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dimanche, 12 juin 2016

Alice - De l'autre côté du miroir

   Tim Burton a donc produit (mais pas réalisé) pour Disney le deuxième volet des aventures de l'héroïne emblématique de la littérature enfantine britannique. Ici, comme dans le premier film, le scénario s'émancipe de l'oeuvre d'origine pour réécrire l'histoire, avec au centre une Alice plus âgée et un fond plus sombre.

   J'ai retrouvé avec plaisir Mia Wasikowska, moins éblouissante toutefois que dans le récent Tracks. Elle incarne néanmoins avec talent une jeune femme moderne, capitaine de navire dans le Royaume-Uni de la fin du XIXe siècle, pilote de chronosphère dans le monde imaginaire.

   Cette dualité d'intrigues est l'un des atouts du film. Dans "le monde réel", l'histoire a un fond féministe, qui m'a un peu rappelé Tout en haut du monde, même si l'atmosphère générale doit plutôt aux romans de l'époque victorienne. C'est aussi un film d'aventures, qui débute avec une superbe séquence en mer, dans le détroit de Malacca, où des pirates attaquent le navire commandé par la jeune femme.

   Très vite, Alice va retourner dans le monde imaginaire, cette fois-ci en passant à travers un miroir (l'une des rares références exactes à l'oeuvre de Lewis Carroll). Là-bas, elle partage la vedette avec le Chapelier Fou, désormais complètement déprimé. Johnny Depp est moins flamboyant qu'autrefois, mais son personnage retrouve de sa superbe dans des séquences se déroulant dans le passé, qu'Alice essaie de modifier.

   Pour cela, elle doit entrer en contact avec Le Temps, personnage grandiloquent parfaitement interprété par Sacha Baron Cohen. Lui et l'univers dans lequel il gravite sont une autre grande réussite du film. A l'écran, les effets spéciaux sont flamboyants, le tout émaillé de pointes d'humour, puisque tous les habitants de la demeure du Temps (lui y compris) sont des automates... plus ou moins perfectionnés... plus ou moins fonctionnels. L'une des meilleures scènes est celle qui voit le Chapelier et ses acolytes amateurs de thé accueillir Le Temps... et lui faire perdre le sien ! C'est vraiment dans l'esprit des jeux de mots dont Lewis Carroll avait émaillé son oeuvre.

   Mais la performance la plus éclatante est sans conteste celle d'Helena Bonham Carter, épatante en Reine Rouge. Les mauvaises langues auront bon rappeler qu'elle est la compagne (l'ex) de Tim Burton, c'est une excellente actrice, qui donne de l'épaisseur et du panache à son personnage... et c'est tant mieux : une bonne histoire romanesque a besoin d'un bon "méchant". Notons qu'ici, le scénario explore une piste inédite, celle d'un traumatisme remontant à l'enfance. C'est très bien vu.

   Au final, les puristes, qui auraient souhaité une oeuvre fidèle à l'original, seront déçus, tout comme ceux qui espéraient un film 100 % "burtonien". C'est d'abord un produit Disney, fabriqué avec beaucoup de conscience professionnelle, mais destiné à un public familial.

10:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

vendredi, 10 juin 2016

Retour chez ma mère

   Cette comédie s'inspire d'un phénomène bien réel : le retour au foyer parental d'actifs (en général quadragénaires) touchés par un "accident de la vie", la plupart du temps la perte d'un emploi, à laquelle peut s'ajouter une rupture sentimentale. A cet égard, la séquence introductive pose malicieusement le problème, nous induisant volontairement en erreur au début. C'est l'un des rares effets de mise en scène visibles dans ce film sans prétention, qui repose sur le talent des acteurs... surtout des actrices.

   Josiane Balasko incarne avec fougue la mère, veuve et retraitée, assez "vieille France" par certains côtés... mais très moderne par d'autres : elle n'est pas du tout "coincée". On le constate notamment à l'occasion d'un repas avec sa fille (Alexandra Lamy, pétillante), devant la télévision, qui diffuse la série préférée de la mère. On s'attend à une sorte de Plus belle la vie, mais voilà-t-y pas que débarque une scène de cul qui, si elle choque un peu la fille, passionne visiblement la mère !

   C'est que la maman est cachottière. Faute de voir souvent ses trois enfants, elle s'est reconstruite toute seule et sa progéniture va mettre du temps à découvrir l'ampleur des changements. C'est d'ailleurs l'objet de plusieurs quiproquos dans l'histoire, qui amènent les enfants à croire que leur mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer.

   Il s'agit donc plutôt d'un comique de situation, contrairement à ce que laissait présager la bande-annonce, dans laquelle on voit l'essentiel d'une des plus belles scènes, autour de l'utilisation d'internet. Ce comique de situation intervient très vite, dès la séquence à Pôle Emploi, qui confronte Stéphanie (Alexandra Lamy) à un conseiller assez peu orthodoxe (Patrick Bosso, très bien).

   La suite met en scène le choc des caractères entre la fille, architecte branchée, et la mère, une travailleuse manuelle qui a bien les pieds sur terre. J'ai aussi beaucoup apprécié la relation des petits tracas de la vie quotidienne, avec notamment l'histoire du chauffage.

   Le moment-clé est un repas de famille, qui doit être l'occasion pour la mère de clarifier sa situation par rapports à ses enfants. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu. Les retrouvailles vont même tourner à la foire d'empoigne.

   Il s'agit donc d'une comédie populaire, un poil surjouée, mais dynamique, avec des rebondissements et de nombreux moments cocasses. On s'achemine tout doucement vers une fin assez prévisible, mais pas bâclée.

23:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 09 juin 2016

Money Monster

   Le titre déjà est ambigu : s'applique-t-il au personnage principal, le présentateur égocentrique Lee Gates (brillamment incarné par George Clooney, en pleine forme), ou bien dénonce-t-il ce monstre qu'est l'argent, qui corrompt tout ? Cela donne une idée de l'ensemble de l'histoire, qui oscille entre les aventures de Gates (gloire et décadence...) et un propos plus politique, sous-jacent, instillé avec une certaine subtilité par Jodie Foster.

   Cela tient la route d'abord grâce à l'abattage des acteurs. George Clooney forme un duo dynamique et attendrissant avec Julia Roberts, qui interprète Patty Fenn, la productrice de l'émission, véritable chef d'orchestre du programme, qui oeuvre en coulisses. Pour moi, l'actrice est rayonnante dans ce rôle somme toute assez sobre. C'est une version plus "commerciale" de Mary Mapes, que l'on a récemment vue sous les traits de Cate Blanchett dans Truth.

   Derrière ces deux "pointures", les autres se débrouillent très bien. Jack O'Connell, que l'on a déjà vu dans 300 - La Naissance d'un empire et surtout Invincible, tient la dragée haute à Clooney. Dans les seconds rôles, on peut reconnaître plusieurs acteurs de séries télévisées. Tout ce petit monde s'agite à la perfection sous la houlette de la réalisatrice, qui a dû jongler avec deux types de caméra (de cinéma et de télévision), ce qui a contraint à jouer de nombreuses scènes deux fois... et je ne vous raconte pas le travail de montage ! On notera le soin porté à la création de l'émission télévisée, nourrie d'animations visuelles. Cela donne un ensemble rythmé, trépidant même.

   Sur le fond, le jugement de Jodie Foster est assez désabusé. La télévision est devenue le règne du vulgaire. Dans l'histoire, c'est la productrice Patty qui est la plus lucide : le divertissement et la course à l'audience ont pris le dessus sur le fond. Les téléspectateurs sont crédules et très dépendants de leurs gadgets numériques. On pense évidemment aux pigeons qui ont suivi les conseils d'investissement du héros Lee. Mais, dès que la prise d'otages démarre, comme les événements se déroulent en direct, cela devient une émission de télé-réalité trash, qui capte l'attention (la nôtre aussi, d'ailleurs). Et, sans tout dévoiler, on peut dire qu'à la fin, malgré le drame, tout redevient (presque) comme avant. Personne (ou presque) ne semble en avoir retenu de leçon.

   C'est quand même un film très américain. Dans un premier temps, la vedette sombre dans le ridicule : Clooney n'a pas hésité à incarner un personnage falot, dont les travers vont surgir à l'écran. Mais, dans un deuxième temps, le présentateur va reprendre la main (je vous laisse découvrir comment) et endosser le costume du redresseur de tort, aidé en cela par la productrice. C'est une manière de dire que l'on peut contourner le système ou du moins, ponctuellement, l'utiliser pour une juste cause. C'est peut-être pour cette raison que Jodie Foster a accepté, pour promouvoir son film, de se rendre dans une émission racoleuse (mais à forte audience), dans laquelle on la voit participer à un jeu particulièrement ridicule...

10:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 07 juin 2016

Elle

   Isabelle Huppert incarne une chef d'entreprise autoritaire, maîtresse femme qui ne s'en laisse compter par personne... jusqu'au jour où elle est victime d'un viol, chez elle, par un homme déguisé (et masqué). Le film nous fait d'ailleurs "revivre" la scène de plusieurs manières, comme cela arrive couramment aux victimes. Sauf que celle-ci va chercher à se venger.

   Quand on a écrit cela, on a tout dit et on n'a rien dit. Cette histoire malsaine (dont l'ambiance n'est pas très éloignée de l'univers de Michael Haneke) est un portrait de la "haute" bourgeoisie d'aujourd'hui, une enquête policière façon Cluedo et une analyse du refoulé, chez les femmes et chez les hommes.

   Comme la très grande majorité des victimes, Michèle (I. Huppert géniale) a été abusée par quelqu'un qu'elle connaît... mais qui ? L'intrigue nous propose ainsi une galerie de suspects, qu'on peut résumer à sept hommes. Deux d'entre eux travaillent dans l'entreprise de l'héroïne. L'un est effacé, amoureux de sa patronne... mais il cache pas mal de choses. L'autre est un type orgueilleux, buté, souvent en conflit avec Michèle, avec une tension sexuelle sous-jacente.

   Un troisième suspect fréquente les mêmes lieux : l'époux de la meilleure amie (et collègue) de l'héroïne, qui est aussi l'amant de Michèle. Dans le rôle, Christian Berkel  (qu'on a pu voir récemment en Otto Preminger dans Dalton Trumbo) est excellent... et un peu inquiétant : il est jaloux de ces hommes plus jeunes qui côtoient sa maîtresse, celle-ci semblant de plus en plus lui échapper.

   L'autre homme de la vie de Michèle est Richard, son ex-mari (Charles Berling, très bien). De prime abord, celui-ci ne paraît pas très dangereux. Mais, soudain, on apprend qu'il a noué une relation avec une femme plus jeune, en prenant soin de le cacher à son ex... que pourtant il surveille. Le gentil toutou s'est-il mué en prédateur ?

   On se pose la même question à propos du fils de l'héroïne, un jeune homme mal dégrossi, sans doute écrasé par la personnalité de sa mère, et qui se fait pigeonner par une greluche sans scrupule. Cependant, au détour d'une scène, on s'aperçoit que le mouton peut se transformer en dragon, sous l'effet de colères aussi subites qu'incompréhensibles. On le voit même prêt à s'en prendre à sa propre mère. Quand on découvre qui est son grand-père et ce qu'il a fait, on se dit qu'il y a là peut-être une forme d'atavisme.

   Un autre suspect est le voisin d'en face (Laurent Lafitte, ambigu à souhait). C'est un trader, marié à une catholique fervente (Virginie Efira, surprenante dans ce rôle à contre-emploi)... qui ne le satisfait pas totalement, semble-t-il.

   Un dernier jeune homme athlétique complète la liste : Ralf, le gigolo de la mère de Michèle (Judith Magre, épouvantablement liftée), qui avoue avoir du plaisir à "baiser" la femme de l'homme qui a commis tant d'horreurs. N'a-t-il pas été tenté de faire de même avec la fille de celui-ci ? (C'est Raphaël Lenglet qui prête sa présence virile à ce personnage. Depuis quelques années, on le voit sur France 2, dans la série Candice Renoir, où il incarne le collègue ombrageux -et désormais amant- de la fantasque enquêtrice.)

   C'est le grand impensé de l'histoire : les crimes commis par le père de l'héroïne, des années auparavant, alors qu'elle était enfant. Elle en a été en partie témoin, mais on n'a jamais su jusqu'où la folie de son père l'avait entraînée.

