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jeudi, 03 janvier 2013

Cogan

   ... Killing them softly, en version originale ("Les tuer gentiment"). Brad Pitt incarne un tueur expérimenté, qui sert d'intermédiaire, d'entremetteur quand des situations compliquées se présentent. L'intrigue est limpide : un duo de jeunes cons veut se faire de la thune facilement. Il est engagé par un commerçant malin. Ils commettent l'erreur de braquer un tripot : les truands qu'ils ont dévalisés vont vouloir se venger.

   On suit donc la pente inexorable qui mène à l'exécution des trois voleurs. L'originalité du film est de nous montrer la genèse des contrats qui vont porter sur leurs têtes. On suit les négociations, puis les discussions entre acteurs de la vengeance. On aboutit enfin à quelques scènes violentes, mises en scène avec une grande minutie (marque de fabrique du réalisateur), de manière presque clinique. Il n'y a rien de trop dans ces moments sanglants, mais il ne manque rien non plus.

   On sent qu'Andrew Dominik (injustement encensé pour L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) a vu et apprécié les films de Quentin Tarantino. Mais il n'en a pas la verve, le souffle, même s'il ne manque pas d'habileté. Du coup, par moments, on se désintéresse de cette histoire de truands pour se pencher sur les rapprochements effectués avec le fonctionnement de l'économie américaine. (Des extraits de journaux télévisés sont régulièrement insérés dans le cours de l'action, ou simplement diffusés en fond sonore.)

   De manière assez attendue, le déclenchement de la crise financière (l'action se déroule pendant la campagne présidentielle d'octobre-novembre 2008) est montré comme le résultat de l'action de financiers voyous. Plus intéressant est le parallèle tracé dans l'autre sens. En effet, à cause du braquage des deux jeunes cons, c'est toute l'économie (clandestine) des tripots qui est menacée. Il faut d'urgence restaurer la confiance, quitte à s'en prendre à celui qui, bien que n'étant pas coupable, passe pour l'être aux yeux de la majorité.

   Vu que les dialogues occupent une part importante de "l'action", je conseille de voir le film en version originale. Les acteurs sont très bons. On retrouve une brochette d'habitués des seconds rôles (James Gandolfini, Richard Jenkins, Ray Liotta...). Le mélange du polar et de l'analyse politico-économique ne fonctionne toutefois qu'à moitié. C'est un peu trop verbeux.

13:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mardi, 01 janvier 2013

Une nouvelle légion de décorés

   Le Journal Officiel du 1er janvier 2013 contient une série de décrets prouvant que, sous la gauche comme sous la droite, on aime distribuer (et recevoir) les breloques. (La première promotion "hollandienne" remonte au 14 juillet 2012.) En cherchant bien j'ai trouvé, dans le quatrième décret, quatre noms qui ne sont pas inconnus des Aveyronnais.

   C'est page 3 que l'on trouve le premier d'entre eux,  Robert Garrigues :

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   Il est nommé chevalier sur le contingent du Premier ministre. Comme l'indique le texte, il dirige la DDCSPP de l'Aveyron. Auparavant, ce Villefranchois d'origine a été Directeur Départemental de la Jeunesse et des Sports.

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   Un peu plus bas, sur la même page, on remarque le nom de Christian Braley. Il est nommé chevalier au titre de la "promotion du travail".

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   Il a fondé une entreprise de retraitement des déchets. On lira avec profit le portrait que lui a consacré La Dépêche du Midi en décembre 2008.

   Quelques lignes plus loin, on tombe sur Manuel Cantos, président de la Chambre de Commerce et de l'Industrie de l'Aveyron, ancien président du Tribunal de commerce, qui s'était fait connaître dans l'activité de blanchisserie, sur Decazeville.

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   Aujourd'hui, la famille Cantos s'est orientée dans le secteur des énergies renouvelables (éoliennes, centrales hydroélectriques, parcs photovoltaïques), sous la marque Ondulia, comme nous l'apprend un passionnant dossier publié dans la revue Systèmes solaires, le journal des énergies renouvelables.

   C'est page 22 que j'ai trouvé le quatrième nom, celui de l'ancien député (et maire de Villefranche-de-Rouergue) Jean Rigal :

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   Il est nommé chevalier de la légion d'honneur sur le contingent de la ministre de la Décentralisation, l'ex-sénatrice aveyronnaise Anne-Marie Escoffier, membre du Parti Radical de Gauche comme lui.

Les "Riton" 2012

   Pour la septième fois consécutive, je me suis efforcé de construire mon palmarès annuel. Il a fallu faire des choix parfois difficiles, tant le nombre de films qui m'ont plu est grand. J'ai gardé ceux qui m'ont laissé la plus forte impression, ou qui ont fait preuve d'originalité. Cela donne un florilège d'une cinquantaine de longs-métrages, que j'ai classés de la manière suivante.

 

   Dans la catégorie "film d'animation" :

- Riton du meilleur film pour adultes : Le Magasin des suicides

- Riton de la meilleure fantaisie historique : Zarafa

- Riton du meilleur conte : Le Jour des corneilles ex aequo avec Rebelle

- Riton du meilleur film transculturel : Couleur de peau : miel

- Riton de l'animation japonaise : Les Enfants Loups ex aequo avec La Colline aux coquelicots

- Riton du meilleur Burton : Frankenweenie

- Riton de la meilleure poursuite de série : L'Age de glace IV

- Riton de la pâte à modeler : Les Pirates, bons à rien, mauvais en tout

 

   Dans la catégorie "comédie" :

- Riton de la meilleure satire politique : The Dictator

- Riton du meilleur film antiaméricain : God Bless America

- Riton de la comédie la plus malsaine : Touristes

- Riton de la comédie sans complexes : 2 days in New York

- Riton de la comédie décalée : Adieu Berthe, ou l'enterrement de mémé

- Riton de la comédie farfelue : Camille redouble

- Riton de la comédie qui ne paie pas de mine : Radiostars

- Riton de la comédie nostalgique : Stars 80

 

   Dans la catégorie "film d'époque" :

- Riton du film de rebelles du peuple : Les Chants de Mandrin

- Riton du film de rebelles de l'élite : A Royal Affair

- Riton du film d'amour contrarié : Les Hauts de Hurlevent

- Riton du film "de qualité française" : Augustine

- Riton du film favorable au "mariage pour tous" : Albert Nobbs

- Riton du film clitoridien : Oh my God !

 

   Dans la catégorie "conflits contemporains" :

- Riton du film évoquant la guerre d'Espagne : Insensibles

- Riton du film évoquant la Seconde guerre mondiale : Aloïs Nebel

- Riton du film mettant à jour un aspect méconnu de la Shoah : Sous la ville

- Riton du film évoquant la Guerre Froide : La Dette

- Riton du film radioactif : La Terre outragée

- Riton du film eastwoodien : J Edgar

 

   Dans la catégorie "Proche et Moyen Orient"

- Riton du film choc : Incendies

- Riton de la comédie sociale drôlatique : La Vierge, les Coptes et moi

- Riton du film féministe : Les Femmes du bus 678

- Riton du polar islamique : Une Famille respectable

 

   Dans la catégorie "société actuelle" :

- Riton du film sur la crise financière : Margin Call

- Riton du film sur le troisième âge : Robot and Frank

- Riton du film sur l'émigration africaine : La Pirogue

- Riton du film sur les défis de l'intégration : La Désintégration

- Riton du meilleur biopic : Cloclo

 

   Dans la catégorie "documentaire" :

- Riton du film qui donne envie d'aller à l'opéra : Traviata et nous

- Riton du film qui a donné le goût du théâtre : César doit mourir

- Riton du film qui donne faim : Entre les Bras

- Riton du film qui donne envie de visiter la Scandinavie : Jon face aux vents

- Riton du film qui donne envie d'adopter un chat : Félins

- Riton du film qui donne envie de meugler : Bovines

 

   Dans la catégorie "polar - film d'action" :

- Riton du film sur la lâcheté : 38 témoins

- Riton du film sur les trafiquants de drogue : Miss Bala

- Riton du film de baston : Avengers

- Riton du film d'espionnage : Skyfall

- Riton du film d'anticipation : Looper

- FILM DE L'ANNEE : Bullhead

 

   Pour les amateurs de drogue dure :

- les Riton 2011

- les Riton 2010

- les Riton 2009

- les Riton 2008

- les Riton 2007

- les Riton 2006

17:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

lundi, 31 décembre 2012

Ernest et Célestine

   Après Le Magasin des suicides (macabre à souhaits) et Le Jour des corneilles (enlevé et mystérieux), voici une troisième production (au moins en partie) française dans le domaine de l'animation.

   On découvre d'abord une partie du monde de Célestine, la souris, dans un dortoir à l'ancienne, où ce qui ressemble à une bonne sœur terrifie les pensionnaires avec l'histoire du "grand méchant ours". Évidemment, Célestine ne croit pas à ces fadaises... et elle dessine ce qu'elle pense. Comme, en plus, elle ne rapporte que peu de dents d'ours, elle n'est guère utile à sa société souterraine. (A tous les parents qui se plaignent de voir leurs enfants manger trop de sucreries, je recommande vivement d'emmener leur progéniture voir ce film, ne serait-ce que pour la première séquence chez le dentiste !)

   On nous présente ensuite Ernest, qui vit seul au fond des bois, dans sa cabane brinquebalante, où s'entassent divers objets et instruments de musique. Il n'a pas de travail et il a faim. Il se rend donc en ville, où nous découvrons une famille de commerçants : le père vend des sucreries, la mère des dents ! Le fils préfèrerait manger des douceurs plutôt que de penser à succéder à ses parents, mais on ne lui laisse pas trop le choix. Le premier commerce devient la proie d'Ernest, guidé par Célestine.

   Au-delà de la confrontation de ces deux univers (a priori si différents mais finalement si ressemblants), le film traite d'une rencontre improbable, celle d'une souris et d'un ours qui ont en commun le tempérament artistique et un certain décalage vis-à-vis du monde dans lequel ils vivent. Ces individus à la marge vont faire l'objet de poursuites acharnées de la part des forces de l'ordre des deux univers, tout ça à cause du vol de centaines de dents et de l'introduction de l'ours dans le monde des souris.

   C'est drôle, sans doute un peu compliqué pour les tout petits, avec des clins d’œil pour les adultes. Le tracé des personnages est vraiment original. L'animation des souris est gracieuse, subtile, sans que cela se voie. C'est à la fois joli et expressif, le tout sur une musique légère. Pour les ours, il m'a semblé néanmoins percevoir l'influence des mangas japonais. Le mélange des genres est réussi et l'on passe un bon moment, avec une histoire pas idiote sur le fond.

   P.S.

   Le site internet dédié est sympa.

20:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 30 décembre 2012

NCIS et un Paris de carte postale

   Au début de l'épisode 13 de la saison 7 de la série américaine NCIS (rediffusé samedi 29 décembre 2012), on découvre deux des personnages principaux (Anthony DiNozzo et Ziva David) à Paris, a priori en mission... mais il est parfois possible de joindre l'utile à l'agréable. La scène est une caricature d'une certaine vision américaine de la capitale française :

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   Au premier plan, à droite, Cote de Pablo (alias Ziva David), très en beauté, attend son collègue, assise à la terrasse d'un café. (En fond sonore, on entend une vieille chanson française...) Au centre, au second plan, on voit débouler DiNozzo, fier comme Artaban sur son scooter... et ne portant pas de casque. C'est quelque chose qui ne manquerait pas de faire réagir un membre des forces de l'ordre, s'il se trouvait à proximité, comme celui qui est encadré en rouge, à l'arrière-plan. On le voit mieux un peu plus loin :

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   L'uniforme date un peu, c'est le moins que l'on puisse dire. On ne risque pas de rencontrer un policier avec ce képi à Paris ! Autres clichés présents sur cette image (et la précédente) : les peintures, les pépés portant casquette ou béret... et la Citroën DS... une antiquité :

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   La situation est d'autant plus incohérente quand on observe ce qui se trouve derrière Ziva, à l'arrière-plan :

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   J'ai souligné en rouge les contours de la Tour Eiffel, que l'on voit mieux sur les images qui suivent de peu le générique de début. Vu la taille et l'emplacement du monument, le café est censé se trouver dans le septième arrondissement de Paris, ou alors dans le XVIe, juste de l'autre côté de la Seine :

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   Cela ne concorde pas avec le quartier des peintres, situé à Montmartre, plus au nord-est. Mais le plus beau est visible sur la carrosserie du véhicule de passage :

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   Le reflet nous indique que, s'il y a bien une tour dans le fond, derrière l'agent David, elle ne ressemble guère à celle de Gustave Eiffel. De surcroît, un pont semble se détacher dans le ciel. Nous sommes sans doute en Californie, peut-être à Los Angeles, puisque la série est tournée en général à proximité, à Santa Clarita :

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   Fort logiquement, l'épisode se conclut sur un cliché (et tout le monde a fini par comprendre que les deux agents ont passé une nuit très agréable dans la capitale française...) :

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samedi, 29 décembre 2012

Touristes

   Ben Wheatley est un réalisateur qui explore le "côté obscur" de l'âme humaine. De lui, on a déjà pu voir cette année l'étonnant Kill List, à la limite du polar social et du thriller. Avec Touristes, on passe à l'humour noir, sarcastique, dérangeant, dans un style qui n'est pas sans rappeler l'excellent God Bless America, même si ce dernier film a une portée morale plus grande.

   Les deux héros, qui forment rapidement un couple, sont deux "petits blancs", à la marge de la société de consommation. Lui, plutôt charismatique, n'est pas très beau. Elle est d'un physique quelconque... et surtout elle est d'une assez grande immaturité affective. Cet improbable duo devient une redoutable équipe de tueurs en série... un peu par hasard, lors d'un périple touristique dans le nord de l'Angleterre.

   C'est là que l'on voit que le réalisateur nous a tendu un piège. Leur première victime (un enculé de première... si, si, je vous assure) nous est volontairement, caricaturalement, présentée comme antipathique. On est censé croire que son décès résulte d'un malencontreux accident, mais on a tout fait pour que les spectateurs accueillent sa mort avec joie.

   Cela se complique avec les victimes suivantes, dont le meurtre est à chaque fois prémédité par l'un des membres du duo. Ils ne sont pas franchement odieux, ont visiblement tous fait des études supérieures (l'un d'entre eux reconnaît même être passé par une école privée), ne veulent faire de mal à personne... Certains sont écolos sur les bords. Bref, ce sont des bobos ! Malaise dans la salle de l'Utopia de Toulouse (où j'ai vu le film) : une bonne partie du public pourrait se retrouver à la place des trucidés !

   Plus qu'une revanche morale, ces meurtres (sanglants... et montrés comme tels... super !) sont une revanche sociale. Les assassins sont des ratés : lui est au chômage et ne parvient pas à écrire son livre ; elle, à plus de 30 ans, vit encore chez sa mère. Leurs victimes sont bien insérées dans la société, elles sont du "bon côté" : elles ont une plus belle caravane, pratiquent la randonnée, le vélo ou le jogging, ont des "valeurs"... Le réalisateur met en scène la révolte de petits bourgeois en voie de prolétarisation contre la moyenne bourgeoisie.

   Le film est aussi intéressant sur le plan psychologique : on voit évoluer la relation trouble (et intense !) qui lie les meurtriers. Au départ, il est clair que Tina tombe sous la coupe de Chris (qui tue les deux premières fois). Le rapport de domination semble s'inverser au fur et à mesure que la jeune femme coupe les ponts avec la "civilisation".

   On peut néanmoins se contenter de voir ce film comme une bonne comédie sardonique. Il n'en reste pas moins très troublant sur le fond.

22:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

vendredi, 28 décembre 2012

Violeta

   Ce biopic atypique est consacré à une chanteuse célèbre en Amérique latine, Violeta Parra, qui s'est illustrée dans le Chili d'avant Augusto Pinochet. Le film fonctionne par alternance de moments puisés dans l'enfance et l'âge adulte de l'artiste. C'est une sorte de puzzle, ou de kaléidoscope.

   On découvre l'enfance de cette métis (à moitié mapuche), fascinée par ce père à la fois instituteur et musicien (et même comique), qui lui a transmis le goût du chant accompagné à la guitare... et une indéniable tendance à l'autodestruction. On se rend compte de la misère dans laquelle était plongé le peuple des campagnes chiliennes autour de la Seconde guerre mondiale.

   On suit la jeune femme dans ses débuts, d'abord avec une petite troupe. Elle fait passer sa vie de famille après ses aspirations artistiques. On la voit donner une représentation en Pologne puis s'installer à Paris, proposer ses toiles au Louvre (véridique). On prend conscience de ses engagements politiques. On peut la qualifier de "compagnon de route" du Parti communiste. (Voilà qui explique l'engouement ressenti par les intellos de gauche pour ce film...)

   De retour au Chili, elle se lance dans l'incroyable entreprise de collecte du patrimoine chanté populaire des campagnes, auquel elle tente de redonner vie. On la suit dans certaines de ses pérégrinations... La dame n'avait visiblement pas froid aux yeux !

   Ses amours ont été passionnelles et finalement malheureuses. Elle les retranscrit dans ses chansons, qui ont parfois aussi un aspect social. La force du film réside en grande partie dans la qualité du jeu de Francisca Gavilan, qui, à l'image de Cécile de France dans Soeur Sourire, interprète les chansons de l'artiste qu'elle incarne, dont Gracias a la vida, qui sert de générique de fin.

   La caméra filme la fille comme la femme de très près, pointant la saleté, les imperfections du visage comme le feu qui anime son regard et la beauté de son sourire. Je reprocherais toutefois au film sa longueur : 1h50, surtout qu'une demi-heure avant la fin, on sent très nettement quel tour prend la vie de l'artiste. Cela devient inutilement languissant.

   P.S.

   RFI a consacré une émission au film, l'invité étant le fils aîné de Violeta, Angel.

00:00 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mercredi, 26 décembre 2012

Les Hauts de Hurlevent

   C'est une nouvelle adaptation du roman d'Emily Brontë. Dans mon esprit, le titre faisait allusion à une chanson de Kate Bush et à un film, ancien (très noir), avec Laurence Olivier, que ma mère avait adoré.

   La première heure nous plonge dans cette lande brumeuse du nord de l'Angleterre, très peu peuplée, où les prés sont séparés par de petits murs de pierre, où souffle un vent à écorner les bœufs (même si, là-bas, on voit surtout des moutons et des chevaux)... un Aveyronnais peut y retrouver un peu d'Aubrac (en plus humide et moins enneigé). On y est attentif aux plantes, aux animaux ; on n'est pas rebuté par la boue.

   La réalisatrice, Andrea Arnold, économise les dialogues. Elle veut nous faire sentir le paysage et les sentiments qui traversent les protagonistes. C'est à mon avis parfaitement réussi : qu'y a-t-il de plus sensuel qu'un bas dévoilé par inadvertance, une épaule dénudée ou une mèche de cheveux échappée d'une coiffure (trop) ordonnée ? La caméra est près des corps : on voit bien les cicatrices du jeune homme, on suit la main de Catherine s'enfoncer dans ses cheveux crépus.

   Cette première heure est épatante parce qu'elle nous fait comprendre les frustrations et les aspirations des différents personnages : celles du jeune Africain Heathcliff (ramené à la ferme par le père à la fois autoritaire et chrétien convaincu), celles de Hindley, le fils limite abruti et celles de Catherine, la jeune fille au départ hostile, puis intriguée par l'étrange individu, un peu initiatrice, enfin amoureuse.

   Le film est tourné de manière objective, mais, de temps à autre, la vision qui nous est donnée subit l'influence de l'un des personnages, principalement Heathcliff et Catherine.

   La deuxième heure voit le retour d'Heathcliff, enrichi, et la décadence de la ferme familiale, reprise par Hindley, de plus en plus dépendant de son ancien souffre-douleur. Catherine en a épousé un autre, ce dont Heathcliff ne se remet pas. Le film ne suit pas exactement le roman et ne met pas en scène une implacable vengeance. On a plutôt l'impression que la fatalité est à l'œuvre. L'histoire s'arrête de plus au niveau de la première génération, alors que l'œuvre de Brontë poursuit avec les enfants (la fille de Catherine et son mari, le fils qu'Heathcliff va avoir avec la sœur de l'époux de Catherine... et le fils de Hindley, que l'on voit dans ce film).

   L'interprétation est de qualité. J'ai préféré les acteurs incarnant les amoureux jeunes (Solomon Glave et surtout Shannon Beer, plus convaincante de Kaya Scodelario, qui joue la Catherine adulte). Mais James Howson est aussi très bien. Parmi les seconds rôles, j'ai particulièrement apprécié les employés de la ferme et le père.

   Un film fort, sur la naissance d'un amour et la noirceur de la vie.

19:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

lundi, 24 décembre 2012

La Poste à Onet-le-Château

   La commune d'Onet-le-Château qui, jusqu'à présent, était dotée de deux bureaux de Poste de plein exercice, n'en aura plus qu'un à partir de 2013. En échange de ce sacrifice, l'entreprise (encore) publique (paraît-il) ouvre deux relais chez des commerçants locaux, l'un aux Costes Rouges (quartier populaire qui perd son bureau), l'autre place des Rosiers (dans le "vieux" coeur urbain, où la population est assez mélangée). Voici la situation actuelle :

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   Je me suis appuyé sur Google Maps pour construire cette carte. Les bulles contenant une lettre désignent l'emplacement d'une structure de La Poste. Le C est situé aux Costes Rouges, une colline un peu éloignée du reste de la ville, mais assez bien reliée. Le B désigne un centre de traitement du courrier. Le A est situé place des Rosiers. En rouge, j'ai souligné grosso modo l'emplacement de La Baleine, le théâtre municipal à proximité duquel le nouveau bureau va ouvrir. On espère qu'il sera vaste et que l'amplitude horaire sera grande, pour compenser la perte des deux autres.

   Que penser de cette décision ? D'abord qu'elle va surtout compliquer la vie des habitants des Costes Rouges, ceux du quartier des Quatre-Saisons étant plus proches. Mais il y a des arrêts de bus à proximité... et c'est une zone en plein essor. On constate toutefois que le service public se rapproche plutôt des quartiers bourgeois... Merci la gauche !

   Onet-le-Château est tout de même la quatrième commune du département, en population (elle compte environ 11 000 habitants). C'est aussi l'une des plus vastes : 40 km², près de quatre fois la superficie de celle de Rodez. L'ouverture de deux relais-commerçants est à moitié satisfaisante. Incontestablement, l'amplitude horaire va être plus grande. C'est un plus pour le retrait des colis et des courriers recommandés (surtout quand le facteur a pris la détestable habitude de ne même pas vérifier que la personne est chez elle avant de déposer le petit billet dans sa boîte aux lettres... mais c'est une autre histoire). Se pose néanmoins un problème de confidentialité. On n'a pas forcément envie de réaliser des opérations financières, mêmes modestes, devant un (e) commerçant (e) qui connaît tout le monde dans le quartier. Dans les campagnes, on est déjà confronté à ce phénomène. Quelles que soient les qualités humaines du tenancier, un bureau de tabac n'offre pas la même discrétion qu'un guichet. Sur ce coup-là, il me semble que la mairie d'Onet s'est fait forcer la main par La Poste. Que n'aurait-on pas dit si cela avait été une majorité UMP qui avait procédé ainsi ?

