dimanche, 21 février 2016
La Vache
Au départ, je n'avais pas l'intention d'aller voir ce film. Mais, le bouche-à-oreille étant très bon et les comédies françaises non lourdingues se faisant rares, j'ai pris le risque. L'histoire se déroule en Algérie et en France. (Signalons toutefois que c'est au Maroc que les scènes nord-africaines ont été tournées. C'est peut-être lié au fait qu'il n'est pas dit que du bien du régime d'Abdelaziz Bouteflika... ou tout simplement à l'influence de l'un des coproducteurs du film, l'humoriste Jamel Debbouze, dont la famille est d'origine marocaine.)
C'est d'abord une excellente comédie sociale, qui tourne en dérision les petits travers d'un village marocain algérien. Cela rappelle certains films d'antan, avec Fernandel ou Raimu, ou encore des comédies italiennes. Cela fonctionne grâce au talent de l'interprète principal, Fatsah Bouyahmed, parfait en idiot têtu. Il partage la vedette avec Jacqueline, une superbe vache de race tarentaise (on dit aussi tarine). Précisons qu'en réalité, ce sont deux vaches qui apparaissent à l'écran, une marocaine et une française.
L'humour continue de fonctionner quand le duo de héros débarque en France métropolitaine. On nous prend même un peu par surprise dans la scène avec la police douanière, qui se déroule de manière inattendue. Par la suite, j'ai trouvé très juste la séquence chez une agricultrice veuve, qui héberge temporairement le héros... et qui se prénomme Jacqueline !
Cela se gâte un peu par la suite. Déjà, à Marseille, j'avais été un peu agacé de retrouver Jamel Debbouze dans son éternelle caricature de mec de banlieue qui a la tchatche. La rencontre, par la suite, du châtelain désargenté (un comte) incarné par Lambert Wilson accumule les clichés. De surcroît, l'acteur français n'est pas très bon. Il aurait fallu lui faire rejouer certaines scènes.
Mais on est quand même emporté par l'histoire et par la fraîcheur de Fatsah Bouyahmed, qui va devenir le héros d'une soirée karaoké puis se retrouver coincé dans une manifestation de la FNSEA. Par contre, la mise en scène du rôle des réseaux sociaux est très convenue... et assez flatte-con. On n'a visiblement voulu prendre aucun public à rebrousse-poil... si bien que le héros algérien va traverser la France sans jamais se retrouver confronté à aucune marque de racisme. Si, d'un côté, on peut soutenir la volonté d'insister sur ce qui rapproche plutôt que sur ce qui sépare, à la longue, cette forme de "politiquement correct" est un peu lassante, particulièrement dans la séquence du salon de l'agriculture. L'ensemble n'en forme pas moins une comédie divertissante, qui (pour moi) a le mérite de révéler un acteur de talent.
23:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 20 février 2016
Zootopie
Cette utopie animale nous vient de chez Disney, qui a eu recours aux services de deux réalisateurs chevronnés : Rich Moore s'est fait la main sur Les Simpson et Byron Howard s'est fait remarquer naguère avec Princesse Raiponce. Ils ont été épaulés par une petite armée de techniciens et d'animateurs, comme en témoigne le générique de fin. La production a visiblement mis le paquet... et ça se voit à l'écran.
Le pelage des animaux est rendu avec une qualité qui n'est pas sans rappeler celle de Ratatouille... dont le producteur exécutif est le même : un certain John Lasseter (réalisateur de Cars et de Toy Story). Autre point commun entre ces deux films : le compositeur de la musique d'accompagnement, Michael Giacchino, un habitué des productions Pixar et de J-J Abrams, aussi bien au cinéma qu'à la télévision.
Mais revenons à nos lapins. Ceux-ci incarnent les Américains moyens. On suit plus particulièrement une famille d'agriculteurs (qui cultivent principalement... des carottes !). Leur fille Judy est leur fierté. C'est une brillante étudiante... mais elle veut intégrer la police ! La première partie de l'histoire est donc un décalque des films qui montrent l'ascension d'un personnage modeste. C'est très drôle parce que la petite lapine va devoir surmonter des épreuves conçues a priori pour des animaux de plus grande taille. Son inadaptation se vérifie jusque dans les toilettes ! Evidemment, à force de courage et d'abnégation, elle va s'en sortir. Je renouvelle mes compliments sur la qualité de l'animation. Cette lapine est magnifique, avec ses grands yeux expressifs, son pelage soyeux, ses oreilles en mouvement... et ses impressionnantes pattes arrière !
Mais le plus dur est à venir pour Judy. Celle qui n'a connu que la campagne et les petites villes va découvrir la capitale et ses quartiers aux climats tranchés. Son arrivée est truffée de détails comiques, de clins d'oeil au monde des humains, dont les animaux sont bien entendu des substituts. Cela culmine dans le premier jour de la policière sur le terrain, durant lequel ses grandes oreilles vont se révéler d'une redoutable efficacité !
L'intrigue bascule avec la rencontre d'un drôle de renard, à la personnalité assez complexe. L'évolution de sa relation avec la lapine constitue le fil rouge de l'histoire, avec l'enquête menée sur la disparition de mammifères et l'agressivité retrouvée de certains d'entre eux. A l'écran, c'est superbe et les péripéties sont menées sur un bon train, soutenu sans être trop rapide.
Le scénario ménage de nombreux rebondissements et de multiples rencontres. Quelle belle galerie de personnages secondaires ! On a beaucoup parlé des paresseux, qui sont au coeur d'une séquence de guichet hilarante. (On revoit l'un d'entre eux à la toute fin, dans une posture totalement inattendue... mais poilante !) Il ne faudrait pas oublier les loups, au comportement si prévisible, ni les ours polaires, qui servent de gardes du corps à un charismatique chef mafieux que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.
Il y aurait encore beaucoup à dire, tant les scènes sont inventives. C'est vraiment drôle et pas idiot sur le fond. La base de l'intrigue évoque les préjugés et les tensions raciales. Dans la seconde moitié du film, c'est de la gestion de l'insécurité dont il est question. Cette animation est à recommander absolument, aux petits comme aux grands !
15:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 19 février 2016
Ave, César !
Trois ans après le décevant Inside Llewyn Davis, les frères Coen reviennent avec un film consacré au monde du cinéma. Il fonctionne selon deux principes : l'hommage et le renversement. Commençons par ce dernier, illustré par le personnage principal, Eddie Mannix, un homme de l'ombre chargé de "mettre de l'huile dans les rouages" de la machinerie hollywoodienne. Il est incarné à la perfection par Josh Brolin, vu récemment dans Sicario et Sin City 2. C'est lui qu'on appelle quand on veut éviter la publication des photographies dénudées d'une starlette. C'est lui qui intervient pour trouver un père à l'enfant qu'attend une actrice célèbre... et officiellement célibataire. Il s'occupe aussi de payer la rançon d'une vedette enlevée par des communistes.. et, à l'occasion, il enfume la presse. Vu que sa conscience le travaille, il va quotidiennement se confesser... quitte à agacer le prêtre local.
Comme ce personnage occupe le premier plan, les acteurs célèbres qui sont venus faire coucou passent au second plan, chacun ayant toutefois droit à son moment de bravoure. On croise ainsi George Clooney dans un péplum d'où la dérision n'est pas absente, Scarlett Johansson peu vêtue dans un film aquatique, Channing Tatum en marin dans une comédie musicale et Ralph Fiennes en réalisateur dépressif. Signalons aussi les performances de Tilda Swinton (qui incarne deux jumelles odieuses) et de Frances McDormand, impayable en projectionniste fumeuse et cravatée. Tous sont brillants et bien épaulés par des seconds rôles au poil.
L'ensemble forme une mécanique très bien organisée, à laquelle il manque toutefois la folie qui caractérise certaines anciennes œuvres des frères Coen. Le fil rouge de l'intrigue est de surcroît ténu. Il "reste" une série de cartes postales sensationnelles, qui rendent hommage à plusieurs genres cinématographiques.
Clooney s'illustre donc dans un péplum chrétien, où les mouvements des soldats sont parfaitement dirigés et où l'humour est bon enfant, efficace et sans surprise. Plus inattendu est l'enlèvement de l'acteur par un groupuscule de scénaristes et figurants communistes ! Cela fait basculer l'histoire dans une ambiance de Guerre froide, qui culmine dans une séquence de sous-marin.
C'est d'ailleurs dans le milieu aquatique que s'illustre Scarlett. Au départ, on pense assister à une scène classique, très glamour. Mais les auteurs se sont amusés à casser l'image de l'une de leurs actrices fétiches. On est certes toujours ébloui par la beauté de la jeune femme... mais quelle surprise lorsqu'on entend celle qui interprète une sirène s'exprimer comme une poissonnière ! C'est peut-être un hommage à Arletty et à un certain cinéma français des années 1940. Sinon, la séquence est éblouissante de virtuosité, avec un ballet nautique rigoureusement exécuté et, à l'écran, une qualité d'image saisissante.
La chorégraphie est tout aussi maîtrisée dans l'épisode qui fait intervenir des marins en goguette. Leurs mouvements à l'intérieur du bar ont été conçus avec une précision millimétrique. L'habileté des frères Coen est d'introduire une mise en abyme, puisque l'on voit comment la séquence est censée être filmée, sur un plateau en mouvement. Les auteurs se paient aussi le luxe d'ironiser : certains déhanchements de ces jeunes hommes très virils suggèrent que leur intérêt ne se porte pas prioritairement sur les dames...
Un autre moment de bravoure est constitué par le tournage d'une romance, où le rôle principal a été attribué à un jeune benêt, rendu célèbre par ses cascades dans des westerns. Pendant plusieurs minutes (à l'écran), le réalisateur s'échine à lui faire dire correctement son texte. On n'en voit pas la conclusion tout de suite. Il faut rester vigilant, parce qu'un peu plus tard nous est proposé un extrait du film achevé... et l'on s'aperçoit que le réalisateur a pu contourner la difficulté !
Vous avez donc compris qu'il s'agit d'un kaléidoscope extrêmement brillant (à savourer de préférence en version originale sous-titrée). Certes, il manque d'unité et il sera peut-être hermétique aux spectateurs qui ne sont pas familiers de l’œuvre des frères Coen. Mais cela demeure un très bon film, largement au-dessus de quantité de bouses qu'on nous a balancées ces dernières semaines.
22:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 17 février 2016
Un métier à risques
C'est peu après 11 heures, ce matin, que, sur mon lieu de travail, a commencé à se répandre la nouvelle du meurtre d'une jeune conseillère de la Chambre d'agriculture de l'Aveyron, sur la commune de Mayran.
Dès que cela a été possible, tout le monde s'est rué sur les sites des médias locaux et nationaux, où l'on a pu lire les informations basiques sur cet horrible fait divers. Ici ou là, quelques imprécisions ont été relevées, sur l'heure du meurtre (7h ? 7h30 ? 8h30 ?) ou l'âge de la victime (estimé selon les sources à 25, 26 ou 27 ans). Presque tous les médias n'ont publié que le prénom de la victime (Elodie). Son identité complète a été révélée notamment par L'Obs.
Il serait déplacé de discuter ici des détails de l'agression dont la jeune femme a été la cible. La gendarmerie enquête. Laissons-la traiter cette affaire avec la circonspection qui s'impose. L'examen du contexte dans lequel ce meurtre s'est déroulé n'en est pas moins porteur d'enseignements sur quelques évolutions récentes du monde agricole et para-agricole.
La victime, technicienne à la Chambre d'agriculture, a pu être parfois désignée sous le nom de "contrôleur laitier". Cela appelle deux remarques. La première est que, depuis au moins une dizaine d'années, le contrôleur laitier est de plus en plus souvent... une contrôleuse. La profession, comme tant d'autres, s'est féminisée... et rajeunie. Les agriculteurs ont vu débarquer dans leur ferme un autre profil de technicien-ne, auquel ils n'étaient pas accoutumés.
