mardi, 05 mars 2019
Le Château de Cagliostro
Quelques semaines après la sortie d'un documentaire consacré à Hayao Miyazaki, voilà que son premier long-métrage est de nouveau sur les écrans. C'est l'un des rares que je n'avais encore pas vus.
Au niveau de la forme, cela rappelle les dessins animés des années 1970-1980. C'est donc moins élaboré que les œuvres ultérieures du maître... mais c'est toujours mieux que n'importe quelle adaptation de Dragon Ball (comme celle dont on nous a fait la promotion dans les bandes-annonces)... Le style rappelle ce que Miyazaki a fait dans la série Sherlock Holmes ou dans Edgar de la Cambriole, que ce film a permis de lancer.
On retrouve néanmoins le souci du détail des œuvres de Miyazaki, ainsi que le désir de "creuser" ses personnages, au long d'une histoire fouillée, pleine de rebondissements. C'est feuilletonnesque, à l'image de ce qu'on peut lire sous la plume d'un Jules Verne ou d'un Alexandre Dumas. (Ce dernier est l'auteur d'un Joseph Balsamo, dont le héros est un certain Cagliostro.)
De quoi est-il question ? D'une jeune femme enlevée, de mystérieuses bagues, d'un trafic de fausse monnaie, d'une bande de mafieux ressemblant à des créatures extraterrestres... et d'un château fantastique, regorgeant de souterrains, passages secrets et ouvertures masquées.
C'est plaisant à suivre et visible par tout le monde, puisque l'humour est bon enfant. On voit clairement la parenté avec d'autres mangas mettant en scène un héros cavaleur et dont l'une des acolytes est une jeune femme furieusement indépendante (et ravissante, cela va sans dire). Ici, elle se prénomme Magali. Rappelons-nous que nous sommes en 1979 et que c'est destiné à des enfants.
Pendant 1h40, on peut se plonger dans ce roman d'aventures illustré, un brin surréaliste, dont on sait par avance qu'il ne va pas mal finir.
00:08 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 04 mars 2019
Les Moissonneurs
Ces moissonneurs sont, au premier degré, des agriculteurs afrikaners de la province sud-africaine de Free State (l'ancien Etat libre d'Orange), dont la capitale est Bloemfontein. Je l'ai entourée en rouge sur la carte ci-dessous :
C'est le grenier à blé du pays. On y suit plus particulièrement les travaux et les jours au sein d'une grande exploitation familiale, où l'on cultive du maïs et élève des bovins (ainsi que de la volaille, semble-t-il).
La famille qui gère le domaine se veut traditionnelle : blanche, pieuse et travailleuse. Ici, on lit encore quotidiennement la Bible (version protestante) et les enfants ne passent pas leurs journées devant des écrans. On côtoie les Noirs de la région quand il le faut (en particulier l'accompagnatrice du grand-père et les ouvriers agricoles), sinon, on a plutôt tendance à les éviter et même à s'en méfier : plusieurs fermes tenues par des Blancs ont été victimes d'attaques.
Janno est le fils du couple. Adolescent, il travaille déjà sur l'exploitation de son père (dès avant le lever du soleil) et se distrait en jouant au rugby ou en allant se baigner sur la côte. (C'est la petite incohérence du scénario : l'Etat libre est enclavé, mais le film a été tourné en grande partie dans la province voisine, le Kwazulu-Natal, qui jouxte l'océan Indien.)
Tout commence à se dérégler quand débarque un nouvel adolescent, un Afrikaner lui aussi bien sûr, mais orphelin des villes, qui a connu la drogue et la prostitution. Pour une raison qu'on ne découvre que vers la fin du film, la mère déploie tout son amour autour de Pieter qui, dans un premier temps, observe cette étrange famille qui lui semble coupée du monde réel. Quand il prend un peu d'assurance, il préfère s'esquiver le temps d'une soirée et aller s'encanailler dans un township, où il arrive même à entraîner Janno. On sent que la situation pourrait rapidement déraper...
L'alternative proposée par le cinéaste est la suivante : soit l'arrivée de Pieter va dynamiter la paisible organisation familiale, parce que c'est un élément perturbateur, hypocrite et tentateur ; soit l'inclusion de ce nouvel élément dans la famille va en faire émerger les secrets et les non-dits... à moins que le gamin ne parvienne à s'intégrer dans ce petit monde afrikaner qui lui est tant étranger.
Les acteurs sont excellents. Les paysages sont superbes, de jour comme de nuit, à l'aube comme au crépuscule. Mais je ne cache pas que le film est un peu austère. Beau et âpre à la fois.
00:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 02 mars 2019
Escape Game
Ce "film de survivant(s)" adapte au goût du jour une trame déjà rencontrée au cinéma, en particulier dans Cube, auquel il est d'ailleurs fait allusion au début de ce film-ci. Le principe est le même : six personnes se retrouvent enfermées dans une pièce dont elles ne peuvent sortir qu'en suivant les règles imposées par un mystérieux maître du jeu.
A ceux qui n'auraient pas visionné (récemment) Cube, je conseille d'attendre d'avoir vu Escape Game pour le regarder... sinon ils risquent de subodorer une grande partie des péripéties... et même la conclusion de l'histoire.
Sur les six futurs enfermés, on n'en découvre que trois dans la deuxième séquence du film. La première est une projection dans le futur (ou, si vous préférez, la suite est un long retour en arrière), dans laquelle figure un des trois personnages sur lesquels le réalisateur insiste le plus. Est-ce un indice sur leur sort et celui des autres ? N'est-ce pas plutôt une supercherie, destinée à détourner l'attention des spectateurs de l'un des trois autres personnages, voué à jouer un rôle important, plus tard ? Je me garderai bien de lever le voile.
A gauche, voici Zoé, étudiante brillante mais introvertie.
Au centre se trouve Ben, magasinier dans l'entrepôt d'un commerce. Il ne sait apparemment pas faire grand chose.
A droite se trouve Jason, jeune cadre dynamique dans un fonds spéculatif.
Complètent le tableau un "guique" fan des jeux d'énigme (dans la vie réelle), un ancien mineur et une militaire blessée en Irak.
Le principal intérêt du film réside dans l'inventivité déployée dans chacune des salles de jeu, qui contient des pièges mortels. Le feu et la chaleur sont les principaux dangers dans la première salle, le froid et l'eau glacée dans la troisième, un gaz dans la cinquième. Mais c'est la quatrième épreuve qui m'a le plus emballé :
C'est une salle de bar où le haut et le bas sont inversés. Elle recèle bien évidemment des pièges, mais aussi les solutions pour y échapper.
Tout cela pour dire que c'est prenant. Dans la salle où je l'ai vu, j'étais le plus vieux spectateur et même les petits blaireaux et les petites greluches qui venaient là pour kiffer la life entre potes ont été captivés par l'histoire (et sa mise en scène). C'est dire.
Sur le fond, il n'y a rien de nouveau sous le soleil : pour s'en sortir, les six doivent collaborer et utiliser les compétences de chacun-e... mais certains sont tentés de la jouer solo. J'ajoute qu'un mystère plane sur la raison de leur présence ensemble. On les a attirés dans un piège, pour une raison précise, que l'on ne découvre que dans la cinquième salle. Et attention, une suite est prévue...
C'est un agréable divertissement, qui permet d'entamer tranquillement la digestion d'un bon repas.
21:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 27 février 2019
La Chute de l'empire américain
Le cinéaste québécois Denys Arcand ambitionne de clore par ce film un chapitre ouvert jadis avec Le Déclin de l'empire américain. Force est de constater que, trente-trois ans plus tard, le monde n'a pas changé dans le sens qu'espérait le réalisateur.
Ici, il nous livre un conte (im)moral.
Il était une fois, Pierre-Paul, un jeune homme intelligent, honnête et philanthrope. Il était simple coursier dans une entreprise de livraison express. Il pensait avoir (peut-être) trouvé sa Dulcinée en la personne d'une employée de banque. Il avait peu d'amis, le principal étant un brave homme éclairé par les Saintes Écritures.
Dans Sa grande sagesse, le Tout-puissant décida de changer son destin. Il mit sur le chemin de Pierre-Paul deux jeunes pécheurs, armés jusqu'aux dents... et des sacs remplis d'un argent gagné dans la honte et l'exploitation humaine.
Après avoir beaucoup hésité, Pierre-Paul décida de s'emparer du butin, afin d'en faire bon usage de connaître les tourments de la chair entre les lèvres les cuisses les bras d'une Marie-Madeleine diablement tentatrice. Il finit par recourir aussi aux services d'un pécheur repenti, qui mit sa malhonnêteté au service du Bien. Cette nouvelle Sainte Trinité quémanda l'appui d'un ancien client apôtre de Marie-Madeleine, habile à faire échapper le fruit du labeur aux doigts crochus de l'hydre fiscale.
Ces héros des temps modernes durent se montrer particulièrement prudents. De hideux délinquants étaient prêts à tout pour récupérer l'argent fruit du péché. Les forces du pouvoir leur faisaient concurrence, qui tentaient de faire appliquer les textes votés par des humains.
Moralité : soyez malhonnêtes, rusés, libidineux... et Dieu vous le rendra !
21:09 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
Sang froid
Quand on sait qu'il s'agit d'une histoire de vengeance et qu'il y a Liam Neeson au générique, on se dit qu'on risque de se manger une sorte de Taken 4, ou une resucée de Non stop, Night Run ou The Passenger. Sauf que le plus irlandais des acteurs hollywoodiens n'incarne pas ici un flic à la retraite, un ancien truand ou un membre des forces spéciales. Il est Nels Coxman (traduit en Dardman dans la VF...), un conducteur de déneigeuse, qui vit simplement, au Colorado, dans un grand chalet, avec son épouse et son fils. C'est un bosseur et pas du genre causant, aimant rendre service à son prochain. Cela lui vaut d'ailleurs d'être élu citoyen de l'année de son patelin.
Tout change lorsqu'il perd un proche. Il va chercher à se faire justice. C'est à partir de ce moment-là que les cadavres commencent à s'empiler, le réalisateur se plaisant à marquer chaque décès, à sa manière. C'est un polar caustique, quelque part entre Fargo et Pulp Fiction. Liam Neeson est en forme (meilleur que dans Taken 3, par exemple). Il va utiliser ses compétences pour arriver à ses fins, ce qui fait de lui un tueur surprenant, insoupçonnable... et habile, en dépit de quelques maladresses de débutant.
