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jeudi, 31 juillet 2014

Jaurès is alive !

   Une bande dessinée (coéditée par Glénat et Fayard) rend hommage à l'ancien député de Carmaux, fondateur de L'Humanité et unificateur des socialistes français :

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   Ce n'est pas une biographie. La trame principale court de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914, à celui de Jean Jaurès, il y a tout juste cent ans. Le récit englobe plusieurs lieux. Il va de Sarajevo à Paris, en passant par Reims, où l'on découvre Raoul Villain (le futur assassin). Il s'étale même sur plusieurs époques, à travers des retours en arrière, qui permettent de (re)découvrir les étapes importantes de la carrière de Jaurès.

   Cela fonctionne presque à rebours. Ainsi, c'est d'abord l'action de Jaurès contre la loi de trois ans (sur la durée du service militaire) qui est mentionnée, à travers notamment le célèbre discours du Pré-Saint-Gervais (du 25 mai 1913), à l'occasion duquel a été prise une photographie qui a été consciencieusement redessinée pour l'album :

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   Puis, on remonte aux engagements précédents : la promotion de la laïcité, la fondation de L'Humanité, l'unification des socialistes, la défense d'Alfred Dreyfus. On nous présente Jaurès en famille ou en compagnie d'autres militants, souvent aussi en plein discours. Le dessin est très classique et une grande partie des dialogues sont des extraits de ses interventions. Des reproductions de journaux sont ajoutées de temps à autre, ainsi que quelques caricatures d'époque :

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   Enfin (alors que la trame évoque les derniers jours de Jaurès, passés à défendre la paix), on arrive à ses débuts politiques. Est d'abord illustré le soutien aux grévistes de Carmaux et au maire syndicaliste Calvignac, en 1892 :

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   On découvre un Jaurès jeune (33 ans)... et même davantage quelques planches plus loin, quand il est question de sa première élection de député (de la circonscription de Castres), en 1885. A l'époque, ce jeune prof de philosophie, qui ne porte encore que la barbe (et pas la moustache), est classé "républicain opportuniste". Notons que celui qui fut l'un des trois ou quatre hommes de gauche les plus influents de ces 130 dernières années n'a jamais été ministre. Il a surtout détenu le mandat de député, qui a brièvement alterné avec celui de conseiller municipal puis d'adjoint au maire de Toulouse. Pas de cumul, de l'engagement, de l'honnêteté, une absence évidente d'arrivisme... autant de leçons pour tous les Pierre Moscovici de notre temps.

   La bande dessinée se termine par un petit cahier historique. L'édition originale est complétée par le fac-similé de la première page du numéro 1 de L'Humanité, du lundi 18 avril 1904. L'éditorial est évidemment signé Jaurès, mais d'autres contributeurs ne sont pas des inconnus.

   P.S. (!)

   Sur le site des éditions Glénat, on peut lire les dix premières pages.

mercredi, 30 juillet 2014

Boyhood

   Pendant douze ans, chaque année, le réalisateur Richard Linklater (auteur notamment de l'excellent A Scanner Darkly) a filmé les mêmes acteurs... pendant une semaine seulement. Le projet était de montrer l'évolution d'une famille, en s'appuyant sur une équipe qui vieillissait avec les personnages. Au coeur de l'histoire se trouve le fils cadet, Mason, que l'on suit de l'enfance à l'entrée à l'université. (On pourrait traduire le titre par "Garçonnitude".)

   Si la plupart des acteurs sont très peu connus voire inconnus, pour incarner les parents, le réalisateur a choisi deux pointures : Patricia Arquette et Ethan Hawke, deux bons professionnels, mais qui sont un peu à la marge du "star system".

   L'un des intérêts du film est de voir l'évolution de ces acteurs connus. On redécouvre ainsi Patricia Arquette en ex-jeune première (très mince), puis on la voit ressembler à la mère de famille de Medium, avant qu'elle n'acquière le physique qu'on lui connaît actuellement. J'ai aussi ressenti un je-ne-sais-quoi de fascinant à regarder grandir ces enfants, devenus adolescents. On est même touché par les changements qui s'opèrent chez l'un des hommes de la vie de l'héroïne, ancien soldat en Irak (pour payer ses études), puis compagnon et époux qui se veut modèle, enfin alcoolique aigri, dépassé par l'évolution de la société américaine.

   L'autre force du film est de montrer que, sans effets spéciaux, on peut mettre en scène une chronique familiale et la rendre aussi passionnante qu'un blockbuster. C'est évidemment dû au talent des acteurs et aussi au montage de chaque séquence annuelle. Il a fallu de plus tracer des liens d'une séquence à l'autre, tout en faisant évoluer les personnages. Le tour de force est réussi, avec quelques moments comiques savoureux.

   Pour nous Frenchies, certaines scènes ont aussi valeur documentaire, sur nos amis d'outre-Atlantique. Rien n'est vraiment nouveau, mais l'histoire collecte un ensemble de faits (sur les relations parents-enfants, l'organisation de l'école, les distractions...) que l'on a déjà vus ailleurs, dans des séries ou des longs métrages.

   Qu'en retire-t-on ? Eh bien qu'il est difficile d'être une mère américaine et de mener la carrière de ses rêves. Que les hommes sont quand même souvent des gros cons alcooliques. Que les adolescents peuvent être particulièrement casse-couilles... mais aussi sympathiques. Que l'argent détermine beaucoup de choses. Qu'une partie des Etats-Unis vit avec la Bible et les armes chevillées au corps. Là encore, rien de nouveau sous le soleil, mais le fait que l'on suive, année après année, ces personnages et ces acteurs a un charme inexplicable, celui de la vie.

09:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mardi, 29 juillet 2014

Timidité parlementaire

   C'est l'une des (timides) réformes utiles de la majorité actuelle : la loi sur la transparence de la vie politique. On a en vu très tôt l'une des applications : la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement Ayrault, puis celle des membres du gouvernement Valls (les précédentes étant dès lors inaccessibles, si leurs auteurs avaient perdu leur portefeuille ministériel). Dans ce cadre a été créée la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, dont le site internet permet d'accéder aux déclarations.

   Plus récemment, les parlementaires ont dû remettre leur déclaration d'intérêts et d'activités, qui viennent d'être rendues accessibles au grand public (au contraire du patrimoine des députés et sénateurs, difficilement consultable... et surtout pas publiable). Je me suis intéressé aux cinq actuels élus nationaux de l'Aveyron : Marie-Lou Marcel, Alain Marc et Yves Censi (députés) ; Anne-Marie Escoffier et Alain Fauconnier (sénateurs).

   Quatre d'entre eux sont officiellement à la retraite. Qui ne le savait pas s'en serait douté pour A-M Escoffier et A Fauconnier, respectivement nés en 1942 et 1945. C'est un peu moins connu pour M-L Marcel, qui a fait valoir ses droits (de manière légèrement anticipée) à 60 ans, en 2013. C'est limite polémique à propos d'Alain Marc, qui (comme je l'ai rappelé naguère) n'a pas trouvé gênant de profiter d'une retraite anticipée à 53 ans... tout en votant la loi reportant l'âge légal de départ à 62 ans. Curieusement, seule M-L Marcel a cru nécessaire de faire figurer, dans le cadre 1 de la déclaration (celui réservé aux rémunérations liées à une activité professionnelle autre que parlementaire), le fait qu'elle touche une pension de retraite. C'est peut-être lié au fait qu'elle a bénéficié d'un congé spécial de fin de carrière. Vous allez me dire : mais quel conflit d'intérêt peut naître de cette situation ? Eh bien, par exemple, il est intéressant de connaître l'exacte situation professionnelle de ceux qui votent les lois sur nos (futures) retraites... ainsi que le montant de leur pension, au moment où l'on demande aux Français de base de faire des sacrifices.

   Passons maintenant aux indemnités parlementaires. C'est la déception pour M-L Marcel, qui n'intègre pas la sienne dans sa déclaration. De son côté, A-M Escoffier mentionne son salaire de ministre déléguée, puisqu'elle a fait partie du gouvernement Ayrault. Yves Censi déclare pour seul revenu son indemnité de député... sans en préciser le montant. Guère moins hypocrite, Alain Marc donne le chiffre annuel (environ 66 000 euros), et pas mensuel (environ 5 400 euros nets)... peut-être pour éviter certaines comparaisons. Le champion de la transparence est, de ce point de vue, Alain Fauconnier, qui précise le montant mensuel de son indemnité de sénateur, ainsi que celui de son indemnité de frais de mandat, qui est un revenu complémentaire masqué.

   Venons-en aux autres indemnités. Yves Censi est le seul non-cumulard. Il devance Anne-Marie Escoffier, conseillère générale qui ne donne que son indemnité annuelle brute et M-L Marcel, qui est aussi conseillère régionale (environ 2 000 euros nets par mois). Pour cette dernière, si on fait la somme (avec les indemnités de la députée et sa retraite), on dépasse sans doute (légalement) 15 000 euros de revenu par mois.

   C'est peut-être davantage pour Alain Fauconnier et Alain Marc, deux cumulards dont les indemnités subissent néanmoins l'écrêtement. Ces deux parlementaires ne peuvent toucher plus de 8 300 euros (bruts) par mois, au titre de leurs mandats. Le sénateur-maire de Saint-Affrique dépasse légèrement les 7 000 euros nets, auxquels s'ajoutent environ 600 euros au titre de la présidence du PNR des Grands Causses (qu'il vient d'ailleurs de proroger). Ce n'est donc pas par générosité qu'il ne touche rien au titre de président de la communauté de communes du Saint-Affricain (qu'il vient aussi de récupérer). Il a toutefois l'honnêteté de faire figurer la somme qu'il recevait quand il était vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées. Mais l'on ne sait rien du montant de sa retraite (il a été conseiller d'éducation).

