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mardi, 10 février 2015

Loin des hommes

   David Oelhoffen (coscénariste de L'Affaire SK1) a adapté une nouvelle d'Albert Camus, L'Hôte, dont l'action se déroule au début de la guerre d'Algérie, fin 1954. L'intrigue tourne autour de deux personnages, incarnés par deux acteurs formidables.

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   Viggo Mortensen s'est complètement approprié le rôle de l'instituteur humaniste, un des ces "hussards de la République" qui ont fait la grandeur de notre pays. Il vit et travaille dans un coin reculé de l'Algérie, l'Atlas saharien, situé dans le nord-ouest du territoire, mais complètement isolé des villes de la côte. Ses élèves sont des Arabes.

   Sa petite vie tranquille est bouleversée par l'arrivée d'un gendarme, qui lui amène un prisonnier. Ce dernier est interprété par Reda Kateb (dont j'espère qu'il recevra le César du second rôle pour sa prestation dans Hippocrate).

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   Une étrange relation va naître entre l'assassin présumé et l'instituteur, ancien combattant. Tous deux vont se retrouver confrontés à la famille de la victime, qui veut se venger, à des pieds noirs du cru, qui voient en tous les Arabes des menaces potentielles, aux fellaghas, qui se méfient de cet improbable duo, et aux soldats français, qui ont ordre de "nettoyer" la région.

   Dans son scénario, David Oelhoffen a quelque peu étoffé l'histoire qu'avait écrite Albert Camus. C'était sans doute d'abord une nécessité pour en faire un long-métrage. C'était aussi un moyen de faire saisir toute la complexité de la situation en 1954. On comprend ainsi la diversité du monde des pieds noirs, l'archaïsme de la société algérienne, sa misère aussi, ainsi que la brutalité de l'armée française... à laquelle ont appartenu nombre de meneurs indépendantistes algériens.

   Il faut ajouter que les paysages sont superbes. Le film a été tourné en zone montagneuse, dans un désert rocheux (au Maroc), où l'on peut successivement souffrir du froid comme du chaud. (La neige, omniprésente dans la nouvelle de Camus, est toutefois absente ici.)

   Des films (de fiction) récents consacrés à la guerre d'Algérie que j'ai vus, c'est sans doute le meilleur. Il ne souffre pas des (petits ou grands) défauts de Cartouches gauloises, de L'Ennemi intime ou de Hors-la-loi, œuvres estimables au demeurant.

dimanche, 08 février 2015

Bébé Tigre

   Dans ce billet, il ne va pas être question d'un pays en développement d'Asie du Sud-Est, mais d'immigrés indiens en France. Ces jeunes hommes sont des sikhs, adeptes d'une religion minoritaire, qui s'est développée entre l'hindouisme et l'islam. Voilà pourquoi on aperçoit de nombreux turbans dans ce film, en particulier quand les hommes se rendent au temple.

   Le "bébé tigre" est Many (Harmandeep Palminder, une révélation), un adolescent à statut particulier : il est mineur isolé étranger, entré clandestinement, mais sans adulte référent, puisque c'est sa famille qui l'a envoyé en France. Or, à 15 ans, âge auquel il arrive dans notre pays, un enfant doit être scolarisé. C'est la source du premier conflit, le garçon voulant surtout gagner de l'argent pour l'envoyer à sa famille.

   Les choses ne se passent pas comme prévu parce que Many se révèle doué à l'école... et aussi en affaires. Il travaille au noir, pour le compte d'un compatriote qui gère aussi une filière d'immigration clandestine... et qui est pour Many une sorte de père de substitution. (Vikram Sharma est excellent dans le rôle). Le second conflit tourne autour de la légalité. Jusqu'où le garçon est-il prêt à aller ?

   Dans le même temps, il s'intègre à son environnement scolaire. Il peut même envisager de nouer une relation avec une ravissante Black, Elisabeth. Mais il risque de ne pas pouvoir tout gérer... surtout s'il doit mentir à sa famille d'accueil.

   Dit comme ça, cela donne peut-être l'impression d'être un film sociologique à thèse, pesant. Ce n'est pas le cas. Les acteurs, pour la plupart non professionnels, sont très bien dirigés et criants de vérité. Une réjouissante fraîcheur émane des scènes entre adolescents. Le travail de documentation du réalisateur a nourri l'ensemble de l'histoire, d'un grand réalisme, avec quelques moments de poésie, comme lors de cette journée en costumes traditionnels.

   Par certains côtés, cette oeuvre m'a rappelé L'Esquive, d'Abdellatif Kechiche (en moins violent, sur le plan verbal) ou encore La Désintégration, de Philippe Faucon (en moins désespéré).

   P.S.

   Sur le site du distributeur, on peut télécharger un dossier de presse très bien fichu.

La Nuit au musée 3

   On retrouve Ben Stiller et sa bande de potes pour le troisième volet de leurs aventures (plus ou moins) délirantes. Cette fois-ci, le relais est passé d'un musée américain au British Museum de Londres. La séquence inaugurale (tout comme la finale) ne s'en déroule pas moins aux Etats-Unis. Elle pose le problème et s'achève par un beau bordel !

   Mais les meilleurs moments comiques sont réservés aux épisodes britanniques. Cela commence quand Larry (Ben Stiller, sobre, presque trop) découvre quels sont ceux de ses compagnons qui ont réussi à se joindre à lui. Par contre, l'introduction du personnage de la gardienne stupide n'est pas une réussite. Ses interventions sont en général assez bas de plafond et ne m'ont pas fait rire, sauf avec le Néandertal Laaa.

   Ce dernier est l'une des agréables nouveautés de ce volet. Il ressemble étrangement au gardien et le considère comme son père. Cela nous vaut plusieurs moments réussis, notamment un dans la cuisine du British Museum. Quant au personnage de Lancelot (bien interprété par Dan Stevens), il est doté d'un certain allant. Il apporte parfois une touche comique inattendue mais, comme les scénaristes l'ont utilisé pour faire rebondir l'intrigue, il a aussi un rôle négatif, ce qui rend son image moins lisible. (Il est un peu à l'image de l'opinion que les Américains ont de leurs cousins britanniques.)

   Les meilleurs gags sont liés aux personnages classiques. L'adorable et facétieux capucin Dexter, comme on a pu le voir dans la bande-annonce, sait utiliser ses liquides corporels fort à propos. Il est toujours aussi stupéfiant d'humanité dans sa gestuelle... et très émouvant sur la fin, quand il dit adieu au gardien.

   J'ai aussi beaucoup aimé retrouver les deux hommes miniatures (le cowboy et le légionnaire), incarnés avec gourmandise par Owen Wilson et Steeve Coogan, ce dernier très ambigu quant à sa sexualité... (Les spectateurs attentifs remarqueront les quelques allusions qui passeront au-dessus de la tête des bambins.)

   Comme les effets spéciaux sont chouettes (peut-être meilleurs que dans le premier volet) et la musique entraînante, on passe un bon moment et on est indulgent pour les faiblesses du film (notamment les dialogues). On peut aussi se passer de la leçon de morale familiale et se sentir plus touché par la prestation de Robin Williams en Théodore Roosevelt. A un moment de l'histoire, il demande au gardien, de manière prémonitoire, de les "laisser partir" (c'est-à-dire mourir). De retour aux États-Unis, il est le dernier personnage animé à se figer pour l'éternité.

   P.S.

   Le site officiel propose quelques jeux sympatoches.

12:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 07 février 2015

Pourquoi C. Teyssèdre ne pouvait pas gagner

   Dans la course à l'investiture du Parti socialiste pour les élections régionales de décembre prochain, le maire de Rodez a fini par "jeter l'éponge", comme on dit en général dans ces cas-là. Bref, il a renoncé avant le vote des militants, parce qu'il a compris qu'il ne pouvait pas l'emporter.

   Mais la première question qui vient à l'esprit de l'observateur avisé est plutôt celle-ci : pourquoi diable s'était-il lancé dans cette aventure, avec si peu de chances de succès ? De prime abord, on serait tenté de penser qu'il estimait (à tort ou à raison) avoir accompli l'essentiel de son oeuvre à la tête de la commune de Rodez. Il lui fallait donc un nouveau défi.

   Pourquoi pas la députation ? Il avait (vainement) tenté sa chance en 2007, mais il me semble que Christian Teyssèdre soit plus intéressé par la gestion d'une collectivité territoriale que par le travail parlementaire. Ceci dit, je fais partie de ceux qui pensent qu'en 2012, il aurait pu enlever la première circonscription au député sortant Yves Censi, réélu de justesse face à Monique Bultel-Herment.

   Une autre possibilité était la conquête du conseil général de l'Aveyron. Mais, en 2011, c'est Guy Durand (à l'époque maire de Millau) qui avait mené ce combat. En 2015 comme en 2011, en dépit de la réforme territoriale, la gauche risque fort de mordre à nouveau la poussière. Dans le passé, C. Teyssèdre a pu réaliser ce que c'est que d'être conseiller général dans l'opposition. Il ne semble pas qu'il souhaite vivre à nouveau cette situation.

   Il restait donc la succession de Martin Malvy à la présidence du conseil régional de Midi-Pyrénées. Ce n'est que tardivement que l'on a appris officiellement le renoncement du sortant (un secret de Polichinelle, pour ceux qui savaient lire entre les lignes). Depuis deux-trois ans, on s'agite beaucoup dans le dos du président. Voilà sans doute pourquoi le maire de Rodez n'avait pas démissionné de son poste de vice-président, contrairement à l'un de ses engagements de campagne. Il a peut-être été conforté dans sa démarche par l'éviction successive de plusieurs des prétendants au trône : Kader Arif (rattrapé par la justice), Philippe Martin (plus préoccupé par le conseil général du Gers... et dont le passage au gouvernement n'a pas laissé une trace indélébile) et surtout Nicole Belloubet, opportunément nommée au Conseil constitutionnel en 2013.

   Comptant profiter de la disparition de ses principaux concurrents et s'appuyant sur l'inauguration réussie du musée Soulages, Christian Teyssèdre n'a pas compris que, début 2015, la situation avait changé. Cette élection est d'abord celle de la fusion de deux régions. Or, le maire de Rodez s'est présenté en solitaire, sans penser à former un tandem (voire une équipe) avec une élue languedocienne. En face, l'idée du duo Delga-Alary est une bonne trouvaille : on associe deux élus de grosses fédérations du PS, des deux régions d'origine ; on maintient (en cas de victoire) la présidence midi-pyrénéenne, tout en attribuant un beau lot de consolation à celui qui ne voulait pas de la fusion. Pour que sa candidature soit plus crédible, Christian Teyssèdre aurait dû rechercher l'alliance d'au moins une collègue socialiste de Languedoc-Roussillon... pas forcément montpelliéraine d'ailleurs.

   Le contexte de janvier 2015 a aussi été défavorable à la candidature du maire de Rodez. L'attitude de François Hollande suite aux meurtres commis par des terroristes islamistes a renforcé sa stature de président... et sa crédibilité aux yeux des militants socialistes. La solution imposée par les dirigeants du PS (qui a dû obtenir l'aval de l'Elysée) n'aurait sans doute pas été aussi bien acceptée quelques semaines auparavant. De ce point de vue, les attaques de Christian Teyssèdre contre l'appareil du PS sont arrivées à contre-temps. Les militants socialistes l'ont sans doute plus perçu comme un diviseur que comme un rassembleur... impression renforcée par ses bisbilles avec le PRG local. Ils ont choisi la sécurité de la solution proposée par Paris.

   Ce n'est pas tant dans les médias qu'auprès des militants de base qu'il aurait fallu intervenir, en utilisant ses réseaux. S'il avait vraiment déjà en tête sa candidature il y a trois-quatre ans, le maire de Rodez aurait dû mettre à profit sa vice-présidence de Midi-Pyrénées pour étoffer son carnet d'adresses. Il s'est peut-être un peu trompé de campagne... ou alors, faute d'un réseau suffisamment développé au sein de l'appareil, il a dû tenter de passer au-dessus, en utilisant principalement la presse... dont l'impact est aujourd'hui beaucoup plus faible qu'il y a vingt ans.