   L'histoire ne s'arrête pas à la découverte de l'identité du coupable. Il reste à connaître ses motivations profondes. De plus, on ne sait pas trop ce que Michèle veut faire de lui. Entre la fille du psychopathe et le violeur récidiviste s'engage un drôle de jeu, qui menace de dégénérer...

   Cela donne une intrigue à tiroirs, que Verhoeven referme parfois sans les avoir complètement explorés. Si certains dialogues sont un peu trop littéraires, les acteurs sont formidables et on passe un très bon moment.

22:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 05 juin 2016

Dégradé

   Le titre est à double sens : c'est une allusion à la fois au salon de coiffure où se déroule l'essentiel de l'histoire et à ce qui se passe dehors, à la situation de la bande de Gaza, plus particulièrement à ce que vivent les femmes, pendant que les hommes font joujou avec leurs armes.

   Cette coproduction franco-palestino-qatarie aurait pu s'appeler Le Lion de Gaza, vu  que c'est un gros félidé qui est à l'origine de ce qui va se passer dans le quartier. C'est d'ailleurs inspiré d'une histoire vraie, qui s'est déroulée en 2007, au centre de laquelle se trouvait la lionne Sabrina.

   Mais l'animal n'est ici qu'un prétexte et n'apparaît que rarement à l'écran. Le rapprochement avec Le Cochon de Gaza ne serait donc pas pertinent. Cette lionne apathique évoque à la fois la sous-nutrition dont souffrent les animaux des zoos palestiniens (comme on a déjà pu le voir dans Girafada) et la condition des Gazaouis (et notamment des femmes), dominés par un pouvoir qu'on n'ose pas qualifier de totalitaire... mais on aurait bien envie. Ce pouvoir est celui du Hamas. Voilà pourquoi ce film est censuré à Gaza. (Il a de plus été tourné en Jordanie.) Dans le dossier de presse téléchargeable sur le site du distributeur (Le Pacte), on découvre tous les petits tracas qu'ont subis les réalisateurs quand ils vivaient là-bas.

   L'occupant israélien n'est pas exonéré de toute responsabilité pour autant. On lui doit, entre autres, les coupures d'électricité et la pénurie de carburant. Mais le grand mérite de Dégradé est de donner une vision de l'intérieur de ce morceau de Palestine coincé entre l’Égypte et Israël.

   C'est un huis clos parfois étouffant, dans lequel treize femmes d'âges, de conditions sociales et d'opinions différents se retrouvent coincées dans ce salon de coiffure, qui fait aussi office de centre de soins du corps. (Au début, quand il est question d'épilation, une allusion est faite au film libanais Caramel.) Cela nous vaut une belle galerie de portraits, que les auteurs affinent au fur et à mesure que l'histoire avance. L'espace étriqué est très bien utilisé, en particulier les miroirs, qui permettent de placer sur un même plan des personnes situées à des endroits différents du salon. La réalisation témoigne d'un incontestable savoir-faire.

   La première surprise est de constater que la patronne est russe. Au vu du physique de sa fille, on peut présumer qu'elle a épousé un Palestinien, qu'on entrevoit à peine dans le film. Cette coiffeuse est une forte tête, qui sait gérer sa boutique et, en même temps, fait preuve de beaucoup de compréhension vis-à-vis de son employée, une jolie jeune femme assez immature et entichée d'un mafieux qui ne la traite pas bien. C'est là que le film touche à l'universel : on a tous déjà rencontré ce genre de personne, qui, pour une raison incompréhensible, persiste à s'attacher à un mec qui la bafoue.

   Deux des clientes sont déjà "en mains", la future mariée et la bourgeoise, celle-ci incarnée par l'Israélienne Hiam Abbas, la réalisatrice d'Héritage, vue récemment dans Exodus. Pour ces deux clientes, la séance va devenir cauchemardesque, puisqu'elles vont passer plusieurs heures sur le siège sans que le travail soit terminé, tant il va être interrompu par des événements divers et variés. On en fait d'ailleurs un peu trop au niveau de ces incidents, qui se succèdent de manière parfois invraisemblable. Il semble que les auteurs aient eu du mal à tenir la distance. (Notons que film est cependant assez bref, puisqu'il dure environ 1h25.)

   Les autres clientes sont un portrait de la société palestinienne. On a la jeune femme enceinte, qui sent que, dès qu'elle sera mère, elle va se retrouver cloîtrée au foyer. Elle est accompagnée de sa sœur, pas encore mariée et qui hésite à franchir le pas. Trois autres femmes accompagnent la future épousée (celle qui occupe l'un des deux fauteuils) : sa (bientôt) belle-mère (plutôt hostile), la fille de celle-ci (pas mariée et qui s'en porte très bien) et sa propre mère (asthmatique).

   Trois autres clientes attentent, assises sur le même canapé. On comprend que deux d'entre elles, pourtant très différentes à tout point de vue, se connaissent déjà. La première est la grande gueule du groupe, accrochée à ses sucettes (agrémentées d'une substance illicite...). Sa voisine est une croyante rigoriste, qui va être source de gags dans la suite de l'histoire... mais dont les auteurs ont pris soin de nuancer le portrait. Enfin, une divorcée complète le groupe. Elle va peu s'exprimer, mais on comprend que sa situation est un soulagement, par rapport à ce qu'elle a connu auparavant.

   Tout cela forme une cocotte-minute qui, sous l'effet des événements extérieurs, va plus ou moins exploser. Confinées dans cet espace, ces femmes que parfois tout sépare vont apprendre à patienter ensemble. La conclusion vient là encore de l'extérieur, mais je laisse à chacun le soin de la découvrir.

samedi, 04 juin 2016

Dalton Trumbo

   Ce long-métrage rend hommage à l'écrivain-scénariste américain et plus particulièrement à son combat contre l'hystérie anticommuniste qui a saisi les États-Unis dans les années 1940-1950. A priori, il n'avait rien d'un héros. Ayant connu le succès assez jeune, il menait une vie bourgeoise, avec son épouse (au foyer, dévouée à la carrière de son mari) et ses trois enfants, la fille aînée étant particulièrement proche de son père.

   Tout change avec les débuts de la Guerre Froide. Une partie de la population croit voir des espions bolcheviques partout. Le monde du cinéma est particulièrement visé, compte tenu de l'influence qu'on prête à ce média. C'est l'occasion de découvrir une galerie de personnages très bien campés. Se détache Bryan Cranston, qui EST Dalton Trumbo (et qui, tout autant que Leonardo DiCaprio, aurait mérité de recevoir l'oscar du meilleur acteur). Face à lui se dresse une ancienne actrice, devenue échotière du petit monde hollywoodien, véritable pasionaria anticommuniste... voire antisémite. Dans le rôle, Helen Mirren est excellente.

   Le sous-texte du scénario tente de démontrer que l'Amérique, terre de liberté, a failli basculer dans la dictature. Les hérauts de l'anticommunisme s'en sont pris à ceux qui avaient la réputation d'être "de gauche" : communistes, progressistes et même certains démocrates. Les comédiens qui incarnent les bourreaux et les victimes sont très crédibles. Au passage, le film égratigne quelques gloires républicaines, au premier rang desquelles John Wayne, l'acteur-vedette des patriotes... qui n'a jamais porté l'uniforme de sa vie. Les spectateurs attentifs apercevront, au détour d'un plan, deux futurs présidents des États-Unis, Ronald Reagan, très actif à Hollywood contre les "commies", et Richard Nixon, qui fut proche de Joseph McCarthy, avant de devenir le colistier de Dwight Eisenhower, élu président en 1952.

   La deuxième partie de l'histoire nous fait suivre deux fils rouges : la procédure judiciaire, qui va mener certains protagonistes en prison et qui pourrait aller jusqu'à la Cour suprême, et la tactique de contournement du système suivie par Dalton Trumbo et ses alliés : puisqu'il ne peut plus travailler sous son nom pour Hollywood, il va devenir un nègre protéiforme, fournissant des scenarii clés en main aussi bien à un producteur de nanars (John Goodman... j'adore !) qu'à de prestigieux réalisateurs. Pour ce faire, il va mettre au service de sa cause la famille entière, les enfants se prêtant en général d'assez bonne volonté au jeu du coursier ou du standardiste téléphonique.

   Qui plus est, la mise en scène n'est pas dégueulasse. Jay Roach (le réalisateur) semble avoir fait des progrès depuis les Austin Powers et Mon Beau-père et moi, des comédies efficaces mais qui reposaient surtout sur le scénario et le jeu des acteurs. J'ai particulièrement aimé les scènes de salle de bain, un endroit où Trumbo aimait travailler en paix, tout en faisant trempette. Plus classiques sont les moments qui le montrent devant la machine à écrire, cigarette au bec, un verre d'alcool à proximité... et des cachets dans le tiroir. J'ai aussi en mémoire une scène se déroulant dans un cinéma, plus précisément l'instant où une partie du générique se reflète dans le verre des lunettes de Dalton Trumbo. Très habile !

   Intelligemment, le film place en parallèle de la lutte menée par Trumbo l'évolution des membres de sa famille. On se rend compte que le grand homme n'aurait pas été grand chose sans le dévouement de son épouse, une mère au foyer qui, de nos jours, serait sans doute une cadre dynamique. Mais c'est avec la fille ainée (celle qui pourtant s'identifie le plus au père) que le conflit va éclater. L'ancienne enfant chérie est devenue une adolescente au caractère affirmé. Elle veut sortir le soir et s'investit dans la défense des droits des Noirs. Trumbo va devoir résoudre aussi ce conflit de générations.

   Fort heureusement, les aspects sombres de l'histoire sont contrebalancés par des moments de comédie. Les anecdotes sur la vie du petit monde hollywoodien (ses fiertés mal placées, ses petites bassesses...) ne manquent pas de saveur. Mais c'est principalement la "conspiration du scénario" qui est source de gags.

   On (re)découvre ainsi que certains acteurs et réalisateurs n'ont pas baissé leur froc devant les fanatiques de l'anticommunisme. Si le film évoque brièvement Lauren Bacall et Humphrey Bogart, il s'attarde davantage sur les interventions de Kirk Douglas et Otto Preminger, remarquablement interprétés par Dean O'Gorman (vu dans Le Hobbit) et Christian Berkel. La réalisateur installe une sorte de connivence entre la famille Trumbo et les spectateurs, si bien qu'on se réjouit avec eux des récompenses gagnés par le scénariste, sans que son nom ne figure au générique des œuvres primées.

   J'aurais quand même quelques réticences à formuler. Si techniquement, le film est irréprochable, sur le fond, il n'est pas totalement objectif. A l'écran ne sont montrés que des éléments (politiques) favorables aux scénaristes mis en cause à l'époque. Leurs seules faiblesses sont de l'ordre du privé. De plus, au niveau du contexte, il aurait été judicieux de préciser que la Commission des activités antiaméricaines avait été fondée avant la Seconde guerre mondiale et pas pour traquer les communistes, mais les nazis. Si les poursuites engagées contre les scénaristes d'Hollywood étaient scandaleuses, l'espionnage soviétique aux États-Unis n'en était pas moins réel... et l'URSS pouvait difficilement passer pour un havre de liberté, sans que cela scandalise les communistes américains.

vendredi, 03 juin 2016

Ils sont partout

   ... les juifs... ou les antisémites ? C'est la question que fait semblant de se poser Yvan Attal dans cette autofiction agrémentée de sketches, dans lesquels on croise une brochette d'excellents acteurs, connus ou pas, juifs ou pas.

   Le déclic est une scène qui sent le vécu : l'acteur Attal est abordé à la sortie d'un théâtre par ce qui semble être un fan un peu lourd, incarné à la perfection par François Bureloup, un habitué des seconds rôles "hauts en couleur" que l'on a notamment remarqué dans la série Cherif.

   Commence alors une suite de séances de psychanalyse (pas les meilleurs moments du film), régulièrement interrompues par des séquences introduites par des cartons. Les phrases qui apparaissent alors à l'écran évoquent les clichés antisémites qui circulent encore abondamment aujourd'hui.

   Le premier interlude met en scène un couple de la politique française, membre d'un important parti nationaliste. Benoît Poelvoorde (formidable) incarne le mari fidèle, qui vit un peu dans l'ombre de sa médiatique épouse (Valérie Bonneton, plutôt bien) qui, sous des dehors affables, cache une ambition sans bornes et une capacité à haïr peu commune. C'est évidemment un décalque du couple formé par Louis Aliot et Marine Le Pen. Dans le film, la dirigeante nationaliste a succédé à un père encombrant. De surcroît, la première scène nous montre le couple en plein bal autrichien, où fourmillent les anciens nazis... et leurs admirateurs. C'est une allusion à la participation de la présidente du FN à un bal antisémite, en 2012.