   On n'a pas plus d'information sur la pension d'Alain Marc. Il est de surcroît sans doute lui aussi écrêté. Si l'on ajoute son indemnité parlementaire à celle de vice-président du Conseil général de l'Aveyron, on ne doit pas être loin du maximum autorisé. Notons que pour cette indemnité comme pour la précédente, le député donne le chiffre annuel arrondi (23 000 euros). Il gagnerait donc à ce titre environ 1 900 euros nets par mois. Or, la population aveyronnaise se situant dans la tranche 250 000 - 500 000 (habitants), un vice-président du Conseil général doit toucher plus de 2 600 euros bruts (vraisemblablement plus de 2 100 euros nets). Alors ? A-t-il volontairement minoré sa déclaration ou n'a-t-il inscrit que le montant après écrêtement ? D'autre part, il se garde bien de préciser qu'il est aussi président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn (reconduit en 2014)... et (premier) adjoint au maire d'Ayssènes. En raison de l'écrêtement (disposition introduite en 1992 par le gouvernement d'Edith Cresson... eh oui !), il ne peut sans doute rien toucher au titre de ces mandats.

   Hors revenus "publics", nos élus ne reçoivent aucune rétribution. Ils n'exercent aucune activité de "conseil" et, lorsqu'ils occupent diverses présidences, c'est à titre bénévole.

   J'ai envie de terminer par leurs collaborateurs parlementaires. Quatre en déclarent trois, A-M Escoffier se contentant de deux. Rappelons qu'ils sont payés par nos impôts, par l'intermédiaire du crédit affecté à la rémunération de collaborateurs (9 500 euros par mois pour un député, 7 500 pour un sénateur).

   Je ne suis pas assez savant pour pouvoir décrypter tout l'arrière-plan du recrutement des assistants parlementaires. Mais je peux faire quand même quelques remarques. La principale est qu'une partie non négligeable des collaborateurs est composée de proches. C'est particulièrement visible pour Alain Fauconnier, qui a recruté son fils (qui, "dans le civil", travaille dans le lycée où a longtemps officié son père). La déclaration du sénateur mériterait éventuellement une mise à jour, puisque Doris Niragire Nirere n'est peut-être plus une collaboratrice à temps plein : elle travaillerait désormais aussi pour Amnesty International. Signalons aussi qu'un ancien collaborateur du sénateur est devenu son adjoint (et son hypothétique successeur, selon certains) à la mairie de Saint-Affrique.

   De son côté, Marie-Lou Marcel emploie Bertrand Cavalerie, conseiller général (socialiste) de Capdenac-Gare, et Cécile Boullet-Laumond, elle aussi militante socialiste... qui fit, dans sa jeunesse, un bout de chemin avec le Parti de Gauche. Notons que le troisième membre de l'équipe, Jérôme Hébert, est partagé avec une autre députée, Martine Martinel (élue de Haute-Garonne, née la même année que Marie-Lou Marcel), ce qui figure aussi dans la déclaration de sa collègue.

   Yves Censi n'échappe pas à la règle de la grande proximité politique, puisque sa principale assistante parlementaire, Stéphanie Lacombe, est une militante UMP et qu'elle a même figuré (en 13e position) sur la liste menée par Régine Taussat, candidate aux municipales de 2008, à Rodez. Le député de la première circonscription aveyronnaise a peut-être eu besoin de se rassurer, après le conflit qui l'a opposé à l'une de ses anciennes employées, conflit qui s'est mal conclu pour l'élu. (Une autre de ses assistantes est restée en place moins de deux ans. Elle a par la suite rejoint le cabinet de Jean-François Copé. Elle est aujourd'hui consultante.)

   Terminons par l'équipe d'Alain Marc. Elle comporte une militante de la droite aveyronnaise, Nathalie Bécu, qui fut candidate aux élections municipales de Saint-Affrique, en 2008 sur la liste menée par Serge Wenner (en 14e position), en 2014 sur celle menée par Sébastien David (en 22e position). Est-il nécessaire de préciser que chacune de ces listes s'opposait à celle du socialiste Alain Fauconnier ? Beaucoup moins classique est le parcours de Paskalita Francheteau. Elle fut d'abord employée par l'acteur Richard Berry, puis la chanteuse Jeane Manson, avant de passer au service de Jacques Godfrain, le mentor d'Alain Marc.

vendredi, 25 juillet 2014

Millau, la série noire

   ... aurait pu continuer. Depuis au moins 2010, la "Cité du gant" est le théâtre, chaque année, d'un fait divers sanglant. La récente agression des rugbymen de Clermont-Ferrand a failli très mal se terminer.

   Mais remontons un peu le temps. En mai 2010, la ville a été bouleversée par le meurtre du jeune Jean-Ronald, à la fois par l'injustice du sort qui frappait ce garçon sans histoire (venu à Millau pour vivre sa passion du rugby) et à cause de la violence de la mise à mort, au cours d'une expédition punitive à laquelle plus de vingt personnes ont participé, trois personnes ayant été blessées à coups de couteaux. Accessoirement, cet assassinat révélait les tensions existant entre les communautés antillaises et maghrébines, la victime ayant vécu à Haïti et Saint-Martin, ses agresseurs étant d'origine nord-africaine. A l'époque, une équipe de l'émission Sept à Huit est même venue enquêter sur place. Ce n'est qu'en septembre prochain que le procès va débuter !

   Un peu plus d'un an plus tard, en plein mois d'août, c'est dans le village voisin d'Aguessac qu'une adolescente de 17 ans a été victime d'un viol collectif, au cours d'une fête. Elle était originaire d'une commune proche, Saint-Georges-de-Luzençon, ses bourreaux venaient de l'Hérault. 

   En juin 2012, ce fut au tour d'un jeune homme d'origine maghrébine de décéder dans la sous-préfecture aveyronnaise, abattu par un policier de la BAC alors qu'il tentait de forcer un barrage, après une course-poursuite. Notons que ce jeune homme jusque-là sans histoire avait une grande quantité de drogue dans son véhicule. (Il a peut-être servi de "mule" à des trafiquants locaux.) Cette mort idiote a suscité beaucoup d'émotion. Paradoxalement, on n'a remis en cause que l'action des policiers. On a évité de se poser des questions sur le comportement du jeune. Il reste à espérer que l'enquête a permis de lever les derniers doutes.

   Nous voilà arrivés en décembre 2013. Une nouvelle fois, la Cité du gant a été frappée par l'horreur : une adolescente de 14 ans a été mortellement poignardée par un déséquilibré (qui semblait fasciné par le destin tragique de Jean-Ronald). Les médias nationaux se sont de nouveau intéressés à Millau pour de mauvaises raisons.

   En juillet 2014, si le sang a coulé à Millau, personne n'est décédé (fort heureusement). Mais cela aurait pu se terminer de manière plus tragique, si les victimes des agresseurs avaient été moins costaudes que les rugbymen, ou si d'autres personnes n'étaient intervenues pour les aider. Le pire dans cette histoire est que les quelque dix agresseurs sont issus de la petite communauté antillaise de Millau. Certains sont connus des services de police. Il n'est pas impossible que, parmi les complices, on trouve des personnes qui ont connu naguère Jean-Ronald. De surcroît, le mode opératoire de l'agression des rugbymen (une expédition de groupe) et les armes utilisées ne sont pas sans rappeler l'agression du jeune Haïtien en 2010. La haine et la violence semblent s'être propagées d'un groupe à l'autre. Voilà qui n'est guère encourageant.

jeudi, 24 juillet 2014

Jean Zay, cet inconnu

   En février dernier, le président François Hollande a un peu surpris son monde en annonçant la panthéonisation de quatre nouvelles personnes : Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay. Sans leur faire insulte, on peut dire qu'elles sont inconnues du grand public. Ceux qui lisent les journaux connaissent sans doute déjà Pierre Brossolette, dont il a été question ces dernières années dans des articles traitant de la Résistance. La nièce de Charles de Gaulle est davantage réputée pour son action à la tête d'ATD-Quart monde. Germaine Tillon (elle aussi ancienne résistante) s'est fait connaître comme ethnologue et pour ses engagements ultérieurs (contre la guerre d'Algérie, pour la cause des femmes). Et Jean Zay ?

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   Une exposition lui rend actuellement hommage, pour quelques jours encore, à Brive. Il est né en 1944 d'un père juif et d'une mère protestante. Le papa est une figure locale de la gauche, qui dirige le quotidien Le Progrès du Loiret, où le fiston a écrit, entre les deux guerres. Ardent patriote, le père, en uniforme de poilu, pose avec sa petite famille lors d'une permission, en 1916 :

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   Lycéen, Jean Zay se fait remarquer par ses résultats brillants (qui lui valent une bourse)... et son esprit caustique. Par la suite (dans les années 1920), avec des amis, il a publié un journal, dans lequel les jeunes hommes laissent libre cours à leur fantaisie. On a plus tard reproché cette période au futur ministre, à cause d'écrits pastiches d'inspiration antimilitariste. C'était oublier l'horreur que la Grande Guerre avait inspirée aux familles des poilus. Et, si l'on devait regarder tout ce que nos hommes politiques ont pu écrire à 20 ans, on n'en finirait pas de polémiquer. La suite de la carrière de Jean Zay allait confirmer son incontestable patriotisme.