   Il y a pourtant bien eu une campagne interne au PS. Les non-initiés en ont eu des échos dans les journaux. Le maire de Rodez s'est rendu jusqu'à Tarbes pour tenter de convaincre les militants et on a pu voir Mme Delga à Albi où, d'après Le Tarn libre, elle a été bien accueillie par la fédération PS (sans doute déjà acquise à sa cause) :

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   Quatre débats ont même été organisés (d'après ce qu'on pouvait lire dans le cahier régional de Midi Libre de vendredi), le dernier semble-t-il à Toulouse :

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   Cette mini-campagne n'en a pas moins eu un certain retentissement. Outre les médias locaux et régionaux, quelques médias nationaux en ont rendu compte, comme Le Parisien et 20minutes. Quant à Christian Teyssèdre, il va désormais pouvoir pleinement se consacrer à Rodez et à sa communauté d'agglomération. D'autres tâches l'attendent, peut-être moins clinquantes que celles auxquelles il espérait se consacrer à l'Hôtel de région, mais tout aussi importantes pour l'avenir de cette partie de l'Aveyron.

Souvenirs de Marnie

   Cette production du studio Ghibli (coproduite par Disney !) est signée Hiromasa Yonebayashi, un nom qui ne vous dit sans doute pas grand chose... mais sachez qu'il est le réalisateur d'Arrietty, un petit bijou d'animation sorti il y a quelques années. Auparavant, il a fait ses premières armes aux côtés d'Hayao Miyazaki : il a eu en charge les effets visuels du splendide Voyage de Chihiro.

   On retrouve la qualité de l'animation (même si l'on n'atteint pas tout à fait la virtuosité du maître Miyazaki). Soyez notamment attentifs aux mouvements, ceux des humains comme ceux des objets : par exemple, quand l'héroïne Anna tourne les pages de son cahier de dessins ou quand le couple qui l'héberge pour les vacances se trouve à table (les mouvements de baguettes sont rendus avec un réalisme stupéfiant). Ces dernières scènes sont tellement réussies qu'elles mettent en appétit ! Voilà donc un film à voir juste avant un bon resto.

   L'histoire semble hyper classique au premier abord : une orpheline de douze ans connaît des problèmes de santé et elle a du mal à s'intégrer à sa nouvelle école, où l'a inscrite sa mère adoptive. On l'envoie à la campagne, en bord de mer. C'est là qu'elle va faire des rencontres déterminantes. La plus importante d'entre elles est celle de Marnie, aussi blonde qu'Anna est brune, aussi intrépide qu'Anna est timorée.

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   Une belle amitié se développe, dans un contexte mystérieux. C'est le soir et la nuit que les deux enfants se rencontrent, lorsque le manoir isolé, où habite Marnie, s'illumine. Mais le jour, il semble abandonné.

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   On commence à se poser des questions. Anna est-elle atteinte d'une maladie mentale, ou bien quelque chose de surnaturel est-il à l'oeuvre dans cette zone marécageuse ? Qui est réellement Marnie par rapport à Anna ? Des indices nous sont donnés, en particulier dans quelques scènes très courtes, celles des rêves d'Anna.

   D'autres personnages vont contribuer à éclaircir le mystère : le pêcheur muet, l'aquarelliste âgée et la nouvelle voisine, une gamine à lunettes curieuse comme tout, qui introduit un peu d'humour dans cette histoire mélancolique. Y contribuent aussi les époux qui accueillent Anna, un duo bienveillant et assez truculent, dans la tradition de l'animation japonaise.

   Cela donne un ensemble hétéroclite, étrange, émouvant et drôle à la fois, sur un rythme qui m'a toutefois paru un peu lent.

12:33 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 06 février 2015

Taken 3

   Olivier Megaton et Luc Besson ont remis le couvert sur les aventures de l'ancien agent de la CIA Bryan Mills (le premier volet ayant été réalisé par Pierre Morel). Pour accompagner Liam Neeson, on retrouve, côté féminin, la charmante (mais parfois transparente) Maggie Grace et (au début uniquement) Famke Janssen, qui a eu l'obligeance de se libérer entre deux aventures des X-Men. Côté masculin, Leland Orser (un vétéran des séries télévisées) apporte une touche de fantaisie.

   Au niveau du casting (si on laisse du côté les méchants plus ou moins caricaturaux), la nouveauté est l'arrivée de Forest Whitaker, qui semble débarquer d'un épisode de Criminal Minds: Suspect Behavior (pour ceux qui connaissent).

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   Il incarne (habilement) un enquêteur atypique... mais les scénaristes ont veillé à ce qu'il ne prenne pas trop de place dans l'intrigue (tout comme les autres personnages "secondaires"). La vedette est et doit rester Liam Neeson.

   Le héros a un peu vieilli. S'il est en grande forme pour quelqu'un qui a dépassé soixante ans, à plusieurs reprises, on sent qu'il est un peu "juste" pour incarner une machine à tuer. Les scènes d'action n'en sont pas moins plaisantes, à commencer par la première poursuite, au montage haletant. Les bagarres sont assez convaincantes, si l'on supporte le fait que le héros ne soit touché par quasiment aucune balle des méchants, alors que plusieurs d'entre eux sont des professionnels aguerris.

   Autre point positif du film : les décors. J'ai particulièrement apprécié la tanière du héros et l'hôtel de luxe ultra-sécurisé où séjourne le chef mafieux. Ce bâtiment est d'ailleurs le théâtre de l'une des plus belles séquences. Les amateurs d'action pure apprécieront aussi l'introduction d'un avion, tout à la fin.

   Mais, même si on laisse de côté certaines invraisemblances, le film souffre d'un autre défaut : la médiocrité des dialogues (dans la version française), en particulier ceux qui accompagnent les scènes intercalées entre les moments d'action. Si l'on est indulgent, l'ensemble constitue un divertissement très correct, mais moins abouti qu'Equalizer, par exemple.

11:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 03 février 2015

Charlie's country

   Le pays de Charlie est l'Australie... enfin, c'est le nom que les colons venus d'Europe lui ont donné. Lui appartient au peuple d'origine, ces Aborigènes nomades, chasseurs-cueilleurs-pêcheurs, qui ont aujourd'hui souvent oublié qu'ils vivaient jadis en harmonie avec la nature.

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   On découvre d'abord notre héros dans sa vie quotidienne, toujours à joindre les deux bouts, bricolant de-ci, de-là, pas toujours dans la légalité... et prenant parfois un malin plaisir à rouler ces "White bastards" (je vous laisse le soin de traduire). On remarque d'ailleurs que lui et ses vieux potes (tout aussi barbus, chevelus... et grisonnants que lui) ne pratiquent aucune discrimination dans ce domaine, arnaquant aussi bien des trafiquants de drogue que des membres des forces de l'ordre.

   Pour des raisons que je vous laisse le soin de découvrir, Charlie décide de tenter le retour à la nature et à la terre de ses ancêtres. Cela ne se passe pas tout à fait comme il l'avait envisagé, d'autant plus qu'il n'est plus le jeune homme vigoureux qui était capable d'avaler des dizaines de kilomètres à la suite (à pieds, bien évidemment). Si vous ajoutez à cela une tendance un peu trop prononcée à la fumette, personne ne s'étonnera qu'un séjour en hôpital se profile à l'horizon.

   L'homme du bush va curieusement se fixer en ville et rejoindre une communauté d'aborigènes glandeurs et alcooliques, symboles de la décadence de son peuple. Le second choc arrivera bien vite. Il va conduire le héros dans un lieu encore plus éloigné de ses préoccupations quotidiennes. Superbe est la scène de la tondeuse, qui transfigure Charlie. Paradoxalement, cet épisode, marqué par la répétition et la monotonie des journées, va lui apporter un peu de paix. Une nouvelle étape s'amorce grâce à une fonctionnaire d'Etat, avec laquelle s'engage une série de conversations caustiques (notamment autour de l'alcool et de la fréquentation des personnes qui en consomment).

   Je laisse à chacun le soin de découvrir comment tout cela se termine.

   P.S.

   Attention, c'est un film un peu bizarre, qui évolue à son rythme. Le réalisateur Rolf de Heer avait déjà tourné avec l'acteur principal (et ici co-scénariste) David Gulpilil dans 10 canoës, 150 lances, 3 épouses. Le visage de ce dernier n'est de surcroît pas inconnu des cinéphiles, qui ont pu le voir dans des productions aussi diverses qu'Australia, Le Chemin de la liberté (à voir si vous en avez l'occasion) et même Crocodile Dundee !

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dimanche, 01 février 2015

Queen and country

   John Boorman fait partie de ces réalisateurs qui ne cherchent pas à occuper les écrans à tout prix. Il n'a tourné qu'une vingtaine de films en cinquante ans de carrière (pas tous réussis, ceci dit). Les cinéphiles les plus âgés ont été marqués jadis par Délivrance. Leurs cadets ont été éblouis par Excalibur (qui a un peu vieilli).

   Queen and country est une oeuvre autobiographique. Le réalisateur ressuscite ses débuts dans l'âge adulte, à une époque où le Royaume-Uni est engagé dans la guerre de Corée (aux côtés des Etats-Unis) et où la jeune Elisabeth II est sur le point de succéder à George VI.

   La famille du héros est assez originale. Elle vit sur une petite île fluviale, à laquelle on ne peut accéder que par barque, après avoir sonné une cloche. Si le père incarne une autorité martiale traditionnelle, on comprend peu à peu que la mère n'a pas tout à fait respecté les règles que la bienséance impose aux épouses bourgeoises de son époque. C'est encore pire au niveau de la fille aînée (Vanessa Kirby, délicieuse). Cette gredine délurée s'est déjà fait engrosser deux fois (dont une à 17 ans... My God !) et vit désormais seule... enfin sans compagnon officiel.

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   J'ai trouvé toutes les scènes de famille très réussies. Elles sont tournées pour la plupart de jour, sous une lumière magnifique. Accessoirement, c'est dans le contexte familial que le héros va entrer en contact avec le monde du cinéma : des studios de tournage se trouvent à proximité et il arrive que des scènes soient tournées sur l'île. Bill est aussi un ardent cinéphile, amateur des oeuvres d'Alfred Hitchcock et emballé par la virtuosité d'un réalisateur japonais jusqu'alors inconnu (Akira Kurosawa), auteur du superbe Rashomon.

   Sa vie bascule avec sa convocation pour le service militaire. Si l'influence de grands films de guerre américains est perceptible à l'écran, Boorman veille à mener cette partie de l'intrigue à sa façon, c'est-à-dire avec humour et tendresse. C'est d'abord une histoire d'amitié entre Bill le grand timide et Percy le rouquin audacieux, celui-ci incarné par Caleb Landry Jones, remarqué il y a deux ans dans Antiviral.

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   Les deux compères vont tenter de contourner le règlement strict de la caserne, épaulés par un vieux renard vaguement handicapé, interprété (avec talent et enthousiasme) par Pat Shortt. Une horloge sert de fil rouge à l'histoire. Je n'en dirai pas plus... Signalons aussi l'excellente composition de David Thewlis en sergent-major Bradley. C'est un habitué des seconds rôles, que l'on a pu voir notamment dans Harry Potter et Cheval de guerre.

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   L'autre versant de l'histoire est constitué des débuts amoureux des deux jeunes hommes. Percy engage les manoeuvres d'approche auprès de deux spectatrices d'un concert de musique classique, pendant que Bill ne pense qu'à sa mystérieuse inconnue, si chic... mais inaccessible. Les pérégrinations des deux compères sont assez drôles, avec notamment une histoire de téton collé à une vitre qui vaut son pesant de cacahuètes !

   Je pense qu'au travers de tous ces éléments, John Boorman a voulu montrer comment il s'était construit comme homme et comme (futur) cinéaste. Mais on peut se contenter de regarder le film comme une chronique douce-amère d'une Angleterre qui n'existe plus.

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samedi, 31 janvier 2015

Into the Woods

   Walt Disney revisite les contes de fées, à la mode comédie musicale... mais pas sous la forme d'une animation. De vrais acteurs ont été requis, accompagnés d'une foultitude d'effets spéciaux.

   Une intrigue principale (un couple de boulangers auquel une sorcière promet une grossesse -et donc un enfant- s'ils travaillent pour elle) est placée à l'intersection de plusieurs histoires, celle du Petit Chaperon rouge, celle de Cendrillon, celle de la Princesse Raiponce et celle de Jack et le haricot magique.

   Cela marche parce que les décors comme les effets spéciaux sont très bons. J'ai retrouvé avec plaisir l'ambiance de mystère et de féérie des histoires de mon enfance. Mais ce n'est pas tout à fait dans l'esprit acidulé des anciennes adaptations de chez Disney. Les contes d'origine sont plus cruels que celles-ci et l'on en a tenu compte (ainsi sans doute que des réflexions de Bruno Bettelheim). Ce sont de bonnes leçons de vie.

