mercredi, 29 juin 2016
Tout de suite maintenant
Quand j'ai vu que papa Bonitzer avait tourné un film dans lequel le premier rôle féminin avait échu à fifille, je me suis dit que ça risquait d'être une daube. Mais, au générique, il y a aussi Isabelle Huppert, Lambert Wilson et Jean-Pierre Bacri... alors, j'ai profité de la Fête du cinéma pour tenter le coup.
A mon grand étonnement, l'intrigue prend l'allure d'un thriller sociétal, à l'image de ce que le bon cinéma d'auteur français nous a déjà offert ces dernières années (avec L'Emploi du temps, Violence des échanges en milieu tempéré, Le Couperet et, plus récemment, De bon matin, Terre battue et Jamais de la vie). On nous brosse un intéressant tableau du monde de l'entreprise, plus particulièrement du travail des cadres sup' du secteur de la finance.
Agathe Bonitzer incarne (très bien... comme quoi, faut pas être mauvaise langue) Nora, un pur produit de l'élitisme scolaire français. Ses parents sont eux-mêmes des "tronches". Passée (après de brillantes études) par un grand groupe anglo-saxon, elle décroche un poste prometteur dans une société de conseil, qui est une sorte de panier de crabes, dont il vaut mieux maîtriser les codes si l'on veut s'en sortir.
Très vite, on comprend qu'il y a anguille sous roche. Les deux présidents-fondateurs (interprétés par Pascal Greggory et Lambert Wilson, le second étant à mon avis meilleur que le premier) sont d'anciens condisciples du père de Nora. Elle finit aussi par découvrir que l'épouse de l'un d'entre eux a connu son père, des années auparavant. Isabelle Huppert est une fois de plus épatante, éblouissante même dans deux scènes avec Jean-Pierre Bacri (le papa grincheux... rien de nouveau sous le soleil). Bonitzer aurait toutefois pu faire rejouer certains passages, où il laisse trop de champ libre à ses (brillants) acteurs.
Parmi ceux-ci, il ne faut pas oublier Vincent Lacoste. Il confirme le bien que j'ai pensé de lui dans Saint Amour, alors que, dans ses films précédents (que ce soit Jacky au royaume des filles, Hippocrate ou Le Journal d'une femme de chambre) il m'avait laissé une impression plus que mitigée. Signalons aussi la performance de Julie Faure, qui interprète la soeur antinomique de l'héroïne. (Elle était aussi à l'affiche de Camille redouble, tout comme Vincent Lacoste d'ailleurs.)
Le noeud de l'intrigue se trouve dans le passé... et dans un surnom. Nora est écartelée entre les sentiments et la raison. D'un côté, il y a la recherche du respect de ce père peu commode, la complicité avec sa soeur et un amour prometteur. De l'autre, il y a un patron qui lui donne sa chance, la grande intelligence de la jeune femme et sa froideur apparente, qui se révèle un atout dans son milieu professionnel.
Même si tout n'est pas réussi dans ce film, il n'en constitue pas moins une bonne surprise du début de l'été, avec, cerise sur le gâteau, une réflexion sur ce qui est important dans la vie.
P.S.
Ce n'est qu'un détail mais, à la longue, j'ai été un peu agacé par la présence récurrente à l'écran de produits (ordinateurs, smartphones) d'une célèbre marque fruitière...
20:57 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 28 juin 2016
Bienvenue à Marly-Gomont
Le rappeur et humoriste Kamini au scénario a inspiré ce film autobiographique, sorte de prolongement de la chanson qui l'a jadis fait connaître sur la Toile... à tel point qu'à l'époque, j'avais acheté le CD !
L'action se déroule dans la riante bourgade de Marly-Gomont, dans le département de l'Aisne, aujourd'hui inclus dans la nouvelle région Hauts-de-France, naguère en Picardie. On y est un peu loin de tout, loin de Lille, Paris et Reims, finalement plus proche de la Belgique :
C'est justement en Belgique que vit la plus grande partie de la communauté zaïroise émigrée (le Zaïre -aujourd'hui République Démocratique du Congo- étant l'ancien Congo belge... oui, celui de Tintin !). La famille des héros va faire exception, d'abord parce que le père Seyolo a suivi ses études de médecine à Paris. Il est incarné à la perfection par Marc Zinga, acteur belge d'origine congolaise découvert dans Qu'Allah bénisse la France (et vu l'an dernier dans Jamais de la vie).
En s'installant dans l'Aisne (en espérant acquérir à terme la nationalité française), le jeune médecin idéaliste va rencontrer une double opposition : celle des habitants du coin qui ont des préjugés... et celle de sa famille, en particulier de son épouse, brillamment interprétée par Aïssa Maïga. L'histoire est d'autant plus intéressante qu'au Zaïre, la famille faisait partie de la (petite) classe moyenne et que les cousins belges sont du genre flambeurs. L'intrigue, si elle ne cache pas les difficultés d'intégration, n'est aucunement misérabiliste.
C'est aussi une comédie de moeurs, parce que les habitants du village et de ses environs forment une étrange tribu, dont le français a de quoi décontenancer n'importe quel ancien universitaire... et dont le sens de l'hygiène n'est pas très développé. Hilarante est la scène qui voit le médecin découvrir que l'un de ses premiers patients souffre d'hémorroïdes... et héberge une impressionnante colonie de morpions !
C'est pour les enfants que le changement a sans doute été le plus dur. A l'école, ils suscitent d'abord les moqueries, avant que le talent très particulier que la grande soeur ne lui attire tous les suffrages. C'est une nouvelle illustration de l'intégration par le sport.
On rit donc beaucoup aux comportements arriérés d'une partie des habitants. (Les seconds rôles comme les figurants sont excellents et très bien dirigés.) On est aussi choqué par la bêtise de certains d'entre eux, le pire étant le rival du maire, un horrible notable carriériste, remarquablement joué par Jonathan Lambert. En contrepoint, le réalisateur nous offre quelques figures positives, au premier rang desquelles le vieux paysan célibataire, incarné par Rufus.
Kamini ne cache rien, ni le beau ni le laid. Il a toutefois évité de se placer au centre de l'attention. Au-delà du conte social et de la comédie de moeurs, ce film est d'abord un hommage à son père, un humaniste intègre qui a refusé la corruption au Zaïre et tenté de gagner le respect et même l'amitié des habitants d'un coin de France qui n'avaient jamais vu de Noir.
P.S.
Politiquement, la commune de Marly-Gomont est, à l'époque où Kamini devient célèbre, de sensibilité de droite. Aux présidentielles de 2007, elle a placé Nicolas Sarkozy loin devant les autres, avant d'élire largement un député UMP. Aux européennes de 2009, comme aux régionales de 2010, ce sont encore les candidats de droite qui recueillent le plus de suffrages.
Cependant, au premier tour de la présidentielle de 2012, Marine Le Pen devance Nicolas Sarkozy (de cinq voix) dans la commune, un bouleversement qui n'est pas confirmé par la législative qui suit, puisque le candidat FN n'y termine que troisième.
Ce n'était que partie remise, puisqu'aux européennes de 2014, c'est la liste Bleu Marine qui arrive en tête dans la commune. C'est confirmé aux départementales de 2015, qui voient la victoire d'un binôme FN. Par contre, aux régionales de 2015, si la liste Le Pen mène à l'issue du premier tour, elle a été devancée par celle de Xavier Bertrand au second.
16:28 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 27 juin 2016
Warcraft - Le Commencement
La Fête du cinéma aidant, je me suis décidé à aller voir cette grosse meringue. Je ne fais pas partie des adeptes du jeu d'origine. Sans m'être renseigné, j'ai quand même facilement compris le déroulement de l'histoire.
Il faut dire qu'elle recycle pas mal d'éléments déjà vus ailleurs, notamment dans Le Seigneur des anneaux et Star Wars. Nous voici dans un monde où vivent des humains, des nains, des sortes d'elfes et bientôt des orcs. L'ambiance est médiévale, avec une dose de magie. C'est donc bien de l'heroic fantasy.
Au niveau du scénario, bien des choses sont prévisibles, pour un cinéphile qui a passé du temps dans les salles obscures. Dès le début, on comprend d'où va venir une trahison. Dès le début, on comprend quel personnage va occuper le premier plan dans les combats. Très vite aussi, on sent qu'une romance va naître entre deux des personnages principaux.
Cependant, le scénario a été suffisamment travaillé pour que l'intrigue se suive agréablement, même si certains retournements surviennent un peu trop rapidement : les Orcs qui paraissaient quasi invincibles commencent à céder sous les coups des humains et le sorcier en apparence invulnérable va mordre la poussière.
Qu'est-ce qui sauve le film ? D'abord l'interprétation, très correcte : les acteurs croient (en général) en leur personnage. Certains d'entre eux tentent de faire émerger un peu de jeu d'un fond gavé de numérique et d'écrans verts. La mise en scène est étonnamment bonne, efficace et parfois limite virtuose, avec des plans très bien organisés. (C'est le moment de préciser que Duncan Jones a auparavant réalisé Source Code, une pépite que je vous recommande.) Ajoutons que les effets spéciaux sont extras. (Sous la houlette de Lucasfilm, plusieurs équipes y ont contribué, dont une vient d'Inde, une autre étant sans doute composée de Français.). Un grand soin a été apporté au visage et à la peau du corps des orcs. Les (autres) animaux sont splendides et le rendu visuel de la magie éblouissant. Le tout est souligné par une musique tapageuse, mais c'est ce qu'il faut.
Le soir, après un bon repas, c'est idéal pour digérer en se changeant les idées... et attention : il y aura une suite.
21:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 26 juin 2016
La Loi de la jungle
Quelque part entre Pierre Richard, Louis de Funès, les Charlots et Les Nuls, Antonin Peretjatko a tourné cette comédie frappadingue, qui tente d'orchestrer l'incongru, à l'aide d'une pléiade d'acteurs plus ou moins connus, certains épatants dans les seconds rôles.
Vincent Macaigne (vu récemment dans Les Innocentes) incarne un stagiaire maladroit et timoré... et ce n'est pas nouveau. Il se débrouille correctement dans le rôle mais, depuis Un Monde sans femmes, il me semble qu'on le fait un peu trop souvent jouer sur le même registre. Dans le film, son personnage connaît toutefois une évolution : le séjour en Guyane va changer l'apprenti mouton en homme qui s'affirme.
Il le doit en grande partie à Tarzan, principal personnage... féminin de l'histoire... en fait, principal personnage tout court. Vimala Pons (qu'on a aperçue dans Adieu Berthe, Terre battue et Elle) rayonne dans ce rôle atypique de jolie fille débrouillarde, toujours la clope au bec. Physiquement, elle paie beaucoup de sa personne et je trouve que le duo qu'elle forme avec Vincent Macaigne fonctionne bien.