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   Avant d'en arriver là, il achève ses études et devient avocat. Il plaide au civil comme au pénal et se fait rapidement une petite réputation : il a réussi à faire acquitter deux assassins des amants de leurs femmes ! Très vite aussi, il assume la défense d'associations professionnelles et de syndicats de gauche. Dans le même temps, il se marie (à une protestante, Madeline Dreux, qu'il épouse dans un temple)... et adhère à la franc-maçonnerie (à la loge Etienne Dolet, qui rend hommage à un imprimeur de la Renaissance), un choix qui lui a été reproché par la suite.

   Cela a sans doute aidé à lancer sa carrière politique, du côté des radicaux-socialistes. Dès 1925, il a adhéré aux Jeunesses Laïques et Républicaines, dont il est devenu vice-président. En 1932 (à 27 ans), il est élu député du Loiret. Il est réélu en 1936, avec la vague du Front Populaire. Il devient ministre, à 31 ans :

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   Alors que la composition des gouvernements varie fortement sous la IIIe République, lui est resté en place plus de trois ans, sous cinq gouvernements successifs. Il lance une réforme du système éducatif qui a été poursuivie sous la Ve République. La durée de la scolarité obligatoire est prolongée (jusqu'à 14 ans), l'unification du système scolaire est engagée. Le ministre introduit le cinéma et la radio à l'école, tout comme le Brevet sportif populaire. Il double le nombre de boursiers et soutient le jeune CNRS. Du côté des arts, il encourage la fréquentation des théâtres et des musées. Il soutient la naissance de la Cinémathèque française et décide la création d'un festival de cinéma à Cannes. Il devait être inauguré le 1er septembre 1939...

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   La guerre brise cette brillante carrière. Et pourtant... ce n'est ni le courage ni la lucidité qui manquaient à Jean Zay. Bien que non mobilisable, il choisit de porter l'uniforme et démissionne du gouvernement.  Toujours député, il fait partie de ceux qui prônent la poursuite de la lutte contre l'Allemagne nazie, à partir de l'Afrique du Nord. Il embarque donc sur le Massilia (avec son épouse et sa fille) et tombe sans doute dans le piège tendu par Pétain et Laval aux républicains ardents.

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   Tout comme Pierre Mendès-France, il est accusé (à tort) de désertion. Il est arrêté puis condamné, à Clermont-Ferrand (par le même tribunal militaire qui a condamné à mort Charles de Gaulle). L'extrême-droite, qui l'avait déjà dans le collimateur (et qui l'a toujours...) se déchaîne.

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      Il est transféré à la maison d'arrêt de Riom. Il obtient de pouvoir lire et surtout écrire. Il rédige quantité de lettres, des nouvelles et une sorte d'autobiographie. Il a même réussi à communiquer avec des résistants. Mais le 20 juin 1944, trois membres de la Milice (l'organisation fasciste dirigée par Joseph Darnand, membre du gouvernement Pétain... et engagé volontaire dans la Waffen SS) le sortent de prison, pour l'exécuter. Le corps n'a été retrouvé qu'en 1948 et seul l'un des trois assassins a été jugé, en 1953.

   P.S.

   L'exposition (où l'entrée est gratuite), dont la première mouture a sans doute été conçue pour le cinquantième anniversaire de son assassinat, va bientôt quitter Brive. Je suppose qu'elle va tourner et peut-être un jour arriver à Rodez. Quand ? Eh bien, je donne ma langue au chat (briviste) !

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lundi, 21 juillet 2014

A la recherche de Vivian Maier

   Par le plus grand des hasards, un jeune Américain, John Maloof, met la main sur un paquet de négatifs puis de pellicules non développées. Il se rend rapidement compte que les photographies sont de grande qualité, très originales... mais que leur auteure est totalement inconnue. Ce documentaire est le récit de sa découverte, des recherches entreprises pour reconstituer la vie de Vivian Maier (1926 - 2009) puis de sa reconnaissance posthume.

   On sait à quoi elle ressemble parce que, parmi les milliers de photographies qu'elle a prises, se trouvent des dizaines d'autoportraits, presque jamais classiques. Elle joue toujours sur les reflets ou les ombres :

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   Dans le lot, on trouve aussi beaucoup de vues d'enfants, noirs comme blancs, riches comme pauvres. Peut-être est-ce par déformation : Vivian Maier a vécu comme domestique, notamment "nounou". Les auteurs du film ont retrouvé certains des enfants qu'elle a gardés. Les témoignages sont très variés, pas toujours à l'avantage de la dame, qui a semble-t-il souvent changé d'employeur, soit qu'elle ait eu envie d'autre chose, soit qu'elle ait été renvoyée.

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   Elle a arpenté les rues des différents quartiers de New York et de Chicago, dont elle laisse un témoignage foisonnant. Elle était visiblement attirée par les "gueules", les physiques qui sortaient de l'ordinaire :

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   Elle a eu l'art de saisir l'essence des travaux et des jours de ce petit peuple de New York ou de Chicago, mais aussi des paillettes dont la ville se parait, à certaines occasions. Excellente cadreuse, elle savait montrer les inégalités d'un coup d'oeil :

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   A force de pratiquer, cette autodidacte de l'objectif a acquis un grand savoir-faire technique, apprivoisant la lumière et sachant capter les mouvements de la vie :

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   La très grande majorité de son oeuvre est constituée de clichés en noir et blanc, mais il en existe aussi en couleurs, ainsi que quelques films... et même des enregistrements audio. Vivian Maier garde toutefois une part de mystère.

   Physiquement, c'était une femme impressionnante. Assez grande, elle était de surcroît dotée d'un gros caractère, tout en passant pour quelqu'un de farfelu. Il faut imaginer un équivalent féminin du M. Hulot de Jacques Tati, avec une pincée de Charles de Gaulle. Ces références à la France ne sont pas innocentes, puisque sa mère était française et qu'elle-même passa la majeure partie de son enfance dans notre pays, dans un coin perdu des Alpes où John Maloof finit par débarquer... et même par organiser une exposition !

   Elle n'a jamais été mariée, ne semble pas avoir eu d'enfant. Elle rejetait les hommes à tel point que, lorsque l'un d'entre eux, croyant bien faire, voulu l'aider à se stabiliser sur une plate-forme où elle était montée pour pouvoir prendre des photos, elle le repoussa violemment. On pense qu'elle a dû connaître un traumatisme grave. S'est greffé là-dessus un tempérament solitaire et une activité (la photographie) qui l'a coupée du monde. Elle semble avoir voulu mettre un écran entre elle et la vraie vie, se contentant de la suivre en spectatrice.

   Au cours de son enquête, John Maloof découvre qu'elle fut aussi une collectionneuse compulsive d'articles de journaux (entre autres), allant jusqu'à piquer une crise devant ses employeurs après qu'ils eurent donné une pile de vieux papiers à leur voisin. Il semble que, sur le tard, ses traits caractériels se soient accentués, au point qu'elle a dû arrêter de travailler. Elle a été temporairement sauvée de la misère par d'anciens enfants qu'elle avait gardés. Ils ont même loué un garde-meuble pour y stocker ses affaires. Elle est finalement morte pauvre, seule et oubliée.

   Un autre mystère demeure : aurait-elle voulu être reconnue pour son oeuvre ? Il semble qu'au début, oui. Maloof a retrouvé une correspondance avec la France, dans laquelle il est question de l'édition de cartes postales à partir de certains de ses clichés. Puis, plus rien. L'événement traumatique est-il survenu à cette époque, après son retour à New York ? On ne le sait pas.

   Il reste une oeuvre magnifique, tant sur la forme que sur le fond, preuve qu'une grande artiste peut venir d'un milieu modeste et mourir inconnue, à l'inverse de tant de pédants médiatiques sans talent.

   P.S.

   Toutes les illustrations de ce billet sont issues du site créé par John Maloof, qui est une véritable mine.

dimanche, 20 juillet 2014

Inégalités en Suisse et en France

   L'information, parue il y a deux jours, a rapidement fait la Une de nombreux journaux : la Suisse compterait plus de millionnaires (en dollars) que de bénéficiaires de l'aide sociale (330 000 contre 250 000, en 2012). Et la France ? Après une petite recherche, on trouve environ 2 600 000 (ménages) millionnaires dans l'Hexagone en 2011 (d'après l'hebdomadaire Challenges). Quant à l'aide sociale, elle bénéficierait à 3 600 000 personnes en France métropolitaine en 2012. En ajoutant les bénéficiaires résidant outremer, on doit atteindre les 4 millions de personnes. La situation est donc inverse entre la France et la Suisse.

   Mais, si l'on y regarde de plus près, les pays ne sont pas si différents que cela. Il faut d'abord comparer le nombre de millionnaires à celui des foyers. D'après le recensement de 2012, la Suisse en compte 3 553 700. Cela donne un millionnaire pour 10,8 ménages. Et en France ? D'après l'INED, en 2011, notre pays comptait 27 347 600 ménages. Cela donne un millionnaire pour 10,5 ménages, une proportion équivalente à celle de la Suisse (et même légèrement plus haute) ! Ceci dit, si l'on considère les "super riches", nos voisins helvétiques sont largement en tête.

   On arrive à une conclusion logique : si la France compte la même part de millionnaires que la Suisse, les pauvres y sont proportionnellement plus nombreux. On en a la confirmation indirecte par le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités internes (plus il est bas, plus les inégalités sont faibles). D'après Eurostat, en 2012, il est de 30,5 en France et de 28,8 en Suisse (22,6 en Norvège, 35 en Espagne, plus de 40 en Turquie). Si les inégalités sont un peu plus faibles en Suisse qu'en France, c'est parce que les pauvres sont moins nombreux et moins pauvres en Suisse qu'en France.

