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dimanche, 31 octobre 2021

The French Dispatch

   Le directeur du supplément hebdomadaire (rédigé en France) d'un quotidien du Kansas décède à la veille de la parution du dernier numéro du magazine, qui va se transformer en hommage. Quatre principaux "papiers" sont mis en exergue. Chacun évoque un pan de la société française de la Ve République, mais aussi les petites et grandes faiblesses de la nature humaine, universelle.

   Trois ans après l'excellent L'Île aux chiens, Wes Anderson est de retour, avec une partie de ses acteurs habituels et quelques nouvelles têtes. La richesse de la distribution est impressionnante, en particulier pour les spectateurs français, qui peuvent s'amuser à rechercher, au détour d'une scène, outre les vedettes anglo-saxonnes, quelques visages connus chez nous.

   La première histoire nous fait suivre les déambulations citadines d'un drôle de cycliste américain (Owen Wilson). Si certains quartiers de la ville d'Angoulême ont servi de modèle, à la vision de la séquence, il semble évident qu'il s'agit plutôt de Paris, mais un Paris en partie disparu ou fantasmé, un Paris de Province. On est au début de la Ve République, en pleine Guerre d'Algérie, avec des 2 CV dans la rue et des Français qui fument, non pas des Gauloises, mais des... Gaullistes ! C'est réalisé avec brio... et ironie. Une bonne entrée en matière.

   La deuxième histoire est pour moi la plus brillante, la plus virtuose au niveau de la mise en scène (toujours aussi géométrique) et la plus emballante au niveau de la caractérisation des personnages. Deux sortent du lot, formant un duo façon "la belle et la bête" : l'assassin-poète (Benicio del Toro, délicieusement animal) et sa muse (Léa Seydoux, vraiment bien... en tout cas meilleure que dans Mourir peut attendre). Comme je n'avais quasiment rien lu ni vu avant de me rendre à la séance, j'ai pu goûter toute la saveur de la première scène avec le peintre et son modèle. Anderson joue avec le regard du spectateur, qui, à partir de la représentation classique d'un peintre bougon et d'une superbe modèle, nous fait imaginer quelque chose qui n'est pas la réalité. Le rapport dominant/dominé est ici assez subtil, surtout quand on découvre quel est le véritable métier de la "muse" ! C'est au détour de cette séquence que l'on croise Adrien Brody, épatant en marchand d'art peu scrupuleux.

   La troisième histoire, pour intéressante qu'elle soit, constitue une petite descente en qualité. On nous conte les débuts du mouvement étudiant de Mai 68, sur le mode d'une chronique mêlant réalisme poétique et folie douce à la Anderson. C'est l'occasion de retrouver la fabuleuse Frances McDomand (qu'on a pu apprécier cet été dans Nomadland). Trois éléments font la saveur de cette séquence : la relation inattendue entre la journaliste et le jeune étudiant (Timothée Chalamet, potable), les questionnements de celle-ci concernant sa déontologie et la peinture ironique de la révolte estudiantine.

   La quatrième histoire est plus macabre. C'est celle qui compte le plus de morts et elle met en scène des pulsions malsaines, auxquelles s'oppose l'amour de la cuisine bien faite. En théorie, l'article qui sert de support à cette intrigue doit mettre en valeur un chef japonais. Mais c'est l'enlèvement du fils du commissaire (celui-ci incarné par Mathieu Amalric, qu'on a connu plus mauvais) qui sert de fil rouge à l'histoire. Elle nous est racontée par un journaliste noir homosexuel, invité d'un talk-show américain... présenté par l'excellent Liev Schreiber. Ce n'est pas la meilleure histoire du lot, mais elle est assez originale, d'autant qu'elle est en partie réalisée sous forme de film d'animation.

   Voilà. Le ton et la mise en scène ont (comme d'habitude) de quoi dérouter les spectateurs. J'ai beaucoup aimé (en version originale sous-titrée)... et j'ai assez envie d'y retourner, pour me (re)plonger dans les détails des plans méticuleusement construits.

11:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 29 octobre 2021

Barbaque

   Pour bien comprendre sur quel registre s'est placé Fabrice Éboué dans son dernier film, il faut se dire que l'ambiance se situe quelque part entre Delicatessen (de Caro et Jeunet) et Les Tontons flingueurs. Seulement, ici, ce sont les végans que le héros envisage d'éparpiller, « façon puzzle ».

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   Fabrice Éboué n'a laissé à personne d'autre que lui le soin d'incarner ce boucher artisanal, amoureux de son métier, mais manquant de charisme. Les spectateurs attentifs remarqueront qu'il s'est fait une tête à la Jean-Pierre Darroussin.

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   Sa compagne (qui tient la caisse de la boucherie) est interprétée par une Marina Foïs vraiment flippante, encore plus que dans Irréprochable. Épouse frustrée, elle s'est découvert une passion pour les tueurs en série, dont elle suit les exploits à la télévision, ne ratant aucun épisode d'une émission présentée par l'inénarrable Christophe Hondelatte.

   Le plus drôle (!) est que notre couple de bouchers devient tueur presque par hasard. Mais c'est qu'ils vont y prendre goût... d'autant que la nouvelle viande (succulente) qu'ils se mettent à proposer à leur clientèle (sous l'appellation "porc d'Iran" !) obtient un succès considérable. Voilà qui renfloue les caisses de la boucherie... tout en débarrassant ces nouveaux Bonnie & Clyde de gêneurs horripilants.

   Cela nous mène au portrait qui est fait des militants végans. Il est plus nuancé que ce qui pourrait sembler au premier abord. Même le personnage du gendre, véritable tête-à-claques (belle composition de Victor Meutelet), a sa chance. Du côté des bouchers, on oppose le "bon artisan" à l'horrible industriel qui, non seulement s'enrichit en vendant de la merde, mais est en plus un gros con raciste. À ce sujet, Éboué s'autorise quelques saillies au niveau des dialogues, saillies qui seraient sans doute moins bien passées si le réalisateur avait été blanc. De manière générale, j'ai trouvé les dialogues bien écrits. L'humour ne vise pas le plus haut raffinement, mais il est efficace.

   Sans surprise, l'étude de caractères la plus poussée est celle des personnages principaux. D'un côté ce sont les héros auxquels (si l'on n'est pas végan) on est tenté de s'identifier. D'un autre côté, cela va tellement loin que l'on est obligé de prendre du recul vis-à-vis d'eux. On comprend que leur fuite en avant est aussi une manière de redonner vie à leur couple.

   La violence physique (avec un aspect gore) est présente presque dès le début... mais disparaît assez vite. On nous fait mariner pendant plusieurs quarts d'heure avant de nous gratifier de nouvelles giclées de sang à visée charcutière. (Les amateurs de musique classique apprécieront le contraste entre l'arrière-plan sonore et ce qui est montré à l'écran.) Ce devient même tarantinesque, en particulier dans l'avant-dernière séquence (à la boucherie), qui contient une scène d'anthologie se déroulant dans la chambre froide... à déguster sans modération !

mercredi, 27 octobre 2021

McDonald & Dodds

   France 3 continue à nous gâter le dimanche soir. Après nous avoir proposé la quatorzième saison des Enquêtes de Murdoch, la chaîne publique a décidé de nous faire découvrir une nouvelle série britannique.

