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samedi, 15 juin 2013

Le noir au Moyen Age

   C'était le thème de la conférence tenue par Virginie Czerniak (maître de conférence à Toulouse II Le Mirail) au Centre européen de Conques, vendredi 14 juin. Le maître de cérémonie Pierre Lançon puis la conférencière elle-même n'ont pas pu s'empêcher de faire référence à l'oeuvre de Pierre Soulages (dont les vitraux ornent l'église abbatiale toute proche). La suite s'est détachée du temps présent, pour nous plonger dans toute la richesse de l'époque médiévale.

   A l'époque, deux mots latins existent pour la couleur sombre : ater et niger. Le premier, qui a donné "atrabilaire" en français, désigne un noir mat, inquiétant. Le second désigne un noir brillant, valorisant. La suite de la conférence s'est attachée à développer cette ambivalence.

   L'universitaire a commencé par relier les usages médiévaux à des pratiques plus anciennes. Dans nombre de civilisations, le noir a trait à l'origine, au chaos dont le monde est issu. Par voie de conséquence, il n'est pas étonnant de retrouver des figures féminines noires incarnant la maternité. Ces vierges noires sont devenues célèbres, comme celle de Meymac (en Corrèze) :

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   Dans le Sud-Ouest (et au-delà), c'est celle de Rocamadour qui est la plus connue :

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   Mais, dans le Massif Central, la plus emblématique est sans doute celle du Puy-en-Velay :

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   Toutes sont des figures maternelles et sont assises sur le trône de sagesse. Elles ne sont pas sans rappeler certaines représentations de Cérès et de Déméter, auxquelles elles ont peut-être simplement succédé, à l'image de ce qui s'est produit en Italie. Dans le sud de ce pays, à Paestum, on a retrouvé une sculpture de la déesse grecque Hera, une grenade à la main, symbole de fertilité.

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   Et, comme par hasard, dans toute la région, les représentations de la Vierge suivent ce modèle, telle la "Madone à la grenade" :

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   On peut trouver aussi une origine biblique... et géographique à ces femmes atypiques. Voici ce qu'on peut lire dans le Cantique des cantiques :

Je suis noire mais belle, filles de Jérusalem,

Comme les tentes de Cédar, comme les pavillons de Salomon.

Ne prenez pas garde à mon teint noir,

C'est le soleil qui m'a brûlée.

   Marie étant une juive de Palestine, il est fort probable que, tout comme les habitants de l'époque du roi Salomon, elle ait eu la peau foncée. De surcroît, ce texte a connu un regain d'audience à l'époque, sous l'influence de l'un des maîtres intellectuels de l'Occident chrétien, Bernard de Clairvaux.

   A ces figures lumineuses s'oppose l'image de l'Enfer, associé à la couleur noire. Le feu a beau y brûler, il n'éclaire pas. Les damnés y souffrent, coupés de la vision de Dieu (le sens est ici bien entendu symbolique.)... et sont persécutés par démons, sortes de pendants des animaux qui menacent les humains dans notre monde.

   L'iconographie médiévale identifie clairement (!) les "bêtes noires", créatures du démon, notamment l'ours et le sanglier. La conférencière a introduit une distinction alimentaire dans la classification, en s'appuyant sur les traités de vénerie, en particulier le Livre de chasse de Gaston Phébus (curieusement orthographié "Fébus" dans le diaporama projeté).

   Les animaux sauvages sont notamment distingués selon leur régime alimentaire. En gros, les herbivores sont les "gentils", les carnivores sont les "méchants". L'ours noir, le sanglier (et le loup) sont donc particulièrement décriés.

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   Ils sont réputés sales et agressifs. Selon la conférencière, c'est le sanglier qui hérite de la plus mauvaise réputation. Est-ce parce qu'il est omnivore ? Est-ce parce qu'il ne redoute pas d'approcher des villages, d'agresser les humains et surtout les enfants laissés sans protection ? Une autre hypothèse fait intervenir la christianisation des campagnes. Celles-ci ont longtemps été marquées par des survivances des cultes gaulois, qui considéraient le sanglier (ainsi que l'ours) comme un animal important. Ce retournement opéré par l'Eglise avait peut-être aussi pour but de détacher définitivement les ruraux des croyances "païennes"...

   La représentation des humains noirs soulève aussi des questions. Il s'agit d'hommes à la peau foncée, voire aux cheveux crépus. Le diable est représenté en noir, soit que la couleur se limite à ses vêtements, soit que le personnage en entier soit noir.

   Toutefois, il ne semble pas qu'un dénigrement systématique soit appliqué à l'égard des hommes noirs, bien au contraire. On en veut pour preuve les représentations de saint Maurice, par exemple dans la cathédrale de Magdebourg :

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   Notons que cette statue date du XIIIe siècle, période à partir de laquelle un autre homme noir rejoint les canons de l'iconographie chrétienne : Balthazar, l'un des rois mages.  Dès l'Antiquité, on a représenté ces personnages pourtant à peine évoqués par l'un des évangiles canoniques. Tous trois sont d'abord vêtus à la mode persane, de bonnets, de tuniques et de pantalons. Dans la première partie du Moyen Age, chacun d'entre eux incarne un âge différent : le jeune homme, l'adulte confirmé et le vieillard. A partir du XIIIe siècle, ils représentent les continents (connus) où le christianisme (religion universelle) a vocation à se répandre : Europe, Asie et Afrique. D'où le personnage noir.

   Néanmoins, cette dernière partie du Moyen Age est aussi marquée par l'apparition de figures repoussoirs de couleur noire. Ainsi, une fresque de Giotto (datant de 1304-1306) illustrant la Flagellation (dans la chapelle Scrovegni) fait intervenir un bourreau africain :

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   D'après la conférencière, on ne trouve pas ce type de représentation avant la fin du XIIIe siècle. On pourrait se demander si ce changement ne serait pas lié à des événements extérieurs à l'Europe : les croisades. Certes, la première s'est déroulée de 1096 à 1099 et les suivantes au XIIe siècle. Mais les croisés, qui furent d'abord victorieux, ont subi par la suite nombre de défaites, qui ont conduit à la disparition progressive des Etats latins d'Orient :

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   Ainsi, dès 1268, la principauté d'Antioche disparaît, sous les coups de boutoir des Mamelouks d'Egypte. Le comté de Tripoli cède à son tour en 1288. 1291 voit les derniers lambeaux du royaume de Jérusalem (regroupés autour de Saint-Jean-d'Acre) tomber entre les mains des nouveaux maîtres (musulmans) de l'Egypte. L'apparition, peu de temps après, de personnages noirs négatifs pourrait se comprendre comme une dénonciation de l'expansion musulmane, effectuée au détriment de provinces chrétiennes.

   L'intervention de Virginie Czerniak s'est achevée par des propos sur les vêtements. Là encore, l'ambivalence est à l'oeuvre. C'est une raison technico-économique qui en est la cause. Pendant tout le Moyen Age, obtenir des tissus de couleur noire s'est avéré très difficile... et coûteux. Par conséquent, malgré la sobriété apparente des vêtements sombres, en porter était un signe de richesse et de pouvoir. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon, l'un des hommes les plus puissants du XVe siècle, incarne à merveille cette tendance :

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   Au XIXe siècle, ce sont d'autres hommes exerçant une fonction d'autorité qui vont hériter du vêtement noir : le policier, le juge, le prêtre, l'instituteur. Au XXe siècle, le pouvoir politique rejoint ce "club", avant qu'une dose de diversité (du bleu foncé par exemple) ne soit introduite.

   C'était aussi un symbole de modestie, à l'image de celle des moines bénédictins (de Cluny) ou de la Vierge Marie, pas toujours représentée avec un vêtement bleu.

   Ce n'est que tardivement que la couleur noire a exprimé le deuil. Dans la noblesse, pendant longtemps, c'est plutôt le violet (pour les hommes) et le blanc (pour les femmes) qui a été arboré. La rupture semble survenir lors des obsèques d'Anne de Bretagne (épouse successive des rois Charles VIII et Louis XII), décédée en 1514. Désormais, en pays chrétien, le retour des corps à la terre sera associé au vêtement noir, alors qu'ailleurs, notamment en Asie, le départ des défunts vers la lumière sera associé au blanc.

   PS

   Il n'en a pas été question durant la conférence, mais je trouve utile d'aborder le cas du jeu d'échecs, évoqué dans un livre-entretien entre Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le Petit Livre des couleurs :

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   Il y est question du couple noir/blanc. Michel Pastoureau rappelle que d'autres oppositions de couleurs ont circulé : rouge/blanc et rouge/noir, par exemple. Ainsi, lorsque les échecs ont été créés en Inde, au VIe siècle, les pièces étaient noires ou... rouges. Dans les pays musulmans où le jeu s'est répandu, on a gardé les mêmes couleurs. Ce sont les Européens qui ont effectué le changement, vers l'an Mil. A partir de cette époque, les pièces ont été blanches ou... rouges ! L'opposition qui nous semble "naturelle", entre les noirs et blancs, n'est apparue qu'à la Renaissance.

vendredi, 14 juin 2013

Le Pouvoir

   Patrick Rotman a consacré un documentaire aux débuts de la présidence Hollande, de mai à décembre 2012. Il a pu suivre de l'intérieur, caméra à l'épaule ou fixe en position privilégiée, la mise en place et les premiers pas du nouvel exécutif français.

   Fort logiquement, cela commence par la passation de pouvoir entre Nicolas Sarkozy et son vainqueur/successeur. On peut y voir à l'œuvre le contraste qui sert de fil rouge au film : le décorum de la République d'un côté, la "normalitude" du président de l'autre, parfaitement incarnée par le costume mal ajusté qu'il porte :

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   La cravate est de travers, la chemise dépasse de l'une des manches et la veste du costume est mal boutonnée, semble-t-il. On retrouve ces caractéristiques dans la séquence consacrée à la création de la photographie officielle, en compagnie de Raymond Depardon :

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   Il a fallu tout un travail pour faire rentrer convenablement les manches de la chemise sous celles de la veste du costume... sans oublier de recentrer la cravate ! Pour la petite histoire, signalons à ceux qui ne l'auraient pas remarqué que les drapeaux (français et européen) figurent bien sur la photographie, à l'arrière-plan, à gauche.

   La suite du film nous montre le président évoluant dans les bureaux luxueux (mais vieillots) de l'Élysée, entre collaborateurs, ministres, écrans divers et téléphones. On discute beaucoup... et on ne dit pas grand chose. C'est le grand défaut du film : il ne nous montre pas les hommes en action, mais en discussion, voire en représentation. Du coup, cela reste à la surface. Le vrai travail de fond n'est pas mis au premier plan. Il me semble que Rotman est resté prisonnier de l'aspect communication du pouvoir.

   J'ai éprouvé la même déception pour le travail des "petites mains" de l'Élysée, des huissiers aux cuisiniers en passant par la Garde républicaine. Quelques moments leur sont consacrés, mais c'est bien peu et très superficiel, alors qu'il y aurait tant eu à dire sur la machinerie au quotidien.

   Les curieux de la vie politique trouveront de l'intérêt à certaines séquences, qui voient évoluer des personnages de premier plan dans un autre contexte que celui d'un entretien télévisé. On peut aussi s'amuser à relever l'artificialité de certains comportements. Quelques ministres ont vite compris que le président était suivi par une caméra...

   De manière plus croquignolesque, j'ai tenté de débusquer la moindre apparition à l'écran de certaines personnes, comme Jérôme Cahuzac, que l'on voit à plusieurs reprises, plutôt dans la seconde partie.

   Au final, ce n'est pas déplaisant, mais c'est plutôt mou du genou. Les contempteurs de la dépense publique y trouveront matière à contestation, tant l'exercice du pouvoir est entouré de fastes républicains, parfois bien inutiles.

mardi, 11 juin 2013

Une prison de rêve

   Hier lundi, la ministre de la Justice Christiane Taubira est venue inaugurer la nouvelle cité universitaire maison d'arrêt du Grand Rodez, à Druelle. Au passage, elle est revenue sur les polémiques qui entourent la mise en service du bâtiment.

   Ainsi, la Garde des Sceaux a justifié l'installation des brumisateurs, qui permettraient d'éviter l'échauffement des esprits, en particulier en période caniculaire. On voit par là que la ministre ne sait visiblement pas que le climat qui règne dans cette partie de l'Aveyron n'est pas tout à fait le même que celui de sa Guyane natale. Ajoutons que le site de la prison, le Puech de Grèzes (qui touche la zone artisanale de Bel-Air), se trouve à presque 600 mètres d'altitude (plus de 1 900 pieds, selon Google Earth) à peine moins que le sommet de Rodez...

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   Sa visite des lieux a été amplement médiatisée. Un diaporama lui est consacré, sur le site de Centre Presse. Il est pourtant une photographie que seuls les lecteurs (acheteurs) de la version papier du quotidien auront vue, celle-ci :

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   D'autres images des cellules sont proposées, certaines permettant de découvrir le coin douche-WC. Mais seule celle ci-dessus permet de voir la télévision à écran plat et le petit réfrigérateur dont chaque pièce est équipée. Curieux, non ?

   Avec tout cela, j'ai failli oublier : le coût de la chose. Au début, il était question de 12,5 millions d'euros. Les médias aveyronnais ont parlé de 20 millions au total, soit une augmentation de 7,5 millions d'euros, qui représentent un surcoût de plus de 50 %. Dire que les contribuables n'ont même pas eu droit de visiter l'établissement !

dimanche, 09 juin 2013

La nouvelle nouvelle formule du "Ruthénois"

   L'hebdomadaire aveyronnais n'a pas subi de transformation profonde, cette fois-ci. On reste au format tabloïd (apparu la semaine dernière), avec une pagination limitée à 16. La rubrique des communes du Grand Rodez ne fait pas sa réapparition. Par contre, l'intégralité du journal est imprimée sur papier glacé. C'est gênant pour ceux qui auraient voulu en faire un usage disons non orthodoxe, mais c'est agréable au toucher et à la vue (pour le lecteur).

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   Page 3, on nous annonce encore du changement. Le rythme de parution va se réduire, puisqu'à partir du 21 juin, l'hebdomadaire deviendra bimensuel. L'actualité "chaude" y sera donc moins présente, au profit de sujets plus "sociétaux". On en a un aperçu cette semaine, avec une double-page (pas inintéressante, ceci dit) consacrée au jardinage. Mais, bon...

