.

jeudi, 11 juin 2015

L'IGP du couteau de Laguiole en bonne voie ?

   Traditionnellement, les articles de la dernière page du Canard enchaîné sont encadrés de "brèves". Dans le numéro de mercredi 10 juin, voici ce qu'on peut lire sur la colonne de gauche :

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   L'entrefilet évoque un article du Parisien. Si vous lisez attentivement ce qui se trouve au bout du lien précédent, vous pourrez constater que le rédacteur de la "brève" a commis une erreur de datation. La dépêche AFP est du 6 juin. Il aurait donc fallu écrire "6/6" (à la rigueur "7/6", si la version papier est parue le lendemain) et non pas "8/7" (8 juillet). (Notons que ce n'est pas la première fois que le Palmipède évoque le couteau aveyronnais. Ainsi, en 2011, le dessinateur Escaro s'en était servi pour mettre en scène les tensions entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.)

   Le décret dont il est question a été publié au JO du 3 juin dernier. Le début du texte semble conçu pour éviter qu'une commune (ou une autre collectivité territoriale) puisse connaître les mêmes désagréments que Laguiole actuellement. La suite précise comment faire enregistrer une indication géographique dans le domaine artisanal ou industriel.

   Le ciel va-t-il se dégager pour le couteau aveyronnais, victime de la contrefaçon en provenance notamment de Chine et du Pakistan ? Il y a quelques mois, on s'est bruyamment réjoui d'une décision du tribunal de première instance de la Cour de Justice de l'Union européenne.

   L'autorité communautaire avait été saisie non pas par la Forge de Laguiole, mais par Gilbert Szajner, qui contestait l'annulation de sa marque "Laguiole" par l'OHMI (l'Office de l'Harmonisation pour le Marché Intérieur). En 2011, celui-ci avait donné raison à la Forge, qui contestait le droit de G. Szajner à déposer une marque sous laquelle il vend des produits qui n'ont rien à voir avec le village de Laguiole.

   Le verdict du tribunal européen est un jugement de Salomon. Il annule en grande partie la décision de l'OHMI. Cela veut dire que G. Szajner pourra continuer à vendre quantité de produits made in China sous la marque Laguiole... mais pas les couteaux, ni tous les autres "outils et instruments à main entraînés manuellement" (la liste complète figure dans le jugement). Sur le fond, le tribunal ne s'est pas appuyé sur le lieu de production, mais sur les dates de déposition des marques. La Forge a réussi à prouver qu'elle vend des couteaux (ainsi que d'autres menus objets) depuis 1987, soit avant le dépôt de la marque "Laguiole" par G. Szajner, en 1993 :

"À cet égard, la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait démontré avoir exercé une activité commerciale, dès avant le dépôt de la marque LAGUIOLE, pour le commerce des produits relevant des « arts de la table », des « arts de la maison », de l’univers du vin, de la cisellerie et des articles pour fumeurs, pour le golfeur, pour le chasseur et pour les loisirs, ainsi que d’autres accessoires."

   Le Tribunal s'est aussi appuyé sur la notion d'image de marque. Il a estimé que les deux marques étaient trop proches à l'oreille des clients et que la proximité, dans les mêmes commerces, des deux types de produits (ceux fabriqués par la Forge et ceux importés par Szajner) était préjudiciable à la Forge, surtout si l'on se mettait à vendre tout et n'importe quoi sous le nom de "Laguiole" :

"[...] il existait un risque de confusion pour les consommateurs français, si la marque LAGUIOLE était utilisée pour des produits ou des services identiques ou similaires, destinés à la même clientèle et vendus dans les mêmes négoces que la « coutellerie, cisellerie, objets de cadeau ou destinés aux arts de la table » qui relèvent des secteurs d’activités de l’intervenante. D’autre part, elle a considéré que les activités de l’intervenante seraient affectées si ladite marque était utilisée pour des produits complémentaires, indissociablement liés à ces activités, voire relevant de secteurs d’activités connexes [...]"

   L'affaire n'en est pas terminée pour autant. Figurez-vous qu'un pourvoi (un appel) a été formé devant la CJUE... par l'OHMI ! Il semble que les juristes de l'Office n'aient pas apprécié de s'être fait taper sur les doigts par le Tribunal (qui, je le rappelle, a annulé une grande partie de sa décision).

   Il restera aux couteliers à rédiger le cahier des charges. Thierry Moysset (le gérant de la Forge de Laguiole) semble aujourd'hui partisan d'une définition restreinte de l'aire géographique (contrairement à ce qu'il s'était avancé à déclarer dans un reportage, en 2011). De leur côté, les couteliers de Thiers font le forcing pour pouvoir bénéficier de l'IG. Le quotidien La Montagne s'est aujourd'hui encore fait l'écho de leurs préoccupations...

   A suivre...

dimanche, 07 juin 2015

Citizenfour

   C'est l'un des noms de code d'Edward Snowden, cet ingénieur informaticien américain qui a dénoncé l'espionnage industriel pratiqué par la NSA par l'intermédiaire des moyens de communication numériques. Ce documentaire de Laura Poitras montre comment le scandale a éclaté. Il a été tourné de l'intérieur, au fur et à mesure que les premières révélations ont été publiées par la presse, en particulier The Guardian.

   Le début n'est pas des plus passionnants, d'un point de vue filmique. On entend la réalisatrice, en voix off, sur des images sans grand intérêt. Elle raconte comment elle a été amenée à rencontrer Snowden.

   Cela s'anime à partir du moment où l'on se trouve dans la chambre d'un hôtel de Hong Kong. Le "lanceur d'alerte" y dialogue avec la réalisatrice, mais surtout Glenn Greenwald et Ewen MacAskill, un de ses collègues chevronnés du Guardian.

   On se retrouve dans un film d'espionnage, avec un personnage principal calme, mais complètement paranoïaque, allant jusqu'à débrancher le téléphone filaire de la chambre. Il prend aussi d'infinies précautions pour qu'on ne puisse pas utiliser le film en cours de tournage contre lui et ses alliés. Pendant huit jours, d'un lundi à l'autre, l'action va être rythmée par les entretiens entre les membres du petit groupe et l'intervention progressive des médias de masse.

   Les péripéties sont plus nombreuses sur la fin, quand Snowden est identifié par les services états-uniens. Il arrive quelques bricoles à Greenwald et Laura Poitras est contrainte de s'installer à Berlin, pour éviter les tracasseries de son pays d'origine.

   A ceux qui ont suivi l'affaire, le film n'apprendra pas grand chose (sauf, à la fin, mais j'y reviens). Aux profanes, je conseille de lire un peu avant d'aller en salle. Même si Snowden se veut pédagogue quand il explique le système de captation des communications aux journalistes, il vaut mieux en savoir un peu au départ.

   Edward Snowden ne vient pas de nulle part. Bien entendu, on pense à Julian Assange (et à Bradley Manning, sans lequel il n'y aurait sans doute pas eu WikiLeaks). Des années auparavant, Gorge profonde avait joué un rôle semblable... et il semblerait que l'informaticien ait suscité des vocations. Après avoir quitté Hong Kong, il rencontre à nouveau Greenwald. Celui-ci lui apporte une nouvelle "matière", qu'il lui communique avec du bon vieux papier et un stylo, histoire d'échapper à une caméra certes amie mais trop invasive.

   On finit par comprendre que l'Allemagne (dont les services se sont montrés extrêmement coopératifs avec la NSA) serait le centre névralgique des frappes de drones. Il est aussi question d'un pays dont la population entière serait l'objet d'une surveillance des communications. D'après Rue89, ce seraient les Bahamas... mais le système s'est déjà étendu à d'autres.

   Je suis sorti de là partagé. D'abord ravi de l'ingéniosité et du civisme des lanceurs d'alerte. Ensuite consterné par cette épidémie d'espionnite qui touche beaucoup trop de gouvernements.

dimanche, 31 mai 2015

Contrefaçon mon amour

   L'excellente émission Interception, diffusée le dimanche matin sur France Inter, était aujourd'hui consacrée à la contrefaçon. Les reporters ont suivi deux types d'acteurs de la lutte contre ce fléau économique : des douaniers et un représentant de l'entreprise Maped, bien connue de tous ceux qui achètent des fournitures scolaires ou de bureau.

   On découvre que ce dernier se rend régulièrement à la Foire de Canton, qui se déroule désormais deux fois par an. Les autorités chinoises sont globalement assez coopératives, à condition de connaître les us et coutumes locales.

   La mondialisation aidant, l'enquête s'étend de Canton à Aubervilliers, en passant par Le Havre, Rouen et Saint-Ouen. Une des tendances récentes est l'arrivée massive de nouveaux "investisseurs" : les réseaux de trafiquants de drogue, qui voient dans la contrefaçon un moyen moins risqué de faire des profits.

   D'ailleurs, à la fin de l'émission, la déléguée générale du Comité Colbert a rappelé que les frères Kouachi ont sans doute financé l'achat des armes qui leur ont permis de perpétrer leur massacre à l'aide de la revente de vêtements de contrefaçon.

   Symptomatique est aussi la réaction des acteurs connexes à ce genre de trafic : les sociétés postales jouent désormais le jeu mais, curieusement, les banques continuent à freiner des quatre fers. Et pourtant, la majorité des achats de produits contrefaits passent par l'utilisation d'une carte de paiement...

samedi, 09 mai 2015

Chez But, on aime les gonzesses

   Ce matin, en allant chercher mon courrier, j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres divers dépliants publicitaires, la plupart ayant vite atterri dans le carton rassemblant les déchets papier destinés à finir dans une borne publique.

   L'un d'entre eux m'est resté entre les mains... ou plutôt, il a failli me tomber des mains, tant il m'a paru témoigner de la survivance d'une mentalité archaïque :

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   En prévision de la fête des mères, les magasins But suggèrent quelques cadeaux propres à embellir le quotidien de toute génitrice qui se respecte. Force est de constater que, depuis "Moulinex libère la femme", les pubards semblent n'avoir guère évolué.

   Ainsi, la plupart des "cadeaux" sont des ustensiles de cuisine ou de ménage : une cafetière, une robot pâtissier, un multicuiseur intelligent (sans doute pour pallier les déficiences de madame...) et un aspirateur. S'ajoutent à cela un panier qui pourrait avoir vocation à recueillir du linge sale (ou des déchets ménagers), un tapis que Bobonne aura plaisir à régulièrement secouer... et, quand même, une enceinte portable (attention, on dit "nomade" désormais), parce que les mères modernes, quand elles en ont marre de jouer les boniches, adooorent faire chier le monde en écoutant de la musique à pleins tubes !

jeudi, 23 avril 2015

Une si discrète décision de justice

   C'est ce que j'aime dans Le Canard enchaîné : on le lit pour y trouver certaines informations (sur les turpitudes de nos dirigeants ou des entreprises qui tentent de dicter notre existence) et, parfois, on tombe sur ce à quoi on ne s'attendait pas... et c'est très bien aussi. 

   Ainsi, le numéro du 22 avril 2015 contient, en pages intérieures, un article sur la contestation de l'implantation des éoliennes... et sa traduction judiciaire. Voici ce qu'on peut y lire :

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   Les lecteurs aveyronnais auront la surprise d'apprendre qu'en 2014, une élue de notre département a été condamnée par le tribunal correctionnel de Rodez pour prise illégale d'intérêt. Je n'en avais pas du tout entendu parler et j'ai bien l'impression que la presse locale (quotidienne comme hebdomadaire) n'a pas évoqué la chose. Pensez donc, une maire privée de ses droits civiques ! Déjà qu'elles n'étaient pas nombreuses à l'époque...

   Pour en savoir plus, il faut se rendre sur un site militant. On y apprend que, contrairement à ce qui est écrit dans Le Canard, ce n'est pas une maire, mais une conseillère municipale aveyronnaise qui a été condamnée. On peut y lire le détail des faits reprochés. Au passage, si l'amende est modique au regard du délit (1 000 euros pour un gain potentiel de presque 50 000 euros par an !), la sanction administrative (la privation temporaire des droits civils, civiques et familiaux) est sévère. Le tribunal a donc estimé qu'une faute grave avait été commise.