Le compte des morts va s'emballer quand chacune des deux bandes de trafiquants locaux va croire que l'autre cherche à l'évincer. Il va même arriver au héros de se retrouver pris entre deux feux ! C'est donc violent, mais aussi sarcastique.
C'est de surcroît bien filmé, avec de très beaux plans de montagnes enneigées. (Dire qu'à Rodez des gens ont hurlé quand on a eu deux-trois malheureux centimètres...) J'ai aussi aimé les vues des demeures, celle, modeste, du héros (de nuit, elle est très jolie) et celle, tape-à-l'oeil, du chef des trafiquants de Denver, une impitoyable pourriture très attachée à son gamin (celui-ci étonnamment mûr pour son âge). Au passage, le réalisateur pointe le paradoxe des Etats-Unis d'aujourd'hui : les travailleurs honnêtes comme Nels vivent modestement, tandis que les (anciens) hors-la-loi pètent dans la soie.
Dans ce monde de mecs, quelques femmes émergent. L'épouse du héros est interprétée par Laura Dern. On sent que le réalisateur a voulu profiter du drame pour mettre en scène la crise du couple. Plus marquante est la jeune policière avide de faire respecter la loi. De l'autre côté, on trouve l'ex-épouse du chef de bande, une superbe Indienne (Julia Jones... mmm) qui sait se faire respecter. Et je n'oublie pas la petite copine du frère du héros, une horrible garce au fort potentiel comique.
Ce film d'action sait aussi ménager quelques moments d'émotion. J'ai trouvé bien menées les scènes (situées vers la fin) faisant intervenir le héros et le fils du chef de bande. Et il y a cette conclusion, avec deux patriarches dans un engin, tandis que survient le dernier décès, le plus improbable de tous.
Au départ, j'étais parti pour me vider la tête avec un film bourrin. Finalement, c'est bien mieux que cela.
00:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 26 février 2019
Le Chant du loup
L'intrigue de ce film ne tourne pas autour d'un canidé, ni du poisson aussi nommé le bar, bien qu'une grande partie de l'histoire se déroule en mer... plus précisément sous l'eau, puisqu'il est question de sous-marins et des sons que l'on perçoit à l'intérieur des submersibles.
Ces sons sont étudiés par "l'oreille d'or", un membre de l'équipage doté d'une acuité auditive exceptionnelle. Elle lui permet de distinguer les bruits naturels des artificiels et de catégoriser chacun d'entre eux, au point de pouvoir reconnaître un type de sous-marin rien qu'à la faible signature sonore qu'il produit.
C'est la fonction du héros Chanteraide, surnommé Chaussette depuis qu'il a passé une mission entière les pieds protégés uniquement par ce vêtement. Il est incarné par François Civil, excellent dans le rôle. Il a déjà une filmographie assez longue : on a notamment pu le voir dans Made in France et Ce qui nous lie.
Il est épaulé par une brochette d'acteurs efficaces, des habitués des seconds rôles... et quelques vedettes. C'est là que le bât blesse. Autant je trouve Mathieu Kassovitz crédible en amiral, autant j'ai des doutes sur la vraisemblance de l'interprétation de Reda Kateb. Certes, je n'ai jamais rencontré un commandant de sous-marin, mais je n'ai pas trop cru à son personnage. (Roschdy Zem aurait sans doute été meilleur dans le rôle.) Mais le pire est atteint avec Omar Sy, pas du tout à l'aise, tel un éléphant dans un jeu de quilles.
En dépit de ces défauts, le film est prenant. La première demi-heure est une pure merveille. Elle se déroule au Moyen-Orient, sur terre (en Syrie) et sous l'eau. Les marins français doivent échapper aux Syriens, aux Iraniens... et peut-être aux Russes. Le jeu du chat et de la souris (sous l'eau) est mis en scène avec une grande habileté. (Le réalisateur Antonin Baudry est le co-scénariste de Quai d'Orsay, adapté de la bande dessinée qu'il avait co-écrite.)
La principale qualité du film est l'ambiance qu'il réussit à créer, aussi bien sur terre que sous l'eau. Bien entendu, les scènes les plus impressionnantes se déroulent en mer. Un gros travail a été fait sur le son (grâce notamment à l'appui de Skywalker Sound, une filiale de Lucas Film citée dans le générique de fin). Je n'ai pas trouvé cette recherche et cette qualité auditive depuis le Dunkerque de Christopher Nolan.
Du coup, même le retour à la base navale revêt un intérêt particulier. Toute la vie quotidienne du héros est marquée par cette approche particulière du son. Il part à la recherche d'une signature, celle d'un objet sous-marin non identifié. Il subit aussi un entraînement pour valider sa mutation sur un SNLE (un lanceur d'engins nucléaires).
C'est à ce moment-là que l'intrigue prend une épaisseur supplémentaire. Un complot est à l'œuvre. Les "oreilles d'or" ont-elles été manipulées ? Vont-elles permettre de déjouer les manigances d'un groupe extrêmement nuisible ? Suspens.
Le problème est que, quand on découvre la supercherie, on n'y croit qu'à moitié. Là-dessus se greffent quelques péripéties téléphonées. Ainsi, on voit le héros soudainement fondre en larmes, au pire moment. L'un des personnages principaux, en tenue de plongeur, se retrouve face à un sous-marin pile au moment où celui-ci lance une torpille (sur la trajectoire de laquelle se trouve bien évidemment le plongeur). Enfin, à la suite d'une explosion, il ne reste que deux survivants... pas n'importe lesquels (comme par hasard).
C'est dommage, parce qu'il y a un certain souffle dans la réalisation, appuyée par des scènes sous-marines numériques fort bien menées. Du coup, même si j'ai globalement apprécié le film, je suis sorti de là un peu déçu, d'autant que les deux dernières scènes ne sont pas les plus réussies.
13:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 24 février 2019
Destroyer
Dans ce billet, il ne va pas être question d'un navire de guerre, mais d'une policière vengeresse, ô combien (auto)destructrice. Elle est incarnée par Nicole Kidman, à propos de laquelle la promotion du film a martelé qu'on ne l'avait jamais vue ainsi.
C'est juste. Maigre comme un clou, alcoolique et d'une hygiène corporelle douteuse, l'inspectrice Erin Bell fait peine à voir. Elle n'en a pas moins gardé son flair de flic. Elle s'en sert pour retrouver le meurtrier de son ancien coéquipier, qu'elle a perdu dans une opération d'infiltration, dix-sept ans auparavant.
Le film alterne deux trames chronologiques : celle du présent (la quête de vengeance, entre deux saouleries et trois prises de becs avec sa fille) et celle du passé (l'infiltration au sein d'une bande qui prépare l'attaque d'une banque... et la naissance de l'amour entre Erin et son partenaire). Euh... en fait, on finit par comprendre qu'on nous a proposé des images venant de trois trames chronologiques différentes. La trame contemporaine est en réalité divisée en deux, mais ça, on ne le saisit que dans le dernier quart d'heure, qui donne un éclairage particulier au début. C'est au point qu'il serait intéressant de revoir le film avec cette idée en tête.
Du côté de l'interprétation, il n'y a rien à dire. Comédiens et comédiennes assurent. La Nicole de notre époque fait bigrement peur, tant elle semble ravagée, physiquement et psychologiquement (par la culpabilité)... mais j'ai été presque aussi effrayé à la vision de Nicole incarnant la fliquette de 25 ans, avec sa peau "poupée de cire".
C'est un polar. Glauque. Ça cogne, ça jure, ça picole, ça fume, ça vomit, ça flingue... à Los Angeles. Les extérieurs sont très bien filmés, avec un gros travail sur la luminosité. Mais l'ensemble est un peu poussif. Je n'ai pas aimé les scènes mère-fille et je trouve qu'on aurait pu raccourcir un peu. C'est néanmoins un exercice de style très regardable. Malgré la chirurgie esthétique, Nicole reste une très bonne actrice.
19:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 22 février 2019
Nicky Larson et le parfum de Cupidon
La bande à Lacheau s'est risquée à adapter ce célèbre manga, dont les (jeunes) téléspectateurs français avaient pu découvrir une version animée dans les années 1990. Autant le dire tout de suite à celles et ceux qui n'en ont jamais entendu parler : cette oeuvre était particulièrement infantile et, dans sa version japonaise non censurée, très portée sur le cul.
De ce point de vue, on peut affirmer que Philippe Lacheau a réalisé un film fidèle à l'esprit du manga. Cela démarre même sur les chapeaux de roue avec une baston dans une clinique... hi-la-rante ! Je ne souhaite à personne de se trouver dans la position du patient endormi (au départ), coincé entre le héros et un inquiétant malabar qui ne lui veut pas du bien.
Les références au style manga sont davantage visibles dans deux autres séquences : la bagarre dans la casse automobile (un petit chef-d'oeuvre) et la poursuite en voitures, pleine de surprises. Lacheau a su parfaitement utiliser les ralentis et les accélérés. Cela nous mène au point d'orgue, la bataille finale dans l'ancienne usine, de surcroît spectaculaire.
C'est que faire une bonne comédie exige de réunir beaucoup d'ingrédients : un bon scénar, de bons dialogues, de bons acteurs et une mise en scène réglée au millimètre. Bon, il y a bien ça et là quelques petits "blancs", quelques gags qui portent moins que les autres mais, franchement, moi qui croyais avoir vu les meilleurs dans la bande-annonce, eh bien j'ai été très agréablement surpris.
Je préviens tout de même les bonnes âmes : c'est un "film de mecs", pour NOUS les hétéros. Sans rentrer dans les détails, je me contenterai de dire que le directeur de casting a dû passer d'éprouvants moments à sélectionner la foule de bombasses qui traversent cette histoire.
Le paradoxe est que l'une des plus belles, Elodie Fontan (actuellement aussi à l'affiche de Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu ?), est volontairement enlaidie pour passer pour un garçon manqué. On va évidemment découvrir qu'elle est super bien gaulée, au moins autant que la pléiade de conquêtes du son obsédé de partenaire, Nicky. Cerise sur le gâteau : au cours de ses aventures, ce coureur de jupons va se poser d'existentielles questions sur son orientation sexuelle...
Pour les "vieux" spectateurs, il y a des allusions à de prestigieux anciens, en particulier Louis de Funès (directement et indirectement, par une référence à Fantômas contre Scotland Yard). Du point de vue de la modernité, on notera une utilisation intelligente des réseaux sociaux, durant la séquence dite du lit (un des très bons moments du film).