   Page 4, les curieux liront attentivement la rubrique "En bref". Ils y trouveront un communiqué du maire de Rodez Christian Teyssèdre, qui rend hommage à Xavier Rouvière, un commerçant ruthénois récemment décédé. Ce communiqué, publié aussi sur le site de la radio Totem, ne comporte pas la mention "vrai Ruthénois" qui avait fait réagir (par avance) KaG sur le site Aligorchie. Alors, qu'en est-il ? Le maire a-t-il retouché son papier pour en éliminer toute formule maladroite, ou bien s'agit-il d'une fausse polémique ?

   Pages 6 et 7, l'hebdomadaire revient sur la venue de François Hollande en Aveyron, il y a bientôt deux semaines. Page 11, c'est l'action caritative à laquelle d'anciens champions du monde de 1998 ont participé qui est de nouveau évoquée. L'hebdo brosse le portrait des anciens, plus ou moins glorieux avec le poids des ans.

   Les pages culturelles closent le journal.

   A la réflexion, je me demande si les directeurs du Ruthénois n'auraient pas l'intention de le transformer en gratuit (à l'image du mensuel A l'oeil et de l'hebdomadaire Le Saint-Affricain). Ils toucheraient ainsi (en théorie) un public plus large et pourraient augmenter leurs ressources publicitaires. Pour que cela soit rentable, il faudrait réduire les coûts salariaux et limiter la rédaction à une personne, voire deux. N'est-ce pas ce qui est en cours ?

23:33 Publié dans Presse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : presse, médias, actualité

samedi, 08 juin 2013

Une prison modèle sur le Grand Rodez ?

   Le 1er juillet 2013, officiellement, la nouvelle maison d'arrêt du Grand Rodez entrera en fonction, à Druelle, une commune de l'ouest de l'agglomération ruthénoise. Située à proximité de la zone de Bel-Air et de la route de Rignac (qui mène aussi à Villefranche-de-Rouergue), elle sera facilement accessible :

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   L'ancienne, encore en service, se trouve à Rodez même, à proximité du jardin public, à moins de 500 mètres de la cathédrale :

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   Le bâtiment est vieillot. C'est l'un des plus anciens couvents de la ville, dont la construction remonte au XVIIe siècle. Pendant la Révolution, il a été transformé en prison, fonction conservée jusqu'à aujourd'hui. Le bâtiment n'est pas aux normes. Les conditions de travail des gardiens y seraient difficiles et les cellules indignes d'un pays développé au XXIe siècle. Les locaux sont aussi trop étroits. (N'oublions pas que la population carcérale ne cesse d'augmenter.) Si l'on ajoute à cela l'enclavement urbain et la proximité du nouveau pôle festif (comprenant la salle des fêtes, le multiplexe de cinéma et le musée Soulages), on comprend qu'il a été jugé pertinent de déplacer ce petit monde dans un bâtiment plus moderne, fonctionnel... et un peu à l'écart du centre.

   Contrairement à l'ancienne, la nouvelle maison d'arrêt se visite. Attention, hein ! Ce ne sont pas les citoyens ordinaires qui ont eu droit d'observer l'utilisation de leurs impôts (contrairement à ce qui s'est fait pour l'hôpital de Bourran, en 2006). Seuls les journalistes (accompagnant de rares privilégiés) ont eu accès aux bâtiments. Cela nous a valu deux diaporamas. On notera que celui de Midi Libre met davantage en valeur les "pipoles" que les bâtiments. (Rétrospectivement, on peut estimer que ce fut un bon échauffement avant la venue de François Hollande à Rodez.) Mieux vaut donc regarder celui mis en ligne sur le site de France 3 Midi-Pyrénées. Les photographies sont de Rouzane Avanissian.

   Les cellules ont un un petit côté chambre d'étudiant :

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   On sous-entend donc que les détenus seront seuls, jamais deux (ou plus...). Hum... est-ce bien certain ? Il semble aussi que les "problèmes de douche" (et de savon qui glisse...) soient résolus avec l'équipement de chaque cellule. Là encore, c'est une information à confirmer.

   La polémique est née de la présence de la télévision. Dans l'image ci-dessus, un espace (que j'ai entouré en bleu) semble avoir été prévu pour l'installer. On peut aussi distinguer la prise électrique, au-dessous de la tablette. D'après un représentant les gardiens de prison, l'accès au bouquet de chaînes de Canal + serait fourni gratuitement aux détenus. De plus, ceux-ci auraient un petit frigo à leur disposition, dans la cellule, élément que l'on s'est bien gardé de montrer dans les diaporamas. On n'y a pas vu non plus les brumisateurs de la cour de promenade...

   Je ne suis pas choqué par la présence de la multitude d'équipements (d'autres sont montrés dans le diaporama de France 3). Il faut bien favoriser la réinsertion des détenus, dont la peine (ou le reliquat de peine) devra être inférieur à deux ans (un an dans l'ancienne prison). Mais le coup des chaînes de Canal, alors que la TNT gratuite devrait suffire (surtout en période de vaches maigres budgétaires) m'a interloqué. Quant aux brumisateurs, leur présence révèle surtout l'ignorance des personnes qui ont prévu leur installation.

   Mais il est un autre problème dont on a trop peu parlé : les malfaçons. Un article de La Dépêche du Midi cite les propos du secrétaire national de l'UFAP (principal syndicat des matons), qui évoque un million d'euros (sur 12,5 de budget initial, soit 8 % !). Il est notamment question de serrures défectueuses, un comble pour ce genre de structure ! Alors, qui est responsable ? Peut-être faut-il chercher du côté de la maîtrise d'oeuvre, dont les titulaires sont nommés sur le site du Grand Rodez :

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samedi, 01 juin 2013

La nouvelle formule du "Ruthénois"

   Vendredi 31 mai, l'hebdomadaire du Piton est sorti sous un nouveau format :

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   Voici ce que cela donne quand on place ce numéro au-dessus du précédent :

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   Il occupe un peu plus de la moitié de la surface du numéro de la semaine dernière, qui était au format berlinois (celui des quotidiens Le Monde, La Dépêche du Midi et Midi Libre). Le trait noir, au bas de l'exemplaire, marque le "point de dépassement" par rapport à l'ancien format.

   A première vue, le nouveau semble être de type tabloïd (avec un peu plus de hauteur de page), adopté naguère puis rejeté par le quotidien Centre Presse.

   Voyons le contenu à présent. On commence par une double page consacrée au réalisateur arabe israélien Alaa Ashkar (dont le nom est écorché sur la première page), qui vit en France. L'entretien, passionnant, aborde le conflit israélo-palestinien sous un angle méconnu, celui des Palestiniens restés en Israël après la guerre de 1948-1949.

   Les pages 4 et 5 traitent de la venue de François Hollande à Rodez (la première journée, à l'usine Bosch, au musée Soulages et à la mairie de Rodez).

   La suite du journal est composée de la plupart des rubriques habituelles. A signaler, un article sur l'éventuelle constitution d'une liste de gauche indépendante du maire sortant. On se garde toutefois de nous donner le moindre nom. Certains circulent en ville, mais allez savoir...

   Il est aussi question de la rencontre organisée à Paul Lignon entre des anciens de 1998 et des joueurs de l'association "Un maillot pour la vie". Pas très loin, la parole est donnée à des syndicalistes. On retiendra les propos de ceux de Sud Solidaires, qui réclament une augmentation des impôts.

   La chronique judiciaire et le courrier des lecteurs sont regroupés sur la même page. Lui succède la rubrique culture, précédant la page d'informations nationales et internationales, toujours issues de la même agence. L'hebdomadaire se termine par les annonces et l'agenda de la semaine.

   Et là vous vous dites que les pages locales, celles donnant des informations sur les communes du Grand Rodez et de sa proximité immédiate, ont disparu. Elles font les frais de la réduction de format, celle-ci ne s'accompagnant pas d'une augmentation de la pagination. D'ailleurs, à moyen terme, celle du Ruthénois a tendance à diminuer. Le premier numéro en comptait 24. Par la suite, on a oscillé entre 20 et 24. Depuis quelques mois, les exemplaires se limitent en général à 16 pages, tout comme la version tabloïd sortie hier.

   Je pense que ce changement est dû à deux phénomènes : le plafonnement des ventes de l'hebdomadaire et la recherche d'une meilleure efficacité publicitaire.

   Au niveau des ventes, Le Ruthénois se place loin des autres hebdomadaires aveyronnais : 2 000 exemplaires (selon le syndicat de la presse hebdomadaire régionale), contre environ 6 000 pour Le Journal de Millau et Le Progrès Saint-Affricain. Selon le site de l'OJD, le Bulletin d'Espalion, en perte de vitesse, dépasse à peine les 5 000 exemplaires, alors que Le Villefranchois maintient tant bien que vaille sa position de leader, avec 8 000 exemplaires vendus chaque semaine. Signalons que La Volonté paysanne, diffusée uniquement par abonnement, se vend à un peu moins de 7 000 exemplaires (toujours selon l'OJD).

   Qu'en est-il de l'efficacité publicitaire ? Selon une étude de 2008, la réduction du format des journaux et notamment le passage au tabloïd augmenterait le temps de lecture et faciliterait la reconnaissance des messages publicitaires...

   C'est un problème que ne rencontre pas Le Nouvel Hebdo, qui vit quasi exclusivement de ses ventes et abonnements. Seul Gérard Galtier pourrait donner les chiffres exacts de sa diffusion. A mon avis, le journal satirique se vend moins que les hebdos qui ont pignon sur rue (le clan des 5 - 6 000 exemplaires). Se vend-il plus que Le Ruthénois ? Mystère. Je sais qu'il est beaucoup lu (regardez l'état des exemplaires de la médiathèque de Rodez !)... mais peut-être pas suffisamment acheté.

   Les échéances électorales qui approchent, ainsi que la refonte des collectivités territoriales (qui ne fait que commencer) sont des sujets porteurs qui devraient permettre à la presse locale de retrouver des couleurs. Espérons que l'année 2013 ne verra pas disparaître l'un des hebdomadaires aveyronnais.

mercredi, 29 mai 2013

F. Hollande et les mouches ruthénoises

   La visite (très médiatisée localement) du président de la République à Rodez a donné lieu à une compétition acharnée entre les politiques locaux... pour apparaître sur les photographies aux côtés de François Hollande. Celui-ci devrait s'en réjouir car c'est le signe que, à gauche au moins, il n'est pas démonétisé.

   Le quotidien aveyronnais Centre Presse a très vite mis en ligne deux diaporamas consacrés aux deux visites principales du président. Le plus intéressant des deux est sans conteste celui qui est composé des photographies prises sur le chantier du musée Soulages.

   J'ai compté que sur les quinze photographies apparaissent au moins une fois 11 figures politiques locales... et celui dont la bobine est la plus présente n'est pas celui que l'on croit : il s'agit de Ludovic Mouly, le président de la Communauté d'agglomération du Grand Rodez, visible (totalement ou partiellement) sur 12 des 15 photographies ! Ce pro de la com' (récemment passé chez le coiffeur) remporte haut la main la compétition. Notons que sa présence s'explique car le musée Soulages est un projet communautaire et que, plus tôt dans la journée, le président ne se trouvait pas dans le chef-lieu, mais à Onet-le-Château, autre commune du Grand Rodez. Une question subsiste néanmoins : est-il un grand pote (ou un cousin éloigné) du photographe de Centre Presse ?

   Sur le podium des politiques, la médaille d'argent est décernée à la ministre et conseillère générale Anne-Marie Escoffier, visible huit fois, malgré sa petite taille... et très souvent juste à côté de François Hollande. Quel métier ! Son expérience est perceptible dans le choix de ses habits. La veste qu'elle porte, d'un bleu très particulier, se remarque dans n'importe quel coin de photo !

   A côté de ces deux renards, les autres font figure d'amateurs. Ancienneté et prestige oblige, on voit tout de même cinq fois le président du Conseil régional Martin Malvy. Juste après lui se trouve le maire de Rodez (et tout récent vice-président du même Conseil) Christian Teyssèdre, qui semble un peu faire la gueule. Se serait-il aventuré à demander une rallonge pour le musée Soulages et l'aurait-on éconduit ? Mystère.

   En cinquième position, ô surprise, ce n'est pas un local de l'étape que l'on rencontre, mais le maire de Millau, Guy Durand, dont le teint étrangement hâlé contraste fortement avec la pâleur de l'assistance. Ce n'est pourtant pas dans les rues de la cité du gant qu'il a pu attraper de coup de soleil ces dernières semaines !

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   Avec trois apparitions, il est ex-aequo avec le maire d'Onet-le-Château (et 2e vice-président du Grand Rodez), Fabrice Geniez, stratégiquement placé à côté de la maquette du site du Foirail, une position que l'on imagine conquise de haute lutte.

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   Ce duo devance d'une courte tête un quatuor hétéroclite. On entraperçoit Jean-Louis Chauzy, le président du conseil économique, social et environnement régional (un conseiller municipal d'opposition en très bons termes avec le maire de Rodez). Le Sud Aveyron est à nouveau présent à travers le sénateur-maire de Saint-Affrique, Alain Fauconnier, accessoirement grand connaisseur des arcanes du PS midi-pyrénéen. Dans ce groupe, la parité est respectée, avec la députée de Villefranche-de-Rouergue (et conseillère régionale) Marie-Lou Marcel et la maire de Sébazac-Concourès (3e vice-présidente du Grand Rodez) Florence Cayla. Toutes deux ont fourni des efforts méritoires pour ne pas laisser aux mâles le monopole de la représentation politique :

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   Sur cette photographie, elles ne sont pas les seules à tendre le cou. Entre F Cayla et A-M Escoffier, on distingue nettement Jean-Philippe Sadoul, le maire (divers droite) de Luc-Primaube et premier vice-président de la Communauté d'agglomération. Sans sa présence, l'hégémonie radicale-socialiste aurait été totale !

   Pour croiser les représentants locaux de l'opposition, il fallait se rendre, plus tôt, à l'usine Bosch. L'une des photographies du premier diaporama nous permet de repérer Jean-Claude Luche (le président du Conseil général) et Yves Censi (député UMP de Rodez).