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   Deux policiers aux tempéraments très différents sont amenés à travailler ensemble, à Bath, dans le sud-ouest de l'Angleterre.

   À gauche ci-dessus se trouve le lieutenant Dodds (Jason Watkins, un visage familier aux téléspectateurs d'outre-Manche). C'est un vétéran de la police locale, placardisé depuis une dizaine d'années. On le méprise parfois, le sous-estime souvent. Il est pourtant méticuleux et compétent.

   À droite se trouve la capitaine Lauren McDonald (Tala Gouveia, inconnue au bataillon). D'origine modeste, elle s'est élevée à la force du poignet, se faisant remarquer par ses qualités dans la police de Londres. Son arrivée à Bath n'est au départ qu'une étape (censée être brève), dans une carrière qu'elle espère mener au plus haut niveau.

   Entre l'éruptive capitaine et le mollasson lieutenant, l'alchimie met du temps à fonctionner. Dans le premier épisode (diffusé dimanche 24 octobre), on assiste à leur rencontre et aux débuts chaotiques de leur collaboration. Les deux officiers de police finissent par comprendre qu'ils ont intérêt à s'entendre : ce sont deux outsiders (la femme noire qui ne s'en laisse pas compter et le vieil homme blanc intello coincé), animés par une identique volonté de traquer les criminels, même si elle s'exprime de façon différente.

   Dans cet épisode fondateur, ils ont fort à faire : l'assassin est particulièrement retors. Ils vont avoir besoin de toute leur ingéniosité et d'un peu de chance pour en venir à bout, un peu à la manière de Colombo (qui semble avoir inspiré le personnage de Dodds).

   La musique est légère, les dialogues (à savourer in English, of course) piquants. Je me suis régalé.

mardi, 26 octobre 2021

Enfer blanc

   France 2 a commencé la diffusion de cette mini-série scandinave (comptant huit épisodes au total). Sur le site de France Télévisions, on n'a le plus souvent accès qu'à la version doublée en français. Sur ma Livebox, je peux regarder tous les épisodes en version originale sous-titrée, une version polyglotte puisqu'on y entend parler anglais, danois, suédois, russe et groenlandais.

   Le premier épisode plante le décor. On suit une ministre suédoise, qui a rendez-vous au Groenland pour des négociations devant déboucher sur la signature d'un nouveau traité entre les nations arctiques. Sa venue doit débuter par la visite du navire d'une compagnie pétrolière, dont les dirigeants tentent d'influencer la ministre, de sensibilité écologiste. Mais elle décide de "sécher" la rencontre à la dernière minute, y envoyant l'un de ses conseillers (qui est le compagnon d'une policière que connaît la ministre). La visite se déroule malgré tout, interrompue par une attaque armée. Tous les occupants du bateau disparaissent. En Suède, la policière, bien qu'enceinte, décide de se rendre sur place pour retrouver son compagnon. Au Groenland, la police locale semble dépassée. De plus, son chef (un type sérieux, un natif) est en pleine crise de couple. Sa supérieure (danoise), à cheval sur le règlement, vient prendre la direction des opérations.

   Le deuxième épisode est plus politique. On nous plonge dans les négociations internationales. Pour conclure un nouveau traité, l'unanimité est requise. Or, il semble que le représentant russe fasse de l'obstruction, plus ou moins ouvertement. Quant à l'équipage du navire pétrolier, il demeure introuvable, le bateau ayant été récupéré vide. La policière suédoise continue à enquêter de son côté, sans s'embarrasser des règles (policières comme diplomatiques). Les enquêteurs finissent par apprendre que l'un des membres de l'équipage a été payé pour laisser sa place. Le chef de la police locale le connaît : c'est un compagnon de beuverie de son épouse.

   Le mystère semble s'éclaircir un peu dans le troisième épisode. La clé de l'énigme est un gigantesque gisement d'hydrocarbures, qui aurait été découvert au large des côtes groenlandaises, dans une zone jusqu'à présent inexploitée. Mais qui est au courant et qui a planifié l'enlèvement de l'équipage ? Les spectateurs voient enfin ce qu'est devenu celui-ci. D'autres otages l'ont rejoint. Pour certains personnages, cela devient de plus en plus risqué.

   C'est prenant. L'intrigue est en prise avec les questionnements contemporains : le changement climatique, les coups bas diplomatiques, les relations post-coloniales et la place des femmes dans la société. C'est mis en scène avec une certaine subtilité. C'est surtout bien joué et superbement filmé : les plans extérieurs sont à couper le souffle. La musique est entraînante, sans être trop présente.

   Je recommande vivement et je suis impatient de voir la suite. (Les épisodes restent en ligne jusqu'en décembre prochain.)

lundi, 25 octobre 2021

La bite d'Apollon

   Il n'est pas facile d'être un vieux pêcheur célibataire dans la bande de Gaza. Il faut jongler entre la dictature du Hamas, le regard inquisiteur des voisins (souvent bigots) et les interdictions israéliennes. Tel est le défi qui se présente à Issa, farouchement attaché à son indépendance, mais qui se verrait bien finir ses jours en compagnie d'une charmante veuve, couturière de son état. Salim Daw et Hiam Abbas incarnent avec un plaisir évident ces deux figures au caractère bien trempé.

   La première partie de Gaza mon amour pose ces principes, tout en présentant quelques personnages secondaires : la fille occidentalisée de Siham, des miliciens plus intéressés par les films de guerre que par leur travail et un jeune commerçant (ami d'Issa) qui ne songe qu'à émigrer.

   Un soir, le pêcheur remonte une drôle de cargaison dans ses filets : une statue d'un dieu antique, priapique de surcroît. (L'histoire s'inspire de celle dite de l'Apollon de Gaza.) Dans un premier temps, Issa décide de garder la statue pour lui. Peut-être parce qu'elle est belle. Peut-être aussi en songeant à la récompense qu'il pourrait toucher. Mais c'est le début de ses ennuis avec la police gazaouie, qui a des espions partout. La deuxième partie met en scène les relations tumultueuses du héros avec les forces de l'ordre du Hamas, des culs-bénits avides de faire respecter leur version de l'islamiquement correct... mais qui songent eux aussi au profit que pourrait leur rapporter cette statue. Ces événements perturbent les travaux d'approche d'Issa, qui songe à demander la couturière en mariage. Dans le même temps, sa sœur se désespère qu'il ne choisisse pas un meilleur parti. Le vaudeville n'est pas loin.

   La troisième partie est celle des dénouements : celui de la tentative d'émigration, celui de l'histoire d'amour et celui du périple de la statue (dont il manque un morceau crucial, détaché dans des circonstances que je m'interdis de révéler ici).

   Les réalisateurs, les frères Arab et Tarzan Nasser (auteurs de Dégradé), ont visiblement l'esprit facétieux. Mine de rien, ce petit film est une satire bien troussée du régime dictatorial en place à Gaza, l'obsession phallique des autorités ne se limitant pas à la statue antique : l'admiration éprouvée par les hommes à l'arrivée d'une nouvelle grosse roquette en dit plus qu'une étude psychanalytique...

   P.S.