   L'intrigue bascule lorsque l'époux de la dirigeante découvre qu'il a une grand-mère juive... une "tache" a priori rédhibitoire sur le CV d'un élu d'extrême-droite... mais qu'il va essayer de retourner à son avantage. Yvan Attal s'appuie sur l'excellente prestation de Poelvoorde (bien épaulé par les seconds rôles) pour verser dans la satire politique. (Signalons au passage que, dans la réalité, l'un des grands-pères de Louis Aliot est juif.) On ne s'étonnera donc que la "fachosphère" se soit déchaînée contre le film et que le site Allociné se soit rapidement rempli de critiques aussi négatives que vides de sens.

   Le deuxième interlude met en scène des juifs pauvres de la banlieue parisienne, une réalité sociologique que l'on a un peu oubliée dans notre pays. Dany Boon est très bon en gentil gars pas très débrouillard. Mais la véritable attraction de cet épisode est Charlotte Gainsbourg, qui interprète avec conviction une garce de chez garce ! Les nostalgiques du petit écran retrouveront avec émotion Robert Castel et Marthe Villalonga, touchants en parents de la "vieille école", attachés à certaines traditions. Cet épisode a un réel potentiel comique, gâché toutefois par l'approximation du jeu de certaines scènes. Il aurait fallu remettre le couvert de temps à autre.

   Mais la plus déjantée des historiettes est sans conteste celle qui voit Gilles Lellouche incarner un super-agent du Mossad... envoyé dans le passé pour tuer l'enfant Jésus avant qu'il ne se fasse connaître. C'est totalement invraisemblable, avec ces populations (juives comme romaines) qui parlent toutes français... et la direction du Mossad, capable de suivre en direct des événements qui se passent dans le passé ! Mais c'est vraiment tordant, avec un Lellouche totalement investi dans son rôle et de belles idées de scénario.

   L'un des intermèdes est consacré aux théories du complot. On y voit des journalistes interroger des passants sur l'existence d'un complot juif. C'est très bon parce que cela joue sur les clichés et les préjugés... y compris (et surtout) ceux des journalistes.

   On passe ensuite à l'évocation de la Shoah, à travers la plus émouvante des séquences. Et pourtant, au départ, on se dit que cela risque d'être malsain. L'action se déroule à Drancy. Un bénévole dans une maison de retraite (François Damiens, au top) en a marre du tourisme mémoriel dont sa commune est l'objet, et surtout des cérémonies bruyantes qui se déroulent régulièrement sous ses fenêtres. L'intrigue gagne en épaisseur quand on nous montre le quotidien des victimes de la maladie d'Alzheimer. Cela culmine dans une scène d'anthologie, centrée sur un très vieil homme, à la mémoire défaillante, mais dont certains souvenirs vont subitement ressurgir. Dans le rôle, Popeck est extraordinaire.

   Après ce passage un peu éprouvant, on avait bien besoin de fantaisie. Elle prend la forme d'une manifestation de roux (qui se sentent horriblement discriminés), auxquels succède un président de la République aux abois (Patrick Braoudé très bon... et très "hollandien"). Celui-ci va organiser un référendum sur un sujet totalement improbable... que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.

   L'histoire aurait pu s'arrêter là. Yvan Attal en rajoute un peu trop face à la caméra. C'est dommage, parce que son film mérite vraiment le détour. S'il n'a pas le talent de Woody Allen, le réalisateur a néanmoins réussi à mettre en scène quelques jolis moments de bravoure, servis par des comédiens brillants et posant de bonnes questions, du genre de celles qui dérangent une presse un peu trop conformiste.

jeudi, 02 juin 2016

L'euro de l'Euro

   Voici une pièce de deux euros, qui a atterri aujourd'hui dans mon porte-monnaie, à l'occasion de mon passage chez un marchand de journaux ruthénois :

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   Il s'agit d'une toute nouvelle pièce commémorative, frappée par la Monnaie de Paris en hommage à l'organisation du championnat d'Europe de football, dont on va nous bassiner (au moins) jusqu'au dix juillet prochain.

   La conception de l'avers n'en est pas moins originale. Cette face s'articule autour d'une figure centrale, le territoire de la France métropolitaine légèrement schématisé, pas toutefois au point d'être simplifié en hexagone. Nos amis corses noteront l'absence de l'Ile de Beauté... sans doute pour une question de mise en page.

   L'intérieur de la carte est occupé par une coupe... évidemment pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit du Trophée Henri Delaunay. Sa base est entourée des mêmes poinçons que ceux figurant sur la pièce monégasque que j'ai trouvée l'an dernier.

   Tout autour de la carte sont gravés des éléments rappelant le sport qui occupe tant de place sur les petits écrans nationaux. Je dois reconnaître que l'ensemble ne manque pas de style.

mardi, 31 mai 2016

X-Men - Apocalypse

   Cet épisode se situe dans le prolongement de X-Men - Le Commencement et X-Men - Days of Future Past. On a compris que, loin de se limiter à un prequel, le basculement de l'intrigue dans le passé avait pour but de relancer la série, en mélangeant à l'écran le matériau scénaristique de plusieurs époques de comics. On avait peut-être aussi en tête de rajeunir le casting, gage de renouvellement de l'audience... et assurance pour l'avenir (et la production de nombreux autres épisodes).

   Du coup, ici, l'équipe que Charles Xavier prend sous son aile mélange certains des premiers X-Men (Jean Grey, Cyclope, Le Fauve) à certains de la deuxième équipe (Diablo... et-très brièvement- Serval, dont la présence se justifie uniquement par le souci de raccorder l'intrigue à celle d'autres productions Marvel) et à de petits nouveaux, comme Vif-Argent. On notera le basculement de certains personnages, comme Angel, Tornade... et Mystique.

   Mais, dans cet épisode, la part du lion est réservée au nouveau super-méchant, Apocalypse, héros de la première séquence, sise dans l'Egypte antique. C'est d'une grande virtuosité et met les spectateurs dans de bonnes dispositions pour la suite. Signalons l'excellente composition d'Oscar Isaac dans le rôle du mutant divin. Il confirme tout le bien qu'on pense de lui, depuis notamment Ex Machina et le dernier Star Wars.

   Hélas, la suite ne tient pas les promesses du début. Si certaines séquences témoignent d'un incontestable savoir-faire, c'est trop long, verbeux et sentencieux, avec une "grosse musique" pour souligner que ce sont des événements titanesques qui se déroulent sous nos yeux. De surcroît, je n'ai pas aimé certaines parties, comme celle se déroulant à Auschwitz.

   Concernant les personnages, la difficulté a été de faire coexister autant de premiers rôles. Magnéto/Fassbender est très attachant dans sa nouvelle vie polonaise, avant de devenir transparent dans la suite de l'histoire. Concernant Charles Xavier, j'ai toujours du mal avec le jeu de James McAvoy, qui, pour moi, n'arrive pas à la cheville de Patrick Stewart. (Pour les amateurs de détails scabreux : on apprend dans ce film comment il est devenu chauve.) Je n'apprécie pas non plus la nouvelle version de Jean Grey : j'ai trouvé Sophie Turner très fade. Par contre, les autres personnages féminins sont plus réussis. Il y a bien sûr Mystique, toujours incarnée par la superbe Jennifer Lawrence, qu'on a l'occasion de voir autrement que bleue et moulée dans un costume ultra-fin. On découvre la nouvelle Tornade, immédiatement punk... et torturée. J'ai aussi bien aimé Psylocke, qui a un petit côté "maîtresse-dominatrice", si vous voyez ce que je veux dire... C'est particulièrement visible dans la scène de combat contre le Fauve, qui va tâter du fouet !

   J'ai gardé pour la fin Vif-Argent, mon préféré, qui intervient dans deux des plus belles séquences et notamment (pour moi) celle qui constitue l'apogée de l'utilisation des effets spéciaux. Le jeune héros débarque dans une bâtisse sur le point d'exploser et va réussir à en sauver presque tous les occupants, grâce à son extraordinaire rapidité, qui lui permet de se déplacer plus vite que le son. Il en profite même pour changer la coiffure (un peu trop sage) de l'une des personnes en danger... et pour boire un coup, entre deux sauvetages. C'est excellent ! La deuxième séquence est celle de la lutte (finaleuuu) contre Apocalypse, qui voit le gamin facétieux jouer quelques tours au super-méchant.

   Cependant, on notera que, même si les personnages qui sont considérés comme les plus précieux par Apocalypse sont deux mutants hommes (Magnéto, dont il veut faire son second, et Xavier, auquel il réserve un sort très particulier), sa chute va venir de l'action conjuguée de plusieurs femmes, une osant le défier, la deuxième le trahissant et la troisième le stupéfiant.

   Ce sont ces éléments qui contribuent à me donner une impression positive du film. Mais je suis bien conscient que c'est globalement en retrait par rapport à ce que Bryan Singer nous a proposé auparavant. L'ultime séquence (post-générique) laisse présager une suite très animée.

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dimanche, 29 mai 2016

Manifestation de bêtise

   C'était hier, samedi, à Millau. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'est offert une journée aveyronnaise, qui l'a conduit de l'inauguration d'une plaque commémorative à celle d'un bâtiment de gendarmerie, en passant par le baptême d'une école.

   D'un côté, on peut se dire que la venue d'un membre éminent du gouvernement est l'occasion d'exprimer son mécontentement, surtout si ce membre a sous son autorité des personnes dont l'action est contestée (les forces de police).

   D'un autre côté, sa venue donne une force symbolique à ces trois événements. La présence du "chef de la police" à l'inauguration d'une plaque rappelant la déportation de 17 juifs de l'Aveyron pendant la Seconde guerre mondiale n'est pas anodine, puisque ces déportations n'auraient pas pu être effectuées sans la participation de la police du gouvernement de Vichy. (Signalons qu'une première plaque avait été apposée en 2011. La nouvelle concerne-t-elle d'autres personnes ?)

   La deuxième cérémonie n'a pas dû être moins émouvante, puisqu'elle a rendu hommage au policier chargé de protéger le caricaturiste Charb et qui, tout comme lui, a été assassiné le 7 janvier 2015. A cette occasion, j'ai appris que Franck Brinsolaro avait des attaches aveyronnaises. Cette semaine, c'est d'abord un article de Var Matin qui révélait que le policier toulonnais était le petit-fils de Jules Merviel, un coureur cycliste décédé à Toulon, mais né à Saint-Beauzély.

   Concernant ce sportif, le plus étonnant a été de constater que le site le plus complet à son égard est une page wikipedia... en anglais ! Pour en savoir un peu plus, on peut consulter Le Dictionnaire de l'Aveyron, de Jean-Michel Cosson. On y découvre que le cycliste a participé à trois Tours de France, l'un d'entre eux ayant été le théâtre d'un grave accident. (Toutefois, l'année de décès -1963- ne coïncide pas avec ce qui est dit dans la note, ni avec ce qu'on peut lire ailleurs.) Dans l'article de Midi Libre d'hier, on apprend que, garçons, les deux frères Brinsolaro ont, à plusieurs reprises, passé leurs vacances chez leur grand-père aveyronnais.

   Le périple rouergat de Bernard Cazeneuve s'est achevé à Salles-Curan, où il a inauguré les nouveaux locaux d'une brigade de gendarmerie. Il en a profité pour annoncer le renforcement des effectifs de policiers et gendarmes dans notre département. Même s'il est légitime de penser qu'à moins d'un an d'élections capitales, cette annonce n'est pas le fruit du hasard, elle n'en est pas moins bienvenue. (A partir de 2017, si, comme beaucoup de monde le pense, Les Républicains reviennent au pouvoir, je pense que l'on sentira rapidement la différence...)