   Mais on ne connaît ni l'identité de l'élue en cause, ni le nom de la commune où se sont produits les faits. Pour cela, il faut consulter un site juridique. Grâce à lui, on découvre que la personne condamnée (en 2014) est une ancienne conseillère municipale de Mélagues, une commune située à l'extrémité sud de l'Aveyron, à la frontière de l'Hérault (juste à côté d'une commune nommée Arnac-sur-Dourdou... ça ne s'invente pas !)  :

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   Mais on n'a toujours pas l'identité de la personne condamnée. C'est fou, ça ! Régulièrement, dans la presse, on peut lire les noms des voleurs de sacs à main, des automobilistes alcoolisés, des instituteurs et curés pédophiles et même ceux des élus pris les doigts dans le pot de confiture. Et là, non !

   A ceux qui souhaiteraient connaître l'identité de la personne condamnée, je conseille une petite gymnastique intellectuelle : la comparaison de la liste des élus au conseil municipal de Mélagues en 2014 avec celle des élus de 2008. Dans les deux cas, vous remarquerez qu'il n'y a que trois femmes. Deux ont été élues en 2008 et 2014. Ce ne sont donc pas d'anciennes conseillères. Cherchez celle qui figurait au conseil en 2008 et qui ne s'y trouve plus en 2014. Je pense que c'est une parente (par alliance) d'un ancien maire de la commune.

   A l'origine du délit, il y a un projet d'implantation d'éoliennes sur le territoire de la commune de Mélagues, ardemment soutenu par le maire, Jean Milési. En février 2011, la présentation générale avait tout pour rassurer les esprits inquiets (en particulier sur les conséquences environnementales). En matière économique aussi, il semblait n'y avoir que des points positifs :

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   L'argent devait atterrir dans les poches d'institutions publiques et ainsi servir l'intérêt général. Sauf que... dans le projet, il était question de 14 éoliennes, alors que seuls les loyers de neuf d'entre elles (5 + 4) étaient destinés aux caisses d'institutions publiques. Qu'en était-il des cinq autres ? Mystère. La première réunion du comité de pilotage (à laquelle ont participé quatre des membres du conseil municipal), en mars 2011, donnait une (vague) information :

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    Le dossier d'étude d'impact de 2012, pourtant très détaillé, n'apportait pas davantage de précision sur ce point. En allant sur le site internet créé par Raz-Energie, on n'obtient que la confirmation de ce qui a été dit auparavant, sans plus :

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   En regardant bien les documents du dossier, on pouvait imaginer à qui appartenait au moins une partie des terrains concernés par l'implantation des éoliennes :

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   Le centre d'une exploitation agricole se trouve (à vol d'oiseau) à moins de deux kilomètres. Or, cette exploitation est gérée par un couple dont l'épouse était membre du conseil municipal de Mélagues (avant 2014). Si elle est bien la personne condamnée en 2014, elle n'aurait même pas dû participer aux débats préparatoires au projet... et encore moins aux votes.

   Qu'en est-il du projet d'implantation des éoliennes aujourd'hui ? Je ne sais pas trop. Il me semble qu'il a pris du retard. En 2013, le préfet de région avait donné son accord, suivi quelques mois plus tard par les conclusions du commissaire-enquêteur, qui soulignait l'adhésion massive des gens du cru (la population des communes voisines étant plus partagée). Peut-être que le verdict de 2014 a rafraîchi les ardeurs des promoteurs. De son côté, Jean Milési a été reconduit à la tête de la commune de Mélagues (en 2014), mais il a échoué aux récentes élections départementales, ne parvenant pas à se faire élire dans le vaste canton Causse-Rougiers, signe de la perte d'influence de l'ancien vice-président du conseil général de l'Aveyron.

samedi, 07 mars 2015

Des nouvelles de Cauval

   Le groupe d'ameublement français (dont les produits sont visibles notamment dans les magasins But et Conforama), fait de nouveau l'actualité, en raison de ses difficultés. D'après Le Monde, un accord semble avoir été trouvé avec But... grâce (une fois encore) à l'intervention des pouvoirs publics.

   Quant à savoir qui est en faute... Il est possible que le patron de Cauval soit dans le vrai, quand il affirme que certains dirigeants de But (qui appartient à des fonds d'investissement anglo-saxons) souhaitent que son groupe se casse la figure, pour en récupérer les meilleurs morceaux. Il est tout aussi possible que Frank Maassen (PDG de But depuis 2013) ait raison quand il déclare que Cauval n'est pas un fournisseur très fiable.

   Tout cela rappelle bien des choses en Aveyron, où les déboires des entreprises détenues par Cauval ont donné naissance à une véritable saga économico-judiciaire, qui s'est achevée en 2013 par la fermeture d'ITA-Valmont, à Sévérac-le-Château. A l'époque, l'usine de Bar-sur-Aube, aujourd'hui de nouveau sur la sellette, avait pu se réjouir de récupérer les machines du site aveyronnais.

   Du côté du Rouergue, deux anciens cadres de l'entreprise défunte ont relancé le site, avec une activité certes réduite, mais en apparence rentable. La nouvelle boîte, ITA Moulding Process, emploie une trentaine de personnes. Elle a notamment contribué à la fabrication des (confortables) sièges du multiplexe Cap Cinéma de Rodez.

   De son côté, Cauval a tenté de poursuivre son développement. En 2013, il s'est allié à l'italien Sapsa. Quelques mois auparavant, il avait inauguré (en Ardèche) une usine d'un nouveau genre, consacrée au recyclage des matelas. A cette occasion, le partenariat avec But avait été renforcé, comme on pouvait le constater dans un communiqué de presse du groupe de distribution.

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   Cauval a aussi su s'attacher le soutien des collectivités locales (voire de l'Etat). En 2012, ce sont un million d'euros de financements publics qui lui ont été attribués, la moitié provenant de l'Etat, le reste principalement des collectivités liées à Bar-sur-Aube (commune, communauté de communes, département, région), le site finalement préféré à celui de Sévérac-le-Château.

   Dès 2013, la commune de Bar et la communauté de communes remettaient la main au pot, pour acquérir les actifs des quatre sociétés du groupe Cauval (dont l'organigramme n'est pas marqué par la plus élémentaire des simplicités...) : 47 500 euros pour la commune (qui compte environ 5 000 habitants) et 100 000 euros pour la communauté (peuplée d'environ 12 000 habitants) ! A ce tarif, on peut se réjouir que les élus aveyronnais ne soient à l'époque pas entrés dans le jeu du patron de Cauval.

   Mais, pour les Baralbins, l'enjeu était peut-être plus important. D'après le site internet de la commune, les établissements Cauval pèsent presque 800 emplois directs.

   On ne s'étonnera pas d'apprendre que les péripéties économiques aient eu des conséquences électorales. En 2014, la liste du maire sortant, le PRG René Gaudot, a été battue de seulement quinze voix. On peut penser que la manière dont l'affaire Cauval a été gérée a pesé dans la balance, même s'il semble que d'autres conflits émaillent la chronique locale.

   P.S.

   La commune de Bar-sur-Aube n'est pas la seule à s'inquiéter de l'avenir financier du groupe Cauval. A Flaviac (en Ardèche), où se trouve l'usine de recyclage de matelas, on en ressent aussi les soubresauts.

mercredi, 18 février 2015

Des fraudeurs (partiellement) démasqués

   Cela fait maintenant une dizaine de jours que le quotidien Le Monde s'est lancé dans la publication de révélations sur l'évasion fiscale organisée par la banque HSBC, dans le cadre de l'affaire SwissLeaks. Dans un premier temps, les gros titres (en France) ont pointé les célébrités qui ont bénéficié du système.

   Depuis, d'autres articles ont été consacrés à divers aspects de cette affaire. On a par exemple appris que certains contributeurs d'Al Qaïda (en particulier de riches Saoudiens) avaient un compte secret chez HSBC.

   Et du côté français ? On sait qu'environ 3 000 personnes ont utilisé les services très spéciaux de la banque. L'adresse hexagonale d'un millier d'entre eux a été retrouvée. Le Monde en propose la répartition départementale, dans un article paru hier sur son site internet.

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   On ne s'étonnera pas que Paris et les Hauts-de-Seine abritent le plus grand nombre de fraudeurs connus. Ce sont les deux départements où le revenu fiscal de référence (moyen) est le plus élevé... et les deuxième et cinquième plus peuplés du pays. Vu l'écart qui les sépare en terme de nombre de fraudeurs connus, on peut se demander si les riches Parisiens sont plus malhonnêtes que les riches Altoséquanais... ou moins habiles pour dissimuler leurs actes... ou davantage clients d'HSBC.

   Les autres départements où le nombre de fraudeurs est important sont tous peuplés de plus d'un million d'habitants, à l'exception de l'Ain (qui en compte environ 600 000), frontalier de la Suisse...

   A l'inverse, on constate la sous-représentation du département du Nord, le plus peuplé de France (avec 2,6 millions d'habitants), où les journalistes n'ont répertorié que deux fraudeurs. Certes, la population y est moins riche qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine, mais il est fort possible que, dans cette autre zone frontalière, la stratégie d'évitement fiscal soit passée prioritairement par la Belgique.

   Cela nous mène à l'Aveyron, département enclavé, où les journalistes ont relevé les adresses de trois fraudeurs... un de plus que dans le Nord, pourtant presque dix fois plus peuplé ! J'aimerais bien savoir qui sont ces Aveyronnais inciviques...

   P.S.

   Ces révélations n'auraient pas vu le jour sans le courage d'un lanceur d'alerte, Hervé Falciani, qui n'est sans doute pas un ange, mais qui a accompli une oeuvre de salut public.

dimanche, 15 février 2015

L'Enquête

   Quatre ans après l'excellent Présumé coupable, Vincent Garenq s'est à nouveau emparé d'une histoire qui a défrayé la chronique judiciaire : l'affaire Clearstream. Voilà un sujet en or, servi par une distribution haut de gamme : principalement Gilles Lellouche (qui vient de s'illustrer dans La French) et Charles Berling (qui s'est fait la tête du juge Van Ruymbeke), ainsi qu'une pléiade de brillants seconds rôles, qu'on s'est évertué à rendre aussi ressemblants que possible aux modèles. Et pourtant... le film, en sortie nationale, est programmé dans moins de 200 salles... aucune en Aveyron. Il faut donc se rendre chez le voisin tarnais pour le voir.

   Trois histoires s'entremêlent. L'affaire des frégates de Taïwan baigne dans un climat plus que trouble, avec une série de morts suspectes. La corruption semble mener en France, en passant par des paradis fiscaux. Les services secrets ne sont de plus jamais bien loin. Se greffent là-dessus les dessous (!) de deux campagnes présidentielles : celle de 1995 (pour le financement) et celle de 2007 (pour la rivalité Sarkozy-Villepin). L'enquête de Denis Robert sur la société Clearstream va être instrumentalisée dans ce contexte.

   La première qualité du film est de rendre assez aisée la compréhension des principaux enjeux. Je conseille toutefois de prendre quelques renseignements avant de se rendre en salle. (Sur le sujet, je recommande le documentaire Manipulations, qui s'appuie sur le travail de Pierre Péan et Vanessa Ratignier.) On reste néanmoins un peu sur notre faim, à propos de Clearstream et sur les rôles respectifs de Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Concernant ce dernier, je suis persuadé que, soit il a poussé à la création de la liste trafiquée, soit il l'a fait circuler en sachant qu'elle était fausse. Concernant Nicolas Sarkozy, plutôt une victime dans cette affaire, il semble qu'il était mieux informé qu'on ne l'a dit de ce qui se machinait contre lui.

   Il reste les activités de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream. La partie légale est déjà révélatrice de l'opacité du système financier international. La partie illégale (secrète, avec les comptes non déclarés) est le coeur du scandale, qui concerne essentiellement l'évasion fiscale. La partie (peut-être) franchement criminelle serait le blanchiment d'argent de différents trafics. Le film ne démontre pas l'existence de cette activité, mais la suspicion est forte. On (re)découvre surtout la force de frappe des banquiers (luxembourgeois, russes et autres...), qui savent comment utiliser les rouages de la démocratie libérale pour faire taire les impudents. De ce point de vue, L'Enquête est un très bon polar.