Ces jeunes sont généralement issus de l'enseignement supérieur court. Ils (Elles) sont souvent titulaires d'un BTS, agricole ou pas. Ils (Elles) ont de plus en plus tendance à prolonger par une licence professionnelle. Ils (Elles) deviennent techniciens, à un poste où la rémunération dépasse rarement le SMIC. De surcroît, comme l'activité de conseil à laquelle ils (elles) se livrent ne se limite pas aux visites sur site (ils sont souvent contactés par téléphone... et pas qu'aux heures de boulot), on comprend vite que la fonction n'est pas des plus attractives. Du coup, dans certains départements, le turn-over est élevé, ce qui agace les agriculteurs plus âgés, habitués à garder longtemps le même interlocuteur, qui finit par comprendre à demi-mots les petits problèmes de ses "clients".
La deuxième remarque porte sur le travail de ces "contrôleurs". Ce sont fréquemment de simples conseillers, dont la mission est d'aider les agriculteurs à améliorer leur production, dans le respect de la réglementation existante. C'est le prix à payer pour garder une agriculture de qualité, quoi qu'en pensent les grandes gueules promptes à beugler contre les "contraintes administratives". Mais, pour certains agriculteurs, ces conseillers sont parfois les seuls visiteurs qu'ils reçoivent de la semaine. Si une relation de confiance s'installe entre les deux parties, le conseiller peut se muer en confident. Si c'est la méfiance qui l'emporte, le conseiller peut devenir le bouc émissaire du mal-être d'un agriculteur dépassé par les événements.
On pourrait penser que des femmes compétentes sur le plan technique sont mieux placées pour instaurer un dialogue apaisé avec des professionnels à cran. Mais, au quotidien, les jeunes femmes se retrouvent, de temps à autre, confrontées à des situations délicates... et à des individus qu'il serait difficile de qualifier de gentlemen. C'est qu'il peut s'en passer des choses, dans la quiétude d'une exploitation reculée ! Certaines garderaient une petite bombe dans leur sac. D'autres, plus sportives, se sentent suffisamment "entraînées" pour repousser un mec trop collant. Il y a aussi la solution du gros chien qui attend dans la voiture. Il paraît que ça calme bien des ardeurs...
Tout ça pour dire que la fonction de technicien-ne à la Chambre d'agriculture n'est pas de tout repos et que, si ce fait divers horrible pouvait (indirectement) contribuer à améliorer le sort de ces agents, ce ne serait déjà pas si mal.
18:32 Publié dans Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, presse, médias, journalisme, société, agriculture
dimanche, 14 février 2016
Délinquance juvénile (suite)
Cela fait partie des petits bonheurs de la lecture d'anciens journaux. Chaque semaine, l'hebdomadaire aveyronnais Le Villefranchois propose, dans un encadré, un extrait d'un numéro datant d'environ 100 ans. A l'époque, le journal s'appelait Le Narrateur. Voici ce qu'on peut lire dans l'exemplaire sorti jeudi dernier :
Comme cet organe de presse a été entièrement numérisé, on peut se rendre sur le site des Archives départementales de l'Aveyron pour vérifier que la citation est exacte :
Il s'agit bien d'un extrait du numéro du 12 février 1916. (Notons qu'une petite coupure a été pratiquée.) Dans la partie aveyronnaise des informations, on peut lire un article sur une nouvelle marraine de guerre, qui a accepté de correspondre avec un soldat prisonnier en Allemagne, père de six enfants. Un peu plus loin, il est question d'une éclipse de soleil et de nouvelles machines agricoles, dont la maniabilité a été testée.
La première page du journal est consacrée aux informations nationales et internationales. Les nouvelles des combats sont assez vagues et peu intéressantes. Au niveau des anecdotes, on retiendra les funérailles des victimes des bombardements opérés par les dirigeables allemands (les fameux Zeppelins). A l'étranger, c'est la guerre civile en Chine qui est l'honneur, ainsi qu'un mystérieux incendie du parlement canadien, à Ottawa. L'article penche pour un complot allemand.
Mais revenons à nos moutons aveyronnais. Les incivilités de 1916 ne sont pas sans rappeler (hélas) celles de notre époque, preuve que, d'un siècle à l'autre, la bêtise ne change guère. On en avait d'ailleurs déjà eu la preuve dans un précédent numéro du Villefranchois, paru il y a environ deux ans et demi.
P.S.
Concernant le Journal de l'Aveyron, dont les exemplaires ont eux aussi été numérisés, il conviendrait de mettre un peu d'ordre dans le classement des numéros. Quand on recherche ceux d'une année précise, on trouve les exemplaires présentés non pas par mois, mais en fonction du jour de parution, quel que soit le mois... si bien que, dans l'ordre des réponses pour l'année 1916, le numéro du 1er octobre arrive en tête, suivi de ceux du 2 janvier, du 2 avril, 2 juillet, 3 septembre, 3 décembre, 4 juin...
16:34 Publié dans Presse, Société, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médias, actualité, société
samedi, 13 février 2016
Chocolat
L'acteur Roschdy Zem revient derrière la caméra pour son quatrième long-métrage, six ans après Omar m'a tuer. Ici encore, il s'agit de rétablir la mémoire d'un personnage oublié/décrié, l'artiste Rafael Padilla, qui s'est jadis fait connaître dans le rôle du clown Chocolat.
Le réalisateur a voulu éviter de faire "un film de cirque". Il n'en est pas moins vrai que les séquences qui tournent autour de cet univers constituent l'un des attraits du film. Un gros travail a été effectué sur les costumes et les décors. Plus discrète mais non moins importante est l'intervention des éclairagistes. Le tout est servi par des interprètes excellents. Frédéric Pierrot et Noémie Lvovsky incarnent le couple qui dirige le cirque itinérant de province... pas tout à fait des Thénardier, mais il y a de l'idée. Olivier Gourmet fait contraste, en "manager" d'un établissement qui a pignon sur rue, à Paris.
Mais l'attention est évidemment davantage attirée par le duo de héros, joués par Omar Sy et James Thierrée. Celui-ci ressemble de plus en plus à son célèbre grand-père maternel :
Le choix de cet acteur s'est avéré particulièrement pertinent, puisqu'il est aussi artiste de cirque. Par moment, on a même l'impression qu'il est en train de voler la vedette à son partenaire. Omar Sy (qui a fait du chemin depuis Intouchables) n'en confirme pas moins tout le talent qu'on a perçu en lui. Il joue sur plusieurs registres et donne une force considérable à son personnage, pas tellement dans le domaine comique, mais dans le domaine dramatique.
Notons que Roschdy Zem n'a pas cherché à tourner une hagiographie. Il ne cache pas les faiblesses du héros, très porté sur les boissons fermentées et le jeu. Il avait aussi (comme beaucoup d'hommes) un rapport ambigu aux femmes. Ces personnages-là sont portés par des interprètes très convaincantes : Alice de Lencquesaing (la compagne du cirque de province) et Clotilde Hesme (la veuve rencontrée à Paris).
La principale limite du film, à mon avis, est qu'il ne rend pas bien compte de la force comique du duo de clowns. Après une première partie "sociale" (dans le cirque de province), on a droit à la période de succès des deux acolytes. Si les à-côtés de la célébrité sont bien montrés, en revanche, j'ai eu du mal à comprendre ce qui faisait tant rire le public. C'est peut-être une question d'époque : la nature de l'humour évolue avec le temps. Comme le réalisateur n'est pas parvenu à nous le faire comprendre par l'image, cela nous est expliqué avec des mots.
L'histoire comporte aussi un sous-texte : la dénonciation de la manière dont les "minorités visibles" ont été (et sont ?) traitées en France. C'est flagrant dans la séquence policière, de l'arrestation à l'emprisonnement du héros. C'est évidemment une référence au sort des actuels "sans-papiers". C'est aussi apparent dans la relation qui va se nouer entre Padilla et Victor, un intellectuel présenté comme haïtien mais dont le personnage pourrait (de manière anachronique) avoir été inspiré par Franz Fanon et Aimé Césaire. Il est (brillamment) interprété par Alex Descas (qui a d'ailleurs déjà incarné le chantre de la négritude pour le petit écran).
Au second degré, le film est aussi une mise en abyme de la vie et la carrière d'Omar Sy, devenu populaire (comme Padilla) en amusant le public (même si ce n'était pas en se prenant des coups de pied aux fesses), et qui est parvenu, non sans difficulté, à sortir du carcan comique dans lequel il était enfermé. Mais, dans ce cas précis, les préjugés qui sont à l'oeuvre ne sont pas de l'ordre du racisme. De grands acteurs comme Louis de Funès, Bourvil et Fernandel en ont été victimes... et ils n'étaient pas noirs, que je sache. Une partie du public trouve confortable de catégoriser les acteurs et accepte mal de les voir sortir de leur registre de prédilection.
P.S.
Peu avant la sortie du film a été inaugurée une plaque rendant hommage au duo de clowns, à Paris.
P.S. II
A Bordeaux se trouve une autre plaque, dans le cimetière où est enterré Rafael Padilla. C'est le seul élément qui émerge de la tombe, extrêmement rudimentaire.
14:01 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 12 février 2016
La Cinquième Vague
Je me suis laissé tenter par cette nouvelle adaptation d'un roman de science-fiction a priori plutôt destinée aux adolescents et jeunes adultes. On perçoit assez rapidement les ressemblances avec Hunger Games et Divergente (mais aussi la série Révolution), l'originalité scénaristique résidant ici dans l'intervention d'extraterrestres.
Cela donne plusieurs scènes spectaculaires, notamment au début, quand sont relatées les premières vagues d'agression. Je recommande tout particulièrement la mise hors service des appareils électroniques et le gigantesque tsunami qui frappe une ville asiatique (sans doute Bangkok). Plus loin dans l'histoire, on retrouve ce souffle dans la séquence de la base militaire. Au niveau des effets spéciaux, il faut signaler l'ingéniosité de la représentation virtuelle des humains et des "autres". Même si ce film n'a pas bénéficié d'autant de moyens financiers que les prédécesseurs dont il s'inspire, le résultat est techniquement réussi.
Au niveau des personnages, on sent le formatage pour le public-cible. Quatre jeunes occupent le premier plan, deux garçons et deux filles, de styles différents. Du côté féminin, on trouve inévitablement une blonde (l'héroïne, incarnée par Chloë Grace Moretz, vue récemment dans Equalizer) un peu effacée (au début) et une brune volcanique, tendance gothique bourge. Du côté masculin, on rencontre le-mec-cool-plein-de-charme-mais-qui-n-en-laisse-rien-paraître et le beau ténébreux baraqué.
L'aspect physique a donc joué un rôle déterminant dans le choix des acteurs. Le scénario s'appuie d'ailleurs complaisamment sur les "qualités" des personnages. Il se trouve que l'héroïne va être blessée à la cuisse, prétexte à plusieurs scènes de pansement, qui ne permettent pas aux téléspectateurs d'ignorer à quel point Cassie est bien gaulée... Ringer la rebelle bénéficie d'une approche moins invasive : la caméra s'attarde juste sur son ravissant petit cul, moulé dans un pantalon hyper serré qui n'a sans doute pas été facile à enfiler. Quant à Evan le beau gosse, il a droit à une scène de baignade (un joli retournement par rapport à ce qu'on a pu voir jadis dans des films où la répartition des rôles est plus "traditionnelle"). Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que le bonhomme a dû passer un paquet d'heures sur le banc de musculation.
La principale faiblesse du film réside dans ses dialogues (entendus en version française). Si, dans les scènes d'action, on ne remarque rien de préjudiciable, dans les scènes de transition, cela devient gênant. J'ai notamment en tête la séparation de Cassie et Sam, son petit frère, téléphonée comme c'est pas permis et inutilement languissante. Heureusement, les seconds rôles "adultes" assurent, à commencer par Liev Schreiber et Maria Bello, qui donnent du tonus à l'intrigue.
Si malgré tout cela l'on n'arrive pas à "accrocher", on peut se livrer à un petit jeu. On apprend rapidement que les "autres" ont pris apparence humaine. Il est donc piquant de se demander qui, parmi les personnages principaux, est un extraterrestre infiltré. Sans me vanter, j'ai presque tout deviné !
10:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 09 février 2016
Indignité
Hier lundi, l'Assemblée nationale a débattu de l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution. En réalité, je devrais plutôt écrire : une faible proportion des membres de l'Assemblée nationale était présente pour débattre de ce sujet capital. Selon Le Monde, seuls 136 des 577 députés se trouvaient au Palais Bourbon, soit 23,6 % du total... même pas le quart !