Ces deux "vedettes" sont bien épaulés par d'augustes anciens. Pascal Légitimus est venu donner un coup de main, tout comme Mathieu Amalric, qui semble toutefois avoir eu des difficultés à trouver le ton juste. (Il aurait fallu rejouer certaines scènes.) Complète le tableau Jean-Luc Bidault, qui en fait un peu trop.
Finalement, j'ai préféré les seconds rôles interprétés par des acteurs méconnus. Mon préféré est Fred Tousch, excellent en huissier pugnace, indémontable, à Paris comme dans la jungle tropicale. A signaler aussi la prestation de Rodolphe Pauly, très bon en commercial sans scrupules, et celle de Pascal Tagnati, convaincant en militaire taré.
Les interactions entre tous ces personnages fonctionnent parce que les dialogues sont bien écrits. Souvent les répliques fusent. Mais le principal ressort comique est visuel. Les gaffes de Macaigne/Châtaigne y sont pour beaucoup, mais soyez attentifs aux détails qui apparaissent à l'écran : les plans sont émaillés de clins d'oeil souvent cocasses.
Au niveau du rythme, je trouve que la première partie est plus réussie que la seconde. J'ai très souvent ri, notamment aux débuts du héros en Guyane, globalement à tout ce qui lui arrive, du débarquement de l'huissier dans son appartement parisien aux conséquences d'une piqûre d'insecte dans la jungle, en passant par les péripéties du vol entre la métropole et l'outremer. Bien que moins trépidante, la seconde partie contient de beaux moments de bravoure, comme le périple de l'huissier (encore lui ! je l'adore !) dans la jungle, les conséquences de l'absorption d'une boisson aphrodisiaque et la bagarre dans le bar de brousse, dans laquelle Vimala Pons fait des étincelles.
Même si tout n'est pas drôle et que certains supposés gags tombent à plat, c'est au final une bonne comédie estivale, un peu surréaliste, dont les personnages s'expriment avec des voix qu'on dirait déformées à l'hélium.
P.S.
En lisant le dossier de presse téléchargeable sur le site du distributeur, on apprend que les (nombreux) animaux visibles à l'écran sont tous des vrais (y compris ceux que mangent les héros...) et qu'aucun trucage numérique n'a été utilisé pour réaliser certaines scènes "périlleuses".
12:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 25 juin 2016
Celui qu'on attendait
C'est homme est un acteur français, incarné par Patrick Chesnais. A l'occasion d'un séjour en Asie centrale, il va involontairement franchir la frontière entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Curieusement, il est accueilli comme le Messie par les habitants d'un petit village qui ne comprennent pas un mot de français.
C'est évidemment une comédie, qui joue sur le contraste entre pays développé et pays en développement et qui, au passage, aborde (brièvement) quelques questions délicates, comme le conflit du Haut-Karabakh, la corruption des autorités locales et les réminiscences du génocide arménien.
Patrick Chesnais est très bien en Français flatté de l'attention qu'il suscite, mais quand même bien embêté d'être coincé en pleine cambrousse, au beau milieu d'une guerre à laquelle il ne comprend rien. Les acteurs arméniens font très "couleur locale", avec des personnages truculents qui ne sont pas sans rappeler certaines oeuvres d'Emir Kusturica.
Pour des raisons que je ne vais pas dévoiler, le héros est amené à rester plus longtemps que prévu. Il va même se prendre au jeu et découvrir que cette étape inattendue peut lui être utile.
C'est une petite comédie sympathique, durant laquelle on sourit souvent, sans toutefois rire aux éclats.
23:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 24 juin 2016
Les enfants gâtés du Royaume-Uni
Et si on causait un peu du Brexit, de ses tenants et de ses aboutissants ? Commençons par l'analyse des résultats. Une carte globale a été publié par Le Monde :
Elle permet de formuler quelques remarques de base : Les Ecossais et les Nord-Irlandais ont massivement rejeté la sortie de l'Union européenne, tout comme la majorité des Londoniens. Par contre, Gallois comme Anglais ont manifesté leur désir de quitter l'UE. Ils l'ont emporté.
Cependant, quand on regarde les résultats en détail (comme sur le site du New York Times), on découvre quelques nuances parfois surprenantes. Ainsi, si toutes circonscriptions écossaises se sont prononcées pour le maintien dans l'UE, celle de la capitale Edimbourg (où le Scottish National Party est très bien implanté) a voté contre le Brexit à près de 75 % ! Voilà qui annonce des années mouvementées au Royaume-Uni, si le SNP préserve son influence.
L'Irlande du Nord a été moins unanime que sa voisine l'Ecosse, puisque certaines circonscriptions se sont quand même prononcées en faveur du Brexit (elle sont en rose sur la carte ci-dessous) :
Qu'est-ce qui peut expliquer une telle fracture territoriale, perceptible jusque dans le chef-lieu, Belfast ? Remontons un peu en arrière, jusqu'en mars 2015, avant les dernières élections législatives :
Sur cette carte, publiée par The Economist, on réalise que les circonscriptions en vert ou gris-vert sont les mêmes que celles qui ont choisi de rester dans l'UE. Elles élisent traditionnellement des députés membres du Sinn Fein ou du SDLP, deux partis catholiques qui penchent pour une réunification de l'île. Pour que l'Irlande ne (re)fasse plus qu'un, un jour, encore faudrait-il que le Royaume-Uni reste dans l'UE, comme la République de Dublin.
Au Pays-de-Galles, la situation n'est pas simple non plus. Globalement, les habitants ont voté comme leurs voisins Anglais, mais de manière moins tranchée.
A Cardiff et autour, comme dans certaines villes anglaises (Londres bien sûr, mais aussi Liverpool, Manchester, Oxford et... Cambridge), on a voté à plus de 60 % (voire à plus de 70 % dans les villes universitaires) pour rester dans l'Union européenne. (Les deux régions rurales de l'Ouest sont elles marquées par le mouvement nationaliste gallois, très hostile à Londres.) Sur la carte, on voit comme un "couloir de l'ouverture" qui part de Londres, vers l'ouest, jusqu'à Cardiff, embrassant Oxford.
De beaux esprits se sont crus autorisés à affirmer que c'était là la preuve de la coupure entre les élites et le peuple. C'est une analyse à courte vue. Certes, dans les circonscriptions urbaines qui ont massivement rejeté le Brexit, les classes moyennes et supérieures sont très présentes. Mais c'est aussi le cas dans de nombreuses autres circonscriptions anglaises qui ont voté pour sortir de l'UE, notamment dans le Sud de l'Angleterre.
A Londres, le vote pour ou contre la sortie de l'UE ne dépend pas du niveau de richesse. Pour s'en persuader, il suffit de comparer la carte du New York Times avec celle de la pauvreté infantile publiée naguère par le Guardian :
Parmi les partisans du maintient dans l'UE, on trouve aussi bien des districts où la pauvreté infantile est faible que d'autres où elle est forte. Par contre, les districts périphériques (à l'ouest et à l'est), qui ont plutôt voté contre le maintien, sont des quartiers bourgeois.
Il nous reste à aborder les raisons qui expliquent que le Brexit l'ait emporté. Le Parti conservateur a toujours été divisé quant à la construction européenne. David Cameron fait partie des "libéraux", qui pensent que la chance du Royaume-Uni est dans l'ouverture vers le continent, alors que les "souverainistes" rejettent l'aventure commune de l'UE pour prendre le large. Ils jugent que l'Union européenne coûte plus qu'elle ne rapporte à leur pays. C'est l'une des idées reçues sur lesquelles Le Monde est revenu en février dernier :
Sur un plan strictement comptable, le Royaume-Uni était jusqu'à présent légèrement déficitaire ; autrement dit, c'est un contributeur net au budget européen : il lui verse plus que ce qu'il en reçoit. Mais c'est beaucoup moins, en nombre, que la France et l'Allemagne, et très loin, en pourcentage du PIB, de ce que cela représente pour les Pays-Bas ou la Suède.
C'est dû au fameux rabais britannique, obtenu jadis par Margaret Thatcher... et totalement injustifié aujourd'hui. Le Brexit aura au moins ce grand avantage que de supprimer cette charge pour la France. De surcroît, c'est une analyse à courte vue. Il ne faut pas prendre en compte uniquement l'aspect budgétaire, mais considérer comment l'argent redistribué au sein de l'Union est utilisé. S'il circule majoritairement entre les pays et entreprises de l'UE, tout le monde en sort bénéficiaire. Dans cette optique, c'est plutôt le fanatisme libéral des dirigeants britanniques qui est une menace pour l'Union, affaiblissant les solidarités communautaires.
Cette influence ultralibérale s'exerce au sein même des institutions européennes, où travaillent encore plus de 1 000 fonctionnaires britanniques (ils ont été jusqu'à 1 500 il y a une dizaine d'années). Un récent article des Echos révèle qu'ils occupent plus de 10 % des postes de direction, une surreprésentation qui n'est dépassée (depuis peu) que par celle des Allemands. Les politiques du Royaume-Uni sont donc de mauvaise foi quand ils dénoncent une UE antibritannique. Celle-ci subit toujours une forte influence anglo-saxonne. D'un point de vue politique, l'effacement du Royaume-Uni est d'abord le fait de ses élus, qui estiment que si l'Union n'est pas conforme à leurs moindres désirs, alors mieux vaut la boycotter voire la quitter.
La gestion des mouvements de population est un autre motif de mécontentement des Britanniques. Pourtant, ils ne sont pas membres de l'espace Schengen, à l'intérieur duquel les contrôles aux frontières sont supprimés (sauf événement extraordinaire). Mais la liberté de circulation s'applique bien au Royaume-Uni. Elle était prévue dès le traité de Rome (en 1957) et a été sanctuarisée par celui de Maastricht (en 1992). Elle était associée à la circulation des marchandises, des capitaux et des services. C'est l'un des enjeux des négociations qui vont débuter dans les semaines qui viennent. Les Britanniques vont sans doute tenter d'avoir le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire les capitaux, les marchandises, les services, les permis de travail... mais pas les migrants indésirables. Il est possible que le Royaume-Uni demande à être intégré à l'espace économique européen, qui regroupe l'UE et ce qu'il reste des membres de l'AELE.
Le plus cocasse serait que, dans 8 à 10 ans, un nouveau gouvernement britannique, sans envisager une ré-adhésion, demande l'entrée de son pays dans l'espace Schengen, dont sont membres des pays extérieurs à l'UE, comme la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein... et la Suisse, dont l'attitude vis-à-vis de la construction européenne semble inspirer les conservateurs britanniques.