   Cette coproduction franco-germano-jordano-qatarie essaie de jouer sur tous les tableaux. D'un côté, c'est d'abord un film de festival, destiné au public international... d'où le fait que le Hamas soit égratigné. De l'autre côté, on y perçoit une dénonciation (surtout symbolique) de l'action de l'armée israélienne. Enfin je note que, d'après les sous-titres, l'étendue de la zone de pêche est beaucoup plus restreinte qu'en réalité. Le film l'estime à une bande située à moins de cinq kilomètres des côtes, alors que le gouvernement israélien l'a portée à 15 milles nautiques (environ 28 kilomètres) quand le Hamas a respecté les trêves conclues. Ces dernières années, cette bande a oscillé entre 9 et 12 milles (17-22 kilomètres), soit bien plus que dans le film.

Leur Algérie

   Lina Soualem est la fille de Zinedine (familier des seconds rôles sur petit et grand écrans) et d'Hiam Abbas (qui lui avait d'ailleurs confié un rôle dans son film Héritage). Mais elle est surtout la petite-fille d'Aïcha et Mabrouk (les parents de Zinedine), qui ont décidé de se séparer, après plus de soixante ans de vie commune. Nous sommes dans les années 2010, entre Thiers et Paris, dans une famille issue de l'immigration algérienne. En 1h10, ce modeste documentaire ambitionne de raconter tout cela.

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   Le film retient l'attention en raison de la personnalité des deux grands-parents. Aïcha est volubile, énergique, joyeuse et cache sa gêne sous un rire qui semble inextinguible. Mabrouk est un taiseux, sans doute plus âgé que son ex-épouse et en moins bonne condition physique. Mais il a une "bonne tête" comme on dit et sort parfois des répliques cocasses.

   Il ne faut pas se fier aux premières images, anciennes, qui sont de la vidéo bas-de-gamme. La suite du documentaire est proprement réalisée. La petite-fille a suivi chacun des grands-parents seul, puis les a filmés ensemble ou avec leur fils Zinedine (son père à elle).

   Plusieurs thématiques sont abordées. Il y a d'abord la condition de la femme. La grand-mère s'est dévouée à son foyer et à ses enfants. Une fois la retraite venue, je pense qu'elle en a eu marre de jouer la bonniche du grand-père, même si elle continue à lui donner un coup de main. De surcroît, elle habite un appartement se trouvant dans l'immeuble situé en face de celui où loge son ex !

   Le travail de tout une génération de migrants algériens est ensuite abordé. Mabrouk a eu divers emplois, restant assez longtemps dans la coutellerie, à la grande époque, avant que la mécanisation et la baisse des ventes ne ruinent partiellement le secteur. On notera son recul quant au formidable développement que notre pays a connu depuis les Trente Glorieuses : quand il a immigré, il est arrivé dans un pays qu'il qualifie de "France pauvre". On se dit qu'il serait bon que les générations suivantes, quelle que soit leur origine, aient cela en tête...

   Il est aussi question d'identité algérienne/française. Les parents semblent n'avoir que leur nationalité de naissance, continuant à disposer d'une carte de résident. Ils ne sont guère politisés, quoiqu'un peu plus que lorsqu'ils étaient jeunes. On a l'impression de la Guerre d'Algérie leur est passée par-dessus la tête (comme à nombre de Français de métropole d'ailleurs). Dans ce domaine, leur mémoire est un peu factice, reconstruite à partir de ce qu'ils ont vu, lu et entendu après la guerre. On en a un exemple flagrant quand le grand-père, après avoir raconté (en français) s'être rendu en Algérie pour enterrer successivement tous ses oncles, venus comme lui travailler en France, prétend ensuite (dans une conversation en arabe) qu'ils ont tous été tués par l'armée française pendant la guerre. Entre propos de comptoir et perte de facultés mentales liée à l'âge, on est libre de choisir...

   Cela n'enlève rien aux qualités du film, vraiment attachant.

dimanche, 24 octobre 2021

First Cow

   Il faut attendre très longtemps (pas loin d'une heure) pour que la placide bovidée qui a inspiré le titre de ce film commence à y jouer un rôle. (Sachez que l'animal recruté pour l'incarner se nomme Evie.)

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   En attendant cette apparition réjouissante, il faut se fader la première heure. Mon Dieu, que c'est long ! On a visiblement voulu nous informer des moindres petits soucis qui émaillaient la vie quotidienne des pionniers de l'Oregon (au nord-ouest des États-Unis) au début du XIXe siècle. C'est surligné au stabilo, pas palpitant pour deux sous et de surcroît pas très bien filmé. On dirait presque une œuvre télévisuelle, les scènes obscures étant mal éclairées. Quelle déception de la part de Kelly Reichardt, dont j'avais apprécié La Dernière Piste !

   Le seul éclair de cinéma à retenir dans cette brume vaguement poétique est la rencontre des deux protagonistes de l'histoire, l'Européen Otis Figowitz et le Chinois King-Lu. Entre ces deux-là se noue un compagnonnage qui va nous tenir en haleine pendant le reste de l'intrigue.

   J'ai trouvé la seconde partie mieux mise en scène et plus riche au niveau du scénario. La réalisatrice délaisse un peu le style pseudo-contemplatif sous-malickien. Otis le cuistot, surnommé Cookie, va profiter de la présence de la vache pour se lancer dans une lucrative activité commerciale, en compagnie de son acolyte, qui a moins de scrupules (et plus de bagout) que lui. Leur duo pourrait n'être qu'une nouvelle illustration de success story à l'américaine, mais il est plus que cela. L'association des deux personnages fonctionne à merveille. Ils emménagent dans la même cabane (sans qu'apparemment il y ait le moindre sous-entendu sexuel). Une belle amitié se forme, progressivement.

   L'exercice de leur activité les met en contact avec différentes figures du monde pionnier, campées par des "gueules" d'acteur. C'est bien rendu, parfois drôle... et appétissant, dans les scènes de cuisine. Je regrette toutefois que la réalisatrice n'ait pas vraiment su comment conclure son histoire. Elle semble s'orienter sur une piste qui s'interrompt, avant son dénouement. Dommage.

Storia di vacanze

   Dans un quartier pavillonnaire de la banlieue de Rome, des enfants de classe moyenne (plus ou moins aisée) tentent de conjurer leur mal de vivre durant les vacances d'été. Avec ça, on a (presque) tout dit, mais l'on n'a rien dit.

   La première partie de l'histoire est ironique. Elle brosse le portrait de familles qui, vues de l'extérieur, semblent chacune avoir acquis leur parcelle de bonheur italien. Il y a ce couple dont les deux enfants brillent à l'école. Il y a ce cadre, fier de sa réussite professionnelle (dans les cosmétiques) et de la beauté de sa fille unique. Il y a aussi cette jeune femme enceinte, encore entretenue par ses parents semble-t-il. Il y a enfin ce drôle de duo, constitué d'un père célibataire macho et de son fils emprunté.

   Par moment, j'ai pensé que les réalisateurs (qui ont contribué au scénario de Dogman) tentaient d'adapter Affreux, sales et méchants à la classe moyenne contemporaine. Ainsi, les pères de famille, qui affichent un profil respectable, sont obsédés par les femmes plus jeunes de leur quartier, qu'ils seraient prêts à violer. De son côté, la bimbo enceinte a perdu de sa superbe... mais pas de sa vulgarité, que l'on serait tenté de prendre pour de l'assurance.