Quand on analyse le détail du vote (sur le site de l'Assemblée nationale), on constate que le pourcentage de présents varie fortement d'un groupe politique à l'autre. La palme revient aux écologistes, avec 10 députés présents sur 18 (soit 56 %). C'est le seul groupe dont la majorité des membres se trouvait sur son lieu de travail. Arrive derrière le groupe "socialiste, républicain et citoyen", avec 110 députés présents sur 287 (soit 38 %). Vient ensuite la "gauche démocrate et républicaine", avec 3 présents sur 15 (un petit 20 %), juste devant les radicaux, qui comptaient 3 présents sur 18 possibles (soit 17 %).
Du côté des "non inscrits", un seul des onze élus se trouvait là (soit 9 %)... davantage que pour l'U.D.I., dont les deux présents (sur 29) lui permettent d'atteindre le taux de présence (faramineux) de 7 %. La lanterne rouge est le groupe "Les Républicains" qui, en la circonstance, donnent un fort mauvais exemple de républicanisme : les dix députés présents (sur 196) ne représentent que 5 % du total !
Et les élus aveyronnais dans tout cela ? En consultant la liste des votants socialistes, on tombe sur Marie-Lou Marcel. Par contre, il n'y a aucune trace des deux autres députés (Les Républicains) : ni le vétéran Yves Censi ni le fraîchement élu Arnaud Viala n'ont daigné participer à ce vote pourtant fondamental.
Il faut dire qu'ils étaient occupés ailleurs... à cirer les pompes de l'ancien président Nicolas Sarkozy, venu faire son autopromotion prendre le pouls du "pays réel" dans la campagne aveyronnaise. Et regardez comme ils se pressent autour de lui, pour avoir leur bobine dans La Dépêche du Midi :
... ou dans Centre Presse :
Ceux qui ont un peu de mémoire se souviendront de la précédente venue de Nicolas Sarkozy, dans le Carladez, en 2010. Les élus avaient fait montre du même comportement puéril. Au moins, à cette époque, on ne pouvait pas leur reprocher d'esquiver un débat d'importance à l'Assemblée nationale.
19:48 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, société, france
samedi, 06 février 2016
Beijing Stories
C'est un premier film, du cinéaste chinois Pengfei Song, coproduit par la France. L'intrigue est construite autour de la vie de plusieurs personnages de la "Chine d'en-bas", tous citadins, habitant le Grand Pékin (entouré de plusieurs boulevards périphériques, dont la chronique des embouteillages occupe une partie de la programmation radiophonique). Mais tous ne sont pas originaires de la ville, loin de là. Au détour d'une conversation, on apprend qu'untel vient du Sichuan, une autre du Henan... Le Pékin d'aujourd'hui joue un peu le rôle du Paris d'autrefois en France.
Deux des personnages principaux logent dans le sous-sol d'un grand immeuble. Les caves ont été aménagées en studettes approximatives, douches et WC étant communs. [Ne croyez pas que cela se limite à la Chine. Dans la grande ville universitaire où j'ai fait mes études (au XXe siècle !), j'ai un jour fait la connaissance d'un gars au RMI, qui logeait dans ce type de sous-sol, juste un poil mieux aménagé que ce qui est montré dans le film. Dans sa chambre de 5-6 m², il avait entassé tous ses maigres biens, le plus précieux d'entre eux étant un petit poste de télévision -doté d'une antenne mobile- sur lequel il était parvenu à brancher un vieux magnétoscope.]
Le jeune homme est une sorte d'auto-entrepreneur. A l'aide d'une vieille camionnette, il écume les nombreux chantiers de la ville, en quête de meubles abandonnés, qu'il revend. Le véhicule est à l'image de l'emploi du héros : il n'est pas fait pour lui mais, avec un peu d'ingéniosité, il s'y adapte très bien. Un accident va d'ailleurs rapprocher l'homme de la machine brinquebalante, l'empêchant d'exercer son activité. Mais ce mal va avoir des conséquences positives : il va se faire un ami... et rencontrer l'une de ses voisines, qu'il n'avait pas remarquée jusqu'à présent.
Dans ces bas-fonds, on se croise sans se parler. Rares sont les relations de bon voisinage... d'autant plus que l'isolation phonique étant rudimentaire, on sait à peu près tout de la vie quotidienne des occupants d'à-côté... voire au-delà. Xiao semble être indifférente à tout cela. La jeune femme est du genre mutique, un paradoxe pour une "pole danseuse" qui joue aussi l'hôtesse dans un bar du centre. Lorsqu'elle change la déco de son cagibi, on se demande si ce n'est pas autant pour l'esthétique que pour gagner un peu d'intimité.
A l'écran, cela donne plusieurs plans très jolis, cadrés avec un réel sens de l'image. On perçoit cette habileté à d'autres occasions, comme lorsque le jeune homme devenu handicapé reçoit la visite de son nouvel ami. J'ai mis du temps à comprendre que l'image qui nous était proposée était plus complexe que ce qu'elle paraissait : à côté de la porte-grille se trouve en fait un miroir, qui montre ce qui se trouve en face. Cela donne, dans le même plan, un joli champ-contrechamp !
Plus loin, ce sont les conséquences de pluies diluviennes, dans l'un des escaliers de l'immeuble, qui sont mises en scène avec un talent certain. Le réalisateur excelle dans l'art de suggérer les sentiments des protagonistes avec des moyens visuels. Je recommande tout particulièrement les scènes où intervient la famille du troisième personnage principal (notamment les repas).
Ce dernier habite à l'écart de l'hypercentre, dans un quartier en pleine "rénovation". Cela veut dire qu'on en expulse les occupants primitifs (propriétaires de maisons individuelles), d'abord en employant des arguments financiers, ensuite en utilisant d'autres moyens... Ce Lao Jin, sans doute frappé par le cancer, veut tirer le meilleur prix possible de sa baraque. Il refuse de vendre aux promoteurs immobiliers. Le voilà donc avec sa femme et son fils (évidemment unique), derniers occupants du quartier, auxquels on coupe l'électricité... et dont le sommeil est perturbé par les perpétuelles vocalises d'un oiseau qui a trouvé refuge dans l'arbre qui jouxte la maison !
Il y a donc bien quelques moments de comédie dans cette histoire assez sombre. Chacun cherche à monter dans l'échelle sociale. Au niveau de l'immeuble, cela veut dire grimper de quelques étages. Mais, pour cela, il faut trouver un travail mieux payé ou gagner une grosse somme d'un coup. Cette quête perpétuelle d'argent risque de faire oublier l'essentiel aux personnages, à savoir l'amour, l'amitié et les relations familiales.
Le film est donc riche des thématiques qu'il aborde... et pourtant, il ne dure qu'1h15. C'est avec regret qu'on quitte ces personnages, d'autant que l'intrigue s'achève sur une situation ouverte, du moins pour certains d'entre eux.
12:03 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 05 février 2016
Tout en haut du monde
Cette coproduction franco-danoise est une sorte de roman d'aventures à l'ancienne. Le réalisateur, Rémi Chayé, a officié naguère sur l'original Brendan et le secret de Kells. A l'écran, un oeil exercé en reconnaîtra la "patte", même si le style s'est affiné.
L'héroïne est Sasha, une jeune aristocrate russe très liée à son grand-père maternel. Celui-ci est l'archétype du noble dévoré par sa passion (ici l'exploration du Grand Nord), à la fois charismatique... et un peu dingo. On le perçoit principalement à travers les yeux de sa petite-fille, puisqu'il a disparu dans une expédition audacieuse.
Comme l'adolescente ne manque pas de caractère, elle envisage très sérieusement de partir à la recherche de son papy. Mais elle doit respecter les convenances de haute société, dans laquelle son père si autoritaire tente de s'insérer. La séquence du bal joue un rôle décisif dans l'intrigue. Cela m'a rappelé les romans de Léon Tolstoï.
Mais, à partir de là, c'est l'esprit de Jules Verne qui semble souffler sur l'histoire. Sasha va se lancer dans une improbable aventure et faire la rencontre de personnages plus ou moins bien disposés à son égard. La talent du scénario consiste à faire doucement évoluer les relations entre les protagonistes au cours de l'intrigue.
Dans un premier temps, c'est le ton de la comédie qui s'impose, avec le séjour obligé de la jeune dame dans une auberge fréquentée par des marins et des dockers. Il va falloir se lever très tôt, couper du bois, préparer des repas, porter des plats lourds... et supporter les remarques de la clientèle quasi exclusivement masculine. La patronne de la taverne est le seul autre personnage féminin d'importance.
La suite montre le voyage dans le Grand Nord, riche en péripéties. Comme dans le récent Béliers, une tempête de neige (un blizzard, même) va jouer un rôle important. C'est très réussi sur le plan formel et, comme les dialogues sont bien écrits, les petits comme les grands passent un très bon moment.
P.S.
Sur le site dédié, on peut (entre autres) télécharger un dossier de presse très bien conçu.
13:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 31 janvier 2016
Le Dernier Jour d'Yitzhak Rabin
Vingt ans après l'assassinat du Premier ministre israélien par un intégriste juif, le cinéaste Amos Gitaï revient sur le déroulement de ce 4 novembre 1995, mais aussi sur les événements qui l'ont précédé et sur l'enquête menée par la commission chargée d'examiner les dysfonctionnements au niveau de la sécurité. Le documentaire est au final un assemblage d'images d'archives, de scènes reconstituées et d'entrevues. On commence d'ailleurs par un entretien entre l'actrice Yaël Abecassis (vue récemment dans Rendez-vous à Atlit) et l'ancien président d'Israël (entre autres fonctions) Shimon Peres. Le vieillard est calme, très digne, face à une interlocutrice au charme de laquelle il est difficile de ne pas être sensible.
Les amateurs d'images-chocs apprécieront la suite, qui montre l'impressionnante manifestation pour la paix, organisée à l'initiative d'Yitzhak Rabin... jusqu'à son assassinat, partiellement filmé en direct, par accident, par un caméraman qui n'aurait pas dû se trouver là. A partir de ce moment, les scènes reconstituées prennent le dessus... et le film prend une autre dimension.
Il aurait d'ailleurs pu se limiter à ces scènes, tant elles sont bien interprétées et porteuses d'une grande intensité dramatique. La majorité montrent le travail de la commission d'enquête et l'audition de différents acteurs des événements : policier, membre du service de protection des personnalités, journaliste, militant pour la paix, enseignante d'une école religieuse, haut-magistrat...
Quand on lit entre les lignes, on comprend que le réalisateur penche pour l'existence d'un complot pour assassiner le Premier ministre qui avait pactisé avec le "diable" (Arafat). Ainsi, le caméraman évoque ce membre des services secrets en civil, qui lui intime de dégager de la proximité de l'escalier... quelques minutes avant que Rabin ne s'y fasse tuer. Les policiers peinent à expliquer comment il est possible que le meurtrier ait pu se faufiler entre les mailles du filet de protection. En contrepoint, l'acteur qui incarne l'assassin (excellent) nous fait bien saisir ses motivations national-religieuses tout comme le caractère opportuniste de son passage à l'acte. C'est davantage le contexte de haine et les circonstances (le désordre généré par une manifestation monstre) qui expliquent que l'assassinat ait pu être possible. Même le petit retard du véhicule qui a emmené le corps du blessé à l'hôpital proche peut se comprendre... d'autant plus, qu'à l'époque, les téléphones portables n'occupaient qu'une place marginale.
C'est sur ce qui s'est passé avant et après que la démonstration est la plus convaincante. Il semble qu'on ait cherché à corseter le travail de la commission d'enquête. Celle-ci finit par découvrir que l'instruction du procès de l'assassin a volontairement écarté certaines hypothèses. Formidable est la confrontation entre les membres de la commission et le haut-magistrat... dont on finit par comprendre qu'il est proche des religieux. Ces scènes d'interrogatoire ne sont pas sans rappeler de très bons films de procès.
L'autre grand intérêt du film est la mise au jour (pour ceux qui l'ignoreraient) de l'influence de la droite religieuse israélienne. Cela va des colons de Cisjordanie aux rabbins fondamentalistes qui auraient lancé une sorte d'appel au meurtre. Remplacez la kippa par une calotte, la Torah par le Coran, et vous n'aurez guère de lignes de texte à changer pour vous retrouver chez les extrémistes musulmans. Cette dénonciation implacable, servie, je le rappelle, par d'excellents interprètes, est complétée par des images d'archives, dans lesquelles on reconnaît un visage familier, celui de Benyamin Nétanyahou, alors chef de l'opposition, aujourd'hui Premier ministre (depuis bientôt sept ans).