   Du coup, il y a un paquet de second degré dans ces historiettes. Le Petit Chaperon rouge, sous ses dehors de gentille fille obéissante, n'est qu'une immonde goinfre, dont le visage angélique cache une redoutable voleuse. Quant aux deux princes charmants (celui de Cendrillon et celui de Raiponce), ils se livrent à un duel vocal assez inattendu, en tenues moulantes... et je ne vous dis pas ce que devient par la suite l'un d'entre eux.

   Globalement, je trouve quand même que les personnages féminins sont les plus réussis. A tout seigneur, tout honneur, voici donc Meryl Streep, éblouissante en sorcière-mère-poule :

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   Face à ce monstre sacré (qui, de surcroît, sait pousser la chansonnette... à écouter en V.O. sous-titrée), on aurait pu croire que les autres actrices auraient du mal à exister. C'est le cas pour quelques-unes d'entre elles, mais d'autres se débrouillent très bien, à commencer par la délicieuse Emily Blunt (rappelez-vous, dans Lopper et Edge of tomorrow...) :

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   Cette épouse (presque) soumise au début, va petit à petit s'affirmer et jouer un rôle déterminant dans l'achèvement de l'entreprise de son mari. Audace suprême, vers la fin, elle ose faire passer son plaisir avant son devoir.

   La troisième actrice marquante de cette superproduction est Anna Kendrick, à qui a échu la lourde tâche d'incarner Cendrillon. Elle s'en sort très bien, alors que l'intrigue, qui se poursuit après la traditionnelle conclusion de chacun des contes, fait évoluer son personnage de manière assez inattendue, mais très contemporaine :

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   A leurs côtés, il faut signaler Lilla Crawford en Petit Chaperon rouge (dont on reparlera sans doute) et le trio qui incarne la belle-mère et les demi-sœurs de Cendrillon.

   Face à cette brochette de talents en jupons, les mâles font pâle figure. il n'y a guère que Johnny Depp en Grand Méchant Loup qui tire son épingle du jeu. Mais les princes comme le gamin sont insupportables, trop monolithiques et stéréotypés dans leur jeu. Et que dire de James Corden, chargé sans doute d'incarner l'Américain moyen, un peu enveloppé, un peu idiot, un peu macho, mais pas mauvais gars au fond...

   Mais ce n'est pas le plus gros défaut du film. Je veux bien entendu parler des chansons. Si quelques-unes sont assez bien troussées, la plupart sont sans intérêt et ralentissent inutilement l'intrigue. C'est vraiment dommage, parce que l'emballage est superbe et certaines prestations d'actrices méritent vraiment le détour.

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vendredi, 30 janvier 2015

L'Affaire SK1

   Ce polar est consacré à la traque du "tueur de l'Est parisien", Guy Georges. Il a été tourné de manière à nous présenter le travail des enquêteurs et l'engagement des avocats de la défense. Le tueur lui-même est surtout un objet d'étude dans le film : on ne le voit jamais commettre l'un des assassinats. Quant à l'action de la justice, elle n'est qu'esquissée. Je reviendrai plus loin sur ces deux derniers points.

   Les acteurs sont très bons, même Raphaël Personnaz, qui ne m'avait pas trop convaincu dans Le Temps des aveux. Il retrouve d'ailleurs Olivier Gourmet, qui ne déçoit pas. Du côté des flics, il faut aussi signaler Michel Vuillermoz et Thierry Neuvic, pour les hommes, et Chloé Stéfani, pour les femmes. Du côté des avocats, Nathalie Baye comme William Nadylam sont très bien.

   Mais la véritable "perle" de la distribution est Adama Niane, qui incarne Guy Georges de manière stupéfiante :

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   Pour les "vieux" dans mon genre, ce film est l'occasion de constater à quel point la France a changé en une vingtaine d'années. Le téléphone portable n'y occupait qu'une place marginale... et les commissariats étaient sous-équipés en matériel informatique.

   Sur le plan de l'intrigue, il n'y rien à dire. C'est propre et bien fichu. Alternent à l'écran les moments de tension et les séquences de "décompression". La sauvagerie des assassinats n'est que suggérée, par l'intermédiaire des cadavres des jeunes femmes.

   C'est aussi la principale limite du film. Et ce n'est à mon avis pas involontaire. On a voulu éviter que les spectateurs ne jugent le tueur à partir des meurtres qu'il a commis. Le film "lui donne sa chance" (d'autant plus qu'il est très bien interprété). Il est presque tout le temps calme. A deux reprises seulement, il s'énerve un peu. Quand on voit l'état dans lequel il a laissé les corps et quand on entend les extraits des rapports de police ou des médecins légistes, on a peine à croire qu'il s'agisse du même homme. A cela s'ajoute la grande place laissée aux arguments des avocats, qui ont longtemps cru ou fait semblant de croire à l'innocence de leur client. On finit par nous servir un propos sociologisant, faisant du monstre uniquement le produit de notre société. Allez dire cela aux familles des victimes...

   Certains spectateurs pourront aussi s'étonner que l'aspect "ethnique" de l'affaire soit escamoté. Guy Georges est un métis, fils d'un soldat noir américain et d'une Française blanche, qui l'a abandonné. Or, dans sa "carrière" de violeur et tueur en série, il ne s'est attaqué qu'à des jeunes femmes blanches...

   Enfin, si le film pointe les dysfonctionnements de la police, il passe très rapidement sur l'étonnante indulgence (incompétence ?) de la justice, qui a, à plusieurs reprises, rapidement laissé libre un individu déjà identifié comme extrêmement dangereux. La lecture de la fiche Wikipédia qui lui est consacrée est à cet égard éclairante.

   A ceux qui l'ignoreraient, précisons que ce tueur considéré comme irrécupérable est libérable, en théorie, à partir de 2020. Il aura 58 ans...

 

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dimanche, 25 janvier 2015

108 Rois-Démons

   Cette coproduction franco-belgo-chinoise adapte une légende du "pays du milieu". Dans des décors animés sont insérés les évolutions des acteurs, dont on a capturé les mouvements. Le résultat est parfois surprenant, mais de qualité sur le plan visuel.

   L'histoire part sur des bases classiques : l'assassinat d'un empereur et l'arrivée au pouvoir d'un régent comploteur. Le prince héritier va devoir échapper à la mort qu'on lui promet. Dans le même temps, l'ancien chef de la garde impériale se retrouve mis au ban de la société, mais il va faire d'étonnantes rencontres.

   La grande réussite de cette animation est la caractérisation des personnages. Le prince héritier est au départ un gamin obèse et capricieux, un fils unique qui n'est pas sans évoquer ceux qu'on appelle "les petits empereurs" dans la Chine contemporaine. Un vieux sage (un peu magicien), le Maître Céleste (qui a des airs du Yoda de Star Wars) va le sauver et le remettre dans le droit chemin, à coups de bâton sur le crâne s'il le faut. La deuxième partie du film, qui met en scène cet improbable duo, est souvent très drôle.

   On en vient rapidement à s'intéresser à une bande de marginaux qui va se constituer autour de Tête-de-Léopard... Oui, tous ont un surnom "qui claque", comme Tourbillon-Noir, Vipère-Jaune, Mort-Prématurée ou encore Scorpion-de-Fer. Cette troupe hétéroclite m'a fait penser aux compagnons de Robin des Bois.

   Quant au principal personnage féminin (Vipère-Jaune), il semble s'inspirer de l'une des protagonistes du Secret des poignards volants (de Zhang Yimou), qui manie à la perfection de longs rubans de tissu. Se joint à la troupe une gamine à l'imagination débridée, qui va apprendre à écrire (au pinceau) et devenir la narratrice de l'histoire.

   L'intrigue est bien construite, ménage des rebondissements. A intervalle régulier, on nous sert de bonnes scènes d'action. Mais ce sont surtout les pointes d'humour qui m'ont plu. Les marginaux se chambrent souvent et les enfants (pas trop caricaturaux, c'est à signaler) sont sources de gags. Et, comme les personnages des "méchants" (principalement le régent et son bras droit à la mémoire défaillante) sont eux aussi réussis, on passe un bon moment.

   P.S.

   Le public francophone appréciera de voir le mouvement des lèvres des personnages correspondre aux répliques qu'ils prononcent, phénomène suffisamment rare dans le monde de l'animation pour être signalé.

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samedi, 24 janvier 2015

"Tout est pardonné"

   J'ai enfin réussi à me procurer le numéro de Charlie Hebdo publié le 14 janvier. C'est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas : même en Aveyron, à Rodez, les lecteurs se sont rués chez les marchands de journaux. Cela confirme l'impression ressentie au cours de la marche du dimanche 11 janvier : un grand nombre de mes concitoyens a voulu manifester sa condamnation des assassinats et son attachement à la liberté d'expression, ainsi sans doute qu'à la laïcité.

   J'ai quand même failli tomber de ma chaise quand j'ai appris que ma mère avait elle aussi acheté un exemplaire de l'hebdomadaire satirique ! Elle qui n'en a jamais été lectrice, elle qui trouve les caricatures vulgaires, elle qui fréquente assidûment les églises et n'apprécie pas que l'on dénigre les religions (pas que la catholique, d'ailleurs) ! Pas très intéressée par la lecture, elle a rapidement donné l'exemplaire à un membre de la famille...

   Commençons par la Une, qui a fait polémique, pour plusieurs raisons :

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   Le premier motif de mécontentement de certains musulmans est la représentation de Mahomet. Selon ces personnes, il est interdit (Par qui ? Mystère...) de représenter le prophète de l'islam. C'est l'une des idées reçues qui circulent à propos de cette religion, idée reçue qui a été démontée dans un article des "Décodeurs" du Monde. Ainsi, les musulmans qui réclament que l'on ne représente pas Mahomet ne sont les vecteurs que d'une interprétation de l'islam.

   Ceci dit, ils pourraient aussi s'appuyer sur la Bible (dont s'est inspiré le Coran), notamment les Dix Commandements. Il y est clairement question du rejet de toute représentation imagée. Cela explique que, dans les synagogues, on ne trouve pas de représentation humaine, encore moins de Yahvé. Mais on ignore souvent que le christianisme (qui est né du judaïsme) a lui aussi été agité de violents débats au sujet des images. Ce sont d'abord les orthodoxes de l'Empire byzantin qui ont connu la querelle de l'iconoclasme. Plus tard, à la Renaissance, l'Europe occidentale a été le théâtre d'affrontements sanglants entre catholiques et protestants, ces derniers s'en prenant aux représentations imagées.

   Il reste que, pour nombre de musulmans, Mahomet n'est pas qu'un fondateur, un homme exceptionnel. Il a le statut d'un quasi-dieu, ce qui rapproche l'islam du christianisme (qui a tenté de résoudre la quadrature du cercle monothéiste avec l'invention de la Trinité, sorte de "trois dieux en un").

   L'autre erreur des intégristes est de (faire semblant de) croire que des préceptes religieux peuvent s'imposer à la loi française. Fort heureusement, nous vivons dans une république (imparfaitement) laïque. Elle n'est pas pour autant athée, ni islamophobe. Ici, nous rencontrons deux problèmes. Le premier est l'instrumentalisation de cette affaire par des dirigeants (politiques et/ou religieux) musulmans qui savent pertinemment que l'islam n'est pas mis en danger par ces caricatures, mais qui profitent de l'occasion pour asseoir leur pouvoir ou prendre la main sur des adversaires plus timorés. Le second problème est l'inculture des masses sous-éduquées, auxquelles on tente de faire croire tout et n'importe quoi.

   Le deuxième motif de mécontentement est la manière dont Mahomet est dessiné. Pourtant, elle n'est pas nouvelle. Le turban et la barbe sont des attributs classiques du prophète des musulmans, y compris dans les représentations islamiques. Des discussions sont nées de la présence supposée du sexe masculin sur la caricature. Voici ce que cela donne lorsqu'on la retourne :

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   En y regardant bien (et avec un peu d'imagination), on peut reconnaître un premier pénis, formé par les yeux et le nez de ce Mahomet d'opérette. Un deuxième membre masculin (plus imposant) serait composé du turban et du visage du Prophète. On pourrait en distinguer un troisième, formé par ce même turban, avec la bandelette qui dépasse de la tête du personnage.

   Même si je reconnais que la remarque ne manque pas de fondement, il faut rappeler que le dessinateur Luz a coutume de représenter Mahomet ainsi. On a déjà pu le voir notamment en couverture du numéro intitulé Charia Hebdo, qui avait valu à l'hebdomadaire satirique les foudres de certains agités du bocal.