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   Ils ont l'air un peu perdus dans cette ambiance ouvrièro-socialiste. Seraient-ils entrés par effraction ?

   Incidemment, lorsque j'ai visionné le diaporama en grand format, dans le coin en haut à droite, une mention est apparue. D'habitude, c'est tout ce qu'il y a de plus innocent, mais, vu le contexte, j'ai trouvé cela cocasse.
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   Mais... mais, voilà que je me rends compte que j'ai oublié quelqu'un. Et pour cause : on le distingue à peine, une fois, sur l'une des photographies du diaporama "muséal" :

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   Vous ne voyez pas de qui il s'agit ? Bon, allez, je vous aide : un grand gaillard, sportif, dont la coupe de cheveux est (secrètement) jalousée par le Dalaï-lama... Oui, c'est le sénateur Stéphane Mazars !

samedi, 25 mai 2013

Bienvenue chez les Frères !

   Ce vendredi soir, au théâtre La Baleine d'Onet-le-Château, s'est  tenue une conférence-débat sur la franc-maçonnerie, à l'occasion de la célébration du 250e anniversaire de la loge "la Parfaite-Union", fondée officiellement en juin 1762 à Rodez.

   La salle était copieusement garnie. Je dirais que peut-être 450 des 500 places étaient occupées. Même si l'on compte la soixantaine de francs-maçons locaux et leurs proches, cela veut dire que la majorité des spectateurs n'étaient pas membres de l'organisation. Certains même lui étaient sans doute hostiles.

   La soirée a commencé par un discours du maire d'Onet-le-Château, Fabrice Geniez. Fiches à la main, le premier magistrat municipal a lié son action politique au thème de la conférence, évoquant la devise républicaine (liberté égalité fraternité), qu'il il s'est félicité d'avoir fait inscrire au fronton de la mairie. Dans la dernière partie de son allocution, il a rappelé l'origine du nom du lieu et la symbolique de la baleine. Il a terminé par une évocation combative de la laïcité, tout en annonçant sa volonté de briguer à nouveau les suffrages des Castonétois : au cas où certains ne l'auraient pas encore compris, la campagne des municipales est lancée.

   Dans la salle, d'autres politiques étaient présents, notamment le conseiller général et conseiller municipal Jean-Louis Roussel, le conseiller régional et élu du Grand Rodez Guilhem Serieys, le conseiller municipal Serge Bories représentant Christian Teyssèdre. Ces figures de la gauche étaient accompagnées du député UMP Yves Censi, qu'on s'attendrait plutôt à rencontrer à une réunion de la Grande Loge de France ou de la Grande Loge Nationale Française, deux obédiences classées à droite, alors que la loge ruthénoise fait partie du Grand Orient de France, classé à gauche. D'ailleurs, au cours de la soirée, à plusieurs reprises, il a été question de l'engagement des maçons en faveur de la réduction des inégalités sociales. Cerise sur le gâteau, José Gulino, Grand maître du Grand Orient de France, présent à la conférence, a rappelé et justifié son soutien au "mariage pour tous"... contre lequel Yves Censi a manifesté.

   Coïncidence (?), à l'extérieur, un groupe de jeunes hommes (bien habillés, plutôt coupés court) distribuait des tracts contre la loi Taubira :

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   On notera la tentative de récupération de Marianne, symbole républicain, souvent représentée le sein dénudé, qui évoque pour moi davantage la liberté sexuelle que la stricte orthodoxie familiale telle que les religions monothéistes l'ont imposée en Occident. On peut aussi remarquer l'amalgame entre la loi Taubira (qui ne légalise que le mariage et l'adoption - qui, soit dit en passant, ne sera pas plus facile pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels) et deux mesures qui n'ont pas été adoptées : la procéation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Un esprit mal intentionné serait tenté de croire que les auteurs de ce tract masquent leur opposition au mariage homosexuel derrière le refus de la PMA...

   Au verso, le propos se fait plus largement politique :

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   Une partie des Français qui auraient pu être tentés de défiler a déjà compris que certains organisateurs des manifestations ne cherchent pas vraiment à obtenir gain de cause sur ce sujet-là, l'affaire étant pliée depuis un petit moment. Il s'agit plutôt de capitaliser sur un sujet de société et sur la déception des électeurs vis-à-vis de François Hollande pour renforcer des partis politiques aujourd'hui (en partie) discrédités. Qui croira que c'est au seul gouvernement Ayrault que l'on doit la forte hausse du chômage et l'échec partiel du système scolaire français ? C'est à croire que dix ans de chiraco-sarkozysme n'ont fait que du bien à la France...

   Mais revenons à la conférence. Au discours de Fabrice Geniez a succédé un exposé d'environ une heure, faisant l'historique de la loge ruthénoise, de la monarchie absolue à la Ve République. Je n'ai malheureusement pas retenu le nom de l'intervenant, alors que sa communication était vraiment très intéressante, nourrie d'anecdotes et dite sur un ton vivant.

   L'orateur a commencé par évoquer les origines. En fait, ce n'est pas en 1762, mais dans les années 1740 que la loge aurait été fondée. Un texte de 1749 sous-entend que dès 1748 elle était constituée. Un autre évoque, en 1746, la loge ruthénoise comme une fille de celle d'Albi, née un an plus tôt. Pourtant, d'après un site maçonnique, quand elle a rejoint le Grand Orient de France (en 1789), c'est semble-t-il sous le patronnage de Montauban.

   Qui étaient ces premiers Aveyronnais francs-maçons ? Des cadets de famille, aux origines sociales aisées ou assez aisées. Certains francs-maçons aveyronnais se sont enthousiasmés pour les débuts de la Révolution (même s'il en existait de royalistes). Ils se sont divisés sous la Terreur, entre jacobins (comme François Chabot) et modérés (comme le chevalier de Panat).

   Sous Napoléon Bonaparte, l'organisation est passée sous la coupe des autorités. Les maçons ont perdu leur liberté, mais certains y ont gagné une jolie carrière. Ainsi, le premier préfet Sainthorent était membre de la confrérie. A la même époque, les quatre sous-préfets (trois d'après Jean-Michel Cosson, dans son Dictionnaire de l'Aveyron), le directeur des postes et les ingénieurs d'Etat nommés dans le département étaient tous francs-maçons !

   La loge ruthénoise n'a pas profité de la chute de l'empire. Les débuts de la Restauration (sous Louis XVIII) ont été marqués par une chasse aux révolutionnaires. A cette occasion, le conférencier a évoqué l'affaire Fualdès sous un jour méconnu, celui des rivalités francs-maçonnes. La victime était un notable de l'Empire, dont auraient cherché à se venger certains royalistes locaux, revenus au pouvoir en 1815. Signalons que, dès le départ, on a cherché à étouffer le crime : bien que le cadavre ait été retrouvé ligoté, il avait été demandé au policier menant l'enquête de classer l'affaire en suicide. Il a refusé et, peu de temps après, a été muté...

   Sous Louis-Philippe (1830-1848), la loge retrouve des couleurs. Mais c'est sous la IIe République (1848-1852) qu'elle semble s'épanouir. On n'est donc pas étonné d'apprendre que certains francs-maçons locaux ont été déportés par Louis-Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III après son coup d'Etat.

   Sous la IIIe République, la loge se porte bien. Rodez est une "ville rouge" (dirigée par un maire radical, Louis Lacombe, de 1886 à 1925) dans un département très conservateur, réputé être la "Bretagne du Midi". Le tempérament local semble d'ailleurs avoir grandement surpris les frères venus célébrer en Aveyron le 150e anniversaire de la fondation de la loge, en 1912. Le conférencier a lu plusieurs extraits de rapports écrits à cette occasion, l'un d'entre eux qualifiant même les Ruthénois d' "aborigènes" ! Dans le département, les polémiques s'observaient à travers les journaux, La Dépêche étant réputée être l'organe des francs-maçons, leur adversaire le plus irréductible étant L'Union Catholique. Les débats sur l'école publique et la séparation des Eglises et de l'Etat furent leurs terrains privilégiés d'affrontement.

   Les sources concernant cette période sont abondantes, parce qu'on ne cherchait pas à se dissimuler. D'après l'orateur, c'est la répression mise en oeuvre par le gouvernement de Vichy qui a poussé les maçons à développer la culture du secret qui est devenue par la suite leur marque de fabrique.

   Dès août 1940, les organisations maçonniques sont dissoutes et leurs biens confisqués. Les membres de la loge ruthénoise se font discrets, certains se repliant sur eux-mêmes. D'autres s'engagent dans la Résistance. Ils semblent cependant avoir évité la déportation... et aucun n'a été mis en cause pour faits de collaboration. Cependant, en 1945, lorsque la loge reprend ses activités, seules neuf personnes sont présentes. Il a fallu vingt ans pour reconstituer une équipe étoffée.

   A cet intéressant exposé a succédé le Grand maître du Grand Orient, qui a tenu à revenir sur certaines des idées reçues qui circulent au sujet des francs-maçons. Il a aussi évoqué l'origine mythique du mouvement, remontant au Moyen Age, à la construction des cathédrales. Mais l'essentiel de son intervention a été consacré aux travaux actuels de l'organisation, à sa méthode. Il s'est montré inquiet de la montée de l'intolérance, de l'extrémisme religieux et du retour de la violence politique en France. Deux anecdotes sont venues noircir le tableau, en fin de soirée.

   La première a été racontée par José Gulino. Il a révélé à l'assistance qu'un curé franc-maçon venait d'être révoqué par l'Eglise catholique, sans doute sur ordre du Vatican. Il n'a pas donné son nom ni la situation géographique de la cure. Sachez que cela s'est passé en Haute-Savoie. Une telle attitude rappelle les temps d'affrontement "musclé" entre l'Eglise et les Frères, sous la IIIe République. Est-elle l'annonce d'un durcissement doctrinal du clergé ? Je pense plutôt qu'elle témoigne de l'orientation prise par l'Eglise sous les deux précédents pontificats. Ainsi Benoît XVI, quand il n'était que le cardinal Josef Ratzinger, avait rappelé l'incompatibilité entre l'adhésion à la franc-maçonnerie et l'appartenance à la communauté catholique.

   La seconde anecdote a été racontée par le maire d'Onet, inaugurant la séance des interventions du public. Assistant à des obsèques hors du département, il a été choqué par les propos tenus par le curé, durant la messe. Celui-ci, faisant allusion aux temps troublés que nous vivons, aurait dénoncé l'action de "loups", présents jusque dans les plus hautes sphères de notre pays.

   D'autres spectateurs sont intervenus par la suite. L'un d'entre eux a bien fait rire la salle. Ce papy catholique, visiblement guère partisan de la franc-maçonnerie, s'est réjoui que la loi de séparation des Eglises et de l'Etat ait été votée en France. Grâce à elle, c'est à la puissance publique qu'incombe l'entretien de la grande majorité des bâtiments religieux. Sans cela, beaucoup seraient tombés en ruine. Le vieil homme malicieux s'est d'ailleurs réjoui que les francs-maçons participent à cette oeuvre, par leurs impôts !

   Pour être juste, il faudrait préciser que ce sont les communes qui ont en charge l'entretien des églises (construites avant 1905), les cathédrales relevant de l'Etat. On se doit d'ajouter que José Gulino a rappelé, à plusieurs reprises, son attachement  la liberté de culte et son respect pour toutes les convictions religieuses, pour peu qu'elles demeurent dans le cadre démocratique.

   Il reste la question que j'avais l'intention de poser, mais que j'ai préféré garder sous le coude, pensant que la réponse risquait de ne pas sortir d'une forme de "politiquement correct". Ma question aurait été : "Le cas de Jérôme Cahuzac est-il révélateur de l'attitude d'une partie des membres de votre organisation ?"

   Comment, vous ne saviez pas ? Pourtant, dès janvier dernier, la possible appartenance du ministre du budget avait été évoquée par la presse. Notons que Jérôme Cahuzac refusait de confirmer l'information, une attitude qui, on l'a découvert par la suite, est assez coutumière chez lui. Par contre, quand le scandale a occupé le devant de la scène, la référence franc-maçonne a été presque gommée. Le 6 avril, c'est par un minuscule entrefilet, en bas de page intérieure, que Le Monde informe ses lecteurs que Jérôme Cahuzac a été suspendu du Grand Orient de France (ce qui a sans doute permis à nombre d'entre eux d'apprendre qu'il en était membre) :

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   Voilà que je vieillis... je n'ai pas voulu "casser" l'ambiance conviviale de cette réunion, finalement fort instructive.

mercredi, 22 mai 2013

Gruiiiik ! (2)

   Un article paru aujourd'hui dans Midi Libre (et un autre dans Centre Presse) témoigne d'un nouveau rebondissement dans l'affaire de la porcherie de Causse-et-Diège. Le directeur général de Nutergia, Antoine Lagarde, envisage sérieusement de quitter l'Aveyron, à cause de l'extension de l'élevage industriel. (Il n'aurait peut-être pas à faire beaucoup de chemin pour être cordialement accueilli, dans le Lot.) Certains sont peut-être en train de se faire du souci, vu le nombre d'emplois concernés (plus de 100). L'entrepreneur ne s'est pas senti soutenu par les politiques locaux (notamment le Conseil général), qui se sont contentés de déclarations consensuelles. Les mauvaises langues disent que la majorité départementale est trop liée à la FNSEA pour pouvoir agir sereinement dans ce dossier.

   Qu'en est-il de l'Aveyron dans la filière porcine ? Les statistiques les plus répandues donnent des informations à l'échelle régionale. Voici ce qu'il en est du cheptel porcin en 2011 :

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   Midi-Pyrénées (entourée en rouge) paraît posséder un faible cheptel (moins de 800 000 têtes), comparée à la Bretagne (8 millions de têtes) ou même à Pays-de-la-Loire. Dans la revue dont j'ai tiré la carte, un tableau donne les effectifs précis : 433 000 pour la région Midi-Pyrénées, qui est la cinquième de France dans ce secteur, juste derrière le Nord-Pas-de-Calais.