   L'évolution récente est aussi riche d'enseignements. Depuis 2008, le coefficient de Gini ne cesse de diminuer en Suisse : il est passé de 31,1 à 28,8. En France, c'est presque l'inverse, puisque de 2008 à 2012, il a successivement été de 29,8 ; 29,9 ; 29,8 ; 30,8 et 30,5.

   Il manque un dernier point à cette comparaison : l'origine des millionnaires. Globalement, la Suisse est un pays à forte immigration, à tel point que les étrangers résidents permanents (très majoritairement européens) représentent 23 % de la population (1 870 000 sur 8 039 100 habitants en 2012). En France, sur un total de 65 252 000 habitants, en 2012 (selon l'INSEE), les étrangers (en situation régulière) sont 2 881 872 (selon un rapport du ministère de l'Intérieur). Cela représente 4,4 %. Allez, voyons large et comptons 3 500 000 étrangers dans notre pays (en ajoutant -à grands coups de louche- les clandestins). Cela donnerait 5,4 % de la population totale. 

   Concernant les millionnaires, je n'ai pas de chiffres précis mais, compte tenu de l'origine des étrangers résidant dans les deux pays (les ressortissants des pays développés sont proportionnellement bien plus nombreux en Suisse qu'en France), je pense qu'il y a de fortes chances pour la part d'étrangers dans les millionnaires soit bien plus élevée en Suisse qu'en France... d'autant plus si l'on considère les conditions fiscales qui sont faites aux grandes fortunes dans les deux pays. (Pour les milliardaires, c'est déjà certain : d'après le site de la radio-télévision suisse, neuf des treize plus riches résidents sont de nationalité étrangère... ce qui n'est évidemment pas le cas en France.)

   Qu'en conclure ? Eh bien que, malgré une fiscalité plus lourde et moins opaque, la France produit proportionnellement plus de millionnaires que la Suisse. Notre système économique produit aussi plus de pauvreté, en dépit des reversements qui contribuent à atténuer les inégalités. C'est un peu à l'image du système éducatif : il fonctionne bien pour 70 à 80 % des élèves ; il produit une élite (scientifique, administrative...) que d'autres pays nous envient... mais il laisse une part (trop) importante de son public de côté.

samedi, 19 juillet 2014

La nouvelle nouvelle carte des régions

   La sagesse commencerait-elle à gagner les parlementaires français (notamment de gauche) ? En tout cas, au fur et à mesure que le texte portant sur la délimitation des régions est discuté, la carte s'affine et semble s'éloigner des errements du premier projet gouvernemental. Voici le découpage qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale, tel que le présente Le Monde :

Carte PS 15 07 2014 b.jpg

   Les députés se sont contentés de répartir les régions. Ils n'ont pas touché à la ventilation des départements, qui sont déplacés (ou pas) en blocs régionaux. Par rapport au projet précédent, on constate la disparition du "monstre" constitué de la Picardie et de la Champagne-Ardenne, la première étant rattachée au Nord-Pas-de-Calais, la seconde au bloc Alsace-Lorraine. On a aussi renoncé au "machin" regroupant Centre, Limousin et Poitou-Charentes, pour constituer un grand Sud-Ouest aquitain, construit autour de Bordeaux. L'Aveyron reste dans l'ensemble formé par Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon.

   Le sujet, pourtant âprement débattu dans les régions, n'a visiblement pas motivé les députés, puisque sur 577 élus, seuls 85 étaient présents pour le vote de l'article 1, soit moins de 15 % ! Et l'Aveyron ne brille pas dans ce domaine, puisqu'aucun des députés de notre département n'était dans l'hémicycle ! En vacances Mme Marie-Lou Marcel (PS) ! En vacances M. Yves Censi (UMP) ! En vacances M. Alain Marc (UMP) !

   Si l'on regarde dans le détail, on s'aperçoit que 54 des 290 membres du groupe "Socialiste, républicain et citoyen" étaient présents, soit 18,6 % du total. Même si c'est davantage que la moyenne des députés, c'est un chiffre lamentable, d'autant plus qu'il s'agit d'un projet de loi socialiste ! Leurs alliés radicaux font-ils mieux ? Oui, puisque 5 des 16 députés du groupe étaient présents, soit environ 31 % du total. C'est un peu mieux que les écologistes : 5 des 18 députés sont venus (28 % du total)... mais se sont tous abstenus !

   A droite, c'est la Bérézina. Le groupe UMP n'était représenté que par 10 % de ses membres (20 députés sur 199). Le groupe UDI fait mieux, avec presque 17 % de présents (5 députés sur 30)... mais il n'y a pas de quoi sauter au plafond.

   Conclusion : sur un texte aussi important, on n'a pas besoin de 577 députés pour faire vivre le débat ni pour faire passer des amendements au texte du gouvernement. (Si vous êtes allés voir sur le site de la Chambre basse, auquel mène le lien précédent, vous avez pu constater que les votes ne sont pas uniformes. Le texte transcende quelque peu le clivage gauche/droite, même si une tendance est nettement perceptible dans la plupart des groupes.) C'est bien la preuve que l'Assemblée nationale peut fonctionner avec (beaucoup) moins de 577 membres...

   Toutefois, si, comme moi, vous n'êtes pas encore pleinement satisfait du résultat, vous pouvez vous amuser (comme le propose Le Monde) à construire une carte régionale selon vos goûts. Je me suis livré au jeu. Voici ce à quoi j'arrive :

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   Contrairement au projet gouvernemental, je me suis permis de déplacer des départements sans tenir compte de leur région d'origine. Cela donne un Grand Languedoc (Midi-Pyrénées + Languedoc-Roussillon) sans le Gard, rattaché à PACA. La question se poserait de la partie ouest du département, qui regarde clairement vers la Lozère, l'Aveyron et l'Hérault. Au niveau de l'Aquitaine, si j'ajoute intégralement le Limousin (une idée qui a émergé très vite, début juillet), je fais disparaître le Poitou-Charentes, seules les deux Charentes étant fusionnées au grand Sud-Ouest, la Vendée et les Deux-Sèvres étant incluses dans un grand Centre-Ouest, avec les Pays-de-la-Loire et le Centre, qui, à mon avis, ne doit pas rester seul et enclavé. J'ai toutefois ôté la Loire-Atlantique de l'ensemble pour la rattacher à la Bretagne.

   Pour le reste, j'arrive aux mêmes conclusions que le projet gouvernemental concernant Rhône-Alpes et la Normandie. Je propose aussi d'étendre le Nord-Pas-de-Calais à la Picardie, mais pas en entier. Il est évident que l'Oise est désormais un département de la région parisienne (rattaché donc à l'Ile-de-France). Se pose alors la question de l'Aisne, que j'aurais tendance à ne pas séparer de la Somme, mais dont la partie sud vit en fait dans l'orbite de Paris, et ce depuis longtemps :

Ile-de-France province.jpg

   La Champagne-Ardenne m'a posé problème. Comme d'autres régions, elle manque d'unité et de poids économique. Le PS suggère de construire un grand Nord-Est, dont Metz serait sans doute le chef-lieu. Voilà qui inquiète les élus strasbourgeois, qui se contenteraient d'une fusion Alsace-Lorraine, dont Strasbourg, bien qu'excentrée, pourrait exiger d'être le centre politique... parce qu'il faut bien se rendre compte que, derrière les protestations vertueuses de certains élus locaux, il y a d'abord la volonté de ne pas perdre le siège de la préfecture de région.

   Comme je trouve que l'ensemble formé par la Bourgogne et la Franche-Comté (amputée du Territoire-de-Belfort, historiquement alsacien) serait un peu fragile (il compterait moins de 3 millions d'habitants et pèserait moins de 4 % du PIB), je propose d'y ajouter la Champagne-Ardenne, sans les Ardennes, rapprochées du Grand-Nord. Cela donnerait une cohérence à la frontière franco-belge et l'on retrouverait une grande Bourgogne.

   Corse exceptée (qui pourrait regagner la région PACA, dont elle fit partie jusqu'en 1970), aucune région ne compterait moins de 3,4 millions d'habitants (et seulement deux moins de 4 millions). Toutes pèseraient au moins 5 % du PIB.

   Il reste que la méthode gouvernementale, au départ marquée par la précipitation, ne manque pas de pertinence. En 2014, on regroupe les régions. Dans un deuxième temps, après les élections de 2015 (au cours desquelles les débats ne manqueront sans doute pas d'animation), les départements auront la possibilité d'opter définitivement pour une région différente. Cela risque de fiche un beau bazar pendant deux-trois ans !

vendredi, 18 juillet 2014

Trois de chute pour Daniel Diaz

   C'est un scrutin en apparence anodin, mais qui se révèle riche d'enseignements sur la vie politique aveyronnaise : l'élection du président du parc naturel régional des Grands Causses, qui s'est déroulée à la fin du mois de juin. Un peu à la surprise générale (des non-initiés), le sénateur-maire de Saint-Affrique Alain Fauconnier (qui avait de surcroît récemment récupéré la présidence de la communauté de communes du Saint-Affricain...) a été réélu et même confortablement, puisque, d'après La Dépêche du Midi, il a obtenu 30 voix, contre 19 à son concurrent Daniel Diaz.

   Pourtant, c'est plutôt l'inverse qui était attendu par certains observateurs. En effet, les dernières élections municipales ont fait passer plusieurs mairies dans le camp de la majorité départementale (dont se réclame Daniel Diaz), notamment Millau. Ainsi, les représentants de cette commune et ceux de la communauté de communes Millau-Grands-Causses n'apporteraient pas leurs suffrages au président sortant A. Fauconnier. Cela devait suffire à faire basculer la majorité puisque, trois ans auparavant, le socialiste (malgré le succès rencontré par la gauche aux municipales de 2008) ne l'avait emporté que de 3 voix sur son adversaire.