   Cela nous ramène à la vulgarité du comité d'accueil organisé par une poignée de manifestants, à Millau :

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Midi Libre, 28 mai 2016

   Qu'ils aient souhaité exprimer leur opposition à la politique gouvernementale, soit, mais point n'était besoin de pourrir l'intervention de Serge Klarsfeld et celles des enfants associés à la cérémonie. A ce niveau, je partage la réaction du président du Conseil départemental, Jean-Claude Luche, publiée aujourd'hui dans La Dépêche du Midi.

jeudi, 26 mai 2016

L'Origine de la violence

   Quand j'ai commencé à lire des articles sur ce film, j'ai pensé à de récentes fictions qui entremêlent le présent et le passé, celui de la Seconde guerre mondiale. En 2007 est sorti Un Secret, lui aussi adapté d'un livre. En 2010, on a eu droit au très prenant Elle s'appelait Sarah. L'an dernier c'était au tour de L'Antiquaire, dans lequel jouait déjà Michel Bouquet.

   L'intrigue utilise les ficelles de l'enquête policière, ici à caractère historique. Le noeud de l'affaire est la découverte par le héros de l'existence d'un membre ignoré de sa famille, qui serait passé par le camp de Buchenwald. Cette première partie passe moyennement, pour plusieurs raisons. La première est que j'ai eu du mal à m'habituer au jeu de Stanley Weber (qui incarne Nathan, le héros de 2014, dont on a pourtant eu la bonne idée de faire une personne limite antipathique, en tout cas pétrie de défauts). Sa rencontre avec une ravissante Allemande (Miriam Stein, lumineuse) apporte un salutaire dynamisme à l'intrigue. Mais, comme j'avais très vite deviné quelle était la nature du mystère entourant la photographie du déporté, le déroulement de l'histoire manquait un peu de saveur. De surcroît, il me semble que c'est parfois un peu surjoué et trop souligné par la musique. Au bout de trois quarts d'heure, je me suis même demandé comment Elie Chouraqui allait pouvoir nous tenir en haleine encore plus d'une heure.

   Je m'étais trompé. Dans cette partie de l'histoire, le jeune prof tire sur un fil... et la pelote va continuer à se dévider. D'autres mystères surgissent. Comment l'homme de la photographie est-il réellement mort ? Pourquoi est-il décédé en 1942 et non pas en 1941 ? Que s'est-il passé entre ces deux dates ?... et qui a écrit la lettre de dénonciation ?

   Dans cette seconde partie, l'intérêt est d'autant plus relevé que l'on a donné plus de texte à certains interprètes : Richard Berry (excellent de retenue et de sobriété), Michel Bouquet (magistral... à son âge !), Catherine Samie (époustouflante en grand-tante dynamique) et Joseph Joffo (criant de vérité en ancien déporté). Voilà pour la distribution contemporaine. Mais la véritable perle est constituée par les séquences anciennes (des années 1940), qui ressuscitent, par petites touches, le passé que tant de monde voudrait voir rester enfoui. C'est le moment de signaler la composition de César Chouraqui, très juste en jeune tailleur ambitieux.

   Le film va même encore plus loin : quand on dégoupille une grenade, il faut s'attendre à ce qu'elle pète entre les mains. Le héros contemporain va ainsi faire une ultime découverte, à propos d'un événement qu'il ne cherchait même pas à éclaircir. Cette manière de conclure l'histoire est vraiment très bonne.

   Je suis donc sorti de là finalement très satisfait. L'ensemble vaut mieux que ce qu'une partie du début laisse présager.

mercredi, 25 mai 2016

La Saison des femmes

   Ce "petit" film indien est sorti assez confidentiellement en France, me semble-t-il. C'est un mélange de conte sentimental (où l'on sent l'influence du style Bollywood) et de critique sociale, l'intrigue tournant autour de quatre personnages féminins principaux, chacun avec son caractère propre.

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   A l'arrière, à gauche, se trouve Lajjo, une beauté mariée à un homme qui la méprise, parce qu'elle serait stérile. Elle passe par des moments de joie intense et d'autres de dépression, le mari, alcoolique, ayant souvent la main lourde. C'est le plus beau sourire du film et un personnage qui apporte de la fantaisie dans une ambiance parfois plombante.

   Au centre, la jeunette aux cheveux courts est Janaki, la toute nouvelle épouse du fils de la troisième (à droite de l'image). C'est, au départ, en apparence, la moins affirmée du groupe. Elle nous réserve néanmoins quelques surprises.

   Sa belle-mère est Rani, pour moi la plus attachante des quatre. Mariée et mère à quinze ans, veuve à dix-sept, elle essaie de concilier indépendance et respect des conventions. Elle a passé la trentaine et se sent déjà vieille... mais Dieu qu'elle a du charme ! Son rapport à son téléphone portable apporte quelques moments de fraîcheur dans cette sombre histoire.

   La plus entreprenante du lot est Bijli, que l'on voit piloter le véhicule ci-dessus. C'est une danseuse érotique, prostituée occasionnelle. Sans mari ni enfant, elle est de prime abord la plus libre. Ses tenues et son franc-parler font d'elle soit un modèle envié, soit un repoussoir détesté. Elle nous réserve aussi quelques surprises. Les auteurs ont visiblement beaucoup "creusé" son personnage.

   Du côté des hommes, on a droit à une belle brochette d'enculés. Jeunes comme vieux, ils sont la plupart du temps stupides, lâches, fainéants et violents. Fort heureusement, quelques-uns sont là pour remonter le niveau... et ménager une porte de sortie pour les femmes qui chercheraient à échapper à cet univers étouffant.

   L'intrigue marie deux styles, celui du film de filles, drôle et sensuel, et celui du film engagé, "sociétal", parfois très dur. Toutes ces femmes en ont bavé et/ou vont en baver. On ne nous épargne ni les insultes, ni les coups ni le viol. Mais les actrices ont une telle énergie (et un tel charme) que l'on suit leurs aventures avec passion. La réalisation est soignée, la photographie très belle, la musique entraînante.

   On se demande dans quel sens le scénario va basculer (le drame ou l'espoir). Je laisse à chacun le soin de le découvrir.

   P.S.

   Certains spectateurs seront étonnés de voir apparaître à l'écran à plusieurs reprises, une croix gammée. C'est l'un des nombreux symboles tatoués sur la peau des femmes. On le voit dès le début, sur la main d'une jeune mariée qui a fui le domicile de sa belle-famille. On le redécouvre ensuite sur la joue gauche de Rani :

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   Ce n'est pas une référence au nazisme, d'abord parce qu'ici le svastika et sénestrogyre (orienté vers la gauche), alors que l'emblème hitlérien était dextrogyre (orienté vers la droite). Mais surtout, en Inde et ailleurs en Asie du Sud-Est, c'est depuis des siècles un symbole positif, quelle que soit son orientation.

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mardi, 24 mai 2016

The Nice Guys

   Ces "garçons sympas" (ou ces "chics types") sont deux détectives un peu approximatifs et, parfois, de beaux enfoirés. A ma gauche voici Jackson Healy (Russell Crowe, plus bedonnant que jamais) : c'est le plus borderline des deux, le plus expérimenté... mais aussi le plus cruel, quand il le faut :

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   A ma droite voici Holland March (Ryan Gosling, un peu à contre-emploi) : c'est un père célibataire, marié à l'alcool, qui se la pète avec sa licence de détective privé... mais ne semble pas être un foudre de guerre :

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   En réalité, ce duo est un quasi-trio, puisque l'enquêteur alcoolique est chaperonné par... sa fille de treize ans, qui est au moins deux fois plus mûre que lui. Dans le rôle, Angourie Rice est la révélation du film :

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   Cette improbable association va se former à cause de ce qui paraît n'être qu'une banale histoire de harcèlement et de disparition. On suit les deux détectives jusque dans une maison incendiée, dans un quartier mal famé où ils tentent de soutirer des renseignements à un gamin insolent. La conversation, assez banale au départ, va bifurquer sur une partie de l'anatomie du garçon (supposée très développée), qu'il est prêt à leur montrer... contre vingt dollars.

   Ah, oui, j'oubliais : le tournage d'un film porno expérimental est au cœur de l'intrigue. Nos héros vont tenter de mettre la main sur le producteur, puis de sauver l'une des "actrices", une fille de bonne famille en révolte contre son arriviste de mère, celle-ci interprétée par une Kim Basinger au physique méconnaissable...

   Entre temps, les "chics types" vont faire de curieuses rencontres, comme celle d'un groupe d'étudiants contestataires, dont la scène d'interrogatoire est visiblement un hommage aux Monty Pythons !

   L'action culmine une nuit, dans une villa d'un quartier chic de Los Angeles, où est organisée une soirée un peu spéciale. On y croise une multitude de jeunes femmes (très) légèrement vêtues et prêtes à entrer en contact avec la moitié de l'humanité... Hélas, tous les invités n'ont pas des intentions aussi œcuméniques.

   Comme un certain nombre de protagonistes sont armés, l'intrigue va prendre un tour assez violent, dans un style qui n'est pas sans rappeler certains films de Tarantino. Il faut dire que le réalisateur Shane Black aime le trash et la parodie. Le tout baigne dans la musique des années 1970. Ajoutons à cela la grande qualité de la photographie, et l'on obtient un excellent divertissement, drôlissime et totalement décomplexé.

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jeudi, 19 mai 2016

Mr. Holmes

   Revoilà Sherlock, mais un Sherlock nonagénaire, qui a survécu à la Seconde guerre mondiale et vit reclus dans une maison perdue dans la campagne anglaise, pas très loin de la côte toutefois. Les seuls humains qu'il rencontre régulièrement sont sa gouvernante et le fils de celle-ci, un gamin débrouillard auprès duquel il joue le rôle de grand-père, mais aussi d'inspirateur. Le problème est que le célèbre détective commence à perdre un peu la boule : Alzheimer le guette. Avant de perdre totalement ses facultés, Sherlock voudrait résoudre une affaire qui, semble-t-il, lui a jadis échappé.

   Dans le rôle titre, Ian McKellen est excellent, tout comme Laura Liney en gouvernante. J'ai retrouvé avec plaisir l'actrice de The Truman Show, Dr. Kinsey (réalisé par Bill Condon, qui est aussi aux manettes de Mr. Holmes) et, plus récemment, Week-end royal. Il faudra suivre aussi Milo Parker, très prometteur en gamin éveillé.

   L'enquête inachevée sur laquelle Sherlock se repenche n'est pas le seul mystère du film. Il doit aussi comprendre la rancune qu'éprouve un Japonais à son égard... et découvrir ce qui arrive à ses abeilles, dont le nombre ne cesse de diminuer. Ce n'est pas l'enquête la plus aisée à mener ! Les amateurs de la série Elementary (qui met en scène un Sherlock contemporain et installé à New York) auront remarqué le point commun entre l'homme âgé de ce film et le jeune détective du XXIe siècle : ce dernier élève des abeilles sur le toit de l'immeuble où il loge (ce qui est conforme aux romans d'Arthur Conan Doyle).

   Attention toutefois : le rythme n'est pas du tout le même que celui des séries contemporaines (que ce soit Elementary ou le Sherlock de la BBC). Les investigations sont menées par un homme très âgé, qui prend son temps et se perd parfois dans les détails. En dépit de l'intérêt que l'on peut porter aux mystères de l'intrigue, le coeur du sujet est la perte de mémoire de l'ancien détective, qui est plus touchant qu'époustouflant. Si l'on est conscient de cela, on peut passer un bon moment en compagnie de personnages bien campés.

   P.S.

   Le scénario est l'adaptation d'un roman publié en 2005 et paru en français en 2007.

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mercredi, 18 mai 2016

Hana et Alice mènent l'enquête

   Cette animation japonaise sort de l'ordinaire, d'abord parce qu'elle est une nouvelle adaptation d'une histoire qui a déjà été filmée en images réelles par le réalisateur Shunji Iwai, il y a quelques années. Au niveau du style, cela ne ressemble guère à ce que le Japon produit habituellement. Tantôt on a l'impression d'être en face d'une oeuvre picturale, de style aquarelle, tantôt on pense qu'il s'agit d'un décalque numérique et colorisé de scènes tournées par de vrais acteurs. Quoi qu'il en soit, c'est assez joli à regarder, et parfois virtuose, en particulier quand certains personnages dansent.

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   Mais c'est l'intrigue qui est la plus captivante. Un mystère plane dans un collège, d'où un élève a disparu il y a quelques mois. Dans le même temps, des histoires circulent à propos d'un certain Judas et de ses quatre épouses. Voilà qui suscite l'intérêt de la petite nouvelle, Alice, obligée de déménager à cause du divorce de ses parents. (Dans l'histoire, elle n'est d'ailleurs pas la seule dans ce cas. Le scénario est assez fouillé et nous offre quelques perspectives intéressantes sur la société japonaise contemporaine.)