   Mais, quand on recherche les données départementales, l'impression change, pour la bonne et simple raison que les quatre départements bretons possèdent de gros effectifs, ce qui fait ressortir fortement la région, alors que l'écart au niveau des départements est plus faible. Pour se faire une idée plus précise, il faut piocher dans les résultats du recensement agricole de 2010. Voici quels sont les effectifs porcins des départements français :

Cheptel porcin 2010.xls

   Voici ce que cela peut donner sur une carte des départements métropolitains :

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   Que remarque-t-on ? Bien sûr, que les quatre départements bretons (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan, en rouge sur la carte) sont largement en tête, avec chacun plus d'un million de têtes. Les départements dont l'effectif est le plus proche (entre 200 000 et 500 000 têtes, en orange sur la carte) sont presque tous des voisins : la Manche, la Mayenne, la Sarthe, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Vendée. Seul le Nord fait figure d'isolat porcin.

   C'est dans la troisième catégorie (entre 150 000 et 200 000 têtes, en jaune sur la carte) que l'on retrouve l'Aveyron, un peu seul dans son coin, tout comme les Pyrénées-Atlantiques. Notons que notre département (un des huit de Midi-Pyrénées) concentre à lui seul 43 % du cheptel porcin régional. De leur côté, le Pas-de-Calais et les Deux-Sèvres se raccrochent à une zone déjà marquée par l'élevage porcin. Encore que... il est au moins un produit qui rapproche aussi bien les Deux-Sèvres que l'Aveyron des Pyrénées-Atlantiques : le Jambon de Bayonne. Si celui-ci est élaboré dans le bassin de l'Adour, les porcs ont pu être élevés beaucoup plus loin, dans un grand Sud-Ouest qui semble manquer de cohérence :

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   La dernière catégorie de départements regroupe ceux dont le cheptel est de 100 000 à 150 000 têtes : l'Orne, la Charente et l'Ain (en beige sur la carte). Seul ce dernier fait figure d'exception, les autres se rattachant à l'une des catégories précédentes. Les autres départements ont des cheptels plus réduits, voire quasi inexistants

   Qu'en conclure ? Que l'élevage porcin français est très concentré géographiquement, qu'il a tendance à s'étendre par proximité, à quelques exceptions près, comme l'Aveyron. Notre département a-t-il vocation à prendre le relais de l'agro-industrie bretonne ? Voilà un bon sujet de débat agricole... d'autant plus que l'élevage industriel n'est pas la seule option. S'engager dans la filière bio (par exemple) pourrait s'avérer pertinent, surtout si l'on veut continuer à miser sur l'image de qualité associée aux productions aveyronnaises. D'autres départements, certains très proches, font preuve de moins de "timidité" que le nôtre :

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   Si l'on regarde au-delà de nos frontières, on s'aperçoit qu'en Europe, l'Allemagne, dans ce domaine-là comme dans d'autres, a quelques longueurs d'avance...

dimanche, 19 mai 2013

L'aire de repos d'Olemps

   Elle est située sur la route nationale 88, accessible dans le sens Albi - Rodez (en violet sur le plan) :

Plan.jpg

   Autrefois connue pour sa pissotière et comme lieu de rencontre nocturne des sodomites du Grand Rodez (aujourd'hui, il paraît que cela se passe place Foch), elle était aussi fréquentée, le jour, par les personnes désireuses d'accéder à une jolie vue de Rodez :

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   Elle a été fermée pendant une dizaine d'années et complètement réaménagée. Les places de parking ont été refaites. Mais, lorsque l'on arrive sur les lieux (y compris à pieds, en venant de la déchetterie ou du cimetière d'Olemps), c'est un bâtiment qui attire l'attention :

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   Cette aire de repos est dotée de sanisettes neuves... et gratuites, comme toutes celles de Rodez, depuis une décision du Conseil municipal du 25 février 2011 (page 6). D'après La Dépêche du Midi, l'entretien sera assuré par les services de la Communauté d'agglomération du Grand Rodez.

   A gauche l'on distingue l'urinoir, qui place les usagers dos à la descente. Les hommes plus timides, ceux qui sentent l'arrivée d'une grosse commission ainsi que les dames peuvent utiliser l'une des deux cabines, dont l'intérieur ressemble à cela :

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   C'est ultramoderne. La porte se verrouille automatiquement (une fois qu'elle est bien fermée) et l'on semble avoir pensé à tout : la rembarde pour les personnes âgées ou à mobilité réduite, le papier hygiénique et un mini-lavabo, complété par un système de sèche-mains. L'ensemble a été réalisé par l'entreprise Michel Planté Systèmes, basée dans les Landes.

   A peine entré dans l'habitacle, j'en étais à m'émerveiller du progrès technologique lorsqu'une scène horrible se déroula sous mes yeux :

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   Non, vous ne rêvez pas, la lunette des WC était en train de s'abaisser toute seule ! Un fantôme avait-il pénétré en même temps que moi dans les toilettes ? Etais-je sur le point de subir une agression sexuelle de la part d'un délinquant invisible ? Fort heureusement, non ! Il s'agit là encore d'un procédé automatique... ce qui implique qu'aucun homme ne va uriner debout dans cette cabine. Au cas où cela arriverait, précisons que le matériel est automatiquement nettoyé après chaque passage.

   Aux coquins qui songeraient à utiliser cet équipement à d'autres fins qu'urinatoires ou défécatoires, il faut révéler qu'au bout d'un quart d'heure, la porte se déverrouille. Quoi que vous y fassiez, ne soyez donc pas trop longs !

samedi, 18 mai 2013

Mon Fiancé chinois

   Non, ce titre n'est pas du tout l'annonce de mon coming out ! J'ai simplement lu une bande dessinée qui porte ce titre :

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   L'auteure est Laure Garancher. C'est donc une femme, qui a créé une histoires de femmes, racontée par une femme. En effet, la narratrice est une Vietnamienne qui va être amenée à épouser un Chinois. La bande dessinée est divisée en quatre parties, chacune évoquant le destin d'un personnage en particulier. Signalons que chaque histoire est racontée à la première personne du singulier.

   Le premier chapitre est consacré à la (future) belle-mère de la narratrice, originaire d'une grande ville du sud de la Chine (proche du nord du Vietnam), Kunming :

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   C'est l'occasion de découvrir le sort réservé aux femmes, dont le mariage est arrangé et qui ont vocation à fournir un héritier mâle à la famille de l'époux. La séquence avec l'entremetteuse est particulièrement bien "croquée" :

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   En attendant que "l'heureux événement" survienne, la nouvelle épouse travaille sans répit dans le restaurant familial. Sa situation ne s'améliore que lorsqu'elle tombe enceinte.

   Le deuxième chapitre est consacré à la mère de la narratrice. Il nous emmène donc au Vietnam, à la campagne, dans une région où vit une ethnie minoritaire, les Hmongs. (Les oreilles des cinéphiles connaissent ce nom, certains membres de ce peuple étant au coeur de l'intrigue du film Gran Torino.)

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   On découvre la vie quotidienne de ces familles de paysans. On nous présente aussi certaines de leurs traditions. Aller en ville est toute une expédition avec, à la clé, pour les jeunes, l'occasion de rencontrer des représentants de l'autre sexe...

   Le troisième chapitre tranche avec les autres, puisqu'il est consacré à un homme, le futur époux de la narratrice. C'est un enfant unique, qui a d'abord le statut d'enfant-roi :

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   On lui passe ses caprices, mais on veut qu'il réussisse dans ses études. L'adolescence du jeune homme le voit souffrir d'un conflit interne : il est très attiré par ce que produit l'Asie occidentalisée, mais doit se soumettre aux traditions familiales... et notamment accepter une épouse pour perpétuer le clan.

   Cela nous mène au quatrième chapitre, dans lequel la narratrice conte sa propre histoire. Là encore, l'accent est mis sur certains aspects de la civilisation hmong, notamment sa mythologie :

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   On comprend mieux le statut de cette minorité, de surcroît dans un Etat communiste. On se dit finalement que ces enfants de la campagne, obligés d'apprend à l'école la langue nationale, sous la férule d'un gouvernement autoritaire (mais qui semblait vouloir leur bien) ne sont pas sans rappeler ces enfants de la Troisième République, parlant occitan, breton, basque, corse, alsacien dans leur village, mais instruits en français.

   Bien entendu, dans cette partie, il est question du mariage arrangé. La Chine connaît un fort déséquilibre des sexes (les couples privilégiant l'enfant unique de sexe masculin, quitte à avorter pour éviter d'avoir une fille) ; certaines familles font donc le choix de l'étranger proche (culturellement et géographiquement) pour trouver une épouse. La BD se conclut sur la petite-fille de la narratrice qui, comble du progrès, a pu choisir et son travail et son mari !

   PS

   On peut découvrir d'autres planches de l'auteure sur sa page Facebook.

vendredi, 17 mai 2013

De la thune labellisée

   Aujourd'hui, j'ai contribué à relancer la consommation des ménages dans une grande surface notariale de la périphérie ruthénoise. J'ai réglé en liquide. La caissière m'a rendu de la monnaie. Parmi les pièces figurait celle-ci :

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   Cette pièce commémorative (de 2 euros) a été frappée pour célébrer le cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée, signé en janvier 1963 par Charles de Gaulle (alors président de la République) et Konrad Adenauer (alors chancelier de la RFA).

   Les visages des deux hommes sont gravés sur l'avers, avec un texte bilingue. En y regardant bien, on peut aussi distinguer deux drôles de gribouillis :

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   Il semblerait que ce soient les signatures des deux hommes d'Etat. Pour en avoir confirmation, il faut consulter une reproduction du document officiel, accessible sur le site de l'Année franco-allemande :

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   Voici ce que cela donne quand on agrandit la zone de signatures :

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   Les curieux peuvent se rendre sur le site de l'INA, où l'on peut trouver une archive intéressante.

   PS

   Le Gerhard Schröder, ministre des Affaires étrangères de la RFA, qui cosigne le traité n'est évidemment pas le même homme qui est devenu, bien des années plus tard, chancelier (social-démocrate) de l'Allemagne réunifiée.

dimanche, 12 mai 2013

Du monde au balcon

   C'est ce que j'ai pensé en regardant les photographies de la manifestation des Femen place des Pyramides, à Paris, notamment cette exquise contre-plongée, publiée dans un article du Monde :

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   Ce coup d'éclat avait pour but de parasiter l'une des sempiternelles tentatives de récupération de Jeanne d'Arc par l'extrême-droite. Il y a bien sûr la manifestation du 1er mai, autour du Front National... et puis il y a l'action de certains groupuscules (qui peinent à réunir quelques dizaines de personnes), en ce deuxième dimanche de mai. Mais pourquoi diable cette discordance entre les dates ?

   Depuis la Troisième République, l'extrême-droite a pris l'habitude de manifester autour de la statue d'Emmanuel Frémiet. Le choix du premier mai s'explique par la volonté de contrebalancer la fête des travailleurs, initiée par la gauche. De plus, c'est au début du mois de mai 1429 que Jeanne d'Arc, à la tête des troupes du Dauphin (futur Charles VII) mena la délivrance d'Orléans. Cette victoire se commémore le 8 mai ou, plus fréquemment, le deuxième dimanche du mois. Le 10 juillet 1920 (année de sa canonisation), une loi a créé officiellement cette deuxième fête nationale.

   Voilà pourquoi, tous les deuxièmes dimanches du mois de mai, les bâtiments publics sont pavoisés aux couleurs nationales, tout comme la statue de la place des Pyramides, ainsi qu'on peut le voir dans une vidéo mise en ligne sur le site du quotidien gratuit Metro :

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   Je ne suis pas un inconditionnel des Femen, mais je n'aime pas la récupération dont la Pucelle fait l'objet de la part de l'extrême-droite. A cet égard, j'ai trouvé fort pertinent l'un des "touittes" publiés par les Femen :

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   De surcroît, le dévoilement de la poitrine, marque de fabrique des Femen, est un hommage à la féminité de Jeanne d'Arc. Plusieurs témoignages, émis lors du procès en réhabilitation (en 1456), accréditent l'idée qu'elle était bien pourvue de ce côté-là.

   Jean d'Aulon, à la fois garde du corps et chevalier-servant, fut sans doute celui qui la côtoya le plus. A la fin de son témoignage, il parle d'elle comme d'une "jeune fille, belle et bien formée" (il évoque même ses "tétins" !). Le duc d'Alençon fut quant à lui plutôt un partenaire de combat. Il eut l'occasion de la voir s'habiller et se déshabiller. Voici ce qu'il déclare : "parfois il voyait ses seins, qui étaient beaux". Il nous reste la déposition d'Aymond (ou Haimond) de Macy, du parti adverse des Bourguignons, alliés du roi d'Angleterre. Cet enfoiré a essayé de lui tripoter les nibards ! (C'est donc qu'ils lui semblaient "appétissants"...) : "Plus d'une fois, par manière de jeu, j'ai essayé de lui toucher les mamelles, en m'efforçant de lui mettre les mains dans le sein. Jeanne ne voulait pas le souffrir ; elle me repoussait de toutes ses forces."

   Mais revenons aux Femen. L'exhibition de leur poitrine est un acte ambigu. D'un côté, elles affirment ainsi la maîtrise de leur corps. D'un autre côté, elles choquent bien de peu de monde en Occident. Elles excitent même plutôt la curiosité des mâles avides de chair fraîche... parce que ces dames sont mignonnes ! Elles ont bien compris comment fonctionne notre société du spectacle : jolies femmes + poitrines exhibées = retentissement médiatique assuré.

   Terminons par leur positionnement idéologique. On les a étiquetées un peu vite "gauchistes". Elles s'opposent au néo-stalinisme florissant en Europe de l'Est (Ukraine, Biélorussie et Russie). Elles rejettent violemment la droite extrême en Occident et s'opposent tout aussi fortement à l'islamisme. C'est à l'évidence un mouvement anti-totalitaire et anticlérical, qui peut tout à fait s'apparenter à une forme de libéralisme politique.

samedi, 11 mai 2013

Les Gamins

   Au départ, je m'étais dit : voilà le genre de comédie formatée, destinée à passer en première partie de soirée sur TF1, que je vais éviter d'aller voir. Malgré Chabat. Finalement, le bouche-à-oreille (favorable) et les extraits vus sur la Toile m'ont incité à tenter le coup.

   Cela fait presque un mois que le film est sorti et la salle était pourtant presque comble. La première partie est le début d'une comédie sentimentale, l'intrigue essayant de sortir (un peu) des sentiers battus. Cela marche : j'ai bien aimé les tourtereaux qui se vannent, leurs petits jeux d'amoureux et la scène de demande en mariage.