Notons qu'un grand soin a été apporté à la réalisation des scènes reconstituées et que la musique est judicieusement choisie. Le seul bémol est la longueur de l'ensemble : 2h30, que l'on sent bien passer. On aurait sans doute pu se passer de certaines séquences. Mais cela reste un très bon film.
00:31 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, histoire, film, films
samedi, 30 janvier 2016
Les Saisons
Six ans après Océans, Jacques Perrin revient avec un documentaire animalo-historico-écologique. C'est à la fois un hommage vibrant à la faune peuplant les forêts, un essai d'histoire de la vie sauvage (depuis la dernière glaciation) et un plaidoyer contre la destruction des milieux naturels (par l'être humain). On n'est finalement pas très loin d'Amazonia.
La première demi-heure est de toute beauté. Cela commence par la vision d'un troupeau de bisons (ou de boeufs musqués) sous la neige, certains s'ébrouant tels de très gros chiens empâtés... étonnant ! Impressionnante aussi est la scène qui montre des chevaux sauvages se poursuivre et se quereller, au besoin à grands coups de sabots ! Confortablement assis dans la salle 1 du cinéma de Rodez, j'ai savouré !
Comme la première partie est censée se dérouler à la toute fin de l'âge glaciaire, l'accent est mis sur les animaux qui peuplent aujourd'hui les contrées polaires (ou proches). On ne s'étonnera donc pas de rencontrer le harfang des neiges (magnifique), des ours (bruns) et des loups.
Les plans mettant en scène les oiseaux sont souvent drôles, soit qu'on les montre tournant, penchant la tête (sans doute pour mieux regarder les preneurs d'images !), soit qu'on les filme dans leur nid, glissant la tête par l'ouverture creusée dans le tronc d'un arbre pour observer les environs. Les ours sont eux aussi liés aux arbres : ils adorent y grimper ! C'est un jeu courant chez les petits... et c'est visiblement un moyen de trouver un coin tranquille pour dormir chez les adultes. Les loups bénéficient d'un peu plus d'attention que les autres. On suit les évolutions des nouveaux-nés, vraiment mignons. On est moins attendri quand on voit chasser les adultes, en groupe, ou quand on voit les membres d'une meute s'entredéchirer pour un morceau de chair.
Du côté de leurs proies, ce sont les cervidés qui ont le beau rôle. Classiques mais toujours impressionnantes sont les scènes qui montrent les mâles en plein brame ou s'affrontant en entrechoquant leurs ramures. Les biches sont toutefois plus souvent à l'écran : elles sont convoitées par de nombreux prédateurs. Mais le moment le plus émouvant est sans conteste celui de la naissance du faon, qui prend les spectateurs au dépourvu... Silence complet dans la salle.
L'amateur de félidés que je suis a dû se contenter du lynx, qui tente successivement de boulotter un renard et une biche. Ce n'est pas le chasseur le plus habile ni le plus rapide... mais il est discret et diablement agile.
La deuxième partie du film ne fait que développer ce qui a été vu dans la première. On suit les animaux dans un environnement désormais tempéré. Ce n'est qu'au détour d'un sous-bois que l'on aperçoit le premier des humains. L'un d'entre eux va tenter d'apprivoiser un loup.
Mais la présence humaine, qui ne cesse de croître, a surtout pour conséquence la dégradation de l'environnement des bêtes sauvages. Le propos se fait alors franchement militant. Aux agriculteurs du Néolithique succèdent les Romains, puis les chevaliers du Moyen Age, les chasseurs de l'époque moderne et ainsi de suite. Même si je partage l'inquiétude des auteurs, ce n'est pas la partie que j'ai préférée. D'un strict point de vue cinématographique, il aurait été à mon avis plus emballant de rester sur le ton de l'hommage grandiose à la nature, qui donne tant de force à la première demi-heure.
P.S.
Sur le site internet dédié, on peut consulter des extraits des livres qui accompagnent la sortie du film.
12:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 26 janvier 2016
Le sophiste et le chariot à moteur
Tel sophiste, gloire des salons de Paris,
Accepta, contre un petit paquet de ducats,
De chanter les louanges d'un clinquant châssis
Aux tréfonds du ventre d'un cétacé rouergat.
Pensant pérorer devant un public conquis
De grosses perles-z-il fit tout un agrégat
N'imaginant pas être jamais contredit.
Il fallut pourtant bien que cela arrivât.
Quelques voix s'élevèrent du troupeau assis
Que le sophiste traita avec grand mépris
Révélant ainsi sa nature de goujat.
Henri Cool de Source
19:09 Publié dans Bouts rimés, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, politique, actualité, poésie
samedi, 23 janvier 2016
Royal Aubrac
C'est le titre d'une bande dessinée en deux tomes, parus il y a quelques années aux éditions Vents d'Ouest. Les auteurs sont Christophe Bec et Nicolas Sure. L'action a pour cadre le Nord Aveyron et l'un de ses lieux emblématiques, l'ancien hôtel-sanatorium de la commune de Saint-Chély-d'Aubrac, situé à proximité du village même d'Aubrac. En voici une représentation, publiée en 1904 dans le livre d'Eugène Marre, La Race d'Aubrac et le fromage de Laguiole :
Le premier tome de la bande dessinée plante le décor, alternant plusieurs types de scènes : celles qui se déroulent à l'époque principale (les années 1906-1909), celles qui rappellent des événements passés (principalement la jeunesse du héros, François-Alexandre de Peyregrandes) et celles qui représentent des épisodes cauchemardesques. Résultat : si le style est très classique, la diversité des ambiances rend la lecture très agréable.
Le début de l'histoire nous fait découvrir les principaux personnages (essentiellement des malades), certains hauts en couleur. Auparavant, la mise en bouche a présenté l'Aubrac enneigé, un voyage en chemin de fer qui s'achève en autobus et un premier contact avec les "locaux", qui s'expriment dans une langue étrange. L'humour surgit au détour des confidences des malades, ou lorsque l'un d'entre eux adopte un comportement qui sort de l'ordinaire. D'un point de vue documentaire, on suit la cure des (riches) victimes de la tuberculose, qui logent dans des chambres au confort assez rudimentaire... mais bénéficient d'un service impeccable. (Parfois, il règne une ambiance qui n'est pas sans rappeler celle du Grand Budapest Hotel.) Ceux qui ont connu l'établissement du temps où il était géré par la F.O.L. (Fédération des Oeuvres Laïques) ressentiront un brin de nostalgie.
Je mets un bémol au niveau des dialogues, parfois trop littéraires... ou "pompés" sur une source écrite non mentionnée. C'est évident dans certains propos du docteur Raynal, qui dirige l'établissement : on a l'impression qu'il récite un dictionnaire médical. C'est encore plus flagrant dans l'épisode de la conférence du médecin (sur l'histoire de la tuberculose), dont les propos sont mot pour mot ceux que j'ai trouvés sur un site belge consacré aux médecins pendant la Première guerre mondiale :
Quand je m'en suis rendu compte, cela m'a un peu gâché le plaisir, mais, pris par l'histoire, j'ai quand même acquis le second tome :
Celui-ci est plus noir, puisqu'il voit mourir plusieurs des personnages principaux. Il n'en est pas moins intéressant. Il présente plusieurs aspects de l'histoire et de la vie aveyronnaises. Quand il est question de la fondation de la domerie d'Aubrac, on a de nouveau l'impression que l'auteur recopie mot pour mot une source non mentionnée. Par contre, quand ils évoquent la vie des paysans aveyronnais, le scénariste et le dessinateur se montrent très inspirés, en particulier dans les scènes de soirée ou de nuit.
L'action est plus rythmée dans ce second volume, parce que certains personnages s'échappent brièvement du sanatorium, pour descendre dans la vallée ou pousser jusqu'en Auvergne, en quête de sensations. Quelques nouveaux protagonistes apparaissent mais, hélas, d'autres meurent. Cet aspect macabre est contrebalancé par l'amour grandissant entre le héros et Geneviève, qui souffre du même mal que lui.
L'ensemble forme une belle histoire, véritable hommage à un terroir et utile rappel des difficiles conditions sanitaires auxquelles notre pays était confronté, au début du XXe siècle.
Aujourd'hui, d'après certains, le bâtiment tombe en ruines. Il y a quelques années, il avait été racheté à la F.O.L. par Roger Cousty, qui prévoyait d'en faire un lieu de villégiature moyen / haut-de-gamme. (Le projet est encore accessible sur la Toile.) L'entrepreneur n'est pas parvenu à ses fins. L'an dernier, la presse aveyronnaise évoquait un nouveau changement de propriétaire. A suivre...
23:36 Publié dans Aveyron, mon amour, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, bande dessinée, bd, bande-dessinée
vendredi, 22 janvier 2016
Féminisme assyrien
Il y a environ 4 000 ans, dans la région de Mossoul, où sévissent actuellement les nervis de l'Etat islamique, des femmes jouissaient d'une assez grande liberté, comme on peut le constater en lisant l'un des articles du dernier numéro des Cahiers de Sciences & Vie (celui de janvier 2016) :
C'est grâce à la traduction de milliers de tablettes d'argile que l'on en a appris davantage sur cette prestigieuse civilisation. On découvre ainsi des bribes de correspondance au sein de familles de marchands. Le père ou mari étant souvent en déplacement, une grande autonomie était laissée aux épouses et aux filles qui, de surcroît, avaient appris à lire, écrire et compter (autant de compétences qu'on serait ravi de voir maîtrisées par les élèves qui sortent de l'école primaire française du XXIe siècle...).
Les extraits proposés dans l'article témoignent de l'aplomb avec lequel les marchandes s'exprimaient : elles n'étaient visiblement pas des épouses ou des filles soumises et effacées. Elles pouvaient d'ailleurs décider de divorcer. Ajoutons qu'à cette époque, le monde assyrien tend vers la monogamie (contrairement à ce qui existe dans bien d'autres civilisations de l'Antiquité, du Moyen Age... voire de l'époque contemporaine). Il existait même des femmes adultes célibataires, qui pouvaient posséder des terres et hériter des biens de leur père.
Ce numéro des Cahiers de Sciences & Vie comporte d'autres articles enrichissants. Certains d'entre eux n'apprendront pas grand chose à ceux qui s'intéressent à des sujets comme le Saint Suaire de Turin ou les conséquences de l'éruption du Vésuve à Pompéi en 79. Le dossier qui fait la Une (consacré aux "invasions barbares") fait le point sur une question controversée, en s'appuyant sur de nombreux documents. Je recommande aussi l'article consacré à la violence à l'époque néolithique et celui qui évoque les pilleurs de patrimoine.
Pour moins de six euros, cela vaut le coup !
11:42 Publié dans Histoire, Presse, Proche-Orient, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, presse, médias, journalisme, société, femme
dimanche, 17 janvier 2016
Belle et Sébastien : l'aventure continue
J'ai fini par me décider à aller voir ce film, alors que j'avais apprécié sans plus le premier volet des aventures du gamin et du chien Montagne des Pyrénées. Le cinéphile que je suis en est ressorti partagé. C'est pourquoi je vais proposer deux critiques : l'une favorable, l'autre défavorable (celle-ci dévoilant certains aspects importants de l'intrigue). Faites votre choix !
LA CRITIQUE FAVORABLE
On retrouve avec plaisir la plupart des héros du premier volet... d'autant plus que Tchéky Karyo, peut-être mieux dirigé par un réalisateur dont il est familier (Christian Duguay), semble plus à son aise. De surcroît, la distribution s'est enrichie de Thierry Neuvic, l'un des très bons seconds rôles du cinéma français, que l'on a pu voir jadis dans Au-delà, plus récemment dans L'Affaire SK1 et Antigang. Ce personnage d'aviateur grande gueule et (en apparence) égoïste donne du tonus à l'intrigue. J'ai aussi apprécié les rares apparitions du mécano (Jeffrey Noel, très bien), qui introduisent des moments de comédie.