   On notera que l'adolescente paraît beaucoup plus mûre que sa mère, une gamine attardée qui fout un peu la honte à sa fille. D'autres problèmes se présentent à Alice, en particulier son intégration au collège, d'où le harcèlement n'est pas absent.

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   Petit à petit, l'héroïne va découvrir que les choses et les personnes sont parfois différentes de ce qu'elles paraissent. De plus, elle va nouer une relation avec la très étrange voisine d'en face, Hana, qui vit cloîtrée depuis de terribles événements (qu'on découvre plus tard dans l'histoire). Piquées par la curiosité, les deux ados vont former un improbable duo d'enquêtrices amatrices... en fait une belle paire de pieds nickelés ! Cela nous vaut plusieurs savoureux moments de comédie, dans lesquels les téléphones portables jouent un rôle non négligeable.

   Alice et Hana vont donc partir à l'aventure et faire quelques rencontres. Cela donne un ensemble très agréable, qui réussit à parler de l'adolescence sans niaiserie ni vulgarité.

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dimanche, 15 mai 2016

Café Society

   A 80 balais, Woody continue à tourner et nous livre chaque année au moins une comédie. Je n'ai pas vu celle de l'an dernier, m'étant arrêté à Magic in the Moonlight, plutôt pas mal mais pas transcendante. Ici, l'action est partagée entre New York et la Californie. Bobby (Jesse Eisenberg, sobre) est évidemment un double du réalisateur, juif de Manhattan qui étouffe dans la Grosse Pomme et pense que son avenir est à l'ouest. C'est peut-être aussi ce qu'a pensé Woody Allen dans sa jeunesse. En tout cas, il nous propose une vision colorée de la Californie des années trente (sans doute aidé par un nouveau chef opérateur, l'expérimenté Vittorio Storaro)... exempte de la moindre allusion à la Grande Dépression et à la politique de Franklin Roosevelt. A l'écran, c'est superbe à voir. On sent qu'un gros travail a été fourni au niveau des éclairages et du décor.

   C'est d'abord une bonne comédie, qui joue sur les stéréotypes. Le comique de répétition fonctionne à merveille avec le personnage du frère du héros, Ben (Corey Stoll excellent... avec plein de cheveux !). Celui-ci est un homme d'affaires, qui se trimbale souvent avec une liasse de gros billets en poche. On comprend rapidement que, lorsqu'il dit qu'il doit "discuter" avec quelqu'un, pour le "convaincre", le "faire changer d'avis"... cela se termine par un corps coulé dans une chape de béton !

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   Allen pratique aussi beaucoup l'autodérision, sur la communauté juive new-yorkaise. La mère est sans doute d'origine européenne et lâche de temps à autre des mots ou expressions en yiddish. Quant au père, il s'offusque du mode de vie des cousins de Californie, pas du tout religieux voire débauché. Le plus drôle est la scène où la famille découvre que l'un des membres s'est converti au christianisme. La mère finit même par regretter que le judaïsme (contrairement au christianisme) n'ait pas développé la croyance en une vie après la mort, ce qui lui aurait permis... "d'avoir plus de clients" (costumers) ! (Les dialogues sont évidemment à savourer en version originale sous-titrée.)

   Incidemment, le réalisateur montre que cette Amérique chatoyante n'était pas exempte de cruauté. Ainsi, quand le héros fait la rencontre d'une superbe divorcée, originaire de l'Oklahoma, celle-ci lui apprend que, dans son État d'origine, on interdit aux jeunes filles WASP de fréquenter les juifs ! A un moment, Bobby fait semblant d'aller dans le sens des clichés antisémites qui circulent abondamment à l'époque : lorsque son interlocutrice fait allusion à la supposée puissance financière des juifs, le jeune homme lui répond qu'effectivement "on contrôle tout" !

   Plus discrètement, le scénario pointe la ségrégation qui sévit à cette époque. Le petit monde d'Hollywood est principalement peuplé de Blancs (catholiques, protestants et juifs). On voit très peu de Noirs à l'écran... sauf quand certains personnages ont envie d'écouter du très bon jazz. Ils se rendent dans un club interlope où, scandale, un public mélangé écoute de brillants musiciens "de couleur"...

   La musique est d'ailleurs omniprésente dans le film, qu'elle rythme les scènes ou qu'elle soit l'objet des conversations des personnages. Comme Woddy Allen, le héros Bobby est un inconditionnel de ce genre musical, qui commence à percer.

   Aussi surprenant cela puisse-t-il paraître, le fond de l'histoire est romantique. Le jeune New-yorkais part en Californie en espérant y faire son trou, quitte à revenir fonder une famille à New York. En réalité, il va surtout rencontrer l'amour et c'est à New York qu'il va professionnellement s'épanouir. Mais le jeu de l'amour et du hasard réserve bien des surprises. L'intrigue se noue autour d'un triangle amoureux et de ses déclinaisons. Il n'est donc pas étonnant que ce soit une femme qui occupe le premier plan, au début de l'histoire. Kristen Stewart est brillante en secrétaire dévouée, comédienne ratée (dans le film), femme indépendante et amoureuse indécise. C'est pour moi une découverte... à la consternation des djeunses de mon entourage, qui se désolent de mon ignorance : pensez donc, c'est l'actrice qui incarna Bella dans la saga Twilight ! Ah, ces vieux cons !...

   Son personnage s'efface un peu dans la seconde partie de l'histoire, au profit de celui de Bobby. Jesse Eisenberg, dont le talent a éclaté au grand jour dans The Social Network, s'est parfaitement coulé dans le moule "allénien". C'est sans doute l'un des rares acteurs à pouvoir débiter rapidement et sans hachures les répliques écrites par le papy de Manhattan. Certains trouveront que son personnage manque de relief. Il faut dire qu'il est entouré par tellement de fortes personnalités. Lui, son truc, c'est la douceur et la persévérance.

  L'histoire s'achève sur une fin ouverte, dans un New York reconstitué, qui forme un cadre tout aussi romantique que les berges parisiennes.

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samedi, 14 mai 2016

Accusations opportunes

   Le week-end est souvent pour moi l'occasion de trier les journaux... et, éventuellement, de relire tel ou tel article, à la lumière des jours ou semaines qui ont suivi. Voilà pourquoi je me suis replongé dans un papier paru le 20 avril dernier dans Le Monde. Il est consacré au départ de Denis Baupin d'Europe Ecologie Les Verts, un événement intersidéral auquel je n'avais à l'époque guère prêté attention. Au-delà de ce que je pouvais penser du vice-président de l'Assemblée nationale, l'article confirmait le sectarisme de ces supposés écologistes, de surcroît plus adeptes des jeux politiciens que de l'action concrète.

   Mais cette relecture m'a fait tiquer parce qu'auparavant, je m'étais plongé dans Le Canard enchaîné de mercredi dernier. Or, page 2, se trouve un encadré intitulé "Duflot et Mélenchon à la manoeuvre". Il y est fait mention de courriels datant du 4 mai (émanant de l'entourage des deux susnommés), annonçant pour bientôt des révélations sur le harcèlement sexuel en France. Le 10 mai éclatait l'affaire Baupin. Etonnant, non ?

   Soyons clairs : il n'est pas question ici de dédouaner Denis Baupin de quoi que ce soit. S'il est avéré qu'il s'est comporté comme un porc, je souhaite qu'il soit condamné avec sévérité. Mais, alors qu'il apparaît que les écarts de comportement du député étaient connus d'un assez grand nombre de personnes (et ce depuis plusieurs années), il est sidérant de constater que c'est deux semaines après son départ d'EELV que l'histoire a pris une tournure judiciaire.

   Conclusion : soit les auteurs des courriels évoqués par le Canard ont seulement bénéficié d'un "tuyau" juste avant que l'affaire n'éclate, soit certains apparatchiks d'EELV ont fermé les yeux pendant des années sur le comportement de Denis Baupin, pour ne les rouvrir que quand ça les arrangeait. (De sordides calculs politiciens seraient derrière cela : il faut empêcher les écologistes gouvernementaux de se renforcer, dans le but de torpiller la candidature Hollande en 2017.)

   Et que dire de l'attitude de sa compagne, Emmanuelle Cosse ? Elle n'est peut-être qu'une femme trompée comme tant d'autres, c'est-à-dire la dernière à être au courant, malgré les soupçons qu'elle nourrissait. J'ai quand même du mal à le croire. Et que dire de leur mariage en 2015 ? Etait-ce pour la galerie ? Leur relation fonctionnait-elle sur la base de l'amour libre ? Ou bien s'agit-il là d'un énième couple de façade, uni surtout par l'ambition politique ?

vendredi, 13 mai 2016

Emmanuel et Jeanne

   Le ministre de l'Economie s'est illustré lors de la seconde fête nationale française, celle du patriotisme, qui rend hommage à Jeanne d'Arc et -on l'a souvent oublié- a été instaurée en 1920. Quand elle tombe le 8 mai (c'est-à-dire quand celui-ci est le deuxième dimanche du mois), on la confond avec la commémoration de la capitulation allemande, en 1945. Des dizaines d'années de désinformation du Front national ont aussi fait croire que c'était le premier mai qu'il fallait rendre hommage à la Pucelle. (Rappelons que l'extrême-droite n'a fixé cette date que pour contrecarrer les manifestations de salariés organisées le premier mai.)

   On l'a aussi oublié, mais il est prévu qu'un représentant de l'Etat (éventuellement membre du gouvernement) assiste la commémoration de la délivrance d'Orléans. La présence d'Emmanuel Macron ne résulte donc pas d'un caprice, mais plutôt du désintérêt de ses collègues pour la chose. (Et ça le rapproche un peu de Nicolas Sarkozy...) Le discours qu'il a prononcé est plutôt bien tourné, même si l'on comprend assez vite qu'à travers Jeanne, c'est sa propre cause qu'il défend.

   Certains caricaturistes ont sauté sur l'occasion pour comparer les deux personnages, dont les préoccupations ont pourtant l'air si éloignées les unes des autres. Voilà donc Emmanuel Macron traité à la sauce johannique. Vu la jalousie qu'il suscite jusque dans son camp, on ne s'étonne pas que certains de ses "camarades" souhaitent le voir finir sur un bûcher. Ornikar voit plutôt Manuel Valls y mettre le feu :

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   ... alors que Nono, dans Le Télégramme, est d'avis que c'est François Hollande lui-même qui pourrait avoir envie de se débarrasser du jeune ambitieux :

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   Notez l'inscription qui figure sur le socle de la statue, dont le dessin évoque celle qui se trouve non pas à Orléans, mais à Paris, place Saint-Augustin :

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   Ce rapprochement est tout sauf innocent, puisque c'est à cet endroit qu'en 2016, Marine Le Pen a choisi de célébrer la Pucelle, laissant la place des Pyramides aux groupies de son père (qui comptaient peut-être sur une nouvelle intervention des Femen....). C'est d'ailleurs la statue d'un autre Emmanuel (Frémiet) qui semble avoir inspiré Le Canard enchaîné (dans le numéro sorti le 11 mai) :

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   ... à moins que ce ne soit plutôt une image de propagande nazie (Le Porte-drapeau), célébrant Adolf Hitler. Vous allez voir, la ressemblance est troublante (et, si l'intention est confirmée, c'est vraiment minable de la part du dessinateur du Canard) :

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   Les statues nous mènent immanquablement à l'armure, un détail vestimentaire qui ne va pas trop mal au ministre de l'Economie, que ce soit sur un site droitier...

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   ... ou un autre, plus neutre :

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   Cette fois encore, la statuaire johannique est mise à contribution... et de manière plus rigoureuse que ci-dessus, puisque la tête du ministre a été placée au sommet de la très belle statue de la place du Martroi, à Orléans. (Concernant cette oeuvre, l'histoire se fait ironique, puisqu'elle aurait été sculptée dans un bronze issu... de canons anglais !)

   Une fois vêtu comme Jeanne, il n'est pas étonnant que le ministre se mette lui aussi à entendre des voix, comme l'imagine Zonz :

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   A ceux qui trouveraient cette posture familière, je précise qu'elle est calquée sur celle de l'actrice Ingrid Bergman qui, en 1948, incarna la paysanne lorraine dans un film réalisé par Victor Fleming :

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   Plus terre-à-terre, Lacaï fait le lien avec le petit comité d'accueil hostile qui s'est exprimé lors de la venue d'Emmanuel Macron :

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   Très majoritairement, les caricaturistes dénoncent la tentative de récupération, que ce soit à pieds...