J'aime aussi quand Lacheau ose. A au moins deux reprises, il utilise des enfants dans sa mécanique du rire... et le public (dans la salle où je me trouvais) adore. Je ne peux pas non plus décrire ce qu'il arrive à divers animaux, du hamster aux canards, ceux-ci constituant une sorte de fil rouge de l'intrigue, fil rouge qui se conclut de manière... canon !
La fin nous réserve un joli retournement scénaristique... et un dernier gag à caractère sexuel, en forme de pied de nez au méchant de l'histoire.
Il y aurait encore plein de choses à dire sur cette comédie efficace, mais je terminerai par un simple mot : MERCI.
21:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Une intime conviction
Ce "film de procès" est consacré à l'affaire de la disparition de Suzanne Viguier (toujours non élucidée à ce jour), plus particulièrement à la préparation et au déroulement du second procès d'assises, qui s'est tenu à Albi (le premier s'étant déroulé à Toulouse).
Attention toutefois : le scénario, qui prend quelques libertés avec la réalité, ne propose pas une vue strictement objective de l'affaire. Le réalisateur s'est placé dans le camp de l'accusé (reconnu innocent) Jacques Viguier, incarné par un Laurent Lucas étonnamment mutique.
Les deux personnages principaux sont le nouvel avocat de la défense, incarné par un Olivier Gourmet au sommet de sa forme, et sa petite main discrète et obstinée, interprétée par Marina Foïs, qu'on croirait investie d'une mission. Du côté des seconds rôles, je signale les performances de Philippe Uchan (vu notamment dans Au-revoir là-haut, il joue ici l'amant de la disparue), d'India Hair (la baby-sitter, remarquée dans Crash Test Aglaé) et d'Armande Boulanger, très juste dans le rôle de la fille de l'accusé.
C'est très bien joué, rythmé, prenant, voire haletant. J'ai particulièrement aimé la mise en scène du travail de fourmi réalisé par Nora/Marina, qui est sur le point de foutre sa vie en l'air pour voir triompher ce qu'elle pense être la justice. Par contre, dans une scène, on en fait un peu trop : extraits d'écoutes à diffuser au procès + câble d'alimentation du portable oublié dans la voiture + coup de fil urgent du fils + véhicule qui déboule dans la rue = surcharge inutile.
A l'audience, pour moi, le meilleur moment est celui de l'interrogatoire de la baby-sitter, qui change grandement la manière de voir les jours qui ont suivi la disparition de Suzanne Viguier. Le film nous laisse toutefois sur notre faim... et pour cause : on ne sait toujours pas si l'épouse du juriste est encore en vie ni où elle se trouve. Ceci dit, vu ce qui ressort de l'affaire, il y a peu de chances qu'elle ne soit pas morte. La question reste en suspens : qui l'a tuée ?
16:56 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société, france
jeudi, 21 février 2019
La Grande Aventure Lego 2
Cela fait déjà cinq ans que le premier volet est sorti... Comme le temps passe !... pour nos petits personnages aussi. Le début de l'histoire s'inspire de films-catastrophe et de la science-fiction (notamment Jurassic Park et La Planète des singes, première mouture). Emmet est l'un des derniers habitants optimistes du monde de briques, qui a subi de gigantesques dégradations... et voilà que débarquent de redoutables entités, qui enlèvent ses amis !
Les auteurs ont conservé le principe qui a fait le succès du premier volet : une intrigue de base compréhensible par les petits, avec beaucoup de petits gags visuels, et une foultitude de clins d'oeil destinés aux parents qui accompagnent leur progéniture. S'ajoute à cela une part plus développée consacrée au monde des humains, qui a des répercussions sur le monde des jouets.
Sur le fond, il est question du fait de grandir et des relations frère-soeur. Doit-on forcément s'endurcir (et donc devenir moins gentil) pour être considéré comme plus mûr ? Partager sa passion avec sa petite soeur ne risque-t-il pas d'affadir le jeu ? (L'entreprise Lego a bien entendu intérêt à ce que les petites briques passionnent aussi les demoiselles...)
Clairement, l'histoire m'a moins intéressé que celle d'il y a cinq ans. Mais j'ai retrouvé l'esprit caustique et le sens du gag qui m'avaient plus naguère. (Je pense notamment que l'histoire du mariage de Batman restera dans les mémoires.) La meilleure nouveauté consiste en l'apparition de dinosaures particulièrement évolués. J'aurais donc tendance à recommander ce deuxième opus, où, cependant, on rit rarement aux éclats.
22:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 20 février 2019
Un Coup de maître
Il y a deux ans, Gastón Duprat s'est fait connaître des cinéphiles par une comédie satirique, Citoyen d'honneur. Il récidive aujourd'hui, quittant le milieu littéraire pour celui de la peinture contemporaine.
La première partie nous présente le duo de héros, deux vieux amis liés par l'amour de la peinture. Arturo est un galeriste dynamique, toujours prêt à faire une bonne affaire. Renzo est l'ancien peintre à la mode, qui n'arrive plus à vendre une toile. C'est immédiatement drôle parce que Luis Brandoni (un inconnu pour moi) rend parfaitement crédible ce personnage d'artiste vieillissant mais plein de verve, un anarchiste sans le sou qui continue à courir la prétentaine et méprise son époque. Ses répliques sont souvent cinglantes. Je recommande la séquence qui le voit se charger (à sa manière) de la commande d'un riche industriel...
La deuxième partie tourne autour de l'hospitalisation de Renzo, qui a perdu goût à la vie. On commence à se poser des questions sur l'amitié qui le lie à Arturo. Dans quelle mesure le peintre n'est-il pas un simple pique-assiette, qui abuse de la générosité de son mécène ? De son côté, dans quelle mesure Arturo est-il sincère, lui qui a fait fortune quand les toiles de Renzo se vendaient comme des petits pains ? Qu'en est-il de la jeune muse du peintre, qui semble mener une vie très libre ? Sa visite à l'hôpital est particulièrement savoureuse.
La troisième partie voit se mettre en place une arnaque. Je ne vais évidemment pas dire laquelle. Elle permet de comprendre la nature véritable de la relation entre les deux héros. Elle est aussi un moyen pour le réalisateur de se moquer du marché de l'art contemporain... un aspect de l'intrigue qui a peut-être déplu à nos bonnes élites culturelles, qui ont parfois évité de recommander cette rafraîchissante comédie.
16:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 18 février 2019
Vice
Le titre du nouveau film d'Adam McKay (auquel on doit The Big Short) est à double sens : c'est la contraction de "vice-président", la fonction occupée par Richard Cheney sous George W. Bush, entre 2001 et 2009... et c'est un adjectif, qui peut être traduit par "vicieux" en français. C'est dire que ce biopic ne prend pas le chemin du regard distancié. C'est un mélange de documentaire et de fiction, à charge.
L'histoire entremêle deux trames chronologiques. On découvre le jeune Cheney au début des années 1960, étudiant alcoolique. Dans le même temps, on nous présente le rôle décisif tenu par le vice-président, à partir des attentats islamistes du 11 septembre 2001. Les retours en arrière sont chargés de montrer comment un type très ordinaire va devenir l'homme le plus puissant du pays (selon l'auteur), tandis que la trame principale met en exergue son action contemporaine, éminemment néfaste.
Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de cette histoire que les deux futurs acolytes (Bush Jr et Cheney) soient des alcooliques repentis, le premier parce qu'il a rencontré Dieu, le second parce qu'il a voulu garder son épouse. Celle-ci est incarnée par Amy Adams et c'est sans doute le personnage le plus romanesque de ce film, celui d'une femme intelligente, lucide, patriote et conservatrice, qui a mis sur orbite son balourd de mari, lequel a beaucoup appris au contact de chacals de la politique, finissant par tirer les ficelles, à Washington.
Je n'ai par contre pas été très emballé par la prestation de Christian Bale. Pourtant, sur le plan physique, il finit par ressembler étrangement au vrai Cheney. Mais on sent trop la présence des prothèses et la grimace du visage est vraiment forcée. Si l'on cherche le meilleur comédien, on peut se tourner vers Steve Carell, qui interprète Donald Rumsfeld, une autre enflure républicaine, qui fut le mentor de Cheney, avant de découvrir que l'élève avait dépassé le maître.
L'avidité et le cynisme de la faune républicaine (qui a fait ses premiers pas sous Richard Nixon) est très bien rendue par le film, tout comme la tentative de faire du président (et de son colistier) le chef d'un exécutif fort. Mais les diverses influences qui s'exerçaient sur les dirigeants de la droite ne sont qu'esquissées. Ainsi, même si l'on comprend que Cheney n'était pas un religieux (préférant rester proche de sa fille homosexuelle que gagner l'électorat ultra-conservateur), l'imprégnation chrétienne de George W. Bush est totalement absente du film ! Un comble quand on sait que le président faisait débuter nombre de réunions par... une prière. De la même manière, on ne comprend pas l'une des motivations de ceux qui ont voulu remodeler le Moyen-Orient : y implanter des démocraties pro-américaines stables. Les néo-conservateurs sont réduits à un groupe de complotistes hauts placés, certains très sensibles aux intérêts pétroliers. Là encore, on perçoit les lacunes du scénario, qui ne nous fait pas comprendre comment un étudiant médiocre a pu devenir PDG d'une firme comme Halliburton.
Le film tente d'expliquer une grande part de la vie politique américaine par la vie privée des principaux acteurs (la vie familiale et les réseaux d'amitié). C'est ce que l'on pourrait appeler du "gauchisme pipole". L'auteur semble en être conscient, puisque, juste après le début du générique de fin, il a inséré une scène assez drôle, où plusieurs personnages commentent le film qui vient de s'achever.
J'ai aussi été gêné par l'alternance de scènes de fiction et d'extraits de documents d'actualité, sans que la distinction soit bien établie entre les deux. J'ai par contre apprécié que l'histoire nous soit racontée du point de vue d'un jeune père de famille, ancien soldat de l'US Army envoyé au Moyen-Orient et qui va jouer un rôle déterminant dans la vie du vice-président... d'une manière que je me garderai bien de révéler.
Cela vous donne une idée du caractère hétéroclite de ce film. C'est une assez bonne dénonciation d'une équipe politique qui a foutu le bordel au Moyen-Orient, mais cela manque de rigueur.