   Tout ce vernis craque dans la seconde partie. Les adultes se révèlent plutôt lâches et sans envergure. Ils ne constituent pas des modèles auxquels les jeunes pourraient se raccrocher. Les préadolescents vont donc chercher leur propre voie, pour le meilleur et pour le pire.

   Je ne m'attendais pas du tout à cela. J'étais allé voir le film sans avoir quasiment rien lu dessus, juste pour le plaisir d'entendre parler italien, dans un métrage qui ne soit pas trop long (une rareté ces temps-ci). J'ai beaucoup aimé la partie sarcastique et j'ai pris une petite claque dans la seconde partie, qui prend parfois la forme d'un puzzle. La toute dernière scène nous invite à repenser à ce qu'il s'est passé auparavant. J'ai aussi été marqué par l'une des séquences précédentes, qui montre le réveil des parents dans une maison étrangement calme.

   Même s'il n'est pas parfait, je trouve que c'est un film qui a du style et qui mérite le détour.

18:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Illusions perdues

   Salle archicomble pour cette adaptation d'un des romans majeurs d'Honoré de Balzac. Dans les rangées dominaient les tempes argentées, un petit peu plus féminines que masculines. De mon côté, j'ai eu l'impression d'être entouré d'un escadron de profs de Lettres à la retraite.

   L'intrigue est découpée en trois parties. La première tourne autour de l'amour (plus ou moins) contrarié de Lucien pour Louise. La deuxième narre l'ascension d'un ambitieux. La troisième met en scène un brutal retour à la réalité.

   C'est d'abord la qualité de la distribution qui m'a impressionné. Le film met en valeur deux petits jeunes (Benjamin Voisin et Salomé Dewaels), très bons. Ils sont entourés de comédiens plus confirmés (Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Cécile de France...) tous impeccables. En soutien viennent les "grands anciens" (Jeanne Balibar et Gérard Depardieu), qui ont parfois déçu, mais qui sont remarquables ici. Il faudrait aussi signaler la pléiade de seconds rôles, parmi lesquels je distingue André Macron Marcon, Jean-François Stévenin et Louis-Do de Lencquesaing.

   Après un début un peu poussif, je trouve que le film démarre vraiment quand l'apprenti journaliste-poète rencontre l'éditeur Dauriat dans son antre. La réalisation gagne en envergure et les répliques font mouche. (Le talent de Xavier Giannoli semble mieux s'exprimer dans les scènes "confinées".)

   Sur le fond, le film touche sa cible quand il dénonce les inégalités sociales et la culture de connivence qui règne dans le monde médiatico-culturel parisien. Je ne connais pas tout le sous-texte, mais je pense qu'à certaines occasions, Giannoli règle quelques comptes personnels. Moins subtiles sont les allusions à la vie politique contemporaine : dès qu'il est question de Rothschild, on met dans la bouche d'un personnage une réplique censée être prophétique...

   Le principal défaut du film est de jouer sur le "tous pourris". Au contact du petit monde parisien, même les âmes pures se dégradent. C'est l'amour qui "sauve" (de manière très relative) certains personnages, notamment féminins. On pourra toutefois reprocher au scénario de mettre en avant les individus qui se compromettent et, par exemple, de totalement négliger la presse intègre.

   Les 2h30 passent assez bien, en dépit de quelques longueurs. Si l'on a lu le roman et qu'on en a gardé quelques bribes en mémoire, la troisième partie ne surprend pas... mais cela laisse le temps d'apprécier la mise en scène des deux machinations, ainsi que le jeu des acteurs. J'ajoute que les dialogues sont ciselés. J'ai passé un bon moment.

11:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 23 octobre 2021

Venom 2

   ... le retour, cette fois-ci en version originale sous-titrée (trois personnes dans la salle, moi compris).

   Un soir, un peu énervé par le boulot, j'ai eu envie d'une catharsis anthropophage. Va donc donc pour cette suite, qui commence sur le même registre que le précédent opus.

   On retrouve Eddie Brock (Tom Hardy) en ménage... avec son "invité" extraterrestre (et pas l'avocate, la vilaine, qui l'a largué pour un type chiant, friqué et fiable). Ce début m'a mis de bonne humeur, avec les chamailleries entre le héros et son double surpuissant, dignes d'une scène de ménage.

   En fait, il ne s'agit pas du vrai début, puisque l'histoire a commencé par un retour dans le passé, dans lequel on découvre deux personnages qui vont jouer un rôle clé dans l'intrigue.

   La distribution est alléchante. Tom Hardy et Michelle Williams sont accompagnés de Naomie Harris (aussi à l'affiche de Mourir peut attendre) et Woody Harrelson. Ces deux-là sont en pleine forme et semblent avoir kiffé leur rôle. J'ai toutefois été dérangé par l'horrible coupe de cheveux du Kasady/Harrelson sorti de prison. Il n'y a visiblement pas développé un sens aigu de l'esthétique.

   Pour relancer l'affaire, les scénaristes se sont creusé les méninges... mais pas trop longtemps. Ils se sont dits que seule une autre entité parasitaire était capable de tenir la dragée haute à Venom. Figurez-vous que celui-ci (dans des circonstances que je me garderai de préciser) va devenir... papa ! De surcroît, le complexe d'Œdipe semble avoir franchi la barrière des espèces, puisque "Carnage" (le doux nom du chérubin) ne pense bientôt plus qu'à dézinguer son "paternel". (Si vous allez voir le film, vous comprendrez pourquoi j'ai utilisé des guillemets.)

   À partir de là, c'est hyper-violent. Très rythmé certes, mais sans l'humour précieux du début. Je reconnais que, techniquement, c'est bien foutu, peut-être même mieux que dans le premier film. Mais mon Dieu que de violence gratuite ! Tout cela pour finalement pas grand chose.

   Je suis sorti de là un peu déçu.

   P.S.

   De manière traditionnelle, le générique de fin a été interrompu, pour céder la place à une scène inédite, assez cocasse, mais qui, surtout, semble indiquer que, du côté de chez Marvel, on songe enfin à faire se rencontrer certains personnages clés.

13:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 22 octobre 2021

Trois mille boules et grévistes

   Aujourd'hui, en début d'après-midi, j'ai failli m'étrangler en écoutant le journal de 13 heures de France Inter. (Il se trouve que j'étais aussi en train de déjeuner.)

   Aux minutes 14-15, il est question d'une énième grève à la SNCF, comme par hasard encore en période de départ en vacances. Je trouve que, pour une fois, les enjeux du mouvement ont été bien expliqués par le journaliste de la radio publique, qui a rappelé l'importance des primes en liaison avec la volonté (légitime) de l'entreprise de rentabiliser les trajets. C'est l'occasion de rappeler que tout le monde ne gagne pas très bien sa vie à la SNCF.

   Cependant, on apprend que les roulants touchent en moyenne 3000 euros par mois, pour conduire des motrices en grande partie automatisées, sur des trajets balisés. Ayons une pensée émue pour les salariés modestes, qui gagnent moins que ces privilégiés et qui ont commis l'erreur de vouloir prendre le train pour se payer un peu de bon temps ce week-end.