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   ... ou à cheval :

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   A ma connaissance, une seule personne a suggéré (par le dessin) que le ministre pouvait avoir perdu la tête :

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   Mais, après tout, pourquoi ne serait-il pas (au moins un peu) sincère ? Pourquoi un ministre du XXIe siècle ne pourrait-il pas "en pincer" pour la révoltée du XVe ? C'est ce qu'a imaginé l'un des caricaturistes de Charlie Hebdo (qui s'appuie aussi sur le fait que l'épouse d'Emmanuel Macron soit beaucoup plus âgée que lui) :

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   P.S.

   Une âme charitable m'a signalé que le prénom Emmanuel, d'origine hébraïque, signifie "Dieu avec nous". Voilà qui le lie encore plus à Jeanne d'Arc. De surcroît, il me semble que le prénom a aussi été utilisé pour désigner le Messie. Macron sera-t-il celui de la gauche ?

mercredi, 11 mai 2016

Inculture américaine

   Lundi soir, France 2 a diffusé l'avant-dernier épisode de la saison 5 de la série Rizzoli & Isles. On y découvre que le médecin-légiste, interprété par la charmante Sasha Alexander (qui fit jadis les beaux jours de NCIS), a été nommée présidente de l'ordre des médecins de la Nouvelle-Angleterre (la région située dans le nord-est des Etats-Unis) :

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   En son honneur, ses amis ont organisé une petite sauterie, au cours de laquelle se produit un de ces couacs culturels qui marque, aux yeux du téléspectateur américain moyen, l'écart qui sépare l'intello bourgeoise Maura Isles de ses collègues et amis du commissariat de Boston :


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   Pour être juste, il faudrait faire l'expérience en France. Quelle proportion de gens ordinaires ignore que Nemo est le nom de l'un des plus célèbres héros de Jules Verne, un capitaine ombrageux qui apparaît dans Vingt mille lieues sous les mers et L'Ile mystérieuse ?

   Pour les médecins de Boston, Nemo est l'acronyme de l'association médicale. Pour les autres, c'est juste un poisson coloré, héros d'un film d'animation, l'un des premiers gros succès des studios Pixar.

lundi, 09 mai 2016

Politiquement correct à Londres

   La récente campagne des élections municipales de Londres a placé au centre de l'attention générale le candidat (finalement élu) du parti travailliste Sadiq Khan. On a lu et entendu un peu tout et n'importe quoi à son sujet. Qu'en retenir ?

   Tout d'abord (et c'est le plus important), qu'un enfant d'immigrés, dont les parents sont chauffeur de bus et couturière, est devenu maire de la plus grande ville du pays (et l'une des plus puissantes du monde). Mais point n'est besoin de s'esbaudir. En 2014, les Parisiens ont fait encore plus fort, élisant pour la première fois une femme au poste de maire, et pas n'importe laquelle : Anne Hidalgo, une immigrée, née en Andalousie, dont les parents, ardents républicains, exerçaient des métiers modestes (ouvrier et couturière). Mais elle n'est pas musulmane... Les médias avaient besoin de ce symbole, qui donne une image positive d'un croyant sincère, mais moderne, aucunement intégriste.

   Pourtant, durant la campagne, ses adversaires ont laissé entendre qu'il avait côtoyé de drôles de zigues dans sa jeunesse, notamment quand il était avocat. Sadiq Khan l'a reconnu, mais affirme avoir coupé les ponts avec toute cette engeance intégriste. A voir sa compagne et ses filles, habillées à l'occidentale, on est tenté de croire à cette version, en dépit des tentatives de désinformation relevées par Le Monde.

   La deuxième erreur est de présenter le nouveau maire comme un perdreau de l'année. C'est au contraire un politicien déjà expérimenté : il est devenu conseiller municipal dès 1994 (à 24 ans), député en 2005 (à 35 ans) et ministre en 2008 (à 38 ans). En 2010, il a aidé Ed Miliband à prendre le contrôle du Labour et il a occupé un poste (virtuel) de ministre dans son "cabinet fantôme" (sorte de contre-gouvernement mis sur pied par le principal parti d'opposition, au Royaume-Uni).

   Une autre question qui se pose à propos de Sadiq Khan est son attitude vis-à-vis des juifs. Ses anciennes fréquentations (notamment son soutien au prédicateur extrémiste Louis Farrakhan) ont pu jouer contre lui. Mais il a condamné sans réserve les dérives antisémites de certains membres de son parti, y compris les propos (très) tendancieux de l'ancien maire de Londres Ken Livingstone. Un journal comme le Times of Israel (peu suspect de complaisance dans ce domaine) a dressé un portrait plutôt flatteur du candidat travailliste.

   Cela nous mène à son principal adversaire, Zac Goldsmith, présenté dans le même article. C'est fou comme les Anglo-Saxons n'ont pas les mêmes prudences que nous ! Durant la campagne, jamais je n'ai lu ou entendu un-e journaliste français évoquer le fait que le candidat conservateur est issu d'une famille judéo-chrétienne. Le plus souvent, on s'est contenté d'opposer socialement les deux hommes (le fils du conducteur de bus contre le fils de milliardaire).

   Les journalistes ont peut-être redouté d'alimenter certains clichés antisémites, qui ont récemment fait l'actualité dans notre pays. Mais, refuser l'assimilation juif = riche est une chose, admettre que certains juifs sont riches en est une autre. Je reconnais toutefois qu'il n'est pas aisé de rester nuancé sur le sujet, surtout quand, sur la Toile, quelques abrutis déversent leur bile antisémite. De surcroît, à ma connaissance, Zac Goldsmith n'est pas du tout religieux et il n'a jamais publiquement revendiqué ce pan de la culture familiale. Cette information aurait cependant éclairé le public français : elle permet de comprendre l'engouement que la candidature de Sadiq Khan a suscité dans certains milieux, qui voulaient surtout faire perdre un Zac Goldsmith.

dimanche, 08 mai 2016

Le Broussy à l'honneur

   Chaque samedi, Centre Presse et Midi Libre (édition de Rodez) publient (sous la plume de Jacques Boutet) un petit article rétro (illustré) à propos d'un lieu, d'une rue ou d'une activité du chef-lieu aveyronnais. Il me semble qu'il y a quelques mois, le jour de parution de la chronique était le dimanche. Depuis le basculement au samedi, je dois avouer que j'achète Midi Libre ce jour-là, d'abord parce que le magazine télé vendu avec Centre Presse le samedi ne m'intéresse aucunement, ensuite parce que, dans Midi Libre, la chronique est en couleurs. (Ceci dit, c'est aussi désormais le cas de Centre Presse.) Elle a pour titre Hier encore, peut-être en référence à une chanson de Charles Aznavour.

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   Bien que construit en 1891, c'est entre les deux guerres mondiales que l'hôtel-restaurant a pris la physionomie qui a fait sa réputation, sous l'impulsion de l'architecte André Boyer, un ami de Pierre Broussy, avec lequel il chassait. A ce sujet, je conseille vivement la lecture du livre Combarel, 1919-1939, publié dans le cadre d'une passionnante exposition organisée au musée Fenaille en 2013-2014.

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   On y découvre qu'André Boyer avait projeté de transformer le quartier du Foirail, en le reliant à une nouvelle gare, qui aurait été aménagée aux environs de la halte Paraire, pas très loin de l'un des viaducs ferroviaires. Cela aurait donné naissance à une grande perspective jusqu'à la cathédrale :

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   Mais revenons au Broussy. L'hôtel et le café ont vu leurs destins se séparer. L'hôtel a connu des difficultés financières. Il me semble qu'il a subi une liquidation judiciaire, avant d'être racheté (en 2007)... par le groupe Ruban Bleu. Son nom a été changé. L'établissement est devenu l'hôtel Mercure Cathédrale, dont le confort se serait nettement amélioré grâce aux travaux engagés depuis une dizaine d'années. La récompense n'a pas tardé : en 2012, l'hôtel a obtenu une quatrième étoile (un classement qu'il faudra confirmer en 2017).

   Quant au café, resté "Le Broussy", il continue sa vie atypique dans le paysage ruthénois. Pensez donc : on ne s'y fait pas flinguer les tympans par un tintamarre diffusé à pleins tubes. Ici règne la musique classique, en fond sonore, parfois entrecoupée de morceaux de jazz. Côté boissons, le café est connu pour l'excellence de son chocolat chaud et la variété de ses thés. Il est tenu par un couple emblématique, très sympathique... et âgé ! Même s'ils ne sont pas seuls, il faut reconnaître qu'ils ont bien du courage. Ils ont d'ailleurs mis en vente l'établissement. Je crois avoir compris qu'ils ne souhaitent pas le céder à n'importe qui.

   De plus, il a récemment pris une valeur supplémentaire. Un arrêté du 16 octobre 2014 a inscrit l'hôtel et le café à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Parmi les parties protégées, outre les mosaïques, on remarque le salon de l'hôtel, garni de toiles de Maurice Bompard, un peintre orientaliste (né à Rodez) auquel une exposition avait été consacrée en 2013 par le musée Denys-Puech de Rodez et celui de Millau.

   Terminons par les illustrations. La chronique de Jacques Boutet en contient deux. La première pourrait dater des années 1970, au vu du style des voitures :

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   La seconde est beaucoup plus récente. Elle est signée José Torres. Elle est reprise d'un article paru l'an dernier dans Centre Presse :

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   P.S.

   La petite renommée de l'établissement n'a pas que des conséquences positives. Certains touristes indélicats pénètrent sans vergogne dans la salle, jettent un coup d'oeil, parfois prennent une photographie... et repartent sans consommer ne serait-ce qu'un modeste café ! Bande d'abrutis !

samedi, 07 mai 2016

High-Rise

   Ce film adapte un roman d'anticipation satirique des années 1970, sans le mettre au goût du jour : il dresse le portrait d'une société futuriste telle qu'on la concevait il y a quarante ans. Voilà pourquoi les téléphones portables sont absents, les portes s'ouvrent avec des clés et les téléviseurs ont un tube cathodique. Même au niveau des décors et des vêtements, on a gardé une touche vintage : ce qui nous est montré à l'écran représente une vision datée du futur. Il reste les comportements humains, un invariant sur lequel le scénario s'appuie sans complexe.

   La première partie de l'histoire montre la découverte de l'immeuble d'avant-garde par un nouvel occupant, un médecin qui préfère s'installer dans cette petite ville en hauteur plutôt que dans une banlieue résidentielle ennuyeuse. Dans le rôle, Tom Hiddleston (devenu célèbre grâce à son interprétation de Loki dans Avengers) est très bon. On nous présente plutôt la partie "haute" de l'immeuble, celle occupée par les classes privilégiées, même si l'on a un aperçu de la partie "basse". Dans celle-ci, on remarque un couple, incarné par deux jeunes acteurs très prometteurs : Luke Evans (remarqué dans Le Hobbit et surtout Dracula Untold) et l'Aveyronnaise Sarah Vidal Elisabeth Moss (vue récemment dans Truth). Chacun vit dans un entre-soi où il n'est pas facile de s'intégrer. La mise en scène des inégalités et des circonstances dans lesquelles elles se font particulièrement sentir est vraiment réussie.

   Évidemment, on attend que tout cela dérape. A l'image du vernis de civilisation qui commence à se craqueler, l'immeuble se dégrade. L'étincelle est l'occupation de la piscine, située à un étage intermédiaire, tout comme la grande surface. Si, au début, j'ai trouvé réjouissante cette débauche d'énergie destructrice, à la longue, c'est devenu lassant. L'accumulation de sang, de sexe et de saleté (au "propre" comme au figuré) n'a pas de sens : on ne voit pas où le réalisateur veut en venir. C'est juste le plaisir de l'autodestruction qui guide cette partie de l'histoire. (Faut-il y voir l'influence de Peter Greenaway ?) Ceci dit, c'est plutôt bien filmé. Derrière la caméra, on a Ben Wheatley, associé à sa scénariste attitrée (et compagne) Amy Jump. C'est à ce duo que l'on doit deux autres œuvres borderline : Kill List et Touristes, qui témoignent de leur goût pour le dérangeant, le scabreux.

   C'est donc à réserver à un public averti, amateur de sensations fortes... et indulgent.