   Le scrutin semblait toutefois suffisamment ouvert pour permettre à un candidat pas trop marqué de tirer son épingle du jeu. Quatre personnes se sont présentées au départ : Christian Font, président délégué (et maire de Saint-Juéry), Alain Fauconnier, Daniel Diaz et Christophe Laborie (maire et conseiller général de Cornus), proche de Jean-Claude Luche. Le sortant a paraît-il hésité à se représenter. Ses amis politiques lui auraient d'ailleurs conseillé de laisser C. Font courir le risque de la défaite. Mais il s'est finalement lancé, ce qui a incité son président délégué à renoncer, alors qu'à droite, C. Laborie a décidé (tout seul ou sur le conseil de personnes bien intentionnées) d'abandonner la course, au profit de Daniel Diaz.

   Celui-ci restait sur deux échecs... et même trois, si l'on remonte aux municipales de 2008, qui ont vu la défaite de la liste menée par Jacques Godfrain (maire sortant de Millau, à l'époque), liste sur laquelle figurait Daniel Diaz, en 17e position. Il ne fut pas élu conseiller municipal, puisque seuls les 7 premiers de la liste Godfrain eurent ce bonheur. Six ans plus tard, les difficultés de l'équipe Durand s'ajoutant à l'impopularité du gouvernement de gauche, il y avait un boulevard pour une liste de droite bien structurée. Encore fallait-il en choisir la tête. Les militants de la droite et du centre ont préféré Christophe Saint-Pierre (UMP, ancien adjoint de Jacques Godfrain) à Daniel Diaz. L'article ne donne pas le détail du vote. A l'époque, on a spéculé sur un possible accord entre les deux hommes, Saint-Pierre se réservant la mairie et Diaz obtenant la communauté de communes.

   La campagne 2012 ne fut pourtant pas une partie de plaisir, notamment parce qu'une autre liste (celle menée par Philippe Ramondenc) leur a disputé les voix du centre et de la droite modérée. Elle est arrivée avec moins de 200 voix de retard sur la liste UMP-UDI au premier tour. Certaines mauvaises langues osent même affirmer que, si Daniel Diaz avait été tête de liste, c'est son adversaire Ramondenc qui serait arrivé en tête. Au second tour, le duo Saint-Pierre / Diaz l'a emporté, mais finalement d'assez peu.

   Arrivent ensuite les élections à la communauté de communes, dont j'ai déjà parlé. Daniel Diaz y connaît un second échec... et même un troisième, puisqu'il n'obtient que la deuxième vice-présidence, avec seulement 23 voix... et 23 bulletins blancs (d'après le Journal de Millau). Certains élus du centre et de droite, urbains comme ruraux, ont visiblement voulu marquer leur désaccord.

   Dans cette perspective, la présidence du PNR pouvait constituer un beau lot de consolation pour Daniel Diaz. Alain Fauconnier a senti qu'il y aurait des réticences dans le groupe d'élus ruraux "sans étiquette". Je pense qu'il y a sans doute eu aussi un accord avec Philippe Ramondenc, qui est devenu membre du bureau syndical du parc, alors que Daniel Diaz n'y figure pas. La vice-présidence attribuée au représentant des communes urbaines a été décrochée par Sylvie Ayot, deuxième adjointe au maire de Millau.

   C'est un résultat qui n'a visiblement pas plu au rédacteur du Journal de Millau, d'après ce qu'on peut lire dans un article du 26 juin dernier :

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   Derrière toute cette agitation se profilent les élections sénatoriales de septembre prochain. L'Aveyron est l'un des départements "renouvelables". Au vu des résultats aux municipales, il est évident que la gauche ne va pas garder ses deux sénateurs... surtout qu'en face, le président du Conseil général Jean-Claude Luche est en campagne depuis plusieurs mois, sous couvert de réunions d'information des élus municipaux des cantons.

   La question est : la droite va-t-elle récupérer les deux sièges ou un seul ? La logique arithmétique voudrait que la gauche perde tout. Mais, comme de nombreux grands électeurs sont des conseillers municipaux "sans étiquette", il est possible que l'un des deux sortants tire son épingle du jeu. Cela paraît compliqué pour Anne-Marie Escoffier, qui ne sort pas particulièrement grandie de son passage au gouvernement. Peut-être faudrait-il qu'elle laisse la place à quelqu'un de plus jeune, qui n'aura pas peur de cette "mission impossible". Mais il est bien tard pour commencer une campagne...

   Au vu des scrutins qui se sont déroulés en 2014, il y a peut-être de la place pour un sénateur de gauche qui arriverait à recueillir beaucoup de voix auprès des "sans étiquette" du Sud du département. A. Fauconnier y sera en concurrence (notamment) avec Alain Marc, le député réélu en 2012, qui est aussi vice-président du Conseil général (conseiller du canton de Saint-Rome-de-Tarn), président de la communauté de communes de la Muse et des Raspes du Tarn... et adjoint au maire d'Ayssènes.

   Ce sera donc cumulard contre cumulard... à ceci près que, s'il est compréhensible qu'un sénateur sortant cherche à se faire réélire (bien qu'il soit très occupé ailleurs...), on a du mal à voir pourquoi un député à peine reconduit cherche à entrer dans la Haute Assemblée. Le duo Luche-Marc a avancé l'idée qu'il fallait deux candidats de poids pour regagner les sièges perdus en 2008 et ainsi faire basculer le Sénat à droite. Tu parles ! Comme s'il n'existait pas d'autre candidat potentiel dans le département ! Et puis, au vu de la lourde défaite de la gauche aux municipales de 2012, il est presque certain (malgré les retouches au mode de scrutin) que la droite va reconquérir la majorité.

   P.S.

   Cette hypocrisie électorale a inspiré un joli dessin à l'un des contributeurs du Nouvel Hebdo paru ce vendredi :

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Merci, Baraqueville !

   Le mois dernier, une consultation a été organisée dans la commune de Baraqueville. A une large majorité, les personnes qui se sont déplacées pour voter ont choisi de ne pas rester dans la communauté d'agglomération du Grand Rodez. C'était d'ailleurs le souhait du nouveau maire, Jacques Barbezange, qui, plusieurs mois auparavant, s'était engagé à consulter la population à ce sujet s'il remportait les élections municipales. Alors, victoire de la démocratie locale ?

   On s'est d'abord demandé pourquoi le maire a organisé une consultation et non pas un référendum local, comme il en avait la possibilité. La principale différence entre les deux est que le résultat du second, quel qu'il soit, s'impose à la mairie qui l'a organisé, alors que la consultation ne débouche que sur un avis, dont le maire peut tenir compte... ou pas.

   Une autre raison tient aux modalités de vote. A l'occasion de la consultation baraquevilloise, il n'a pas été possible de voter par procuration. De plus, d'autres personnes que les électeurs inscrits (des contribuables non électeurs sur la commune) ont pu participer. L'organisation d'un référendum local aurait été plus lourde pour la mairie... et davantage porteuse d'incertitude : si l'on savait par avance que les contribuables non électeurs étaient massivement contre l'adhésion au Grand Rodez, il n'était pas dit qu'une majorité de Baraquevillois serait du même avis. Les résultats l'ont confirmé : 86 % des non électeurs qui se sont exprimés ont choisi la sortie du Grand Rodez, soit 20 points de plus que la proportion d'électeurs. On remarque toutefois que seuls 25 % de ces contribuables ont participé à la consultation.

   On peut aussi penser que, si c'est un référendum qui avait été organisé, il aurait fallu respecter une certaine équité entre les deux camps. Telle n'était peut-être pas l'intention des organisateurs de la consultation. Peu avant le vote, ils ont distribué, dans les boîtes aux lettres de la commune, un fort joli document de 6 pages (en quadrichromie)... que j'ai réussi à me procurer :

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   Au bas de la page 6, il est précisé que "Les frais de réalisation et d'impression sont intégralement pris en charge par les élus". Je crois qu'il faut en conclure que élus de la nouvelle majorité municipale ont financé le document de leur poche et pas sur le budget communal. C'est bien... et c'est tant mieux, parce que, sinon, ce pourrait être un motif d'invalidation.

   La page 2 évoque les conséquences des transferts de compétences... en "oubliant" les subventions votées par le Grand Rodez le 25 février dernier (pages 8-10) : une attribution compensatoire de 265 000 euros et une subvention d'équipement de plus de 530 000 euros.

   La page 3 prête moins à polémique. La fiscalité des deux communautés (celle du Pays baraquevillois et celle du Grand Rodez) est comparée. Les taux cités me semblent justes. Fort logiquement, ils sont plus élevés dans le Grand Rodez (qui donne accès à plus de services), mais l'écart n'est pas grand... sauf pour la cotisation foncière des entreprises, nettement plus lourde dans le Grand Rodez. (Ce fut d'ailleurs l'objet d'une polémique, il y a un an et demi.) On comprend par là quels ont été les soutiens de Jacques Barbezange.

   Après les critiques, le document passe aux propositions. Il promeut un "Grand Ségala", qui s'étendrait à Naucelle, Rieupeyroux voire Calmont. Encore faudrait-il que les autres intercommunalités du Ségala veuillent se joindre à celle du baraquevillois. C'est ici que la question de l'endettement devient cruciale (celui de la commune et celui de la communauté de communes). Jacques Barbezange "oublie" de la mentionner, ce qui lui évite d'avoir à préciser que le Grand Rodez avait décidé, lors de l'adhésion de Baraqueville, de reprendre à son compte la part de la dette (1 million d'euros tout de même) qui incombait à Baraqueville concernant l'aménagement de la zone d'activités du Puech. Ce n'est pas écrit dans le document, mais le Conseil général a promis de mettre la main à la poche... (Il faut dire que celui-ci a reçu davantage de subventions de l'Etat, au titre de la péréquation interdépartementale. Le procédé est quelque peu cavalier, ces sommes n'ayant pas vocation à peser sur la carte des intercommunalités.)