   La deuxième partie voit intervenir le père de la (future) mariée, incarné par un Alain Chabat au sommet de sa forme.

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   Il est très bon en vieux mari dépressif et bougon. Il est encore meilleur en quinqua qui fait sa crise et veut de nouveau kiffer la life. Je recommande les deux premières virées avec son futur gendre (Boublil, en général bon, bien que parfois trop "politiquement correct"). La première sortie voit d'abord les deux hommes s'énerver l'un contre l'autre, avant qu'ils ne deviennent les meilleurs amis du monde. A cette occasion, ils font la connaissance d'un dealer très spécial de sa race, un dénommé Abdelkader (Thomas Soliveres, un nom à retenir) qui a dû en surprendre plus d'un !

   J'ai toutefois un gros bémol à apporter à cet enthousiasme : la vision clinquante de la fête, qui passe visiblement par la fréquentation de la "haute" et les dépenses inconsidérées. C'est l'un des aspects démagos du film. C'est de surcroît un brin misogyne : Sandrine Kiberlain incarne une horrible bobo castratrice et sa fille, pour sérieuse qu'elle soit, passe l'essentiel de son temps à sourire ou pleurer.

   La suite nous met en contact avec le monde du show-biz, où naviguent nombre de parasites et de dégénérés. Là encore le film est ambigu, hésitant entre le portrait satirique et l'empathie. On retiendra l'insupportable chanteuse-enfant Mimi Zozo, interprétée avec conviction par Mélusine Mayance.

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   La fin voit tout ce beau monde renter dans le rang, avec quand même une séquence au domicile des parents qui se termine d'une manière digne de Mary à tout prix !

   Je pourrais m'arrêter là et m'en tenir à la "critique" cinématographique. Les scénaristes ont pourtant tenu à insérer de la politique dans l'histoire. A trois reprises, un personnage incarnant un dirigeant iranien est l'objet de moqueries assez faciles. La première fois, on le voit tenter de parler en français à ses interlocuteurs. On veut visiblement nous montrer qu'il est assez imbu de lui-même. La scène tombe à plat ; la salle rit peu, contrairement à ce qui se passe dans la deuxième séquence, qui met en scène Thomas (Max Boublil) traduisant à sa manière le discours de l'Iranien (qui s'exprime cette fois en farsi). Je reconnais que c'est assez tordant, bien qu'un peu trop appuyé (et limite invraisemblable).

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   Alors, pourquoi tant d'insistance ? Ce personnage est-il une caricature d'un dirigeant iranien réel ? Il ne me semble pas que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad se soit jamais vanté de pouvoir parler français. Ce pourrait être le négociateur du dossier nucléaire Saïd Jalili, réputé polyglotte. Précisons que, dans le film, la future épouse du héros travaille au gouvernement, sans doute au ministère des Affaires étrangères. Mais cette volonté de stigmatiser le dirigeant iranien cache peut-être autre chose.

   Il se trouve que l'équipe au pouvoir (en Iran) depuis 2005 s'est souvent "distinguée" par sa grande hostilité à l'Etat d'Israël. Or, les producteurs du film (Alain Goldman et Simon Istolainen) sont juifs (jusque là, rien à dire), le premier étant un ancien militant du Bétar et un fervent défenseur d'Israël. Quant au scénario, il a été coécrit par le réalisateur, Anthony Marciano et Max Boublil. Le premier est l'un des cofondateurs de MyMajorCompany, aux côtés de Simon Istolainen et de Michael Goldman (l'un des fils de Jean-Jacques). Il est possible qu'il ait été victime d'une agression antisémite, il y a une dizaine d'années de cela. Le second est fils d'un médecin juif d'origine tunisienne.

   Mine de rien, cette petite comédie a donc un arrière-plan communautaire. Le reste du casting renforce cette impression. On y croise bien sûr Alain Chabat (né en Algérie), mais aussi Arié Elmaleh (frère de Gad) et Patrick Bruel, dans une séquence-hommage de mauvais goût. Cela ne m'a pas empêché de profiter du film, exemple convaincant de bonne comédie à la française. Mais j'ai quand même éprouvé un petit malaise, dû à l'impression que l'humour servait à faire passer un message politique, presque à l'insu des spectateurs.

jeudi, 09 mai 2013

Sous surveillance

   Le nouveau film de Robert Redford (dont le titre original est The Company you keep) peut se lire à plusieurs niveaux. C'est d'abord un polar, avec un fugitif et une énigme concernant un crime commis plus de 40 ans auparavant. Une seconde énigme apparaît en cours d'histoire, autour du personnage d'un enfant. Les spectateurs découvrent la plupart des secrets en suivant l'enquête du jeune journaliste (hommage de Redford au "quatrième pouvoir", qu'il n'hésite pourtant pas à critiquer). C'est aussi un film politique, sur l'engagement gauchiste d'une partie de la jeunesse étudiante américaine des années 1960. C'est enfin un film sur l'amour, celui avec un grand A, inatteignable (?) et fugace (?), mais aussi celui qui dure.

   Le scénario est bien ficelé et le casting alléchant. Robert (un peu âgé pour le rôle, même s'il s'entretient) a fait venir de vieux potes, comme Nick Nolte (qu'on a dû sortir de l'hospice sur un brancard, tant il semble voir du mal à se déplacer... et à parler, dans la V.O.) Susan Sarandon et Julie Christie. Ils sont accompagnés d'autres valeurs sûres comme Brendan Gleeson, Stanley Tucci, Chris Cooper et Terrence Howard, tous excellents seconds rôles. On a ajouté quelques djeunses, notamment Brit Marling, Anna Kendrick et l'énervant Shia LaBeouf (qui arbore durant tout le film la même barbe de trois jours et semble toujours mastiquer le même chewing gum)... sans doute pour élargir le public.

   Toutefois, cela manque un peu de pêche. Redford n'est pas toujours crédible en fugitif. Heureusement que les autres assurent, autour de lui. Ce n'est donc pas LE grand film sur l'activisme politique. Il pose néanmoins de bonnes questions, sur l'engagement (superbe scène avec S. Sarandon en prison) et sur l'amour. Cela se suit sans déplaisir. C'est un peu meilleur que le décevant Lions et agneaux, sans plus.

23:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

Stanko Kristic à Albi

   Cet artiste d'origine yougoslave (il est serbe), arrivé en France il y a une quarantaine d'années (et installé dans le charmant village de Cordes-sur-Ciel), expose certaines de ses oeuvres à l'Hôtel Rochegude, à Albi, jusqu'au 15 mai. (C'est ouvert de 13 heures à 19 heures, sauf le mardi.)

   Dès l'entrée dans la cour, on est accueilli par quatre sculptures de grande taille, le plus belle étant pour moi la licorne en acier inoxydable :

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   Elle est notamment accompagnée d'une "Centauresse comédienne" et d'une "Pégasine mama". C'est donc la mythologie grecque qui inspire Stanko Kristic, qui travaille toutes sortes de matériaux, principalement les métaux et la céramique.

   A l'intérieur du bâtiment, les oeuvres sont réparties dans trois pièces. On y trouve des représentations de divinités grecques, notamment Zeus et Athéna, en buste. Mais la plus impressionnante est sans conteste Aphrodite, qui occupe presque la totalité de la hauteur de la salle :

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   L'absence de bras évoque évidemment la Vénus de Milo (qui est sans doute une représentation d'Aphrodite). On remarque aussi l'étrange lueur au niveau du visage : les statues de céramique sont éclairées de l'intérieur, ce qui, sur place, leur donne un aspect encore plus étonnant, que les photographies ne rendent que très partiellement.

   De la mythologie grecque, Stanko Kristic a retenu l'importance de certains animaux, au premier rang desquels le taureau, présent une dizaine de fois dans l'exposition. J'ai été particulièrement impressionné par le "Taureau de combat" que voici :

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   Quand ce ne sont pas les taureaux qui l'inspirent, ce sont les chevaux. Ils sont aussi très présents. N'oublions pas que le plus célèbre d'entre eux est un animal géant, mais factice :

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   Ce "Cheval de Troie", cabré, est marqué de visages humains (parfois rieurs), ceux des soldats grecs cachés à l'intérieur. L'un d'entre eux est sans doute celui d'Ulysse. L'un des équidés est représentés dans une curieuse posture :

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   Intitulée "La Musique divine", cette oeuvre témoigne de l'influence du surréalisme sur l'artiste serbe. Notons que l'animal possède quatre pattes et deux bras ! On n'est donc pas très étonné de trouver, à quelques mètres de là, une sculpture rappelant le style de Picasso :

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   "La Puissance de la coiffe bleue" m'a fait penser à "La Femme qui pleure" :

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   Concernant la sculpture, je conseille d'essayer de la regarder de profil, des deux côtés. Il me semble que Kristic a essayé de transcrire en trois dimensions ce que Picasso avait réussi à représenter en deux.

   Outre le surréalise et le cubisme, l'expressionnisme a inspiré l'artiste, notamment dans certaines représentations humaines, comme "Les Emotions nostalgiques" :

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      L'humour n'est pas absent de son oeuvre, comme dans "Bisou mon amour". De temps en temps, un petit clin d'oeil vient égayer le résultat d'un travail sérieux. C'est d'ailleurs parfois intrigant, comme dans "La Déesse Sylvie" :

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   Allez, je vous aide :

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   Sachez que cette oeuvre risque de ne plus être exposée, puisque c'est une commande. (La dame doit se prénommer Sylvie, je présume.) Les fautes d'orthographe sont volontaires. Appelons ça une licence poétique...

   Et la politique dans tout cela ? Elle ne semble guère inspirer Kristic, qui ne l'aborde que dans une seule oeuvre, "Etude de la politique" :

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   Bref, pour lui, c'est du bla-bla. Un peu lapidaire, certes, mais la sculpture a de la gueule, si j'ose dire ! Je termine par une production un peu particulière, qui parlera aux Aveyronnais :

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   Elle s'intitule "L'Homme mouton".

   Vraiment, si vous en avez le temps et l'occasion, d'ici le 15 mai, courez voir cette exposition, qui mériterait de figurer dans un musée aveyronnais.

13:05 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art, culture, actualité

mercredi, 08 mai 2013

Purée d'homonymie !

   Hier soir, après le boulot, j'ai eu une belle surprise en écoutant La Morinade. L'une des rubriques est celle de la "très très bonne musique" proposée par Daniel Morin lui-même. (Elle est parfois introduite par un jingle évoquant un lieu emblématique de l'Aveyron.) L'animateur nous y propose des extraits qu'il juge particulièrement puissants... Voici donc ce que j'ai entendu dans l'émission de mardi 7 mai :


   Le morceau de musique en question existe bel et bien. Il s'agit du rap arabe, d'un individu qui s'appelle Henri Golan (sans le "t", attention, hein !). C'est évidemment un pseudonyme, celui du Belge Willy Dehaibe, qui a mis un terme à sa carrière d'humoriste en 2010.

09:17 Publié dans Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chanson, musique, médias

mardi, 07 mai 2013

Entrée du personnel

   Ce court documentaire (d'environ 1 heure) est consacré aux employés de plusieurs abattoirs de l'Ouest de la France métropolitaine. Il résulte de l'entrecroisement d'images tournées devant et dans les usines et de témoignages recueillis ailleurs, enregistrés et réinterprétés par des acteurs. Visiblement, ce procédé s'est imposé pour éviter que certains salariés ne soient victimes de représailles.

   Globalement, quel que soit le poste occupé, quel que soit le sexe de l'employé, le travail est présenté comme répétitif, souvent pénible physiquement, usant à la longue.

   Le montage nous fait d'abord remonter la chaîne, de l'emballage avant expédition à l'entrée des animaux avant leur exécution. On ne nous montre toutefois pas frontalement la mise à mort. Le film s'arrête juste avant ou montre le moment qui suit immédiatement.

   Ceci dit, ce que l'on voit à l'écran n'est pas horrible. A la différence des établissements cités dans un scandale (en 2012), ces abattoirs semblent bien entretenus, fonctionnels, aux normes. De temps à autre, on a toutefois l'impression que la présence de la caméra incite certains employés à systématiquement nettoyer leurs outils (entre deux usages) et à faire preuve d'un zèle excessif dans le nettoyage des équipement.

   J'ai trouvé très réussie la superposition des images et des témoignages réinterprétés. On regrette presque que le film s'interrompe aussi vite.

dimanche, 05 mai 2013

Poupées gigognes

   Il ne va pas être question des poupées russes (certaines très originales), mais d'économie régionale. Il y a un peu moins d'un mois, la presse, d'abord locale, puis nationale, a commencé à évoquer la possible fermeture de la librairie Privat de Toulouse. Les gens du cru continuent à appeler ainsi l'établissement devenu l'une des enseignes du groupe Chapitre. C'est là que l'emboîtement commence.

   En effet, indépendante à l'origine, la librairie Privat (séparée de la maison d'édition) a intégré le groupe Chapitre, connu notamment pour son site internet. S'est ainsi constitué un réseau hétéroclite de librairies, plus ou moins spécialisées. L'ensemble appartient à Actissia, une entité qui contrôle aussi France Loisirs.

   Mais ce n'est pas fini ! L'entreprise qui s'appelle depuis 2011 Actissia est née en 1970. C'était une filiale du groupe allemand Bertelsmann. Elle dépend aujourd'hui de Najafi, un fonds d'investissement américain, plus précisément d'Arizona... et pas du Nevada, comme l'a imprudemment affirmé le directeur de la librairie... bon, d'accord, c'est pas loin :

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   Voilà donc la chaîne reconstituée : Privat - Chapitre - Actissia - Najafi. Mais ce n'est pas tout. La plupart du temps, Najafi est présenté comme étant un fonds de pension. Ses investissements servent donc à garantir le paiement de retraites (ainsi que celui des salaires et bonus de ses employés).

   Or, dans le cas qui nous préoccupe, la stratégie du groupe conduit à supprimer des emplois d'actifs actuels. D'après Le Monde, Actissia a vu son chiffre d'affaires se contracter de 10 % entre 2011 et 2012. C'est énorme. Cela justifierait donc des mesures drastiques ? Le problème est que la librairie Privat est en bonne santé économique, puisque, d'après son directeur, son chiffre d'affaires ne cesse de progresser (+ 4 % en 2012), en dépit d'un contexte de crise générale (avec la concurrence des sites internet). On peut même penser que l'activité a de l'avenir en centre-ville, puisque deux concurrents ont récemment disparu, la librairie Castéla (autre institution locale) fin 2011 et le Virgin Mégastore en 2012.