23:30 Publié dans Politique, Politique étrangère, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, presse, médias, europe, union européenne, brexit, royaume-uni
jeudi, 23 juin 2016
Le Monde de Dory
Plus de dix ans après Le Monde de Nemo, Disney-Pixar nous livre une suite, centrée sur l'un des personnages secondaires (importants) du premier épisode, le poisson-chirurgien femelle bleue, un peu fofolle. Comme dans le premier opus, celle-ci (dans la version française) a la voix (chaude) de Céline Monsarrat, connue pour doubler (notamment) Julia Roberts.
Au début, j'ai eu un peu peur. C'était répétitif et parfois un peu énervant... Comme si l'on ne savait pas ce qu'étaient les troubles de mémoire de Dory ! Le scénario abuse aussi des situations "à la limite du danger". Fort heureusement, les images sont magnifiques. On a beaucoup travaillé les couleurs, ainsi que les jeux de plans (sans doute pour la 3D). Les mouvements, très fluides, sont magnifiquement rendus... et quel travail sur les yeux et les expressions !
Pour moi, l'intrigue décolle quand apparaît à l'écran Hank, un poulpe (plus précisément une pieuvre-mime) grognon et égocentrique. Evidemment, il va devenir l'acolyte de Dory, qui a bien besoin de ce Tarzan des mers pour se sortir des multiples pétrins dans lesquels elle va se fourrer.
J'ai vraiment adoré ce personnage. C'est la principale source de gags du film, soit pour des raisons visuelles (il excelle dans l'art du camouflage... mais il est aussi parfois un peu maladroit), soit en raison de ce qu'il lui arrive (le scénario regorge de péripéties). S'ajoute à cela la qualité du doublage : dans la version française, Philippe Lellouche assure !
On rit aussi souvent lorsqu'interviennent certains personnages secondaires, comme le requin femelle Destinée, le béluga Bailey (un pro de l'écholocalisation, servi par la voix de Kev Adams), les lions des mers (pas toujours lymphatiques) et les loutres (reines du câlin).
Côté aventures, on a droit à trois séquences endiablées : la poursuite par un calamar géant, la déambulation en poussette (dans un parc d'attraction) et, surtout, la course en camion sur autoroute, un must du genre !
Cela dure à peine plus d'1h30 et c'est mignon. Cela ne va pas révolutionner le monde du cinéma, mais, d'un point de vue technique, c'est du très bel ouvrage, destiné à un public familial.
22:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 19 juin 2016
Volta a terra
Ce documentaire portugais se déroule sur une année complète, du printemps à l'hiver. Il a été tourné par un jeune réalisateur, dans la commune de ses grands-parents. On fait inévitablement le rapprochement avec le Farrebique de Georges Rouqier. On pense aussi à certaines oeuvres de Raymond Depardon (Profils paysans). Ce film-là se détache pourtant de ses modèles : il est moins scénarisé qu'un Rouquier (mais moins réussi sur le plan formel) et le réalisateur, contrairement à Depardon, s'efface complètement derrière son sujet.
Nous voilà donc plongés dans la vie quotidienne d'Uz, un petit village du nord du Portugal, situé dans le district de Braga, pas très loin de l'Espagne :
L'exode rural et l'émigration ont vidé cette région montagneuse et pluvieuse, où ne résident plus que 49 personnes (ce qui a donné son titre français au film : "49 sur terre"). Les dernières familles paysannes s'entraident, notamment lorsque le tracteur où une autre machine agricole est embourbée en plein champ. On suit plus particulièrement deux d'entre elles, notamment l'un des fils (âgé de 21 ans), pas très sympathique de prime abord, mais que l'on va apprendre à connaître.
Cependant, on est surtout frappé par le poids des personnes âgées. C'est fou comme ce coin du Portugal peut parfois rappeler l'Aveyron... mais plutôt l'Aveyron d'il y a 20-30 ans. Les grands-pères sont dignes et truculents, les grands-mères débrouillardes. L'une d'entre elles m'a rappelé une de mes mamies, lorsqu'on la voit discuter avec le "héros" dans ce qui semble être la basse-cour.
Dans ce village, on élève des ovins et des bovins. Ce sont ces derniers qu'on voit le plus souvent. Il s'agit d'une race rustique, à la robe plutôt rousse... et dotée d'impressionnantes cornes :
Ce ne sont pas des Aubrac (sans doute des Cachena), mais là encore on peut établir un parallèle avec l'Aveyron. Dans le film, les bêtes se font copieusement insulter par les paysans (jeunes comme vieux), qui n'arrêtent pas de les traiter de "putes" et de "salopes"... Heureusement, ils sont plus corrects avec les femmes (en tout cas devant la caméra).
Les moutons apparaissent moins souvent, mais à des moments marquants. J'ai été particulièrement frappé par la séquence de la tonte, à laquelle tout le monde participe. On y voit à l'oeuvre les vieilles femmes du village, qui semblent très habiles avec... les ciseaux ! (Je n'ai pas vu une seule tondeuse à l'horizon, qu'elle soit manuelle ou électrique.)
Bien que les habitants n'expriment pas leurs sentiments, on sent malgré tout un certain respect pour les animaux. C'est notamment perceptible lorsque le cochon est tué. On ne nous montre pas directement la mise à mort (je soupçonne même un montage de plusieurs sources audio et vidéo), mais on assiste à tout le travail qui lui succède ; la bête est apprêtée avant d'être dépecée.
Plusieurs grandes questions agitent le village. Il y a le passage à la TNT, qui oblige à changer de téléviseur (ou à acheter un adaptateur). Il y a l'organisation de la fête annuelle et il y a le problème du célibat des hommes. Dans l'une des familles, aucun des trois garçons n'est encore marié. On compte peut-être sur la fête du mois d'août pour que des relations se nouent. C'est en effet à cette occasion que le village retrouve sa population d'antan.
La journée est rythmée par les travaux agricoles "à l'ancienne", le tout sous l'égide de la religion catholique. Un bal clôture la soirée. Voilà qui attire du monde. Aux touristes s'ajoutent les membres de la famille partis en ville, voire à l'étranger. (On nous montre d'ailleurs quelques Français.) Parmi ces visiteurs, les jeunes femmes sont particulièrement convoitées.
Le "héros" va revoir une amie d'enfance, perdue de vue depuis douze ans et partie s'installer en ville. Elle a continué ses études, alors que lui n'a même pas fini sa Troisième. C'est à la fois touchant et un peu gênant, comme si l'on se trouvait dans un épisode de L'amour est dans le pré.
Globalement, cela reste très plaisant, assez drôle. Ce qui est montré est parfois rude, mais les gens ne baissent pas les bras. (Ce serait une excellente leçon pour ces éternels geignards que sont certains Français, qui trouvent plus de force pour protester que pour surmonter leurs difficultés.)
P.S.
La coscénariste est une vieille connaissance des cinéphiles : Laurence Ferreira-Barbosa réalisa jadis Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel et J'ai horreur de l'amour.
P.S. II
Quelques informations supplémentaires sont disponibles sur la plaquette éditée par le distributeur.
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samedi, 18 juin 2016
Criminal
Le transfert de l'esprit d'un homme dans le corps d'un autre a déjà été traité dans d'autres films, très récemment même dans Renaissances... dans lequel joue aussi Ryan Reynolds. La différence est que, dans le premier film, c'est l'esprit du personnage interprété par Ben Kingsley qui se retrouve dans le corps du jeune homme, tandis qu'ici, c'est l'esprit (en théorie les souvenirs) de l'agent de la CIA incarné par Reynolds qui va être transféré dans le corps d'un épouvantable tueur en série, qui a les traits de Kevin Costner (méconnaissable, dans un premier temps).
J'ai apprécié le fait que l'on n'ait pas bâclé le début. On prend le temps de nous présenter le jeune Bill Pope, qui semble sur le point de conclure une affaire de la plus haute importance (pour le compte de la CIA, que l'on nous montre évoluer à Londres en terrain conquis)... mais il est poursuivi par de dangereux anarcho-débilo-psychopatho-terroristes, leur chef étant un as de l'informatique.
La deuxième étape est la découverte du détenu hyper-dangereux, jugé incurable : il n'a aucun sens de la morale et n'éprouve aucun sentiment. En raison d'un accident subi pendant son enfance, il est néanmoins le candidat idéal pour une tentative de transplantation.
Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu... et c'est là que le noeud de l'histoire se met en place : alors que l'expérience semble avoir échoué, Jéricho (Kevin Costner comme on ne l'a jamais vu) sent des changements advenir en lui. La première scène clé est son intrusion dans l'appartement de l'espion, où résident son épouse et sa fille. Là aussi, rien ne se passe comme prévu... et c'est bien. Le scénario joue sur l'incertitude, même si l'on se doute que le personnage incarné par Costner ne peut pas rester une enflure totale pendant 1h50 !
Au niveau du casting, Costner est épaulé par une brochette de professionnels confirmés, en particulier Gary Oldman et Tommy Lee Jones qui, il y a quelques années de cela, aurait pu se trouver à la place du héros. Aux mâles hétérosexuels qui liraient ce billet, je signale que, du côté de la distribution féminine, on a visiblement cherché à nous faire plaisir. Ainsi, l'épouse de l'agent de la CIA est jouée par Gal Gadot, que l'on a pu voir notamment dans Triple 9, et qui sera l'an prochain à l'affiche de Wonder Woman.
Quant à la "méchante", elle les traits (et le corps...) d'Antje Traue :
Elle a pu croiser certains de ses partenaires auparavant : Kevin Costner dans Man of Steel, Ryan Reynolds dans La Femme au tableau. On l'a aussi vue dans Le Septième Fils. Dieu que le cuir lui va bien ! (Pour couper court à toute accusation de machisme, j'ajoute que ces actrices ne sont pas que très belles, elles excellent dans leurs rôles respectifs, en particulier Gal Gadot.)
C'est de surcroît bien réalisé, avec de bonnes cascades et -attention les âmes sensibles- plusieurs scènes d'ultra-violence très bien fichues... mais franchement dégueux. Les spectateurs pointilleux tiqueront à certaines petites invraisemblances (un blessé qui se rétablit à la vitesse grand V, une moto qui permet à un autre de s'enfuir au moment opportun, un ordinateur portable qui seul permet de tout contrôler à distance...), mais, globalement, on est pris par l'histoire et l'on passe un bon moment, si l'on est amateur de films d'action.