   Il s'appuie sur d'excellents seconds rôles et une grande minutie dans la construction des plans. La réalisation est efficace, sans être virtuose. Garenq utilise bien les plongées et les contre-plongées. Il s'appuie aussi sur une bonne photographie pour les scènes de nuit, très jolies. L'ensemble forme un film "propre" (sur l'argent sale !), avec une tension sous-jacente, sans que ce soit trépidant.

23:55 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 26 septembre 2014

Du commerce repeint en vert

   De temps à autre, il m'arrive de passer en voiture devant le collège Jean Moulin, à Rodez. A certaines heures, la rue qui y mène permet de joindre facilement les Quatre-Saisons au Faubourg. Evidemment, quand je circule dans les parages, c'est à vitesse réduite, histoire d'éviter de renverser l'un des gamins qui fréquente l'établissement.

   Aujourd'hui, j'ai particulièrement ralenti, le regard attiré par un troupeau de Razmokets vêtus de gilets jaunes. Je les trouvais un peu jeunes pour le collège. A y regarder de plus près, c'étaient soit de grands élèves d'école maternelle, soit de petits élèves d'école élémentaire. Les mains gantées, les enfants ramassaient les déchets qu'ils trouvaient à proximité, pour ensuite les jeter dans des sacs-poubelles noirs.

   Ils étaient accompagnés par un assez grand nombre d'adultes. J'en déduis qu'aux professeurs des écoles devaient s'ajouter quelques parents d'élèves. Allez, tiens, une vacherie au passage. Depuis le temps que je croise des enseignants (du primaire ou du secondaire), je ne peux m'empêcher de penser qu'une partie d'entre eux n'a aucun sens des conventions sociales. Entre les visages mal ou pas rasés et les vêtements qui ont l'air de sortir d'un vide-grenier albanais, on peut affirmer sans risque d'erreur que certains ne font pas le moindre effort pour soigner leur apparence vis-à-vis des gamins qu'ils-elles ont en charge. Il n'est pas impossible aussi que, dans le groupe d'accompagnateurs, plusieurs parents n'aient vu aucun inconvénient à participer vêtus de leurs plus beaux habits de jardin...

   Mais le pire était encore à venir. Alors que je me félicitais de l'ardeur avec laquelle les boud'choux (très concentrés) accomplissaient leur tâche, j'ai pu déchiffrer ce qui était écrit sur leurs gilets jaunes fluorescents : "Nettoyons la nature ! - E. Leclerc", "Avec E. Leclerc, protégeons l'environnement" !

Leclerc nettoyons 26 09 2014.jpg

   On reconnaît l'habileté communicatrice de l'épicier breton, qui sait récupérer de bonnes idées (par exemple la lutte contre la dispersion des sacs plastiques) pour servir sa cause. Voilà l'entreprise privée dans toute sa splendeur qui s'introduit à l'école, avec la complicité d'un personnel qu'on pensait plus soucieux de la neutralité de l'enseignement. En 2013, cette initiative s'était vu décerner le prix de "l'intrusion publicitaire la plus dégoûtante" (moi j'aurais ajouté " et la plus maline").

   Les enseignants n'avaient nullement besoin de passer par la grande surface pour organiser cette action civique. On peut aisément (et à bas prix) se procurer des gilets réfléchissants, tout comme des gants (que les enfants auraient pu apporter eux-mêmes) et des sacs-poubelles. Pourquoi alors se raccrocher à la campagne promotionnelle de Leclerc ? Par paresse intellectuelle ? Parce que les enseignants ou les parents ont des amis ou des membres de la famille qui travaillent pour cette entreprise ? Mystère et boule de gomme (recyclable).

   Concernant l'établissement d'origine, j'hésite entre deux possibilités, une école privée et une école publique (les plus proches du lieu de collecte) :

Ecoles primaires.jpg

 

dimanche, 20 juillet 2014

Inégalités en Suisse et en France

   L'information, parue il y a deux jours, a rapidement fait la Une de nombreux journaux : la Suisse compterait plus de millionnaires (en dollars) que de bénéficiaires de l'aide sociale (330 000 contre 250 000, en 2012). Et la France ? Après une petite recherche, on trouve environ 2 600 000 (ménages) millionnaires dans l'Hexagone en 2011 (d'après l'hebdomadaire Challenges). Quant à l'aide sociale, elle bénéficierait à 3 600 000 personnes en France métropolitaine en 2012. En ajoutant les bénéficiaires résidant outremer, on doit atteindre les 4 millions de personnes. La situation est donc inverse entre la France et la Suisse.

   Mais, si l'on y regarde de plus près, les pays ne sont pas si différents que cela. Il faut d'abord comparer le nombre de millionnaires à celui des foyers. D'après le recensement de 2012, la Suisse en compte 3 553 700. Cela donne un millionnaire pour 10,8 ménages. Et en France ? D'après l'INED, en 2011, notre pays comptait 27 347 600 ménages. Cela donne un millionnaire pour 10,5 ménages, une proportion équivalente à celle de la Suisse (et même légèrement plus haute) ! Ceci dit, si l'on considère les "super riches", nos voisins helvétiques sont largement en tête.

   On arrive à une conclusion logique : si la France compte la même part de millionnaires que la Suisse, les pauvres y sont proportionnellement plus nombreux. On en a la confirmation indirecte par le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités internes (plus il est bas, plus les inégalités sont faibles). D'après Eurostat, en 2012, il est de 30,5 en France et de 28,8 en Suisse (22,6 en Norvège, 35 en Espagne, plus de 40 en Turquie). Si les inégalités sont un peu plus faibles en Suisse qu'en France, c'est parce que les pauvres sont moins nombreux et moins pauvres en Suisse qu'en France.

   L'évolution récente est aussi riche d'enseignements. Depuis 2008, le coefficient de Gini ne cesse de diminuer en Suisse : il est passé de 31,1 à 28,8. En France, c'est presque l'inverse, puisque de 2008 à 2012, il a successivement été de 29,8 ; 29,9 ; 29,8 ; 30,8 et 30,5.

   Il manque un dernier point à cette comparaison : l'origine des millionnaires. Globalement, la Suisse est un pays à forte immigration, à tel point que les étrangers résidents permanents (très majoritairement européens) représentent 23 % de la population (1 870 000 sur 8 039 100 habitants en 2012). En France, sur un total de 65 252 000 habitants, en 2012 (selon l'INSEE), les étrangers (en situation régulière) sont 2 881 872 (selon un rapport du ministère de l'Intérieur). Cela représente 4,4 %. Allez, voyons large et comptons 3 500 000 étrangers dans notre pays (en ajoutant -à grands coups de louche- les clandestins). Cela donnerait 5,4 % de la population totale. 

   Concernant les millionnaires, je n'ai pas de chiffres précis mais, compte tenu de l'origine des étrangers résidant dans les deux pays (les ressortissants des pays développés sont proportionnellement bien plus nombreux en Suisse qu'en France), je pense qu'il y a de fortes chances pour la part d'étrangers dans les millionnaires soit bien plus élevée en Suisse qu'en France... d'autant plus si l'on considère les conditions fiscales qui sont faites aux grandes fortunes dans les deux pays. (Pour les milliardaires, c'est déjà certain : d'après le site de la radio-télévision suisse, neuf des treize plus riches résidents sont de nationalité étrangère... ce qui n'est évidemment pas le cas en France.)

   Qu'en conclure ? Eh bien que, malgré une fiscalité plus lourde et moins opaque, la France produit proportionnellement plus de millionnaires que la Suisse. Notre système économique produit aussi plus de pauvreté, en dépit des reversements qui contribuent à atténuer les inégalités. C'est un peu à l'image du système éducatif : il fonctionne bien pour 70 à 80 % des élèves ; il produit une élite (scientifique, administrative...) que d'autres pays nous envient... mais il laisse une part (trop) importante de son public de côté.

mercredi, 30 avril 2014

Publicité culinaire

   Il n'a échappé à personne que, le premier avril dernier, Michel et Sébastien Bras ont ouvert le restaurant associé au (futur) musée Soulages, deux mois avant l'inauguration de celui-ci, alors que le jardin du Foirail est encore en plein travaux.

   Force est de constater que cette ouverture a connu un certain retentissement. Les médias locaux et régionaux ont bien évidemment abondamment relayé l'information. On ne s'étonnera pas non plus que La Montagne, un voisin (peut-être le futur propriétaire de Centre Presse), s'en soit fait l'écho. C'est "remonté" jusqu'à la capitale. Le Parisien s'est contenté de reprendre une dépêche AFP, agrémentée de photographies de José Torres (qui travaille pour Centre Presse). De son côté, le critique gastronomique du Figaro a visiblement été emballé, alors que Le Monde évoque l'établissement ruthénois dans un article thématique consacré aux musées.

   C'est pourquoi on peut se demander s'il était bien utile de rajouter, tout autour du Foirail, ces petits panneaux indiquant la direction à suivre pour arriver au fameux restaurant :

Plan Foirail.jpg

   Quand on vient de la cathédrale, c'est dès l'entrée du jardin public que l'on se voit montrer "le droit chemin" (n°1) :

Pancarte 1.JPG

   La pancarte est tantôt disposée de manière à faire face aux personnes qui viennent de la place d'Armes, tantôt disposée sur la droite, plutôt visible quand on remonte la promenade. Le plus cocasse est que, de prime abord, elle semble indiquer le chemin pour se rendre à un autre restaurant, Le Kiosque, qui doit sans doute un peu profiter du passage (et du nombre de places limité chez Bras). Les plus attentifs auront remarqué que la pancarte associe un établissement privé (le restaurant) à un musée public (Soulages).

   Quand on continue la descente, quelques mètres plus bas (au cas où l'on aurait manqué le panneau précédent), voici ce que l'on peut voir (n°2) :

Pancarte 2.JPG

   On comprend que l'entreprise Eiffage tienne à montrer qu'elle est responsable du travail effectué au jardin public (qui, lorsqu'il sera terminé, n'aura peut-être jamais été aussi beau). Plus curieux est l'affichage commun avec le restaurant.

   En bout de promenade, à l'approche du cinéma et d'un autre restaurant (Au Bureau), on nous montre (n°3) qu'il faut bifurquer pour atteindre le Saint Graal (l'indication est aussi visible dans l'autre sens, quand on vient de l'Esplanade des Ruthènes) :

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   Quelques mètres plus loin, un quatrième panneau nous invite à laisser le cinéma et le restaurant sur notre gauche, pour nous engager sur le sentier qui mène au Café Bras (le musée est visible à l'arrière-plan) :

Pancarte 4.JPG

   Enfin, en contrebas, du côté Nord (qui regarde l'Amphithéâtre), une dernière pancarte avait été placée le long des escaliers que l'on peut remonter pour atteindre le musée (cela correspond au numéro 5 du plan). Elle a disparu.

   Au-delà du respect que l'on peut avoir pour le travail effectué par les Bras père et fils, je ne peux m'empêcher de penser que tous les restaurateurs aimeraient bien bénéficier de la même bienveillance signalétique...

lundi, 31 mars 2014

Qui imprime qui ?

   Les élections mettent un peu de beurre dans les épinards des imprimeurs locaux... surtout quand elles s'étalent sur deux tours ! Le sujet a inspiré un article à l'hebdomadaire Le Villefranchois, publié le 20 mars dernier :

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   Il y était question de Grapho 12, une entreprise qui était en difficulté il y a quelques années, et qui semble remonter la pente. Elle a imprimé une partie du matériel électoral utilisé dans l'ouest du département. Mais à Rodez ?

   Le nom de l'imprimeur doit figurer sur les documents officiels. Je me suis donc intéressé aux professions de foi des cinq listes en piste au premier tour.

   Le Front de Gauche a recouru aux services de l'imprimerie du Progrès, qui appartient au groupe qui édite l'hebdomadaire Le Ruthénois.

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   La liste du maire sortant (et confortablement réélu, malgré les arguments biaisés avancés contre lui) a recouru, comme en 2008, aux services de la ruthénoise SIAG (société d'imprimerie d'art graphique).

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   La liste "Rodez Citoyen", comme la précédente, a fait imprimer sur papier recyclé, mais s'est adressée à une autre entreprise, le groupe Burlat :

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   La liste UMP-UDI est passée par Grapho 12... et donc, curieusement, pas par un imprimeur du Grand Rodez :

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   Enfin, la liste Danen s'est offert les services de...