   Précisons que ces trois exemples ne sont pas identiques. Castéla s'est trouvée confontée à un quadruplement du loyer (et aussi, à mon avis, à une baisse des ventes). Le groupe Virgin était lui, globalement, en mauvaise posture... et aux mains de financiers, Butler Capital Partners. De surcroît, à Toulouse, la FNAC est trop bien implantée pour qu'un commerce qui lui ressemble beaucoup puisse réussir durablement.

   Concernant la librairie Privat, tout n'est peut-être pas encore joué. Alors que les rumeurs les plus folles circulent (comme la délocalisation au Cambodge de la comptabilité des magasins Chapitre), il semblerait que trois des douze sites menacés de fermeture puissent bénéficier d'une reprise : Belfort, Colmar et Toulouse. Les salariés ont lancé une pétition en ligne. Le Comité de soutien a créé une page Facebook. Toutefois, à mon humble avis, la meilleure action à réaliser est de continuer à acheter des livres en librairie...

vendredi, 03 mai 2013

La Saga des Conti

   J'ai un peu hésité à aller voir ce documentaire, consacré à la lutte des salariés de l'usine de pneumatiques Continental de Clairoix (à côté de Compiègne) pour deux raisons : je craignais le film militant lourdingue et j'avais l'impression que cela risquait d'être un peu funèbre.

   ... eh bien j'avais tort car, même si c'est incontestablement une oeuvre engagée, elle n'est ni pesante ni plombée par le pessimisme. C'est vivant parce que c'est filmé de l'intérieur, avec empathie. C'est de plus souvent drôle, les personnages principaux ne se prenant pas (trop) au sérieux. Si un large éventail des grévistes nous est proposé, le choix de suivre plus particulièrement quelques meneurs s'avère payant.

   Pendant l'essentiel du film, on est dans les pas d'un sympathique délégué CGT, Xavier Mathieu, à la fois brut de décoffrage et rusé, avec une "gueule" grande comme ça :

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   Il est très souvent accompagné d'un autre cégétiste emblématique du mouvement, Didier Bernard, le rocker au grand coeur, tatoué et "piercé" (à l'époque) :

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   On voit moins les syndicalistes de la CFDT et de la CGC (les cadres). C'est le représentant de la CFTC qui est principalement chargé d'incarner la voix modérée à l'écran... et il est un peu caricatural. On sent donc où vont les sympathies du réalisateur.

   Ces syndicalistes sont épaulés par un retraité, qui se joint à leur mouvement, Roland Szpirko :

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   Son intégration ne s'est visiblement pas faite sans heurt, même si c'est à peine abordé par le film. On reconnaît au bonhomme une compétence indéniable dans l'organisation d'un mouvement social, mais son appartenance à Lutte Ouvrière fait tiquer certains salariés de l'usine.

   Une fois la fine équipe présentée, on la voit en action. Bon, alors, ça fait quoi des salariés revendicatifs ? Ben, ça manifeste. On suit donc cette troupe très solidaire (la grande majorité des 1 200 personnes menacées par la fermeture a participé aux actions), d'abord à Compiègne, puis à Reims, à Paris, à Sarreguemines (où l'usine, moins moderne que celle de l'Oise à l'époque, n'était pas menacée parce que moins coûteuse...)... et même en Allemagne !

   On remarque (proximité de Compiègne oblige) que les manifestants ont eu tendance à se rassembler autour de statues de Jeanne d'Arc (copieusement garnies d'autocollants à l'occasion... shocking !) :

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   Ici, c'était à Compiègne, près de la statue équestre. Plus loin dans le film, il me semble que l'on voit l'autre statue (locale) de la Pucelle :

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   Je pense aussi que la grande manifestation parisienne est passée par la place saint Augustin, où se trouve une statue identique à celle de Reims :

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   Pour la petite histoire, signalons que le bourg de Clairoix, en périphérie de Compiègne, où se trouvait l'usine Continental, fut sans doute le lieu de détention de Jeanne d'Arc après qu'elle a été faite prisonnière par les troupes de l'infâme Jean de Luxembourg. (Le château a disparu à la fin du Moyen Age.)

   Ironie de l'affaire : quand j'ai recherché sur la Toile des traces vidéo de ces manifestations, j'ai notamment visionné un enregistrement de la manifestation parisienne. Voici ce qui est apparu à l'écran :

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C'est ce qui s'appelle de la publicité ciblée !

   La partie la plus émouvante est celle qui décrit l'organisation et le déroulement de la manifestation à Hanovre, avec les employés allemands. Ou comment les syndicalistes redécouvrent l'internationalisme... que les financiers mettent en pratique depuis des décennies (à leur profit). Ce fut aussi l'occasion de pratiquer une langue étrangère et d'apprendre un slogan fédérateur :

"Zu-sammen, zu-sammen, ja ! ja !"

   La partie la plus tendue fut celle des négociations, qui ont mis beaucoup de temps à démarrer, tant on a essayé d'enfumer les salariés... jusqu'au bout. Dans cette histoire, les pouvoirs publics français ont été d'une inefficacité (voulue ?) lamentable.

   La fin est apaisée. Une partie des objectifs ont été atteints. Mais, sur le fond, au-delà du succès du mouvement, il faut établir un constat d'échec : l'usine a fermé et de nombreux employés n'ont pas retrouvé de situation stable.

   P.S.

   Je recommande vivement ce documentaire aux salariés de l'usine Bosch d'Onet-le-Château.

jeudi, 02 mai 2013

Claude Guéant pété de thunes

   La polémique enfle concernant les sommes d'origine suspecte qu'aurait reçues Claude Guéant entre 2002 et 2012. Des internautes facétieux se sont moqués de la défense de l'ancien ministre de l'Intérieur, qui a argué de la vente de tableaux. Des "mèmes" circulent sur la Toile, dont le quotidien Midi Libre propose un échantillon savoureux. Voici mon préféré :

Mème Michel-Ange.jpg

   ... A comparer avec l'original, La Création d'Adam, de Michel-Ange :

Mème Michel-Ange 2.jpg

   Je me suis amusé à en fabriquer un (dans un genre approchant), Le Sultan offrant ses richesses au petit marquis :

Copie de Guéant Kadhafi.jpg

   Je me suis inspiré d'un tableau du XVIe siècle de Cornelis de Vos, Crésus et Solon (qui a été récemment restauré), dont j'ai bien entendu détourné le sens :

Guéant Kadhafi.jpg

   Si l'on veut rester davantage dans l'esprit du tableau original, il vaut mieux inverser les rôles, et créer une nouvelle toile, intitulée Le Conseiller impécunieux et le Prince :

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mercredi, 01 mai 2013

Iron Man 3

   L'histoire est un gros retour en arrière (qui dure près de deux heures !). En voix off, Tony raconte les péripéties, un peu désabusé. De cette introduction le spectateur moyen peut déjà déduire que soit le héros est au paradis (d'où il nous raconte toutes ces choses horribles et parfois réjouissantes), soit il est encore vivant à la fin de l'histoire... ce qui lui permettra de participer non seulement à Iron Man IV, mais aussi à Avengers II, qui est déjà dans les cartons. (Pour avoir la réponse la plus complète, restez après le générique de fin.)

   Commercialement parlant, on incite vivement à pirat... euh louer acheter le DVD d' Avengers : au bout d'un moment, j'ai arrêté de compter les références à la bataille de New York, l'un des grands moments de ce film.

   Ce troisième opus est donc assez tape-à-l'oeil, très bruyant aussi bien au niveau de la musique que des sons d'ambiance. Cela a au moins le mérite d'étouffer le bruit des gorets qui bouffent leur pop corn pendant la séance... mais je suis sorti de là avec un mal de crâne !

   Heureusement, ce film d'action est doté d'un bon scénario. Ouf ! Après le retour en arrière dans le retour en arrière (on remonte quand même jusqu'à 1999... antédiluvien !) débute l'intrigue avec deux mystères. Quelle est cette nouvelle arme utilisée dans les récents attentats terroristes et qui se cache derrière le personnage du Mandarin ?

   La solution à ces deux énigmes ne résulte pas de l'imagination débordante de Shane Black (qui se révèle de surcroît moins bon réalisateur que Jon Favreau), mais d'emprunts à deux séries télévisées. L'origine des pouvoirs des principaux "méchants" n'est pas sans rappeler certains épisodes de l'excellente série Fringe (actuellement rediffusée le samedi soir sur la chaîne NT1) et l'identité du commanditaire suprême s'inspire de l'intrigue de la première saison de 24 heures chrono.

   Ajoutez à cela que la rivalité qui va opposer Tony Stark à un autre scientifique ressemble furieusement à celle qui a vu s'affronter Spiderman et le Bouffon Vert (Guy Pearce a d'ailleurs des airs de Willem Dafoe), que bien évidemment, le principal point faible d'Iron Man est son amour pour sa "femme à tout faire" (Gwyneth Paltrow, toujours très bien... et de plus en plus active !) et vous pourrez légitimement penser que cela manque terriblement d'originalité.

   Alors, pourquoi est-ce que ça marche ? D'abord, parce qu'il y a une vraie histoire, des coups de théâtre et des effets spéciaux bluffants. Ensuite parce que les dialogues sont remplis d'humour. Tony/Downey a toujours la tchatche et c'est tant mieux ! Même son rapport à l'armure (aux armures devrais-je plutôt dire) est parfois tourné en dérision, à l'image des scènes faisant intervenir un nouveau prototype, vraiment révolutionnaire... mais pas encore totalement au point.

   Finalement, on laisse passer les facilités, les copiages et les invraisemblances (par exemple des habits qui devraient brûler et qui ne brûlent pas...) pour profiter de l'histoire et du spectacle. C'est un divertissement très correct, bien qu'un peu décevant.

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mardi, 30 avril 2013

Tu seras sumo

   C'est en gros ce que déclare un père (veuf) à l'un de ses deux enfants, son fils cadet Takuya. Nous sommes dans le nord du Japon, sur l'île d'Hokkaido :

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   Ce documentaire de la Française Jill Coulon, tourné en 2008, traite du difficile apprentissage que va suivre le jeune homme, à Tokyo (au sud). Dans cette école de sumo, les jeunes sont totalement pris en charge, mais doivent vivre en communauté.

   C'est la voix du jeune homme qui rythme les séquences tournées par la réalisatrice. Le tout début permet d'avoir un aperçu de la vie encore assez traditionnelle des provinciaux d'Hokkaido. Takuya, lui, achève le lycée (il va décrocher son bac) et ressemble à beaucoup de grands adolescents. Il a une bande de potes, aime s'amuser et, s'il est un sport qui le passionne, c'est le judo.

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   Mais c'est le père qui commande. Je pense, de surcroît, que la famille n'est pas riche : il n'est visiblement pas question de financer de coûteuses études pour le jeune homme, qui ne semble pas particulièrement doué en quoi que ce soit.

   La deuxième partie du film nous fait découvrir la vie en collectivité de cette brochette de gars obèses, plutôt sympas, mais avec une hiérarchie à respecter. Le nouveau va devoir faire ses preuves et, avant toute chose, il faut qu'il prenne du poids. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils bouffent à longueur de journée, mais ils s'empiffrent quand même sacrément ! (Et moi qui avais mangé juste avant la séance... La digestion fut laborieuse.)

   On nous montre aussi les phases d'entraînement. C'est assez répétitif et très physique.
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   On découvre aussi quelques aspects du combat de sumo. Le poids seul ne suffit pas, même si le "héros" se rend vite compte qu'il y a quand même une masse minimale à atteindre (autour de 130 kilos) si l'on veut espérer faire carrière. Faute d'avoir un corps de rêve, les lutteurs prennent grand soin de leur chevelure, dont l'organisation est presque un art.

   On finit par voir ces jeunes en compétition. Ils passent en lever de rideau, la soirée étant réservée aux combats de têtes d'affiche. Les assauts sont en général très courts. On suit les progrès réalisés par Takuya, qui passe par différentes phases.

   Si vous voulez savoir jusqu'où il va aller, vous pouvez vous laisser tenter par ce documentaire un peu aride, mais passionnant.

22:30 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

lundi, 29 avril 2013

Cloud Atlas

   Pas facile de voir ce film quand on est un pauvre petit cinéphile aveyronnais. Sa durée (2h45), la complexité de son intrigue (héritée du roman qui l'a inspirée : Cartographie des nuages, de David Mitchell) ont rebuté bien des programmateurs. Du coup, il faut être vigilant et saisir l'occasion quand elle se présente, par exemple une séance unique dans un cinéma tarnais.

   L'intrigue entremêle six histoires, qui se déroulent à six époques différentes. Évidemment, elles sont toutes liées. Quelques indices sont disséminés dans le film pour permettre aux spectateurs attentifs de combler les vides. La narration est elle-même découpée : les six histoires ne nous sont pas racontées à la suite l'une de l'autre, dans l'ordre chronologique. Il faut donc s'accrocher un peu... ou, tout simplement, se laisser emporter par le flot romanesque.

   Contrairement à ce que certaines images pourraient laisser croire de prime abord, l'histoire la plus ancienne se passe au milieu du XIXe siècle, entre l'océan Pacifique et la Californie. Le "bien" y est incarné par un jeune homme de bonne famille, révolté par l'esclavage et habité par un amour profond pour sa jeune épouse, qu'il espère retrouver bientôt.

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   Le "mal" est incarné par un médecin cupide, mais aussi un capitaine autoritaire, des marins racistes et un père de famille bouffi de préjugés. J'ai trouvé cet épisode un peu trop appuyé.

   Le journal qu'a rédigé le jeune homme sert de lien avec la deuxième histoire, qui se déroule au Royaume-Uni, dans les années 1930. Le "bien" y est représenté par un apprenti musicien homosexuel, intrigant sur les bords (Ben Whishaw, révélé par Le Parfum, vu récemment dans Skyfall), et par son jeune amant très conventionnel.

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   Le héros affronte l'intolérance sexuelle de l'époque, mais aussi l'ambition égoïste de son nouvel employeur, un compositeur sur le déclin. C'est dans la bibliothèque de celui-ci que l'apprenti musicien trouve la moitié d'un livre de voyage, celui écrit au siècle précédent.