   Il est même plutôt sympathique, au regard de la version de Cabu, qui avait fait la Une d'un autre numéro désormais collector, C'est dur d'être aimé par des cons. Celle-ci avait d'ailleurs fait l'objet de la même polémique que celle qui touche le journal paru le 14 janvier. On avait accusé Cabu d'insulter tous les musulmans, alors qu'il ne visait explicitement que les intégristes. Mais pour cela, encore fallait-il avoir lu le titre qui accompagnait le dessin :

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   Ici, je me suis contenté de procéder à un petit truquage maladroit, mais je me souviens qu'à l'époque, j'avais vu des reproductions de la Une, sans le texte d'accompagnement.

   Concernant la représentation "sexuée" de Mahomet, certains mauvais esprits pourraient être tentés d'affirmer que Luz sous-entend que le prophète des musulmans est une "tête de noeud"... D'autres esprits ont cru reconnaître un sexe féminin (non épilé) dans le dessin du bas du visage... (Cabu l'avait fait jadis avec un portrait de Yasser Arafat... qui n'avait pas suscité de telles réactions.) C'est surtout révélateur des obsessions qui habitent (en un seul mot, hein !) l'esprit de certains croyants, musulmans ici, catholiques là, quand il a été question de l'enseignement de l'égalité des sexes à l'école.

   Enfin, je me dois de rappeler qu'il n'est pas rare que des caricaturistes "introduisent" un élément sexuel dans la représentation d'un personnage. En France, ce fut notamment le cas de Plantu, dans Le Monde, à propos de Dominique Strauss-Kahn. Il n'y a vraiment pas de quoi en faire un drame.

   Le troisième motif de mécontentement (à propos de la couverture) est le texte d'accompagnement. Cette fois-ci, ce sont plutôt les amis de Charlie qui n'ont pas apprécié (ou compris) le message. Luz n'a pas voulu trop en dire, mais l'on sent qu'il y a une intention conciliatrice derrière (du genre "on représente votre prophète, certes, mais sans intention de nuire"). Cela n'a pas forcément été perçu ainsi par les musulmans extrémistes. A contrario, les amis de Charlie ne voient pas ce que l'hebdomadaire aurait à se faire pardonner. La liberté d'expression ne se mendie pas. Le dessin, avec la pancarte "Je suis Charlie", se suffisait à lui-même.

   Passons au contenu du journal, à présent. La tentation des lecteurs est de passer directement de la première à la dernière page. D'abord, parce que c'est une manipulation très facile à réaliser. Ensuite, parce que c'est à cet endroit que se trouvent "les couvertures auxquelles vous avez échappé", parfois meilleures que celle qui a été retenue pour faire la Une. J'ai particulièrement aimé celles de Catherine Meurisse :

Catherine 1.jpg

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   La seconde fait allusion à l'action de margoulins, qui ont voulu se faire de l'argent facile avec le slogan (contestable) créé par Joachim Roncin. Plus d'une centaine de tentatives de dépôt de marque (dont deux pour des armes...) ont été refusées par l'INPI.

   Les pages 2 et 3 sont remplies de dessins des défunts caricaturistes, qui encadrent l'éditorial de Gérard Biard. Celui-ci a bien senti que le drame qui a frappé l'hebdomadaire satirique allait faire l'objet de récupérations. C'est l'occasion de réaffirmer la défense de la laïcité. Il profite de l'occasion pour rappeler que les collègues aujourd'hui quasi unanimes à les soutenir ont été plus réticents les années passées, notamment en 2012, lorsque l'affaire des caricatures avait rebondi.

   Les textes occupent ensuite davantage de place. On trouve notamment un papier de Jean-Yves Camus sur les thèses complotistes nées dans certains esprits dérangés. Très instructif. Les pages suivantes m'ont moins intéressé. L'intérêt est remonté à la lecture de la double-page centrale, consacrée à la manifestation parisienne du 11 janvier. Sur la partie gauche, une double-bande verticale (signée Luz) fait le bilan des changements positifs et négatifs survenus depuis les assassinats.

   Le suite est un mélange d'inédits des caricaturistes décédés, de dessins de ceux qui sont encore vivants et de textes plus ou moins intéressants. Je retiens un épisode des aventures des inénarrables Maurice et Patapon, sans doute la meilleure création de Charb :

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   La suite (début février) nous dira si Charlie Hebdo sait rebondir. Son assise financière sera (provisoirement) plus solide. Le talent suivra-t-il ?

mercredi, 21 janvier 2015

Festival Télérama 2015

   Du 21 au 27 janvier, les cinémas qui ont noué un partenariat avec l'hebdomadaire culturel "de référence" permettent de (re)voir (à tarif réduit) quelques bons et moins bons films d'art et essai de l'année écoulée. (Ce sont les seize préférés des critiques maison.)

   Le numéro sorti ce mercredi contient la liste des cinémas partenaires. En Aveyron, il s'agit uniquement de La Strada, à Decazeville, et du Cap Cinéma de Rodez. Et encore, seule une partie des films est proposée aux spectateurs rouergats. Ainsi, il faut sortir du département pour trouver une salle (re)programmant le superbe Ida (un concurrent sérieux de Timbuktu dans la course à l'Oscar du film en langue étrangère).

   Heureusement, à Rodez comme à Decazeville, The Grand Budapest Hotel est disponible, en version originale sous-titrée. Il vient de décrocher neuf nominations aux Oscar 2015. A cette occasion, j'ai découvert avec étonnement que l'entraînante musique qui accompagne le film est l'oeuvre du Français Alexandre Desplat, qui "a la cote" à Hollywood.

   Il avait d'ailleurs déjà travaillé sur les précédents longs-métrages de Wes Anderson (Fantastic Mr Fox et Moonrise Kingdom). En consultant sa filmographie, j'ai pu constater qu'il avait contribué à l'habillage de nombre de films que j'ai beaucoup appréciés.

   Aux spectateurs de The Grand Budapest Hotel, je conseille donc de ne pas quitter la salle trop vite. Le générique de fin est un festival de balalaïkas et, dans sa seconde partie, il est agrémenté d'un personnage animé, dont je me garderai bien de décrire les évolutions à l'écran.

lundi, 19 janvier 2015

Poker menteur à Villefranche-de-Rouergue

   On le sentait venir gros comme une maison en décembre dernier : la vieille gué-guerre entre socialistes et radicaux villefranchois (qui a contribué à asseoir confortablement la carrière politique de Serge Roques) est sur le point de se rallumer à l'occasion de la campagne des élections départementales.

   Les récentes manifestations en hommage aux victimes de l'islamo-fascisme ont été l'occasion pour nombre de dirigeants politiques (locaux comme nationaux) d'afficher leur indéfectible soutien à la liberté de la presse ainsi qu'à la défense de la veuve et de l'orphelin. Si, à cette occasion, leur bobine s'est retrouvée à la une des journaux, c'est pure coïncidence. Voici donc la photographie qui a été publiée dans Le Villefranchois du 15 janvier dernier :

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   Toute la crème politique villefranchoise était réunie derrière la banderole de soutien à Charlie Hebdo. En numéro 1 se trouve Patrice Couronne, naguère encore maire de Morlhon-le-Haut, mais toujours solidement accroché à la présidence de la communauté de communes du Villefranchois. Il côtoie Serge Roques, le maire de Villefranche-de-Rouergue (numéro 2) et son principal opposant, le radical de gauche Eric Cantournet, toutefois un peu placé à l'écart (numéro 3).

   Mais voilà que, ô surprise, au deuxième rang, un petit malin a réussi à glisser sa tête (surmontée du chapeau si reconnaissable) entre le maire et l'actuel conseiller général. Il s'agit de Jean-Michel Bouyssié (numéro 4). Plus loin, en page 9 de l'hebdomadaire, on apprend qu'il sera candidat aux prochaines élections départementales, avec pour suppléant André Valentin (un ancien socialiste passé au Front de Gauche)... mais sans que l'on connaisse sa partenaire de binôme, au contraire d'Eric Cantournet, annoncé en compagnie d'Odette Taïocchi, qui a déjà mené plusieurs campagnes à ses côtés.

   La cerise sur le gâteau est venue de l'article paru ce lundi dans Centre Presse. On ne sait toujours pas qui sera la colistière de Jean-Michel Bouyssié, mais celui-ci fait porter la responsabilité de la désunion sur les épaules d'Eric Cantournet. Pourtant, quand on analyse la chose en détail, il y a comme une embrouille. Certes, chaque nouveau canton doit désigner deux conseillers... mais un homme et une femme. Comme Eric Cantournet est le sortant, il paraît logique qu'il occupe la place éligible. Son éventuel allié socialiste ne pouvait donc au mieux envisager que celle de suppléant. Mais cela ne lui suffisait peut-être pas... et, en face, E. Cantournet a sans doute encore sur le coeur les séquelles de la campagne des municipales, durant laquelle on ne peut pas dire que le soutien des socialistes ait été des plus ardents...

   En mars prochain, il y a fort à parier que le premier tour de l'élection départementale servira de primaire à gauche... à condition qu'il y ait un second tour. A droite, Serge Roques a lancé son jeune poulain (et potentiel successeur à la mairie) Laurent Tranier, accompagné de Colette Lefevre. C'est un duo de choc, composé des deux premiers adjoints de Villefranche, qui pourrait faire regretter leurs querelles d'égos aux candidats de gauche.

   P.S.

   A ceux qui s'étonneraient que le débat d'idées et les programmes soient absents de ce billet, je répondrais qu'il n'est que le reflet de la situation actuelle. On attend de voir ce que la gauche aveyronnaise (éventuellement unie) a à proposer pour renverser la majorité départementale actuelle.

dimanche, 18 janvier 2015

Le Centre Pompidou de Metz à la peine

   Vu de l'Aveyron, on se demande si ce qui arrive à ce musée d'art contemporain n'est pas une préfiguration de l'avenir du musée Soulages. L'un comme l'autre ont commencé tambour battant, avec une première année couronnée de succès. Un récent article du Monde évoque les difficultés de l'établissement messin. En croisant les informations qu'il fournit avec celles que l'on peut trouver dans les rapports d'activité, on arrive à la conclusion que la fréquentation n'a cessé de baisser :

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   Pour être juste, il convient d'apporter deux précisions. Comme le musée n'a ouvert ses portes qu'en mai 2010, le nombre d'entrées de la première année est sous-estimé. Sur les douze premiers mois, on se rapproche plutôt de 800 000 visiteurs. Si le succès initial n'en est que plus éclatant, la baisse qui a suivi n'en est que plus incontestable. Toutefois, il semblerait qu'en 2014, il y ait eu un léger rebond, avec 350 000 entrées. On attendra cependant la confirmation. Ainsi, en janvier 2014, lors d'une réunion du conseil municipal de Metz, il avait déjà été affirmé que la fréquentation avait atteint 350 000 visiteurs l'année écoulée, chiffre qui avait ensuite été "corrigé" en 335 000 dans le rapport publié en juin 2014 (page 32).

   En théorie, cette baisse, qui n'est pas illogique, ne menace pas (encore) l'existence du musée, parce qu'il avait été conçu sur la base de 250 000 visiteurs annuels. Pourtant, une violente polémique est née autour du budget 2015 du Centre Pompidou, à cause de la baisse -déjà annoncée l'an dernier- de la participation du conseil régional de Lorraine (de 4 à 3 millions d'euros). Cela donnait la répartition préfigurée suivante :

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   D'après l'article du Monde, les recettes issues des entrées payantes et du mécénat sont moins importantes que prévu. En 2014, on dépasse à peine les deux millions d'euros. On ne peut donc que s'étonner des nouvelles prévisions, publiées il y a deux jours dans La Croix. Il y est question de 3,5 millions d'euros en 2015. Pour cela, il faudrait que le nombre d'entrées payantes augmente et/ou que les mécènes se montrent bien plus généreux. Si l'on ajoute à ces éléments l'augmentation de la participation de la communauté d'agglomération Metz Métropole (+ 550 000), du conseil général de la Moselle (+ 300 000) et de la commune de Metz (+ 150 000), cela donne la ventilation suivante :

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   Cela me paraît quelque peu optimiste. En cherchant dans les rapports d'activité, j'ai trouvé l'origine de ce chiffre (3,5 millions d'euros) : il s'agit de l'ensemble des recettes annexes de 2013, comprenant (outre le mécénat et le produit de la billetterie) les recettes d'édition, la privatisation d'espaces, la participation de l'Association des Amis du musée ainsi que les redevances d'occupation et d'exploitation de la librairie-boutique, du restaurant et du café.