   Ajoutons que les plus anciens se souviennent de l'existence d'un guichet automatique de La Poste, à l'intérieur du centre commercial, juste à l'entrée de l'hypermarché Géant (c'est le petit carré bleu placé sur le plan issu de Google Maps - voir plus haut). Lors d'une première phase de travaux, ce guichet avait été supprimé, remplacé par des bureaux commerciaux (dont l'objectif est de refourguer un maximum de cartes aux clients). Par contre, une autre banque (en vert ci-dessous) avait obtenu de s'installer sur le parking même de l'hypermarché...

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   Passons à présent à la manière dont la presse locale a rendu compte de cette information. Il en a été question à deux reprises : le 7 décembre, quand l'annonce a été faite, et autour du 20 décembre, après la tenue de la dernière séance du Conseil municipal d'Onet, qui a entériné la décision.

   Sur le site de Midi Libre, on peut lire le compte-rendu de la correspondante de Centre Presse, dont la majorité est consacrée à la question des bureaux de Poste. Elle évoque les réserves (voire oppositions) suscitées par le projet, jusque dans la majorité municipale. (Un conseiller a dû se souvenir qu'il avait voté NON, en 2005, au référendum sur le traité constitutionnel européen, dont l'application menaçait l'existence des services publics "à la française". C'est exactement ce qu'il se passe aujourd'hui...)

   Certains seront peut-être étonnés de constater que c'est dans Le Nouvel Hebdo, réputé franchement de droite dès qu'il  est question d'évoquer la gestion de la municipalité Geniez, que l'on peut sentir le plus grand désir de maintenir le service public de proximité :

politique,société

   Je m'autorise à penser que l'installation du nouveau bureau à côté de La Baleine a dû faire enrager l'auteur des lignes, qui ne manque jamais une occasion de fustiger cet investissement municipal, qui est pourtant (à mon avis) bien plus utile à la collectivité que le futur musée Soulages ne le sera (directement ou indirectement) aux Ruthénois.

   La surprise est venue de la presse classée à gauche. Dans Le Ruthénois de cette semaine, on peut lire un article qui est le quasi-frère jumeau de celui publié le 7 décembre dernier dans La Dépêche du Midi :

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   Notons que, si les photographies illustrant les deux papiers ont visiblement été prises à quelques secondes d'intervalle, dans les deux cas, les élus tirent une tronche de dix kilomètres... étonnant, alors que l'on est censé annoncer une excellente nouvelle !

   J'ai souligné le titre en rouge, parce qu'il a l'honnêteté de présenter le texte qui suit comme émanant de La Poste, ce qui n'était pas le cas dans le quotidien. Du coup, on s'étonne moins de l'aspect élogieux de certaines formules : "capacité à accompagner le développement et l'attractivité des territoires" (si la commune d'Onet continue de voir sa population augmenter, l'activité de La Poste a plutôt tendance à y diminuer...) ; "le relais Poste commerçant devrait garantir aux habitants une meilleure qualité de service"... Pourquoi ne pas le généraliser à toute la France alors ?

   Bilan ? La gauche est au pouvoir (nationalement et localement) et cela n'empêche nullement une entreprise de service public, La Poste, de poursuivre une politique d'inspiration néo-libérale.

dimanche, 23 décembre 2012

Héritage

   Ce film israélien, mêlant comédiens parlant arabe, hébreu et/ou anglais, est l'œuvre de Hiam Abbas (présente dans la distribution), une comédienne remarquée dans de multiples rôles, dans des films comme La Fiancée syrienne, Paradise now ou encore Amerrika.

   L'histoire se noue autour d'un mariage, celui de la fille d'un entrepreneur palestinien au bord de la faillite, en Galilée. Au sens strict, les protagonistes sont donc plutôt des Arabes israéliens, même si l'on sent que l'histoire pourrait s'appliquer plutôt à des Palestiniens de Cisjordanie occupée.

   L'entrepreneur est lui-même le fils d'un notable local, très malade. L'un des frères a des ambitions politiques (à concilier avec l'occupant israélien...), un autre, marié à une chrétienne, n'est toujours pas père et l'une des sœurs, la petite dernière, a décidé de mener se vie de femme à sa guise.

   On voit que la réalisatrice a eu l'habileté d'entremêler la politique avec des considérations économiques et la dénonciation du patriarcat. Et pourtant... aucune des nombreuses (et ravissantes) femmes que l'on voit à l'écran n'est voilée. Nous sommes dans la bourgeoisie proche du Fatah. Ce n'est donc pas un portrait fidèle de la société palestinienne que l'on nous propose, mais une tranche de vie des catégories aisées, elles aussi confrontées à des choix douloureux.

   Le contexte de la domination israélienne n'est que sous-jacent. On voit (et entend) régulièrement les avions de Tsahal parcourir le ciel. On voit parfois le résultat de bombardements. Les personnages tentent de vivre malgré tout. Au quotidien, ils sont amenés à croiser des Israéliens. S'ils veulent faire de la politique, ils vont être mis sous surveillance par la police.

   Mais le cœur de l'histoire est constitué de ces vies de femmes. Il n'y a pas de matriarche, l'épouse du chef de famille étant décédée, sans doute en mettant au monde la petite dernière. Du coup, ce sont les deux grandes sœurs qui incarnent les figures dominantes. Bien que modernes d'apparence et traitées d'égal à égal par leurs époux, elles poussent au maintien des traditions. Le film tente d'explorer ce paradoxe. Une seule des jeunes femmes adhère à ce schéma, la future mariée. Sa sœur est plus coquine, plus libertaire... un peu comme sa (jeune) tante, qui suit des études et s'est entichée d'un Anglais.

   C'est (très) bien joué, correctement filmé. Il ne faut pas s'attendre toutefois à un grand film à thèse sur le conflit proche-oriental. Mais cette fiction mérite le détour.

samedi, 22 décembre 2012

Le Voyage de Monsieur Crulic

   Ce voyage est (entre autres) celui réalisé par le corps du héros, ramené dans son pays d'origine (la Roumanie) par deux membres de sa famille. Dès le début, donc, on sait que cela finit mal. C'est une histoire (malheureusement) vraie, celle d'une erreur judiciaire. Mais elle est racontée sous forme animée, l'auteure (Anca Damian) mêlant les styles.

   Ce Roumain n'a pas eu la vie facile. Il a arrêté tôt l'école, n'a pratiquement pas connu sa mère (à cause de la séparation précoce de ses parents) et a perdu son seul enfant à la naissance de celui-ci. Comme beaucoup de Roumains arrivés à l'âge adulte dans les années 1990-2000, il a tenté sa chance à l'étranger. Une partie de sa famille a migré en Italie, lui s'est tourné vers la Pologne. C'est là qu'il va être accusé à tort, deux fois. Désespérant de faire valoir ses droits, il se lance dans une grève de la faim. J'ai retrouvé un peu de l'ambiance de l'excellent Présumé coupable. (Certains ont vu une parenté avec Hunger.)

   Ce film est aussi l'occasion de tracer un portrait sans complaisance de deux anciennes "démocraties populaires", à l'heure post-communiste. C'est particulièrement accablant pour les services publics : police, justice, hôpitaux, ambassade...

   Ah, oui, j'oubliais : l'histoire nous est contée à deux voix. La plupart du temps, on entend celle du narrateur, le héros (du moins l'acteur qui l'incarne). Le ton est rocailleux (à la slave), mélancolique. C'est de manière presque neutre que sont racontés des drames. L'autre voix est féminine ; elle donne un peu de perspective à l'histoire de Crulic.

   De prime abord, l'animation peut paraître rudimentaire, voire bâclée : cela ressemble à de la gouache. Mais l'auteure a mélangé les styles et les plans. Elle a inséré des photographies (surtout dans la première partie) et des effets numériques élaborés (comme cette soeur qui pleure, résumée à un oeil sur jupe qui finit par disparaître, sous l'effet de la douleur).

   La dernière séquence est un montage d'extraits de journaux télévisés traitant de l'affaire. On replonge dans le réel mais, finalement, c'est la fiction animée qui m'a paru la plus cruelle.

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vendredi, 21 décembre 2012

Le Hobbit : un voyage inattendu

   On prend (presque) les mêmes et l'on recommence ! Peter Jackson remet le couvert pour ce qui semble être le premier épisode d'une nouvelle trilogie, dont l'action est antérieure à celle du Seigneur des anneaux. On retrouve donc Bilbon, Frodon (brièvement), Gandalf et certains elfes. Les véritables héros sont une troupe de nains (plus grands que les hobbits mais plus petits que les humains et les elfes) : je vous garantis qu'on a soigné les trognes !

   Mais 2h45, c'est long... d'autant plus que l'histoire peine à démarrer. (Il paraît qu'il existe une version longue d'environ 3h30...) C'est qu'il faut concilier plusieurs types de public : les fans des romans, qui connaissent déjà l'histoire, ceux qui, comme moi, n'ont pas lu les livres mais apprécié la première trilogie et le nouveau public, qui n'a peut-être même pas vu ces films à la télévision ou en DVD.

   Cela commence sur le registre comique. L'interprète de Bilbon jeune, Martin Freeman (remarqué dans le rôle du docteur Watson dans la mini-série Sherlock), adopte avec une aisance déconcertante la posture de la victime consentante, bonne pâte qui se fait manger la laine sur le dos... la laine, et le reste, puisqu'il doit accueillir une belle bande de pique-assiettes ! Merci, Gandalf ! Dit comme cela, cela donne l'impression que la séquence est hilarante, mais, franchement, c'est très convenu.

   L'intrigue suit le même schéma que celle de la précédente trilogie. Ce premier volet pourrait être appelé "La Communauté des nains". La petite troupe se constitue, se chamaille, se bagarre et marche dans la campagne néo-zélandaise, à l'image de ce que l'on a vu naguère.

   Visuellement, c'est réussi, mais je ne vois pas ce que la 3D apporte. De plus, par moments, l'image m'est apparue surchargée d'éléments. On ne distingue pas tout nettement, d'autant plus que les scènes d'action sont menées tambour-battant. On est à la limite du jeu vidéo (ce n'est pas un compliment).

   Sur le fond, on sent que Tolkien avait puisé dans l'Ancien Testament. Ce peuple autrefois puissant, avide de richesses, qui a été vaincu et qui est désormais condamné à l'errance n'est pas sans rappeler les Hébreux. (Les références sont plus nauséabondes dans la trilogie déjà adaptée au cinéma.)

   L'histoire est malgré tout prenante. J'ai aimé la présentation de la puissance puis du déclin du royaume des nains. J'ai surtout apprécié de retrouver Gollum, que Bilbon rencontre et auquel il va dérober son "précieux". Les scènes confrontant les deux hommes font partie des meilleures du film. Petit plaisir perso : l'introduction (parcimonieuse, hélas) de Cate Blanchett, sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise.

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jeudi, 20 décembre 2012

L'Odyssée de Pi

   Ce nouvel Ulysse est un adolescent indien, dont le prénom a été choisi en référence à la piscine Molitor, à Paris. La première demi-heure est longuette, pas super bien jouée (ni doublée). Elle nous permet néanmoins de découvrir comment le garçon de l'ancien comptoir français de Pondichéry (où l'on enseigne encore la langue de Molière) a réussi à faire triompher le diminutif mathématique (Pi) sur les quolibets du genre "Pisseux".

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   Marquante est l'une des premières séquences à le mettre en contact avec le tigre. C'est l'occasion pour le père de donner une "leçon de vie" à ses fils. C'est aussi l'occasion pour le spectateur un brin attentif de se rendre compte que la réalisation manque parfois de rigueur : il est évident que le tigre n'a pas pu faire passer entre les barreaux le cadavre de sa proie, qu'il n'a pas encore dépecé.