21:36 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
dimanche, 17 février 2019
Ralph 2.0
Le titre est trompeur, puisque le véritable personnage principal de ce film d'animation n'est pas ce balourd de Ralph, mais sa meilleure amie, l'adorable petite puce prénommée Vanellope, gamine intrépide au grand coeur :
J'en profite pour conseiller de choisir plutôt la version française du film, dans laquelle ce personnage est particulièrement bien doublé, par Dorothée Pousséo, dont la voix paraîtra sans doute familière à bien des spectateurs.
L'histoire s'adresse à la fois aux enfants et aux parents. Les deux héros font des bêtises, certaines plus grosses que d'autres. Ils vont tenter de se racheter, quitte à mettre leur amitié en péril. Les voilà embarqués pour le monde d'internet... et de Disney, dont les produits sont ostensiblement mis en valeur par le film.
On se consolera avec les clins d'oeil et les (rares) traits d'autodérision. Certaines séquences méritent quand même le détour, comme la course-poursuite après le vol de voiture ou encore la rencontre (très attendue depuis la sortie de la bande-annonce) entre Vanellope et toutes les princesses de l'univers Disney. C'est effectivement réussi, d'autant que la gamine va convaincre lesdites princesses de changer d'apparence ! On retrouve d'ailleurs avec plaisir cette brochette de miss un peu plus tard dans l'intrigue : elles vont donner un coup de main décisif aux héros.
Entre temps, les deux amis vont découvrir le fonctionnement des différents services vedettes de la Toile (eux aussi outrageusement mis en valeur), pour leur plus grand plaisir... et parfois à leur détriment. Très réussie visuellement est la scène qui montre Ralph face à un mur d'écrans géants, où s'affichent les commentaires des usagers des réseaux sociaux. Il y a donc bien une petite morale derrière cette histoire, mais une morale toute gentillette, qui se garde d'émettre des critiques acerbes.
On pourrait aussi s'amuser à relever les allusions cinématographiques, la plus évidente (en fin d'histoire) étant celle à King Kong. C'est du travail bien fait, parfois impressionnant sur le plan visuel. Je me suis toutefois ennuyé à plusieurs reprises : c'est d'un intérêt très inégal... et je regrette le manque de recul des auteurs vis-à-vis de l'omniprésence des écrans dans le monde contemporain.
PS
Aux parents je déconseille d'emmener de très jeunes enfants, qui, dans la salle où je me trouvais, ont perdu le fil de l'histoire (peut-être perturbés par l'avalanche de mots inconnus et de situations compliquées pour eux).
00:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 15 février 2019
La Favorite
Le film aurait dû s'intituler "Les Favorites", vu qu'il y est question (entre autres choses) de la rivalité de deux femmes pour décrocher/conserver la place de conseillère privilégiée de la reine Anne de Grande-Bretagne. Les deux intrigantes, la duchesse de Malborough (ancêtre de Winston Churchill !) et sa cousine Abigail, ont bien existé, tout comme la souveraine, bien entendu.
Tout tourne autour des trois femmes, campées par d'excellentes actrices (toutes trois nommées aux Oscar). La reine a les traits d'Olivia Colman, jadis abonnée aux seconds rôles, et que le grand public a réellement découverte grâce à la série Broadchurch. Ici, elle incarne une vieille enfant gâtée, goinfre, malpropre et cyclothymique, que la mort successive de tous ses enfants a sans doute rendue à moitié dingue :
La favorite en titre est Lady Sarah, une brune intelligente, opiniâtre, un brin cassante... et diablement excitante : elle a les traits, le corps et la diction de la délicieuse Rachel Weisz. (C'est évidemment à savourer en version originale sous-titrée.) Alors qu'elle n'est que le troisième choix de la production, elle étincelle dans le rôle, qu'on croirait écrit pour elle :
Sa rivale est sa propre cousine Abigail, dont la famille est ruinée... et qui a subi quelques avanies dans sa jeune existence. La ridicule oie blanche va petit à petit se muer en redoutable rapace de la cour. Elle est brillamment interprétée par Emma Stone, qui confirme tout le bien qu'on pensait déjà d'elle :
Chaque personnage (et donc chaque actrice) a ses moments de bravoure. La reine surprend par ses brusques changements d'humeur, Olivia Colman réussissant à nous faire saisir les tourments qui la hantent. Lady Sarah est sublime d'intensité, discrète et efficace dans les coulisses du Parlement, arrogante dans les salons, dangereuse une arme à la main. Quant à Abigail, elle se révèle particulièrement douée pour la sournoiserie. Elle joue de sa faiblesse présumée pour manipuler femmes et hommes. J'ai particulièrement aimé les scènes de couple (en formation) avec Samuel Masham (Joe Alwyn). C'est que l'héroïne tient remarquablement bien le manche !
Voilà qui m'amène à une autre grande réussite de cette œuvre : le dépoussiérage du film de costumes. Oh, certes, on touche du doigt la magnificence, le clinquant de la décoration, la délicatesse des étoffes prestigieuses. Mais, fort heureusement, on ne nous cache pas les aspects triviaux de l'existence. Le langage est aussi parfois très cru, ce qui donne encore plus de couleur à cette histoire, tournée avec une lumière naturelle. De jour, cela ne se remarque guère. Mais, pour les scènes se déroulant le soir ou la nuit, l'éclairage aux chandelles donne des résultats de toute beauté. Par contre, je n'ai pas apprécié les effets déformants donnés à certains plans. Ils n'apportent rien à l'histoire, d'autant que la mise en scène est la plupart du temps brillante. On a la confirmation (pour ceux qui en doutaient) que Yorgos Lanthimos (auquel on doit The Lobster) est l'un des plus talentueux réalisateurs de sa génération.
Je termine par une grosse réserve scénaristique.
J'ai gardé pour la fin ce bémol à mon enthousiasme. Attention donc si vous n'avez pas encore vu le film. Dans les lignes qui suivent, je vais révéler des éléments clés de l'intrigue.
Si le fond de l'histoire tourne autour du pouvoir et de la place des femmes dans la haute société britannique du début du XVIIIe siècle, un autre versant important traite de l'amour homosexuel, celui qui lie la reine Anne à Lady Sarah et celui que la reine croit voir naître avec Abigail. Si, sur un plan dramatique, cet aspect donne plus de force à l'intrigue, sur le plan historique, je n'ai rien trouvé qui puisse accréditer cette rumeur. Concernant les relations entre Anne et ses favorites, les historiens parlent de forte amitié, jamais de sexe. Alors ? Pudibonderie ? Autocensure ?... ou invention des scénaristes ?
21:00 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 14 février 2019
Les Invisibles
C'est peut-être le film qui, actuellement, bénéficie du meilleur bouche-à-oreille autour de moi (avec Green Book, chez les cinéphiles purs et durs). J'ai fini par me laisser tenter, d'autant que le réalisateur Louis-Julien Petit m'avait déjà agréablement surpris avec Discount, il y a quatre ans.
On en retrouve d'ailleurs l'une des actrices principales, Corinne Masiero, assez sobre ici (contrairement à ce qu'elle a récemment montré dans Capitaine Marleau, où elle part trop en vrille). Elle est accompagnée par Noémie Lvovsky, Brigitte Sy (qu'on peut actuellement voir sur France 2, dans la -surprenante- série Zone blanche) et Fatsah Bouyahmed (rappelez-vous : La Vache !).
Le rôle principal est tenu par Andrey Lamy, une habituée des comédies faciles (dernièrement CoeXister et Ma Reum). Ici, elle incarne une sorte de Mère Teresa laïque, dont la vie est vouée à l'aide aux plus démunis, plus particulièrement les femmes sans domicile fixe. Elle nous livre une composition pleine de force et d'émotion.
Autour des comédiennes professionnelles gravitent des débutantes, recrutées pour leur expérience de la vie dans la rue. Majoritairement âgées, souvent un peu grosses, rarement jolies, parfois "sans-dents", ces femmes sans éclat apparent donnent une couleur formidable au film, par leur présence physique et leur naturel face à la caméra. Se détache évidemment Chantal, une adorable mamie, véritable as de mécanique... et qui a fait de la prison pour avoir descendu le mari qui la battait.
C'est peut-être la seule faiblesse du film, qui évite (la plupart du temps) de tomber dans le "politiquement correct" : les femmes de la rue sur lesquelles un coup de projecteur est donné ont toutes un talent caché. Une parle italien, une autre était comptable, une autre psychologue... Malheureusement, la réinsertion de ce genre de public ne repose pas toujours sur des bases aussi solides. On trouve aussi dans la rue des personnes qui n'ont jamais reçu la moindre formation et qui sont encore plus difficiles à gérer que les cas extrêmes montrés dans le film. Mais ce choix favorise l'identification par les spectateurs, à l'image de ce qui s'était passé jadis avec Une Epoque formidable.
J'ai apprécié qu'on ne nous présente pas les personnages comme des anges. Les SDF ont en général un caractère bien trempé et les travailleuses sociales ont leurs propres problèmes. L'aide à autrui peut être vue comme un moyen de donner un sens à une vie décevante. Cela risque aussi (comme avec l'héroïne) de les couper de toute vie sociale "normale", tant elles sont investies dans leur travail.
Pendant 1h40, on sourit, on rit, on est ému, inquiet, dans l'attente d'une fin qui ne sera ni sirupeuse ni dramatique, mais porteuse d'espoir. C'est vraiment un film à voir.
21:15 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
mercredi, 13 février 2019
Alita : Battle Angel
Alléché par les bonnes fées (J. Cameron et R. Rodriguez) qui se sont penchées sur ce film, j'ai tenté ma chance, à l'occasion d'une séance en version originale sous-titrée. (A Rodez, on n'en bénéficie pas qu'en art-et-essai. Récemment, de grosses productions comme Glass et Creed II nous ont été proposées aussi bien en version doublée qu'en VO.)
L'héroïne, inspirée d'un manga, est fidèle aux nouveaux canons du film d'action non machiste, de Ghost in the shell à Divergente. Elle est mince et sportive, tenace voire impitoyable, tout en étant capable d'éprouver de profonds sentiments.
Dans le rôle-titre Rosa Salazar (dont on a semble-t-il considérablement rajeuni les traits) s'en sort très bien. Elle est crédible dans les scènes d'action et fait bien ressentir ce qu'éprouve son personnage. (A titre d'anecdote, je précise qu'elle a un petit rôle dans Divergente 2.) On s'habitue très vite à ses grands yeux, qui contribuent à rendre son visage plus expressif. Le procédé rappelle les tableaux de Margaret Keane, à laquelle Tim Burton a naguère consacré le film Big Eyes (dans lequel jouait déjà un certain Christopher Waltz).