   Peut-être que le succès des expositions programmées cette année viendra démentir mes appréhensions. Cela me conduit à évoquer le musée Soulages qui, à la différence de l'établissement lorrain, bénéficie de collections permanentes. Il a aussi été moins coûteux à la construction (30 millions d'euros contre 70), mais il a été promu par des collectivités moins riches que leurs homologues lorraines.

   Commençons par le nombre d'entrées. A Rodez, on s'est félicité (à juste titre) du succès du démarrage : 200 000 visiteurs sont venus au musée Soulages en 2014. Si la fréquentation connaît la même évolution qu'à Metz, dans quatre ans, elle pourrait se situer entre 100 000 et 110 000 visiteurs. Cela concorderait avec les prévisions données dans la presse : entre 100 000 et 150 000 pour Midi Libre en mai dernier, lors de l'inauguration. Quelques mois plus tôt, on se montrait plus prudent dans Centre Presse, qui évoquait 80 000 à 100 000 visiteurs. (Je ne le lui souhaite pas mais, vu son grand âge, je ne peux m'empêcher d'envisager le décès de Pierre Soulages, qui contribuerait sans doute, dans un premier temps, à soutenir voire relancer la fréquentation.)

   Le contribuable que je suis espère que les faits ne viendront pas démentir ces prévisions, parce qu'à Rodez, contrairement à Metz, la communauté d'agglomération est seule à financer le fonctionnement du musée.

samedi, 17 janvier 2015

Invincible

   Si le titre français du nouveau film d'Angelina Jolie est bien choisi, il n'est toutefois pas aussi pertinent que l'original, Unbroken. Il donne bien la tonalité de l'histoire, celle du fils d'immigrés italiens que rien ne va briser, que ce soit le racisme des gamins de son âge, l'action de la police (contre ce voleur à la tire), le talent de ses adversaires en course, la faim, la soif, les blessures, les requins... et même la fixation sadique qu'un commandant de camp fait sur lui.

   La première heure est construite sur des allers-retours entre la période de guerre dans le Pacifique (au début des années 1940) et la jeunesse du héros. A l'écran, c'est magnifique. Dès le début, on est cueilli par ce plan aérien où, petit à petit, on commence à distinguer les bombardiers qui se détachent des nuages. A plusieurs reprises, on constate le très grand soin apporté à la photographie. La qualité de la mise en scène est aussi visible au niveau de la construction des plans. Les scènes sportives sont bien fichues, mais ce sont les scènes de camp qui sont les plus impressionnantes. La réalisatrice varie les angles de prise de vue et certains mouvements de caméra sont particulièrement judicieux. Je pense notamment au moment où les prisonniers, qui viennent de changer de camp, attendent, alignés dans la cour et entendent les pas du directeur, qui descend les escaliers de son logis.

   Il y a donc plusieurs films dans cet Invincible. Certains seront surpris de voir que les années 1930 ne sont présentées que sous l'angle nostalgique. (Et la crise, alors ?) Le passage par les Jeux de Berlin est aussi ambigu : c'est surtout un moment d'émerveillement pour le jeune homme, qui va se faire un nom en battant le record du dernier tour du 5 000 mètres. (Pour la petite histoire, sachez que c'est un petit-fils de Zamperini qui incarne le porteur de la flamme olympique !) On ne nous dit toutefois pas qu'il a terminé huitième de la finale, remportée par un duo d'increvables Finlandais. On ne montre pas non plus sa rencontre avec Adolf Hitler. Il est vrai que cela aurait perturbé le propos du film et que cela ne révèle rien sur le personnage. Plus tard, devenu soldat, il a prouvé qu'il ne se laissait pas acheter. (Aux curieux, je recommande un article de Slate, qui confronte le scénario du film à ce que l'on sait de la vie de Louis Zamperini.)

   Nous voilà projetés dans la guerre du Pacifique. Les scènes de combat aérien sont "chouettes". (Signalons la qualité des effets spéciaux, particulièrement visibles à cet instant, mais tout aussi efficaces -et plus discrets- à d'autres moments.) Angelina Jolie tire un bon parti des possibilités offertes par un bombardier. Vient ensuite la séquence de l'errance en mer. Trois des onze membres de l'équipage ont survécu à l'accident. Si ce n'est pas la partie du film la plus rythmée, elle n'est pas la moins intéressante. On se demande ce qui, de la faim, de la soif, de la tempête, des Japonais ou des requins est le plus dangereux. D'un point de vue physique, on voit la santé des personnages se dégrader : au-delà d'un style assez hollywoodien, le souci de réalisme est présent.

   Il est même omniprésent dans la troisième partie, celle de l'emprisonnement, au Japon. Les survivants vont passer par un camp de la jungle avant de rejoindre ce que l'on peut sans conteste appeler un camp de concentration. Ils vont y découvrir le sadisme du commandant Watanabe (très bien interprété par un musicien japonais, Miyavi). On sent qu'Angelina Jolie a vu et apprécié Le Pont de la rivière Kwaï et Furyo. J'ai cependant trouvé que certains effets étaient trop appuyés, en particulier dans la séquence de la poutre, un grand moment que je me garderai bien de raconter.

   Zamperini (incarné avec conviction par Jack O'Connell) devient une figure quasi christique. Au cours de la guerre, il s'est converti et cela a influé sur sa vie ultérieure. Cela contribue à renforcer le côté extraordinaire du personnage. Non seulement il était doté d'une santé et d'une volonté de fer, mais il a été capable de prendre du recul sur ce qu'il vivait.

   C'est un film à voir.

mercredi, 14 janvier 2015

Captives

   L'intrigue entremêle principalement deux époques : celle à laquelle l'enfant a été enlevée et celle qui voit ses parents et la police se rapprocher de la vérité sur ses ravisseurs, huit ans plus tard.

   Attention toutefois : ce n'est pas présenté de manière linéaire et, cerise sur le gâteau, on a ajouté des scènes qui se situent chronologiquement entre les deux époques. Cela donne un puzzle scénaristique qui, s'il nécessite de la part des spectateurs un réel effort d'attention, contribue à accentuer l'aspect dramatique de l'histoire.

   C'est servi par une excellente distribution, composée principalement d'habitués des seconds rôles et des séries télévisées. La plus connue est Rosario Dawson, récemment vue dans Sin City 2. Elle incarne une pugnace enquêtrice de la brigade des mineurs, qui va bénéficier de l'aide d'un flic de base, plutôt "rugueux" dans ses méthodes de travail.

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   Mais c'est le couple de parents formé par Mireille Enos et Ryan Reynolds (remarqué dans l'excellent Buried) qui m'a le plus marqué. La mère n'a plus de vie depuis la disparition de sa fille... d'autant que quelqu'un semble s'amuser à jouer avec ses nerfs. Quant au père, il pense encore pouvoir retrouver la gamine après toutes ces années, mais ne fait aucune confiance à la police, qui l'a d'abord considéré comme le suspect principal.

   L'ambiance est tendue, sur le fil du rasoir. La musique est au diapason. On perçoit bien la souffrance psychologique des parents et l'on a une idée précise du pouvoir de nuisance dont disposent les "méchants" (un peu trop machiavéliques à mon goût cependant). Au bout d'un moment, on comprend que les allers-retours entre le présent et le passé convergent vers la résolution de l'énigme, que je me garderai de révéler.

   Si l'on aime le style "polar glacé", je conseille vivement.

19:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 12 janvier 2015

Exodus : Gods and Kings

   Ridley Scott est de retour avec une superproduction hollywoodienne. Ses dernières œuvres m'ont un peu laissé sur ma faim, de l'agaçant Robin des Bois au très réussi American Gangster, en passant par les corrects (sans plus) Prometheus et Mensonges d'Etat.

   L'une des premières séquences confirme, s'il était nécessaire, le savoir-faire du réalisateur dans les scènes d'action. Il est question de la bataille de Qadesh, qui opposa les Egyptiens aux Hittites. Le tout est servi par une pléiade d'acteurs connus, Christian Bale se détachant nettement du lot dans le rôle de Moïse. Par contre, on ne peut que regretter le choix de Joel Edgerton pour incarner Ramsès. D'autres personnes avaient été pressenties. Dommage... d'autant plus que le doublage n'est pas très réussi.

   Ceux qui ont vu Les Dix Commandements ne seront pas surpris par le déroulement de l'intrigue. Scott introduit toutefois une nouveauté qui a produit son petit effet : la présence d'un enfant, qui parle comme un adulte et que Moïse est le seul à voir (ainsi que les spectateurs, bien sûr). Cette incarnation divine est une excellente idée, d'autant plus qu'elle commence à apparaître à Moïse après qu'il a été victime d'un accident (avec plaie à la tête). Le scénario joue sur les deux tableaux, tentant de satisfaire aussi bien les croyants que les sceptiques.

   Cela se vérifie lors de la grande séquence de la mer Rouge. On peut interpréter le retrait des eaux aussi bien comme un phénomène naturel que comme le résultat d'une intervention divine. La suite est plus classique, mais elle a été précédée d'une éblouissante scène de poursuite en chars égyptiens, à flancs de montagne.

   Tout aussi impressionnante est la représentation des dix plaies d’Égypte. Cela constitue un véritable morceau de bravoure, une des plus belles réussites visuelles de ces derniers mois. Toujours aussi habile, Ridley Scott présente ces catastrophes comme des punitions divines mais, par la voix de l'un des personnages, il en propose aussi une explication rationnelle (ce en quoi il rejoint certains scientifiques).

   Ces moments épiques sont entrecoupés d'intermèdes intimes. Au palais, les scènes sont assez convenues, plutôt clinquantes, mais convaincantes. On retrouve avec plaisir la délicieuse Golshifteh Farahni (naguère étincelante dans Syngué Sabour) en reine Nefertari. Les péripéties qui se déroulent dans la ville du vice-roi Hegep sont plus palpitantes. Moins vraisemblable est par contre l'intrigue conjugale, qui vise le public "familial".

   Malicieux, au moment où il est question de la remise des Dix Commandements, Ridley Scott abandonne la surenchère numérique pour donner une version somme toute sobre de la gravure du texte sacré. C'est un peu à l'image du film, une grosse machine bien huilée dans laquelle le réalisateur a introduit quelques grains de sable personnels.

   Un soir, pour se détendre, dans une grande salle (après avoir vidangé la vessie), c'est idéal.

23:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 11 janvier 2015

Gros succès pour la journée piétons à Rodez

   Il faut saluer cette initiative citoyenne. Des milliers d'Aveyronnais (17 000 selon Centre Presse) ont convergé dimanche vers le chef-lieu et sa célèbre place d'Armes, pour s'engager dans une marche d'environ une heure, un excellent exercice pour la santé, comme vont le diront tous les médecins.

   Ce dimanche, en début d'après-midi, le Faubourg est très calme. Ce n'est qu'en remontant vers le centre-ville que, petit à petit, des grappes d'individus commencent à peupler les trottoirs. Et pourtant, ce n'est pas l'heure de la messe. Le soleil resplendit, preuve que les dieux sont avec nous. (Ce petit blasphème est dédié aux culs-bénits de toute obédience.)

   Carrefour Saint-Cyrice, une fois les feux passés, un choix cornélien se propose aux courageux piétons. Vaut-il mieux s'engager sur le trottoir de droite, qui, à cette heure de la journée, bénéficie d'un bel ensoleillement, ou bien sur le trottoir de gauche, certes situé à l'ombre, mais offrant le chemin le plus court à destination du lieu de rassemblement ? La majorité des piétons optent pour la version ensoleillée, laissant plus de place aux braves qui ont choisi la voie de gauche. Régulièrement, les piétons voient des voitures les dépasser, chose étonnante un dimanche à Rodez.

   Lorsque la rue bifurque sur la gauche, la situation des trottoirs au regard de l'ensoleillement se trouve inversée. Quelques "droitistes" rejoignent l'autre camp, même si la majorité reste fidèle à son premier choix. Quelques mètres plus loin, de la musique reggae vient déchirer le silence de la procession. Le froid n'a visiblement pas découragé l'occupant indélicat d'un logement donnant sur la rue (côté gauche, en montant) : les fenêtres grandes ouvertes, il asperge le flot de passants, croyant sans doute exprimer ainsi une sorte de révolte. La connerie humaine prend décidément des formes qui ne cesseront jamais de me surprendre.