L'histoire ne bénéficie plus, comme dans le précédent film, de la tension créée par l'occupation allemande. L'action se déroule juste après la guerre. Du coup, les scénaristes ont imaginé un accident dont on ne connaît pas totalement les conséquences. Cela va amener les héros à entrer en contact avec des bûcherons italiens, l'enfant de l'un d'entre eux devenant proche de Sébastien.
Signalons que les paysages sont toujours aussi beaux. De plus, un avion intervenant à plusieurs moments dans l'intrigue, on a droit à quelques vues aériennes de toute beauté. Mais le principal atout de l'histoire est sans conteste les animaux. Il y a bien sûr Belle, incarnée par trois (ou quatre) chiens différents à l'écran. On est stupéfait par ce que les dresseurs ont réussi à leur faire faire... et quelle magnifique trogne en gros plan !
Ce deuxième volet propose régulièrement des plans mettant en scène d'autres animaux. On a beaucoup parlé de l'ours, impressionnant, mais, incontestablement, c'est la scène de migration des animaux de la forêt (fuyant le feu) qui est la plus réussie. Les spectateurs attentifs remarqueront aussi, ici ou là, la présence d'un insecte sur une pierre, d'un lièvre au coin du bois, d'un renard, d'un loup et même d'un rapace. Ce film est une ode à la nature, une sorte de paradis perdu, dans lequel il était possible de tremper sa gourde dans l'eau d'un ruisseau pour s'alimenter.
C'est aussi une belle aventure humaine, celle d'un père et d'un fils qui vont se découvrir et, finalement, s'apprécier. Dans le même temps, les spectateurs en apprennent davantage sur le passé de Sébastien et de ses parents biologiques. Cela donne un beau divertissement familial, qui peut toutefois, par instants, effrayer les petits.
LA CRITIQUE DÉFAVORABLE
Dans ce second volet, on réalise vite que le jeune Félix Bossuet n'a pas fait de progrès dans le métier d'acteur (ou qu'il est toujours aussi mal dirigé) : il dit son texte de manière toujours aussi maladroite. Les adultes s'en sortent en général un peu mieux.
La grande découverte du début de l'histoire est celle de l'existence de son père, qui, curieusement, vit à seulement quelques kilomètres de là. Notons qu'en dix ans, personne ne semble avoir évoqué la possibilité que le gamin puisse être de lui. Là, on se dit que le papa aviateur ne doit pas être très futé. On en a la confirmation quand on le voit décoller sans s'être aperçu que Belle et Sébastien sont montés à bord, occasionnant tout de même une jolie surcharge !
A proximité du lieu où l'avion se pose (en catastrophe), le gamin fausse compagnie à son paternel. Non seulement il se débrouille comme un chef, dans la forêt, avec son chien, mais, un peu plus tard, il va tout aussi facilement s'éclipser du campement où se sont installés les pompiers et les bûcherons... sans réveiller aucun adulte, malgré le raffut qu'il fait ! Cependant, le fiston ne se révèle pas plus malin que son géniteur, puisqu'il est bien le seul à ne pas avoir remarqué dès le début que Gabriele, sous sa casquette, ne pouvait être qu'une fille. De surcroît, il entraîne sa nouvelle amie au cœur de l'incendie, dont super-papa (qui a enfin enfilé son costume de super-héros) va les tirer à coup de dynamite.
Mais le pire est à venir. La petite troupe va parvenir à retrouver Angelina, la mère de substitution de Sébastien, qui se trouvait dans l'avion écrasé en forêt. Comme par hasard, c'est la seule survivante, alors que tous les autres passagers ont fini carbonisés. S'en est-elle sortie grâce à un parachute ? On n'en sait rien. En tout cas, on n'en voit pas la trace, dans l'anfractuosité rocheuse où elle a atterri. Comble de l'invraisemblance, elle est bloquée au fond d'une crevasse, alors que la bombe de fumée orange qui signale sa présence a été actionnée en haut. Comment est-ce possible ? On ne nous l'explique pas.
Il convient donc d'être très indulgent pour profiter à son aise de cette histoire cousue de fil blanc.
12:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 16 janvier 2016
The Big Short
Ce "casse du siècle" est le résultat d'un pari audacieux, celui que les titres boursiers constitués de prêts immobiliers étaient considérablement surévalués et qu'ils allaient s'effondrer, entraînant avec eux les banques et les épargnants.
L'intrigue suit plusieurs mecs futés, qui ont compris avant les autres que le système était fragile... et même frauduleux. Quelques vedettes sont venues à la rescousse d'une histoire a priori un peu rébarbative, notamment Christian Bale, Ryan Gosling et Brad Pitt (qui coproduit). On les a un peu enlaidis, pour les faire davantage ressembler aux types qui se sont réellement fait du blé avec la crise des subprimes : Ryan Gosling est coiffé comme un maquereau, Brad Pitt pourrait sortir du bois avec une hache sur l'épaule et Christian Bale a du mal à supporter la prothèse dentaire qu'on lui a fourrée dans la bouche... (Mais, je rassure les dames, une scène de piscine confirme qu'il a gardé son corps d'athlète...)
C'est symbolique de l'ambiguïté du film. Il dénonce le culte des apparences, l'argent facile, la malhonnêteté... et (de manière très américaine) il met en valeur la réussite d'un groupe de francs-tireurs, qui se sont montrés plus malins que le système... et qui sont, à bien des égards, tout aussi malhonnêtes et cupides. Seuls les personnages incarnés par Brad Pitt et Steve Carell se montrent, par instants, capables de regarder au-delà de leur nombril.
Sur le fond, l'intrigue se veut pédagogique. L'enjeu était d'à la fois divertir et rendre compréhensible certains des mécanismes de la crise. Le résultat est moins aride qu'Inside Job, mais moins emballant que Margin Call ou encore Cleveland contre Wall Street. J'ai de plus moyennement apprécié le fait que certains personnages s'adressent de temps à autre à la caméra.
Le films a même quelques aspects putassiers, à l'image du Loup de Wall Street. Il met en scène la fascination exercée par l'argent facile et le recours à des prostituées... mais sans aucun recul critique. C'est aussi visible dans deux scènes qui voient de charmantes jeunes femmes nous expliquer un élément complexe de la crise. A première vue, l'introduction de ces paraboles (du genre "La crise pour les nuls") n'est pas inintéressante. Cela a aussi le mérite d'introduire des personnages féminins présentés comme intelligents et cela va à l'encontre du cliché de la ravissante idiote... sauf que la mise en scène contredit en partie le discours : ces femmes (deux bimbos qui jouent leur propre rôle) sont d'abord montrées comme attirantes. Je pense que, dans l'esprit du réalisateur, c'est censé être drôle... mais c'est vraiment de l'humour de beauf.
Comme c'est globalement bien joué (mais pas très bien doublé en français) et que le montage est efficace, on ne passe pas un mauvais moment. Mais le résultat est trop clinquant à mon goût. Il reste le plaisir de voir les banquiers se faire dénigrer par un film grand public, ce qui n'est pas mince.
11:44 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 15 janvier 2016
Cafard
Cette animation belge n'est pas destinée aux enfants. Inspirée d'une histoire vraie, elle raconte le périple d'un champion (du monde) de lutte, pendant la Première guerre mondiale. Techniquement, les images sont construites à partir de captures de mouvements. Cela donne une esthétique étrange, proche de celle de certains jeux vidéo. Aux téléspectateurs de France Télévisions, cela rappellera un récent documentaire-fiction, Le Dernier Gaulois.
La réalisation n'en est pas moins soignée. De plus, les expressions des acteurs ont été très bien saisies. Cela donne parfois des plans superbes, comme l'un des premiers du film qui, hélas, aboutit à une scène atroce.
L'histoire est donc très dure, avec, dès le début, ce qui arrive à la fille du héros (qui a déjà perdu son épouse à la naissance de l'enfant). Le public français découvrira aussi l'occupation allemande de la Belgique, pendant la Première guerre mondiale. Petit à petit, une troupe hétéroclite va se former autour de Jean Mordant (doublé par Benoît Magimel).
Des soldats d'outre-Quiévrain vont se retrouver sur le front de l'Est, où les horreurs s'accumulent. Ils font parfois de drôles de rencontres, au premier rang desquelles une aristocrate russe (doublée par... Julie Gayet), qui va jouer un rôle grandissant dans l'intrigue.
Cela donne une formidable aventure, de l'Argentine à la Belgique, de la Russie d'Europe à l'extrême-Orient... et aux Etats-Unis. Les interprètes sont bons, les rebondissements nombreux, mais le fond est quand même souvent macabre.
20:08 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 13 janvier 2016
Déchéance de nationalité
La Une du Canard enchaîné sorti aujourd'hui comporte un joli scoop (pour ceux qui ne connaissaient pas ce détail de l'Histoire) : un extrait du Journal Officiel (daté de 1940) évoquant la déchéance de nationalité qui a frappé, à l'époque, un certain Charles de Gaulle.
On peut retrouver l'intégralité du décret sur le site de la Fondation de la France Libre. Notons que sa republication n'a rien à voir avec le débat qui agite actuellement l'opinion publique : il a été mis en ligne en juin 2010.
Cette avanie n'était que la dernière d'une série que le gouvernement de Vichy avait fait subir à Charles de Gaulle. Le général de brigade (à titre provisoire) a été successivement dégradé, mis à la retraite d'office, condamné à de la prison (par un conseil de guerre réuni à Toulouse) puis à mort, par contumace, à Clermont-Ferrand. (Cela veut dire que s'il avait été fait prisonnier par Vichy au cours de la guerre, il aurait sans doute été exécuté.)
Cette condamnation à mort a d'ailleurs été évoquée par certains organes de presse. C'est le gros titre du numéro de Paris-soir paru le 4 août 1940 :
On la retrouve aussi en première page du quotidien catholique conservateur La Croix, le même jour :
Même le très sérieux journal économique Le Temps aborde le sujet, mais indirectement, dans un discret article situé en page 2 du numéro daté lui aussi du dimanche 4 août 1940 :
23:01 Publié dans Histoire, Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, presse, médias, journalisme, france, histoire
lundi, 11 janvier 2016
Les 8 Salopards
Quentin Tarantino nous cueille dès le début avec un magnifique plan-séquence dans la montagne, centré sur un Christ enneigé autour duquel il fait progressivement évoluer sa caméra. C'est un peu la marque de fabrique de ce western à la fois contemplatif et ultra-violent : un virtuose de la réalisation se livre à un exercice de style, en s'appuyant sur une histoire somme toute ordinaire.
Ce sont les interprètes qui ne le sont pas. Kurt Russell est truculent dans un rôle qui semble avoir été écrit pour le Christopher Waltz de Django unchained. On retrouve avec plaisir un Samuel L. Jackson autrement plus convaincant que dans Kingsman. On sent que les autres, premiers comme seconds rôles, ont eu plaisir à se couler dans les personnages hauts en couleur que Tarantino a construits. Mais, dans ce film de mecs, c'est une femme qui sort du lot : Jennifer Jason Leigh, que je n'avais pas vue en salle depuis In the Cut. Elle est formidable en Daisy Domergue (à entendre en version originale, rien que pour la manière dont son nom est prononcé), qui apparaît d'abord comme étant le souffre-douleur du chasseur de primes, avant de révéler tout le machiavélisme de son personnage.
Les dialogues sont au poil. C'est fou le talent qu'a Tarantino pour étirer une scène en apparence banale, pour en faire un petit morceau de bravoure. Je pense notamment aux moments où il est question, pour la diligence, de prendre des passagers supplémentaires. Je pense aussi à la mise en place d'un chemin de corde reliant l'auberge, la grange et le cabinet de toilettes, en plein blizzard. Je pense aussi évidemment à la scène (qui a outré certains spectateurs) dans laquelle l'un des "salopards" raconte ce qu'il a jadis fait subir au fils de l'un des sept autres.
Paradoxalement si, peu après le début, des cadavres sont à l'écran, il faut attendre plus d'une heure pour que la première scène ultra-violente survienne. Mais cette première heure, entre voyage en diligence et installation à l'auberge, est une merveille d'ambiguïté. On comprend assez vite que presque tous les personnages ont quelque chose à cacher. Reste à savoir qui est avec qui... ou qui pourrait s'allier à qui.