La relation (de type père-fille) qui se tisse entre Alita et le docteur Dyson (Christopher Waltz, plutôt bon) est assez touchante, bien que pas assez approfondie à mon goût. C'est d'ailleurs le principal défaut de ce film, très réussi sur le plan formel : il survole beaucoup de choses, en réutilisant de surcroît quelques vieilles recettes.
Ainsi, on du mal à croire à la relation amoureuse qui naît au premier regard entre la cyborg ressuscitée et le séduisant trafiquant, genre aventurier rebelle pour filles de bourges en goguette. J'ai quand même apprécié l'évolution de ce personnage masculin, qui devient plus altruiste... mais on est loin du Han Solo de Star Wars.
L'héroïne va devoir affronter une impressionnante galerie de méchants, plus ou moins redoutables. N'hésitons pas à le dire (et à l'écrire) : les scènes de combat, qu'elles se déroulent dans les rues, sous terre ou dans un stade, sont brillantes. Si l'on ajoute à cela un habillage visuel scintillant, on peut considérer ce truc comme un divertissement convenable, un peu prévisible certes, mais pas sans charme.
PS
Une suite est prévue.
23:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 10 février 2019
Green Book
Ce "livre vert" est un guide de voyage créé aux Etats-Unis pendant la période de ségrégation et destiné aux Afro-américains désireux d'éviter les désagréments d'hôteliers et restaurateurs indélicats racistes. (Aux curieux, je signale que la version de 1949 est disponible en ligne.) Il n'a donc rien à voir avec le livre vert de feu Mouammar Kadhafi, le risque de confusion (aux yeux du public francophone cultivé) expliquant sans doute que le film soit sorti avec son titre original.
Cette histoire "inspirée de faits réels" met en scène plusieurs communautés. On découvre d'abord le milieu italo-américain, dans lequel évolue Tony Lip, un homme de main des mafieux new-yorkais, qui a certes le coup de poing facile, mais qu'on nous présente comme un brave type. Dans le rôle, Viggo Mortensen est stupéfiant de vérité.
Il va se retrouver face à Don Shirley, un pianiste noir virtuose, élitiste et guindé, formidablement incarné par Mahershala Ali (vu récemment dans Free State of Jones et Les Figures de l'ombre). Entre les deux héros, c'est un peu le choc des cultures, le paradoxe étant que c'est l'homme noir qui est raffiné, le Blanc étant un rustaud... mais un rustaud qui connaît le culture populaire black. La première partie met plutôt en scène les différences (non "raciales") entre les deux personnages, notamment pendant les trajets en voiture. L'une des scènes marquantes est celle qui fait intervenir du poulet frit... Tony/Viggo s'y révèle insupportablement goinfre.
On attend bien sûr le moment où, ayant quitté les Etats (officiellement) non ségrégationnistes, les héros vont débarquer dans le "Deep South", où il est inconcevable qu'un "nègre" commande un Blanc. Fini les hôtels chics pour le pianiste, qui va davantage côtoyer les Afro-américains moyens, en général pauvres. Le contraste avec les salles de spectacle et les grandes demeures où il se produit est saisissant. Là, tout n'est que luxe, calme et volupté... blanches.
A partir de là, c'est un peu balisé : le pianiste noir subit les marques de racisme, son chauffeur blanc, pas très "Black Friendly" de prime abord, s'attache à lui et lui sauve la mise à plusieurs reprises. De son côté, Shirley se décoince un peu... et file un coup de main à son employé quand il peine à écrire à son épouse. On se dirige vers une fin assez prévisible, mais belle quand même, l'apogée se situant (pour moi) dans le petit bar noir, lors d'une séquence de toute beauté.
Au niveau de la réalisation, c'est très classique. N'attendez pas de recherche particulière au niveau de la mise en scène. Mais c'est du travail soigné, avec de beaux décors et des éclairages superbes. Les dialogues (que j'ai pu savourer en V.O. à Rodez) sont très bien écrits avec, cerise sur le gâteau, beaucoup de traits d'humour (où l'on retrouve la patte de Peter Farrely).
17:22 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, cinéma, cinema, film, films
samedi, 09 février 2019
L'Intervention
Ce film de guerre assez austère relate les circonstances dans lesquelles s'est illustrée une unité spéciale de la gendarmerie, ancêtre du GIGN. L'action se déroule en 1976, alors que la majorité de l'Afrique est décolonisée... mais pas le Territoire français des Afars et des Issas, stratégiquement placé à l'entrée du détroit de Bab el-Mandeb. On est en pleine Guerre froide. Le bloc communiste se porte bien et même progresse en Afrique.
L'ambiance des seventies est bien restituée par la musique d'accompagnement et la pratique de l'écran partagé (au début). Certains apprécieront aussi les tenues vestimentaires et les coupes de cheveux...
Les héros sont une bande de gendarmes atypiques, du genre doués mais francs-tireurs. On sent les références aux films américains. Cette unité spéciale est envoyée sur une base de la Légion, alors qu'un bus scolaire a été détourné par des indépendantistes djiboutiens. La prise d'otage est filmée de manière spectaculaire.
C'est alors qu'intervient un autre personnage important, celui de l'institutrice des enfants. Elle est incarnée par Olga Kurylenko, qu'on a coiffée et habillée comme un clone de Sophie Marceau. La belle et courageuse enseignante rejoint les enfants, mais se place sous la menace des preneurs d'otages, qui ne sont toutefois pas tous présentés comme des brutes sanguinaires.
La tension remonte dès que les commandos de gendarmerie se mettent en place, à l'insu des Djiboutiens. C'est très bien foutu, alors que quelques maladresses, au début, m'avaient fait craindre le pire. Les acteurs sont bons. On sent peser la chaleur et les odeurs moites (y compris celles de pets...). Ces hommes courageux et intelligents vont tenter de réaliser un exploit, alors que presque tout semble se liguer contre eux, y compris le général de la Légion et la conseillère Afrique de l'Elysée, personnages en lesquels on retrouve de vieilles connaissances : Vincent Perez et Josiane Balasko, pour mon plus grand plaisir.
Même si elle est un brin hollywoodienne sur la fin, cette histoire se suit avec grand plaisir.
00:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, cinéma, cinema, film, films
mercredi, 06 février 2019
Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu ?
Presque cinq ans après la sortie du premier volet des aventures de la famille Verneuil (qui fut un énorme carton au box-office), nous retrouvons quasiment tous les personnages... avec quasiment les mêmes défauts. Le premier dîner familial est d'ailleurs une répétition de l'un des repas du film précédent, durant lequel Claude, le patriarche gaulliste (incarné avec gourmandise par Christian Clavier), débite ses plaisanteries "politiquement incorrectes", au désespoir de ses gendres et de ses filles (toutes remarquablement interprétées, soit dit en passant).
C'est drôle, mais l'on courait le risque de se manger le même film. Fort heureusement, les scénaristes ont introduit des péripéties inédites. Les couples fille/gendre envisagent tous de partir s'installer à l'étranger (en Chine, en Israël, en Inde et en Algérie !), avec leur progéniture, privant papy et mamie Verneuil de leurs petits-enfants. Si les raisons qui les conduisent à ce choix radical ne sont pas très bien amenées, les conséquences sont par contre assez cocassement mises en scène.
C'est le personnage de la grand-mère (Chantal Lauby, formidable) qui sort du lot. Elle tombe en dépression et se met à la marche nordique... de jour comme de nuit. On la découvre aussi accro à son smartphone et très branchée réseaux sociaux... avec plus ou moins de réussite.
Mis devant le fait accompli, Marie et Claude mettent au point un plan machiavélique pour tenter de convaincre les gendres de revenir sur leur décision. Pour moi, c'est la meilleure partie du film. Dans le même temps, le couple de grands bourgeois va accueillir sur sa propriété un réfugié afghan, source de quelques quiproquos savoureux. De son côté, la belle-famille ivoirienne va subir un véritable traumatisme moral, dont je me garderai bien de révéler la teneur... (On retrouve avec bonheur Pascal Nzonzi.)
Voilà. C'est hyper-balisé, fait pour séduire à la fois les spectateurs qui ont des préjugés et ceux qui les rejettent. On se dirige vers une fin consensuelle, qui prône le "vivre ensemble". Le film, qui se voulait plutôt grinçant à la base, se garde en réalité de franchir les lignes rouges, à commencer par le dénigrement des homosexuels, qui ne sont la cible d'aucune plaisanterie douteuse. Si cette comédie est incontestablement rythmée, elle est surtout très sage.
21:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 03 février 2019
La Mule
Un an après le très médiocre 15h17 pour Paris, Clint Eastwood revient, derrière et devant la caméra, pour mettre en scène une histoire vraie, celle d'un papy employé par un cartel de la drogue mexicain. Le scénario en décale toutefois l'histoire : le héros Earl (Clint, eastwoodien jusqu'au bout des ongles) est un vétéran de la guerre de Corée (et pas de la Seconde guerre mondiale) et l'action se déroule à cheval sur 2005 et 2017, pas dans les années 1980.
C'est d'abord un portrait de l'Amérique modeste besogneuse... et blanche. L'ancien combattant Earl ne semble avoir bénéficié d'aucune aide et, devenu horticulteur, il subit la concurrence du commerce en ligne. Lui qui, à 88 ans, n'a jamais récolté la moindre amende au volant, va plonger dans l'illégalité, d'abord pour survivre, puis pour répandre un peu de bonheur autour de lui.
Plusieurs détails disséminés ici et là indiquent le milieu (blanc conservateur et patriote) dans lequel a baigné Earl durant sa jeunesse et la première partie de sa vie active : les Noirs sont des Negroes, les homosexuelles des "gouines" (dykes)... et j'aurais peine à me souvenir de tous les termes péjoratifs employés à propos des Latinos. Néanmoins, ce petit Blanc élevé dans les préjugés interrompt sa route pour venir en aide à un couple de Noirs et, bien qu'interloqué par le groupe de bikeuses homos, il leur indique comment réparer leur bécane. Il finit même par nouer des liens d'amitié avec certaines des petites frappes du gang de trafiquants. C'est d'ailleurs l'une des qualités du film que de nuancer l'appréciation des personnages et des groupes. On n'est pas dans le manichéisme d'American Sniper, par exemple.