   Concernant le projet de "Grand Ségala", le document n'a pas tort de rappeler qu'en 2012, l'INSEE ne plaçait pas la commune dans le bassin de vie de Rodez. Il faudrait voir ce qu'il en est aujourd'hui, d'autant plus que Baraqueville fait partie de l'aire urbaine de Rodez (qui s'étend sur une quarantaine de communes) : la majorité de ses actifs travaille dans le pôle urbain ruthénois. Il suffit de prendre la RN 88 en direction d'Albi pour s'en rendre compte tous les jours. Il n'en est nullement question dans le document. Le doublement de la RN 88 est présenté comme un futur axe structurant. Attendons de voir le contournement de Baraqueville.

   Le résultat de la consultation est net, puisque les deux tiers des suffrages exprimés (sans prendre en compte les contribuables non électeurs) se sont portés sur le "oui", choisissant de quitter le Grand Rodez. Ceci dit, la participation dépasse à peine 50 %, sans doute en raison de l'appel à l'abstention de l'opposition (qui conteste la validité de la consultation, le délai de deux mois prévu par la loi n'ayant pas été respecté, empêchant une véritable campagne de s'engager). Des quatre bourgs composant la commune, c'est à Baraqueville même qu'on a le moins voté. Mais le "oui" est largement majoritaire partout. En dépit de l'inéquitabilité de la campagne électorale, l'opposition menée par l'ancienne maire a sans doute commis une erreur (selon moi). Si elle et ses partisans avaient appelé à participer et à voter "non", la victoire du "oui" aurait été plus étriquée. (Je ne pense pas que, vu l'ambiance qui régnait depuis plusieurs mois, le "non" ait pu l'emporter.) Il lui aurait certes fallu reconnaître une seconde défaite (après celle des municipales), mais, avec un petit "oui", le maire n'aurait pas eu les coudées franches.

   De mon côté, en tant que contribuable ruthénois, je ne peux que me réjouir de la sortie de Baraqueville du Grand Rodez, peut-être bientôt suivie par Manhac et Camboulazet. Ce sont des charges en moins pour l'agglo, qui en a déjà bien assez à assumer !

jeudi, 17 juillet 2014

Le Procès de Viviane Amsalem

   Si le titre français fait allusion à l'ambiance kafkaïenne dans laquelle baigne l'intrigue, le titre israélien (Le Guet, c'est-à-dire l'acte de divorce) est plus explicite (pour le public local), puisque l'histoire tourne autour d'un couple qui se déchire, elle, Viviane (Ronit Elkabetz, formidable) voulant divorcer, lui, Elisha (Simon Abkarian, sobre mais pas toujours convaincant) ne voulant pas et s'appuyant sur la loi de son pays.

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   Il est donc question de la place de la femme juive dans la société israélienne. Alors que le débat devrait porter sur la pérennité du couple, on examine la personnalité de l'épouse sous toutes les coutures. L'habileté du film est de faire en sorte que les autres protagonistes finissent aussi par passer à la moulinette. Je recommande notamment le personnage de l'avocat d'Elisha (qui est aussi son frère), interprété par Sasson Gabai, excellent dans Le Cochon de Gaza. (Il avait joué aux côtés de Ronit Elkabetz dans La Visite de la fanfare.)

   Cela ressemble un peu à du théâtre filmé, puisque tout se passe soit dans une petite salle de tribunal, soit dans les couloirs adjacents. On a varié les intervenants : outre les juges, les époux et leurs avocats, on fait défiler devant nous une belle brochette de témoins.

   L'un des intérêts de leurs auditions réside dans le retournement possible du témoignage. C'est d'abord le frère de l'épouse qui n'apporte (involontairement) que de l'eau au moulin du mari. C'est ensuite un ami de l'époux, très louangeur sur celui-ci, qui finit par le trahir. Ce sont aussi quelques personnages hauts en couleur, comme la belle-sœur de l'épouse, qui nous livre un numéro de toute beauté ! L'un des moments-clés est le passage des voisins, d'abord l'homme, puis sa femme, qui va finir par parler franchement hors de sa présence.

   Etant donné la sobriété de la mise en scène, le moindre détail est signifiant. On sera donc très attentif aux évolutions de la coiffure de Viviane, ainsi qu'à la grande diversité de ses tenues (et de ses chaussures), qui ne laissent pas indifférents certains des hommes présents dans la salle.

   Les dialogues sont savoureux aussi par l'enchevêtrement des langues : l'hébreu, le français, l'arabe... Une partie de ce petit monde est originaire d'Afrique du Nord, où l'on a le sang chaud. Face aux plaignants, les juges religieux forment un trio incongru de barbus (censés être) respectables, scrupuleux au-delà du raisonnable et dont la patience va être mise à rude épreuve.

   La procédure s'éternise, de reports en demandes supplémentaires. Je ne dirai pas comment cela se termine, mais sachez être attentif aux expressions du visage de Viviane... Qui a vraiment gagné ?

mercredi, 16 juillet 2014

Circles

   Ces cercles concentriques sont les ondes de choc provoquées par un événement traumatique, à l'image de ce que l'on voit d'un plan d'eau où l'on a jeté une pierre. Comme le dit l'un des personnages du film, malheureusement, ce sont plutôt les mauvaises que les bonnes actions qui ont ce genre de répercussions.

   Tout commence en Bosnie-Herzégovine, en 1993. Un soldat serbe revient chez son père, voir aussi sa fiancée. Dans le village multiconfessionnel, la cohabitation semble se passer assez bien. Mais un groupe de paramilitaires (serbes) fait des siennes :

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   Dans la première partie du film, on ne voit pas comment cette scène se termine. On fait un bond de 12 ans et l'on retrouve presque tous les protagonistes, désormais éparpillés. Certains sont restés en Bosnie, comme ce vieil homme qui s'acharne à reconstruire une église sur le point d'être engloutie à cause d'un barrage. Quand on finit par voir le bâtiment d'origine (et le lieu où il se trouve), on comprend mieux l'acharnement du vieil homme. Il est aidé par un jeune ouvrier... et bientôt l'un des amis de celui-ci, dont le vieillard ne veut pas, au début. On se demande pourquoi et l'on se dit qu'il y a sans doute un lien avec le père disparu du jeune homme. Une drôle de relation va se nouer entre les deux.

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   Ce saut dans le temps fonctionne très bien parce que les personnages ont réellement vieilli à l'écran, à tel point que certains d'entre eux sont méconnaissables. On a joué sur la chevelure, la barbe, la moustache, les vêtements, sans doute aussi le maquillage. Je pense qu'en réalité on a "rajeuni" les acteurs pour les faire rentrer dans les rôles de l'année 1993. (On a peut-être même demandé à quelques-uns de mincir un peu pour faire plus jeunes.) En tout cas, avec peu de moyens, on a fait du bon boulot.

   Pas très loin de la première histoire s'en déroule une autre, à Belgrade, en Serbie. Un accidenté de la route est amené aux urgences de l'hôpital central. Le médecin chef finit par reconnaître son patient. Les souvenirs rejaillissent. Il se retrouve face à un dilemme.

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   Le troisième sommet de ce triangle narratif se trouve en Allemagne. L'un des protagonistes du départ (on a du mal au début à déterminer lequel) y a refait sa vie. Il a un boulot correct, une épouse, deux filles. L'arrivée d'une femme des Balkans va bouleverser son quotidien. Elle est accompagnée d'un jeune enfant et fuit le père de celui-ci, qui est aussi une vieille connaissance.

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   Les trois histoires s'entrecroisent avec habileté. C'est de surcroît très bien joué, même si, de temps à autre, on verse un peu trop dans le mélo. Mais le réalisateur compense cela par un réel savoir-faire. Que se passe-t-il dans la tête de ces hommes filmés de dos, gros plan sur la nuque ? Pourquoi ces personnages apparaissent-ils si écrasés par leur environnement, que ce soit un paysage de montagne ou un quartier urbain ? Je pense aussi à cette conversation téléphonique, coupée en deux. On en perçoit une partie, à un moment du film, dans le contexte bosnien et l'autre, plus tard, dans le contexte allemand.

   Petit à petit, les fils se dénouent. C'est brillant parce que magistralement monté. Ajoutez à cela une musique excellente et vous obtenez l'une des découvertes de cet été, à ne pas rater si le film est programmé près de chez vous.

   P.S.

   Même si l'intrigue a été travaillée pour rentrer dans le cadre d'un long métrage, elle s'inspire d'une histoire vraie, ce qui donne encore plus de force au film.

lundi, 14 juillet 2014

Gaudi, le mystère de la Sagrada Familia

   Ce documentaire hispano-suisse (à moins qu'il ne soit helvético-espagnol) est consacré à la célèbre église barcelonaise, dont le nom complet est "Temple expiatoire de la Sainte Famille". En un peu moins d'1h30, il tente de nous exposer l'histoire du bâtiment et les controverses dont il est l'objet.

   On associe la basilique à son plus ardent promoteur, l'architecte Antoni Gaudi, qui a consacré une grande partie de sa vie à sa construction. Il a vite compris qu'il n'en verrait pas la fin, mais il avait laissé des plans et surtout quantité de maquettes, pour permettre à ses successeurs de poursuivre son oeuvre.