   Peut-être auront-ils l'occasion de croiser, d'ici dimanche soir (sans le savoir), un de ces roulants grévistes (qui ne subira peut-être même pas de retenue sur salaire) profitant de son "mouvement social" pour s'offrir des vacances en famille.

Astérix et le Griffon

   Hier 21 octobre est sorti le 39e album des aventures du célèbre Gaulois. C'est le cinquième de l'ère Ferri-Conrad, débutée en 2013 avec Astérix chez les Pictes. Je pense que tout le monde aura remarqué que cette sortie coïncide avec l'approche d'un week-end et, surtout, le début des vacances de Toussaint. Chez Hachette (qui a complètement avalé les éditions Albert René), la mercatique est une seconde nature !... mais pas le patriotisme économique, puisqu'on peut constater une nouvelle fois que l'ouvrage a été imprimé hors de France. Ces dernières années, l'éditeur alterne entre l'Italie (une localisation européenne qui pouvait à la rigueur paraître pertinente pour l'album Astérix et la Transitalique) et la Roumanie, d'où provient l'ouvrage parvenu entre mes mains.

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   Le titre et le début de l'histoire plongent leurs racines dans l'Antiquité et la mythologie. On va donc rencontrer (à nouveau) des Sarmates (croisés dans Astérix et la Transitalique) et -surtout- des Amazones, de redoutables guerrières (dotées de leurs deux seins) dont la représentation s'apparente à un pur fantasme masculin. Ceci dit, cela nous vaut plusieurs scènes cocasses.

   Les lecteurs attentifs noteront que, plus que les (supposées) Amazones antiques, ce sont les Russes qui semblent avoir inspiré ces personnages féminins, au niveau des noms, des jouets des enfants et du physique de certains personnages. (On pense aux Pussy Riot et à certaines Femen.)

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   Voilà nos héros partis pour l'Europe de l'Est, au nord de la mer Noire et du Caucase, pour une région où ils vont affronter des Romains, en quête non pas de territoire, mais d'animal fabuleux... et d'or. J'ai bien aimé la mise en scène de cette rivalité, sous l'œil goguenard des intrépides guerrières. (De même la résolution de l'énigme concernant le griffon est assez bien trouvée... voire vraisemblable !)

   L'humour est évidemment de la partie. Comme de coutume, on sera très attentif aux noms de personnes, aux jeux de mots, ainsi qu'aux détails de certaines vignettes. Covid oblige, on ne s'étonnera pas de croiser un personnage moustachu nommé Klorokine (pas très habile avec les potions...), ainsi que Fakenius, soldat romain complotiste ! Didier Conrad se montre un digne successeur d'Uderzo, dont il garde la patte et le sens du clin d'œil.

   Bref, en dépit de mes appréhensions (et de mon opinion quant à la politique commerciale d'Hachette), j'ai bien aimé cet album qui, comme la plupart de ceux conçus par le duo de successeurs, va sans doute gagner à être relu.

jeudi, 21 octobre 2021

La Famille Addams 2

   Marqué par le bon souvenir que m'avait laissé le premier volet de l'adaptation animée des aventures de la plus horrifique des familles, je suis passé outre les mauvaises critiques pour tenter la vision de cette suite.

   Le personnage de Mercredi (la fille psychopathe) est au centre de l'intrigue. Côté scolaire, elle se fait remarquer par son intelligence précoce, qui attire l'attention d'un scientifique louche. Côté familial, elle se demande si elle est bien à sa place dans la famille Addams, allant jusqu'à douter de sa filiation biologique. S'en suit une multitude de péripéties, menées sur un rythme trépidant... ce qui évite (parfois) au spectateur adulte de s'ennuyer ferme..

   Parce que, franchement, il n'y a pas grand chose à retenir de cette nouvelle version, à part les aspects transgressifs de la personnalité de Mercredi, le seul personnage intéressant de ce deuxième long-métrage, en compagnie peut-être de la créature de Frankenstein. La caractérisation des autres personnages est sommaire. Les aspects subversifs de la famille ont été limés, le tout baignant dans de la musique moderne tape-à-l'œil (dance, R'N'B ou rap). J'ai trouvé particulièrement mauvais les personnages du père (Gomez) et de l'oncle Fétide, de surcroît mal doublés en français.

   Il y a bien quelques moment d'humour à sauver (les enfants présents dans la salle ont davantage rigolé), mais, pour moi, cela ne vaut pas la peine de payer une place. La série des Hôtel Transylvanie est bien plus réussie.

21:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 16 octobre 2021

Les Mystères de Londres

   Cette série policière britannico-canadienne date de 2016 et elle vient d'arriver sur la TNT, plus précisément sur TF1. Son action se déroule au début du XXe siècle et l'ambiance oscille entre celle de Sherlock Holmes et celle des Enquêtes de Murdoch. Elle nous fait suivre les aventures de trois personnages, deux d'entre eux ayant donné leur nom à la série, dans la version originale (Houdini and Doyle).

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   Voici donc Harry Houdini (Michael Weston), le pétulant illusionniste, au faîte de sa gloire. Quoi qu'habitant encore avec sa mère, il mène une vie de patachon et regarde son époque avec un œil ironique. C'est un fervent rationaliste.

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   Il doit (amicalement) croiser le fer avec Arthur Conan Doyle (Stephen Mangan), écrivain reconnu qui, au début de la série, vient de "tuer" Sherlock Holmes. Mais ce sont d'autres aspects de sa vie qui passent ici au premier plan : son activité de médecin, ses soucis familiaux... et son penchant pour le paranormal, l'ésotérique.

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   Navré pour ces deux mâles dominants, mais le véritable personnage principal est Adelaide Stratton, première femme officier de police à Scotland Yard... mais reléguée jusqu'à présent à des tâches subalternes. Elle est incarnée par la délicieuse Rebecca Liddiard, dont j'avais déjà remarqué (entre autres) les jolis sourcils dans Frankie Drake Mysteries.

   Le premier épisode, intitulé L'Assassin fantôme, met en scène la formation du trio. Il se réunit au cours d'une enquête sur la mort mystérieuse d'une nonne.

   Le deuxième épisode, intitulé Vengeance d'une vie passée, plonge les spectateurs dans l'énigme d'une possible réincarnation, celle d'un homme disparu dans le corps d'un enfant meurtrier. Excellent !

   Le dernier épisode diffusé la semaine dernière s'intitule Croire ou ne pas croire. L'intrigue tourne autour d'un étrange guérisseur et de morts inexpliquées. Dans le même temps, la femme de Conan Doyle voit son état de santé changer de manière spectaculaire, tandis qu'Houdini tombe subitement malade.

   J'aime beaucoup l'ambiance de la série, très bien servie par les décors, les costumes et l'éclairage. Elle aborde de surcroît des thèmes intéressants, de la religion au féminisme en passant par les croyances populaires.

vendredi, 15 octobre 2021

Mourir peut attendre

   ... en version originale sous-titrée, ne serait-ce que pour entendre Daniel Craig s'essayer à un peu de français, avec sa vraie voix. Il est pourtant absent de la première séquence (pré-générique), dont on se demande un petit moment si elle se déroule dans le présent, le passé ou un futur auquel un (très) long retour en arrière est destiné à nous ramener. Cette mise en bouche, conclue sur un lac gelé, est fort bien mise en scène.