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vendredi, 06 mai 2016

Du bruit autour des éoliennes

   Ce bruit est d'abord celui d'une série d'articles parus ce vendredi dans La Dépêche du Midi, sur une double page. Ils sont illustrés par une carte (fort instructive) des implantations d'éoliennes dans l'Aveyron (en service, en attente, en cours d'instruction) :

LaDépêche 06 05 2016.jpg

(Une version grand format est disponible dans l'édition papier.)

   Que constate-t-on ? Que l'ouest, le nord-ouest et le nord du département sont exempts d'implantation. Pour le nord, on n'est pas étonné, puisque les promoteurs aveyronnais du PNR Aubrac n'en veulent pas (contrairement  à certains de leurs voisins lozériens). Concernant les installations en attente, on remarque que sont concernées les communes proches de la partie est de la RN88 et (surtout) celles du Sud Aveyron, le projet le plus important portant sur la commune de Mélagues. Le quotidien oublie de rappeler qu'une discrète décision de justice (relayée, à ma connaissance, uniquement par L'Hebdo) entrave la réalisation dudit projet.

   Cette énergie renouvelable semble ne plus avoir le vent en poupe dans le département : le commissaire-enquêteur désigné pour évaluer à nouveau le dossier de Bertholène vient de rendre un avis défavorable. Notons que cela ne clôt pas l'affaire : il y a trois ans, un autre commissaire-enquêteur, analysant la première version du dossier, avait donné un avis favorable, ce qui n'avait pas empêché le projet d'être bloqué. (Le quotidien publie un autre papier utile pour comprendre les méandres de la procédure.)

   Bien conçue, la double-page de La Dépêche s'efforce d'aborder le plus grand nombre d'aspects possible. Ce sont surtout les aspects négatifs qui sont évoqués, notamment dans un entretien avec un opposant au projet des Palanges. C'est intéressant parce que c'est argumenté, à l'exception toutefois de la question touristique. J'aimerais bien connaître l'identité de ces "professionnels du secteur du tourisme installés au Lévézou" qui auraient cessé leur activité à cause de la mauvaise image des éoliennes. Là, on est dans l'exagération.

   Il faut aussi revenir sur certaines affirmations, notamment celles portant sur la supposée dévalorisation du patrimoine immobilier à cause de l'implantation d'éoliennes à proximité. Voilà qui mériterait une argumentation chiffrée, qui s'appuierait, par exemple, sur les données rassemblées par les notaires. Rendez-vous compte ! Des bourgeois s'offrent une chaumière dans une campagne dynamique, comptant la revendre avec un joli bénéfice ! On est loin des ruraux bien implantés, dont la maison, véritable patrimoine familial, n'est pas destinée à être vendue, mais léguée aux enfants.

   Tout cela n'empêche pas qu'il faille rester vigilant quant au développement de l'éolien, à mon avis indispensable. Mais il doit s'effectuer en suivant des règles strictes, qui concilient notre avenir énergétique avec le bien-être des habitants.

jeudi, 05 mai 2016

Tracks

   Ce film nous vient des antipodes. Il raconte le périple (réel) accompli il y a une quarantaine d'années par une jeune femme, dans le désert australien, accompagnée de dromadaires et d'un chien. La distribution s'appuie notamment sur deux jeunes acteurs très prometteurs : Mia Wasikowska et Adam Driver. Ce dernier est connu (presque) du monde entier depuis qu'il a endossé l'habit de Kylo Ren dans le dernier Star Wars. On l'a aussi vu dans Inside Llewyn Davis et le récent Midnight Special

   Mais le principal atout du film est incontestablement Mia Wasikowska qui, outre sa ressemblance physique avec Robyn Davidson, incarne à la perfection cette jeune femme indépendante, douce en apparence mais dotée d'une volonté de fer. Les cinéphiles n'auront pas été surpris de lire ce que je viens d'écrire : l'actrice s'est déjà fait remarquer à plusieurs reprises pour la justesse de ses compositions, en particulier dans Albert Nobbs et Maps to the stars. Ici, on sent qu'elle s'est beaucoup impliquée dans le rôle.

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   La première partie de l'histoire nous expose les préparatifs du voyage. La jeune femme doit apprendre à gérer une petite troupe de dromadaires... et se procurer des fonds. Sa chance est de rencontrer un photographe américain intéressé par les Aborigènes. Tombé sous son charme, il va plaider sa cause auprès du National Geographic, qui accepte de financer le périple, à condition que Robyn se prête régulièrement à des séances de photographie, qui nourriront les articles du magazine. Les scènes qui voient la solitaire rencontrer son photographe attitré sont souvent source de comédie. On voit aussi, petit à petit, leur relation évoluer.

   Mais les "personnes" auxquelles la jeune femme adresse le plus la parole sont ses dromadaires, qu'elle sait désormais plutôt bien gérer. Les animaux qui sont utilisés dans le film sont vraiment extraordinaires, notamment le vieux mâle, un peu caractériel, qui passe très bien à l'écran !

   A ceux que la présence de ces camélidés en Australie surprendrait, précisons qu'ils y pullulent. Introduits par les Européens au XIXe siècle, la plupart sont depuis retournés à l'état sauvage... et ils ne sont vraiment pas commodes ! On estime leur nombre à un million. Ils représentent désormais une menace pour l'équilibre écologique du désert... et même pour celui de la planète !

   Stupéfiant aussi est le comportement du chien Diggity, interprété par deux animaux différents. Dans le générique de fin on apprend que les bêtes se nomment "Special Agent Gibbs" et "Ziva", celle-ci ayant été utilisée lors des scènes de cascade ! (Ce sont évidemment des références à la série NCIS.)

   J'ai aussi beaucoup apprécié les scènes de désert, très bien filmées, de jour, de nuit, à l'aube, au crépuscule. Les (rares) rencontres qu'elle fait sont marquantes. On pense bien sûr aux Aborigènes, avec lesquels les relations sont un peu compliquées, mais très enrichissantes. Les plus pénibles sont cependant les touristes, appâtés par l'histoire de celle que l'on surnomme la Camel Lady. Grâce aux articles parus dans le National Geographic, elle devient de plus en plus connue. Elle redoute désormais l'approche des villes, ces moments où elle voit débarquer des groupes humains dont l'intelligence et la délicatesse ne sont pas les principales qualités.

   C'est vraiment un film superbe, à voir.

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dimanche, 01 mai 2016

Robinson Crusoé

   Ce dessin animé belge est a priori plutôt destiné aux enfants. Il n'a pas été bâclé pour autant. On y retrouve à l'oeuvre une partie de l'équipe technique du Manoir magique : Domonic Paris a travaillé au scénario des deux et le réalisateur Ben Stassen a produit Crusoé. C'est d'une grande qualité graphique, dans un style toutefois différent des productions Disney-Pixar et DreamWorks.

   D'un point de vue visuel, le personnage le plus réussi est le perroquet que Robinson va surnommer Mardi. Son plumage est superbe et ses mouvements (aussi bien ceux des ailes, ceux de la tête que ceux des pattes) sont rendus avec un talent certain, qui n'est pas sans rappeler Rio :

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   Les autres personnages animaliers sont bien campés. Les enfants peuvent facilement s'identifier à eux et ils sont sources de gags. Par contre, du côté des humains, si j'ai trouvé les pirates assez bien réussis (très classiques), j'ai été un peu déçu par Robinson, qui manque de relief. Autre regret : le rôle de méchants dévolu aux chats... moi qui aime tant les félins ! Bon, ceux-là sont vraiment laids et insupportables, mais quand même...

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   Le scénario est bien ficelé. Il ne fait que s'inspirer de l'oeuvre de Daniel Defoe. Les scénaristes ont visiblement voulu donner une coloration "roman d'aventures" et c'est réussi. (Notons que c'est le perroquet -et non l'humain- qui est le narrateur.) L'action est rythmée, soulignée par des mouvements de caméra "comme dans un vrai film". En dépit d'un drame survenu dans la première partie de l'histoire, le ton est globalement à la drôlerie. On passe un bon moment, on sourit souvent mais sans gros éclat de rire.

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vendredi, 29 avril 2016

Antisémitisme ordinaire

   Hier, dans La Dépêche du Midi (mais l'information est parue dans d'autres journaux), une petite colonne, située en bas à gauche de la page 7, portait le titre : "Passé à tabac car juif et donc... riche". On pourrait se contenter de hausser les épaules et se dire que, dans le torrent de violence et d'incivilités qui marque notre époque, ce n'est qu'une goutte d'eau supplémentaire. Certains "esprits forts" pourraient même suggérer la prudence, puisque, ces dernières années, quelques unes (très rares) des agressions rapidement qualifiées d'antisémites se sont révélées fausses. (On pense notamment à la jeune femme du RER, en 2004, et à l'enseignant marseillais, en 2015.)

   Mais l'affaire qui nous occupe (et qui remonte à novembre 2015, pour l'agression) est éclairante à bien des égards. Elle est d'abord révélatrice des préjugés antisémites qui existent au sein d'une partie de la population française : l'employé de la serrurerie était présumé riche car juif. On retrouve ici le même type de préjugés que ceux qui ont été à l'oeuvre dans l'enlèvement puis le meurtre d'Ilan Halimi, en 2006. (Notons que la plupart des agresseurs sont déjà sortis de prison...) Le pire est que l'homme n'est pas juif, mais a été supposé tel parce que son patron avait fait de la publicité sur Radio J. Là, c'est révélateur d'un mode de raisonnement communautaire, une autre des plaies de notre époque : les juifs avec les juifs, les musulmans avec les musulmans etc.

   Le troisième élément qui saute aux yeux est une absence : celle de la moindre allusion à l'origine ou la culture des accusés. Les deux principaux sont qualifiés d'adolescents (ils ont 16 ans, mais en avaient 15 lors de l'agression). Ils habiteraient Bussy-Saint-Georges (ils sont scolarisés dans le lycée local), une ville de la banlieue parisienne, située dans une partie de la Seine-et-Marne proche de la Seine-Saint-Denis. Vous voyez où je veux en venir : on se demande si les agresseurs ne seraient pas musulmans. L'affirmer, à ce stade, est faire preuve de préjugés... mais aucun élément n'a été publié dans la presse permettant de se faire une idée sur la question (ni prénom, ni initiales, ni lieu d'habitation ou situation familiale). Je sais bien qu'il faut protéger l'identité des mineurs, mais là, il me semble que l'excès de précaution masque quelque chose...

   P.S.

   Le jeune homme agressé a récemment témoigné sur Europe 1.

mercredi, 27 avril 2016

Le (vrai) Livre de la jungle

   La sortie de la nouvelle adaptation de Disney m'a incité à me (re)plonger dans l'oeuvre de Rudyard Kipling, dont on parle souvent sans l'avoir lue. Dans ma jeunesse, je n'ai eu entre les mains qu'une version en bande dessinée du Livre de la jungle. Ce week-end, ce fut donc une quasi-découverte.

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   La première surprise est de constater que les aventures de Mowgli ne constituent qu'une partie du livre, une centaine de pages sur l'ensemble, qui est un recueil de "contes coloniaux". Les héros en sont le plus souvent des animaux, qui parlent. Ainsi, on suit les aventures d'un phoque blanc intrépide, puis d'une mangouste courageuse, d'un jeune dresseur d'éléphants et enfin de plusieurs petits troupeaux au service de l'armée britannique.

   Le plus étonnant est que ce n'est pas dans le premier, mais le second tome que les scénaristes du film ont puisé l'un des arguments principaux, à savoir la "trêve de l'eau", déclenchée quand un rocher apparaît à l'air libre dans un lac.

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   D'autres différences existent entre la version livresque et le film. Ce n'est pas Bagheera (la panthère) qui apporte le garçon aux loups. De plus, celle-ci est un ancien animal de cirque. Elle est présente dès la première réunion importante des loups (tout comme Baloo, l'ours). Ce sont d'ailleurs ces deux personnages emblématiques qui défendent la cause de Mowgli. L'ours devient rapidement l'instructeur du garçon, un instructeur autrement plus intransigeant que ce qui est montré dans les adaptations cinématographiques.

   Du côté des loups, on remarque que deux mâles adultes (et non pas un) jouent un rôle important : Akela le chef et Père Loup, le compagnon de la mère qui prend en charge Mowgli. D'autres personnages sont absents de l'adaptation : le chacal Tabaqi (proche du tigre Shere Khan) et le vautour Chil. On a aussi minoré les apparitions des éléphants (une excellente trouvaille du film d'animation de 1967) et coupé une partie de l'histoire concernant les singes.