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   ... ben de personne, si l'on se fiait au recto-verso distribué avec les bulletins de vote. Fort heureusement, j'ai en ma possession un document de quatre pages qui détaille (un peu) le programme et donne la liste complète des candidats. Y figure la mention de l'imprimeur :

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   Précisons qu'Hérail avait été retenu par Bernard Saules pour sa campagne aux cantonales de 2011 et par Régine Taussat pour les municipales de 2008.

   Je voulais aussi revenir sur les couleurs des tracts et professions de foi. Au début de mars 2014, la chroniqueuse des "Roquets Rouges" (sur CFM) s'était émue de la confusion des repères, le tract de la liste Teyssèdre (PS) étant bleu et celui de la liste Censi (UMP) étant rouge :

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   Je ne sais pas si cela a rassuré Miss Roquette, mais le programme de la liste Teyssèdre qui a ensuite été distribué dans les boîtes aux lettres comporte des couleurs plus "conformes" aux valeurs de la gauche :

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      Et puis, quand on remonte à 2008, on s'aperçoit que cette ventilation des couleurs n'est pas une nouveauté. Ainsi, la liste PS-PCF-Verts-MRC-PRG était présentée dans une ambiance à dominante bleue :

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   En face, les deux listes de droite (celle de Régine Taussat et celle de Frédéric Soulié, soutenu par Censi père) baignaient fièrement dans le rouge et l'orange :

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mardi, 04 mars 2014

Combien ça coûte ?...

   ... un stand au Salon de l'agriculture ? Eh bien, les estimations varient. Sans subvention, l'agriculteur paie de 10 000 à 12 000 euros... sans compter les frais annexes (transport, logement... ainsi que l'eau et l'électricité sur le stand). Comme me l'a fait remarquer un ami, fin connaisseur du monde rural, cette somme représente une année de revenu pour nombre d'exploitations aveyronnaises. Qu'aurait-il dit si je lui avait cité le cas de cet ostréiculteur, qui estime à 30 000 euros le coût de sa venue au SIAL ?

   Certaines organisations et collectivités locales assurent une présence plus marquée que les simples agriculteurs. C'est le cas de la Chambre d'agriculture de l'Aveyron. Il n'est pas facile de savoir quelle dépense cela représente. Pour en avoir une idée, il faut feuilleter le Bulletin Officiel du Conseil général de l'Aveyron. "Pourquoi donc ?", me demande la dame assise au fond. Parce que, chaque année (au moins depuis 2009), le Conseil général vote une subvention à la Chambre, deux à quatre mois après la tenue du Salon (entre mars et juin donc).

   Dans le numéro de mars 2009, c'est à la page 18 que l'on trouve mention de la subvention :

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   La somme est de 30 000 euros. Couvre-t-elle l'ensemble des dépenses de la Chambre ? On ne le sait pas. Par contre, on prend soin de préciser que l'un des conseillers généraux, Jean-Claude Anglars a été tenu à l'écart. On sous-entend qu'il n'a pas pu influencer ce vote. Précisons que cet élu a un pied dans chaque structure. Il est présent à la Chambre, d'une manière ou d'une autre, depuis la fin des années 1980. Aujourd'hui encore, on le retrouve dans l'organigramme du service "aménagement rural urbanisme et environnement".

   Rebelote dans le numéro du Bulletin Officiel du Département d'avril 2010, page 80 :

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   La somme ne change pas... et elle est toujours "ronde", alors que, comme la subvention est votée a posteriori, elle pourrait correspondre à une dépense (totale ou partielle) précise. La précaution d'usage figure encore en bonne place.

   Par contre, elle est absente du numéro de mai 2011, lorsqu'il est question de la même subvention, d'un montant inchangé (page 44) :

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   Si je ne m'abuse, à cette date, Jean-Claude Anglars est devenu président de la commission de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Aménagement de l'espace et de l'Aménagement du territoire.

   Cela semble être devenu la norme de présentation, puisqu'on la retrouve dans le numéro de juin 2012 (page 84) :

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   Par contre, on en apprend un peu plus sur le coût de la présence de la Chambre d'agriculture à Paris. L'autorité consulaire a en effet demandé 60 000 euros de subvention. Il est logique de penser que cette somme doit couvrir l'intégralité des frais engagés. Cela représente donc deux fois les dépenses maximales d'un agriculteur isolé.

   On en a la confirmation dans le numéro de mai 2013 (page 36) :

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   Vous noterez que les chiffres sont de plus en plus précis. Peut-être que, sous la pression de la Cour régionale des comptes, les collectivités locales sont "incitées" à faire preuve de davantage de transparence... D'ici quelques mois, on aura les chiffres pour 2014.

   Mais quelle est la dépense totale assumée par le Conseil général ? Alors là, mystère. Le détail doit figurer dans les documents annexes, qui ne sont hélas pas mis en ligne. Ce pourrait être un travail pour l'opposition départementale mais, comme ces subventions sont votées à l'unanimité, je doute qu'un conseiller de gauche ait envie de se plonger dans cette passionnante documentation.

   Entendons nous bien. Je soutiens la politique de promotion de l'Aveyron menée par la majorité départementale. Je me pose juste quelques questions que le financement et la ventilation des dépenses. M'est avis qu'au total, le Conseil général doit y mettre entre 100 000 et 200 000 euros.

   Revenons maintenant à M. Anglars. Lui et Jean-Claude Luche sont les émissaires privilégiés du département de l'Aveyron au Salon de l'agriculture. Voici ce que l'on peut lire dans le Bulletin Officiel du département de février 2010 (page 22) :

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   Pour l'année 2011, c'est dans le numéro de décembre 2010 qu'il faut chercher l'information :

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   Le télescopage entre la préparation du SIAL (organisé en février) et la campagne des élections cantonales (qui ont eu lieu en mars) explique sans doute la précocité de la prise de décision. Cette année-là, Jean-Claude Luche a senti son fauteuil vaciller, même si sa majorité est sortie de cette épreuve finalement renforcée.

   La situation est redevenue "normale" l'année suivante, comme on peut le constater dans le numéro de janvier 2012 (page 23) :

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   On ne change pas une équipe qui gage ; on ne s'étonnera donc pas de lire ce qu'on peut lire dans le Bulletin Officiel de février 2013 (page 52) :

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   Et cette année ? La tradition a été respectée et nos Laurel & Hardy aveyronnais ont pu renouveler leur séjour parisien, comme on peut le constater dans le Bulletin Officiel de janvier dernier (page 41) :

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   Tout cela pour dire quoi ? Ben que, d'après les témoignages qui remontent de Paris, le Salon de l'agriculture est un vrai moment de convivialité pour nos zélus et leurs zamis... aux frais de la princesse. Bien évidemment, ce n'est pas dans les comptes-rendus laudatifs de la presse locale qu'il faut espérer trouver une analyse critique de ces déplacements. Toutefois, quand le texte n'est pas libre, c'est l'image qui peut parler, même involontairement. En 2011, c'est dans le très luchophile Bulletin d'Espalion que j'avais trouvé une photographie qui en disait long.

   Cette année, je cherche encore ma pitance. Faute de grives, on se contente de merles, comme cette "une" de Midi Libre du 26 février dernier :

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   On y constate le manque de savoir-vivre de deux de nos députés : au premier plan, à droite, Marie-Lou Marcel (PS) et au fond Alain Marc (UMP). Cette addiction au téléphone portable est partagée par nombre de nos "huiles", comme je l'ai déjà fait remarquer. Tout récemment, c'est Yves Censi qui s'est distingué par son impolitesse. Au niveau du culot, il a toutefois un sérieux concurrent : Arnaud Viala (l'un des vice-présidents du Conseil général).

   Mais, plus que ces gamineries, c'est une autre question qui me taraude. La rumeur court que cette année, l'un de ces repas officiels aurait été le théâtre d'une petite supercherie. Un parfait inconnu se serait introduit au sein de l'auguste aréopage aveyronnais. Vêtu d'un costume impeccable, il aurait côtoyé nos chers zélus et (surtout) profité de la nourriture mise à disposition, sans que quiconque ne réalise, dans un premier temps, qu'il n'avait rien à faire à cette table. Alors, intox ?

mercredi, 12 février 2014

L'Union européenne contre la démocratie ?

   L'information révélée dès hier par les médias a de quoi inquiéter sur le fonctionnement de l'Union européenne : une mesure (la culture d'un nouveau maïs OGM) pourrait être autorisée alors que la grande majorité des pays membres s'y opposent. Comment est-ce possible ?

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(Centre Presse, 12 février 2014)

   Il faut d'abord comprendre la procédure de vote au sein du Conseil de l'Union européenne qui, en fonction du sujet abordé, réunit les 28 ministres du domaine concerné. Les décisions courantes sont prises à la majorité qualifiée. Tous les ministres n'ont pas le même poids, qui dépend du nombre d'habitants du pays qu'ils représentent.

   Ainsi, les ministres allemand, français, britannique et italien, qui représentent chacun entre 60 et 81 millions d'habitants, disposent de 29 votes. A l'opposé, le ministre maltais, qui représente moins de 500 000 habitants, ne dispose que de 3 votes. Vous noterez toutefois qu'on a "limé" les écarts, pour ne pas trop avantager les représentants des pays les plus peuplés : la France a beau être 120 fois plus peuplée que Malte, son ministre dispose d'un pouvoir de vote qui n'est même pas dix fois plus important que celui de son homologue maltais. En gros, les six pays les plus peuplés sont un peu désavantagés, alors que les 22 autres bénéficient d'un pouvoir de vote un peu (voire beaucoup) plus important que ce qu'il serait si l'on suivait la stricte logique démographique.

   Mardi, pour faire passer le refus du nouveau maïs OGM, il aurait fallu réunir 260 voix (la majorité qualifiée) sur les 352 que compte le Conseil. Regardons cela en détail :

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   En jaune sont mis en valeur les pays dont les ministres ont voté contre l'autorisation du maïs OGM. Ils sont 19 au total (sur 28 membres de l'Union européenne), totalisant 210 votes. Il en a donc manqué 50.

   En face, en bleu, se trouvent les pays dont les ministres ont voté pour l'autorisation du maïs OGM. Ils ne sont que 5, totalisant seulement 77 votes (presque trois fois moins que leurs adversaires). C'est pourtant leur position qui risque de s'appliquer. Notons que ces pays sont tous dirigés par des coalition de droite ou de centre-droit... et, que, l'Espagne mise à part, ils ne promeuvent pas la culture des OGM sur leur propre sol. En clair : ils ont voté pour que les OGM puissent être cultivés... dans les autres pays de l'Union européenne ! Bel exemple de solidarité !

   Cependant, quelle que soit l'hypocrisie de ces dirigeants, ils n'ont pas pesé bien lourd dans ce vote. Ce sont les abstentionnistes qui l'ont fait basculer. Dans le tableau, je les ai laissés sur fond blanc. Ces quatre pays (dont deux fondateurs de la C.E.E. en 1957) cumulent 65 votes. Leur apport au groupe majoritaire aurait permis de rejeter l'autorisation du maïs OGM.

   Signalons que (d'après un article du Monde) dans deux d'entre eux est déjà cultivé un autre maïs OGM (celui de Monsanto). Il s'agit du Portugal et de la République tchèque, entourés en noir sur la carte ci-dessous :

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   Alors, quelle va être la suite ? La Commission européenne pourrait décider d'autoriser la culture du nouveau maïs OGM, mais elle doit aussi tenir compte du fait que le Parlement européen a voté un avis (non contraignant) s'y opposant... et que les élections européennes approchent. Elles auront lieu en mai et leur résultat influera sur la composition de la nouvelle Commission européenne, qui devrait être désignée en octobre 2014...

dimanche, 10 novembre 2013

L'endettement des communes aveyronnaises

   C'est l'un des thèmes qui sera sans doute l'objet de débats intenses lors de la prochaine campagne des municipales (en 2014). Les premières salves ont d'ailleurs déjà été tirées.

   Cette semaine, l'hebdomadaire Le Villefranchois s'est intéressé à l'endettement des communes de l'Ouest du département. Cela nous vaut un bel article, page 2 du premier cahier, agrémenté d'un tableau comparatif tenant compte du facteur démographique. Le commentaire est nuancé et essaie d'apporter d'autres éléments d'analyse que les chiffres bruts : une commune peu endettée peut tout simplement être une commune qui n'investit pas et où les équipements sont vieillissants voire inexistants.