   Il faut donc attendre pas loin d'un quart d'heure pour retrouver James, qui file le parfait amour avec Madeleine... du moins le croit-il. Les paysages italiens se prêtent merveilleusement à cette romance un brin éculée... d'autant que l'action est bientôt de retour, avec plusieurs scènes de poursuite particulièrement réussies. (Un "Oh !" d'admiration m'a même échappé à l'occasion d'une splendide cascade en moto.)

   Le point faible de l'intrigue est incontestablement la relation Bond-Madeleine, d'abord parce que Léa Seydoux n'est pas hyper-convaincante, mais surtout parce que ce choix scénaristique transforme le super-espion en Monsieur-tout-le-monde, instillant une insupportable giclée d'eau-de-rose  dans une histoire qui méritait un peu plus de venin.

   Fort heureusement, l'ADN bondien a été préservé, à travers les bastons, les poursuites, les gadgets, le glamour et les pincées d'humour. Du côté féminin, c'est la prestation d'Ana de Armas qui est à signaler, la demoiselle démontrant avec brio qu'une robe échancrée à l'extrême ne sert pas qu'à affoler le cœur des mâles hétérosexuels...

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   On a beaucoup glosé sur l'apparition d'une nouvelle espionne estampillée 007. Sa relation avec le précédent titulaire du titre échappe relativement aux clichés : elle n'est guère agressive avec lui et il évite la condescendance, lui témoignant même du respect. Mais j'avoue que j'ai du mal à croire que Lashana Lynch puisse succéder à Craig dans un rôle à la fois percutant, ironique et séduisant.

   Il aurait fallu couper un peu dans les scènes de dialogues, celles entre les tourtereaux et celles avec le méchant de l'histoire, correctement interprété par Rami Malek. Celui-ci ne fera cependant pas oublier ses augustes prédécesseurs. (Avec le recul, je constate que les dialogues constituent souvent le point faible des Bond dernière mouture.)

   Au niveau de l'intrigue, on sent venir pas mal de péripéties... y compris la conclusion de l'histoire, trois bons quarts d'heure avant la fin. Je ne vais toutefois pas bouder mon plaisir : on a offert, sur le plan scénaristique comme de la mise en scène, une belle sortie à Daniel Craig.

22:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 14 octobre 2021

Le Roquefort à la Une

   Depuis lundi 11 octobre, on assiste, en particulier en Aveyron, à une levée de boucliers contre l'étiquetage Nutri-score, au motif que celui-ci attribue la plus mauvaise note (un "E") au "roi des fromages" !

   À la pointe du combat se trouve la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort, en particulier le groupe Société, filiale de Lactalis. Comme Le Monde le rappelle dans un récent article, celui-ci représente 70 % des ventes (alors qu'il existe sept producteurs de ce fromage, les concurrents les plus connus étant Papillon et Gabriel Coulet ; aux amateurs je signale également la marque Vernières, dont les produits sont tout aussi savoureux que ceux des "géants" de l'appellation).

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   Pour les producteurs industriels, l'enjeu n'est pas mince. Les ventes sous forme de portions préempaquetées, dans les grandes surfaces (celles susceptibles d'être marquées du Nutri-score), pèsent 45 % du total. Je ne pense pas me tromper en affirmant que plus de 80 % de ces ventes-là se font au bénéfice de Société (dont les "pains" jugés de qualité insuffisante finissent eux aussi dans les bacs... sous marque de distributeur).

   Sur le site de l'AOP Roquefort, il est possible de télécharger une plaquette-manifeste, qui demande que le célèbre fromage de brebis (dont raffolait paraît-il l'empereur Charlemagne) soit exempté du Nutri-score. Les arguments avancés méritent lecture.

   Les médias se sont emparés de l'affaire... jusqu'à un humoriste de France Inter, Daniel Morin. Chroniqueur dans La Bande originale, celui-ci n'a pas hésité, hier mercredi, à faire du Roquefort son "héros du jour", flamboyant plaidoyer à la clé.

   Pour qui connaît l'humoriste et écoute régulièrement la radio publique, ce n'est pas étonnant. Il y a cinq ans, l'émission culinaire "On va déguster" consacrait l'un de ses numéros au Roquefort. Quant à Daniel Morin, c'est dans son (excellente) émission La Morinade, diffusée sur Le Mouv', qu'il pouvait jadis laisser transparaître son amour du "roi des fromages".

lundi, 11 octobre 2021

Embrouillamini à Saint-Affrique

   Il était une fois, dans la riante cité de Saint-Affrique, en Aveyron, un jeune chef d'entreprise dont l'inclination politique penchait à droite. Sans doute poussé par d'amicales relations, il se mit en tête de partir à la conquête de l'hôtel de ville.

   Rome ne fut pas construite en un jour, et Saint-Affrique pas conquise en une tentative. En 2008, placé en troisième position sur la liste de droite, Sébastien David connut les affres d'une défaite cinglante face au maire sortant, le socialiste Alain Fauconnier. En 2014, désormais tête de liste, le pas encore quadragénaire fut de nouveau vaincu, mais par un écart plus mince. Enfin, en 2020, secondé par Émilie, il décroche le graal saint-affricain.

   Cette épopée municipale se doubla d'une conquête cantonale. Elle prit le même chemin laborieux et débuta par une large défaite, en 2011, face à celui qui était alors présenté comme le dauphin du maire socialiste. Sébastien David prit sa revanche en 2015, bien aidé par les déboires de son ancien vainqueur. Les divisions de la gauche lui permirent d'arracher à celle-ci le canton, qu'il conserva assez facilement en 2021. Tout allait bien pour Sébastien David, qui avait même accepté d'être le suppléant du nouveau député Viala. Ce n'est que plus tard qu'il comprit son erreur.

   Depuis le retrait de Jacques Godfrain, la troisième circonscription de l'Aveyron semble brûler les doigts des députés de droite qui l'ont acquise. Ainsi Alain Marc, mis sur orbite par le prestigieux sortant, a naguère quitté les ors du Palais Bourbon pour l'épaisse moquette du Palais du Luxembourg. Il avait gardé la place au chaud pour Arnaud Viala, qui n'aura finalement même pas effectué un septennat dans le poste, préférant se jeter sur la présidence du Conseil départemental de l'Aveyron, en passant sur le cadavre politique d'un membre de sa majorité.

   Les thuriféraires d'Arnaud Viala clament son dévouement, son désir de servir avant tout l'Aveyron et les Aveyronnais. On est prié d'acquiescer, l'oeil humide, tandis que l'ancien député se fait voter une spectaculaire augmentation d'indemnité... qui lui permet d'amortir le passage de la députation à l'exécutif départemental, moins rémunérateur. "Monsieur 31 %", comme il est parfois surnommé dans les rues du chef-lieu aveyronnais (les mauvaises langues faisant remarquer que le chiffre de l'augmentation n'est pas très éloigné du pourcentage des suffrages exprimés atteint au premier tour de la législative de 2017) n'avait cependant pas mesuré toutes les conséquences de sa geste électorale.