Pratiquement tout le monde joue bien... avec quelques baisses de tension de la part de Clint. On nous dit qu'il est en bien meilleure forme que le personnage qu'il incarne, mais, à deux-trois reprises, il m'a semblé jouer un peu approximativement. J'ai vu le film en version originale sous-titrée (et dans une grande salle... ALLELUIA !) ; j'ai donc pu percevoir les inflexions de sa voix, pas toujours bien audible. Les face-à-face avec l'agent de la DEA (Bradley Cooper) sont par contre très réussis, tout comme les dernières scènes familiales. (Il me semble toutefois y avoir aperçu un faux raccord, dans un plan tourné dans la chambre où repose l'ex-femme d'Earl : quand il y entre, la première fois, un équipement semble fixé sur le corps de la malade... dont il n'y a aucune trace dans les plans suivants.)
Au niveau technique, c'est globalement du bon boulot. Eastwood filme très bien l'intérieur, celui des garages, des bars et des restaurants. Les scènes de transport font respirer l'intrigue : elles montrent le fourgon d'Earl traversant des paysages parfois superbes et elles baignent dans une musique nostalgique et entraînante... qui séduit même le duo de nervis chargé d'accompagner le héros lorsque le chargement est particulièrement important.
Comme souvent chez Clint, le sous-texte est fourni. On sent l'homme un peu perturbé par le monde tel qu'il est devenu, avec ses contemporains obnubilé par internet, plus attentifs à leur téléphone portable qu'à leurs proches. A travers Earl, il est possible que ce soit Eastwood qui s'exprime, notamment lorsqu'il est question de l'importance de la famille. (La fille d'Earl est interprétée par une certaine Alison Eastwood !) Mais je pense qu'il faut prendre un peu de recul vis-à-vis de cela. Le film nous montre quand même un vieil homme qui a peur de finir sa vie seul, d'où son attachement à ses relations sociales (le club d"horticulteurs jadis, le bar de vétérans depuis toujours). Et si cet ex-mari fait de belles déclarations à son épouse, il n'en batifole pas moins avec des prostituées quand ses poches se remplissent d'argent (et profite des "hôtesses" de la villa du chef du Cartel).
Ce n'est pas aussi fort que Gran Torino, mais c'est un bon Eastwood, nourri de la pâte humaine qu'il sait si bien malaxer.
12:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 01 février 2019
Glass
Pour des raisons au moins autant économiques qu'artistiques, près de vingt ans après Incassable (le thriller le plus neurasthénique jamais produit par Hollywood), M. Night Shyamalan a écrit une suite à ce film et au récent Split, reprenant le maximum de comédiens présents dans les précédentes histoires.
Le début s'adresse plutôt aux spectateurs qui n'auraient pas vu celles-ci, ou qui en auraient en partie oublié le contenu. On prend plaisir à voir le Superviseur (Bruce Willis, très grisonnant) donner une bonne leçon à un duo de jeunes cons.
On change d'ambiance quand le trio d'hommes exceptionnels (ou supposés tels) se retrouve enfermé dans un hôpital psychiatrique un peu particulier, où tout semble conçu pour pouvoir les contrôler... sauf que, dès le début, on comprend que les infirmiers ne sont ni très éthiques ni très rigoureux dans leur travail. Si vous ajoutez à cela des mesures de protection dont on devine qu'elles seront tôt ou tard déjouées par les trois patients très spéciaux, vous comprendrez que je n'ai pas été extrêmement emballé par le début, en dépit de la petite baston entre le Superviseur et la Bête.
Fort heureusement, les acteurs font le job. Bruce Willis a encore une belle présence, même si le poids des ans se fait sentir. James McAvoy en fait trop dans la gestion de ses personnalités multiples... mais je pense que c'est ce qu'on attendait de lui. Pour moi, le plus impressionnant est Samuel L Jackson. Il faut dire qu'il est bien servi par le scénario, qui exploite à merveille ses aptitudes à la manipulation. Par contre, je trouve les principaux personnages féminins moins bien campés : celui de la psychologue et celui de Casey (déjà vue dans Split), pas plus convaincante que son partenaire dans leur numéro de "la Belle et la Bête".
Dès que le projet d'évasion prend forme, on est saisi. J'ai particulièrement aimé le passage au cours duquel la psy tente de convaincre ses trois pensionnaires qu'ils se bourrent le mou et que leur supposés super-pouvoirs ne sont qu'un effet de leur imagination, tout pouvant s'expliquer rationnellement. On sent la malice de Shyamalan, qui déconstruit ce sur quoi les deux films précédents étaient bâtis.
On s'attend évidemment à des surprises, à des retournements. La dernière demi-heure en est nourrie... un peu trop même. La meilleure idée consiste sans doute à faire tout partir de l'accident de train présenté dans Incassable (qu'il vaut mieux avoir revu avant). Le personnage masculin assis ci-dessous (pas très loin de David Dunn) figure dans les deux films (furtivement dans le premier). La découverte de son identité est l'une des clés de l'intrigue.
On se doute aussi que la psy cache son jeu, mais le coup du complot n'est pas très crédible. Shyamalan conclut sur une ultime pirouette, qui laisse ouverte la possibilité d'une suite...
PS
Comme dans Incassable, le réalisateur nous gratifie d'un caméo, dans la boutique gérée par David Dunn et son fils. Cette scène fait écho à une autre, se déroulant à l'entrée d'un stade, des années auparavant :
23:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 30 janvier 2019
Minuscule 2
Quatre ans après la sortie de La Vallée des fourmis perdues, les petites bestioles sont de retour pour des aventures exotiques, intitulées : "Les mandibules du bout du monde". Cela démarre pourtant en France métropolitaine, dans le Mercantour, où l'on découvre une famille de coccinelles en train de constituer un stock en prévision de leur période d'hibernation. Quand c'est nécessaire, maman coccinelle vient donner un coup de patte à son enfant, embêté par de vilaines mouches.
Pas très loin de là, un entrepôt est l'objet de bien des convoitises. On y retrouve une fourmi noire audacieuse, mais qui doit faire face à ses plus redoutables adversaires : les ignobles fourmis rouges. A l'issue d'une séquence particulièrement rocambolesque, une partie de ce petit monde finit dispersée dans plusieurs colis postés aux quatre coins de la planète.
C'est en Guadeloupe qu'atterrissent deux des coccinelles (le papa et le fiston, semble-t-il). Provisoirement séparés, ils vont devoir affronter de redoutables périls, comme les plantes carnivores, les mantes religieuses... et une drôle d'araignée poilue, dotée du comportement d'un jeune chien fou !
Les coccinelles se font aussi des amis. Le fiston va même connaître l'amour, au sein d'une communauté de congénères tropicaux très curieux. Pendant ce temps-là, deux personnages restés en France décident de partir à la recherche des héros : la fourmi entrepreneuse... et l'araignée (noire) muette, particulièrement imaginative... et mélomane.
C'est sans dialogue... et l'on comprend tout (si l'on est un adulte ; je déconseille le film aux tout-petits, qui risquent de vite décrocher). L'ambiance sonore est chouette (avec d'excellents bruitages), même si j'ai trouvé un peu envahissante la musique d'accompagnement (très élaborée, elle est de Mathieu Lamboley, qui a récemment oeuvré sur Le Retour du héros).
L'intrigue ménage pas mal de rebondissements. On sent ici ou là les influences cinématographiques. L'une des plus belles séquences (dans la tanière des chenilles urticantes) semble d'ailleurs inspirée de Star Wars. Lesdites chenilles vont se révéler particulièrement utiles aux héros, qui veulent empêcher un méchant promoteur de saccager une zone naturelle magnifique. Il y a donc aussi une morale à cette histoire, qui met en valeur l'entraide et l'amitié.
On passe un bon moment, sur un rythme toutefois un peu lent, pour qui connaît les petits films télévisés qui ont révélé cet univers si particulier.
22:57 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 19 janvier 2019
Holy Lands
L'écrivaine Amanda Sthers a adapté son livre Les Terres Saintes. L'action alterne entre Les Etats-Unis (un New-York très boboïsant), l'Europe (brièvement) et Israël (autour de Nazareth, Tel Aviv-Jaffa et l'agglomération de Jérusalem).
C'est cette partie de l'histoire qui m'a incité à aller voir le film. Harry Rosenmerck, un Américain à la retraite (James Caan, en petite forme) a tout laissé tomber (logement, famille, amis...) pour partir élever des porcs en Israël. Il y rencontre une vive opposition de la part de juifs religieux... et de chrétiens fanatiques, qui veulent mettre la main sur son exploitation, située à un endroit où aurait vécu Jésus.
Les tensions montent d'un degré quand on apprend que l'apprenti-éleveur garde l'un des porcelets... chez lui ! Un jour, l'une des truies, pourvue de douze tétines, a donné naissance à... 13 porcelets. Le plus faible d'entre eux risque de rapidement succomber, ne parvenant pas à se nourrir seul. Notre héros décide de le garder et d'en faire son animal de compagnie. Le voilà en train de nourrir au biberon un goret (une gorette, en réalité) assez docile, qui semble raffoler du lait ! (Même si le contexte est différent, les cinéphiles penseront au Cochon de Gaza.)
Loin, très loin de là, la famille de Harry se débat dans ses troubles existentiels. Le fils aîné est un metteur en scène de théâtre à la mode, qui cherche à adopter un enfant avec son compagnon. Il règle ses comptes familiaux (en particulier avec son père, qui ne communique plus avec lui) dans sa dernière pièce, dont le peu que l'on voit laisse supposer qu'elle est particulièrement intellichiante...
Sa soeur cadette, bien qu'âgée de 34 ans, vit toujours aux crochets de ses parents. Elle est interprétée par une sorte de mannequin qu'on a habillée comme jadis Julia Roberts, quand elle tournait des comédies sentimentales. C'est cette Annabelle qui va tenter de retisser les liens familiaux, se rendant chez sa mère, son frère, puis en Israël, où, à l'issue d'une alerte aux roquettes, sur une plage, elle va fougueusement copuler avec un jeune homme qu'elle vient à peine de rencontrer, dans une ambiance de contrejour esthétisante...
Et la mère dans tout ça ? Elle est interprétée par Rosanna Arquette, qui semble sortir d'une clinique de chirurgie esthétique. (Mais cela semble dans le ton du personnage.) On ne va pas trop l'accabler, puisqu'on apprend rapidement qu'elle développe un cancer incurable. C'est l'occasion pour les spectateurs Frenchies de découvrir que Patrick Bruel participe à cette drôle d'aventure (tournée en anglais et produite par Studiocanal). Il y joue le médecin ami de la famille. (J'ai appris après coup que c'est l'ex de la réalisatrice, qui, dans un premier temps, avait pensé à lui pour jouer le rabbin.)