   Certains cas sont néanmoins inquiétants, comme celui de Saint-Parthem, où l'endettement culmine à 2 400 euros par habitant, alors que la moyenne de la strate est d'environ 500. Des travaux d'assainissement sont la cause de cette poussée (en 2010, l'endettement se montait à 521 euros par habitant). Visiblement, la communauté de communes de la vallée du Lot n'a pas épaulé Saint-Parthem, ce secteur ne faisant pas partie de ses compétences. (Elle aurait quand même pu donner un coup de pouce...)

   Il faudrait aussi croiser ces informations avec la fiscalité locale. Certaines communes font le choix de faibles taux d'imposition, ce qui les oblige à davantage emprunter. A l'inverse, les municipalités qui veulent éviter le recours à l'emprunt auront tendance à jouer sur la fiscalité pour augmenter leurs ressources. Voyons ce qu'il en est dans les principales villes du département.

   Le cas de Rodez est assez connu, puisqu'il en a déjà été question dans la presse à plusieurs reprises, soit que le maire Christian Teyssèdre se soit vanté de la bonne gestion de son équipe, soit que ses adversaires aient contesté les chiffres avancés. Qu'en est-il en réalité ?

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   De 2000 à 2012, l'endettement par habitant est toujours resté inférieur à la moyenne des communes appartenant à la même strate (la courbe bleue est sous la courbe rouge). De ce point de vue, il n'y a donc pas de réelle rupture entre la gestion Censi et la gestion Teyssèdre. On remarque toutefois qu'alors que l'endettement avait tendance à (lentement) diminuer de 2000 à 2006, l'approche des élections de 2008 l'a vu remonter. De mauvais esprits pourraient suspecter l'ancienne majorité municipale d'avoir davantage recouru à l'emprunt pour éviter d'augmenter la pression fiscale (déjà bien assez grande) à un moment stratégique du mandat. Cela n'a pas suffi pour conserver la mairie de Rodez. De son côté, l'équipe Teyssèdre a, dans un premier temps, diminué l'endettement, avant que le lancement des grands travaux (à partir de 2010) ne fasse remonter la courbe. Il reste néanmoins 20 % plus bas que celui des communes de la strate.

   Pour être juste, je dois signaler que l'endettement de la communauté d'agglomération ne cesse lui d'augmenter. (La hausse est de plus de 50 % depuis 2008.) Elle assume le gros du financement des projets.

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   Cette fois-ci, les mauvaises langues vont dire que le chef-lieu se déleste d'une partie des dépenses d'investissement sur l'agglomération... mais ce n'est que justice, si l'ensemble de l'agglomération en tire bénéfice.

   Passons à Villefranche-de-Rouergue. Serge Roques est en place depuis 2001.

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   Jusqu'en 2006, la situation de la commune était plus enviable que la moyenne de celles de sa strate. Elle s'est dégradée depuis, si bien qu'aujourd'hui elle est comparativement plus endettée que Rodez : 1 017 euros par habitant (contre 852). Et elle ne bénéficie pas d'un environnement aussi dynamique. Mais la situation n'est pas désespérée : le taux de la taxe d'habitation y est faible, très en-dessous de la moyenne de la strate de Villefranche (environ 5 points). Autant dire tout de suite qu'après les municipales de 2014, quelle que soit la liste qui l'emportera, les impôts vont augmenter.

   Mais il existe plusieurs communes plus mal en point que Villefranche-de-Rouergue. Parmi celles-ci se trouve Millau :

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   Elle est dans une situation diamétralement opposée à Rodez : depuis 2000, que ce soit sous la gestion Godfrain ou la gestion Durand, l'endettement par habitant est élevé, davantage que la moyenne de la strate (la courbe bleue est toujours au-dessus de la courbe rouge). En 2012, on en est à 1 400 euros par habitant ! Et pourtant, au niveau de la fiscalité, les marges ne sont pas grandes : toutes les taxes (habitation, foncier bâti et foncier non bâti) ont des taux supérieurs (voire très supérieurs) à la moyenne de la strate. Le salut viendra peut-être de l'extension géographique de la communauté de communes de Millau-Grands-Causses et de l'augmentation du nombre de ses compétences...

   Retour à droite, à présent, avec Espalion :

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   Du seul point de vue de l'endettement et en dépit de toutes les critiques que la gestion de Gilbert Cayron peut susciter, il semble que la situation de la commune se soit améliorée au fil du temps. Jusqu'en 2005, l'endettement par habitant était supérieur à la moyenne de la strate. La situation s'est inversée depuis. Espalion n'a pas suivi le mouvement de hausse de l'endettement des communes de sa catégorie, peut-être en raison de ressources fiscales suffisantes (les taux sont assez élevés, notamment sur le foncier). Espalion bénéficie aussi de sa position stratégique, entre le Nord Aveyron et Rodez : notons que le conseil général va intégralement financer le contournement de la commune !

   Terminons avec l'une des communes les plus peuplées du département, Onet-le-Château. Sa situation apparaît très enviable :

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   En effet, l'endettement par habitant y est bas (à peine plus de 300 euros par habitant) et surtout trois fois plus faible que la moyenne de la strate. De surcroît, des marges existent au niveau de la fiscalité, puisque le taux de la taxe d'habitation représente moins de 60 % de celui appliqué par les communes de la même catégorie.

   Et pourtant... Dieu sait que le maire Fabrice Geniez est impopulaire auprès des "élites" du Grand Rodez (de gauche comme de droite). Cela ne l'a pas empêché d'être réélu en 2008 et je pense que, s'il arrive à constituer une liste d'union de la gauche, il a toutes ses chances pour 2014. Il aura pourtant un adversaire habile face à lui : Jean-Philippe Keroslian, qui a accordé un long et instructif entretien au Ruthénois de cette semaine. A mon avis, celui-ci part toutefois avec deux gros handicaps : il n'a pas réussi (pour l'instant) à rallier à lui l'équipe de Didier Gaffard, qui a pourtant mené un travail d'opposition sérieux pendant 5 ans et il ne pourra pas longtemps tenir son positionnement apolitique. Sa liste sera de droite ou de centre-droit. Son ambiguïté pourrait finalement lui nuire.

samedi, 28 septembre 2013

190 000 euros pour rien ?

   Les médias locaux sont décidément bien respectueux des politiques dominants. Ils ont presque tous transmis la bonne parole, à propos d'un "portrait identitaire" réalisé, pour le compte du Conseil général de l'Aveyron, par la société CoManaging, dont le siège est à Paris. Les voix discordantes ont été très rares. Parmi celles-ci, le directeur du Ruthénois, Bruno Aufrère, s'est permis quelques prudentes critiques dans le numéro paru vendredi 27 septembre (à lire pour une brochette d'articles fort intéressants, notamment ceux consacrés au multiplexe).

   Du côté des politiques, c'est Jean-Dominique Gonzalès qui a sonné la charge. On dira qu'il est dans son rôle d'opposant à Jean-Claude Luche. Mais, en période de vaches maigres, alors que celui-ci ne cesse de déplorer la baisse des revenus départementaux, certains choix peuvent apparaître contestables.

   De quoi est-il question ? Tout d'abord, d'une étude comme il s'en fait de plus en plus depuis une dizaine d'années. C'est à la mode, mais on ne sait pas si c'est vraiment utile. Après tout, les collectivités locales n'emploient-elles pas des personnes compétentes, aptes à travailler dans le domaine du "marketing territorial" ? On peut aussi collecter beaucoup d'informations utiles auprès d'organismes institutionnels, au premier rang desquels l'INSEE.

   Le portrait identitaire réalisé par CoManaging a été facturé 190 000 euros. La somme n'est pas anodine... et, comme par hasard, elle est située juste au-dessous de la barre de 200 000 euros, à partir de laquelle le code des marchés publics impose aux collectivités territoriales de passer par un appel d'offre. Ces marchés sont mentionnés dans le Bulletin Officiel départemental... mais détaillés seulement dans les annexes (pas accessibles sur la Toile) :

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   Alors, le Conseil général de l'Aveyron (à l'image d'autres collectivités territoriales) s'est-il fait pigeonner par des vendeurs de courants d'air, ou bien a-t-il sciemment engagé une dépense excessive et inutile pour redorer son blason aux frais du contribuable ? Il n'est pas facile de répondre.

   En comparant ce que l'on sait du contrat signé par l'exécutif aveyronnais avec ce que le Conseil régional d'Alsace a payé pour le même type de prestation, on serait tenté de penser que Jean-Claude Luche s'est peut-être fait rouler dans la farine. En effet, si la région Alsace a déboursé 350 000 euros (hors taxes), seuls 53 000 ont été affectés à l'élaboration du portrait identitaire... à comparer aux 190 000 euros claqués par les Aveyronnais ! Si la région est un peu plus petite que notre département, elle compte environ sept fois plus d'habitants et son PIB est sans commune mesure. Mais peut-être que les 190 000 euros rémunèrent plus que le simple portrait.

   Cependant, pourquoi ne pas avoir fait appel à un organisme public, le CarifOref Midi-Pyrénées (cofinancé par l'Etat et la région) ? Cela aurait permis de faire quelques économies. De surcroît, cette association avait déjà réalisé un diagnostic territorial de l'Aveyron, en 2009.

   Mais, en 2012, le cabinet CoManaging n'était pas inconnu dans le département. L'année précédente, son directeur, Joël Gayet, avait participé à un colloque qui s'était tenu à Conques. Lors de la table ronde consacrée à la question "Territoire, faut-il en faire une marque ?", il avait pu échanger notamment avec Arnaud Viala, vice-président du Conseil général (à la tête de la commission Economie et Tourisme), présent au titre d'Aveyron expansion.

   La relation entre CoManaging et le Conseil général de l'Aveyron est d'ailleurs plus poussée qu'on ne le pense, puisque les deux sont associés dans la chaire "attractivité et nouveau marketing territorial", lancée en collaboration avec Sciences Po Aix en 2012. En lisant la documentation en ligne, on découvre que le directeur de la chaire n'est autre que Joël Gayet (de CoManaging). L'Aveyron figure parmi la quinzaine de collectivités territoriales associées au projet :

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   D'après le dossier de presse, chaque collectivité s'est engagée pour trois ans, chacune devant contribuer pour 10 000 euros (hors taxes) par an. Avec 15 à 20 adhérents, cela donne un apport compris entre 150 000 et 200 000 euros par an, soit 450 000 à 600 000 au total (pour trois ans). Comme le dossier de presse parle d'un budget annuel de 250 000 euros (750 000 sur trois ans), on en arrive à la conclusion de Sciences Po Aix n'apporte presque rien... voire rien du tout, puisqu'il faut ajouter les contributions des étudiants en master : 5 000 euros chaque !

   Au regard de ce qui a été publié dans les journaux, était-il pertinent pour le Conseil général d'engager de telles dépenses pour recueillir ce qui ressemble à un catalogue de banalités ?

mercredi, 18 septembre 2013

On arrondit les angles des couteaux

   C'est ce que l'on peut conclure de la lecture du compte-rendu de la séance sénatoriale du 13 septembre, consacrée à l'examen du texte de loi sur la consommation. (Lire pages 15 à 19.) En juillet dernier, on s'était arrêté à l'article 23, dont la rédaction suscitait des controverses.

   C'est l'Aveyronnais Stéphane Mazars qui a ouvert le feu, évoquant les difficultés rencontrées par la commune de Laguiole pour utiliser son nom. Assez vite, un élu du Puy-de-Dôme (le socialiste Alain Néri) est intervenu. Il a rendu hommage au savoir-faire rouergat, mais il a remis sur le tapis l'amendement Chassaigne. Il a été appuyé par un autre sénateur, le communiste Gérard Le Cam (sans doute "missionné" par André Chassaigne). Alain Fauconnier a renouvelé son opposition à la formulation proposée, s'appuyant sur une argumentation juridique. La ministre de l'Artisanat et du Commerce Sylvia Pinel a rallié les suffrages en proposant un compromis.