   A l'approche du sommet de la rue Béteille, les véhicules sont détournés de la place d'Armes, dont l'accès est bloqué. Pour les piétons, la tâche s'annonce presque aussi ardue, parce que les manifestants déjà arrivés ont tendance à s'entasser au bas de la place, où débarque aussi une foule en provenance de la rue Victor-Hugo. Un petit détour permet d'arriver par le boulevard d'Estourmel et de se faufiler sur la place.

   Au pied de la cathédrale se trouve un groupe de Femen. Sur leurs torses dénudés est écrite la désormais célèbre formule de ralliement "Je suis Charlie". Je propose de réchauffer l'une d'entre elles avec mes mains, mais elle me traite de gros porc et me gifle sauvagement.

   Les bonnets sont de sortie, tout comme les écharpes. Sur l'estrade aménagée au centre de la place, une brève allocution rend hommage aux victimes et proclame l'attachement indéfectible à la liberté d'expression. Suit une minute de silence assez émouvante, au cours de laquelle on entend, troublante coïncidence, les cloches de la cathédrale marquer 14h45. Une longue salve d'applaudissements vient conclure.

   Comme il reste un peu de temps avant le début de la marche (qui doit commencer à 15h15), je pars à la recherche de connaissances. Je suis surpris de rencontrer presque davantage de périurbains et de ruraux que de Ruthénois. La foule est bigarrée. S'y mêlent jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et moins riches. Les "minorités visibles" sont présentes, mais pas en très grand nombre. Je remarque que, parmi celles-ci, ce sont plutôt des jeunes (étudiants ou actifs pas très âgés) qui se sont déplacés.

   La majorité des manifestants est venue en toute simplicité, sans banderole ni affichette. Celles qui sont brandies ne s'en remarquent que davantage. Il y a bien sûr la reproduction de certaines "unes" de l'hebdomadaire satirique, la plus répandue étant sans conteste celle montrant un dessinateur et un imam s'embrassant goulûment :

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   Bien entendu, on peut voir des pancartes "Je suis Charlie", l'une d'entre elles proclamant "Je suis policier et je suis Charlie". D'autres manifestants se sont creusé la cervelle et ont découpé et colorié des morceaux de carton. L'un d'entre eux a la forme d'une main dont quatre des doigts sont repliés, le cinquième (le majeur) étant vigoureusement levé vers le ciel... Pour compléter le tableau, il faut citer les drapeaux tricolores. J'en ai vu vierges de toute inscription ou avec "liberté égalité fraternité". (Personnellement, en hommage à "l'esprit de Charlie", j'aurais complété par "poil au nez" !) Je n'ai pas pu déchiffrer totalement ce qui était écrit sur un autre. Le nom "Charlie" y figurait, tout comme le nombre 17, peut-être une référence aux victimes des terroristes : les 12 de l'attaque de Charlie Hebdo + la policière municipale de Montrouge + les quatre clients de l'épicerie juive. (On commence enfin à évoquer le caractère antisémite de l'une des agressions...)

   15h25 : il semble que la foule commence à se mouvoir... mais pas dans le sens habituel. La marche ne s'élance pas vers la droite et le boulevard Gambetta, mais vers la gauche et le boulevard d'Estourmel. Pourquoi ? Mystère. L'une des gargouilles de la cathédrale regarde tout cela, l'air narquois :

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   Nous empruntons donc le même parcours que lors de la manifestation contre la réforme des retraites de 2010, mais en sens inverse. Du boulevard d'Estourmel jusqu'au musée Denys Puech, le soleil nous a quittés, ses rayons désormais rasants étant bloqués par les immeubles qui encadrent notre parcours. Du coup, la marche est assez rapide, d'autant que le vent est de la partie !

   Devant le commissariat, le convoi ralentit. Certaines personnes s'arrêtent. Un hommage particulier doit être rendu aux policiers qui ont été sauvagement assassinés. (Franck Brinsolaro et Ahmed Mebaret étaient membres de la police nationale. Clarissa Jean-Philippe était encore stagiaire, en attendant de devenir policière municipale.)

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   Après avoir dépassé le musée Denys-Puech, nous avons retrouvé le soleil et entamé la dernière partie du parcours, passant devant le tribunal. Que l'on regardât vers l'avant ou vers l'arrière, la foule était impressionnante... et calme, dans une ambiance bon enfant. C'était une belle manif.

C'est pas gagné pour les régionales

   Tout part d'un entrefilet paru dans Le Monde daté du 7 janvier 2015, page 16. Il y est question de l'annonce, par Martin Malvy, de sa non-candidature aux élections régionales de décembre prochain. A bientôt 79 ans, le patron de la gauche midi-pyrénéenne (déjà diminué physiquement ces derniers temps) évite de se lancer dans la campagne de trop.

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   Quelques noms de candidats à la candidature sont proposés... mais pas celui de Christian Teyssèdre. Pourtant, L'Hebdo paru vendredi 9 janvier évoque clairement les ambitions du maire de Rodez sous le titre : "Teyssèdre candidat à la primaire socialiste".

   L'entrefilet du Monde a donné naissance à un article, signé Stéphane Thépot. La liste des postulants socialistes (midi-pyrénéens comme languedociens) est bien plus longue... mais ne comporte toujours pas le nom du maire de Rodez. C'est grosso modo la même liste qui est citée par France 3. Seule La Tribune mentionne Christian Teyssèdre parmi les candidats. Tous les médias s'accordent toutefois pour dire qu'une élue haut-garonnaise tiendrait la corde.

   Le déficit de notoriété du maire de Rodez ne date pas d'aujourd'hui. Certes, en 2011, L'Express avait consacré un "décrochage local" au chef-lieu aveyronnais et au bilan de son maire. Mais, lorsque, en 2012, Le Journal toulousain a évoqué la succession de Martin Malvy, le premier édile ruthénois n'a pas été mentionné. Des progrès ont été réalisés depuis, puisqu'en novembre 2014, la candidature du maire de Rodez commence à être prise au sérieux... mais il lui faut encore se faire un prénom !

 

samedi, 10 janvier 2015

Night Call

   La première partie du film nous présente ce drôle de rôdeur nocturne, un jeune homme solitaire, aux traits émaciés, qui s'exprime doucement et de manière presque obséquieuse... mais qui ne recule pas devant un acte illégal. Jake Gyllenhaal (récemment vu dans Enemy et Source Code) excelle à incarner ce quasi-raté, avec son improbable coiffure (il doit se peigner les cheveux à l'eau... et ne pas se les laver régulièrement).

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   Il semble végéter dans ses combines à la petite semaine quand, une nuit, il arrive par hasard sur les lieux d'un accident. A sa grande surprise, un quidam filme les événements, avant d'appeler une chaîne de télévision pour lui proposer les images... moyennant rémunération. Lou Bloom a la révélation : voilà sa vocation !

   La deuxième partie de l'histoire nous le montre dans ses premiers pas de "crash reporter" free lance... L'intrigue prend de l'épaisseur, dénonçant la course à l'audience et aux images chocs des chaînes de télévision. Dans le même temps, on suit ce nouvel auto-entrepreneur, énième incarnation de Rêve américain... et de ses dérives : Lou a intériorisé l'ultralibéralisme ambiant et en reproduit le schéma avec son employé.

   Celui-ci est incarné par Riz Ahmed, une vieille connaissance des cinéphiles, puisqu'il était l'un des principaux acteurs de deux très bons films engagés : The Road to Guantanamo et We are four lions, une comédie satirique sur un groupe d'apprentis djihadistes occidentaux.

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   Mais c'est avec une femme que les relations du héros vont être les plus albiguës. Rene Russo incarne avec un talent fou la directrice de l'info d'une petite chaîne californienne. Entre eux deux, c'est un peu la dialectique du maître et de l'esclave. On se demande qui dépend le plus de l'autre. Au départ, c'est évidemment le néo-reporter qui est dans la dépendance de la patronne. Puis la situation évolue, avec pour point d'orgue une fantastique séquence de restaurant. Mais la situation n'est pas figée...

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   Lou est ambitieux... et pas maladroit avec une caméra. La suite de l'histoire nous montre ses progrès. Il comprend que, pour battre ses concurrents (il n'est pas le seul à marcher sur les plates-bandes de la police pour se faire du blé), il lui faut sortir des sentiers battus. Le film prend une autre dimension quand le héros décide de ne plus se contenter d'attendre qu'un accident ou un fait divers se produise. La dernière partie de l'intrigue, toute en montée de tension, tourne autour d'un duo de cambrioleurs ultra-violents. Cela nous vaut notamment une superbe poursuite automobile, dans les rues de Los Angeles (très bien filmée de nuit).

   A voir absolument... et c'est sans doute l'un des meilleurs films de  2014, qui aurait figuré en bonne place dans mon palmarès si je l'avais vu plus tôt !

10:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 09 janvier 2015

Cours sans te retourner

   Bien qu'adaptée d'un roman, l'intrigue s'inspire d'une histoire vraie, celle d'un gamin juif de Pologne, séparé de ses parents au cours de la Seconde guerre mondiale, et qui a surmonté d'incroyables épreuves pour arriver à s'en sortir.

   C'est d'abord destiné aux enfants... et cela se sent. Les effets sont appuyés (ne parlons pas de la musique...) et, pour les vieilles bourriques dans mon genre qui ont déjà vu pas mal de films sur un sujet approchant, cela manque d'originalité au niveau de la mise en scène.

   Que reste-t-il de tout cela ? Eh bien les anecdotes (avec pas mal de rebondissements) et la prestation de certains acteurs. J'ai trouvé très belles les scènes faisant intervenir la mère de famille esseulée qui va recueillir le gamin. Comme, de surcroît, elle a les traits (et le charme...) d'Elisabeth Duda, cela passe très bien. Subtile aussi est la partie du film qui voit le jeune héros s'installer définitivement (?) à la campagne, où il sembler trouver une seconde famille.

   L'histoire brosse un tableau nuancé de la Pologne des années sombres. On sent chez le réalisateur la volonté de montrer que, si une partie des catholiques se sont comportés comme de gros enculés vis-à-vis des juifs, d'autres ont été de véritables héros, mettant en danger leur vie (voire celle de leurs proches) pour sauver des civils victimes d'une des pires oppressions que le monde ait connue.

   C'est quand même globalement maladroit... et parfois extrêmement cliché, notamment quand on suit une bande de gamins réfugiés dans les bois. Cela tourne presque au documentaire sur les scouts. Enfin, j'ai été très gêné par l'une des dernières séquences, lorsqu'un homme de la ville (juif) vient chercher le gamin dans son dernier refuge. La manière dont c'est mis en scène est vraiment très très ambiguë...

   P.S.

   A la fin, on nous montre l'homme dont la vie a inspiré le roman puis le film. Très âgé, il habite aujourd'hui en Israël. Ce procédé a tendance à se généraliser dans les films biographiques consacrés à des anonymes dont le destin a été bouleversé par le cours de l'histoire. (On a pu le vérifier récemment dans A la vie.)

   C'est peut-être aussi un moyen de désarmer le scepticisme de certains spectateurs, échaudés par la tromperie dont Survivre avec les loups avait été l'objet.

15:27 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 04 janvier 2015

Coming Home

   Je n'avais pas vu un film de Zhang Yimou depuis La Cité interdite, qui m'avait laissé sur ma faim. Mais, la présence au générique de Gong Li et le contexte de la Révolution culturelle m'ont incité à tenter l'expérience.

   L'histoire se divise en deux temps principaux. La première partie prend place sans doute à la fin des années 1960, alors que la Révolution culturelle fait rage. L'époux de l'héroïne (un "intellectuel bourgeois") s'est échappé de son lieu de déportation et tente de reprendre contact avec elle et avec sa fille, qui ne l'a plus vu depuis ses trois ans. La reconstitution est soignée et le cinéaste réussit à mettre en scène l'encadrement de la population par le Parti communiste. Un véritable chantage est exercé sur la fille, qui voudrait devenir danseuse. Deux séquences sont particulièrement marquantes : celle du retour de l'époux, un soir de pluie, et celle de la gare, trop mélo toutefois.

   Le deuxième époque s'étend sur la fin des années 1970 et le début des années 1980. L'ambiance a changé dans le pays. L'époux (Chen Daoming, très bien) est de retour mais il s'aperçoit très vite que sa femme est victime d'une amnésie sélective (dont on ne découvre la véritable cause que beaucoup plus tard). Si la répétition des scènes de gare est un peu lassante (l'héroïne attend toujours le retour de son époux, qu'elle n'a pas reconnu), l'insertion dans l'intrigue de la lecture des lettres non envoyées est une très bonne idée. La qualité du jeu des acteurs est particulièrement perceptible dans la scène du piano, que je me garderai bien de raconter.