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vendredi, 17 juin 2016
Midi-Languedoc : un vote biaisé
Les résultats du sondage organisé par le nouveau conseil régional de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sont tombés : c'est la proposition "Occitanie" qui arrive en tête, apparemment loin devant les quatre autres... Mais tout dépend de la manière de présenter les résultats. Comme vous allez le constater, dans la réalité, c'est beaucoup plus serré qu'il n'y paraît.
Commençons par la participation. Seuls 203 993 votes ont été exprimés (selon les résultats détaillés disponibles en ligne). Est-ce beaucoup ? Non. Les politiques en espéraient 500 000, en sachant que, dans la région, plus de quatre millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales. De surcroît, les adolescents de 15-17 ans pouvaient voter, tout comme certaines personnes extérieures à la région, mais y ayant des attaches. Cela donne un taux de participation inférieur à 5 %. Etant donné que l'on pouvait voter de chez soi, sur ordinateur, ou par courrier, on peut parler de fiasco : le vote n'a pas massivement intéressé les électeurs. Cela donne plus de poids aux votes des minorités actives, capables de se mobiliser pour un scrutin de faible importance. Cela se voit dans les résultats.
Les médias ont communiqué sur un seul chiffre, le pourcentage de premières places obtenu par chaque liste. A ce petit jeu, "Occitanie" arrive largement en tête. Cependant, le principe du vote était de classer les cinq propositions de 1 à 5. Que constate-t-on ? Que la proposition "Occitanie" est la dernière choisie pour les 2e, 3e et 4e rangs. Certes, comme elle a été souvent choisie pour la 1ère place, cela diminue d'autant le nombre de chances d'être désigné 2e, 3e ou 4e. Mais cela traduit aussi un rejet de cette proposition de la part des votants qui ont choisi une autre solution en 1er.
Une autre proposition semble presque aussi populaire qu'Occitanie : "Languedoc-Pyrénées". C'est la plus souvent retenue en 2e et 3e places, devant "Pyrénées-Méditerranée". De plus, si l'on s'intéresse à l'autre bout du classement, à savoir les propositions classées en 5e place, on s'aperçoit que, de très loin, c'est la proposition "Languedoc-Pyrénées" qui a été la moins souvent choisie (5 413 fois contre 22 333 pour "Occitanie" et 67 149 pour "Languedoc", par exemples). C'est donc la moins clivante des propositions.
Du coup, j'ai imaginé le système de pondération suivante : j'ai attribué à chaque liste un nombre de points dépendant de sa place dans chaque vote, soit 5 points pour une première place, quatre points pour une deuxième place, trois points pour une troisième place, deux points pour une quatrième place et un point pour une cinquième place. Ensuite, j'ai multiplié par le nombre de places obtenu dans chaque position et j'ai effectué la somme, pour chaque proposition. Voici les résultats :
O surprise ! Avec ce mode de calcul, la proposition "Occitanie" arrive en tête, mais de justesse, devant "Languedoc-Pyrénées" : la première n'a recueilli 24,4 % des préférences (somme des points obtenus en additionnant les premières, deuxièmes, troisièmes, quatrièmes et cinquièmes places), contre 22,2 % à la deuxième (qui devraient être arrondis à 22,3 %, mais cela aboutirait à un total de 100,1 %). "Pyrénées-Méditerranée" occupe bien la troisième place (20 %), devant "Occitanie-Pays catalan" (16,8 %), une proposition pénalisée par son très grand nombre de cinquièmes places (70 911) et qui a failli être dépassée par "Languedoc" (16,6 % des préférences).
Contrairement à ce qu'on a commencé à entendre et à lire jeudi soir, le véritable résultat de ce vote n'est pas une victoire écrasante de la proposition "Occitanie". Elle arrive en tête, mais de peu, à l'issue d'un scrutin serré. Il serait donc nécessaire d'organiser un second tour entre les deux propositions les plus populaires. Cependant, je n'y crois guère. Depuis le début, je sens que le conseil régional comme la quasi-totalité des médias locaux sont très sensibles à la pression du lobby occitaniste. C'est dommage, parce qu'on avait là un bel exemple d'exercice démocratique.
02:18 Publié dans Aveyron, mon amour, Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médias, journalisme, actualité
jeudi, 16 juin 2016
La Nouvelle Vie de Paul Sneijder
Ce film franco-canadien est une sorte d'OVNI cinématographique. Il nous est présenté comme une comédie et là, les cinéphiles pensent immédiatement à Romaine par moins 30, qui nous montrait Sandrine Kiberlain au pays du Caribou. C'est un peu trompeur parce que, si le film est incontestablement comique par moments, il est surtout l'histoire d'un père qui n'arrive pas à faire le deuil de sa fille aînée.
Dans le rôle, Thierry Lhermitte est étonnant de délicatesse et de sobriété. Avec une économie de paroles, il nous fait saisir tout le mal-être de cet homme, seul rescapé de l'accident d'ascenseur dans lequel sa fille a perdu la vie. Dans un premier temps, il refoule une partie de la douleur : il a tout oublié de la journée de l'accident (on comprend plus tard pourquoi). En dépit de la sollicitude de ses proches (sa seconde épouse et ses deux fils), il se sent complètement décalé par rapport à son milieu d'origine.
C'est à ce moment que la comédie intervient. Petit à petit, Paul va renaître... en promenant les chiens des autres, en étant salarié d'une petite entreprise dirigée par un gars lui-même très bizarre : c'est visiblement un autiste (obsédé par les nombres premiers), qui souffre d'obésité... et de troubles urinaires. Il est incarné à la perfection par Guillaume Cyr.
Deux autres personnes vont jouer un rôle important dans la renaissance de Paul : le propriétaire d'une des chiennes qu'il promène et un avocat. Celui-ci travaille pour la "partie adverse", c'est-à-dire l'entreprise qui a conçu l'ascenseur et celle qui était chargée de son entretien. Une étonnante relation d'amitié va naître entre ces hommes que tout devrait séparer... sauf l'amour des belles voitures. Notons que l'avocat est incarné par une vieille connaissance, Pierre Curzi, que l'on a vu jadis dans Le Déclin de l'empire américain et Les Invasions barbares.
La mémoire de Paul va revenir, avec un paquet de regrets quant au passé. Le héros va aussi découvrir que certains propriétaires de chiens ont avec ceux-ci un comportement proche de celui de son épouse vis-à-vis de ses deux fils : ils veulent leur faire gagner des concours, leur faire intégrer l'élite, sans doute pour leur bien, mais aussi pour satisfaire leur propre égo.
C'est le moment de signaler la performance de Géraldine Pailhas, elle aussi étonnante dans ce rôle d'executive woman, à la fois belle, glaçante et déterminée, carriériste et attachée à la réussite de ses enfants.
De manière générale, le film traite de la froideur, celle du climat bien sûr, mais aussi celle des rapports humains voire celle de l'organisation de la société, obsédée par l'argent. On le sent bien à travers les plans d'extérieur, qui nous offrent de superbes vues de Montréal. Paradoxalement, on sent davantage le froid à l'intérieur de certains bâtiments chauffés, comme le crématorium ou le cabinet d'avocats censé défendre les intérêts du héros. On comprend que, pour Paul, une partie de son propre logement acquiert le même statut. Il ne trouve refuge que dans une sorte de cave, où il a aménagé son bureau et où il vogue sur la Toile. Il espère y trouver des réponses à ses questions... et peut-être un nouvel espoir.
Attention donc : ce n'est pas la comédie hilarante qui nous a parfois été vendue, mais un film plus profond, avec des pincées d'humour.
P.S.
La musique est chouette.
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mercredi, 15 juin 2016
Le Chemin de Buenos Aires
C'est le titre d'un ouvrage paru en 1927 et rédigé par le journaliste Albert Londres. Sur les conseils d'un lecteur du blog (qui a commenté la note portant sur le film Eva ne dort pas), je me suis procuré une édition de poche, parue au Serpent à Plumes.
La première remarque que j'ai à formuler est la qualité de l'écriture. C'est extrêmement vivant, avec notamment un art consommé du portrait (des hommes comme des femmes). Du coup, les quelque 250 pages se dévorent en un rien de temps. Cela m'a rappelé l'intérêt qu'avait jadis suscité en moi la lecture d'un autre ouvrage d'Albert Londres, Terre d'ébène (consacré à la colonisation française en Afrique subsaharienne).
Mais revenons à l'Argentine. Le journaliste français évoque le dynamisme du pays entre les deux guerres mondiales, avec une immigration européenne massive, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Pologne, d'URSS... et de France. De notre pays sont notamment issues des prostituées, surnommées "Franchuchas". Le mot qui, à l'origine, désignait les Françaises, est devenu synonyme de "fille de mauvaise vie".
L'enquête d'Albert Londres (qui avait réussi à se faire accepter de certains membres du "milieu") décrit les processus à l'oeuvre dans la déchéance des jeunes femmes, beaucoup n'étant même pas majeures (c'est-à-dire âgées d'au moins 21 ans, à l'époque). Grâce aux témoignages qu'il a recueillis, auprès de prostituées, de policiers et surtout de proxénètes, il a reconstitué les trajets suivis et les méthodes employées.
Dans le livre, il manque juste un élément du contexte, qui était évident en 1927, à tel point que l'auteur n'a pas cru bon de le préciser : les conséquences de la Première guerre mondiale. Des centaines de milliers de jeunes femmes se sont retrouvées veuves sans ressources ; d'autres n'ont pas pu trouver de mari et d'autres, plus jeunes, sont devenues orphelines. Cela forme un ensemble important de personnes fragiles susceptibles de céder aux sirènes d'un habile enjôleur, caressant et vêtu d'un beau costume. Mais le principal intérêt du reportage est de montrer l'adhésion parfois volontaire des jeunes femmes à la prostitution : vu l'état de grande pauvreté dans lequel elles se trouvaient, c'est apparu comme la moins mauvaise des solutions, à une époque où l'Etat-providence n'existait pas en France.
Le livre évoque deux autres catégories de prostituées : les locales, apparemment peu estimées et que l'auteur a visiblement rarement rencontrées, et les immigrées juives d'Europe de l'Est, qui étaient moins bien considérées que les Françaises. Le journaliste s'attarde un peu sur les Polonaises et les Russes, dont il avait déjà pu constater auparavant dans quelle affreuse misère elles vivaient dans leur pays d'origine.
Beaucoup de choses se jouent aussi sur les bateaux qui assurent la liaison entre l'Europe et l'Amérique latine. Plusieurs anecdotes enrichissent le récit, qui prend un tour parfois romanesque.
A Buenos Aires, Albert Londres découvre une corruption très étendue, qui touche aussi bien la justice que la police. Certains maquereaux ont su nouer des alliances très profitables et exercent une considérable influence occulte. Devant le journaliste toutefois, ils jouent les modestes... et minimisent leurs revenus !