   Une partie des lettres que s'échangent les deux jeunes homosexuels (celles conservées par l'amant conventionnel, qui a vieilli) se retrouvent dans la troisième histoire, sise au début des années 1970. L'autre pont entre les deux histoires (qui sert aussi de fil rouge à l'ensemble) est la symphonie composée par le jeune homosexuel, intitulée Cloud Atlas. Dans cette partie, une ravissante journaliste (Halle Berry, qui n'a jamais aussi bien joué... et qui est plus craquante que jamais) incarne l'engagement civique, face à l'appât du gain et au meurtre.

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   Le style n'est pas sans rappeler la Blaxploitation, voire les films de dénonciation de cette époque (Votez McKay, Les Trois Jours du condor, Les Hommes du président, par exemple). Dans son enquête, elle est successivement épaulée par trois hommes et un garçon. C'est assez trépidant.

   Le livre tiré de son enquête nous mène, une quarantaine d'années plus tard, à un éditeur un peu fantasque, qui va se retrouver prisonnier d'un drôle d'institut.

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   C'est l'épisode le plus burlesque de la série. C'est un peu "Panique à la maison de retraite", avec ces papys et ces mamies en apparence si vulnérables... mais qu'il ne faut pas sous-estimer. Face à eux se dresse une infirmière intraitable, interprétée par Hugo Weaving, qui incarne un "méchant" à chaque époque. Car, en effet, les ex-frères Wachowski ont distribué les rôles de manière que certains acteurs interprètent plusieurs personnages, à des époques différentes (parfois en changeant de sexe). J'ai trouvé un tableau synthétique sur un blog spécialisé :

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   Concernant cette histoire, sachez que l'antagonisme pluriséculaire qui oppose Écossais et Anglais va tirer nos vieillards d'un bien mauvais pas !

   Le livre qui raconte les avanies qu'ils ont subies devient un film, que l'on retrouve dans la cinquième histoire, qui se déroule dans un futur proche, celui d'un monde hyper-technologique et hyper-inégalitaire. Aux commandes, les Wachowski nous livrent une resucée très convaincante de Matrix, sans pseudo-philosophie à la con.

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   Jim Sturgess y incarne un résistant absolu, qui noue une relation très forte avec un clone atypique (l'exquise Donna Bae, vue notamment dans The Host). C'est une nouvelle version du Neo de Matrix, cette fois sous la forme d'un duo. Les réalisateurs ont aussi puisé à d'autres sources que leur propre mythologie. Pêle-mêle, on retrouve notamment un peu du Cinquième élément, de Brazil, de Blade Runner et de V pour Vendetta. C'est vraiment un épisode épatant et je regrette qu'il n'ait pas été exploité jusqu'au bout.

   Les échos de cette époque tumultueuse sont perçus dans la dernière histoire, qui se passe quelque 200 ans plus tard.

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   La Terre est peuplée de trois groupes d'individus, deux sont des sortes d'hommes préhistoriques, parlant une langue dégradée. Le troisième est une élite en voie de dépérissement. L'action conjuguée d'un chef de famille taraudé par un mauvais génie (Tom Hanks, excellent tout au long du film) et d'une femme d'exception (Halle Berry, surprenante) va leur permettre de connaître le fin mot de l'histoire...

   ... enfin presque, parce qu'on ne nous dit pas tout. Même quand l'histoire est terminée, il reste des blancs, que le conteur s'est bien gardé de combler :

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   C'est "l'époque bonus", la septième, preuve que tout n'a pas disparu. Mais où diable se trouve-t-on ?

   Bilan de tout cela ? Un film-testament. Les Wachowski, épaulés par le talentueux Tom Tykwer (réalisateur naguère du Parfum), font l'apologie de l'amour véritable, celui qui unit deux âmes-sœurs, qui peuvent être un homme et une femme, deux hommes, un homme et un clone, un Blanc et une Noire (ou une Asiatique)... Ils y tracent une limite claire entre ce qu'ils perçoivent comme bon (la lutte pour l'égalité des droits, la création artistique, la dénonciation de la corruption, des mauvais traitements...) et ce qu'ils stigmatisent comme mauvais (le racisme, l'homophobie, l'esclavage, la cupidité, l'autoritarisme, la bigoterie...).

   A l'amour et à l'engagement politique s'ajoute la création artistique (au sens large) comme moteurs de l'existence. Écrire, composer, jouer et filmer donnent aussi un sens à la vie. Dit comme cela, ça a l'air pompeux, mais c'est plus subtilement énoncé dans le film. On peut laisser tomber le propos sur la réincarnation et se plonger dans ces images superbes, illustrant une intrigue foisonnante, servie par des acteurs excellents.

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dimanche, 28 avril 2013

Les Croods

   Ce nom à coucher dehors est porté par les six membres d'une famille de Néandertaliens aux prénoms tout aussi improbables. A sa tête se trouve le papa, Grug :

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   C'est un costaud, le papa. Il a des bras épais comme trois cuisses, un coeur gros comme ça... mais une cervelle de moineau, qu'il va devoir pourtant mettre à contribution pour sortir sa famille du pétrin. Sa compagne est Ugga :

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   Pour camper l'épouse de l'Américain (très) moyen, on a choisi une belle plante entre deux âges, certes amoureuse de son mari, mais d'abord soucieuse de la survie du clan familial. Elle est donc plus ouverte d'esprit. Le couple a eu trois enfants, l'aînée étant Eep :

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   On ne le voit pas très bien comme cela, mais elle est bâtie comme une gymnaste est-allemande. A l'image de la majorité des membres de la famille, elle a un fort tempérament et n'hésite pas à donner des coups. Cette rouquine révoltée, un peu casse-cou, n'est pas sans rappeler la Rebelle de Pixar (en moins sage). Notons que ces hommes préhistoriques ont dû inventer l'épilation au silex, puisque la demoiselle arbore des aisselles exemptes de toute pilosité ! Son frère cadet porte le doux prénom de Thunk :

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   C'est un gros bêta, qui n'a ni la force ni la réactivité de son père. On est prié d'espérer que c'est un ado en devenir, une image guère flatteuse de ces millions de moutards américains gavés de hamburgers et de pop corn. Sa petite soeur, Sandy, mérite elle le détour :

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   Cette adorable sauvageonne est dotée d'une coiffure à désespérer tous les "visagistes" de Paris. J'aurais tort d'oublier le sixième élément de la troupe, la grand-mère :

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   Celle-ci apparaît au départ plutôt acariâtre, à l'image de la mamie de Sid dans L'Age de glace IV. (Eh, oui, on se marque à la culotte dans les films d'animation !). L'un des fils rouges de l'histoire est la détestation que semblent éprouver Grug et sa belle-mère l'un pour l'autre, le premier y trouvant une motivation pour tenter d'avoir des idées (afin de se débarrasser de la vioque).

   Au quotidien, la famille pense d'abord à se nourrir. Cela nous vaut une hilarante scène de course-poursuite, au début du film :

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   Les animaux sont vus comme des rivaux dans la quête de nourriture. Ce sont parfois des proies... plus souvent des prédateurs. L'environnement des habitants de la caverne regorge de grosses bébêtes dangereuses, comme celle-ci...

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   ... et celle-là :

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   D'autres animaux, moins impressionnants de prime abord, ne sont pas à prendre avec des pincettes, tels les singes batailleurs :

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   Mais les plus redoutables sont incontestablement ces oiseaux colorés (magnifiquement rendus par la 3D, une des grandes réussites du film), qui volent en groupe... et ont un appétit vorace, comme va le découvrir une baleine terrestre (!) :

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   Signalons que le gros minet, à la tête disproportionnée, va jouer un rôle essentiel dans les pérégrinations de la famille. L'un des moments-clés est celui où l'un des personnages découvre que, comme lui, le félidé a peur du noir !

   Cette terreur, savamment entretenue par le papa, gouverne la vie de la troupe. Le père voudrait garder son petit monde auprès de lui, engoncé dans ses habitudes, refusant la nouveauté. Sa fille va braver les interdits, découvrir le feu (anachronisme, mais bon, cela nous vaut de très belles scènes en 3D) et faire une rencontre déterminante :

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   Guy (prononcer "Gaille") a plutôt le physique d'un homo sapiens. On nous le présente donc comme plus faible physiquement que les Néandertaliens. Mais il est diablement inventif et plus débrouillard que ces derniers. Il est accompagné d'un étrange animal, qui lui sert accessoirement de ceinture :

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   On remarque d'ailleurs qu'au fur et à mesure que l'histoire avance, les humains s'attachent de plus en plus à des animaux, qui deviennent domestiques. C'est le cas du père comme de la petite fille (que cela contribue à "civiliser")... mais aussi du fils balourd :

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   Poussés par des mouvements tectoniques brutaux (nouveau décalque de L'Age de glace...), humains comme animaux cherchent à sauver leur peau. La collaboration cahotique entre Néandertaliens et sapiens va leur permettre, après moult péripéties, d'atteindre la terre promise.

   Pendant un peu plus d'1h30, on a droit à une pluie d'images superbes et à une foultitude de gags. Même si l'histoire n'est pas d'une originalité débordante, on passe un très bon moment.

   P.S.

   Je déconseille toutefois le film aux jeunes enfants, qui ne comprendront pas tout et risquent d'avoir peur à plusieurs reprises.

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samedi, 27 avril 2013

Hannah Arendt

   Ce n'est pas un biopic consacré à la philosophe germano-américaine. Le film tourne autour de sa perception du procès d'Adolf Eichmann, un des rouages essentiels de l'extermination des juifs par les nazis et leurs collaborateurs. Toutefois, certaines scènes nous font revivre une partie du passé de l'héroïne, principalement la période étudiante, en Allemagne.

   La réalisatrice nous brosse d'abord un tableau de l'intelligentsia de la côte Est des États-Unis. On remarque le poids dans anciens réfugiés européens, encore en 1960-1961. Le seul élément du contexte américain qui nous soit donné est la campagne présidentielle de 1960, qui voit John Fitzgerald Kennedy s'opposer au vice-président sortant, Richard Nixon.

   Le paradoxe de ce film est de nous montrer la puissance intellectuelle d'une femme qui, dans sa vie personnelle, a connu bien des avanies. Dans sa jeunesse, elle a été la "groupie" crédule du philosophe Martin Heidegger qui, par la suite, s'est compromis avec le nazisme. Plus tard, elle a rencontré celui qui est devenu l'homme de sa vie, Heinrich Blücher. Dans le film, celui-ci est l'un des rares à la soutenir dans la tempête... mais c'est un compagnon infidèle. Enfin, la réception des articles écrits par Hannah Arendt sur le procès a été très mauvaise ; elle fut copieusement injuriée, diffamée... et perdit bien des amitiés.

   Le premier moment-clé du film est donc le séjour de la philosophe en Israël, un État pour lequel, bien que juive, elle n'éprouvait pas d'affection particulière. On la voit déroutée par le déroulement du procès et cet accusé qui ne correspond pas au profil de l'antisémite maladif auquel elle s'attendait. On sent son désir de comprendre et de faire comprendre la complexité de l'époque, quitte à parler de la collaboration de certaines élites juives avec les autorités nazies.

   La réalisatrice a inséré des images d'archive, pas forcément les plus pertinentes. Mais cela permet au public peu familier de cette histoire de découvrir un important bureaucrate nazi et certains témoignages de survivants du génocide. Le procès a aussi servi à cela.

   Cette séquence et celles qui suivent voient donc s'élaborer, au fur et à mesure, la grille d'analyse qui va mener la philosophe à écrire une série d'articles (pour le magazine The New Yorker) puis un livre sur la "banalité du mal" :

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   Il faut signaler la composition re-mar-quable de l'actrice Barbara Sukowa qui, si elle ne ressemble pas physiquement à la philosophe âgée, réussit à l'incarner de manière stupéfiante.

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   Il y a bien sûr le tabagisme maladif d'Hannah Arendt, son accent lorsqu'elle parlait anglais (et, à de rares occasions, français), son indulgence pour les petits péchés de ses proches, sa force de travail et sa rigueur intellectuelle, qui ne se préoccupait guère des convenances. C'est au final un beau portrait de femme, qui culmine dans l'une des dernières séquences, qui voit l'héroïne expliquer sa démarche et défendre ses conclusions devant un amphithéâtre rempli d'étudiants finalement acquis à sa cause, malgré la contestation des mandarins de l'université. Au passage, elle règle son compte à l'une des théories de son ancien maître et amant (Heidegger), sur la pensée et la morale.

   Ce film est donc très riche et son intérêt ne se limite pas au sujet principal. Incidemment, on perçoit le début d'une certaine sacralisation de la Shoah, voire de son instrumentalisation. La démarche de la philosophe a au contraire incité des historiens à retravailler le sujet. Des années plus tard ont été publiés des livres (comme celui de Christopher Browning) qui, fondés sur des cas concrets, ont donné raison à Hannah Arendt :

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   P.S.

   Au cours du film, on apprend qu'elle avait fui l'Allemagne pour la France, où elle a résidé entre 1933 et 1940. Cette année-là, comme nombre d'étrangers, elle a été enfermée dans un camp d'internement, celui de Gurs (situé dans l'actuel département des Pyrénées-Atlantiques, il est entouré en rouge sur la carte), dont elle est par la suite parvenue à s'enfuir :

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jeudi, 25 avril 2013

The Land of hope

   Le titre est bien entendu ironique, à l'image du roman de Zola La Joie de vivre. Il est plus question de désespoir que d'espoir, même si le film ouvre des perspectives. L'histoire se déroule dans une préfecture imaginaire du Japon, Nagashima, mot-valise résultant du télescopage de Nagasaki et Fukushima, dont il est d'ailleurs question à plusieurs reprises.

   Le scénariste imagine que ce qui s'est produit en mars 2011 à Fukushima arrive à nouveau, dans une zone plutôt rurale, pas très éloignée de la mer et d'une centrale nucléaire. Il choisit de mettre l'accent non pas sur les victimes directes, mais sur les victimes secondaires, ceux qui vivaient dans la zone dangereuse (ou à proximité immédiate) et qui ont subi les conséquences des radiations.