   Au final, il semble que la ministre doive jouer le rôle de facilitatrice et que ce sont les professionnels (artisans et industriels du couteau) qui vont décider de l'architecture de l'IGP Laguiole. On s'oriente donc bien vers une appellation qui comprendra les fabricants aveyronnais et thiernois. Cela décevra sans doute les intégristes rouergats, les partisans du 100 % Laguiole... mais cela rassurera les artisans qui montent des couteaux avec des lames de Thiers... et cela permettra aux professionnels puydomois de récupérer une partie de l'aura attachée au nom Laguiole.

mardi, 27 août 2013

Un slip coloré qui sent bon

   Vous avez peut-être déjà entendu parler de cette entreprise hexagonale, Le Slip Français, qui fait fabriquer principalement (mais pas uniquement) des sous-vêtements dans notre pays. En 2012, elle avait lancé une campagne originale, détournant les affiches de certains candidats à la présidence de la République :

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   Rappelez-vous, à l'époque, c'était devenu une mode, la principale cible étant le futur ex-président Nicolas Sarkozy, avec le slogan "La France forte".

   Peu de temps après, un internaute facétieux avait eu l'idée d'associer le produit phare à un célèbre monument aveyronnais :

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   Cet été, l'entreprise a eu les honneurs d'un reportage de la BBC, tourné dans un département où l'on croise fréquemment des ressortissants d'outre-Manche, la Dordogne :

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   Ecoutez bien le tout début de la présentation, par le journaliste de plateau. Il dit : "To France, now. A country which has more companies in the Fortune 500 than any other European state."




   On pourrait traduire ces propos ainsi : "France, à présent. Un pays qui a plus d'entreprises dans le Top 500 de Fortune qu'aucun autre pays européen." Même si l'on tient compte de l'insistance mise ensuite sur les impôts et les charges qui brideraient l'activité dans notre pays, cela reste indirectement un bel hommage.

   Le regain d'intérêt dont a bénéficié l'entreprise est dû au lancement d'un produit novateur, "le slip qui sent bon" (formule habile, comprise par tous les esprits, qui évite d'avoir à parler du "slip qui ne pue pas la pisse ni la merde"). Il est fabriqué dans le Nord, à Saint-André-lez-Lille. Ce sous-vêtement est d'autant plus révolutionnaire que les micro-capsules qui le dotent d'effluves agréables ne fonctionnent que lorsque le slip est porté ! Décidément, on n'arrête pas le progrès !

   Cette performance a fait l'objet d'articles dans la presse, au début du mois de juillet (bien avant la mise circulation de l'objet). Tout récemment, c'est la chaîne LCI qui a braqué les projecteurs sur l'entreprise innovante.

   Une forme d'engouement semble naître autour des sous-vêtements made in France. Les téléspectateurs et internautes les plus attentifs auront même remarqué un petit clin d'oeil à l'objet fétiche dans la vidéo de présentation de la nouvelle saison du Petit Journal :

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dimanche, 18 août 2013

La guerre des couteaux

   C'est le titre d'un documentaire de 2011 qu'Arte a eu la bonne idée de reprogrammer vendredi 16 août. Sur fond d'accordéon, l'enquête s'est concentrée sur le Puy-de-Dôme, l'Aveyron ne venant qu'en complément ou en contrepoint.

   La première moitié du film nous fait découvrir plusieurs acteurs de l'économie coutelière du bassin de Thiers. On commence avec un artisan "à l'ancienne", Charles Couttier, qui préfère travailler seul :

2 Charles Couttier.jpg

   L'un des enjeux du film est la transmission du savoir-faire. Les actuels couteliers sont en général âgés. Celui-ci aimerait donc trouver un bon apprenti, auquel il pourrait enseigner ce qu'il sait, à défaut d'en faire son successeur.

   A mi-chemin entre l'artisanat et l'industrie, on trouve Cyril Ganivet, qui n'est pas issu du monde du couteau :

3 Cyril Ganivet.jpg

   Son parcours n'en est pas moins intéressant. On regrette toutefois que le documentaire n'ait pas davantage creusé du côté de son chef coutelier. Il travaille souvent avec un forgeron expert en acier damassé, Alain Demousset :

4 Alain Demousset.jpg

   Les passages le montrant en action sont particulièrement intéressants. On voit le travailleur manuel à l'oeuvre, dans toute son habileté.

   Arrive enfin à l'écran une vieille connaissance des Aveyronnais, Christian Lemasson, auteur d'une Histoire du couteau de Laguiole (et excellent conférencier, soit dit en passant) :

5 Christian Lemasson.jpg

   On le voit ici décrire quelques exemplaires très anciens du "coupe-tout" et expliquer l'origine de termes comme "mouche" ou "abeille". Même si les traces de l'activité coutelière sont très anciennes du côté de Thiers, lui comme Cyril Ganivet reconnaissent l'origine aveyronnaise de l'objet. Au passage, signalons que la "mouche" n'était, à l'origine, pas ouvragée, une tradition que respecte le dernier couteau sorti par la Forge de Laguiole, avec un manche en corne d'Aubrac.

   Inévitablement, la conversation dérive sur la contrefaçon, preuves à l'appui :

6 contrefaçon.jpg

   Dans ce passage, l'entrepreneur thiernois exprime son refus de commercialiser des articles bas de gamme venus de l'étranger. Pourtant, on sait que sur le bassin de Thiers tout le monde n'a pas ces scrupules...

   De ce point de vue, le gérant de la Forge Thierry Moysset est plus honnête.

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   On l'entend bien reconnaître qu'à Thiers aussi bien qu'à Laguiole, il existe des brebis galeuses qui vendent sous une appellation frauduleuse des produits fabriqués à l'étranger dans des conditions douteuses. L'autre intérêt de son intervention est d'écouter sa position quant à la future IGP, dont il était déjà question en 2011. Poussé par Christian Lemasson, il finit par admettre qu'il faudrait que les producteurs laguiolais et thiernois puissent en bénéficier :




   J'ai pris soin de mettre l'accent sur ce passage parce qu'il me semble que les tiraillements observés en juillet dernier, au moment de l'examen du projet de loi sur la consommation, sont liés au fait que, peut-être, certains producteurs aveyronnais sont devenus gourmands et voudraient exclure les fabricants thiernois de l'IGP.

   On peut toutefois regretter que la seule voix aveyronnaise soit celle de Thierry Moysset. Les auteurs n'ont pas pris la peine d'interroger les artisans qui travaillent eux aussi à Laguiole. Du coup, on sent bien le parti pris du film, tout à la gloire de l'Auvergne.

   La suite nous replonge dans le Puy-de-Dôme. On nous présente des images d'archives, parfois surprenantes :

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   La scène immortalisée par le photographe se passe dans un moulin. Les ouvriers sont des émouleurs... et l'animal présent sur les jambes de l'un d'entre eux n'est pas là par hasard !

   Vers la fin, on retrouve quelques figures de la coutellerie thiernoise lors d'une réunion de leur association, fondée pour défendre leur artisanat. Bilan : le couteau de Thiers est mieux protégé que le Laguiole.

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   La dernière partie du documentaire voit s'achever le fil rouge lancé au début : la réalisation d'un couteau spécial pour un bon client allemand... ben, oui, on est sur Arte ! C'est le moment pour les téléspectateurs de découvrir ce qu'est un bon couteau, pour l'un des ouvriers spécialisés montrés à l'écran :

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lundi, 05 août 2013

Attractivité aveyronnaise

   Deux publications m'ont conduit à m'interroger sur l'aura économique de l'Aveyron : une note de l'INSEE, du mois de juin dernier (centrée sur la région Midi-Pyrénées) et un article du Monde du 25 juillet : Comment la crise frappe les territoires français.

   Avant d'aller plus loin, il faut visualiser l'unité d'étude : la zone d'emploi. Ce critère divise le département en trois parties, qui ont récemment évolué :

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   La zone ruthénoise, en vert, s'est agrandie du bassin decazevillois qui, jusque dans les années 1990, était inclus dans la zone figeacoise. La zone villefranchoise, quant à elle, s'est légèrement décalée vers l'ouest et le sud.

   La note de l'INSEE présente d'abord l'évolution de l'attractivité des zones midi-pyrénéennes entre la fin des années 1990 et la fin des années 2000. Voici quelle était la situation en 1999 :

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   En gris, la zone ruthénoise était classée comme étant dotée d'une faible attractivité productive et résidentielle. En clair : elle attirait peu les habitants et les entreprises. En vert foncé, la zone villefranchoise n'était pas mieux lotie au niveau productif, mais elle était dotée d'une forte attractivité résidentielle. De son côté, la zone millavoise n'était présentée que comme attractive sur le plan productif.

   Voici ce qu'il en est une dizaine d'années plus tard :

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   Pour Rodez, rien n'a changé. Par contre, les deux autres zones (en vert clair) sont désormais classées comme moyennement attractives sur le plan résidentiel et faiblement sur le plan productif. Du côté de Villefranche, c'est l'attractivité résidentielle qui a baissé ; du côté de Millau, c'est l'attractivité productive... en dépit de tout ce qui a été claironné à l'époque par les élus sur "l'effet viaduc".

   Si l'on réfléchit en terme de catégorie de population, on s'aperçoit qu'il y a sans doute un écart entre les retraités et les actifs. D'après la note de l'INSEE de juin dernier, l'Aveyron semble séduire les retraités :

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   La zone ruthénoise a un taux d'entrées de "séniors" supérieur de 0 à 50 % à la moyenne nationale. Les deux autres zones dépassent celle-ci de 50 % à 100 %. L'attractivité résidentielle vis-à-vis des retraités est donc assez bonne voire bonne dans les zones aveyronnaises, alors que leur attractivité résidentielle globale est faible ou moyenne. C'est donc que d'autres catégories de population (les jeunes actifs, par exemple) ont tendance à quitter ces territoires.

   L'une des raisons est donnée par une autre note de l'INSEE, datant de 2012. Page 5 se trouve une carte des zones d'emploi midi-pyrénéennes, coloriées en fonction des types d'activités les plus importants. Voici ce qu'il en est pour l'Aveyron :

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   Les zones ruthénoise et millavoise (en gris) sont caractérisées par la domination d'une économie présentielle, "c'est-à-dire tournée vers la population présente, qu'elle soit résidante ou de passage", avec une bonne implantation de l'agroalimentaire. L'Ouest du département (en vert) se distingue par une forte présence industrielle, des secteurs de la métallurgie et de l'agroalimentaire en particulier.

   L'article du Monde en montre les conséquences au niveau de l'emploi, pour les années 2008-2012 :

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(Ceux qui ne peuvent accéder à l'article peuvent se diriger sur le site du quotidien ardennais L'Union, qui propose une carte similaire.)

   Zoomons sur l'Aveyron :

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   C'est dans le bassin de Millau (en orange) que le nombre d'emplois a le plus baissé (entre 5 % et 10 % selon Le Monde, entre 4 % et 6 % selon L'Union). Dans le bassin de Rodez, la diminution est de moins de 5 % (entre 2 % et 4 %). O surprise ! Dans le bassin villefranchois, le nombre d'emplois a légèrement augmenté.

   A posteriori, on comprend que les élus du Grand Rodez, de gauche comme de droite, aient soutenu des projets parfois dispendieux. Il leur sera beaucoup pardonné si le résultat est l'augmentation de l'attractivité du territoire et la création d'emplois, dans un contexte national difficile. L'année 2012 a d'ailleurs été particulièrement difficile pour le bassin ruthénois, qui apparaissait auparavant épargné par la crise, et dont le nombre de chômeurs a brusquement augmenté :

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samedi, 27 juillet 2013

A couteaux tirés

   En lisant un article du quotidien La Montagne paru cette fin de semaine, on réalise que l'examen du projet de loi relatif à la consommation par la commission des affaires économiques du Sénat crée quelques tensions entre élus auvergnats et aveyronnais, à propos de la future IGP Laguiole.

   Tout part de l'examen des amendements, notamment ceux portant sur le chapitre IV et l'article 23. Pour cela, il faut revenir un peu en arrière, lorsque l'Assemblée nationale a examiné le texte. Le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne a fait voter un amendement (le numéro 720) qui introduit une formule en apparence anodine dans un alinéa de l'article 23, concernant le futur cahier des charges de l'IGP :

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   Il est intéressant de lire la justification avancée par le député lorsqu'il a proposé cette modification (en compagnie de quatorze autres élus, tous membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, comme lui) : "Il apparaît en effet indispensable que les conditions de création d’une indication géographique ne portent pas atteinte au maintien d’un savoir-faire et d’une production de qualité existante pour un même produit. L’objectif est bien de développer l’emploi et non d’en supprimer." (C'est moi qui souligne.) Il est évidemment fait allusion à la production du bassin de Thiers.