C'est vraiment un livre à lire, très vivant et bien documenté.
23:21 Publié dans Histoire, Livre, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, livres, presse, journalisme
Red Amnesia
Wang Xiaoshuai n'est pas le plus connu des réalisateurs chinois contemporains. Je crois même que tous ses films n'ont pas été distribués en France. De lui, j'ai vu Une Famille chinoise (assez mélo) et surtout Beijing Bicycle, dont je garde un bon souvenir.
Ici, l'héroïne est une veuve, dont les deux fils vivent à Pékin, comme elle, mais aimeraient bien couper le cordon ombilical. De plus, l'épouse de l'aîné ne s'entend pas très bien avec sa belle-mère. Cela fait un peu cliché mais, à l'opposition des caractères s'ajoute un fossé socio-économique, la nouvelle génération, plus riche, étant en grande partie occidentalisée, alors que la maman est restée très traditionnelle. C'est aussi pour cela qu'elle a du mal à encaisser le mode de vie du cadet, toujours célibataire à presque quarante ans...
C'est alors que des événements nouveaux surgissent dans la vie de l'héroïne. Elle apprend le décès d'un ancien camarade, qu'elle a connu avant la naissance de son second fils. Elle commence à recevoir des coups de fil anonymes, silencieux. Dans le même temps, le réalisateur nous fait suivre la vie quotidienne d'un jeune homme taciturne. On le voit dans plusieurs appartements, sans trop savoir ce qu'il fait. On finit par découvrir qu'il suit la vieille femme.
Qu'est-ce qui relie ces deux personnages ? La réponse se trouve-t-elle dans le passé, à l'époque de la Révolution culturelle ? Ou bien s'agit-il d'une coïncidence, la vérité étant plus prosaïque, liée à des faits divers ? Une autre possibilité nous est proposée, puisque l'héroïne rêve et a parfois des hallucinations, en période d'éveil. Qu'est-ce qui est réel dans ce qu'elle aperçoit ?
C'est donc un polar sociétal, sur fond politique. Attention toutefois : ce n'est pas un thriller à l'américaine. L'action n'est guère trépidante, puisque l'histoire évolue au rythme de l'héroïne, âgée d'environ 65 ans. Mais cette intrigue est assez habilement construite, et la mise en scène instille tantôt l'inquiétude, tantôt le doute.
17:11 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 14 juin 2016
Adopte un veuf
Je n'avais pas l'intention d'aller voir ce film. Son réalisateur, François Desagnat, a pondu La Beuze et Les 11 Commandements. C'est dire s'il s'y connaît en comédie raffinée... Mais il a aussi participé à l'écriture du scénario des Lascars. Alors, comme le bouche-à-oreille est bon, je me suis finalement laissé tenter.
Au départ, on pense que l'histoire va être portée par André Dussolier, qui incarne (avec brio) un médecin retraité récemment devenu veuf. Celui-ci possède un grrrrrrannnd appartement bourgeois au cœur de Paris (et une superbe maison de campagne, que l'on découvre plus tard). Le film démarre vraiment avec l'arrivée de Bérengère Krief à l'écran. Son personnage est un peu cliché, mais l'actrice a une pêche d'enfer. Le contraste avec papy Dussolier fonctionne très bien, même si la séquence de la sortie à deux, le soir, enfile les perles. Autre problème de personnage, celui de l'ami du médecin, un vieux beau pété de thunes qui drague les minettes. Ses interventions sont lourdes et répétitives. Sur ce coup-là, Nicolas Marié aurait dû rester célibataire...
Heureusement, l'histoire rebondit avec l'installation des deux autres colocataires, un avocat un peu niais et une infirmière débutante plutôt timide. Dans le rôle, Julia Piaton est parfaite, à contre-emploi pour ceux qui l'ont connue en coiffeuse fofolle dans la série Profilage. (On l'a vue aussi dans Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?)
La principale source de gags est le télescopage de ces personnalités dissemblables au quotidien. Le scénario a aussi l'habileté de laisser entrevoir les failles de chacun. La vie en (petite) collectivité pourrait leur permettre de résoudre certains problèmes... ou en créer d'autres ! C'est en général assez bien vu.
Cependant, je n'ai pas trop "marché" aux scènes censées être émouvantes. L'histoire de l'adolescent en attente de greffe ne m'a guère touché. Encore et toujours, c'est le dynamisme de Bérengère Krief qui emporte l'adhésion. On croit à son personnage de serveuse, que son mec (parti en voyage) mène par le bout du nez.
Certains moments sont même hilarants, comme ce quiproquo né d'une conversation à double détente, les unes discutant d'un sèche-cheveux, l'autre imaginant que les jeunes femmes parlent de son ami, qu'il pensait très coincé. Mais le meilleur moment est pour moi la scène qui se déroule dans un cabinet vétérinaire, en compagnie d'animaux très spéciaux. Là, c'est burlesque !
Au bout du compte, il reste une comédie sympathique, mais pas mémorable, que l'on pourrait comparer à Retour chez ma mère.
P.S. (du 17 juin)
Il m'est revenu un détail : les spectateurs aveyronnais seront attentifs à ce qui se trouve sur les murs de l'appartement. A au moins une reprise, on distingue, à droite, un tableau sombre comportant de grandes rayures noires...
23:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 13 juin 2016
Jeune député, vieilles pratiques ?
C'est une contribution à L'Hebdo paru vendredi 10 juin qui a attiré mon attention. Elle est signée Bernard Dufay, un habitué des tribunes engagées (à droite) qui, depuis plus de dix ans, a pour cible privilégiée le maire (socialiste) de Saint-Affrique Alain Fauconnier. S'il a dû se résoudre à voir celui-ci conserver son mandat de maire (en 2008 et 2014), il a pu se réjouir de sa défaite aux sénatoriales de 2014 (suivie de la proclamation de son inéligibilité pour un an, en 2015) et de la perte par la gauche de son canton d'origine, aux élections départementales de mars 2015, au profit d'un binôme de droite mené par Sébastien David.
Outre une allergie à tout ce qui semble être de gauche, Bernard Dufay semble avoir aussi été motivé par le rejet de certaines pratiques. Ainsi, il avait été reproché à Alain Fauconnier, lorsqu'il était sénateur, d'avoir embauché son propre fils comme assistant parlementaire... ainsi que la compagne du président du Sénat de l'époque, le socialiste Jean-Pierre Bel. Sur la forme, tout était légal. Sur le fond, la méthode avait fait jaser... et ricaner, à droite.
On se disait donc que la nouvelle génération d'élus allait tourner le dos à ces pratiques douteuses. Aujourd'hui, certains électeurs de droite doivent déchanter. Dans L'Hebdo de cette semaine, il est question des assistants parlementaires d'Arnaud Viala, élu député de l'Aveyron en septembre dernier. Sur sa déclaration d'intérêts et d'activités (merci la loi sur la transparence de la vie publique votée par la gauche !) comme sur le site du Projet Arcadie, on trouve les trois mêmes noms : Guiseppina Benel, Jean-Robert Bosc et F.
D'après Bernard Dufay, l'une d'entre eux serait la compagne de Sébastien David, conseiller départemental Les Républicains... et suppléant d'Arnaud Viala. Ecartons tout de suite Jean-Robert Bosc, qui travaille aussi pour Alain Marc. Je doute que Sébastien David ait contracté un "mariage pour tous". Ce ne peut pas être non plus F. D'après son profil LinkedIn, elle a cessé son travail parlementaire en février 2016, emploi où elle avait débuté en janvier 2014. Accessoirement, cela prouve qu'elle a travaillé pour au moins un autre député qu'Arnaud Viala (qui, rappelons-le, n'a été élu qu'à la fin de 2014). Parions que c'était un membre de LR : en février 2016, la jeune femme a été embauchée par le conseil régional d'Ile-de-France (désormais présidé par Valérie Pécresse), à un poste stratégique. Ajoutons qu'elle dirige un comité de soutien à la candidature d'Alain Juppé (aux prochaines présidentielles).
Apparemment, il ne nous reste plus que Guiseppina Benel. Sur le site d'Arnaud Viala, on la découvre sous l'identité de Joséphine Benel. C'est d'ailleurs sous ce nom et ce prénom qu'elle a créé un profil LinkedIn. Apparemment, c'est la personne de confiance d'Arnaud Viala, qui "tient la boutique" en son absence, à la mairie de Vezins comme à la communauté de communes. Quelle que soit l'identité sur laquelle on effectue une recherche, on ne trouve rien qui la relie intimement à Sébastien David. Une question demeure : pourquoi cette différence de prénom, sur des documents pourtant officiels ? Est-ce une sorte de négligence volontaire ?
En tout cas, jusqu'à présent, rien ne vient confirmer les accusations de Bernard Dufay. Cependant, la page d'accueil du site d'Arnaud Viala ne mentionne que deux assistants, prenant acte du départ de F. La déclaration d'intérêts n'a pas été mise à jour, à l'heure où j'écris ces lignes. Alors ? Allons voir à l'onglet "Equipe". On y découvre une troisième personne, simplement prénommée Caroline. O coïncidence, cette femme (ravissante) ressemble beaucoup à celle qui est présentée comme la compagne de Sébastien David, sur Copains d'avant :
Si c'est bien la personne à laquelle je pense, elle tient une boutique de lingerie "de l'amour" (qui a sa page Facebook) à Saint-Affrique.
Bref, on a ici l'exemple de deux élus dits "prometteurs", censés incarner la relève à droite, et qui commettent les mêmes erreurs que leurs aînés.
Un autre point abordé dans la tribune publiée dans L'Hebdo me cause souci : le lien qui existerait entre le repreneur de l'abattoir de Saint-Affrique et Sébastien David. (On note que celui-ci s'est abstenu au moment du vote du conseil communautaire.) Ce proche de la famille serait donc Jacques Poujol... un sacré pedigree : l'ancien propriétaire de l'abattoir de Sainte-Geneviève-sur-Argence (surnommé à l'époque "l'usine à steaks hachés") serait impliqué dans le scandale de la viande de cheval. Il me semble que la procédure le concernant est toujours en cours : sa mise en examen n'a pas été levée, à ma connaissance. Dans ces conditions, même s'il est présumé innocent, était-il judicieux de lui confier les clés de l'abattoir ?
C'est un secteur qui subit actuellement beaucoup de pressions. Cela explique qu'une commission d'enquête ait été nommée sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Arnaud Viala en est membre. Même s'il n'y joue qu'un rôle secondaire, est-ce compatible avec le fait que son suppléant soit proche du repreneur du principal abattoir de sa circonscription ?