   On retrouve cette négligence dans la séquence du naufrage. Il est vrai que, depuis le Titanic de James Cameron, la barre a été mise haut. Mais on se fout un peu de nous quand on laisse de côté la grande majorité des occupants du navire qui sombre et quand on évite de donner la cause de la catastrophe, quitte à ce que des enquêteurs japonais tentent de la découvrir plus tard. (C'est un procédé scénaristique - le lampshade hanging - récemment décrit dans une petite vidéo bien fichue mise en ligne sur le site du Monde.)

   La séquence nous met en contact avec un drôle de cuistot, sorte de beauf raciste incarné avec conviction par Gérard Depardieu. Dans la scène du repas, j'ai eu l'impression qu'il ne s'adressait pas au père du héros, mais à Jean-Marc Ayrault. Et pourtant, le cargo n'était pas en partance pour la Belgique...

   Arrive donc le naufrage. Moyen. Parfois invraisemblable, comme ce moment durant lequel le garçon est en suspension sous l'eau, face au navire qui coule, les lumières encore allumées.

   A partir du moment où il se retrouve dans le canot, en compagnie du tigre, le film devient presque bon. La relation ambiguë qui se noue entre le félin arrogant (très joli matou numérique) et l'ado maladroit est fouillée, intéressante. (J'ai bien ri quand il a été question de la délimitation du territoire de chacun. Le tigre - ici sans doute une tigresse - lui joue un petit tour façon Zarafa...) Les péripéties s'enchaînent, notamment en raison de la présence d'autres animaux. On sent la volonté de glorifier la nature, à travers ces scènes montrant l'océan, vu du dessus ou par en-dessous, de jour ou de nuit. Cependant, cela sent trop le montage numérique. J'ai pourtant vu le film en 2D, mais c'était parfois vraiment artificiel. Dommage.

   Bien que totalement invraisemblable, la séquence sur l'île végétale, peuplée de suricates, m'a beaucoup plu. Elle est formellement magnifique et riche de sens, sur le fond.

   Il reste que l'ensemble donne l'impression d'être un collage mal assemblé. Si j'étais mauvaise langue, je dirais que des producteurs en panne d'inspiration ont voulu réaliser un coup en puisant dans différents films à succès (Seul au monde, Slumdog Millionaire, Madagascar, Deux Frères, entre autres). Le résultat n'est pas très convaincant. Le mélange des civilisations et des mondes est un peu trop appuyé.

   Il n'aurait pourtant pas fallu grand chose pour que ce soit un grand film. Une demi-heure avant la fin, le héros adulte, qui raconte l'histoire, reprend son récit et en donne une autre version. Du coup, on se demande si tout ce que l'on a vu depuis le naufrage n'était pas mensonge ou fantasme. Malheureusement, ce filon n'est que trop peu exploité.

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samedi, 15 décembre 2012

C'est où, Groland ?

   Les inconditionnels de l'émission satirique connaissent tous cette carte mythique, qui place la présipauté au milieu de nulle part, c'est-à-dire au centre du monde :

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   Les géographes pointilleux tiqueront, la France étant placée au nord-ouest, entre la Corée et le Japon !

   C'est une tout autre localisation que l'on nous a proposée, dans l'émission de samedi 15 décembre :

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   Voici ce que cela donne, avec un peu de recul :

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   Le Groland serait donc situé à la frontière de l'Allemagne et de la République tchèque. En voilà une info !

   Très vite, on retourne sur terre, avec un reportage engagé sur le désarroi de certaines travailleuses manuelles :

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   Les amateurs de créativité publicitaire seront servis, avec ce spot en faveur d'un parfum très masculin :

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   La fine équipe a aussi enquêté sur la stratégie politique de François Grollande. Elle semble avoir trouvé où il puise son inspiration :

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   Du côté de la présipauté, on ne cesse d'innover. On a ainsi créé des "babybox"... et des "papybox", pour gérer le flux sans cesse grandissant de personnes âgées. On y fait aussi le bilan du mariage homo, sous un angle très "grolandien" :

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   Ne croyez pas que l'émission néglige la culture pour autant. Francis Kuntz profite de son "moment littéraire" pour faire une promo d'enfer à un énième livre de cuisine :

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   Quand vient le tour de la musique, il est question d'un rappeur engagé, Boubou Bou :

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   Fin du monde oblige, l'émission nous met en contact avec une secte très spéciale :

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   Je vous laisse découvrir le reste, des incrustations en arrière-plan de l'animateur aux infos made in ailleurs... Banzaï !

vendredi, 14 décembre 2012

Le cheval blanc d'Henri IV

- Ville de Rodez, bonjour !

- Bonjour madame. Je suis bien à la mairie de Rodez ?

- Oui.

- Je suis de passage à Rodez et je cherche la réponse à une question : quelle était la couleur du cheval blanc d'Henri IV ?

- Euh... Vous pouvez patienter s'il-vous-plaît ?

- Oui ! ?

...

- Allo ?

- Oui, je vous passe le service qui s'en occupe !

 

   Cette scène surréaliste est bien entendu inspirée de ce que l'on a pu entendre sur Europe 1, mercredi, dans l'émission de Laurent Ruquier "On va s'gêner". (Au passage, précisons que le "Vert Galant", avant de devenir roi de France, fut comte de Rodez, grâce à sa mère, Jeanne d'Albret, qui était la fille de Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier.)

   Je n'ai pas entendu l'émission au moment de sa diffusion. Les âmes charitables n'ont pas manqué pour signaler à mon attention cette pépite, condensée en un quart d'heure dans la version diffusée sur Youtube.

   Une fois que l'on a bien ri, on peut faire quelques remarques. D'abord, parmi les fonctionnaires de la mairie de Rodez, les femmes semblent nombreuses. Ensuite, aucune de ces personnes (pas plus que les employés de l'évêché) n'a su ou voulu tenter une réponse. Pourtant, nombre d'entre elles doivent passer quotidiennement devant la cathédrale ! (C'est encore plus vrai pour les employés de l'évêché, qui n'ont que la rue Frayssinous à traverser...)

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   On peut regretter la timidité des employés (sans doute soucieux de ne pas se couvrir de ridicule... c'est raté), mais leur attitude est peut-être le reflet d'une sorte de conditionnement. Le travail au standard est formaté : il faut ventiler les coups de fil vers les personnes compétentes et écarter les gêneurs. L'employée a agi de même avec Laurent Ruquier. Elle n'a sans doute pas pensé, de prime abord, qu'elle pourrait répondre à sa question : ce n'est pas son boulot. Ceci dit, au standard de la mairie de Rodez, elle doit parfois en entendre de belles...

   Bref, toutes ces personnes se sont refilé la patate chaude. Voilà l'animateur d'Europe 1 baladé de service en service, à l'image des héros de Goscinny et Uderzo, dans une séquence restée célèbre des Douze Travaux d'Astérix. On pourrait aussi penser au sketch de Pierre Palmade, La Moto.

   A Paris, on a fini par comprendre que les Ruthénois (pas les Rodéziens, hein !) ne sont même pas d'accord entre eux sur la couleur de la cathédrale. Comment est-ce possible ? La photographie d'une partie de l'auguste bâtiment va nous être utile :

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   Nous sommes au pied de la façade Ouest, qui donne sur la place d'Armes. La prise de vue date d'octobre dernier, le jour où j'avais pris en photo certains éléments de la tour Sud, notamment. Vous aurez remarqué la diversité des teintes. N'oublions pas que l'édifice, dans sa forme actuelle, résulte d'une série de travaux s'étalant sur deux siècles et demi (de la fin du XIIIe au début du XVIe). Si vous ajoutez à cela les restaurations successives, il n'est pas étonnant de rencontrer une telle variété.

   A la base, comme le précise l'office du tourisme (qu'aurait pu penser à contacter Laurent Ruquier), c'est en grès rose que la cathédrale a été construite. Avec le temps, certaines pierres (surtout pas des briques !)  ont noirci. En fonction de l'ensoleillement, certaines parties peuvent passer pour rouges ou ocres.

   Cela, les chroniqueurs de l'émission "On va s'gêner" auraient pu le trouver sans problème, à l'heure des smartphones et tablettes reliées à Internet. C'est à se demander si la démarche téléphonique est aussi spontanée qu'elle en a eu l'air. L'émission étant enregistrée, pendant ce qui est présenté comme la pause publicitaire, la moindre recherche sur la Toile aurait mené la fine équipe (ou plutôt leurs assistants dévoués) à la bonne réponse. (Il semble toutefois que les assistants ne soient pas d'une grande habileté : quand l'animateur leur a demandé, en désespoir de cause, de contacter un café local, ils ont choisi le torréfacteur Cafés Ruthéna !) On a peut-être pensé jouer un joli coup. Après tout, pourquoi ne pas tenter la démarche téléphonique. On ne sait jamais sur quoi cela va déboucher...

   Cela n'exonère pas pour autant les employés de leur responsabilité. Combien de Ruthénois (et d'Aveyronnais), passant à proximité de la cathédrale, ont le nez plongé sur l'écran de leur téléphone portable ? Quelle part des habitants aurait pu répondre à la question simple posée par l'animateur ? Je suis persuadé que les réponses auraient par contre fusé si les mêmes personnes avaient été interrogées sur le gagnant de telle ou telle émission de télé-réalité... Triste époque !

mercredi, 12 décembre 2012

Musée Soulages : l'avenir s'assombrit

   On s'y attendait un peu. Néanmoins, l'annonce, par Jean-Claude Luche, de la division par deux de la subvention du Conseil général de l'Aveyron pour la construction des gigantesques boîtes à chaussures du Foirail a provoqué un mini-séisme politique.

   Pour commencer, notons le léger décalage dans la manière dont deux des quotidiens locaux ont présenté la chose. La Dépêche du Midi, sans reprendre entièrement les propos de Christian Teyssèdre (le maire de Rodez, pas content du tout), choisit un titre plutôt défavorable à Jean-Claude Luche :

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   La photographie est prise en contre-plongée. Le président du Conseil général y paraît puissant (même si cela ne correspond pas tout à fait au titre), presque hautain. On a l'impression qu'il pourrait quand même allonger la thune, mais que, rien pour faire iech le maire de Rodez, il décide de fermer (partiellement) le robinet à subventions.

   Midi Libre attribue son revirement au contexte économique et minimise les conséquences :

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   La photographie présente l'élu en position d'explication. Il est pris quasiment de face, presque en train de s'excuser de devoir baisser le niveau de la subvention. L'article du quotidien montpelliérain passe d'ailleurs plus de temps à détailler les choix budgétaires de J-C Luche qu'à traiter du financement du musée Soulages. Précisons que Luluche a eu l'habileté de reporter une partie des crédits sur des projets soutenus par des mairies de gauche (Onet-le-Château et Millau). Quel métier !

   Ceci dit, sur le fond, je ne peux pas lui jeter la pierre. La situation financière du département n'est pas brillante (même s'il y a bien pire) et, franchement, il a mieux à faire que de financer ce gagdet pour cultureux.

   C'est le moment que choisit le contribuable ruthénois pour se réveiller en moi. Il sent -ce contribuable- que c'est vers lui que l'on risque de se tourner pour boucler le financement du musée. Déjà qu'on ne lui dit pas qui va payer la différence entre l'estimation que des médias continuent à véhiculer (environ 21,5 millions d'euros dont 9,5 pour le Grand Rodez) et celle que le journal publié par la mairie de Rodez a fini par donner en décembre dernier (28 millions d'euros dont 50 % issus des subventions, soit 14 millions pour la Communauté d'agglomération).

   Si le Conseil général divise par deux le montant de sa participation au projet, c'est bien plus de deux millions d'euros qui risquent retomber sur les reins du Grand Rodez : n'oublions pas la part des taxes ! De surcroît, compte tenu du retard pris par les travaux et de la volonté du peintre de reporter l'inauguration de plusieurs mois (le "maître" de l'outrenoir ne voulant pas d'une cérémonie en novembre 2013, en pleine saison "sombre"... un comble !), qui sait quelle somme pourrait encore s'ajouter au total déjà faramineux. On va bien finir par atteindre les 30 millions d'euros que certains commentateurs évoquent déjà depuis des mois.