   Mais le principal changement intervient au niveau des "méchants", Shere Khan et Kaa le python. Le premier n'est pas borgne, mais boite. Il apparaît finalement moins dangereux que le serpent, qui joue un rôle important dans la cité des singes. La récente adaptation a simplifié l'intrigue et fait de Shere Khan une sorte de serial killer, qui meurt dans des circonstances différentes, mais qui mettent tout autant en valeur l'ingéniosité de Mowgli. Dans la nouvelle, celui-ci devient vite très débrouillard... et il effectue un séjour chez les humains, avant de retourner dans la jungle. Peut-être nous garde-t-on cela pour un prochain film...

   Pour savoir ce qu'est devenu Mowgli, il faut lire le "prequel" (littéraire) Dans la jungle, écrit par Kipling avant les deux autres. On y découvre un jeune homme qui a grandi dans les bois et qui entre en contact avec des agents britanniques chargés de la gestion de la forêt.

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mardi, 26 avril 2016

Eva ne dort pas

   Cette Eva est Eva Peron, l'épouse du président argentin Juan Domingo Peron et véritable icône des classes populaires argentines encore aujourd'hui. Cette Eva, malgré les apparences, ne dort pas, parce qu'elle est morte (en 1952). Mais son cadavre embaumé donne l'impression qu'elle est toujours en vie. Quoi qu'il en soit, il fait l'objet de toute l'attention de la junte conservatrice qui a renversé Peron en 1955.

   Le début nous montre "Evita" vivante, avec la force du tribun politique que l'ancienne actrice était devenue. Le choix de discours qui stigmatisent le capitalisme financier et les "oligarques" argentins qui le soutiennent n'est à mon avis pas le fait du hasard : le réalisateur Pablo Aguero veut montrer que, par certains aspects, la situation de l'époque n'est pas sans évoquer celle du monde actuel.

   Comme l'intrigue est centrée sur le devenir de la dépouille d'Eva Peron, les paradoxes du "péronisme" ne sont pas abordés. Pour nous Français, cela semble être un mélange de gaullisme et de chavisme. Cela pourrait rappeler aussi le mouvement qui s'était constitué, sous la IIIe République, autour du général Boulanger. Peron lui-même était pétri de paradoxes : admirateur du premier Mussolini, en très bons termes avec Franco, il a laissé des milliers de nazis se cacher en Argentine, après la Seconde guerre mondiale. Dans le même temps, le pays s'orientait vers une véritable démocratie, avec (sous l'impulsion de son épouse, dit-on) le droit de vote pour les femmes et une série de mesures en faveur des classes populaires.

   Voilà pourquoi le narrateur de l'histoire, un officier conservateur, est aussi ordurier à propos d'Eva Peron. Ce contraste joue en faveur de la jeune femme, bien que ce narrateur soit incarné par Gael Garcia Bernal (que l'on a vu récemment dans Desierto).

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   La première partie traite de l'embaumement du corps. Il est effectué quasiment en catimini, par un personnage qui ne semble pas particulièrement apprécier la dame, de prime abord. Il ne va pas moins réaliser un travail remarquable. Signalons que c'est une actrice (Sabrina Macchi) et non un mannequin articulé qui incarne la défunte. Elle a dû subir un entraînement rigoureux pour pouvoir rester de longues minutes en immobilité totale (ou sans réagir quand elle est plongée dans un grand aquarium), le film étant tourné en plans-séquences. De ce point de vue, c'est assez virtuose.

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   La partie la plus pittoresque est le transport du corps momifié, de nuit, dans un camion anonyme, par un colonel qui a vu du pays. Le scénario (de manière volontairement erronée) en fait un ancien d'Indochine, sans peur et sans reproche. Il a les traits de Denis Lavant, vraiment excellent :

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   Dans son périple, il va côtoyer un jeune soldat argentin, qui a l'air bien innocent face au vieux briscard. Leur cohabitation va se révéler pleine de surprises.

   La dernière partie évoque la recherche de la dépouille d'Eva Peron. Des groupes révolutionnaires veulent mettre la main dessus. Ils ont enlevé l'ancien président anti-péroniste, Pedro Arumburu, qu'ils veulent juger. (Le film ne dit pas que ces péronistes de gauche voulaient sans doute aussi éviter qu'un éventuel retour au pouvoir de Peron ne se traduise par un rapprochement avec la droite, auquel travaillait Arumburu.) C'est à mon avis la partie la moins convaincante. L'idée du huis-clos est bonne, mais il aurait fallu rejouer certaines scènes.

   L'histoire se conclut avec le narrateur, au moment où la junte militaire a repris le pouvoir en Argentine (dans les années 1970). Bien que le corps ait été enterré sous plusieurs mètres de béton, le mythe d'Eva Peron est resté vivace.

   P.S.

   Le film, assez bref (il dure moins d'1h30), omet certains détails concernant le décès de la jeune femme (à 33 ans). La maladie qui l'a abattue est le cancer du col de l'utérus. Les derniers mois, elle souffrait tellement qu'on lui a fait subir une lobotomie, dont des traces auraient dû être visibles sur le front du cadavre. Dans le film, on n'en voit rien... peut-être parce que cela ferait surgir d'autres questions, plus polémiques encore. Un récent article avance l'hypothèse que la lobotomie avait aussi pour but de "calmer" Eva Peron, dont le tempérament révolutionnaire semblait s'intensifier avec la progression de la maladie. Il se pourrait même que l'intervention chirurgicale ait hâté sa fin...

   L'autre aspect passé sous silence est l'origine du cancer de l'utérus. Il est dû à des papillomavirus, transmis lors de rapports sexuels non protégés. Alors, soit Eva Duarte a contracté la maladie alors qu'elle était actrice (avant de rencontrer Peron), soit elle lui a été transmise par son mari... dont la première épouse est décédée du même mal... tiens donc ! De là à penser que l'officier avait jadis attrapé une "chose triste" en fréquentant un bordel et qu'il l'aurait transmise à ses deux épouses successives...

   De fil en aiguille, j'ai été amené à m'intéresser à la prostitution en Argentine. Je suis tombé sur un passionnant article, disponible sur le site d'une ONG (mondefemmes). On y apprend que, de 1875 à 1935, des "maisons de prostitution" (gérées par des femmes) ont eu pignon sur rue. On peut compléter cette lecture par celle d'un article de Slate qui, il y a un peu moins de trois ans, évoquait la situation d'Européennes de l'Est juives. Entre la fin du XIXe siècle et la Seconde guerre mondiale, des milliers d'entre elles ont été exploitées en Amérique du Sud.

dimanche, 24 avril 2016

Fritz Bauer, un héros allemand

   Ce film met l'accent sur une personne qui n'apparaissait qu'au second plan dans un autre film historique allemand, sorti en 2015, Le Labyrinthe du silence. Ici, ce n'est pas le procès des crimes commis à Auschwitz qui est au cœur de l'intrigue, mais la traque d'Adolf Eichmann, dans le contexte de la RFA au tournant des années 1950-1960.

   J'ai été frappé par le souci de reconstituer l'ambiance sociétale de l'époque. On est certes en pleine Guerre froide (après le blocus de Berlin mais avant la construction du Mur), mais on est surtout à une époque où règne une sorte d'ordre moral chrétien-démocrate auquel il vaut mieux ne pas déroger. Ainsi, le procureur Fritz Bauer cumule les handicaps, aux yeux de la "bonne société" : il est socialiste, juif... et homosexuel. De surcroît, il a fui le pays à l'époque nazie, pour ne revenir qu'en 1949. Mais il a du bagout, une réputation de sérieux et de gros bosseur. Il semble aussi plutôt bien passer à la télévision.

   Pourtant, le film n'en fait pas un modèle intouchable. Il fume comme un pompier, sans se soucier de la gêne que cela peut provoquer, boit beaucoup d'alcool et traite les gens assez durement. Bref, il est plutôt antipathique. Il a sous ses ordres une brochette de jeunes procureurs ambitieux... mais en général très prudents : ils sont prêts à le suivre jusqu'à un certain point. Le plus courageux d'entre eux semble être le beau gosse à la carrure d'athlète, marié à la (ravissante) fille d'un industriel qui n'a pas pâti du régime nazi... Peut-il s'en faire un allié ?

   C'est d'autant plus nécessaire que les magistrats finissent par comprendre qu'ils sont espionnés par la police de leur pays ! Est-il besoin de préciser que celle-ci est en partie composée d'anciens nazis, qu'on espère pas trop compromis dans le régime déchu ?

   Le côté "roman d'espionnage" est donc très développé, dans une ambiance jazzy assez étonnante, mais qui se marie bien avec l'obscurité présente dans de nombreuses scènes. On découvre ainsi Francfort by night, avec ses cabarets interlopes, où l'on contourne la législation en place... tant que la police le tolère.

   Tout est bouleversé à partir du moment où surgit un renseignement sur la résidence d'Adolf Eichmann, qu'on a cru voir un peu partout dans le monde. En fait, il se trouvait en Argentine, un pays qui, sous le gouvernement de Juan Peron, a accueilli beaucoup de nazis en fuite...

   Je vous laisse découvrir la suite de la traque, entre le pôle judiciaire allemand, le gouvernement du Land de Hesse, le Mossad israélien, le rôle trouble de la police et les péripéties argentines. Personne n'est sorti indemne de cette histoire, très forte et bien rendue à l'écran.

samedi, 23 avril 2016

Le Livre de la jungle

   La surprise n'est pas que Disney produise une adaptation avec acteur réel (on a déjà vu notamment Into the Woods et surtout Maléfique). La surprise est qu'elle en confie la direction à Jon Favreau (réalisateur, entre autres, d'Iron Man), dont les compétences se limitent généralement à la mise en images de bastons numérisées. C'est qu'ici on est dans un entre-deux, moitié film réel, moitié film en images de synthèse. On a capturé les mouvements des animaux et fabriqué des marionnettes à taille réelle de ceux-ci. Pour cela, on a eu recours au savoir-faire de la Jim Henson Company, qu'on a déjà vue à l’œuvre par exemple dans Max et les maximonstres.

   Sans surprise, l'intrigue est calquée sur celle du film d'animation de 1967, avec quelques nuances. Ainsi, alors que le dessin animé baignait dans une ambiance bon enfant, pleine d'humour et de chansons, la nouvelle adaptation de l'oeuvre de Rudyard Kipling est plus sombre (et donc plus fidèle à l'original). Si l'humour n'en est pas absent, l'histoire est assez dure et comporte plusieurs épisodes violents. C'est donc à déconseiller aux tout petits.

   Du côté du casting, on ne peut que se féliciter du choix du jeune Neel Sethi pour incarner Mowgli. Il bouge très bien et m'a paru très convaincant en gamin débrouillard de la forêt. Je n'ai quasiment rien à reprocher aux voix de doublage (celles de la version française, que j'ai vue). Lambert Wilson est très bon en Baloo, le personnage qui apporte les plus franches touches d'humour. Il est de surcroît visuellement particulièrement réussi. Face à lui se détache aussi Eddy Mitchell, excellent en roi des singes Louie. (D'ailleurs, je me demande s'il n'aurait pas été tout aussi bon dans le rôle de Baloo.) Chez les dames, la composition de Leïla Beikhti (en serpent Kaa) m'a plus marqué que celle de Cécile de France, plus classique en mère-louve. La séquence qui confronte le python à la "grenouille" est l'un des plus beaux moments du film.

   Quant à la panthère Bagheera, elle est doublée par Bernard Gabay, l'acteur qui assure la voix française de Robert Downey Jr. Du coup, je n'ai pas arrêté de penser à ce dernier pendant le film... et ça m'a un peu gâché le plaisir, parce que je trouve que cela ne correspond pas trop au personnage de la panthère, que par ailleurs j'aime beaucoup. (Qui plus est, visuellement, ce n'est pas le plus réussi.)

   Le scénario est linéaire, limpide, s'éloignant quand il le faut de ce que Kipling a écrit. Les puristes regretteront le manque de respect de l’œuvre littéraire, les autres se réjouiront que l'histoire soit accessible au jeune public. Cela donne un film d'aventures, rythmé, avec des rebondissements. Là, Jon Favreau est à l'aise et l'on comprend le choix de Disney. Dans une grande salle, on prend beaucoup de plaisir, avec, à l'écran, des images très soignées.

15:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films