P.S.
Sur le site de l'Assemblée nationale, on peut lire (entre autres) les comptes-rendus de la commission d'enquête. Ils sont très instructifs à plusieurs niveaux. A partir d'eux, on peut faire le décompte des présences et absences des 22 députés membres. Je dois hélas révéler qu'Arnaud Viala est jusqu'à présent l'un des moins assidus. Sur les 22 premières réunions, il n'a été présent que 8 fois : les trois premières, puis les septième et huitième réunions, sans prononcer le moindre mot. (On peut émettre l'hypothèse qu'il a compté sur la présence de son smartphone à côté de lui...) Il est revenu à la douzième réunion, qui a vu les membres de la commission (mais pas A. Viala) dialoguer avec le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. Pour la petite histoire, un autre député aveyronnais a assisté à la séance : Yves Censi, qui n'était visiblement venu que pour poser une question en rapport avec la grève des techniciens et vétérinaires officiant à l'abattoir de Sainte-Geneviève-sur-Argence. (On remercie au passage le député pour son travail d'information, les médias locaux étant restés très discrets sur ce conflit social...)
Arnaud Viala ne s'est exprimé qu'une fois (il a posé une question sur la méthode d'abattage), lors de la vingtième réunion... à laquelle assistait aussi Yves Censi. Précisons que c'était une table ronde avec des universitaires, des pointures chacun dans son domaine.
Sur les douze séances "séchées" par Arnaud Viala, il n'a été excusé que deux fois. Pour traduire : il a été absent à une séance sur deux, sans même prévenir ni s'excuser. Parmi les séances qu'il a ratées, il y avait, au début, les trois consacrées aux abattoirs dans lesquels des vidéos choquantes ont été tournées. Cela dénote un manque d'implication de sa part dans un sujet pourtant important, pour l'alimentation des Français et pour l'économie aveyronnaise. A titre de comparaison, le député de la Lozère, Pierre Morel-A-L'Huissier (membre lui aussi du groupe Les Républicains) a assisté à 13 des 22 premières réunions (et aux douze premières)... et il a été bien plus actif pendant les séances.
00:15 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, acutalité, presse, médias, journalisme
dimanche, 12 juin 2016
Alice - De l'autre côté du miroir
Tim Burton a donc produit (mais pas réalisé) pour Disney le deuxième volet des aventures de l'héroïne emblématique de la littérature enfantine britannique. Ici, comme dans le premier film, le scénario s'émancipe de l'oeuvre d'origine pour réécrire l'histoire, avec au centre une Alice plus âgée et un fond plus sombre.
J'ai retrouvé avec plaisir Mia Wasikowska, moins éblouissante toutefois que dans le récent Tracks. Elle incarne néanmoins avec talent une jeune femme moderne, capitaine de navire dans le Royaume-Uni de la fin du XIXe siècle, pilote de chronosphère dans le monde imaginaire.
Cette dualité d'intrigues est l'un des atouts du film. Dans "le monde réel", l'histoire a un fond féministe, qui m'a un peu rappelé Tout en haut du monde, même si l'atmosphère générale doit plutôt aux romans de l'époque victorienne. C'est aussi un film d'aventures, qui débute avec une superbe séquence en mer, dans le détroit de Malacca, où des pirates attaquent le navire commandé par la jeune femme.
Très vite, Alice va retourner dans le monde imaginaire, cette fois-ci en passant à travers un miroir (l'une des rares références exactes à l'oeuvre de Lewis Carroll). Là-bas, elle partage la vedette avec le Chapelier Fou, désormais complètement déprimé. Johnny Depp est moins flamboyant qu'autrefois, mais son personnage retrouve de sa superbe dans des séquences se déroulant dans le passé, qu'Alice essaie de modifier.
Pour cela, elle doit entrer en contact avec Le Temps, personnage grandiloquent parfaitement interprété par Sacha Baron Cohen. Lui et l'univers dans lequel il gravite sont une autre grande réussite du film. A l'écran, les effets spéciaux sont flamboyants, le tout émaillé de pointes d'humour, puisque tous les habitants de la demeure du Temps (lui y compris) sont des automates... plus ou moins perfectionnés... plus ou moins fonctionnels. L'une des meilleures scènes est celle qui voit le Chapelier et ses acolytes amateurs de thé accueillir Le Temps... et lui faire perdre le sien ! C'est vraiment dans l'esprit des jeux de mots dont Lewis Carroll avait émaillé son oeuvre.
Mais la performance la plus éclatante est sans conteste celle d'Helena Bonham Carter, épatante en Reine Rouge. Les mauvaises langues auront bon rappeler qu'elle est la compagne (l'ex) de Tim Burton, c'est une excellente actrice, qui donne de l'épaisseur et du panache à son personnage... et c'est tant mieux : une bonne histoire romanesque a besoin d'un bon "méchant". Notons qu'ici, le scénario explore une piste inédite, celle d'un traumatisme remontant à l'enfance. C'est très bien vu.
Au final, les puristes, qui auraient souhaité une oeuvre fidèle à l'original, seront déçus, tout comme ceux qui espéraient un film 100 % "burtonien". C'est d'abord un produit Disney, fabriqué avec beaucoup de conscience professionnelle, mais destiné à un public familial.
10:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 10 juin 2016
Retour chez ma mère
Cette comédie s'inspire d'un phénomène bien réel : le retour au foyer parental d'actifs (en général quadragénaires) touchés par un "accident de la vie", la plupart du temps la perte d'un emploi, à laquelle peut s'ajouter une rupture sentimentale. A cet égard, la séquence introductive pose malicieusement le problème, nous induisant volontairement en erreur au début. C'est l'un des rares effets de mise en scène visibles dans ce film sans prétention, qui repose sur le talent des acteurs... surtout des actrices.
Josiane Balasko incarne avec fougue la mère, veuve et retraitée, assez "vieille France" par certains côtés... mais très moderne par d'autres : elle n'est pas du tout "coincée". On le constate notamment à l'occasion d'un repas avec sa fille (Alexandra Lamy, pétillante), devant la télévision, qui diffuse la série préférée de la mère. On s'attend à une sorte de Plus belle la vie, mais voilà-t-y pas que débarque une scène de cul qui, si elle choque un peu la fille, passionne visiblement la mère !
C'est que la maman est cachottière. Faute de voir souvent ses trois enfants, elle s'est reconstruite toute seule et sa progéniture va mettre du temps à découvrir l'ampleur des changements. C'est d'ailleurs l'objet de plusieurs quiproquos dans l'histoire, qui amènent les enfants à croire que leur mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Il s'agit donc plutôt d'un comique de situation, contrairement à ce que laissait présager la bande-annonce, dans laquelle on voit l'essentiel d'une des plus belles scènes, autour de l'utilisation d'internet. Ce comique de situation intervient très vite, dès la séquence à Pôle Emploi, qui confronte Stéphanie (Alexandra Lamy) à un conseiller assez peu orthodoxe (Patrick Bosso, très bien).
La suite met en scène le choc des caractères entre la fille, architecte branchée, et la mère, une travailleuse manuelle qui a bien les pieds sur terre. J'ai aussi beaucoup apprécié la relation des petits tracas de la vie quotidienne, avec notamment l'histoire du chauffage.
Le moment-clé est un repas de famille, qui doit être l'occasion pour la mère de clarifier sa situation par rapports à ses enfants. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu. Les retrouvailles vont même tourner à la foire d'empoigne.
Il s'agit donc d'une comédie populaire, un poil surjouée, mais dynamique, avec des rebondissements et de nombreux moments cocasses. On s'achemine tout doucement vers une fin assez prévisible, mais pas bâclée.
23:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 09 juin 2016
Money Monster
Le titre déjà est ambigu : s'applique-t-il au personnage principal, le présentateur égocentrique Lee Gates (brillamment incarné par George Clooney, en pleine forme), ou bien dénonce-t-il ce monstre qu'est l'argent, qui corrompt tout ? Cela donne une idée de l'ensemble de l'histoire, qui oscille entre les aventures de Gates (gloire et décadence...) et un propos plus politique, sous-jacent, instillé avec une certaine subtilité par Jodie Foster.
Cela tient la route d'abord grâce à l'abattage des acteurs. George Clooney forme un duo dynamique et attendrissant avec Julia Roberts, qui interprète Patty Fenn, la productrice de l'émission, véritable chef d'orchestre du programme, qui oeuvre en coulisses. Pour moi, l'actrice est rayonnante dans ce rôle somme toute assez sobre. C'est une version plus "commerciale" de Mary Mapes, que l'on a récemment vue sous les traits de Cate Blanchett dans Truth.
Derrière ces deux "pointures", les autres se débrouillent très bien. Jack O'Connell, que l'on a déjà vu dans 300 - La Naissance d'un empire et surtout Invincible, tient la dragée haute à Clooney. Dans les seconds rôles, on peut reconnaître plusieurs acteurs de séries télévisées. Tout ce petit monde s'agite à la perfection sous la houlette de la réalisatrice, qui a dû jongler avec deux types de caméra (de cinéma et de télévision), ce qui a contraint à jouer de nombreuses scènes deux fois... et je ne vous raconte pas le travail de montage ! On notera le soin porté à la création de l'émission télévisée, nourrie d'animations visuelles. Cela donne un ensemble rythmé, trépidant même.
Sur le fond, le jugement de Jodie Foster est assez désabusé. La télévision est devenue le règne du vulgaire. Dans l'histoire, c'est la productrice Patty qui est la plus lucide : le divertissement et la course à l'audience ont pris le dessus sur le fond. Les téléspectateurs sont crédules et très dépendants de leurs gadgets numériques. On pense évidemment aux pigeons qui ont suivi les conseils d'investissement du héros Lee. Mais, dès que la prise d'otages démarre, comme les événements se déroulent en direct, cela devient une émission de télé-réalité trash, qui capte l'attention (la nôtre aussi, d'ailleurs). Et, sans tout dévoiler, on peut dire qu'à la fin, malgré le drame, tout redevient (presque) comme avant. Personne (ou presque) ne semble en avoir retenu de leçon.
C'est quand même un film très américain. Dans un premier temps, la vedette sombre dans le ridicule : Clooney n'a pas hésité à incarner un personnage falot, dont les travers vont surgir à l'écran. Mais, dans un deuxième temps, le présentateur va reprendre la main (je vous laisse découvrir comment) et endosser le costume du redresseur de tort, aidé en cela par la productrice. C'est une manière de dire que l'on peut contourner le système ou du moins, ponctuellement, l'utiliser pour une juste cause. C'est peut-être pour cette raison que Jodie Foster a accepté, pour promouvoir son film, de se rendre dans une émission racoleuse (mais à forte audience), dans laquelle on la voit participer à un jeu particulièrement ridicule...