   Faites les comptes : au lieu d'un montant (faussement) annoncé de 9,5 millions d'euros, c'est 16 ou 18 millions que le Grand Rodez (et donc les contribuables locaux) va devoir sortir du porte-monnaie ! (Déjà en 2010, La Dépêche du Midi précisait que le dépassement de budget devrait être réglé par la Communauté d'agglomération...) On se prend à rêver que l'ex-sénatrice de l'Aveyron Anne-Marie Escoffier, aujourd'hui ministre dans le gouvernement Ayrault, décide de prendre en mains ce dossier pour le défendre devant sa collègue de la Culture, histoire que la contribution de l'Etat puisse passer de 4 à 8 ou 10 millions d'euros...

dimanche, 09 décembre 2012

La folie du gaz de schiste

   C'est le titre d'un petit dossier publié dans le numéro de Courrier international de cette semaine :

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   Je profite de l'occasion pour dire tout le bien que je pense de ce journal. Il a le grand mérite de rendre accessibles au public francophone des articles souvent passionnants issus de la presse étrangère. Il a aussi l'intelligence d'être vraiment bi-média : seule une partie des articles de la version papier est accessible sur le site internet, où l'on peut découvrir des contenus enrichis.

   Cela commence par une "accroche" qui replace la question dans un contexte international, même si les Français en entendent désormais régulièrement parler, comme on va le voir plus loin.

   Le premier véritable article, "Alerte rouge pour Gazprom", est extrait d'un magazine économique russe. Le géant du gaz naturel voit sa puissance remise en cause par l'essor des gaz non conventionnels (plus coûteux à exploiter en Russie). Il est bien entendu question de la dépendance réciproque qui lie l'entreprise à l'Europe, alors que la construction du gigantesque réseau de gazoducs South Stream vient d'être lancée.

   La perspective semble aussi se brouiller avec l'Asie, notamment la Chine ("Vu de Chine") qui, jusqu'à présent, trouve trop chers les hydrocarbures russes... et qui possèderait d'immenses réserves de gaz de schiste:

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   Une difficulté basique se présente aux autorités de Pékin : les plus grandes réserves sont situées dans des zones arides. Quand on connaît l'importance de l'eau dans le processus d'extraction, on se dit que ce n'est pas demain que la Chine cessera d'importer du gaz...

   En complément, sur le site internet de l'hebdomadaire, on peut lire un papier qui traite des revirements des autorités bulgares, qui tantôt semblent vouloir favoriser les investissements étrangers (occidentaux) dans l'exploration des gaz de schiste, tantôt semblent se découvrir une conscience écologique très prononcée... peut-être sous l'influence de Gazprom.

   "Vu de Varsovie", c'est l'indépendance énergétique qui semble l'emporter sur tout autre considération. Rappelons que l'ancienne démocratie populaire, bien que devenue indépendante de l'ancien "grand frère" russe, lui achète encore 70 % du gaz qu'elle consomme. De leur côté, la République tchèque et la Roumanie se montrent plus prudentes vis-à-vis du gaz de schiste, sans que l'on sache vraiment si l'on doit cette attitude au désir de préserver l'environnement ou à l'influence de Gazprom... c'est-à-dire du gouvernement russe.

   Aux Etats-Unis, c'est l'optimisme qui semble l'emporter : "Le grand retour de l'industrie aux Etats-Unis". La baisse du prix de l'énergie provoquée par l'exploitation massive du gaz de schiste semble favoriser la relocalisation d'entreprises. Nombre d'experts pensent que Washington est en passe de recouvrer son indépendance énergétique. Voilà qui pourrait bouleverser la géopolitique du Moyen-Orient : Oncle Sam ne se sentirait plus obligé d'y jouer le rôle de gendarme... ce qui contraindrait la Chine à s'y investir davantage.

   Qu'en pensent les autres pays en développement ? Au Mexique, on s'inquiète des conséquences environnementales. Au Maghreb, d'après la petite revue de presse publiée par l'hebdomadaire, le débat fait rage. L'Algérie s'inquiète de l'épuisement de ses ressources conventionnelles et, en Tunisie, s'il est indéniable que le pays aurait besoin de développer le potentiel national, la corruption semble à l'oeuvre...

   L'Indonésie vit une situation paradoxale. L'exploitation incontrôlée du charbon a fait la fortune d'une mince "élite"... et permis au pays de récupérer des devises, grâce aux exportations. Mais les principaux clients sont la Chine et l'Inde, dont les achats pourraient chuter s'ils développent l'extraction de gaz de schiste. Dans un cas comme dans l'autre, il ne semble pas y avoir de "bonne" solution environnementale.

   Cela nous ramène au débat français, alimenté aussi bien par des "experts" que par des vétérans de la politique qui ne se résolvent pas à ne plus jouer de rôle. L'été dernier, Le Monde comme La France agricole se sont fait l'écho des arguments échangés. Récemment, on a beaucoup parlé des déclarations de Michel Rocard au "quotidien de référence". La semaine passée, Midi Libre s'est penché sur la question. Comme le journal a donné la parole à des scientifiques partisans de l'exploitation, il s'est attiré l'ire de certains lecteurs.

   En complément des articles, le quotidien de Montpellier a publié une carte commentée des permis d'exploration :

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   L'Aveyron a été progressivement "libéré" de la menace. (Les curieux peuvent d'ailleurs se rendre sur le site du ministère du développement durable pour observer l'évolution de la carte des titres miniers d'hydrocarbures.) L'an dernier, trois permis, dont celui de Nant (qui englobait le Larzac) ont été annulés, sans doute grâce à la mobilisation locale (et à la proximité d'élections nationales). Il en restait 61... et l'ouest de l'Aveyron était concerné par celui de Cahors. Il fait partie des sept qui ont été rejetés en septembre dernier :

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   A suivre...

vendredi, 07 décembre 2012

J-C Luche et les conseillers départementaux

   Le ministre de l'Intérieur du gouvernement Ayrault, Manuel Valls, a présenté fin novembre un projet de loi relatif aux collectivités territoriales. Il y est question des départements. Hélas, il n'est pas prévu de diminuer le nombre de conseillers généraux. Ils sont 46 dans l'Aveyron et verraient leur nom changer : on les appellerait désormais "conseillers départementaux", ce qui n'est pas idiot, soit dit en passant.

   Concernant leur mode d'élection, le projet a l'habileté de concilier le mode de scrutin majoritaire (à deux tours) avec l'exigence d'une plus grande parité. Ainsi, dans l'Aveyron, les nouveaux conseillers départementaux seraient élus par "couple" (un homme et une femme), dans 23 circonscriptions. (Rappelons qu'à l'heure actuelle, les femmes ne représentent qu'environ 14 % des conseillers généraux français.) A première vue, l'idée semble devoir séduire à la fois les partisans d'un relatif statu quo (farouchement opposés à la réforme sarkozyenne qui voulaient créer des conseillers territoriaux) et ceux qui ne se satisfaisaient plus de l'ancienne situation, jugée pas adaptée à la France du XXIe siècle.

   On est donc à moitié surpris de l'opposition exprimée par le président du Conseil général de l'Aveyron, Jean-Claude Luche, par exemple dans le communiqué publié dans Le Villefranchois de cette semaine :

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   (Au passage, je recommande la lecture de ce numéro, riche en informations. On y  trouve notamment une réponse de Martin Malvy aux interrogations des Aveyronnais concernant l'absence d'élu de notre département au sein du nouvel exécutif régional.)

   Le diable va se nicher dans les détails. Deux aspects de la réforme font tiquer Jean-Claude Luche : le renforcement de la parité et le redécoupage cantonal... peut-être pour d'inavouables raisons. En effet, à l'heure actuelle, sauf erreur de ma part, le Conseil général compte 10 femmes pour 36 hommes, soit environ 22 %. La réforme proposée par le gouvernement conduirait donc au moins 13 de ces élus à abandonner leur siège en 2015. Adieu veaux, vaches, cochons ! Adieu belle indemnité et copieux gueuletons ! Comme les conseillers de sexe masculin sont un peu plus nombreux du côté de la majorité départementale que de l'opposition (21 contre 15, si je ne m'abuse), on imagine sans peine quel camp risque de se déchirer quand il va s'agir de former les "tickets" pour 2015. (De surcroît, à gauche, certains vétérans de sexe masculin sont susceptibles de ne pas se représenter, ce qui faciliterait la tâche des socialistes et de leurs alliés.)

   Mais c'est peut-être le redécoupage cantonal qui risque de mettre le feu aux poudres de la majorité départementale. On pense qu'il va s'effectuer sur une base démographique : des cantons peu peuplés pourraient être fusionnés. Il faut dire qu'ils sont très inégalement peuplés, de 894 habitants (pour Saint-Chély-d'Aubrac) à 23 678 pour Rodez-Ouest, d'après l'INSEE. Je veux bien qu'il faille assurer la représentation des territoires, mais un tel écart (de 1 à 26) est excessif !

   Quant à l'argument de la proximité, il fait sourire. Le découpage cantonal est pour l'essentiel un héritage de la première moitié du XIXe siècle, époque à laquelle l'automobile n'existait pas. La possession quasi généralisée d'un véhicule, couplée aux moyens de communication modernes (téléphone et internet), rend possible la création de territoires de proximité un peu plus vastes qu'il y a 150-200 ans.

   Je ne sais pas encore comment le gouvernement compte procéder, mais il y a fort à parier qu'en Aveyron, les cantons moins peuplés que la moyenne (6 000 habitants) soient regroupés. Or, que constate-t-on lorsque l'on s'intéresse à l'orientation politique des élus desdits cantons ? Ceci :

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   J'ai retouché la carte publiée en première page de Centre Presse le lundi 28 mars 2011. Le quotidien aveyronnais avait attribué une couleur à chaque canton en fonction de l'orientation politique de son élu : rose pour la gauche, bleue pour la droite. J'ai ajouté des points blancs sur le territoire des cantons peuplés de moins de 6 000 habitants.

   L'impression visuelle est nette : ce sont majoritairement des cantons "bleus" (tenus par la droite) qui sont peu peuplés et qui risquent donc d'être fusionnés avec l'un de leurs voisins (21, contre 8 à la gauche). J'ajoute que, parmi les cantons les plus proches de la barre des 6 000, on trouve ceux détenus par la gauche (Cassagnes-Bégonhès, Naucelle, Réquista et Rignac). Il y a donc fort à parier que, si le gouvernement choisit de placer la barre un peu plus bas, la quasi-totalité des cantons aveyronnais susceptibles de fusionner pourraient être ceux détenus par des proches de Jean-Claude Luche (lui-même inclus). Voilà sans doute la véritable raison du rejet de la réforme qu'il a exprimé.

dimanche, 02 décembre 2012

Les Lignes de Wellington

   La compagne et collaboratrice de feu Raoul Ruiz (elle a procédé au montage des Mystères de Lisbonne) a repris son dernier projet de film. Cela donne une ambitieuse coproduction franco-portugaise, dont l'intrigue se situe pendant l'invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes, déjà présentes à l'époque en Espagne.

   Le fil rouge de l'histoire est la migration des civils portugais, qui fuient l'avancée des troupes françaises et les destructions opérées par les armées portugaises et britanniques, qui ont choisi de pratiquer la politique de terre brûlée, pour affaiblir l'envahisseur. L'objectif est de l'attirer au pied de fortifications réputées imprenables, construites dans le plus grand secret, au sud du pays, à l'initiative du général Wellington.