Vous avez compris que je n'ai pas été emballé par ce produit cultureux... sauf quand l'action se déroule en Israël. Là, c'est (en général) bien réalisé, avec une superbe lumière en extérieur. Les relations entre le héros et le rabbin Moshe Cattan (interprété par Tom Hollander) sont souvent piquantes, parfois émouvantes. Mais cela ne suffit pas à faire de la vision de ce film un plaisir intégral.
12:26 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 16 janvier 2019
Edmond
Attention, ce film n'est pas un biopic d'Edmond Rostand, mais le récit (un peu romancé) des circonstances dans lesquelles la pièce Cyrano de Bergerac a été écrite et montée, à Paris, à la toute fin du XIXe siècle. La capitale tchèque française forme l'écrin (numérique) de cette histoire, avec un petit côté carte postale.
C'est ce qui m'a fait redouter le pire, au début, d'autant que j'ai un problème avec l'acteur principal, Thomas Solivérès, qui incarne l'écrivain avec une fadeur horripilante. (Il était meilleur dans Sales Gosses.) Fort heureusement, il est entouré d'une brochette de professionnels très compétents, au premier rang desquels je place Olivier Gourmet, excellent en Constant Coquelin, l'acteur charismatique et vibrionnant qui a créé le rôle de Cyrano en 1897. Du côté féminin, j'ai aimé les prestations de Mathilde Seigner en actrice virago et de Lucie Boujenah, qui prouve qu'on peut être "nièce de" et avoir du talent.
Autour d'eux gravite une quantité impressionnante de visages connus, de Clémentine Célarié à Dominique Pinon, en passant par Olivier Lejeune, Lionel Abelanski, Dominique Besnehard et Bernard Blancan. Les amateurs de comédies policières reconnaîtront deux acteurs des Petits Meurtres d'Agatha Christie et le commissaire de Profilage, très bon en tenancier de bar cultivé. Je place à part Simon Abkarian et Marc Andreoni, les producteurs corses du spectacle, dont je laisse à chacun le plaisir de découvrir la principale de source de revenus... Le soir de la Première, assis dans une petite loge en hauteur, ils m'ont fait un peu penser aux deux petits vieux acariâtres du Muppet Show (Statler et Waldorf)... en plus gentils.
Après un début poussif, l'histoire démarre quand Rostand rencontre Coquelin. La première séquence au Moulin Rouge est aussi très réussie. A partir de là, on ne s'ennuie plus. Le scénario fonctionne sur le principe de la mise en abyme : l'intrigue de la pièce de théâtre est un décalque de ce que vit l'auteur. De surcroît, comme l'époque est à la comédie de boulevard (avec notamment Georges Feydeau), l'histoire prend parfois la forme d'une farce, avec personnages hauts en couleur, répliques qui fusent et portes qui claquent.
Le succès de la pièce, hautement improbable au départ, nous est conté dans le détail, l'apothéose se situant lors de la Première, qui s'achève sur le décès du héros (Cyrano). Cette scène est tellement réussie que, pour paraphraser Sacha Guitry, on pourrait dire que le silence qui succède au texte d'Edmond Rostand est encore d'Edmond Rostand.
P.S.
Ne partez pas trop vite, à la fin. Pendant que se déroule le générique, on nous propose plusieurs extraits de pièces et de films, de l'époque de Coquelin à celle de Depardieu, à chaque fois avec un Cyrano différent. On découvre ensuite des photographies d'époque, montrant le vrai visage des personnages qui viennent de quitter l'écran.
23:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 12 janvier 2019
L'Heure de la sortie
Il y a deux ans et demi, Sébastien Marnier s'était fait remarquer par un excellent petit polar, sorti en douce, en plein été : Irréprochable (avec Marina Foïs). Aujourd'hui, il récidive avec Laurent Lafitte dans le rôle d'un enseignant remplaçant, plutôt habitué aux établissements situés en ZEP, et qui débarque dans un lycée privé huppé, où, de surcroît, on lui confie une classe expérimentale, à effectif réduit, constituée d'E.I.P. (élèves intellectuellement précoces).
Une fois le choc de la scène inaugurale passé, c'est plutôt le rire qui l'emporte, au fur et à mesure que le prof de lettres découvre les particularités de son public, auquel il va tenter de s'adapter. Une fois de plus, Lafitte est excellent (dans un rôle très différent de ceux qu'il a interprétés dans Au revoir là haut et Paul Sanchez est revenu !). Il est bien épaulé par une Emmanuelle Bercot limite foldingue (en prof de chant) et une brochette de jeunes acteurs épatants. Parmi ceux-ci, je distingue Luana Bajrami, qui incarne Apolline, sorte de tête pensante d'un noyau dur de surdoués, d'une surprenante maturité. La jeune actrice réussit à exprimer à la fois l'assurance, l'arrogance, l'intelligence, l'indifférence... et un poil de vice. (Elle n'est de plus pas dénuée de charme.)
Le réalisateur crée une ambiance oppressante en partant de plans apparemment anodins, où le surgissement d'un détail, accompagné d'une musique décalée, change le sens d'une scène.
L'enseignant remplaçant se fait un peu déstabiliser par ses nouveaux élèves. De son côté, il se met à espionner le noyau dur mené par Apolline. Que diable partent-ils faire ensemble le week-end ? Quel secret partagent-ils ? Sont-ils juste des ados qui testent leurs limites ? Des élèves difficiles à cerner, tant leur précocité est hors norme ? Ou bien leur comportement cache-t-il quelque chose de plus grave ?
C'est une très bonne surprise, qui se conclut par une scène totalement inattendue... qui a suscité le débat entre moi et l'amie avec laquelle j'ai vu ce film. Elle a une interprétation plutôt optimiste de cette fin, tandis que j'y vois quelque chose de plus noir, voire de machiavélique. Mais je laisse à chacun le loisir de se forger son opinion !
23:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 09 janvier 2019
Never-Ending Man : Hayao Miyazaki
Ce court (1h10) documentaire japonais est consacré à l'une des grandes figures du cinéma d'animation, qui a fortement contribué à renouveler le genre et à l'élever au rang d'art majeur. Nombre de cinéphiles gardent des souvenirs émus de Nausicaä, du Château dans le ciel, de Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro, entre autres. Ses dernières œuvres sont Ponyo sur la falaise et Le Vent se lève, qui devait être l'ultime, en 2013.
C'est donc un "jeune" retraité (de plus de 75 balais, quand même) que le réalisateur suit, caméra numérique au poing. Signalons tout de suite que l'image n'est pas d'une qualité exceptionnelle et, surtout, que le son est parfois épouvantable. Mais c'est pour mieux connaître le Maître que l'on va voir ce film.
On découvre un homme passionné par son art, qui ne peut se résoudre à raccrocher. J'ai beaucoup aimé les scènes qui le montrent en train de dessiner. Parfois, un extrait de l'un de ses films est placé en contrepoint. On le suit aussi dans sa vie quotidienne, dans sa maison, devant laquelle est garée une antique 2CV ! On ne verra toutefois pas son épouse, ni de détail scabreux. L'homme est pudique, resté modeste malgré la reconnaissance internationale.
Par contre, dans le boulot, il peut se montrer cassant. Exigeant avec les autres comme avec lui-même, il n'aime ni l'approximation, ni le travail bâclé. Mais, découragé par la somme d'efforts que nécessite la création à la main d'un long-métrage animé, Miyazaki expérimente l'outil numérique, en compagnie d'une nouvelle équipe de jeunes (l'ancienne ayant été dissoute après son dernier film), qui ne témoigne pas à son égard d'un respect particulier. J'ai eu l'impression que, certes, ils reconnaissaient l'apport du grand ancien, mais qu'ils le considéraient peut-être comme faisant partie d'un monde révolu. Les étapes de la création du court-métrage Boro la chenille n'en sont pas moins passionnantes à suivre.
Ce n'est pas trahir un grand secret que de révéler que Miyazaki n'a pas été conquis par l'animation numérique. Il devient même franchement hostile quand il apprend qu'une équipe japonaise, spécialiste d'intelligence artificielle, prévoit de créer un programme qui permettra de remplacer complètement les humains ! Du coup, malgré son grand âge, malgré l'affaiblissement de ses capacités intellectuelles et physiques (ce dont il est conscient), malgré le décès de certaines de ses collaboratrices historiques (une dessinatrice avec laquelle il a travaillé pendant quarante ans ainsi que sa coloriste attitrée), Miyazaki décide de se lancer dans un ultime projet (dont l'aboutissement est pour l'instant prévu en 2022).
Ce n'est pas un "beau" film sur le plan esthétique, mais il intéressera les fans de manga et d'animation de qualité.
22:55 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 07 janvier 2019
Baisse des entrées au cinéma de Rodez
A l'heure des bilans de l'année 2018, on constate qu'à Rodez, le passage de Cap'Cinéma à CGR n'a pas enrayé la baisse du nombre d'entrées. Le quotidien Centre Presse évoque une diminution de 7 %, à 302 000 entrées en 2018. Cela implique qu'en 2017, le cinéma de Rodez ait vendu entre 324 000 et 325 000 tickets. Or, cela ne concorde pas avec les chiffres publiés l'an dernier, puisque le même quotidien évoquait 318 000 entrées, tandis que, dans La Dépêche du Midi, il était question de seulement 315 000. Cherchez l'erreur... (Il est possible que l'un des écarts soit dû au choix de prendre en compte -ou pas- les entrées gratuites.) En complétant avec les 315 000 entrées de 2014 (première année complète d'existence du Multiplexe)et les 317 979 et 332 559 de 2015 et 2016, on peut dégager une évolution.
De son inauguration, en octobre 2013, à la fin de 2016, le multiplexe Cap'Cinéma a rencontré un succès grandissant, auquel a succédé une indéniable baisse (la dernière plutôt de l'ordre de 4-5 %, conforme à l'évolution nationale), ce qui place l'année 2018 à la dernière place du palmarès des entrées.