   L'histoire se poursuit jusqu'à l'époque récente. Si les effets mélodramatiques sont trop appuyés à mon goût, l'ensemble se laisse voir sans déplaisir.

15:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 03 janvier 2015

Nature

   Après le succès de Sur la terre des dinosaures, qui, en France, avait attiré environ 500 000 spectateurs l'an passé, la BBC s'est à nouveau lancée dans le long-métrage documentaire.

   Tournées dans plusieurs pays d'Afrique, les images mettent en scène les habitants de différents milieux naturels. Cela commence par la forêt tropicale, où l'on découvre divers insectes, en particulier les fourmis noires, très voraces. Mais c'est sur les gorilles que l'attention se porte le plus longtemps. Ils sont superbement filmés... et si proches des humains :

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   Une autre séquence marquante est celle qui a été filmée autour d'un grand lac, où se réunissent chaque année des milliers de flamants. En consommant une algue spécifique, ils vont petit à petit rosir. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à un autre documentaire (superbe), Les Ailes pourpres.

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   Plus loin, c'est le désert (celui du Namib) qui est mis à l'honneur. On y suit un caméléon et un lézard qui tentent d'attraper différentes proies. Le second rencontre beaucoup de succès auprès du jeune public en raison de la chorégraphie qu'il exécute avec ses pattes, tant le sable est chaud. Il doit cependant se méfier du calme apparent du désert, qui cache parfois un prédateur comme la vipère :

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   Du désert, on passe aux plaines arides, où évolue une faune plus imposante : les éléphants... et les lions. De manière assez classique, les pachydermes sont présentés sous un angle positif, en famille. La quête de l'eau et de la nourriture motive leurs déplacements. Ils sont surveillés de près par les gros matous (hélas pas aussi bien mis en valeur que dans Félins). Les femelles sont évidemment les chasseuses. Elles s'occupent aussi des petits :

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   Du côté des cours d'eau, on rencontre des ruminants, les gnous, qui doivent choisir entre la soif qui les tenaille et le danger qui les menace au bord de l'eau : une attaque des crocodiles (très impressionnants).

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   Des cours d'eau, on passe aux mers et océans, avec des images toujours aussi superbes (même en 2D). On suit différents groupes d'animaux, les plus photogéniques étant les poissons-lions :

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   Ce n'est pas nouveau nouveau (notamment pour ceux qui ont vu Océans), mais c'est un grand plaisir des yeux et le commentaire dit par Lambert Wilson n'est pas trop envahissant. De surcroît, on nous annonce régulièrement quelle espèce apparaît à l'écran.

   La dernière partie africaine du documentaire nous emmène sur le mont Kenya où, dans la même journée, l'hiver succède à l'été. Les plans "minéraux" sont magnifiques. J'ai aussi trouvé très touchants les singes velus qui peuplent ces lieux particulièrement ventés. L'une de leurs principales activités consiste à mutuellement s'épouiller.

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   Le film aurait pu s'arrêter là. Mais non, il a fallu qu'on nous balance des enfants à l'écran. On en voit donc plusieurs s'amuser, l'été, sur une place garnie de jets d'eau. C'est le type même de la fausse bonne idée : alors que la plupart des séquences animales nous ont précédemment démontré la préciosité de la ressource en eau, le documentaire s'achève sur un exemple de gaspillage (sans le dénoncer, bien sûr) ! C'est vraiment dommage, parce que cela donne l'impression que pour les auteurs, la possibilité de faire de belles images est plus importante que la préservation de cette incroyable biodiversité.

17:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinema, cinéma, film, films

jeudi, 01 janvier 2015

Des nouvelles de Béatrice Marre

   On en a par l'entremise du Journal Officiel, plus précisément d'un décret de la présidence de la République : l'ancienne élue aveyronnaise a été nommée chevalier de la légion d'honneur, sur le contingent du ministre de l'Intérieur (page 16 du fac-similé). Quoi de plus normal pour une préfète ?

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   Le décret nous apprend qu'elle est chargée de mission au ministère. (Cela ressemble un peu à une bonne planque.) Elle doit occuper ce poste depuis mars 2014, époque à laquelle Nicole Bricq a cessé d'exercer la fonction de ministre : membre du gouvernement Ayrault, elle n'a pas été reconduite dans l'équipe Valls ; elle est redevenue sénatrice

   D'après Documents et informations parlementaires (où l'on peut trouver une biographie détaillée, pages 4-5), Béatrice Marre était devenue la collaboratrice de la ministre du Commerce extérieur en janvier 2013. Cela lui avait d'ailleurs valu un article dans La Dépêche du Midi.

   Les Aveyronnais connaissent l'ancien chef de cabinet de François Mitterrand surtout pour son passage dans le Sud Aveyron. En 2007, elle avait, sous les couleurs socialistes, tenté sa chance contre Alain Marc, lors des élections législatives. En 2008, elle avait participé au succès de la liste d'union de la gauche (conduite par Guy Durand), à Millau. Toutefois, bien que quatrième sur la liste vainqueur, elle n'avait pas obtenu de poste d'adjointe. Signalons que (d'après Roger Lajoie-Mazenc, dans son livre Fantassins de la démocratie) le futur maire de Millau, qui avait aussi décroché le mandat de conseiller général, n'avait été désigné candidat socialiste (aux cantonales) qu'avec une voix d'avance sur Béatrice Marre...

   On comprend mieux pourquoi, en 2012, certains caciques socialistes ont laissé la place aux Verts, dans la troisième circonscription aveyronnaise (dévolue à une candidate). Les mauvaises langues disent que certains dirigeants socialistes locaux préféraient encore voir le député UMP sortant réélu plutôt que d'assister à la victoire d'une redoutable concurrente... L'exclusion du PS de Béatrice Marre (qui n'a pas participé aux municipales de 2014) ne l'a visiblement pas empêchée de se reconvertir, avec l'aide d'amis présents au gouvernement (ou à l'Elysée).

   En remontant dans le temps, on constate que sa carrière a été fortement dépendante de la couleur politique du pouvoir exécutif. Jusqu'aux débuts de la première présidence Mitterrand, elle fut une sorte d'apparatchik du PS, avant de travailler pour plusieurs ministres de gauche puis de devenir sous-préfète (en 1985, peu avant la première cohabitation). Elle atteignit la notoriété en devant chef de cabinet du président durant son second mandat. C'est au début de 1995 qu'elle fut promue préfète, certes pendant la deuxième cohabitation, mais à une époque où le gouvernement Balladur acceptait de recaser les fidèles serviteurs du président mourant.

   Je pense que le duo Chirac-Juppé, aux manettes entre 1995 et 1997, n'a pas fait preuve du même esprit de conciliation. Ils ont visiblement placé Béatrice Marre dans un beau placard, en la nommant préfète hors cadre en 1996. De 1997 à 2008, elle vécut sa première carrière d'élue, loin de l'Aveyron, dans l'Oise.

   En parallèle, elle poursuivit (un peu en sourdine) son parcours de haut-fonctionnaire. En 2006, elle fut nommée à la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (en tant que représentante du ministère de l'Intérieur). En 2010, le gouvernement Fillon (plus précisément le ministère de l'immigration et de l'identité nationale) l'éjecta de ce poste en douceur, en la nommant préfète honoraire :

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   La légion d'honneur attribuée à Mme Marre est un peu son bâton de maréchal. A bientôt 63 ans, elle est proche de la retraite (de fonctionnaire... mais peut-être pas en retrait de la politique).

Les "Riton" 2014

   L'année écoulée fut, elle aussi, riche en aventures cinématographiques. Là encore, plutôt que d'administrer le sempiternel palmarès en dix films (une aberration cinéphilique inventée pour tenir dans un petit article de presse), je propose un florilège de ce qui m'a le plus plu, dans les salles obscures.

   Dans la catégorie "les (bonnes) comédies embellissent notre vie"

- Riton du film romantique aux dialogues incisifs : Magic in the Moonlight

- Riton de la meilleure comédie allénienne : Apprenti Gigolo

- Riton de la comédie transalpine (de cheval) : Palerme

- Riton de la révélation comique française : Babysitting

- Riton de la comédie populaire : La Famille Bélier

- Riton de la comédie équine : Des chevaux et des hommes

- Riton de la comédie scandinave : Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (un bon candidat au titre de meilleur film de l'année)

- Riton de la comédie sociale britannique : Pride

- Riton de la comédie familiale : Paddington

 

   Dans la catégorie "les animations sont parfois bien mieux conçues que les films"

- Riton de l'animation humoristique : Minuscule

- Riton de l'animation parodique : La Grande Aventure Lego

- Riton de l'animation jouant sur plusieurs niveaux de compréhension : Les Boxtrolls

- Riton du Disney de l'année : Maléfique

- Riton de l'animation pour "grands" : Patéma et le monde inversé

- Riton de l'animation qui ne prend pas les enfants pour des imbéciles : Les Fantastiques Livres volants de M. Morris Lessmore

- Riton de l'animation musicale : Le Piano magique

 

   Dans la catégorie "certains documentaires sont faits pour être vus au cinéma"

- Riton du documentaire intello et déjanté : Conversation animée avec Chomsky

- Riton du documentaire animalier : Grizzly

- Riton du documentaire conceptuel : Shirley

- Riton de l'hommage photographique : Le Sel de la Terre (une des plus belles réussites visuelles de l'année)

- Riton du documentaire biographique : A la recherche de Vivian Maier (un de mes coups de cœur)

- Riton du documentaire agricole : Les Chèvres de ma mère

- Riton du documentaire spirituel : Le Temps de quelques jours

- Riton du documentaire proche-oriental : Dancing in Jaffa

 

   Dans la catégorie "fictions en prise sur leur époque"

- Riton de la fable orientale : Girafada

- Riton du film israélien : Bethléem

- Riton du film qui dérange : 24 jours, la vérité sur l'affaire Ilan Halimi (Ce n'est certes pas un chef-d’œuvre, mais encore moins un navet... et, à ma connaissance, il n'a pas été programmé à Rodez.)

- Riton de la dénonciation poétique de l'islamo-fascisme : Timbuktu

- Riton du film sur la cruauté du monde actuel : White God (un autre bon candidat au titre de meilleur film de l'année)

- Riton du film sur les conséquences de la perte des valeurs : Terre battue

 

   Dans la catégorie "films à caractère historique"

- Riton du film dénonçant l'exploitation de l'homme par l'homme : 12 Years a Slave

- Riton du film dénonçant l'exploitation de la femme par la femme : Philomena

- Riton du film dénonçant l'exploitation des enfants : Le Grand Cahier (un film très dur, mais incontestablement l'un des meilleurs de l'année 2014)

- Riton du film évoquant un aspect méconnu de la Seconde guerre mondiale : Les Vivants

- Riton de la plus belle épure philosophico-historique : Ida (mon 2e ou 3e film de l'année écoulée, en concurrence avec White God, mais quand même derrière celui dont je parlerai plus loin)

- Riton du film de Guerre Froide : D'une vie à l'autre

- Riton du film balkanique : Circles (encore un potentiel "meilleur film de l'année")

 

   Dans la catégorie "films de genre"

- Riton du western : The Salvation

- Riton du film de frontière : The Homesman

- Riton du film de l'outback : The Rover (sans doute dans le top 10, lui aussi)

- Riton du film de vendetta : Blue Ruin

- Riton du film de baston : Equalizer

- Riton du polar pervers : Gone Girl (aurait pu être le film de l'année, s'il avait été un peu plus resserré... et si le personnage principal avait été interprété par un meilleur acteur que Ben Affleck)

- Riton du film au scénario le plus délicieusement alambiqué : Enemy

- Riton du thriller français : La prochaine fois, je viserai le coeur (avec Guillaume Canet bien parti pour le César du meilleur acteur)

- Riton du thriller culinaire : Amours cannibales

 

   Dans la catégorie "films inclassables"

- Riton de l'aventure familiale : Vie sauvage (avec Mathieu Kassovitz, un concurrent sérieux pour G. Canet)

- Riton de la fiction expérimentale : Boyhood

- Riton de la crise existentielle : Chemin de croix (une des "grandes claques" de l'année)

- Riton du film inspiré : Noé

- Riton du portrait de famille : Un Eté à Osage County

- Riton du portrait hollywoodien : Maps to the stars

- Riton du portrait d'adolescents : Leçons d'harmonie (pas loin du top 10)

 

   Et enfin, voici, inclassable parmi les inclassables, le meilleur film de l'année 2014 (pour moi), excellent aussi bien au niveau du scénario que des dialogues, de la mise en scène, de la photographie et du jeu des acteurs... voici donc... The Grand Budapest Hotel.