   On suit donc ces improbables colonnes de fuyards, mêlant aristocrates, bourgeois et gens du peuple, Portugais et Britanniques. Il y a ce mari épris de culture, qui recherche son épouse disparue. Il y a cette veuve anglaise, à laquelle un sous-officier portugais va s'attacher. Il y a les hommes de troupe (les personnages les mieux campés, à mon avis), qui entrent parfois en relation avec les infirmières (l'une d'entre elles interprétée -avec talent- par Elsa Zylberstein). Il y a cette jeune Anglaise volage. On n'a pas oublié les prostituées, ni les marchands. Certains saynètes sont croquignolesques, mais, globalement, l'accumulation lasse.

   Du coup, de temps à autre, on se réjouit de suivre un peu les Français. Hélas ! Ils sont systématiquement présentés sous un jour négatif. Et quand on se retrouve face à un trio d'acteurs bien de chez nous (Isabelle Huppert, Catherine Deneuve et Michel Piccoli), on apprend qu'ils incarnent des Suisses !

   Cete séquence est d'ailleurs à l'image du film : riche en promesses, s'appuyant sur une distribution prestigieuse, mal employée, et au final décevante. Le film pêche par la faiblesse de la direction d'acteurs. On a l'impression que la réalisatrice n'a pas osé se montrer trop directive avec ses comédiens... Le "métier" ne fait pas tout ! Et puis il y a ces scènes qui sont jouées comme du vieux théâtre filmé...

   Bref, en dépit de la présence de plusieurs moments savoureux, c'est dans l'ensemble assez maladroit et ennuyeux.

samedi, 01 décembre 2012

Les élus grands-ruthénois attendent le Père Noël

   La nouvelle a fait la "une" de la presse locale, sans que l'artiste se soit exprimé de vive voix : il effectuerait une deuxième donation d'oeuvres au (futur) musée ruthénois. Exclu sensationnelle ? Non. L'information circule depuis juin dernier, y compris sur des sites nationaux comme celui de France Télévisions.

   Cet empressement à annoncer le "cadeau de Noël" de l'artiste m'a inspiré un détournement d'une célèbre chanson :

 

C'est la belle nuit de Noël

L'outrenoir étend sa cape sombre

Et les yeux levés vers le ciel

A genoux, les petits zélus

Avant de recompter la caisse

Espèrent une dernière largesse.

 

Petit Papa Soulages

Quand tu descendras de Sète

Avec tes tableaux par milliers

N'oublie pas les Aveyronnais.


Mais pour te déplacer

Dans ton si joli musée

Il faudra bien t'éclairer

Dedans il fera si noir

C'est un peu à cause de toi.

 

Les zélus attendent que le jour se lève

Pour voir si tu leur as apporté

Tous les gribouillis qu'ils voient en rêve

Et qu'ils voudraient exposer.

 

Petit Papa Soulages

Quand tu descendras de Sète

Avec tes tableaux par milliers

N'oublie pas les Aveyronnais.


Le marchand de rêve est passé

Les zélus sont émerveillés

Et tu vas pouvoir commencer

Avec ta palette enchantée

Sous la caresse de la bise

Tes barbouillages surprises.

Et quand tu quitteras le mont Saint-Clair

Pour revenir en Aveyron

Pense à fouetter les zélus visionnaires

Qui dépensent notre pognon.

 

Petit Papa Soulages

Quand tu descendras de Sète

Avec tes tableaux par milliers

N'oublie pas les Aveyronnais.


Petit Papa Soulaaaaages !

dimanche, 25 novembre 2012

Royal Affair

   Le titre aurait pu être traduit par "Liaison royale", mais cela aurait sans doute trop souvent évoqué le film d'Adrian Lyne (avec Michael Douglas et Glenn Close), pour le public francophone. L'intrigue s'inspire de l'histoire, méconnue, du médecin roturier allemand Struensee, qui devint le favori du roi du Danemark Christian VII (au XVIIIe siècle)... et l'amant de la reine Caroline. Le médecin n'était pas qu'un jouisseur : il tenta de moderniser le royaume.

   Ce film réussit l'exploit de tout aborder sans jamais paraître pesant. On a donc droit à une belle reconstitution historique, les messieurs bien cintrés dans leurs costumes et les dames à la poitrine impeccablement mise en valeur par leurs robes. On nous fait toucher du doigt les grandes inégalités sociales dont souffre le royaume. On sent le poids du puritanisme protestant.

   Les spectateurs français découvriront peut-être l'aura dont jouissaient les philosophes des Lumières jusqu'en Europe du Nord... chez les esprits éclairés. C'est un livre de Jean-Jacques Rousseau qui va enclencher la liaison entre la reine et le médecin... et celui-ci, devenu régent du royaume, recevra une lettre de Voltaire, ravi de la nouvelle politique suivie par le gouvernement.

   Mais c'est d'abord une histoire d'amour. La jeune Anglaise, encore adolescente, cultivée, croit que son royal époux sera le prince charmant qu'elle attend depuis toujours. Très dur est le retour sur terre, avec un époux à moitié dingue, jaloux de l'envergure intellectuelle de sa nouvelle jeune femme (qu'il va finir par appeler "maman" !), qui doit se soumettre aux aspects les moins reluisants de l'étiquette royale. Une fois la transmission de la couronne assurée, le souverain va d'ailleurs rapidement retourner dans les bras des prostituées (un monde dont le film trace hélas un portrait quasi enchanteur...).

   Le deuxième choc dans la vie de Caroline d'Angleterre est la rencontre de Struensee, qui la fascine de plus en plus. De son côté, le libertin contestataire, auteur de pamphlets contre la monarchie absolue et les privilèges, opposé au mariage, se rend compte qu'un sentiment inconnu est en train de naître en lui.

   Les acteurs sont excellents. La jeune Alicia Vikander est à la fois délicieuse et touchante en femme amoureuse et attachée au progrès. Mads Mikkelsen, que j'avais découvert dans Les Bouchers verts, a fait du chemin depuis. Il faut aussi signaler la performance de Mikkel Boe Folsgaard, dans le rôle du roi fantoche. Les autres acteurs sont tout aussi épatants.

   On regrettera toutefois que le réalisateur ne se concentre que sur les "élites" (et leur rivalité), le peuple étant montré comme une masse informe, manipulable, dont on sent néanmoins la réprobation à travers le silence qui accueille une exécution.

22:21 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 24 novembre 2012

Beautiful Valley

   Ce film israélien (connu aussi sous le titre Le Jardin d'Hanna) fait se percuter deux mondes : celui dans lequel ont grandi des personnes âgées, des pionniers de l'Etat juif, et celui dans lequel la population vit aujourd'hui, furieusement néo-libéral, consumériste et hyperindividualiste.

   On l'a peut-être oublié, mais parmi les fondateurs de l'Etat d'Israël, nombre de personnes avaient des convictions marxistes. Les kibboutzim ont été la traduction agricole de l'utopie sioniste de gauche. On en perçoit seulement l'écho dans le restaurant communautaire et les témoignages filmés que visionne l'héroïne, Hanna.

   Celle-ci, très âgée (80 ans environ), est veuve. Elle vit seule, même si sa fille habite le même kibboutz, qu'elle dirige d'ailleurs. Bien qu'à la retraite, Hanna ne peut s'empêcher de travailler. Comme on essaie de l'en dissuader, c'est de nuit qu'elle retourne sur l'exploitation agricole. Elle persiste aussi à s'investir dans les oeuvres collectives, qui n'intéressent plus grand monde. Du coup, sa vie tourne en rond ; elle ne fréquente pratiquement plus que d'autres vieillards. Seule une jeune femme, en passe d'effectuer son (rude) service militaire, semble trouver grâce aux yeux d'Hanna. La patriarche lui offre l'expérience, la douceur et le réconfort que la société moderne ne lui apporte pas.

   Attention toutefois avant de vous décider à aller voir ce film. Si les paysages sont magnifiques, c'est souvent montré en plan fixe et le rythme est à l'image du déplacement de la majorité des personnages : très lent. Si l'on supporte cela, on appréciera.

vendredi, 23 novembre 2012

Augustine

   Même si la (talentueuse) réalisatrice, Alice Winocour, cite plutôt Lynch et Cronenberg comme références, après avoir vu le film, il est évident que son œuvre est apparentée à L'Enfant sauvage (de Truffaut) et à Vénus noire (de Kechiche).

   Tirée de faits réels, l'histoire met en scène une lutte des classes (des femmes pauvres exploitées par la grande bourgeoisie française de la fin du XIXe siècle) et une lutte des sexes (des femmes malades traitées comme des objets par des médecins hommes).

   Il faut voir comment, dans la première partie du film, la servante est considérée par les participants au repas : c'est un être qu'on ne regarde (quasiment) pas, tant qu'il exerce ses fonctions. On est bien obligé de le regarder, de le considérer quand la crise d'hystérie se déclenche... mais l'on sent que les convives ont l'impression de se trouver au zoo.

   Les médecins de La Salpétrière sont un peu plus respectueux, mais Augustine est d'abord un sujet d'étude parmi tant d'autres. Dans le rôle titre, Stéphanie Sokolinski (alias Soko) est formidable. Les autres femmes (certaines de réelles malades de notre époque) sont aussi très bien campées. Face à elles se trouvent deux principaux médecins, incarnés avec talent par Olivier Rabourdin et Vincent Lindon (pourtant pas le premier choix pour le rôle de Jean-Martin Charcot).

   C'est ce dernier qui remarque Augustine. Se noue alors une drôle de relation, marquée par l'ambiguïté. Augustine considère Charcot comme son sauveur et transfère sur lui son énergie sexuelle inemployée. Charcot se montre plus humain que d'autres, mais reste globalement distant. Il veut se servir de cette patiente peu ordinaire pour faire progresser ses recherches... et sa carrière. Petit à petit, il se rend compte que les choses sont plus compliquées que prévu.

   Le film restitue les arcanes du monde médical et rend palpable la tension sexuelle refoulée. Soko est impressionnante lors des scènes de crise. La réalisatrice a su choisir les moments où le gros plan s'imposait (dans l'examen du corps) et ceux où il fallait élargir le regard. Certains mouvements de caméra (comme au début, lors de l'entrée d'Augustine en cuisine, peu avant la première crise) témoignent d'une habileté déjà grande. Voilà une réalisatrice à suivre.

19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 22 novembre 2012

Stars 80

   J'ai longtemps hésité avant d'aller voir ce film. Je m'étais dit que cela devait être une nouvelle comédie lourdingue à la française, jouant outrageusement sur le voyeurisme ("Regarde comme ils ont vieilli !" ou "Elle a raté son lifting, celle-là !"). Ou bien, cela risquait de se limiter à une suite de reprises de vieux tubes...

   ... Eh bien j'avais tort !

   C'est d'abord un vrai film, qui commence par une séquence très réussie, en prison, avec un générique plutôt malin. On se demande vraiment ce que viennent faire ces deux gueules cassées là-dedans. Ces deux quinquas blancs, mal rasés, grands cernes sous les yeux, sont accueillis par un gardien Black (joli retournement de cliché). On finit par s'apercevoir qu'ils sont là pour une tout autre raison... et on finit par comprendre qu'ils n'auraient même jamais dû venir !

   Le duo Anconina-Timsit fonctionne très bien. Le premier en fait peut-être un peu trop. Il est à l'image des chanteurs qu'il tente de faire remonter sur scène : c'est une sorte de has been, un ancien jeune, qui a connu son heure de gloire, mais dont le talent a brûlé comme une chandelle.

   La séquence chez le producteur, qui les éconduit ironiquement, est aussi un petit bijou. Vient donc le moment de constituer l'équipe qui va tourner dans toute la France. Il faut retrouver les anciennes vedettes. Certaines ont totalement disparu de la circulation. D'autres vivotent, sans plus. Quelques-unes ont gardé un peu de leur aura passée... mais rien qu'un peu. Ces chanteurs font souvent preuve d'auto-dérision. J'ai adoré la séquence "mafieuse", dans le club de Jean-Luc Lahaye (en excellente forme physique, pour le plus grand bonheur de ces dames).