   Dans la foulée, André Chassaigne a soutenu deux autres propositions d'amendement, avant de les retirer. Le numéro 723 était dans le même esprit que celui qui a été adopté : la défense de la production de couteaux Laguiole par les artisans thiernois ("et qui ne porte pas atteinte au maintien d’un savoir-faire et à la production d’un même produit.").

   L'autre amendement retiré (le numéro 722) peut être considéré comme une petite attaque contre les couteliers aveyronnais. Il est question de l'organisme privé chargé de la défense d'une IGP. L'élu auvergnat aurait aimé qu'il figure que cet organisme soit jugé "représentatif de la profession concernée". Les couteliers aveyronnais ne formant qu'un groupe minoritaire, cela aurait conduit à inclure dans l'IGP leurs homologues thiernois, plus nombreux.

   Le texte voté par l'Assemblée nationale arrive au Sénat début juillet. C'est la commission des affaires économiques qui effectue le gros du travail en amont, avant l'examen en séance plénière. Voici ce qu'est devenu le passage qui avait été modifié à l'instigation d'André Chassaigne :

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   L'insertion a donc été supprimée par un amendement présenté par les rapporteurs Martial Bourquin et... Alain Fauconnier, le maire de Saint-Affrique. En lisant le compte-rendu des débats de la commission, on découvre sans surprise que c'est bien Alain Fauconnier qui a présenté l'amendement. Il l'a justifié en déclarant que le passage concerné n'était qu'illustratif et que la définition d'une IGP prenait en compte bien d'autres éléments absents de l'article. (C'est plutôt au cahier des charges d'établir ces critères.)

 

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   L'histoire ne s'arrête évidemment pas là. Le texte élaboré par la commission sénatoriale va être discuté en réunion plénière, avant de repasser devant les députés, les deux assemblées devant voter le même projet. Comme, en cas de désaccord, ce sont les députés qui ont le dernier mot, si André Chassaigne réussit à réintroduire son amendement, celui-ci fera partie de la loi.

mercredi, 22 mai 2013

Gruiiiik ! (2)

   Un article paru aujourd'hui dans Midi Libre (et un autre dans Centre Presse) témoigne d'un nouveau rebondissement dans l'affaire de la porcherie de Causse-et-Diège. Le directeur général de Nutergia, Antoine Lagarde, envisage sérieusement de quitter l'Aveyron, à cause de l'extension de l'élevage industriel. (Il n'aurait peut-être pas à faire beaucoup de chemin pour être cordialement accueilli, dans le Lot.) Certains sont peut-être en train de se faire du souci, vu le nombre d'emplois concernés (plus de 100). L'entrepreneur ne s'est pas senti soutenu par les politiques locaux (notamment le Conseil général), qui se sont contentés de déclarations consensuelles. Les mauvaises langues disent que la majorité départementale est trop liée à la FNSEA pour pouvoir agir sereinement dans ce dossier.

   Qu'en est-il de l'Aveyron dans la filière porcine ? Les statistiques les plus répandues donnent des informations à l'échelle régionale. Voici ce qu'il en est du cheptel porcin en 2011 :

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   Midi-Pyrénées (entourée en rouge) paraît posséder un faible cheptel (moins de 800 000 têtes), comparée à la Bretagne (8 millions de têtes) ou même à Pays-de-la-Loire. Dans la revue dont j'ai tiré la carte, un tableau donne les effectifs précis : 433 000 pour la région Midi-Pyrénées, qui est la cinquième de France dans ce secteur, juste derrière le Nord-Pas-de-Calais.

   Mais, quand on recherche les données départementales, l'impression change, pour la bonne et simple raison que les quatre départements bretons possèdent de gros effectifs, ce qui fait ressortir fortement la région, alors que l'écart au niveau des départements est plus faible. Pour se faire une idée plus précise, il faut piocher dans les résultats du recensement agricole de 2010. Voici quels sont les effectifs porcins des départements français :

Cheptel porcin 2010.xls

   Voici ce que cela peut donner sur une carte des départements métropolitains :

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   Que remarque-t-on ? Bien sûr, que les quatre départements bretons (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan, en rouge sur la carte) sont largement en tête, avec chacun plus d'un million de têtes. Les départements dont l'effectif est le plus proche (entre 200 000 et 500 000 têtes, en orange sur la carte) sont presque tous des voisins : la Manche, la Mayenne, la Sarthe, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Vendée. Seul le Nord fait figure d'isolat porcin.

   C'est dans la troisième catégorie (entre 150 000 et 200 000 têtes, en jaune sur la carte) que l'on retrouve l'Aveyron, un peu seul dans son coin, tout comme les Pyrénées-Atlantiques. Notons que notre département (un des huit de Midi-Pyrénées) concentre à lui seul 43 % du cheptel porcin régional. De leur côté, le Pas-de-Calais et les Deux-Sèvres se raccrochent à une zone déjà marquée par l'élevage porcin. Encore que... il est au moins un produit qui rapproche aussi bien les Deux-Sèvres que l'Aveyron des Pyrénées-Atlantiques : le Jambon de Bayonne. Si celui-ci est élaboré dans le bassin de l'Adour, les porcs ont pu être élevés beaucoup plus loin, dans un grand Sud-Ouest qui semble manquer de cohérence :

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   La dernière catégorie de départements regroupe ceux dont le cheptel est de 100 000 à 150 000 têtes : l'Orne, la Charente et l'Ain (en beige sur la carte). Seul ce dernier fait figure d'exception, les autres se rattachant à l'une des catégories précédentes. Les autres départements ont des cheptels plus réduits, voire quasi inexistants

   Qu'en conclure ? Que l'élevage porcin français est très concentré géographiquement, qu'il a tendance à s'étendre par proximité, à quelques exceptions près, comme l'Aveyron. Notre département a-t-il vocation à prendre le relais de l'agro-industrie bretonne ? Voilà un bon sujet de débat agricole... d'autant plus que l'élevage industriel n'est pas la seule option. S'engager dans la filière bio (par exemple) pourrait s'avérer pertinent, surtout si l'on veut continuer à miser sur l'image de qualité associée aux productions aveyronnaises. D'autres départements, certains très proches, font preuve de moins de "timidité" que le nôtre :

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   Si l'on regarde au-delà de nos frontières, on s'aperçoit qu'en Europe, l'Allemagne, dans ce domaine-là comme dans d'autres, a quelques longueurs d'avance...

vendredi, 17 mai 2013

De la thune labellisée

   Aujourd'hui, j'ai contribué à relancer la consommation des ménages dans une grande surface notariale de la périphérie ruthénoise. J'ai réglé en liquide. La caissière m'a rendu de la monnaie. Parmi les pièces figurait celle-ci :

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   Cette pièce commémorative (de 2 euros) a été frappée pour célébrer le cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée, signé en janvier 1963 par Charles de Gaulle (alors président de la République) et Konrad Adenauer (alors chancelier de la RFA).

   Les visages des deux hommes sont gravés sur l'avers, avec un texte bilingue. En y regardant bien, on peut aussi distinguer deux drôles de gribouillis :

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   Il semblerait que ce soient les signatures des deux hommes d'Etat. Pour en avoir confirmation, il faut consulter une reproduction du document officiel, accessible sur le site de l'Année franco-allemande :

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   Voici ce que cela donne quand on agrandit la zone de signatures :

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   Les curieux peuvent se rendre sur le site de l'INA, où l'on peut trouver une archive intéressante.

   PS

   Le Gerhard Schröder, ministre des Affaires étrangères de la RFA, qui cosigne le traité n'est évidemment pas le même homme qui est devenu, bien des années plus tard, chancelier (social-démocrate) de l'Allemagne réunifiée.

mardi, 07 mai 2013

Entrée du personnel

   Ce court documentaire (d'environ 1 heure) est consacré aux employés de plusieurs abattoirs de l'Ouest de la France métropolitaine. Il résulte de l'entrecroisement d'images tournées devant et dans les usines et de témoignages recueillis ailleurs, enregistrés et réinterprétés par des acteurs. Visiblement, ce procédé s'est imposé pour éviter que certains salariés ne soient victimes de représailles.

   Globalement, quel que soit le poste occupé, quel que soit le sexe de l'employé, le travail est présenté comme répétitif, souvent pénible physiquement, usant à la longue.

   Le montage nous fait d'abord remonter la chaîne, de l'emballage avant expédition à l'entrée des animaux avant leur exécution. On ne nous montre toutefois pas frontalement la mise à mort. Le film s'arrête juste avant ou montre le moment qui suit immédiatement.

   Ceci dit, ce que l'on voit à l'écran n'est pas horrible. A la différence des établissements cités dans un scandale (en 2012), ces abattoirs semblent bien entretenus, fonctionnels, aux normes. De temps à autre, on a toutefois l'impression que la présence de la caméra incite certains employés à systématiquement nettoyer leurs outils (entre deux usages) et à faire preuve d'un zèle excessif dans le nettoyage des équipement.

   J'ai trouvé très réussie la superposition des images et des témoignages réinterprétés. On regrette presque que le film s'interrompe aussi vite.

dimanche, 05 mai 2013

Poupées gigognes

   Il ne va pas être question des poupées russes (certaines très originales), mais d'économie régionale. Il y a un peu moins d'un mois, la presse, d'abord locale, puis nationale, a commencé à évoquer la possible fermeture de la librairie Privat de Toulouse. Les gens du cru continuent à appeler ainsi l'établissement devenu l'une des enseignes du groupe Chapitre. C'est là que l'emboîtement commence.

   En effet, indépendante à l'origine, la librairie Privat (séparée de la maison d'édition) a intégré le groupe Chapitre, connu notamment pour son site internet. S'est ainsi constitué un réseau hétéroclite de librairies, plus ou moins spécialisées. L'ensemble appartient à Actissia, une entité qui contrôle aussi France Loisirs.

   Mais ce n'est pas fini ! L'entreprise qui s'appelle depuis 2011 Actissia est née en 1970. C'était une filiale du groupe allemand Bertelsmann. Elle dépend aujourd'hui de Najafi, un fonds d'investissement américain, plus précisément d'Arizona... et pas du Nevada, comme l'a imprudemment affirmé le directeur de la librairie... bon, d'accord, c'est pas loin :

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   Voilà donc la chaîne reconstituée : Privat - Chapitre - Actissia - Najafi. Mais ce n'est pas tout. La plupart du temps, Najafi est présenté comme étant un fonds de pension. Ses investissements servent donc à garantir le paiement de retraites (ainsi que celui des salaires et bonus de ses employés).

   Or, dans le cas qui nous préoccupe, la stratégie du groupe conduit à supprimer des emplois d'actifs actuels. D'après Le Monde, Actissia a vu son chiffre d'affaires se contracter de 10 % entre 2011 et 2012. C'est énorme. Cela justifierait donc des mesures drastiques ? Le problème est que la librairie Privat est en bonne santé économique, puisque, d'après son directeur, son chiffre d'affaires ne cesse de progresser (+ 4 % en 2012), en dépit d'un contexte de crise générale (avec la concurrence des sites internet). On peut même penser que l'activité a de l'avenir en centre-ville, puisque deux concurrents ont récemment disparu, la librairie Castéla (autre institution locale) fin 2011 et le Virgin Mégastore en 2012.

   Précisons que ces trois exemples ne sont pas identiques. Castéla s'est trouvée confontée à un quadruplement du loyer (et aussi, à mon avis, à une baisse des ventes). Le groupe Virgin était lui, globalement, en mauvaise posture... et aux mains de financiers, Butler Capital Partners. De surcroît, à Toulouse, la FNAC est trop bien implantée pour qu'un commerce qui lui ressemble beaucoup puisse réussir durablement.

   Concernant la librairie Privat, tout n'est peut-être pas encore joué. Alors que les rumeurs les plus folles circulent (comme la délocalisation au Cambodge de la comptabilité des magasins Chapitre), il semblerait que trois des douze sites menacés de fermeture puissent bénéficier d'une reprise : Belfort, Colmar et Toulouse. Les salariés ont lancé une pétition en ligne. Le Comité de soutien a créé une page Facebook. Toutefois, à mon humble avis, la meilleure action à réaliser est de continuer à acheter des livres en librairie...

samedi, 16 mars 2013

Gruiiiik !