 

   Archives :

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mercredi, 31 décembre 2014

Les Pingouins de Madagascar

   Je me demande si le public français est le seul à avoir été induit en erreur par le titre. Étant donné qu'une partie de l'action se passe en Antarctique (au début) et que cette séquence initiale est une parodie de La Marche de l'Empereur, il est évident que, pour leurs créateurs, les héros sont des manchots et pas des pingouins. Problème : en anglais, les premiers sont nommés penguins...

   Ce "Penguins Origins" n'en est pas moins savoureux. Il m'a mis dans de bonnes dispositions, alors que j'étais sorti assez mécontent de Madagascar 3. Cerise sur le gâteau, à un moment, le Commandant avoue en avoir marre de la chanson-vedette associée au film qui les a fait connaître (I like to move it...).

   Hélas, très vite, cet effort d'autodérision est ruiné par une pique francophobe (sorte de marque de fabrique de certaines productions DreamWorks...). Ainsi, lorsque les manchots tentent de prendre le bon avion pour retrouver le méchant, ils se retrouvent à bord d'un vol à destination de Paris. Cela suscite une réaction de rejet du Commandant, qui déclare : "Là-bas, ils vont nous plumer avec leurs impôts !" Quand la connerie états-unienne rejoint la mentalité beauf...

   Heureusement, on nous a épargné ce genre de saillie dans la suite des événements. Le film prend la forme d'une parodie de James Bond, avec des séquences d'action à gogo, notamment une poursuite démentielle à Venise. On appréciera aussi la représentation caricaturale des super-espions (visiblement des agents de la CIA)... finalement moins efficaces que notre bande de branquignols en noir et blanc.

   J'ai beaucoup aimé le second degré des dialogues et les ruptures de ton, comme lorsque le chef des méchants tente de communiquer avec les espions, après avoir piraté leur système de transmission.

   Le problème est qu'une bonne partie de l'humour comme de l'intrigue passe au-dessus de la tête de la marmaille que des parents inconscients ont emmenée voir ce film. En dépit des cascades et des nombreux gags "basiques", c'est plutôt destiné à des enfants déjà bien éveillés. Et 1h30, c'est finalement un peu long pour ce produit dérivé.

23:32 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Prédictions

   En cette fin 2014, divers astrologues et autres gourous pour décérébrés y vont de leurs prédictions pour l'année à venir. Il est parfois bon de se retourner sur le passé récent pour prendre un peu de recul. Il y a quelques jours, je suis retombé par hasard sur un article du Monde datant du début de la coupe du monde de football : Et à la fin, c'est... l'Espagne qui gagne.

   Il y est question de plusieurs prédictions quant au déroulement et au résultat final de la compétition. Le journaliste commence par évoquer le cas des animaux : en 2010, Paul le poulpe avait fait des merveilles. Les pandas n'ont pas pu lui succéder et, quand on analyse les résultats des bébêtes qu'on a présentées comme des successeurs fiables, il y a de quoi rire.

   Faute de pouvoir se fier aux animaux, on s'est tourné vers des humains dotés de pouvoirs spéciaux. Chamans comme sorciers se sont lamentablement plantés, tous prédisant la victoire du Brésil. Précisons qu'on n'a interrogé que des Sud-Américains, dont les "perceptions" ont pu subir quelques influences...

   Mais revenons à l'article du Monde. Il évoque des prédictions (censées être) plus rationnelles, s'appuyant sur des chiffres et des modèles d'analyse... du lourd, quoi !

   On commence par les économistes de Goldman Sachs. Ils se sont aventurés à proposer des scores pour tous les matchs du premier tour. On remarque que, très souvent, ils prédisent un match nul 1-1. Ils ont désigné le bon vainqueur ou trouvé le bon match nul dans à peine plus d'un tiers des cas. Quand ils ont désigné le bon vainqueur, c'est presque toujours une "grande équipe". Pour la suite, ils voyaient bien le Brésil et l'Allemagne se rencontrer en demi-finale, et l'Argentine se qualifier dans l'autre match. Mais, pour eux, c'est le Brésil qui devait sortir vainqueur... et l'Espagne était le quatrième participant. De surcroît, aucun huitième de finale n'était juste. Par contre, en quarts, les économistes anglo-saxons voyaient bien l'Allemagne l'emporter sur la France.

   L'article du Monde s'étend davantage sur les prédictions du CIES (Centre International d'Etude du Sport), qui s'est appuyé sur l'analyse de l'état de forme des joueurs. Globalement, ces spécialistes ont sous-estimé les performances de plusieurs "petites" équipes (le Mexique, le Chili, le Costa Rica, l'Algérie et les Etats-Unis) et ils ont surestimé celles de quelques "cadors" (l'Espagne, l'Angleterre, l'Italie et le Portugal). Ils ont trouvé la composition exacte d'un seul huitième de finale (France - Nigeria). Fort logiquement, aucun quart n'est juste... mais deux des quatre participants des demies ont été trouvés : le Brésil et l'Argentine, qu'il était prévu de voir finir respectivement 2e et 3e, l'Espagne remportant le trophée (d'où le titre de l'article).

   Signalons que l'illustration n'est pas la même dans la version numérique et la version papier de l'article. La première est accompagnée d'une photographie de l'équipe espagnole, fournie par l'agence Reuters. La seconde est illustrée d'un schéma des matchs à élimination directe qui s'inspire de celui proposé par le CIES, qui a été traduit en français. Quoique... Voici le schéma publié dans la version papier :

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   Déjà que le choix des couleurs n'est pas très heureux (le vert gênant la lecture des noms des pays), mais, par dessus le marché, une erreur de débutant a été commise à propos de l'Angleterre, dont l'équipe est improprement désignée comme étant celle du Royaume-Uni. Voilà qui a dû ravir les lecteurs écossais du journal (s'il y en a)...

   Dans la version d'origine, il n'y a pas d'erreur :

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   Ah les stagiaires !

   L'article fait quand même état de "prévisionnistes" qui ne se sont pas plantés, ceux de l'éditeur de jeux Electronic Arts, qui ont bien prédit une victoire finale de l'Allemagne... mais contre le Brésil. Leur réussite est toute relative : ils voyaient l'Allemagne terminer derrière le Portugal en phase de groupe, ce pays allant jusqu'en demi-finale, tout comme l'Espagne !

mardi, 30 décembre 2014

Quand vient la nuit

   Michael R. Roskam s'est fait remarquer en 2012 par le formidable Bullhead (dont on retrouve d'ailleurs l'acteur principal, Matthias Schoenaerts, dans un rôle plus secondaire). Il a gagné son ticket pour Hollywood. Il est ici chargé de l'adaptation d'une nouvelle de Dennis Lehane (dont l'un des romans a inspiré naguère le Shutter Island de Martin Scorsese).

   L'action se déroule dans les bas-fonds de New York, là où sévit la pègre tchétchène. Chacun des personnages principaux a quelque chose à cacher. Il y a Marv, le gérant du bar dont il a jadis perdu la propriété. Sous ses airs bonhommes se cache un homme blessé. Dans son dernier rôle, James Gandolfini est impeccable.

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   A ses côtés se trouve son cousin Bob (Tom Hardy, un acteur à suivre). C'est un gars taciturne, modeste, qui ne cherche pas d'histoire. De prime abord, on pourrait même le prendre pour un demeuré. Un soir, il trouve un chiot dans une poubelle. Cette découverte va changer sa vie.

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   Le chiot lui permet de faire la connaissance de Nadia, une serveuse à peine plus causante que lui, et qui semble avoir un lourd passé. Noomi Rapace excelle à restituer la combinaison de force et de fragilité de son personnage.

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   Et puis il y a Eric, ce petit truand que l'on soupçonne d'avoir dézingué un mec, il y a environ dix ans. Il est un peu dingo et très arrogant. On le croit capable de tout... et c'est Matthias Schoenaerts qui s'y colle. Il faudrait aussi parler des mafieux tchétchènes, des policiers qui comptent les coups entre les truands et des employés du coin, qui viennent se saouler chez Marv.

   Petit à petit, les secrets de chacun sont révélés. L'intrigue se complaît toutefois un peu trop à laisser ses personnages patauger dans la merde des bas-fonds. Cela donne un film très noir, avec un poil d'optimisme. L'ambiance est bien campée, les acteurs très bons. Du coup, dans la salle, le public est saisi... même le groupe de djeunses que j'ai eu la surprise de voir débarquer. Comme quoi, ça vaut le coup de programmer un polar art et essai, à Rodez, en version originale sous-titrée !

23:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

White God

   Certains spectateurs se trompent lorsqu'ils donnent le titre de ce film. Influencés par son contenu (et peut-être par un reste de dyslexie), ils demandent une place pour White Dog. L'histoire tourne donc autour des chiens, des mauvais traitements que différents humains leur font subir... et de leur révolte. De ce point de vue, le propos est assez proche de ce qui était dit dans une animation des années 1980, The Plague Dogs.

   Mais ce "dieu blanc" est aussi tout simplement l'homme blanc, celui qui se croit supérieur aux autres. A l'image du procédé utilisé dans La Planète des singes, les chiens sont des substituts d'humains considérés comme inférieurs et traités comme tels.

   La première séquence (saisissante) montre la ville de Budapest, vide, et une meute de chiens qui semble poursuivre une jeune fille à vélo. On se croirait dans un film d'horreur de George Romero. Mais, dans un premier temps, on ne sait pas comment la séquence se conclut.

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   Le retour en arrière permet de donner plus d'épaisseur à l'intrigue. S'y greffe une histoire familiale, dans la Hongrie contemporaine. La vie quotidienne est difficile, y compris pour l'enseignant, contraint de travailler dans un abattoir pour préserver son niveau de vie. Son épouse l'a quitté pour un mec plus jeune et visiblement plus friqué. Elle lui amène leur fille Lili. (En fait, elle s'en débarrasse pour trois mois...) Entre la gamine, élevée hors de Hongrie, à l'occidentale, et le père traditionaliste, c'est un peu le choc des cultures... d'autant plus que la gamine apporte avec elle un chien, nommé Hagen. La père n'aime visiblement pas ce genre d'animal et, de surcroît, ceux qui ne sont pas de "race pure" doivent être livrés aux autorités, ce qu'une voisine pète-sec se charge de lui rappeler.

   Comme on peut le constater, la vie est triste dans ce Budapest de fiction. Même à l'école de musique, où la gamine espère s'épanouir (elle joue de la trompette), l'ambiance n'est pas des plus amicales. Heureusement qu'elle a son chien, mignon tout plein. Mais elle va le perdre.

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   A partir de là, le film se poursuit du point de vue des animaux (qui ne parlent pas ; on reste dans une optique réaliste). Le gentil Hagen va découvrir à quel point les humains peuvent être fourbes et cruels, ne pensant qu'à leur intérêt immédiat. Cela va des agents de la fourrière au sans-domicile-fixe, en passant par les types louches qui organisent des combats de chiens. Certaines scènes sont à la limite du soutenable, à tel point que j'ai vu des spectateurs quitter la salle (et pourtant, c'était à l'ABC de Toulouse, où les gens sont sensés savoir ce qu'ils viennent voir).

   Précisons tout de suite que ces scènes sont simulées. Dans le générique de fin (comme dans le dossier de presse, téléchargeable sur le site du distributeur Pyramide), il est clairement précisé qu'aucun animal n'a été maltraité durant le tournage. Techniquement, outre quelques effets spéciaux, le réalisateur a fortement usé du champ-contre-champ et de scènes coupées, le montage et l'imagination des spectateurs faisant le reste. C'est dire l'efficacité de la mise en scène.

   Les "acteurs principaux" canins ont été très bien dressés et guidés sur le tournage. (Luke et Body, qui incarnent Hagen, ont d'ailleurs reçu la Palm Dog 2014, à Cannes, où le film a décroché le prix "Un Certain Regard".) Le résultat est impressionnant. Le dernier tiers du film montre la révolte des chiens et la vengeance de Hagen, qui incarne désormais une sorte de tueur en série. Je me garderai bien de révéler comment tout cela se termine. L'intrigue ménage encore quelques surprises.

   C'est un film à voir si vous en avez l'occasion et, pour moi, c'est l'un des meilleurs de 2014.

14:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films