   Le tournant du film est le repas qui suit le premier concert, raté. Loin du strass et des paillettes, la chanson populaire française revit autour d'une table où des amitiés se nouent. C'est touchant et on prend plaisir à réentendre certains refrains.

   La suite est une sorte de success story. Dans le groupe de départ, on trouve Jean-Pierre Mader, qui assure, avec simplicité, le groupe Images et les Début de Soirée, que le duo de producteurs est allé chercher au fin fond d'un sordide kébab. Mais voilà que les deux producteurs se fâchent, alors que le triomphe est à portée de mains.

   Pendant ce temps-là, les artistes redécouvrent la grande vie. Le public afflue. Les salles sont plus grandes, les hôtels plus luxueux... et les cachets plus élevés. Une nuit, la libido de ces quinquas et sexagénaires se réveille. Et voilà le chanteur de Cookie Dingler qui nous la joue Kim Basinger (dans 9 semaines et demi)... un moment d'anthologie. Dans le même temps, Peter et Sloane, que la vie avait séparés, se rabibochent. Jean-Luc Lahaye, qui a fini par rejoindre le groupe, s'adonne à de drôles de jeux avec ses groupies... Mais la question qui taraude les insomniaques pas occupés à copuler est la suivante : qui peut faire jouir aussi bruyamment la pulpeuse Sabrina (toujours aussi bien gaulée, mamma miaaa !) ?

   L'apothéose se produit au Stade de France, avec le retour de Jeanne Mas, aussi fragile qu'auparavant... et d'un Gilbert Montagné débarqué des États-Unis, où Anconina et Timsit l'avaient retrouvé des mois auparavant, pianiste expressif dans un temple protestant, dans une séquence digne des Blues Brothers !

   Bref, c'est drôle, entraînant et fort agréable à suivre, en dépit d'effets un peu trop appuyés.

23:56 Publié dans Cinéma, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mercredi, 21 novembre 2012

Looper

   Ce polar de science-fiction louche sur Terminator et surtout L'Armée des douze singes (et donc aussi La Jetée, de Chris Marker). Le scénario en est clairement inspiré (parfois un peu trop). Bruce Willis fait le lien au niveau de la distribution et certaines scènes contiennent comme des clins d'oeil.

   Dans un futur proche, aux Etats-Unis (évidemment !), de jeunes tueurs à gages liquident les types qu'on leur envoie d'un futur encore plus éloigné (dans lequel il n'est plus possible de se débarrasser discrètement des gêneurs). Ils se paient en récupérant les lingots d'argent fixés au dos des victimes. Ils savent que leur contrat est terminé quand ils découvrent un max de lingots en or au dos de la dernière victime, leur alter ego du futur. Voilà qui boucle la boucle (loop). Ils peuvent profiter de la vie pendant 30 ans, sachant qu'on viendra un jour les chercher pour éliminer toute trace des exécutions.

   Comme Joe, le héros (du futur lointain), est incarné par Bruce Willis, on se dit qu'il ne risque pas de se faire zigouiller dans le premier quart d'heure... et l'on a raison ! Mais cela perturbe toute l'organisation, celle de 2044 et celle de 2074. L'espace-temps se tord, les souvenirs se modifient. On peut s'amuser à réfléchir aux changements qu'implique chaque acte nouveau de l'un des personnages principaux.

   On peut aussi se laisser aller à apprécier un bon film d'action, où les tueurs à gages manient le tromblon et les hommes de main du chef de gang des révolvers dotés d'un canon imposant... La réalisation est nerveuse, très au point au niveau des poursuites et des combats. Certaines scènes sont même impressionnantes, comme celle qui voit un échappé du futur subir les conséquences immédiates des tortures infligées à son alter ego plus jeune de 30 ans. D'un point de vue technique, c'est du niveau d'un bon Photoshop... mais c'est puissant cinématographiquement parlant !

   Les femmes jouent un rôle secondaire dans l'histoire... jusqu'à ce que le jeune Joe rencontre cette mère de famille, seule avec son fils (mais s'agit-il de son fils ?) au fin fond de la campagne. Emily Blunt (entrevue dans La Guerre selon Charlie Wilson) est épatante dans ce rôle ambigu de fausse femme forte et mère-courage, qui semble connaître beaucoup de choses pour une paysanne du Kansas... (Elle a un petit quelque chose d'Uma Thurman.) Notons aussi la performance du gamin, Pierce Gagnon, un acteur (en herbe) à suivre.

   Le rythme s'accélère à nouveau dans la dernière partie du film... et cela se termine par une boucle dans la boucle, une astuce scénaristique qui a perturbé beaucoup de monde. Si les élucubrations de fans plus ou moins inspirés vous intéressent, vous pouvez vous rendre sur un site spécialisé. (Cela part vraiment dans tous les sens !) De manière plus rationnelle, le réalisateur Rian Johnson a donné quelques clés pour mieux comprendre le film... A ne lire qu'après l'avoir vu !

   P.S.

  En France, certains critiques ont glosé au sujet d'un détail : dans la version originale, le héros apprend le français, alors que les "vieux" lui recommandent de se mettre au mandarin et de se rendre à Shanghaï, plutôt que dans la "vieille Europe". Dans la version doublée en français, le jeune Joe apprend... l'italien et envisage de se rendre à Florence (ville dont le nom a l'immense avantage de faire bouger les lèvres d'une manière assez proche de celles qui prononcent "France")...

18:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film

lundi, 19 novembre 2012

Une Famille respectable

  Un prof entre deux âges, parti jadis faire ses études à l'étranger, revient donner des cours dans une fac iranienne, celle de Chiraz, située assez loin de Téhéran :

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  On sent qu'il n'est pas un chaud partisan du régime des mollahs... mais il doit prendre des précautions. Son père, qui a jadis répudié sa mère pour se mettre en ménage avec une autre femme, dont il a eu un autre fils, cherche à le voir.

   Le héros évolue entre son demi-frère (avec lequel il était fâché), son neveu (si serviable, et dont la mère... est l'ancienne amoureuse du héros !), ses étudiants et sa mère. Celle-ci, recluse mais apaisée, ne veut plus entendre parler du passé, et surtout pas toucher le moindre argent du mari indélicat, même par héritage interposé. Et pourtant... une véritable fortune est en jeu. Du coup, dans ce régime hyper-moralisateur, l'art de la dissimulation est poussé à un haut degré.

   Des retours en arrière sont chargés de nous rappeler les contentieux du passé. Mais, comme le pays, les gens ont changé depuis. Le héros ne le comprend pas... et réalise trop tard qu'il est tombé dans un traquenard.

   Faites très attention à la séquence du début, tournée en partie en caméra subjective. Elle est située dans le troisième quart de l'histoire. La suite est en fait l'explication des circonstances qui ont abouti à un enlèvement.  On savoure la complexité de l'intrigue, digne d'un polar occidental.

   La réalisation est sobre. C'est au niveau du montage qu'un gros travail a été fait. On sent qu'il a fallu déployer beaucoup d'habileté pour contourner la censure iranienne. Le spectateur attentif y lira une critique acerbe du régime des mollahs, à travers notamment le cas des jeunes hommes envoyés à une mort certaine lors de la guerre contre l'Irak. On pourrait dire aussi beaucoup de choses de cette gamine ravissante devenue une mère complexée, obsédée par la pureté.

   Si vous avez aimé Une Séparation ou encore Les Chats persans (réalisés par d'autres talentueux cinéastes), vous pouvez vous laisser tenter par ce film au titre en forme d'antiphrase.

samedi, 17 novembre 2012

Le Jour des corneilles

   C'est un (superbe) dessin animé français, qui puise à la fois dans la tradition du conte à l'européenne et dans l'imaginaire de créateurs comme Hayao Miyazaki. L'animation est le résultat du travail d'une équipe franco-belbo-luxembourgo-canadienne.

   L'histoire commence un soir d'orage. Un géant porte un enfant, qu'il se dépêche de cacher dans la forêt. (Cela nous vaut une première scène virtuose, dans un terrier, avec le bébé qui tente de téter une sorte de grosse belette ou de femelle castor.) L'enfant est ensuite récupéré par le géant, qui va l'élever à la dure... lui interdisant de sortir de la forêt, sous peine de disparaître pour toujours.

   Mais... le gamin est curieux... et son père va avoir un accident. A partir de là, l'histoire s'emballe.

   Le titre n'est peut-être pas très bien choisi : les corneilles n'interviennent que dans la deuxième partie du film. Mais elles vont jouer un rôle dans la relation entre le garçon et Manon, la fille du médecin (à qui Claude Chabrol a prêté sa voix, peu de temps avant de mourir).

   Pour moi, ce sont les deux morceaux du film qui se déroulent dans la forêt qui sont les plus réussis. Un grand soin a été apporté au paysage végétal, ainsi qu'aux mouvements des personnages, notamment des animaux. Il y a donc le début, avec la vie autarcique du géant et du garçon. La scène de chasse est brillante. Moins clinquantes, mais magnifiques visuellement, sont les scènes qui voient le garçon dialoguer avec d'étranges personnages, à corps humain tête d'animal. Il rencontre un chat forestier, une biche, un crapaud... Le mystère ne sera expliqué que dans le dernier quart du film.

   Le passage par le village est l'occasion de stigmatiser la bêtise d'une partie des habitants. On en apprend un peu plus sur le passé du géant. C'est surtout le lieu de la rencontre entre le garçon et Manon. Tout ce petit monde va se retrouver dans la maison du médecin, l'hôpital n'étant pas adapté au séjour d'un géant récalcitrant !

   Le retour dans la forêt va donner la clé de l'énigme aux spectateurs qui n'auraient pas encore deviné. On aboutit à une séquence magnifique, dans un recoin secret, avec ce superbe personnage muet de la femme-biche. Mais l'orage approche. Une dernière transformation va faire rebondir l'histoire...

   P.S.

   Le site internet mérite vraiment le détour.

11:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema

vendredi, 16 novembre 2012

Ne pas vendre la peau de l'ours...

   ... avant que la promotion ne soit obtenue ! Telle pourrait être la maxime que pourraient suivre certains élus un peu trop flagorneurs. Souvenez-vous : il y a environ deux mois, dans l'hebdomadaire Le Ruthénois, l'un des adjoints au maire de Rodez félicitait par avance celui-ci pour sa promotion au rang de vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées.

   Hélas ! Trois fois hélas ! Le mois dernier, Le Nouvel Hebdo révélait (dans le numéro 250) qu'il n'en serait rien. Les trois vice-présidences dont les titulaires changeaient étant détenues par des femmes, parité oblige, il était évident que le maire de Rodez (à moins de subir une opération lourde) ne pouvait en briguer une.

  Ce jeu de chaises musicales résulte des élections législatives de juin 2012. Les trois femmes qui abandonnent leur vice-présidence ont toutes été (ré)élues députées : Monique Iborra et Carole Delga en Haute-Garonne, Marie-Lou Marcel dans l'Aveyron. Signalons que la première avait même carrément démissionné du Conseil régional, dès mars 2012, soit avant d'être réélue. Voilà une attitude qui ne manque pas de panache. Les deux autres ne sont pas allées jusque-là, continuant à cumuler mandats (et indemnités...) de députées et conseillères générales.

   Il a fallu attendre un petit moment pour que le nom des remplaçantes soit introduit sur la liste des vice-présidences (alors que Le Nouvel Hebdo les avait donnés dès octobre dernier). En cherchant bien, on pouvait trouver un communiqué laconique.