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mardi, 07 juin 2016
Elle
Isabelle Huppert incarne une chef d'entreprise autoritaire, maîtresse femme qui ne s'en laisse compter par personne... jusqu'au jour où elle est victime d'un viol, chez elle, par un homme déguisé (et masqué). Le film nous fait d'ailleurs "revivre" la scène de plusieurs manières, comme cela arrive couramment aux victimes. Sauf que celle-ci va chercher à se venger.
Quand on a écrit cela, on a tout dit et on n'a rien dit. Cette histoire malsaine (dont l'ambiance n'est pas très éloignée de l'univers de Michael Haneke) est un portrait de la "haute" bourgeoisie d'aujourd'hui, une enquête policière façon Cluedo et une analyse du refoulé, chez les femmes et chez les hommes.
Comme la très grande majorité des victimes, Michèle (I. Huppert géniale) a été abusée par quelqu'un qu'elle connaît... mais qui ? L'intrigue nous propose ainsi une galerie de suspects, qu'on peut résumer à sept hommes. Deux d'entre eux travaillent dans l'entreprise de l'héroïne. L'un est effacé, amoureux de sa patronne... mais il cache pas mal de choses. L'autre est un type orgueilleux, buté, souvent en conflit avec Michèle, avec une tension sexuelle sous-jacente.
Un troisième suspect fréquente les mêmes lieux : l'époux de la meilleure amie (et collègue) de l'héroïne, qui est aussi l'amant de Michèle. Dans le rôle, Christian Berkel (qu'on a pu voir récemment en Otto Preminger dans Dalton Trumbo) est excellent... et un peu inquiétant : il est jaloux de ces hommes plus jeunes qui côtoient sa maîtresse, celle-ci semblant de plus en plus lui échapper.
L'autre homme de la vie de Michèle est Richard, son ex-mari (Charles Berling, très bien). De prime abord, celui-ci ne paraît pas très dangereux. Mais, soudain, on apprend qu'il a noué une relation avec une femme plus jeune, en prenant soin de le cacher à son ex... que pourtant il surveille. Le gentil toutou s'est-il mué en prédateur ?
On se pose la même question à propos du fils de l'héroïne, un jeune homme mal dégrossi, sans doute écrasé par la personnalité de sa mère, et qui se fait pigeonner par une greluche sans scrupule. Cependant, au détour d'une scène, on s'aperçoit que le mouton peut se transformer en dragon, sous l'effet de colères aussi subites qu'incompréhensibles. On le voit même prêt à s'en prendre à sa propre mère. Quand on découvre qui est son grand-père et ce qu'il a fait, on se dit qu'il y a là peut-être une forme d'atavisme.
Un autre suspect est le voisin d'en face (Laurent Lafitte, ambigu à souhait). C'est un trader, marié à une catholique fervente (Virginie Efira, surprenante dans ce rôle à contre-emploi)... qui ne le satisfait pas totalement, semble-t-il.
Un dernier jeune homme athlétique complète la liste : Ralf, le gigolo de la mère de Michèle (Judith Magre, épouvantablement liftée), qui avoue avoir du plaisir à "baiser" la femme de l'homme qui a commis tant d'horreurs. N'a-t-il pas été tenté de faire de même avec la fille de celui-ci ? (C'est Raphaël Lenglet qui prête sa présence virile à ce personnage. Depuis quelques années, on le voit sur France 2, dans la série Candice Renoir, où il incarne le collègue ombrageux -et désormais amant- de la fantasque enquêtrice.)
C'est le grand impensé de l'histoire : les crimes commis par le père de l'héroïne, des années auparavant, alors qu'elle était enfant. Elle en a été en partie témoin, mais on n'a jamais su jusqu'où la folie de son père l'avait entraînée.
L'histoire ne s'arrête pas à la découverte de l'identité du coupable. Il reste à connaître ses motivations profondes. De plus, on ne sait pas trop ce que Michèle veut faire de lui. Entre la fille du psychopathe et le violeur récidiviste s'engage un drôle de jeu, qui menace de dégénérer...
Cela donne une intrigue à tiroirs, que Verhoeven referme parfois sans les avoir complètement explorés. Si certains dialogues sont un peu trop littéraires, les acteurs sont formidables et on passe un très bon moment.
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dimanche, 05 juin 2016
Dégradé
Le titre est à double sens : c'est une allusion à la fois au salon de coiffure où se déroule l'essentiel de l'histoire et à ce qui se passe dehors, à la situation de la bande de Gaza, plus particulièrement à ce que vivent les femmes, pendant que les hommes font joujou avec leurs armes.
Cette coproduction franco-palestino-qatarie aurait pu s'appeler Le Lion de Gaza, vu que c'est un gros félidé qui est à l'origine de ce qui va se passer dans le quartier. C'est d'ailleurs inspiré d'une histoire vraie, qui s'est déroulée en 2007, au centre de laquelle se trouvait la lionne Sabrina.
Mais l'animal n'est ici qu'un prétexte et n'apparaît que rarement à l'écran. Le rapprochement avec Le Cochon de Gaza ne serait donc pas pertinent. Cette lionne apathique évoque à la fois la sous-nutrition dont souffrent les animaux des zoos palestiniens (comme on a déjà pu le voir dans Girafada) et la condition des Gazaouis (et notamment des femmes), dominés par un pouvoir qu'on n'ose pas qualifier de totalitaire... mais on aurait bien envie. Ce pouvoir est celui du Hamas. Voilà pourquoi ce film est censuré à Gaza. (Il a de plus été tourné en Jordanie.) Dans le dossier de presse téléchargeable sur le site du distributeur (Le Pacte), on découvre tous les petits tracas qu'ont subis les réalisateurs quand ils vivaient là-bas.
L'occupant israélien n'est pas exonéré de toute responsabilité pour autant. On lui doit, entre autres, les coupures d'électricité et la pénurie de carburant. Mais le grand mérite de Dégradé est de donner une vision de l'intérieur de ce morceau de Palestine coincé entre l’Égypte et Israël.
C'est un huis clos parfois étouffant, dans lequel treize femmes d'âges, de conditions sociales et d'opinions différents se retrouvent coincées dans ce salon de coiffure, qui fait aussi office de centre de soins du corps. (Au début, quand il est question d'épilation, une allusion est faite au film libanais Caramel.) Cela nous vaut une belle galerie de portraits, que les auteurs affinent au fur et à mesure que l'histoire avance. L'espace étriqué est très bien utilisé, en particulier les miroirs, qui permettent de placer sur un même plan des personnes situées à des endroits différents du salon. La réalisation témoigne d'un incontestable savoir-faire.
La première surprise est de constater que la patronne est russe. Au vu du physique de sa fille, on peut présumer qu'elle a épousé un Palestinien, qu'on entrevoit à peine dans le film. Cette coiffeuse est une forte tête, qui sait gérer sa boutique et, en même temps, fait preuve de beaucoup de compréhension vis-à-vis de son employée, une jolie jeune femme assez immature et entichée d'un mafieux qui ne la traite pas bien. C'est là que le film touche à l'universel : on a tous déjà rencontré ce genre de personne, qui, pour une raison incompréhensible, persiste à s'attacher à un mec qui la bafoue.
Deux des clientes sont déjà "en mains", la future mariée et la bourgeoise, celle-ci incarnée par l'Israélienne Hiam Abbas, la réalisatrice d'Héritage, vue récemment dans Exodus. Pour ces deux clientes, la séance va devenir cauchemardesque, puisqu'elles vont passer plusieurs heures sur le siège sans que le travail soit terminé, tant il va être interrompu par des événements divers et variés. On en fait d'ailleurs un peu trop au niveau de ces incidents, qui se succèdent de manière parfois invraisemblable. Il semble que les auteurs aient eu du mal à tenir la distance. (Notons que film est cependant assez bref, puisqu'il dure environ 1h25.)
Les autres clientes sont un portrait de la société palestinienne. On a la jeune femme enceinte, qui sent que, dès qu'elle sera mère, elle va se retrouver cloîtrée au foyer. Elle est accompagnée de sa sœur, pas encore mariée et qui hésite à franchir le pas. Trois autres femmes accompagnent la future épousée (celle qui occupe l'un des deux fauteuils) : sa (bientôt) belle-mère (plutôt hostile), la fille de celle-ci (pas mariée et qui s'en porte très bien) et sa propre mère (asthmatique).
Trois autres clientes attentent, assises sur le même canapé. On comprend que deux d'entre elles, pourtant très différentes à tout point de vue, se connaissent déjà. La première est la grande gueule du groupe, accrochée à ses sucettes (agrémentées d'une substance illicite...). Sa voisine est une croyante rigoriste, qui va être source de gags dans la suite de l'histoire... mais dont les auteurs ont pris soin de nuancer le portrait. Enfin, une divorcée complète le groupe. Elle va peu s'exprimer, mais on comprend que sa situation est un soulagement, par rapport à ce qu'elle a connu auparavant.
Tout cela forme une cocotte-minute qui, sous l'effet des événements extérieurs, va plus ou moins exploser. Confinées dans cet espace, ces femmes que parfois tout sépare vont apprendre à patienter ensemble. La conclusion vient là encore de l'extérieur, mais je laisse à chacun le soin de la découvrir.
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samedi, 04 juin 2016
Dalton Trumbo
Ce long-métrage rend hommage à l'écrivain-scénariste américain et plus particulièrement à son combat contre l'hystérie anticommuniste qui a saisi les États-Unis dans les années 1940-1950. A priori, il n'avait rien d'un héros. Ayant connu le succès assez jeune, il menait une vie bourgeoise, avec son épouse (au foyer, dévouée à la carrière de son mari) et ses trois enfants, la fille aînée étant particulièrement proche de son père.
Tout change avec les débuts de la Guerre Froide. Une partie de la population croit voir des espions bolcheviques partout. Le monde du cinéma est particulièrement visé, compte tenu de l'influence qu'on prête à ce média. C'est l'occasion de découvrir une galerie de personnages très bien campés. Se détache Bryan Cranston, qui EST Dalton Trumbo (et qui, tout autant que Leonardo DiCaprio, aurait mérité de recevoir l'oscar du meilleur acteur). Face à lui se dresse une ancienne actrice, devenue échotière du petit monde hollywoodien, véritable pasionaria anticommuniste... voire antisémite. Dans le rôle, Helen Mirren est excellente.