Les références aux westerns anciens (ce n'est pas un hasard si la musique a échu à Ennio Morricone) croisent donc une intrigue quasi policière, qui pourrait aussi rappeler certains films japonais. Une rupture intervient quand, aux deux tiers du film, on nous sert un retour en arrière. C'est un peu gros, mais je crois que Tarantino s'en fout... et qu'il se moque aussi de certains de ses confrères ou des manies de son époque. On s'est entiché du numérique ? Voilà qu'il tourne dans un format abandonné il y a des dizaines d'années. La mode est aux séries policières, un brin scientifique ? Il nous dit de suivre le bonbon qui n'est pas à sa place. L'ambiance est à l'oecuménisme, à la compréhension de l'autre ? L'intrigue met en scène une brochette de crapules, capables du pire... mais aussi presque toutes mues parfois par des sentiments plus nobles.
Tarantino livre une oeuvre magnifique sur le plan formel, mais très sombre quant à sa vision du genre humain. Celui-ci est décrit comme fondamentalement cupide, égoïste et souvent raciste. Quelques lueurs d'entraide surgissent, mais je vous laisse découvrir si c'est suffisant pour sauver certains personnages de l'histoire.
00:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 09 janvier 2016
La Poste menacée à Rodez
Aujourd'hui, il fallait avoir de bons yeux, quand on est lecteur de La Dépêche du Midi, pour y dénicher, dans un coin de la page 36, un tout petit article qui aborde pourtant un grand sujet :
Selon le syndicat FO, l'existence même du bureau de Poste du Faubourg serait menacée, la direction de l'entreprise de service public étant tout acquise au fanatisme libéral qui fait des ravages dans notre pays. Derrière, on sent poindre l'argument de la "rentabilité" et, sans doute, le fait que la commune de Rodez (peuplée de 24 à 26 000 habitants, selon la méthode de comptage) possède deux autres bureaux de poste, un petit dans le "nouveau" quartier de Bourran et un grand (le principal, l'historique) au coeur du Piton, à proximité de la cathédrale :
Pourtant, le bureau du Faubourg ne me semble pas sous-utilisé. A chaque fois que je m'y rends, il y a du monde... certes, pas autant qu'à la poste centrale, mais tout de même ! De surcroît, ce bureau a récemment (en 2012) bénéficié d'importants investissements (plus de 250 000 euros). Il ne faudrait pas que la municipalité ruthénoise se fasse berner comme sa voisine castonétoise, il y a environ trois ans. Je ne voudrais pas que l'on tente de faire avaler aux usagers la fermeture du bureau du Faubourg en échange de l'ouverture d'un relais-commerçant qui serait une régression en matière de service public.
20:03 Publié dans Aveyron, mon amour, Presse, Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, médias, journalisme, actualité, société, 2016
dimanche, 03 janvier 2016
Des soldats drogués
Ils sont au coeur de l'intrigue de l'épisode 2 de la saison 4 des Enquêtes de Murdoch, rediffusé ce dimanche sur France 3. Comme souvent dans cette série, les scénaristes ont mêlé des éléments historiques (de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle) à des considérations liées à notre époque, celle du début du XXIe siècle. Ainsi, dans la saison 1, a été abordé le cas des orphelins envoyés de force au Canada. Plus récemment, la question des droits des femmes s'est souvent retrouvée au premier plan, qu'il s'agisse du droit de vote, de l'éligibilité, des études, de la carrière comme de l'homosexualité féminine.
Dans l'épisode qui nous occupe, les prémices de la seconde guerre des Boers constituent la trame de fond. Ce conflit a vu la participation des forces canadiennes, aux côtés des Britanniques, contre les colons sud-africains d'origine néerlando-franco-germanique. Chez nous, cette guerre, quand elle est connue, a la réputation d'avoir vu naître les camps de concentration, où des dizaines de milliers de civils ont été "parqués" par les Britanniques, dans des conditions exécrables.
Durant son enquête, l'inspecteur Murdoch va découvrir l'usage qui a été fait de l'éphédrine... et ses effets secondaires. Je ne sais pas si l'armée britannique, dès cette époque, réalisait ce genre d'expérimentations. L'usage d'amphétamines s'est répandu dans l'Entre-deux-guerres, les nazis les ayant même utilisées au début du second conflit mondial.
Mais, comme l'épisode a été tourné au début du XXIe siècle, on peut se demander s'il ne fait pas plutôt écho à une situation plus récente. Le fait qu'une part non négligeable des soldats se drogue (à l'opium, au cannabis, à l'héroïne...) pour échapper au stress des combats n'est pas nouveau. Mais le fait que l'armée teste de nouveaux produits sur ses soldats était resté relativement secret... jusqu'à la guerre d'Afghanistan. L'objectif avoué était de diminuer les effets de la fatigue sur les militaires en mission.
Mais une atroce bavure a levé un coin du voile : en 2002, un aviateur américain a tué quatre soldats canadiens. Au bout de la procédure judiciaire, il n'a écopé que d'une interdiction de vol, d'un blâme et d'une amende. En 2004-2005, on avait prêté peu d'attention à l'une des justifications avancées (maladroitement) par le pilote Harry Schmidt : les effets secondaires de la prise de produits dopants. Ils sont évoqués dans un long article du Chicago Magazine, en juin 2007.
Plus récemment, en 2012, Le Point s'est penché sur une dérive supplémentaire : l'automédication de certains soldats, qui fait d'eux de véritables bombes chimiques.
Le phénomène touche d'ailleurs aussi bien les Occidentaux que les djihadistes. Au Moyen-Orient, le captagon est l'objet d'un important trafic : il est apparemment très prisé par les membres de Daech... et il est aussi très populaire en Arabie saoudite.
18:43 Publié dans Histoire, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : historie, télévision, médias, guerre, actualité
vendredi, 01 janvier 2016
Les premiers légionnaires de 2016
Le Journal Officiel a publié les décrets comportant les noms des nommés et promus, que l'on peut aussi trouver sur le site de la Grande Chancellerie. La presse (notamment Le Monde) s'est comme d'habitude amusée à faire le compte des politiques connus et des "pipoles" distingués par le pouvoir social-démocrate. Elle a aussi relevé la place réservée aux victimes des attentats du 7 janvier 2015 et aux sauveteurs des rescapés (ceux de l'attentat raté du Thalys ayant été décorés en août dernier).
Les lecteurs aveyronnais des décrets remarqueront la présence de certains noms. Le premier qui saute aux yeux (dès la page 2 du décret principal) est celui de Chantal Jourdan, promue sur le contingent du Premier ministre Manuel Valls :
L'ex-préfète de l'Aveyron (de 2004 à 2007) n'est pas présentée à ce titre, mais comme ancienne directrice de cabinet d'un ancien président du Sénat. Il s'agit de Jean-Pierre Bel, naguère élu ariégeois qui, avant Chantal Jourdan, avait utilisé les services d'un autre haut-fonctionnaire passé par l'Aveyron : Pierre Besnard (ancien secrétaire général de la préfecture), qui lui était devenu chef de cabinet. (Celui-ci gère l'agenda de la personnalité à laquelle il est attaché ; c'est une sorte de secrétaire, alors que le directeur de cabinet est un petit Premier ministre, qui a autorité sur les autres membres du cabinet.)
Coïncidence troublante, quelques pages plus loin, c'est Pierre-René Lemas, le prédécesseur de Chantal Jourdan auprès de Jean-Pierre Bel, qui apparaît, sur le contingent du ministère des Finances :
C'est en tant que directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qu'il est distingué. Cependant, au vu de son pedigree, il est évident que François Hollande récompense un fidèle parmi les fidèles, qui fut, rappelons-le, secrétaire général de l'Elysée de 2012 à 2014.
Indirectement, ces nominations confirment la proximité entre Jean-Pierre Bel et l'actuel président de la République. La seconde promotion est d'autant plus gênante que Pierre-René Lemas est en fonction, tout comme, par exemple, Sylvie Pierre-Brossolette, promue sur le contingent du Premier ministre :
A première vue, cette promotion pourrait apparaître comme un signe d'ouverture (à droite) : Sylvie Pierre-Brossolette est une ancienne journaliste à L'Express, passée ensuite au Figaro et au Point, dont elle a été rédactrice en chef. Mais elle est aussi la petite-fille du résistant Pierre Brossolette (panthéonisé par François Hollande en 2015) et, surtout, elle a été nommée au CSA en 2013, par le président de l'Assemblée nationale, l'ineffable Claude Bartolone (défait aux élections régionales de décembre dernier, en Ile-de-France).
N'est-il pas inconvenant qu'un gouvernement distingue un membre d'une autorité supposée être indépendante, alors que ce membre est encore en fonction ? De mauvais esprits seraient tentés d'y voir une forme de connivence, voire de faire le lien avec la récente décision du CSA d'autoriser le passage à la TNT gratuite de la chaîne LCI. Rappelons que ledit CSA est présidé par Olivier Schrameck, grand serviteur de la République, certes, mais aussi ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin (le mentor de François Hollande) pendant toute la période de cohabitation, de 1997 à 2002. Comme le hasard fait bien les choses, Lionel Jospin figure en tête des nouveaux promus : il obtient la dignité de grand'croix :
Mais revenons à nos moutons aveyronnais. L'ancienne préfète Chantal Jourdan n'est pas la seule à avoir été distinguée. On trouve dans la liste l'actuel occupant du poste, Louis Laugier. L'ancien militaire est nommé chevalier sur le contingent du ministère de l'Intérieur :
Un autre de ses prédécesseurs figure sur la liste : Anne-Marie Escoffier, préfète entre 1999 et 2001. Elle est promue officier, elle aussi sur le contingent du ministère de l'Intérieur. On se souvient d'elle parce que, par la suite, elle fut conseillère générale (du canton de Rignac), sénatrice de l'Aveyron et membre du second gouvernement Ayrault.
Si sa présence sur la liste des promus n'est pas une surprise, il est un autre nom que l'on s'étonne de retrouver, celui de l'un des actuels vice-présidents du Conseil départemental de l'Aveyron, Jean-François Galliard :
D'après vous, ce contempteur de la politique gouvernementale va-t-il pousser la cohérence idéologique jusqu'à refuser la breloque ? Les paris sont ouverts !
Une autre personnalité de droite du Massif Central figure dans le décret, une certaine Eliane Wauquiez-Motte, maire de la commune du Chambon-sur-Lignon (en Haute-Loire) depuis 2008 (difficilement réélue en 2014) :
A ceux qui l'ignoreraient, j'apprendrai donc qu'il s'agit de la mère de Laurent Wauquiez. Elle n'est pas originaire du département (pas plus que son fils, né à Lyon et qui a fréquenté des établissements scolaires parisiens...), mais elle a jadis acheté une résidence secondaire pas très loin de là, en Ardèche. Touchée sur le tard par le virus de la politique, la maman n'accepte-t-elle pas en fait de jouer le rôle de marchepied pour son fils adoré, si doué... et si arriviste ? A travers elle, le gouvernement veut sans doute récompenser la maire qui a soutenu le projet de mémorial qui rend hommage à tout une région qui a sauvé des juifs pendant la Seconde guerre mondiale. (On notera toutefois qu'en 2013, le gouvernement n'avait envoyé qu'une ministre déléguée à l'inauguration.)
Il est d'autres personnes que l'on aurait souhaité ne pas voir figurer sur la liste des nommés et promus. Que vient donc faire ici la communicante Anne Méaux ? Elle symbolise avec d'autres le règne d'une faune de parasites de la politique, qui contribuent à faire passer la forme avant le fond. Aujourd'hui promue officier sur le contingent du ministre de l'Economie (socialiste), elle avait été nommée chevalier en 2007, par Dominique de Villepin, alors Premier ministre de Jacques Chirac. Quoi d'étonnant pour cette proche de François Pinault, ami intime de celui qui était alors président de la République ?
Quant à ceux qui croiraient encore aux propos du style "Mon véritable adversaire [...] c'est le monde de la finance", je leur conseille de lire la page 9 du décret principal. Ils y trouveront Xavier Rolet, qui n'est autre que le directeur de... la Bourse de Londres.
Croquignolesque est aussi la présence au tableau d'honneur d'une certaine Marie-Jeanne Caudron de Coqueréaumont, "sous directrice des privilèges et immunités diplomatiques et consulaires au ministère" [des Affaires étrangères] :
Mais c'est un autre décoré figurant sur le contingent du ministre des Affaires étrangères qui est pour moi la source du meilleur gag de la promotion : James Bond en personne !