   Le film montre l'originalité du personnage, l'ampleur de ses talents, son engagement ainsi que sa modestie. Il a fini par vivre dans l'église en chantier, s'habillait de manière ordinaire, à tel point qu'à sa mort (il a été renversé par un tramway), ceux qui ont découvert son corps ont pensé qu'il s'agissait de celui d'un miséreux.

   Après la mort de l'architecte, la guerre civile espagnole porta ce qu'on croyait être le coup de grâce à la construction. La basilique fut dégradée et la majeure partie des archives de Gaudi détruite. Par la suite, la question s'est posée de l'intérêt d'en reprendre la construction... puis de l'affectation du bâtiment : église ou musée ?

   Le documentaire nous présente aussi deux des continuateurs de Gaudi, des contemporains au profil atypique. Le portail de la Nativité a été réellement achevé par le Japonais Etsuro Sotoo, qui a fini par se convertir au christianisme. Son parcours est particulièrement intéressant. Lui a cherché à se placer dans les pas de Gaudi. Plus indépendant est le sculpteur Josep Maria Subirachs (mort il y a quelques mois), qui se disait agnostique, mais de culture chrétienne. Il a été chargé du portail de la Passion, une grande réussite à mon avis, avec ces figures géométriques qui ne sont pas sans rappeler certaines toiles cubistes.

   Aujourd'hui, on utilise les techniques les plus modernes, en particulier l'informatique (notamment des logiciels appliqués à l'aéronautique). Cela n'empêche pas l'architecte américain (Mark Burry, je crois) d'être lucide : ce sont les parties anciennes qui ont le plus d'âme et, si l'édifice ne manque pas d'allure, ce n'est qu'un monstre de béton. Le film s'achève sur les travaux en cours, sur la façade de la Gloire qui, même terminée, sera privée du grand parvis que Gaudi voyait déployé à ses pieds. La spéculation immobilière a eu raison des aspirations artistiques... Mais une autre menace pèse sur le bâtiment : la construction d'une voie ferrée (souterraine) à grande vitesse !

   Au niveau de la réalisation, c'est très bon. A l'intérieur, l'église a été filmée à différents moments de la journée. On perçoit la variété des éclairages. Les jeux d'ombres et de lumière sont bien rendus. Les vitraux contribuent aussi à embellir l'édifice. On suit leur conception et leur réalisation.

   A l'extérieur, on a filmé la basilique en hauteur, sous plusieurs angles et avec une grande précision. On distingue des détails que, même lors d'une visite approfondie, on ne verrait pas avec autant de précision.

   La musique d'accompagnement, d'inspiration religieuse, se marie parfaitement avec les images. (On appréciera aussi la pertinence des interventions de Jordi Savall.) Le commentaire n'est pas dit sur un ton neutre... et c'est tant mieux. Autre atout de ce film : on a interrogé des non-spécialistes et des sans-grade. Au final, tous les témoignages ne se valent pas, mais c'est enrichissant.

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vendredi, 11 juillet 2014

Les dessous pas très chics de la construction du musée Soulages

   Le quotidien Midi Libre a réussi un joli coup éditorial en mettant en ligne, dès hier soir (pour les abonnés), un article faisant état d'une enquête sur une fraude dans les marchés de construction du musée ruthénois. Il a été très vite repris par l'agence AFP, puis par Le Monde. A Rodez, il suffisait de ne pas se lever trop tard ce matin pour pouvoir se procurer la version papier.

   On peut commencer par quelques remarques sur la chronologie. D'après l'article, tout a démarré par hasard, en mai 2011. Des écoutes téléphoniques réalisées par la Police judiciaire, sur Bordeaux, font émerger un soupçon d'entente illicite entre des professionnels du bâtiment, dans le cadre dans la construction du musée Soulages.

   Ce n'est qu'en mars 2013 qu'une information judiciaire est ouverte par le procureur de Rodez. Il a fallu presque deux ans... pour réunir un faisceau de présomptions plus important ? En tout cas, on n'apprend la chose qu'en juillet 2014, environ seize mois plus tard. Soit les médias n'étaient pas au courant, et dans ce cas c'est au niveau du Parquet ou du Grand Rodez qu'on a voulu éviter d'ébruiter la chose (dans un article de La Dépêche du Midi, le maire et président de la Communauté d'agglomération Christian Teyssèdre évoque la venue de fonctionnaires du SRPJ de Toulouse en mai 2013). Soit les médias locaux étaient au courant et ils ont "retenu" l'info. Quelle que soit la vérité sur ce point, il est clair qu'on a voulu que l'inauguration du musée ne soit pas "parasitée" par les investigations en cours.

   D'autres interrogations subsistent, concernant l'implication des différents acteurs dans cette affaire. D'après l'article de Midi Libre, dans l'état actuel des choses, seuls des entrepreneurs (pas forcément aveyronnais) sont impliqués. Il s'agirait d'une entente illicite, comme il s'en est déjà produit des dizaines centaines milliers de fois dans le pays. Le but est de contourner la mise en concurrence, qui oblige à serrer les coûts. Il existerait même des logiciels qui permettraient de fabriquer de fausses propositions crédibles... mais légèrement moins bonnes que celle de l'entrepreneur qui a été désigné pour remporter l'appel d'offres. L'entente peut aussi jouer sur un plan vertical, entre, par exemple, un maître d'oeuvre et des sous-traitants, voire entre sous-traitants. C'est ce que l'information judiciaire devra déterminer.

   Il reste la possible implication de politiques. Elle semble pour l'instant exclue. L'article de Midi Libre n'en fait pas mention et C. Teyssèdre affirme que le Grand Rodez n'est pas mis en cause. Le maire de Rodez s'avance peut-être un peu trop quand il déclare que même le personnel de la Communauté d'agglomération n'est pas concerné par l'affaire. C'est à l'enquête de le dire. Il est possible qu'il ait raison. Mais il est aussi possible qu'au moins l'un des entrepreneurs ait eu une "source interne", pas forcément un-e élu-e, mais quelqu'un, travaillant à l'agglo, ayant fourni de précieux renseignements.

   A suivre donc.

 

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Un Lotois dans les Andes

   Ce Lotois était Théodore Ber, né à Figeac en 1820 et mort à Lima (au Pérou) en 1900. Son parcours n'est toutefois pas étranger à l'Aveyron, puisque, quelques années après sa naissance, sa famille s'est installée à Decazeville (où vécut par la suite sa soeur, devenue adulte). Lui même fut, à partir de l'âge de 15 ans, employé dans divers ateliers de mercerie, d'abord à Rodez, puis à Bordeaux, avant de "monter" à Paris.

   Toutes ces informations sont issues d'une passionnante exposition (temporaire) du musée Champollion, à Figeac : "40 ans dans les Andes - L'itinéraire oublié de Théodore Ber". Elle coïncide avec l'édition des mémoires du Lotois, sous la forme d'un assemblage de fragments d'un journal inachevé :

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   Il est fils d'artisan-commerçant. Sur l'acte de naissance, son père est présenté comme "tailleur". On dit aussi qu'il est issu d'une famille de couturiers. Quand ils s'installent à Decazeville, le père ouvre un magasin de confection. (Notons que la -jeune- ville ouvrière n'a pas fait bonne impression sur Théodore, qui l'a plus tard qualifiée de "vilain trou"...)

   C'est lors de son séjour à Paris qu'il se radicalise. On est sous la Monarchie de Juillet et il fréquente des cercles républicains. Il y a aussi de fortes chances qu'il soit devenu franc-maçon. Il est arrêté en 1841, mais vite relâché. En 1845, il participe à la fondation d'un journal, La Fraternité. En 1848, on le retrouve du côté des révolutionnaires les plus actifs. Il devient même chef de barricade. Par la suite, il a été envoyé dans l'Aveyron, comme secrétaire du commissaire du gouvernement. S'est-il présenté aux élections législatives ? On serait tenté de le penser en lisant un article du (formidable) livre de Roger Lajoie-Mazenc Fantassins de la démocratie. Page 99, il y est question d'un Ber (sans prénom), "ouvrier, candidat aux législatives en 1848 (non élu, arrive en 55e position avec 627 voix pour 10 sièges à pourvoir)".

   En 1851, il s'oppose au coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Mais, plus que ses ennuis politiques, ce sont semble-t-il des problèmes conjugaux (il est marié depuis 1847 à une certaine Emilie Fanton) ou des soucis financiers qui le poussent à émigrer. On le retrouve en Amérique du Sud, d'abord au Chili (1860) puis au Pérou (1863). Il y a exercé de nombreux métiers, manuels comme intellectuels. Il a notamment enseigné le français. Il ne rentre en France qu'à la chute du Second Empire. A Paris, il rejoint les Communards et devient le secrétaire de l'une des figures marquantes du mouvement, Charles Delescluze.

   Menacé en raison de ses engagements, il retourne en Amérique du Sud, où sa réputation de Communard finit par le rattraper. N'étant plus employé comme précepteur, il contribue à différents journaux francophones (L'Union nationale, L'Echo du Pérou) et finit par en diriger un (L'Etoile du Sud). C'est à cette époque qu'il commence à se lancer dans des fouilles archéologiques, en amateur. Il va y laisser sa maigre fortune, mais aussi faire de belles découvertes, qui lui valent de faire partie de la délégation du Pérou (curieusement dominée par des Français) au Congrès des Américanistes de 1875, qui se déroule à Nancy. (En 1878, il est même devenu membre de la Société américaniste de France !)

   En 1876, il se lance dans un périple en Bolivie, où il est resté 6 mois, dont 4 à vivre parmi les Indiens, pour lesquels il a pris fait et cause, contre l'exploitation dont ils sont victimes de la part des descendants des colons européens. Il se désintéresse de plus en plus de la France, où il revient pour la dernière fois en 1893.