   Élu président du Conseil départemental de l'Aveyron le 1er juillet dernier, il n'a officiellement démissionné de l'Assemblée nationale que le 31 juillet, soit presque un mois plus tard. C'est là que les choses se compliquent. L'analyse d'un blogueur du Monde va nous être très utile.

   Normalement, l'abandon du mandat de député pour cause de respect de la loi sur le cumul doit permettre au remplaçant de siéger à l'Assemblée nationale, sans avoir à organiser d'élection législative partielle. Quand bien même le remplaçant (ici, Sébastien David, pas très à l'aise dans le costume qu'on lui fait porter) refuserait le poste de député, moins d'un an avant les nouvelles élections nationales, il ne peut être programmé de nouveau scrutin. Mais, comme Arnaud Viala a attendu d'avoir été élu président du Conseil départemental pour démissionner de l'Assemblée nationale, son remplaçant est tenu de lui succéder, même brièvement, avant d'éventuellement démissionner à son tour. Or, l'obtention du mandat de député par Sébastien David étant la plus récente, elle prime sur tout autre mandat. Le voilà donc contraint à quitter ses fonctions de maire, de président de communauté de communes (qu'il devrait toutes deux avoir retrouvées prochainement) et de conseiller départemental.

   (Précisons que si Arnaud Viala avait pris l'énoooorme risque de démissionner de la députation ne serait-ce que la veille de son élection à la tête de l'exécutif aveyronnais, cette histoire n'aurait pas lieu d'être.)

   Cela nous mène au premier tour du scrutin départemental, qui s'est tenu ce dimanche. Les résultats (tels qu'ils ont été communiqués par Centre Presse) ont été un peu surprenants :

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    Si le binôme emmené par Sébastien David est bien arrivé en tête, il devance deux concurrents de gauche, le second appelant à voter pour le premier. Mathématiquement, le conseiller sortant pourrait être battu dimanche prochain.

   Toutefois, cette analyse est à tempérer par le taux de participation, qui fut très faible : seulement 35 % des électeurs inscrits se sont déplacés. Cela explique la considérable chute du vote en faveur de Sébastien David (et de son colistier) : en moins de quatre mois, il est passé de 2334 à 1459 voix, soit une perte de 37 %. L'avenir proche nous dira si la mobilisation des caciques de la droite en faveur du plus bref député de l'histoire aveyronnaise (Sébastien le Bref ?) suffira à lui permettre de conserver l'une de ses prébendes.

   P.S.

   Signalons que le binôme de gauche qui affrontera au second tour celui conduit par Sébastien David est composé du fils de l'ancien maire de Saint-Affrique et de l'un des anciens adjoints de celui-ci. C'est règlement de comptes à OK Corral !

dimanche, 03 octobre 2021

Rendez l'argent !

   Ce matin, je me suis réveillé avec une radio publique, qui a "bousculé " sa programmation pour traiter l'événement du jour : le décès de Bernard Tapie. Déjà, que l'on accorde une grande place à ce petit personnage ne me plaisait pas. Mais, quand j'ai commencé à entendre ce qui se disait de lui, puis à lire ce qui était écrit à son propos, mon sang n'a fait qu'un tour. Comment peut-on rendre hommage à un individu aussi malhonnête ? Par bêtise ? Par calcul politique ? Par méconnaissance ?

   Il est peut-être nécessaire de rafraîchir la mémoire de nos concitoyens oublieux. Il y a dix ans, j'avais consacré un billet à un excellent ouvrage, signé Laurent Mauduit (aujourd'hui à Mediapart) :

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   À celles et ceux qui n'auraient pas la possibilité ou l'envie de se taper un livre entier sur l'un des plus gros magouilleurs de la République, je conseille la vision d'un documentaire datant de 2015, à l'écriture duquel a participé Laurent Mauduit. Il actualise les informations présentes dans le livre (qui date de 2008), sans aller jusqu'à l'époque actuelle. Voilà de quoi faire de tout un chacun un(e) citoyen(ne) correctement informé(e).

   Franchement, je trouve le déluge de louanges à gerber !

   P.S.

   J'ai regardé le documentaire ce dimanche, en début d'après-midi. Il n'avait pas (encore) été vu par beaucoup de monde :

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   Comparez avec le moment où vous y accédez !

samedi, 02 octobre 2021

Le barrage de Couesques

   Hier vendredi, j'ai assisté à la projection d'un documentaire datant de plus de soixante-dix ans. (Un extrait est visible ici, sans le son de l'époque.) Il a été tourné au fur et à mesure que s'est construit un barrage aveyronnais, celui de Couesques, à cheval sur les communes de Saint-Hippolyte et Campouriez, dans le nord-ouest du département.

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   Ce barrage (et l'usine hydroélectrique qu'il permet de faire fonctionner) fait partie d'un ensemble d'édifices (gérés par EDF) situés sur les cours du Lot et de la Truyère. Envisagée dès le début du XXe siècle, la construction n'a été mise en chantier qu'à la sortie de la Seconde Guerre mondiale (d'autres barrages, sur le secteur cantalien, ayant été bâtis dans les années 1930).

   Une partie de ces explications a été donnée aux visiteurs à l'occasion d'une visite de l'espace EDF, organisée dans le cadre de la projection. Prévue pour succéder à celle-ci, elle a été proposée en guise d'introduction à la moitié de l'audience, en raison de l'afflux de visiteurs. La petite salle des fêtes de Saint-Hippolyte pouvait accueillir une cinquantaine de personnes (jauge estimée largement suffisante par les organisateurs, qui avaient certes communiqué sur l'événement, mais de manière modeste)... or c'est environ le double qui s'est présenté à l'heure dite. (Cette affluence ne fut pas sans me rappeler la foule qui avait assisté, il y a presque onze ans, à une réunion d'information sur la gestion de ces mêmes barrages. C'était dans le gymnase d'Entraygues-sur-Truyère, commune voisine de Saint-Hippolyte.)

   Quelques places se sont toutefois libérées quand les organisatrices ont annoncé qu'elles devaient vérifier les passes sanitaires. Cela n'a évidemment posé aucun problème à l'écrasante majorité du public, très discipliné sur ce plan... alors que, dans la foule, plus nombreuses ont été les personnes à "oublier" d'éteindre leur téléphone portable pendant la projection...

   La première partie du film (d'une durée totale de 50 minutes) montre le site avant les travaux. Cela a particulièrement intéressé les spectateurs, pour la plupart originaires du coin (quelques-uns même déjà nés à cette époque). Les scènes de creusement puis de transport des blocs de pierre (parfois de taille impressionnante) ont suscité des réactions dans le public, dans lequel se trouvaient (me semble-t-il) quelques retraités ayant exercé une activité manuelle.

   Le chantier a vu la mise en œuvre de technologies avancées pour l'époque. Les débris rocheux ont été transportés par camions... et téléphérique, une ligne (de cinq kilomètres de longueur) ayant été spécialement aménagée à cet effet. Cela nous a valu quelques beaux plans aériens de la vallée (certes, en noir et blanc). Ils ont été complétés par des cartes qui, pour être sommaires, présentaient quand même fort bien la situation géographique du chantier.