Evidemment, il ne s'agit pas d'un agent des services secrets britanniques. (Encore que... en est-on sûr ?) Le James Bond en question est un financier du développement durable, activité bien plus honorable que l'assassinat ciblé sur commande.
Je suis persuadé que François Hollande a signé ce décret avec un petit sourire aux lèvres...
P.S.
J'ajoute une note aveyronnaise, pour conclure. L'architecte montpelliérain Emmanuel Nebout est lui aussi nommé chevalier de la légion d'honneur (page 21 du décret). A Rodez, on lui doit la nouvelle salle des fêtes, le cinéma multiplexe (et le parking) ainsi que le réaménagement du jardin public du Foirail. Toutes ces réalisations sont d'ailleurs présentées sur le site professionnel de l'architecte, dans l'onglet "projets", aux années 2012, 2013 et 2014.
16:48 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, actualité, presse, médias, journalisme, ps, société, parti socialiste
jeudi, 31 décembre 2015
Le Bouton de nacre
Ce bouton est le prix payé pour acquérir un homme et c'est aussi la seule trace retrouvée d'une personne disparue. Entre ces deux histoires tragiques, le cinéaste chilien Patricio Guzmán navigue. Auteur il y a quelques années d'un Nostalgie de la lumière très remarqué, il revient avec un documentaire du même style qui, au lieu de se plonger dans le cosmos, baigne dans le milieu aquatique.
On commence avec un très gros plan mystérieux, celui d'un glaçon dans lequel est emprisonnée une bulle d'air très ancienne. Il va donc d'abord être question d'une histoire qui s'étend sur le temps long. Cela nous vaut des plans magnifiques, aussi bien des glaciers que de l'eau qui coule. On savait déjà que le réalisateur était un grand formaliste, mais là, il ajoute la pureté des sons. Ce documentaire est donc d'abord un plaisir des sens, chose suffisamment rare pour qu'on la signale. A l'eau abondante dans le sud du Chili s'oppose l'aridité du désert d'Atacama (qui était au cœur du précédent film de Guzmán), elle aussi superbement rendue à l'écran.
De la nature on passe aux peuples premiers, ceux qui vivaient dans le sud du Chili (la Patagonie occidentale) à l'arrivée des Européens. Dans cette région découpée en îles, au climat capricieux, il est indispensable de savoir construire, réparer et manœuvrer un canoë. Le réalisateur a recueilli les témoignages des derniers locuteurs des langues des cinq peuples autochtones. J'ai été marqué par la grand-mère qui semble avoir parcouru des distances phénoménales ! Impressionnantes aussi sont les images d'archives montrant les peintures corporelles de certains indigènes.
Le réalisateur traite plus en détail le cas de "Jemmy Button", cet Amérindien acheté par un officier britannique, dans la première moitié du XIXe siècle. Emmené au Royaume-Uni avec trois autres autochtones, il a été initié à la civilisation occidentale. Ramené au Chili des années plus tard, il a préféré rester sur place, mais n'a pas réussi à complètement se réintégrer. En partie acculturé, il était désormais dans un entre-deux.
Cela nous mène à l'histoire de l'île Dawson, située en pleine Terre de Feu :
Une mission religieuse y fonda une école pour "civiliser" les jeunes Amérindiens. Les missionnaires récupérèrent des vêtements européens pour les distribuer aux Patagons. Mais la rencontre avec les personnes et les objets venus d'Europe, porteurs de germes, décima les Indiens.
Par une curieuse ironie de l'histoire, au XXe siècle, l'île servit de centre de détention pour les opposants à la dictature de Pinochet. On y interrogea, tortura et tua... Le documentaire s'intéresse tout particulièrement à la manière dont on a fait disparaître les cadavres. Une très faible proportion des corps des quelque 1 400 victimes a été retrouvée. Guzmán s'appuie sur le témoignage d'un mécanicien d'hélicoptère et sur une scène reconstituée, à l'aide d'un spécialiste : on attachait les corps sur des portions de rail, puis on les recouvrait de plastique et de deux sacs de toile, avant que le "paquet" ne soit chargé dans un avion ou un hélicoptère, puis jeté dans l'océan Pacifique. On a fini par localiser les endroits où de nombreux corps ont été lâchés. On a retrouvé certains rails... et un bouton, seul reste d'une victime de la dictature.
J'ai été emballé par ce film, qui allie la rigueur du propos à la recherche esthétique. Notons que, dans la version originale sous-titrée, le commentaire est dit par le réalisateur, d'un ton calme et profond.
P.S.
On peut glaner plus d'informations sur le site du distributeur Pyramide.
16:50 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
mercredi, 30 décembre 2015
Star Wars VII - Le Réveil de la Force
J'ai fini par me décider à y aller, pensant qu'au bout de deux semaines, il y aurait un peu moins de monde... Erreur ! La séance (en 2D) à laquelle je me suis rendu a fait le plein, dans la salle 1 du cinéma de Rodez. Le public était intergénérationnel, puisque cela allait des moins de six ans (une choupinette que sa maman a fait l'erreur d'emmener voir un film trop complexe pour elle) aux retraités, assez nombreux dans la salle. Mais l'essentiel du public était constitué d'actifs un peu moins âgés et de lycéens-étudiants.
Dès le début, on est emporté par LE fameux générique, qui nous remet immédiatement dans l'ambiance. C'est d'ailleurs la principale conclusion que l'on peut tirer de la vision du Réveil de la Force : JJ Abrams a abondamment puisé dans les épisodes IV-V-VI (les premiers sortis au cinéma). Ainsi, l'on découvre très vite le "nouveau" Dark Vador, qui a coutume de porter un casque qui ressemble beaucoup à celui de son illustre prédécesseur... alors que lui n'en a aucunement besoin.
Alors, coquetterie ? Facilité scénaristique ? Oui... et non. La suite de l'histoire va nous permettre de comprendre quel est le lien entre l'ancien "super-méchant" et le petit nouveau, que j'ai bien envie de surnommer "Vadorounnet".
Dès le début, on découvre un autre substitut, Poe Dameron (interprété par Oscar Isaac), pilote génial, très courageux, membre de la Résistance et accompagné d'un droïde (BB 8, R2-D2 en plus petit et moins ronchon)... C'est un mélange évident de Luke Skywalker et Han Solo. Comme beaucoup, j'ai adoré le nouveau droïde, qui se comporte un peu comme un animal domestique. C'est sans doute la meilleure trouvaille du film, qui introduit un humour salutaire (tout comme Chewbacca, que l'on retrouve avec plaisir).
On pourrait continuer comme cela longtemps. Ainsi, le Skywalker qui finit par apparaître à l'écran est un clone de l'Obi-Wan Kenobi interprété par Erwan McGregor. (De surcroît, il s'est sans doute révélé aussi mauvais formateur que son maître.) Un autre personnage, qui n'est pas sans rappeler Alec Guinness (le Kenobi d'origine), subit un sort comparable. Quant à ceux qui ont encore en mémoire Le Retour du Jedi, ils en retrouveront des personnages secondaires, "réincarnés" et "modernisés".
Comme dans le Star Wars originel, les héros vont devoir détruire une arme extrêmement redoutable. Comme dans L'Empire contre-attaque, on nous ménage une mini-surprise scénaristique (que tout spectateur doté d'une dizaine de neurones sent venir à des kilomètres). Comme dans Le Retour du Jedi, le super-méchant doute et l'on découvre l'influence d'un être maléfique. Notons qu'une scène située dans le dernier tiers du Réveil de la Force est un clin d'oeil à la fin de La Revanche des Siths.
On est donc en terrain connu, et ce n'est pas gênant. L'action démarre très vite, avec le massacre des habitants d'un village. Plus loin, les combats qui se déroulent dans l'espace sont très bien filmés. Il en est de même des affrontements au sabre-laser, même si, les personnages n'ayant pas encore acquis une très grande maîtrise technique, on n'atteint pas les combats virtuoses auxquels on a pu assister dans de précédents épisodes. Même les scènes "psychologiques" ne font (en général) pas retomber la tension. Il est question de liens familiaux (que je vous laisse découvrir en détail). A ce propos, je pense que tout ne nous est pas dit. On se pose beaucoup de questions sur l'un des personnages, qui découvre qu'elle a la Force en elle : Rey. Incarnée par une jeune inconnue, Daisy Ridley, c'est la deuxième excellente trouvaille de ce volet de la saga (la troisième étant l'introduction d'un soldat du Mal qui change de camp).
La concernant, tout nous porte à croire qu'elle a un lien "génétique" avec certains héros de la trilogie précédente. Comme Luke Skywalker, elle a passé son enfance sur une planète désertique. Comme lui, elle refuse dans un premier temps d'assumer son pouvoir. Notons qu'elle est aussi "reconnue" par le sabre de celui-ci. Ajoutons que Kylo Ren (Vadorounnet) se sent attiré par elle. La relation ambivalente qui naît entre les deux (futures) grandes figures de cette nouvelle trilogie est bien mise en scène.
Bref, on passe un bon moment, sans réelle surprise... et l'on attend la suite !
P.S.
Le Vatican semble n'avoir pas du tout apprécié Le Réveil de la Force. Dans un article du Figaro, on découvre les arguments cinématographiques avancés. Mais il y a fort à parier que ce soit un élément visuel capital (présent sur la photographie qui illustre l'article) qui ait déplu au Saint-Siège : la forme du sabre-laser (modifiée par rapport aux précédentes trilogies), qui adopte une croix latine. Cela fait de Kylo Ren une sorte de chevalier croisé, alors que tout le reste dans l'intrigue incite un spectateur occidental à le rapprocher d'un adepte de Daech.
12:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 28 décembre 2015
Au-delà des montagnes
Deux ans après le brillant et militant A Touch of sin, Jia Zhang Ke revient avec un mélodrame qui s'étend sur trois époques : 1999, 2014 et 2025, cette dernière partie se déroulant en Australie. On suit principalement trois personnages, même si, dans le troisième volet, deux autres vont à leur tour occuper le premier plan.
L'histoire démarre en 1999, avec un trio amoureux que l'argent va faire déraper. A l'époque, la Chine commence à peine à goûter à la société de consommation. L'espoir d'une vie meilleure anime certains habitants de Fenyang, une "petite" ville (400 000 habitants tout de même) de la province de Shanxi (où est né le réalisateur), en rouge sur la carte :
C'est l'occasion de mettre en scène l'opposition entre le nouveau riche, qui croit que tout lui est dû, et l'ouvrier modeste et vertueux. Aux cinéphiles français, cela rappellera des choses. Je ne serais pas étonné d'apprendre que Jia Zhang Ke est un connaisseur du réalisme poétique hexagonal. L'autre versant de l'histoire est l'occidentalisation des moeurs, vue à travers l'alternance entre deux chansons populaires, une britannique et une cantonaise. On voit aussi la fascination qu'exercent certains produits de consommation, au premier rang desquels une voiture de marque allemande... avec une scène cocasse sur ce qu'est la "Deutsche Qualität" !
Entre les deux hommes, le coeur de l'héroïne balance. Et puis elle est jeune, pas très sûre de ce qu'elle doit faire... excepté qu'elle refuse d'être sous la coupe d'un mec et qu'elle veut vivre sa vie. Dans le rôle, Zhao Tao est lumineuse. Notons que ce premier volet est tourné en caméra numérique, en format carré. Par la suite, l'image s'élargit... comme l'horizon des héros.
On retrouve Tao quinze ans plus tard, devenue riche à son tour. Cette deuxième partie est centrée sur la femme du trio et l'ouvrier, tombé malade. A l'image de certaines catégories populaires traditionnelles, il n'a pas bénéficié du "miracle chinois". On en voit quand même des aspects spectaculaires, comme le train à grande vitesse, une fierté nationale... mais qui n'a pas, pour l'héroïne, le charme des bons vieux omnibus. Là encore, le spectateur occidental aura l'impression que le réalisateur adapte à la sauce chinoise une thématique déjà traitée en Europe (et aux Etats-Unis). Dans cette histoire contemporaine, c'est l'amour entre une mère et son fils qui est perturbé par l'argent. L'occidentalisation est perçue à travers le désir de certains Chinois d'émigrer et la volonté des "élites" d'éduquer leurs enfants en anglais.