Dans l'article de Centre Presse, une série de raisons plausibles est donnée, auxquelles il faudrait ajouter l'une des récriminations de certains spectateurs : l'augmentation du prix. Quelle que soit la formule ou le tarif retenu, il y a eu hausse. Pour les spectateurs qui ne peuvent acquérir un abonnement par l'intermédiaire d'un comité d'entreprise, l'addition peut se révéler salée en cas de sortie familiale. Pour les cinéphiles réguliers, il reste la possibilité d'acquérir la carte CGR avec le chargement le plus onéreux (qui donne accès au coût unitaire place le moins élevé), à croiser avec le tarif réduit du lundi et du jeudi (qui permet d'accumuler les points sur son compte). Ou alors, il faut se rabattre sur les séances de 11 heures... le week-end seulement pour ceux qui travaillent le reste de la semaine.
Il semble aussi que la stratégie de CGR ne porte pas ses fruits. Par rapport à l'époque de Cap'Cinéma, il a été décidé de programmer moins de films sur l'année, mais de les exposer davantage. Il y a aussi la tendance à favoriser, en première semaine, la version 3D (la plus rémunératrice pour le cinéma) des grosses productions, reléguant temporairement les séances 2D le matin et tard le soir. Résultat : en deuxième voire troisième semaine, certains blockbusters (comme Aquaman) font le plein en séance 2D, alors qu'ils sont en perte de vitesse au niveau national. Les séances en 3D ont tendance à vite disparaître de la grille.
Voilà qui nous mène à un autre critère d'appréciation du succès d'un complexe cinématographique : l'analyse de l'ensemble de ses recettes, incluant la vente de lunettes 3D (et le surcoût des séances associées) et, surtout, les profits tirés du rayon confiserie. Si le seuil de rentabilité officiel du multiplexe est fixé à 300 000 entrées (ouf !), un très bon rendement des "produits dérivés" peut le faire baisser. Mais ce sont là des informations qui restent confidentielles...
22:41 Publié dans Cinéma, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, presse, médias, journalisme, actualité
samedi, 05 janvier 2019
La Huitième Femme de Barbe-Bleue
La copie restaurée de cette comédie de 1938 ressort sur les écrans français. C'est l'un des bons films d'Ernst Lubitsch, un cinéaste né en Allemagne qui a connu trois carrières différentes.
Tout tourne autour du duo formé par Claudette Colbert (née en France, elle a fait carrière aux Etats-Unis, où elle a reçu un Oscar en 1935) et Gary Cooper. Elle est Nicole de Loiselle, la fille d'un aristocrate français désargenté... et pique-assiette. Lui est Michael Brandon, un homme d'affaire américain prospère et arrogant. Ils se rencontrent dans un grand magasin, autour d'un pyjama dont le milliardaire ne veut acheter qu'une moitié (le haut). C'est très drôle et, si l'on est attentif, on voit rebondir cette thématique à plusieurs reprises dans le film.
L'intrigue prend ensuite le tour d'une arnaque. La famille de l'aristocrate désargenté pousse la jeune femme dans les bras du milliardaire qu'on juge naïf. On va négocier jusqu'au contrat de mariage... mais l'héroïne commence à s'inquiéter quand elle découvre que son promis a un passé conjugal très agité... Les situations sont cocasses, les dialogues piquants. Les scènes semblent organisées à la seconde près.
La deuxième partie de l'histoire montre le couple marié... en plein désaccord. Nicole cherche visiblement à inciter son nouveau mari à divorcer le plus vite possible, au besoin en utilisant les grands moyens. Lui découvre que sa nouvelle épouse n'est décidément pas une femme comme les autres, et il cherche à la reconquérir. On est en plein théâtre de boulevard... et c'est bien.
Mais ce qui rend cette comédie supérieure à bien des autres est le projet final de Nicole. Je ne le dévoilerai pas ici. Je peux quand même dire qu'il y a un propos féministe dans cette histoire (alors que le début joue sur les clichés, parfois misogynes) : l'amour authentique entre deux personnes a besoin de l'égalité pour s'épanouir. Voilà qui rend ce film de 1938 furieusement moderne.
23:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 04 janvier 2019
Qui a tué Lady Winsley ?
Au large du détroit du Bosphore, dans une île turque peu fréquentée l'hiver, une romancière américaine est retrouvée, assassinée. Pour écrire son nouveau livre, elle enquêtait sur un vieux fait divers. Le seul indice à disposition des enquêteurs est une tache de sang retrouvée dans l'oeil gauche de Lady Winsley... que certains habitants appellent Lady Nestlé, d'autres, Lady Presley !
L'affaire est très sensible, le gouvernement états-unien prenant au sérieux le meurtre de l'une de ses ressortissantes. Voilà pourquoi un as de police criminelle est dépêché d'Istanbul pour aider le commissaire local dans sa tâche. C'est l'occasion pour le réalisateur d'évoquer, sur le mode humoristique, certaines pratiques des forces de l'ordre, plus habiles à extorquer des aveux qu'à analyser les indices...
Il s'agit donc d'une comédie policière. Les personnages sont un brin caricaturaux. On n'est pas loin de la comédie italienne, mais dans une ambiance de polar qui lorgne sur les classiques anglo-saxons. Sans surprise, l'enquêteur est un policier solitaire (très lié à sa mère !), méthodique et pas très loquace. Le commissaire local n'est pas du genre à trop se creuser la tête. De prime abord, il pourrait même paraître stupide, mais on va découvrir qu'il en a quand même dans le ciboulot.
Il va en falloir de l'intelligence et de l'habileté pour démêler les fils de l'intrigue. Au départ, les policiers pensent qu'une simple petite analyse ADN va leur permettre de résoudre le meurtre. Le problème est que cette analyse va être le début d'une procédure beaucoup plus longue, avec tous les sous-entendus que cela implique au niveau de l'île, qui n'est qu'un grand village : tous les habitants sont plus ou moins cousins, y compris l'infirmière qui travaille pour la police.
Le héros se retrouve face à une société patriarcale, où domine une cohorte d'anciens, portant chapeau et manteau sur les épaules. Les femmes sont supposées rester dans les normes de la respectabilité locale. (Mais elles sont toutes vêtues à l'occidentale.) Certaines ont un fort tempérament. (On retrouve là des archétypes de la comédie italienne, mais aussi du style balkanique, serbe ou roumain, par exemple.) Sur son chemin, le héros va croiser une logeuse séduisante et assez futée, l'infirmière pulpeuse et timide, une unique collègue policière très mignonne... et une ribambelle d'épouses, mères, tantes, cousines, nièces qui tiennent à préserver leur réputation.
C'est bien filmé et souvent drôle, comme lorsque l'enquêteur demande à l'un de ses subordonnés de descendre un prévenu qui avait été attaché en hauteur, dans le sous-sol du commissariat... avant de comprendre que l'autre croit qu'il lui a ordonné de l'exécuter !
L'histoire prend une épaisseur supplémentaire quand débarque la question kurde. Je n'en dirai pas plus, mais cela contribue à faire d'une petite comédie sympathique un film d'une plus grande ampleur, que je recommande chaudement.
13:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 02 janvier 2019
Miraï, ma petite soeur
J'ai parfois lu et entendu que cette oeuvre révélait au grand public un créateur de la trempe d'Hayao Miyazaki (dont je parlerai bientôt). C'est oublier que Mamoru Hosoda n'est pas un débutant. Cela fait une quinzaine d'années qu'il réalise des longs-métrages, parmi lesquels on peut distinguer Summer Wars, Les Enfants Loups et, il y a trois ans, l'enthousiasmant Le Garçon et la bête.
D'ailleurs, dès les premières minutes, n'importe quel spectateur peut constater quel est le degré de maîtrise de l'auteur, à travers plusieurs types de plan. Il y a les vues aériennes d'une grande ville portuaire, sans doute Yokohama. Il y a les scènes montrant le gamin faire de la buée sur les vitres avec son souffle, un geste simple mais très difficile à mettre en image. Il y a enfin les premiers instants du bébé à la maison, en gros plan... saisissant.
L'histoire s'adresse à la fois aux parents et aux enfants (de différents âges). Le coeur de l'intrigue porte sur la jalousie que Kun éprouve à l'arrivée de Miraï dans la famille. Le gamin, déjà assez capricieux à la base (et jamais puni par ses parents, des intellos "modernes"), va devenir limite insupportable... et se réfugier dans l'imaginaire, croit-on.
En réalité, le jardin situé dans la cour intérieure de l'habitation est magique. Il va mettre Kun en contact avec l'ancien "prince de la maison" (un grand jeune homme qui est le substitut d'un personnage que je laisse à chacun le plaisir de découvrir), puis sa soeur devenue adolescente, ensuite sa propre mère lorsqu'elle était enfant, son grand-père récemment disparu, enfin une version plus âgée de lui-même.
C'est passionnant, d'abord parce que c'est crédible sur le plan visuel (un grand soin ayant été apporté aux détails), ensuite parce que les rencontres effectuées par Kun sont toutes porteuses de sens. Elles lui font comprendre qu'un autre personnage a déjà connu le sentiment de déclassement affectif qui le taraude désormais. Il est aussi amené à voir sa petite soeur sous un autre jour (le gag étant que la version de celle-ci adolescente appelle "grand frère" un gamin de moins de huit ans !). Il va mieux comprendre ses parents (le caractère de sa mère et l'introversion de son père).
Du coup, quand on est spectateur, on a le choix du personnage auquel s'identifier. On peut se reconnaître dans plusieurs d'entre eux, à différents moments de la vie. Qu'est-ce qu'être parent ? Qu'est-ce que l'enfance ? (dans le Japon d'aujourd'hui... et ailleurs) Le film ambitionne de répondre (avec humour et délicatesse) à ces angoissantes questions.
PS
Au niveau de la trame temporelle, à première vue, on pourrait penser qu'il y a un problème de concordance des âges. Kun enfant a au maximum six-sept ans, ses parents étant âgés de 35 à 40 ans. Or, le grand-père est censé avoir vécu (jeune) la Seconde guerre mondiale (et l'un des bombardements massifs de 1945). S'il avait ne serait-ce que 18 ans à l'époque, il ne peut avoir donné naissance à l'un des deux parents de Kun, qui sont nés une trentaine d'année avant celui-ci, donc vers 1980.
La solution est donnée par un dialogue entre le héros et sa version plus vieille (âgée sans doute de 18-20 ans). Le vrai présent est celui au cours duquel Miraï est devenue ado et Kun un jeune adulte, prenant le train pour suivre ses études à Tokyo. Le présent de la narration (avec Kun âgé de 5-6 ans) est en fait un passé récent (remontant à 12-15 ans). L'action se déroulerait au tout début des années 2000, les parents de Kun étant nés au milieu des années 1960.
21:42 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films