   On ne nous a pas laissé non plus ignorer les détails de la fabrication du béton, ni des turbines, de la matière première au produit fini, en passant par l'assemblage, une étape particulièrement délicate, se jouant au centimètre voire au millimètres près. Et tout cela, sans ordinateur !

   C'est dire si ce film est aussi un hommage aux travailleurs du chantier. Les ingénieurs étaient français, mais la main-d'oeuvre venait de l'étranger. Espagnols, Portugais, Polonais immigrés ont côtoyé des prisonniers de guerre allemands, comme l'a rappelé l'un des spectateurs, jeune garçon à l'époque. Il disait avoir été marqué par la toilette des Allemands, qui allaient se baigner nus dans la Truyère ! (Notons que l'organisation de la projection était l'occasion de lancer le projet d'un réalisateur, qui ambitionne de créer un spectacle son et lumière sur le sujet, en s'appuyant sur des témoignages d'habitants. Ceux-ci étaient invités à laisser leurs coordonnées à l'issue de la séance.)

   L'avant-dernière partie du film était consacrée à la vie des ouvriers. Ils ont été logés dans une cité bâtie sur les hauteurs (en allant vers le bourg central de Saint-Hippolyte, mais un peu à l'extérieur). Un transport en bus avait été mis en place pour faciliter leurs déplacements entre la cité et le chantier. Le dimanche, les passionnés de football étaient emmenés plus bas, à Entraygues, où se déroulaient des matchs, sur un terrain qui n'avait pas grand chose à voir avec ceux que l'on inaugure de nos jours. (Un autre spectateur, cordonnier à la retraite, a évoqué les chaussures des joueurs, sur lesquelles il a jadis exercé son art.) Cette séquence a elle aussi suscité les réactions du public, où se trouvaient nombre d'anciens pratiquants de la "balle au pied"... ainsi que quelques pratiquantes, d'après ce que j'ai pu capter (involontairement) d'une conversion entre deux mamies, qui se rappelaient le bon temps des parties de foot auxquelles elles avaient participé !

   Ces ouvriers méritaient bien quelques divertissements, tant leur travail était éprouvant... et dangereux. Plusieurs scènes montrent des hommes suspendus à une corde, en train de vérifier le détail de la paroi du barrage, ou le coffrage métallique, voire en train de peindre. Les spectateurs chercheront en vain toute trace de harnachement sécuritaire !

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   Une autre figure a ému l'assistance, celle du curé du village, jeune homme à l'époque, mais que visiblement plusieurs spectateurs ont connu par la suite.

   Le documentaire s'est achevé par la mise en route du barrage et de l'usine, avec les procédures de sécurité (qui consistaient à tester les installations). Il s'agissait donc bien d'un film de propagande, en l'honneur d'une France valeureuse, imaginative, travailleuse, tentant de se débarrasser des dernières séquelles de la guerre et de retrouver un peu de son lustre d'antan.

Stillwater

   C'est le nom d'une petite ville des États-Unis (comptant environ 40 000 habitants), située dans le nord de l'Oklahoma, entre Kansas et Texas.

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   Bill Baker (Matt Damon, sobre et efficace) y vivote, entre deux emplois manuels. Il est parfois hébergé par sa belle-mère. On finit par apprendre que son épouse est décédée, tandis que leur fille unique Allison est partie poursuivre ses études en France, plus précisément à Aix-Marseille. En réalité, elle y est emprisonnée depuis cinq ans, pour un crime qu'elle jure ne pas avoir commis. (L'histoire est librement inspirée de l'affaire Amanda Knox.)

   Poussé (et financé) par la grand-mère, Bill traverse l'Atlantique et débarque dans la cité phocéenne, où il va vivre un sacré choc culturel. La première partie suit l'Américain dans ses démarches quotidiennes, lui qui ne parle pas un mot de français. Armé de sa foi, de sa ténacité et de sa volonté d'être enfin un bon père, il rencontre sa fille, des avocats, des détectives privés... et une Française insouciante de prime abord, mais qui va devenir son principal soutien. Camille Cottin incarne avec talent Virginie, cette intermittente du spectacle parisienne (sans doute végétarienne), venue s'installer à Marseille avec sa fille. Autant elle est vibrionnante, intellectuelle et engagée, autant Bill (gros mangeur de viande) est posé, terre-à-terre, manuel et placide quant au fonctionnement de la société marseillaise. Cette première partie ne nous permet d'ailleurs pas d'en ignorer les aspects peu reluisants : délinquance, incivisme et saleté. Le tout est rythmé, parfois trépidant.

   Cette opinion est nuancée par la deuxième partie. Fort heureusement, le scénario ne se limite pas au combat d'un père pour sauver sa fille victime d'une terrible injustice. Cela aurait pourtant suffi à bâtir une intrigue complète. Mais les auteurs se sont mis à quatre (avec Thomas Bidegain pour la partie française) pour écrire une fresque qui s'étend sur des mois. Il est d'ailleurs assez réaliste d'imaginer que les problèmes de la fille ne puissent pas se régler en deux-trois semaines.

   Le changement d'ambiance survient lorsqu'Allison obtient le droit d'effectuer une sortie mensuelle, en compagnie d'un chaperon. Le papa désormais très présent va jouer ce rôle. Bill a posé ses valises à Marseille, peut-être définitivement. Il est devenu le colocataire de Virginie, dans un compagnonnage qui, pour l'instant, reste platonique. Il sert aussi de baby-sitter de secours de Maya (Lilou Siauvaud, un nom à suivre), la fille de Virginie, qui est en quête d'un père de substitution... enfin un qui tienne mieux la route que les rencontres occasionnelles de sa mère.

   J'ai beaucoup aimé cette partie, filmée avec plus de calme et un souci évident d'esthétique. La famille recomposée fonctionne plutôt bien. Bill, qui a trouvé du travail dans le bâtiment, sait à présent se débrouiller (un peu) en français et Maya acquiert progressivement des bases en anglais. Le redneck américain s'est acclimaté ; il a découvert la beauté des calanques (très bien filmées). Tout bascule un soir de match, au stade Vélodrome (dont l'ambiance m'a semblé bien rendue).

   La troisième partie prend le tour d'un thriller, qui nous réserve quelques surprises. Je n'en dirai pas plus, mais je peux quand même ajouter que l'on n'a pas cherché la voie la plus facile dans la conclusion de cette double histoire (la condamnation d'Allison et la relation de Bill avec les Françaises). À la fin, je m'attendais à une scène qui n'est jamais venue.

   J'ai adoré ce film, à voir en version originale sous-titrée, pour saisir toutes les difficultés de communication entre l'anglophone strict (du début) et les Français plus ou moins habiles dans la langue de Joe Biden.

   P.S.

   Je ne peux pas achever cette note sans évoquer une anecdote croustillante. Un jour, Virginie accueille chez elle, outre Bill, sa meilleure amie, experte en informatique. Celle-ci s'inquiète des opinions politiques de celui qui a le profil d'un électeur de Donald Trump. La réponse de Bill, en deux temps, est savoureuse. C'est un peu à l'image du film, construit sur plusieurs couches. On en déguste une avant de découvrir qu'il y a autre chose au-dessous.