Le sous-texte du scénario tente de démontrer que l'Amérique, terre de liberté, a failli basculer dans la dictature. Les hérauts de l'anticommunisme s'en sont pris à ceux qui avaient la réputation d'être "de gauche" : communistes, progressistes et même certains démocrates. Les comédiens qui incarnent les bourreaux et les victimes sont très crédibles. Au passage, le film égratigne quelques gloires républicaines, au premier rang desquelles John Wayne, l'acteur-vedette des patriotes... qui n'a jamais porté l'uniforme de sa vie. Les spectateurs attentifs apercevront, au détour d'un plan, deux futurs présidents des États-Unis, Ronald Reagan, très actif à Hollywood contre les "commies", et Richard Nixon, qui fut proche de Joseph McCarthy, avant de devenir le colistier de Dwight Eisenhower, élu président en 1952.
La deuxième partie de l'histoire nous fait suivre deux fils rouges : la procédure judiciaire, qui va mener certains protagonistes en prison et qui pourrait aller jusqu'à la Cour suprême, et la tactique de contournement du système suivie par Dalton Trumbo et ses alliés : puisqu'il ne peut plus travailler sous son nom pour Hollywood, il va devenir un nègre protéiforme, fournissant des scenarii clés en main aussi bien à un producteur de nanars (John Goodman... j'adore !) qu'à de prestigieux réalisateurs. Pour ce faire, il va mettre au service de sa cause la famille entière, les enfants se prêtant en général d'assez bonne volonté au jeu du coursier ou du standardiste téléphonique.
Qui plus est, la mise en scène n'est pas dégueulasse. Jay Roach (le réalisateur) semble avoir fait des progrès depuis les Austin Powers et Mon Beau-père et moi, des comédies efficaces mais qui reposaient surtout sur le scénario et le jeu des acteurs. J'ai particulièrement aimé les scènes de salle de bain, un endroit où Trumbo aimait travailler en paix, tout en faisant trempette. Plus classiques sont les moments qui le montrent devant la machine à écrire, cigarette au bec, un verre d'alcool à proximité... et des cachets dans le tiroir. J'ai aussi en mémoire une scène se déroulant dans un cinéma, plus précisément l'instant où une partie du générique se reflète dans le verre des lunettes de Dalton Trumbo. Très habile !
Intelligemment, le film place en parallèle de la lutte menée par Trumbo l'évolution des membres de sa famille. On se rend compte que le grand homme n'aurait pas été grand chose sans le dévouement de son épouse, une mère au foyer qui, de nos jours, serait sans doute une cadre dynamique. Mais c'est avec la fille ainée (celle qui pourtant s'identifie le plus au père) que le conflit va éclater. L'ancienne enfant chérie est devenue une adolescente au caractère affirmé. Elle veut sortir le soir et s'investit dans la défense des droits des Noirs. Trumbo va devoir résoudre aussi ce conflit de générations.
Fort heureusement, les aspects sombres de l'histoire sont contrebalancés par des moments de comédie. Les anecdotes sur la vie du petit monde hollywoodien (ses fiertés mal placées, ses petites bassesses...) ne manquent pas de saveur. Mais c'est principalement la "conspiration du scénario" qui est source de gags.
On (re)découvre ainsi que certains acteurs et réalisateurs n'ont pas baissé leur froc devant les fanatiques de l'anticommunisme. Si le film évoque brièvement Lauren Bacall et Humphrey Bogart, il s'attarde davantage sur les interventions de Kirk Douglas et Otto Preminger, remarquablement interprétés par Dean O'Gorman (vu dans Le Hobbit) et Christian Berkel. La réalisateur installe une sorte de connivence entre la famille Trumbo et les spectateurs, si bien qu'on se réjouit avec eux des récompenses gagnés par le scénariste, sans que son nom ne figure au générique des œuvres primées.
J'aurais quand même quelques réticences à formuler. Si techniquement, le film est irréprochable, sur le fond, il n'est pas totalement objectif. A l'écran ne sont montrés que des éléments (politiques) favorables aux scénaristes mis en cause à l'époque. Leurs seules faiblesses sont de l'ordre du privé. De plus, au niveau du contexte, il aurait été judicieux de préciser que la Commission des activités antiaméricaines avait été fondée avant la Seconde guerre mondiale et pas pour traquer les communistes, mais les nazis. Si les poursuites engagées contre les scénaristes d'Hollywood étaient scandaleuses, l'espionnage soviétique aux États-Unis n'en était pas moins réel... et l'URSS pouvait difficilement passer pour un havre de liberté, sans que cela scandalise les communistes américains.
15:19 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
vendredi, 03 juin 2016
Ils sont partout
... les juifs... ou les antisémites ? C'est la question que fait semblant de se poser Yvan Attal dans cette autofiction agrémentée de sketches, dans lesquels on croise une brochette d'excellents acteurs, connus ou pas, juifs ou pas.
Le déclic est une scène qui sent le vécu : l'acteur Attal est abordé à la sortie d'un théâtre par ce qui semble être un fan un peu lourd, incarné à la perfection par François Bureloup, un habitué des seconds rôles "hauts en couleur" que l'on a notamment remarqué dans la série Cherif.
Commence alors une suite de séances de psychanalyse (pas les meilleurs moments du film), régulièrement interrompues par des séquences introduites par des cartons. Les phrases qui apparaissent alors à l'écran évoquent les clichés antisémites qui circulent encore abondamment aujourd'hui.
Le premier interlude met en scène un couple de la politique française, membre d'un important parti nationaliste. Benoît Poelvoorde (formidable) incarne le mari fidèle, qui vit un peu dans l'ombre de sa médiatique épouse (Valérie Bonneton, plutôt bien) qui, sous des dehors affables, cache une ambition sans bornes et une capacité à haïr peu commune. C'est évidemment un décalque du couple formé par Louis Aliot et Marine Le Pen. Dans le film, la dirigeante nationaliste a succédé à un père encombrant. De surcroît, la première scène nous montre le couple en plein bal autrichien, où fourmillent les anciens nazis... et leurs admirateurs. C'est une allusion à la participation de la présidente du FN à un bal antisémite, en 2012.
L'intrigue bascule lorsque l'époux de la dirigeante découvre qu'il a une grand-mère juive... une "tache" a priori rédhibitoire sur le CV d'un élu d'extrême-droite... mais qu'il va essayer de retourner à son avantage. Yvan Attal s'appuie sur l'excellente prestation de Poelvoorde (bien épaulé par les seconds rôles) pour verser dans la satire politique. (Signalons au passage que, dans la réalité, l'un des grands-pères de Louis Aliot est juif.) On ne s'étonnera donc que la "fachosphère" se soit déchaînée contre le film et que le site Allociné se soit rapidement rempli de critiques aussi négatives que vides de sens.
Le deuxième interlude met en scène des juifs pauvres de la banlieue parisienne, une réalité sociologique que l'on a un peu oubliée dans notre pays. Dany Boon est très bon en gentil gars pas très débrouillard. Mais la véritable attraction de cet épisode est Charlotte Gainsbourg, qui interprète avec conviction une garce de chez garce ! Les nostalgiques du petit écran retrouveront avec émotion Robert Castel et Marthe Villalonga, touchants en parents de la "vieille école", attachés à certaines traditions. Cet épisode a un réel potentiel comique, gâché toutefois par l'approximation du jeu de certaines scènes. Il aurait fallu remettre le couvert de temps à autre.
Mais la plus déjantée des historiettes est sans conteste celle qui voit Gilles Lellouche incarner un super-agent du Mossad... envoyé dans le passé pour tuer l'enfant Jésus avant qu'il ne se fasse connaître. C'est totalement invraisemblable, avec ces populations (juives comme romaines) qui parlent toutes français... et la direction du Mossad, capable de suivre en direct des événements qui se passent dans le passé ! Mais c'est vraiment tordant, avec un Lellouche totalement investi dans son rôle et de belles idées de scénario.
L'un des intermèdes est consacré aux théories du complot. On y voit des journalistes interroger des passants sur l'existence d'un complot juif. C'est très bon parce que cela joue sur les clichés et les préjugés... y compris (et surtout) ceux des journalistes.
On passe ensuite à l'évocation de la Shoah, à travers la plus émouvante des séquences. Et pourtant, au départ, on se dit que cela risque d'être malsain. L'action se déroule à Drancy. Un bénévole dans une maison de retraite (François Damiens, au top) en a marre du tourisme mémoriel dont sa commune est l'objet, et surtout des cérémonies bruyantes qui se déroulent régulièrement sous ses fenêtres. L'intrigue gagne en épaisseur quand on nous montre le quotidien des victimes de la maladie d'Alzheimer. Cela culmine dans une scène d'anthologie, centrée sur un très vieil homme, à la mémoire défaillante, mais dont certains souvenirs vont subitement ressurgir. Dans le rôle, Popeck est extraordinaire.
Après ce passage un peu éprouvant, on avait bien besoin de fantaisie. Elle prend la forme d'une manifestation de roux (qui se sentent horriblement discriminés), auxquels succède un président de la République aux abois (Patrick Braoudé très bon... et très "hollandien"). Celui-ci va organiser un référendum sur un sujet totalement improbable... que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. Yvan Attal en rajoute un peu trop face à la caméra. C'est dommage, parce que son film mérite vraiment le détour. S'il n'a pas le talent de Woody Allen, le réalisateur a néanmoins réussi à mettre en scène quelques jolis moments de bravoure, servis par des comédiens brillants et posant de bonnes questions, du genre de celles qui dérangent une presse un peu trop conformiste.
18:13 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
jeudi, 02 juin 2016
L'euro de l'Euro
Voici une pièce de deux euros, qui a atterri aujourd'hui dans mon porte-monnaie, à l'occasion de mon passage chez un marchand de journaux ruthénois :
Il s'agit d'une toute nouvelle pièce commémorative, frappée par la Monnaie de Paris en hommage à l'organisation du championnat d'Europe de football, dont on va nous bassiner (au moins) jusqu'au dix juillet prochain.
La conception de l'avers n'en est pas moins originale. Cette face s'articule autour d'une figure centrale, le territoire de la France métropolitaine légèrement schématisé, pas toutefois au point d'être simplifié en hexagone. Nos amis corses noteront l'absence de l'Ile de Beauté... sans doute pour une question de mise en page.
L'intérieur de la carte est occupé par une coupe... évidemment pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit du Trophée Henri Delaunay. Sa base est entourée des mêmes poinçons que ceux figurant sur la pièce monégasque que j'ai trouvée l'an dernier.
Tout autour de la carte sont gravés des éléments rappelant le sport qui occupe tant de place sur les petits écrans nationaux. Je dois reconnaître que l'ensemble ne manque pas de style.
16:37 Publié dans Economie, Société, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, économie, europe, union europénne, france