La troisième partie, futuriste, est finalement la plus audacieuse. Elle a pour cadre principal une cité protégée de la côte australienne, où se sont réfugiés de riches Chinois qui ont quelque chose à se reprocher. Ceux-ci peinent à comprendre leurs propres enfants, complètement acculturés... à tel point qu'ils doivent suivre une formation pour se familiariser avec leur pays d'origine. On suit plus particulièrement "Dollar", qui a presque tout oublié de sa mère.
Le scénario est encore plus "gonflé" que cela, puisqu'il montre une relation naissante entre le jeune homme (à peine majeur) et une femme plus "mûre" (interprétée par une actrice taïwanaise, à l'accent anglais parfait). Celle-ci, à l'image de sa mère, a réussi dans la vie, mais la richesse ne l'a pas rendue plus heureuse pour autant.
L'ensemble forme un film hétéroclite, où l'on retrouve la thématique sociale chère à Jia Zhang Ke, mais noyée dans un mélodrame bourgeois, plutôt bien joué, mais pas aussi emballant que la critique dithyrambique le laissait supposer.
12:34 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 27 décembre 2015
La Chambre interdite
Cette chambre est, au sens propre, une pièce (secrète) d'un sous-marin, où s'est réfugié le commandant, et où l'équipage n'ose se rendre, alors que sa survie en dépend. Les hommes vont finir par partir à la recherche de la chambre... mais là n'est pas la question.
La suite du film est constituée d'un enchaînement de séquences qui n'ont pas de réel lien les unes avec les autres, le réalisateur les raccordant de manière factice, à la manière d'un marabout-de-ficelle. La construction prend la forme d'un chiasme : on part du sous-marin, pour atterrir dans une étrange grotte, puis dans une maison où vit une femme aveugle (devenue veuve) et enfin dans un train, pour repartir ensuite chez la femme aveugle, dans la grotte et dans le sous-marin. Je vous passe quelques étapes.
Sur la forme, c'est un hommage au cinéma muet des années 1920... et sans doute aussi aux films de genre des années 1940-1950. Un gros travail a été fait sur l'image, les sons et le montage. C'est donc une oeuvre expérimentale, remplie de clins d'oeil aux initiés.
Le problème est que, pour moi, cela ne marche pas. L'écran est inutilement surchargé. L'intrigue n'est pas suffisamment travaillée : c'est au spectateur à faire le lien entre les séquences... ce qui évite surtout au cinéaste d'avoir à suivre une intrigue rigoureusement construite. De surcroît, les séquences ne sont pas d'un égal intérêt. La meilleure est pour moi celle du train, où pourtant l'on retrouve l'égocentrique Mathieu Amalric (ici plutôt bon).
Je reconnais volontiers la virtuosité des auteurs mais, franchement, cela tourne à vide.
15:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 26 décembre 2015
Francofonia, le Louvre sous l'Occupation
Alexandre Sokourov propose une vision de la culture française à travers le prisme de l'occupation allemande de sa capitale. Son film est à la fois un chant d'amour à Paris, une apologie de l'art européen (plutôt chrétien) et une oeuvre authentiquement russe.
Ce dernier aspect est visible dans le montage des séquences. Aux images d'archives et aux scènes reconstituées répond l'époque actuelle, qui voit le réalisateur dialoguer par Skype avec le pilote d'un porte-conteneurs pris en pleine tempête avec, parmi son chargement, des pièces de musée. Je pense qu'il faut comprendre la chose au sens symbolique : les oeuvres d'art ont été ballottées par l'Histoire, au point parfois de disparaître complètement. (On notera que c'est lorsque Sokourov est absorbé par le destin du musée français que le bateau russe perd sa cargaison, en haute mer.)
Russe aussi est le rappel des destructions subies par l'URSS, sur le Front de l'Est, notamment par la ville qui s'appelait alors Leningrad (redevenue Saint-Pétersbourg aujourd'hui), qui a subi un siège de 300 jours. C'est la ville du musée de l'Ermitage (dont les collections, comme celles du Louvre, ont été mises à l'abri) et la véritable capitale culturelle russe. Dans le ton de Sokourov, on sent presque poindre de la jalousie, quand il compare le sort de la ville fondée par Pierre le Grand à celui de Paris, curieusement épargnée par les nazis.
Et pourtant, en 1940, l'accueil des troupes allemandes n'est pas chaleureux, y compris au Louvre. On le comprend à la vision des images d'archives et des scènes reconstituées, qui font principalement intervenir un officier allemand, le comte Wolff-Metternich, et le directeur du musée Jacques Jaujard (interprété par Louis-Do de Lencquesaing, vu récemment dans L'Antiquaire, dont la thématique est proche). Cependant, les deux hommes vont petit à petit tisser une relation de quasi-amitié, fondée sur l'amour de l'art et la protection des oeuvres. (On n'est finalement pas si loin que cela de ce qui est montré dans une fiction sortie en 2014, Diplomatie). C'est au point que le responsable allemand a été muté en 1942. La dernière partie du film évoque le destin des deux hommes après la Seconde guerre mondiale.
Ici encore, on sent parfois poindre la jalousie de Sokourov : contrairement à Leningrad, Paris a fasciné les Allemands, y compris les nazis. De surcroît, une partie de la population locale s'est rapidement accommodée de la présence de l'occupant... Il croit trouver l'explication dans le voisinage des deux pays qui, malgré les conflits meurtriers qui les ont opposés, partagent une histoire pluriséculaire. A partir de là, il développe l'idée qu'il existe une culture européenne, qui englobe la Russie. Les nazis eux-mêmes auraient été (partiellement) sensibles à cet héritage.
Le propos perd de sa pertinence quand on se rend compte que le réalisateur ne montre qu'un aspect de l'histoire. Il se garde bien d'aborder les destructions et surtout le pillage organisé des oeuvres d'art, notamment par Hermann Goering. Il aurait fallu sortir du Louvre et aller jusqu'au Jeu de Paume, où avaient été entreposées les oeuvres volées aux juifs. De cela il n'est pas question, pas plus que du rôle de Rose Valland (évoqué l'an dernier dans Monuments Men), pourtant bien plus important que celui de Jaujard.
C'est dommage parce que, sur le plan formel, le film est vraiment bon. Le mélange des images de natures diverses fonctionne et, par instants, on retrouve la patte du grand réalisateur. J'ai aussi bien aimé la reconstitution graphique de l'histoire du site du château, très réussie. Quant au public français, il appréciera ou pas l'incarnation de deux "légendes nationales", Marianne et Napoléon, dont les évolutions dans le musée ne m'ont paru guère inspirées...
vendredi, 25 décembre 2015
Les Suffragettes
Britanniques hier, Saoudiennes aujourd'hui, les femmes ont dû (et doivent encore) se battre pour être considérées comme les égales des hommes, au moins sur le plan civil (et civique). Cette fiction à caractère historique a le grand mérite de rappeler à des Occidentaux peut-être trop sûrs de leur supériorité qu'il n'y a pas si longtemps, les mâles européens ne se comportaient pas très différemment de certains hommes du Moyen-Orient.
L'intrigue s'articule autour de deux personnages féminins principaux, une bourgeoise et une ouvrière. La première, pharmacienne et médecin dans l'âme, est incarnée par l'excellente Helena Bonham Carter, que l'on a plaisir de retrouver dans un film qui n'est pas réalisé par Tim Burton. C'est la militante acharnée, cultivée et rusée, soutenue par son époux, un homme aux idées modernes. La seconde héroïne est interprétée par Carey Mulligan, que j'avais découverte dans Inside Llewyn Davis. A travers son personnage, le film explore le versant social de la cause des femmes. Non seulement elles sont des mineures sur le plan juridique, soumises à l'autorité de leur père puis de leur mari, mais elles doivent subir des discriminations au travail : elles sont moins bien payées que les hommes et soumises au harcèlement sexuel... quand ce n'est pas pire.
Le scénario réussit à croiser avec talent ces différents aspects, montrant, à travers les personnages secondaires, par exemple, que l'on peut être une grande bourgeoise émancipatrice et subir la tutelle inflexible d'un mari politicien, ou encore que l'on peut être ouvrière et jouir d'une certaine indépendance... mais à quel prix.
Du côté masculin, il faut noter la présence de Brendan Gleeson, un vieux routier des seconds rôles, sorte de Javert du Londres du début du XXe siècle. Son personnage nous réserve toutefois quelques surprises.
Autre guest star à signaler : Meryl Streep, qui vient faire coucou dans le rôle d'Emmeline Panckhurst, l'inspiratrice du mouvement féministe.
La première moitié de l'histoire semble être une marche inexorable vers l'égalité. On nous décrit le mouvement des Suffragettes de l'intérieur et l'on sent que, du côté gouvernemental, en cette année 1912, un changement est possible.
Le film bascule au bout de trois quarts d'heure. Les féministes doivent affronter une opposition plus dure que prévu. C'est même parfois extrêmement violent. Le militantisme a aussi des conséquences sociales. L'une d'entre elles va pratiquement tout perdre, ce qui la radicalise... moins cependant que l'une de ses camarades, qui va faire prendre à l'intrigue un tour plus noir. A travers elles se pose aussi la question de l'engagement pour une cause : jusqu'où doit-on / est-on prête à aller ?
Cela donne un film très intelligent, pas très drôle je le reconnais, mais avec une reconstitution soignée du Londres d'il y a cent ans.
P.S.
Les amateurs de série télévisée de qualité auront remarqué la parenté entre cette histoire et l'intrigue de certains épisodes des saisons 8 et 9 des Enquêtes de Murdoch, l'inspecteur canadien qui fait le bonheur des dimanches soirs de France 3.
Grève de Noël à la SNCF
Cela fait partie des "petits cadeaux" dont on se passerait bien : un mouvement de grève déclaré (pour on ne sait quelle raison) juste avant Noël, en fait du 23 au 25 décembre matin. Le plus étrange est qu'il s'agit d'une grève partielle, qui ne touche que quelques lignes du réseau TER de Midi-Pyrénées, notamment Rodez-Albi-Toulouse. Plus étrange encore, sur le trajet Toulouse-Rodez, dans un sens comme dans l'autre, le mouvement ne touchait que la portion située entre Carmaux et Rodez et qu'à certaines heures.
Ainsi, le matin du 24 décembre, si l'on avait envisagé de se rendre à Toulouse, il ne fallait pas partir trop tôt, à moins de souhaiter absolument voyager en bus entre l'Aveyron et le Tarn :
De la même manière, si l'on avait invité quelqu'un de Toulouse (ou du Tarn), il fallait lui déconseiller de voyager à certaines heures :
J'ajoute que, si l'on se limitait à la consultation du site internet, on pouvait avoir de mauvaises surprises. Ainsi, contrairement à ce qui était annoncé ci-dessus, sur le trajet Toulouse-Rodez, le train de 17h37 (arrivant en théorie à 19h52) était lui aussi touché par le mouvement de grève. Par contre, en gare de Rodez, les informations étaient à jour.
Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Régulièrement, au moment des fêtes (ou des vacances scolaires), certains agents SNCF se mettent en grève. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais de motif valable, mais, curieusement, les périodes choisies coïncident avec des congés. Et comment ne pas remarquer qu'à l'exception du dernier trajet Toulouse-Rodez (très emprunté, parce qu'au tarif Ticketmouv'), ce sont les horaires extrêmes qui ont été touchés par l'absence de train entre Carmaux et Rodez ?
Mais qui en est responsable ? Si c'étaient les contrôleurs, le train entier serait annulé. Si par contre il s'agit de roulants, domiciliés dans le Tarn (ou en Haute-Garonne), que la perspective de se lever tôt ou de se coucher tard, pour une raison professionnelle, en période de fêtes, indispose, cela pourrait expliquer l'annulation incongrue du transport en train uniquement entre Carmaux et Rodez.
Quant aux contrôleurs, on peut effectivement les plaindre. Ils sont régulièrement confrontés aux tentatives de fraude ainsi qu'à l'incivilité et la mauvaise éducation de certains passagers. Ces dernières semaines, la ligne Bordeaux-Marseille semble avoir été particulièrement "chaude". Durant cette période, à chaque fois que j'ai dû me rendre à Toulouse, l'un des trains Intercités reliant ces deux villes a été annulé, à cause de l'agression d'un contrôleur.
13:59 Publié dans Vie quotidienne, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, société, france