   C'est l'une des polémiques qui agitent l'Aveyron depuis la fin de l'année 2012 : l'extension programmée d'une porcherie située dans l'ouest du département, sur le territoire de la commune de Causse-et-Diège (en rouge sur la carte) :

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   En dépit d'une opposition importante, des risques encourus sur le plan environnemental (et touristique), la préfète de l'Aveyron vient d'autoriser ladite extension, suivant en cela le récent avis du CODERST (Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Technologiques) aveyronnais.

   Cette affaire nous amène à nous interroger à plusieurs niveaux : sur le type d'élevage pratiqué, sur les rejets de nitrates, sur le rôle des pouvoirs publics et enfin sur le positionnement de l'entreprise Nutergia.

   Commençons par le type d'élevage. Le GAEC de Cassan compte, avant l'extension, un peu moins de 1200 bêtes. (Il en passe beaucoup plus durant une année mais, en moyenne, c'est l'effectif que doit compter l'exploitation.) Le premier projet prévoyait de faire passer ce nombre à près de 3 000. Il devrait finalement se limiter à 1956 bêtes. Le nombre paraît important au profane. La revue professionnelle GraphAgri (dans son édition 2012) va nous permettre de resituer cette exploitation dans le contexte français :

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   L'exploitation porcine se situe dans le "haut du panier" : les 21 % comptant le plus de têtes, cumulant 79 % du cheptel porcin français. Et encore... si le projet initial avait abouti, elle aurait rejoint le club des "2 000 et plus", 9 % des exploitations qui regroupent à elles seules... la moitié du cheptel porcin national. Je pense d'ailleurs que c'est dans cette catégorie qu'il faudra malgré tout classer l'exploitation aveyronnaise agrandie : ponctuellement, il est certain que les 1956 têtes vont devenir 2 000 voire 2 100. Qui va venir perdre des heures à compter l'ensemble ? Ce projet n'est donc pas l'illustration de la défense de la petite ou moyenne agriculture familiale. Il constitue un renforcement des structures dominantes.

   Passons à présent aux rejets de nitrates. C'est la grande crainte des riverains, pour leur santé... et pour la préservation d'un important site touristique local : la grotte de Foissac. (La commune est coloriée en vert sur la première carte.) Ceci dit, à l'heure actuelle, la qualité des eaux aveyronnaises ferait bien des envieux du côté de la Bretagne (où l'élevage porcin industriel est particulièrement développé) :

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    L'écrasante majorité du territoire connaît des taux de nitrates inférieurs à 50 mg/l. On peut considérer toutefois que, dans les zones où ce taux est compris entre 25 et 40 mg, localement, des situations problématiques peuvent se poser. (Rappelons que, pour les nourrissons, il est recommandé d'utiliser une eau contenant moins de 10 mg/l.) C'est le cas de la zone que j'ai entourée en marron, accompagnée d'un point d'interrogation. Il s'agit de la commune de Salles-Courbatiès, qui voisine Causse-et-Diège (mise en évidence par des pointillés rouges). La pollution aux nitrates (ponctuelle) dont cette commune semble être victime ne doit pas toucher ses voisines situées au nord-ouest : elle est sans doute (en partie) emportée par les cours d'eau qui se dirigent au nord, vers le Lot.

   Mais la grotte de Foissac (située ci-dessous dans la zone cerclée de vert) pourrait être menacée par les épandages supplémentaires de lisier, prévus sur des centaines d'hectares autour du GAEC de Causse-et-Diège, situé au lieu-dit Cassanus :

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   Il faut dire que, si l'élevage une fois étendu est censé n'héberger qu'environ 2 000 bêtes, c'est un total de 8 000 qu'il est prévu de faire défiler sur l'exploitation en une année ! Pluies, crues et infiltrations contribuent à mêler le nitrate aux eaux souterraines, qui s'en retrouvent acidifées. A la suite du gestionnaire de la grotte, Sébastien du Fayet de La Tour, la revue Sciences et Avenir et le site hominidés.com (parmi d'autres) ont émis de vives inquiétudes quant au devenir des peintures rupestres (récemment découvertes) et des squelettes vieux de milliers d'années. Le nouveau plan d'épandage (plus restreint) et l'augmentation du nombre de têtes moins importante que prévu suffiront-ils à préserver le site ? A suivre...

   Dans cette affaire, quel a été le rôle des pouvoirs publics ? Il est difficile de le dire avec exactitude. Le Conseil général a été d'une discrétion de violette. Traditionnellement, la majorité départementale est très proche de la direction de la FDSEA. Mais il semble que, sur ce sujet, le bloc se soit fissuré. On a même pu lire, dans Centre Presse (mercredi 13 mars), une tribune de Jean Milesi hostile au projet d'agrandissement : "Pourquoi j'ai voté contre le projet d'extension de la porcherie de Causse et Diège".

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  Il est possible qu'une action discrète ait été engagée, pour inciter l'exploitant à "réduire la voilure", pour faire passer son projet.

   De son côté, la préfecture a été attentiste puis suiviste. Il faut dire que la préfète ne connaît pas grand chose à ce type de dossier. Chartiste de formation, ambassadrice avant d'arriver dans l'Aveyron, elle doit sans doute s'en remettre aux fonctionnaires spécialisés... voire aux bons conseils de politiques qu'elle croise fréquemment. Au vu de la composition du CODERST, représentants de la Préfecture et de la majorité départementale peuvent facilement verrouiller un dossier. La nouvelle de l'approbation du projet d'extension n'était donc pas une surprise... sauf peut-être pour le rédacteur en chef du Villefranchois (Michel Heuillet), qui, dans l'édition du 28 février, s'était un peu trop avancé :

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   Il nous reste à aborder le rôle de l'entreprise Nutergia, dont le laboratoire se trouve à Capdenac-Gare (coloriée en bleu sur la première carte du billet). Le directeur, Antoine Lagarde, prévoyait de s'implanter sur la commune voisine... Causse-et-Diège. A terme, il déclarait envisager la création d'une trentaine d'emplois dans le département. Le projet d'extension de la porcherie avait tout pour lui déplaire, puisque son laboratoire communique sur son respect de l'environnement :

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   Furieux, il a même menacé un temps de délocaliser son activité... avant d'adopter une tactique plus offensive : il a proposé d'aider l'éleveur porcin à convertir son exploitation à l'agriculture biologique ! Ces coups de théâtre appellent plusieurs remarques. Tout d'abord, il est sidérant que les protestations d'un entrepreneur dynamique, créateur d'emplois, n'aient visiblement pas été considérées par les autorités locales. C'est dire aussi la puissance du lobby qui soutenait l'extension de la porcherie industrielle. Quant au projet de conversion au bio, je ne sais pas s'il tenait vraiment la route. Et puis, pouvait-on ainsi forcer la main à une famille d'exploitants ?

   Cette histoire ne me semble pas terminée pour autant. La décision de la préfecture est peut-être attaquable devant un tribunal administratif. Les opposants au projet d'extension auront-ils les moyens juridiques et financiers de continuer leur action ?

dimanche, 09 décembre 2012

La folie du gaz de schiste

   C'est le titre d'un petit dossier publié dans le numéro de Courrier international de cette semaine :

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   Je profite de l'occasion pour dire tout le bien que je pense de ce journal. Il a le grand mérite de rendre accessibles au public francophone des articles souvent passionnants issus de la presse étrangère. Il a aussi l'intelligence d'être vraiment bi-média : seule une partie des articles de la version papier est accessible sur le site internet, où l'on peut découvrir des contenus enrichis.

   Cela commence par une "accroche" qui replace la question dans un contexte international, même si les Français en entendent désormais régulièrement parler, comme on va le voir plus loin.

   Le premier véritable article, "Alerte rouge pour Gazprom", est extrait d'un magazine économique russe. Le géant du gaz naturel voit sa puissance remise en cause par l'essor des gaz non conventionnels (plus coûteux à exploiter en Russie). Il est bien entendu question de la dépendance réciproque qui lie l'entreprise à l'Europe, alors que la construction du gigantesque réseau de gazoducs South Stream vient d'être lancée.

   La perspective semble aussi se brouiller avec l'Asie, notamment la Chine ("Vu de Chine") qui, jusqu'à présent, trouve trop chers les hydrocarbures russes... et qui possèderait d'immenses réserves de gaz de schiste:

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   Une difficulté basique se présente aux autorités de Pékin : les plus grandes réserves sont situées dans des zones arides. Quand on connaît l'importance de l'eau dans le processus d'extraction, on se dit que ce n'est pas demain que la Chine cessera d'importer du gaz...

   En complément, sur le site internet de l'hebdomadaire, on peut lire un papier qui traite des revirements des autorités bulgares, qui tantôt semblent vouloir favoriser les investissements étrangers (occidentaux) dans l'exploration des gaz de schiste, tantôt semblent se découvrir une conscience écologique très prononcée... peut-être sous l'influence de Gazprom.

   "Vu de Varsovie", c'est l'indépendance énergétique qui semble l'emporter sur tout autre considération. Rappelons que l'ancienne démocratie populaire, bien que devenue indépendante de l'ancien "grand frère" russe, lui achète encore 70 % du gaz qu'elle consomme. De leur côté, la République tchèque et la Roumanie se montrent plus prudentes vis-à-vis du gaz de schiste, sans que l'on sache vraiment si l'on doit cette attitude au désir de préserver l'environnement ou à l'influence de Gazprom... c'est-à-dire du gouvernement russe.

   Aux Etats-Unis, c'est l'optimisme qui semble l'emporter : "Le grand retour de l'industrie aux Etats-Unis". La baisse du prix de l'énergie provoquée par l'exploitation massive du gaz de schiste semble favoriser la relocalisation d'entreprises. Nombre d'experts pensent que Washington est en passe de recouvrer son indépendance énergétique. Voilà qui pourrait bouleverser la géopolitique du Moyen-Orient : Oncle Sam ne se sentirait plus obligé d'y jouer le rôle de gendarme... ce qui contraindrait la Chine à s'y investir davantage.

   Qu'en pensent les autres pays en développement ? Au Mexique, on s'inquiète des conséquences environnementales. Au Maghreb, d'après la petite revue de presse publiée par l'hebdomadaire, le débat fait rage. L'Algérie s'inquiète de l'épuisement de ses ressources conventionnelles et, en Tunisie, s'il est indéniable que le pays aurait besoin de développer le potentiel national, la corruption semble à l'oeuvre...

   L'Indonésie vit une situation paradoxale. L'exploitation incontrôlée du charbon a fait la fortune d'une mince "élite"... et permis au pays de récupérer des devises, grâce aux exportations. Mais les principaux clients sont la Chine et l'Inde, dont les achats pourraient chuter s'ils développent l'extraction de gaz de schiste. Dans un cas comme dans l'autre, il ne semble pas y avoir de "bonne" solution environnementale.

   Cela nous ramène au débat français, alimenté aussi bien par des "experts" que par des vétérans de la politique qui ne se résolvent pas à ne plus jouer de rôle. L'été dernier, Le Monde comme La France agricole se sont fait l'écho des arguments échangés. Récemment, on a beaucoup parlé des déclarations de Michel Rocard au "quotidien de référence". La semaine passée, Midi Libre s'est penché sur la question. Comme le journal a donné la parole à des scientifiques partisans de l'exploitation, il s'est attiré l'ire de certains lecteurs.

   En complément des articles, le quotidien de Montpellier a publié une carte commentée des permis d'exploration :

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   L'Aveyron a été progressivement "libéré" de la menace. (Les curieux peuvent d'ailleurs se rendre sur le site du ministère du développement durable pour observer l'évolution de la carte des titres miniers d'hydrocarbures.) L'an dernier, trois permis, dont celui de Nant (qui englobait le Larzac) ont été annulés, sans doute grâce à la mobilisation locale (et à la proximité d'élections nationales). Il en restait 61... et l'ouest de l'Aveyron était concerné par celui de Cahors. Il fait partie des sept qui ont été rejetés en septembre dernier :

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   A suivre...