   On suit principalement trois couples. Le héros est le père, agriculteur semi-retraité, dont l'épouse est atteinte de démence sénile. Au début du film, il cohabite avec son fils et sa belle-fille. Lui est un gamin attardé de 30 ans. Elle est plus indépendante et volontaire. En face de chez eux habite une autre famille. Le film privilégie le fils et sa petite amie, encore un peu adolescents ; les événements dramatiques auxquels ils se trouvent confrontés vont les faire rapidement évoluer.

   Si le contexte de la catastrophe et les réactions qu'elle a suscitées sont bien mis en scène (de l'opacité des autorités au rejet de certains habitants du reste du Japon), j'ai trouvé que les scènes familiales étaient surjouées voire mal jouées (surtout de la part de l'acteur qui incarne le fils du patriarche, assez insupportable).

   Le couple âgé fonctionne "à l'ancienne" : c'est l'homme qui domine, avec le cas particulier de l'épouse mentalement dérangée. Même si sa maladie n'est pas montrée comme un sujet de moquerie, j'ai été gêné par l'accumulation facile : le couple vit plusieurs déchirements et, en plus, l'un des deux a perdu la tête. Dans leur relation subsiste un seul moment de grâce, quand l'épouse s'est enfuie du domicile et a gagné la zone interdite. Elle imagine revivre la Fête des morts, en costume traditionnel. Son mari finit par la retrouver et joue le jeu, pendant quelques instants. C'est un beau moment de cinéma, hélas noyé dans un ensemble maladroit.

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   Le couple formé par le fils et la belle-fille est plus moderne. C'est elle qui prend les choses en mains. Sa grossesse influe sur ses choix. Là, par contre, j'ai trouvé intéressante la mise en scène de sa phobie des radiations. Inconsciemment, elle rend la situation plus difficile pour son jeune mari... mais c'est peut-être celle qui a le plus la tête sur les épaules.

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   Le troisième couple est le plus volatile. Au départ, on prend le jeune homme pour un petit con immature. Il se révèle généreux et soudainement plus intéressant, pendant que sa copine perd ses illusions d'adolescente. Leur parcours, en moto, les mène en plusieurs endroits, tous symboles de désolation. Mais leur couple en sort fortifié.

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   Cela donne un film long, avec des maladresses, mais aussi des qualités et quelques instants privilégiés. A chacun de juger s'il mérite le déplacement.

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mardi, 23 avril 2013

Oblivion

   Cet "oubli" est l'amnésie programmée dont souffre le personnage principal, Jack (Tom Cruise, assez transparent). Il est l'un des derniers humains présents sur une Terre qui a été dévastée par une guerre nucléaire. Sa mission de 5 ans est sur le point de s'achever, et lui de partir pour Titan (un satellite de Saturne) où l'humanité s'est réfugiée.

   Pour des raisons de sécurité, la mémoire des employés exerçant des missions délicates est effacée au bout de 5 ans. Mais pourquoi diable rêve-t-il de cette femme brune (Olga Kyurylenko, évidemment superbe, mais non moins évidemment potiche) qui semble l'accompagner au sommet de l'Empire state building ?

   Un mystère plane donc sur la première partie du film. On suit le héros dans son travail quotidien, dangereux parce que sur la planète survivent des envahisseurs (qu'il n'a jamais réellement vus). La tension monte. Le tout est servi par une très bonne lumière, des décors superbes et une musique bien choisie.

   L'action démarre vraiment quand une tour commence à émettre un signal vers l'espace. Jack se pose de plus en plus de questions. C'est parce qu'il ne va pas suivre la procédure officielle qu'il va découvrir la vérité sur ses employeurs, sur ce qui est arrivé à la Terre... et sur lui-même.

   Le problème est que le scénario est mal ficelé. Tantôt les révélations nous sont balancées brutes de décoffrage, tantôt l'on reste dans les sous-entendus qui n'en disent pas assez. Voilà pourquoi, dans la dernière demi-heure, il a fallu insérer un retour en arrière qui explique tout.

   Les dialogues ne sont pas toujours très bons. On sent aussi parfois que les acteurs ont eu du mal à jouer devant des fonds bleus ou verts. Un esprit pointilleux trouverait des choses à redire aux scènes d'action. Il y a même une énorme bourde. Quand Jack se retrouve prisonnier d'un groupe de mystérieux rescapés, il se prend une balle, qui fait un joli trou dans sa combinaison. Par contre, il ne saigne pas et, deux minutes plus tard, le voilà sur pieds comme si de rien n'était ! Dans un premier temps, on voit encore le trou sur sa combinaison mais, très vite, il disparaît de l'écran !

   Bref, si vous êtes fans de science-fiction et pas trop regardants sur la qualité des dialogues et la cohérence du scénario, ce film peut constituer un agréable divertissement digestif. Sans plus.

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lundi, 22 avril 2013

Guerrière

   L'héroïne, Marisa, est une jeune femme paumée. Fille unique, elle a été élevée par une mère célibataire, qui gère une supérette.

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   Dans son entourage, le personnage solaire est le grand-père Franz, qui adore sa petite-fille, mais qui, dès son plus jeune âge, a voulu en faire une combattante : il lui a imposé des marches, le sac à dos rempli de sable et, de temps à autre, cet ancien militaire lui a livré le fond de sa pensée sur le passé de l'Allemagne... ainsi que sur son présent.

   On ne s'étonne donc pas de voir la jeune femme fréquenter un groupe de néo-nazis. Pour les hommes, à une exception près (celui qui va se faire exclure du groupe... et encore), le réalisateur ne fait pas dans la dentelle. Il nous présente ces garçons comme une bande d'abrutis tatoués, qui passent leurs journées à écouter de la musique débile et à se saouler à la bière. Ah, j'oubliais : de temps en temps, ils se défoulent sur des "pas-comme-il-faut" : des "niakoués", des "bougnoules" (on me pardonnera de ne pas avoir retenu les termes allemands), des costards-cravates, des cheveux-longs... (On pourrait trouver ces scènes quelque peu complaisantes : c'est rythmé, parfois presque humoristique : le réalisateur n'est pas dans la simple condamnation ; il nous montre une bande de jeunes qui s'amusent, même si c'est de manière très contestable.)

   Le film a donc un aspect documentaire dans sa description de ces jeunes d'extrême-droite, à qui l'on bourre le mou à l'aide de films de propagande hitlériens. Toute cette engeance se garde bien d'ouvrir le moindre bouquin, alors que ceux qui les instrumentalisent sont plutôt des intellos.

   Du côté des femmes, le portrait est plus en nuances. Il y a bien sûr l'héroïne, excessive en tout, aussi bien dans ses haines (elle peut aller jusqu'à tenter de tuer) que dans son amour (dans des scènes "intenses" avec son partenaire masculin, Sandro, le chef de la bande de nazilllons). C'est en fait une romantique frustrée, capable de s'ouvrir à autrui... ce qui va faire basculer le film.

   Deux autres filles sont mises en valeur. La plus effacée des deux est Melanie, que j'ai d'abord prise pour une lesbienne :

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   Dans la dernière demi-heure, elle va révéler à ses camarades le secret qui a bouleversé sa vie.

   La troisième est un rejeton de la classe moyenne. Svenja est aussi une enfant unique (quand on vous dit que les Allemands ne font plus de gosses !), élevée par sa mère et son beau-père.

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   La première est un peu larguée. Le second est strict, mais l'adolescente s'ingénie à déjouer sa surveillance. Le conflit naissant et l'incompréhension mutuelle vont la pousser à rejoindre les néo-nazis, dans une démarche voulue comme une transgression.

   Il me reste à présenter l'élément déclencheur, le garçon émigré d'Afghanistan (en rouge sur la carte), qui tente de rejoindre la Suède (en vert). Auparavant, il est passé par l'Iran, la Turquie, la Grèce et la France :

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   On ne sait pas trop ce qui attire l'héroïne chez ce jeune homme, prénommé Rasul. Il est paumé, comme elle, mais cela ne suffit pas à tout expliquer. Paradoxalement, il se pourrait que les leçons de son grand-père aient servi à quelque chose. En tout cas, cette "bifurcation" (qui s'ébauche pendant que le petit copain nazi est en taule), au départ source d'espoir, va donner un tour encore plus noir à cette histoire déjà plutôt triste.

   A conseiller aux coeurs bien accrochés.

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dimanche, 21 avril 2013

Promised Land

   Gus Van Sant a réalisé un film à la fois hollywoodien et subtil sur la question du gaz de schiste. Co-écrit par l'interprète principal, Matt Damon, le scénario se veut ouvertement écologiste... et pourtant... le début ne fait en rien penser à un film militant... et c'est très bien !

   Pendant environ trois quarts d'heure, on suit les employés de la puissante compagnie gazière Global dans leur travail de prospection... de signatures (celles des propriétaires qu'il faut convaincre de vendre). A ma grande surprise, c'est le ton de la comédie qui domine dans cette partie. Le duo formé par Frances McDormand (l'organisée, la tenace, la citadine) et Matt Damon (le créatif, l'émotif, le rural) fonctionne à merveille, les deux acteurs s'étant visiblement plu à se chambrer mutuellement.

   Au niveau de la réalisation, dès le début, on comprend qu'on n'a pas affaire à un manchot. Soyez attentifs à la séquence du restaurant, qui voit le héros décrocher une nouvelle mission, susceptible de lui valoir une grosse promotion. Cela commence par une contreplongée du fond du lavabo, où semble bouillonner de l'eau. (A cette scène répond une autre, dans l'avant-dernière séquence du film.) Cela continue par le parcours qui mène des toilettes à la table, où Steve/Matt se retrouve face à son supérieur hiérarchique, puis au patron lui-même.

   D'autres moments savoureux confrontent Frances McDormand au gérant de la supérette (qui vend de la nourriture, des fringues, des armes... et des guitares !). Là encore le ton de la comédie l'emporte, sur fond de possibilité de romance. Signalons la performance de Titus Welliver :

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   L'habileté de Gus Van Sant est de ne pas diaboliser ces employés, qui ne savent visiblement pas tout du gaz de schiste. C'est là que le film devient vraiment puissant, puisqu'il va opposer des "gens bien", qui ont tous d'excellentes raisons de défendre leurs idées.

   Les "héros" voient plusieurs personnes se mettre en travers de leur chemin. La première d'entre elles est Frank Yates, un ingénieur à la retraite, qui enseigne bénévolement les sciences aux jeunes du village. Il est incarné par le vétéran Hal Holbrook, que l'on a vu récemment dans Lincoln :

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   Mais la menace la plus grande vient d'un inconnu, qui se présente comme un fils de fermiers victimes des compagnies gazières devenu militant anti-gaz de schiste. Il est incarné par le co-scénariste du film, John Krasinski :

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   Curieusement, il a une apparence qui m'a fait penser à celle du réalisateur de Gasland, Josh Fox (que l'on voit aujourd'hui davantage en costume-cravate) :

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   Au conflit socio-politique qui oppose le commercial gazier à l'écologiste s'ajoute la rivalité sentimentale. En effet, l'une des institutrices locales (Rosemarie DeWitt, impeccable), qui possède de surcroît une belle propriété, semble très sensible au charme des deux hommes. Steve Butler paraît moins flamboyant, lui l'employé à qui tout réussissait jusque-là. A ce propos, je pense que le choix du nom n'est n'est pas le fruit du hasard. Ce n'est pas tant lié à l'un des personnages d'Autant en emporte le vent qu'à la signification, en anglais, du mot "butler" : le majordome. Le héros se fait le valet d'une puissante compagnie, qui n'a que faire de la qualité de vie des habitants de cette contrée perdue.

   Le film bascule dans cette deuxième partie, qui voit une partie grandissante des habitants repousser les commerciaux, parfois avec violence. Le contraste est d'autant plus saisissant que, la crise aidant, ils semblaient au départ très réceptifs aux arguments (principalement pécuniers) de Matt Damon et Frances McDormand. Tout à coup, on perçoit les formules de politesse et les plaisanteries pour ce qu'elles sont : un moyen d'endormir la méfiance du client, de gagner sa sympathie, pour arriver à ses fins. Il reste que Steve est intimement persuadé de rendre service à ces ruraux qui vivent dans la précarité. Il leur apporte la sécurité financière, un avenir pour leurs enfants, voire la fortune.

   La troisième partie du film, plus courte que les deux premières, s'articule autour de deux retournements, que je me garderai bien de révéler ici. Elle donne plus de force à l'histoire, même si la fin est un peu convenue (mais ouverte). Les auteurs ont voulu montrer que le plus important était de dire la vérité, que c'est aux populations de faire leur choix, pas aux grands groupes. Du coup, le message véhiculé par le film est plus largement politique que strictement environnemental, ce qui pourrait décevoir certains militants purs et durs. Mais, selon moi, cela rend le film meilleur.


   P.S. I

   Où en est-on de l'exploitation des gaz de schiste en France ? Le sujet pourrait redevenir d'actualité, si la technologie de l'arc électrique s'avère efficace (et rentable).


  P.S. II

   L'exploitation du gaz de schiste n'est pas la seule activité qui recourt à la fracturation hydraulique. C'est le cas aussi de la géothermie. Même si les quantités d'eau mises en oeuvre sont bien moindres, la "stimulation" s'effectue à des profondeurs comparables.


   P.S. III

   Le combat des ruraux pour protéger leur cadre de vie contre l'installation d'une activité polluante (mais créatrice d'emplois et de richesses) ne concerne pas que le gaz de schiste. Il me semble que les questions soulevées par Promised Land ne sont pas sans parenté avec la situation dans le département de l'Orne, même si, dans ce cas précis, les défenseurs de l'environnement sont davantage des "pipoles" et des gens de la "Haute"...


   P.S. IV (Après j'arrête, c'est promis !)

   Une partie (minoritaire) du financement du film vient d'Imagenation Abu Dhabi, une société sise aux Emirats arabes unis, qui, d'après le rapport annuel de British Petroleum, figurent parmi les dix premiers producteurs de pétrole et possèdent d'énormes réserves aussi bien de gaz que de pétrole. On pourrait donc suspecter le film de partialité, les monarchies du Golfe arabo-persique n'ayant pas intérêt à ce que l'exploitation de gaz non conventionnel se développe. Mais le scénario semble avoir été écrit indépendamment du financement et Matt Damon a répondu aux accusations, notamment dans les colonnes du Figaro.

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