   Les nouvelles sont Janine Loïdi, Nadia Pellefigue et Viviane Artiglias. Sans surprise, on constate que les deux premières sont des élues de Haute-Garonne. Mais la troisième n'est pas aveyronnaise, elle vient des Hautes-Pyrénées. Il n'y a donc plus d'Aveyronnais titulaire d'une vice-présidence. Faut-il s'en attrister ? La fonction est surtout honorifique (et pourvoyeuse d'une indemnité un peu plus élevée).

   Mais pourquoi diable Martin Malvy n'a-t-il pas puisé dans la liste aveyronnaise pour remplacer Marie-Lou Marcel ? Peut-être parce qu'elle ne compte pas d'autre femme socialiste. (Les trois partantes sont membres du PS.) Nicole Fréchou est au Front de Gauche (de surcroît haut-garonnaise... et parachutée sur la liste aveyronnaise à l'issue d'une manoeuvre que j'avais dénoncée en son temps). Andréa Goumont est au PRG et Marie-Françoise Vabre est membre d'Europe-Ecologie. Il a donc fallu piocher ailleurs.

   Voilà qui a dû doucher les espoirs des socialistes aveyronnais, qui louchent sur la présidence du Conseil régional en 2015. Certains voyaient déjà Christian Teyssèdre succéder à Martin Malvy (à condition bien sûr que la gauche remporte ces élections). Déjà, en mars 2010, j'avais émis des doutes sur cette possibilité : la première vice-présidente, Nicole Belloubet, semble (pour l'instant) la mieux placée, même si rien n'est joué.

   Si l'on veut avoir confirmation de la faiblesse des chances du maire de Rodez, on peut se reporter à un récent papier publié dans Le Journal Toulousain, un hebdomadaire plutôt de droite qui tente de survivre dans un environnement de gauche.

   Le numéro du jeudi 25 octobre dernier avait une couverture accrocheuse :

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   L'article principal, sans écarter l'idée d'une nouvelle candidature de Martin Malvy (qui serait tout de même âgé de 79 ans...), présente ceux qu'il estime être les plus sérieux prétendants. Il s'agit de Nicole Belloubet, de Kader Arif (le ministre des Anciens combattants), de Jean Glavany (actuellement député des Hautes-Pyrénées), et de Philippe Martin (le président du Conseil général du Gers). Même si l'on peut trouver que la liste est très restrictive et qu'elle met l'accent sur des politiques déjà connus, il est intéressant de noter l'absence du maire de Rodez.

   Ceci dit, toutes ces candidatures putatives vont devoir s'accommoder d'une nouvelle loi sur le cumul des mandats (que l'on espère ambitieuse). Bien de l'eau va couler sous les ponts...

dimanche, 11 novembre 2012

Gros Groland

   Ceux qui ont pu craindre que l'arrivée de la gauche au pouvoir fasse perdre de son mordant à la fine équipe de branquigols doivent être rassurés. Comme celle de la semaine dernière, l'émission de samedi 10 novembre regorge de gouaille et de traits d'esprit.

   L'actualité a dicté le programme du début de l'émission, qui a vu le président de la Présipauté féliciter deux hommes politiques d'importance :

Obama Copé.jpg

   Le présentateur a embrayé sur le mariage homosexuel, auquel les Grolandais sont massivement favorables, parfois pour des raisons étonnantes...

Mariage homo 2.jpg

   Après un "communiqué niqueur du patronat grolandais", Jules-Edouard Moutic, en exclusivité mondiale, a révélé l'identité de l'homme qui donne leur nom aux cyclones :

Cyclones.jpg

   Ce sujet a conduit l'émission à s'intéresser à la baisse de fréquentation des cabinets de gynécologie, à laquelle le Groland a bien entendu trouvé une solution originale.

   Il a ensuite été question d'un autre homme politique au passé sulfureux, dont le président du Groland a décidé de s'inspirer pour traduire ses propos dans un nouveau langage des signes :

Longuet.jpg

   Après ce grand moment de politique citoyenne, on nous a offert un reportage édifiant sur une fausse banque... bien trop honnête pour être vraie ! De là, il n'a pas été difficile de rebondir sur la rubrique scientifique, consacrée aux OGM. De manière rigoureusement scientifique, il est démontré que consommer du maïs Grosanto procure d'incommensurables avantages :

Grosanto.jpg

   On sent que la fin du journal aborde des thématiques plus divertissantes. Au reportage sur une mère refusant que sa fille recoure à la chirurgie esthétique a succédé la finale d'une alléchante émission de télé-réalité :

Master Quek.jpg

   Ce fut alors le moment de la page musicale. Il a été question de la sortie du nouvel album d'une grande vedette de la chanson française :

Hallyday.jpg

   La fin approchait, mais le journaliste n'a pas oublié le clin d'oeil au nouveau nouveau nouveau sponsor de l'émission :

Sponsor.jpg

samedi, 10 novembre 2012

Feu le conseiller territorial

   Dans Le Nouvel Hebdo paru vendredi 9 novembre, une contribution de Bernard Dufay contient plusieurs approximations à propos de la réforme envisagée naguère par le gouvernement Fillon et passée à la trappe depuis le changement de majorité.

   L'auteur rebondit (de manière assez agressive) sur l'entretien (assez complaisant) accordé par la ministre Anne-Marie Escoffier au Ruthénois (peut-être aussi paru dans Le Progrès Saint-Affricain), il y a une quinzaine de jours. Il semble ne voir que des qualités dans cette réforme avortée, la première étant de faire diminuer le nombre d'élus.

   C'est vrai, mais il s'emmêle un peu les pinceaux dans les chiffres. Si l'on fait la somme des conseillers régionaux de Midi-Pyrénées et des conseillers généraux des huit départments de la région (Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn et Tarn-et-Garonne), on aboutit à 384 élus (91 + 22 + 46 + 53 + 31 + 31 + 34 + 46 + 30), dont 293 conseillers généraux. B. Dufay en a compté 379, dont 288 conseillers généraux. Même si l'on retranche du total les deux élus qui siègent dans les deux assemblées (deux Aveyronnais : Régis Cailhol et Jean-Claude Luche), on est à 382 personnes.

   De même, il commet une erreur en cette fois-ci surestimant le nombre de conseillers territoriaux attribués à Midi-Pyrénées : 261, contre 251, d'après la loi de juillet 2011. Il n'a fait que reprendre le nombre cité dans l'entretien... Il aurait dû vérifier !

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   Ceci dit, la rectification des chiffres va dans le sens de l'article de B. Dufay ; l'écart entre le nombre d'élus actuels et celui envisagé par la réforme Sarkozy est encore plus grand : 134 au lieu de 118. Mais cela ne permet pas d'affirmer que ladite réforme aurait fait faire des économies.

   Au niveau des indemnités, on pourrait penser que, comme le nombre d'élus aurait diminué, c'est sur ce poste-là que les dépenses auraient fortement baissé. En fait, non. Les conseillers territoriaux auraient été mieux indemnisés que les actuels conseillers régionaux et surtout généraux : leur indemnité aurait correspondu à celle d'un conseiller régional, augmentée de 20 %. Comme Midi-Pyrénées compte quelque 2 900 000 habitants, cette indemnité est d'environ 2 300 euros par mois. (Mais, dès que la région atteindra les 3 millions d'habitants -ce qui ne saurait tarder, l'indemnité dépassera 2 500 euros !). Si l'on ajoute 20 %, on obtient environ 2 760 euros par mois (3 200 si la région compte 3 millions d'habitants)...

   ... A comparer aux indemnités des conseillers généraux : environ 1 500 euros dans les départements comptant moins de 250 000 habitants (Ariège, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées ainsi que Tarn-et-Garonne). Si on laisse de côté présidences et vice-présidences, actuellement, les 32 conseillers régionaux et les 148 conseillers généraux issus de ces départements coûtent, en indemnités, environ 295 000 euros par mois. Avec la réforme Sarkozy, ces élus auraient été remplacés par 99 conseillers territoriaux, indemnisés en moyenne 2 760 euros, soit un coût total d'environ 273 000 euros. L'économie serait d'environ 20 000 euros par mois. Cependant, à partir du moment où la région atteindrait les 3 millions d'habitants, la réforme serait plus dépensière que l'ancien système puisqu'on aboutirait à des coûts respectifs (avant / après) de 308 000 et 317 000 euros, soit un surcoût de près de 10 000 euros par mois.

   Passons aux cas de l'Aveyron et du Tarn, qui entrent dans la tranche 250 000 - 499 999 habitants. Les conseillers généraux "de base" y touchent environ 1 900 euros par mois. La réforme Sarkozy aurait permis de réaliser une économie d'environ 50 000 euros (par mois) sur les indemnités, avec une population régionale inférieure à 3 millions d'habitants. Avec une population régionale atteignant la barre fatidique, l'économie n'est plus que d'environ 35 000 euros par mois.

   Il nous reste le département -atypique- de la Haute-Garonne. Sa population est sur le point de dépasser le seuil de 1 250 000 habitants, ce qui fera passer l'indemnité de ses conseillers généraux de 2 500 à 2 700 euros par mois. La réforme aurait avantagé ce département, qui aurait conservé  grosso modo ses élus (36 conseillers régionaux et 53 généraux remplacés par 90 territoriaux). Si l'on prend les estimations basses (ni le département ni la région ne franchissent le seuil de population qui déclenche l'augmentation des indemnités des élus), la réforme coûterait entre 30 000 et 35 000 euros par mois : le total des indemnités passerait de 215 000 à 248 000 euros. Si l'on prend en compte le franchissement des seuils, le surcoût serait de près de 50 000 euros par mois.

   Comme moi, vous en arrivez à la conclusion que, pour la région Midi-Pyrénées, la réforme des collectivités locales que le gouvernement Fillon avait concoctée ne faisait réaliser aucune économie au niveau des indemnités. (Bernard Dufay sort de son chapeau une économie de 5,5 millions d'euros... Quel joli tour de magie !) Elle aurait même occasionné davantage de dépenses de transport (les 251 conseillers territoriaux -au lieu des 91 conseillers régionaux- devant se rendre régulièrement dans le chef-lieu régional). Je ne vous parle même pas des hémicycles à reconstruire, des hôtels de région à adapter... autant de dépenses à la charge, non pas de l'Etat, mais des régions (tenues majoritairement par ceux qui formaient l'opposition de gauche, à l'époque).

   On arrive là au coeur du problème. Sous une apparence de rationalisation, cette réforme poursuivait des buts politiques. Les conseillers territoriaux auraient été élus au scrutin majoritaire, comme les actuels conseillers généraux. Le scrutin proportionnel, utilisé pour les élections régionales, aurait été supprimé. Cela aurait eu pour conséquence de faire chuter la représentation des formations minoritaires (Front de Gauche, Verts, Modem, Front National). On peut aussi penser que le gouvernement comptait sur le découpage des super-cantons pour avantager ses troupes. A terme, l'objectif semblait de garantir la victoire de l'UMP dans un minimum de régions... et de permettre la reconquête quasi-générale en cas de mauvais report des voix à gauche.

   P.S.

   Il faudrait pourtant réformer les collectivités territoriales françaises. Les communes sont trop nombreuses dans notre pays. Du coup, on peine à trouver des conseillers municipaux bénévoles, ou alors certains, une fois élus, se désintéressent vite d'une fonction qui joue un faible rôle, le pouvoir étant détenu par le maire et les adjoints.

   Les élus (rémunérés) qui siègent dans les assemblées départementales et régionales sont eux aussi trop nombreux. Combien sont payés à ne rien faire ? (On pourrait faire la même remarque à propos des députés et des sénateurs : 400 députés et une centaine de sénateurs non absentéistes suffiraient largement.)

   La réforme du gouvernement Fillon aurait été plus crédible si elle avait conduit à diminuer aussi le nombre de conseillers régionaux et si le scrutin proportionnel n'avait pas été mis à la trappe.