   Théodore Ber était donc un homme engagé. Il garda ses convictions après s'être installé en Amérique du Sud. Il s'est intéressé au sort des Indiens de la Sierra ainsi qu'à celui des travailleurs chinois (que l'on fait venir au Pérou depuis les années 1840), exploités par leurs employeurs. L'exposition propose plusieurs photographies (surtout des Indiens), prises pendant les fouilles de Ber par un Allemand, à sa demande. Pour la petite histoire, signalons que Ber détestait la tauromachie. C'était aussi un "bon citoyen". Pompier volontaire, il a contribué à éteindre l'incendie qui a frappé la ville portuaire de Callao, bombardée par une escadre espagnole en 1866.

   A quoi ressemblait-il ? Vers la fin de sa vie, à ceci :

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   C'est la personne assise, entre le gouverneur militaire de la région bolivienne où se trouve le site de Tiahuanaco (à proximité du lac Tititcaca) et le curé du village, chez lequel il logeait à l'époque.

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   J'ai aussi souligné Ancon sur la carte ci-dessus, parce que c'est sur ce site péruvien qu'il a fait beaucoup de découvertes. La construction d'un chemin de fer a mis au jour un ancien cimetière. Comme les défunts étaient enterrés avec tous leurs biens, la découverte des tombes a ressuscité toute une civilisation. Voici par exemple un lama tacheté (prêté par le musée du Quai Branly) :

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   Il est caractéristique de la culture Chancay, qui s'est développée entre 1100 et 1450. On a aussi trouvé une étrange pièce de tissu, sans doute originaire d'un royaume chimu du Nord, qui, à l'époque, avait déjà été annexé par les Incas :

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   Impressionnantes sont aussi les momies, enveloppées dans plusieurs couches de tissus. En voici un exemple :

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   En Bolivie, la moisson a été aussi très riche. Le site de Tiahuanaco est plus ancien que celui d'Ancon. Il aurait été peuplé dès le IVe siècle avant JC, l'apogée ayant été atteint entre  les Ve et Xe siècles après JC.  La cité est devenue la plus peuplée d'Amérique du Sud, comptant peut-être 30 000 habitants. Au XIe siècle, elle a soudainement périclité. Ber et son équipe ont notamment trouvé un vase (sans doute un encensoir) à tête de puma :

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   Un peu plus loin, on tombe sur un étrange objet, allongé, sculpté et creux... c'est un inhalateur de drogue !

   De nouvelles découvertes ont été réalisées à l'occasion d'une expédition de 5 ans sur le piémont amazonien, dans la vallée de Chanchamayo, dans la colonie de La Merced (voir la carte du début). Théodore Ber y est toujours révolté par le comportement de certains Européens vis-à-vis des populations andines. C'est aussi l'époque où il exerce à peu près tous les métiers et semble se plaire dans une vie rude et frugale, loin de l'Occident supposé évolué.

   Parmi les pièces visibles dans l'exposition, j'ai aussi remarqué une tête réduite, production des Indiens Shuars, que l'on connaît mieux sous le nom de Jivaros. Le texte d'accompagnement précise qu'à l'origine, il s'agissait pour le vainqueur d'un combat de se protéger de la vengeance du vaincu (de son esprit). Par la suite, ces têtes ont fait l'objet d'un commerce de plus en plus important, ce qui explique que certaines ne soient pas d'origine, mais des "créations" destinées aux voyageurs fortunés...

   Voilà, je n'ai pas tout dit, mais j'espère vous avoir donné envie d'en savoir plus sur ce Lotois au destin peu ordinaire. L'exposition est visible jusqu'au 5 octobre 2014.

jeudi, 10 juillet 2014

Big Bad Wolves

   En dépit de certaines critiques négatives, je suis allé voir ce film israélien, incité par les louanges de Quentin Tarantino. On comprend assez vite pourquoi le meilleur réalisateur de sa génération a aimé : c'est un polar, parfois très complaisant avec la violence... et porté par une bonne bande son. On n'est pas très loin de Reservoir Dogs, même si le contexte est différent.

   Cela commence par une séquence très réussie, muette. Trois enfants jouent à cache-cache. L'un d'entre eux ne sera pas retrouvé... du moins dans l'immédiat. Dans le même temps, la police locale enquête sur une série de meurtres pédophiles. Un suspect finit par être arrêté... et interrogé avec brutalité, sans que cela débouche sur quoi que ce soit. Un scandale éclate.

   Vient ensuite la seconde partie du film, qui prend la forme d'une traque et d'une vengeance. Le père de l'un des enfants disparus joue un rôle déterminant. Mais son entreprise est régulièrement entravée ou perturbée par des éléments extérieurs : l'action maladroite d'un ancien flic, les coups de fil de sa maman, caricature de mère juive... et même la venue de son père, personnage qui se révèle plein de surprises !

   L'humour réside dans ces effets inattendus et dans le décalage entre certains dialogues, quasi anodins, et l'horreur des situations. Franchement, j'ai bien aimé, même si je trouve que les auteurs abusent de la violence gratuite. (D'ailleurs, je ne place pas Reservoir Dogs très haut dans la filmographie tarantinienne.)

   D'un point de vue formel, c'est très bon. J'ai déjà parlé de la musique, bien choisie, emballante. Les auteurs ont aussi construit méticuleusement leurs plans. Les focales comme les angles des prises de vue accentuent l'étrangeté ou le grotesque de certaines scènes.

   On peut aussi s'amuser à tenter de deviner qui est le pédophile. C'est l'un des hommes montrés à l'écran. Mais est-ce le suspect ? Aucune preuve n'a été recueillie contre lui et, en face, certains des "justiciers" sont de sérieux clients. Il y aurait bien aussi cet Arabe à cheval mais, autant le dire tout de suite, c'est un personnage faussement menaçant.

   C'est la grande habileté de ce film, la leçon qu'il donne, au second degré, qui n'a malheureusement pas été comprise par nombre de critiques. Le papa vengeur est un ancien de la guerre au Liban. Le grand-père a lui aussi combattu autrefois... et tous les policiers ont reçu une formation guerrière (sans parler du service militaire, qui, pour les garçons, dure trois ans).

   Insidieusement, les auteurs montrent que la violence qui a été mise en oeuvre dans le conflit israélo-palestinien rejaillit sur la vie interne du pays. C'est par d'autres juifs que le suspect (juif aussi) est interrogé sans ménagement. C'est par d'autres juifs qu'il est enlevé et torturé... et c'est par un juif que les enfants ont été violés et assassinés.

mardi, 08 juillet 2014

Le Conte de la princesse Kaguya

   Cofondateur du studio Ghibli, Isao Takahata ne jouit pas en Occident de la même réputation qu'Hayao Miyazaki. Et pourtant... Dans sa jeunesse, il a créé la série Heidi (qui a fait beaucoup pleurer dans les chaumières). Plus tard, il est passé aux longs-métrages d'animation, avec Kié la petite sorcière et surtout Le Tombeau des lucioles, un véritable chef-d'oeuvre. Par la suite, il s'est aussi fait remarquer avec le superbe Pompoko et l'hilarant Mes Voisins les Yamada.

   D'un point de vue formel, c'est moins flamboyant que les créations de Miyazaki. Les visages des personnages sont assez rudimentaires, à l'image de ce que l'on trouvait dans les productions japonaises des années 1980 :

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   Par contre, c'est du "fait main" (on dirait des peintures), avec un grand souci du détail et une véritable science du mouvement des personnages. Je pense à cette scène qui montre la princesse s'amuser avec un chat, d'une fluidité étonnante, ou ces moments où le bébé fait l'apprentissage de la marche (cul nu !), à coups de cabrioles plus vraies que nature.

   L'atmosphère est celle d'un conte. Les amateurs des frères Grimm ou de Charles Perrault ne seront donc pas déboussolés, même si c'est ici tourné à la sauce japonaise, avec des références au bouddhisme et au shintoïsme. On notera aussi le grand soin apporté à la description des animaux (insectes, batraciens, poissons, oiseaux, mammifères...).

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   Le début de l'histoire baigne dans le merveilleux, avec la découverte de la princesse par un vieux couple de paysans, dans une bambouseraie. La gamine se révèle vite être un phénomène, grandissant à vue d'oeil. Cette enfance est aussi placée sous le signe de la joie, "Pousse-de-bambou" s'amusant avec les enfants du village et profitant des plaisirs simples de la vie, comme de déguster un succulent melon par une journée caniculaire :

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   Mais, au bout de 45 minutes environ, une rupture de ton intervient. La princesse a du mal à supporter le destin que des gens pourtant bien intentionnés lui ont tracé. Le dessin se fait moins lisse, révélateur des tourments internes de l'héroïne :

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   La jeune femme, dont la beauté est l'objet de spéculations dans tout l'empire, va apprendre à ruser avec l'étiquette très contraignante qui lui est imposée. Le dessin se fait plus traditionnel, s'inspirant visiblement des estampes qui ont fait la renommée du Japon :

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   Très drôles sont les séquences faisant intervenir les cinq prétendants, qui vont connaître des fortunes diverses... que je me garderai bien de révéler. Ici, on sent plutôt l'influence des Mille et une nuits dans la ruse dont la jeune femme fait preuve pour éviter d'avoir à se marier contre son gré. C'est ensuite au tour de l'empereur lui-même de s'intéresser à la princesse. Toute cette partie du film voit le personnage principal mûrir. Il a renoncé à certaines choses et appris à "vivre dans le système", tout en se ménageant des espaces de liberté. Ce conte est aussi une histoire d'apprentissage.

   Une nouvelle rupture de ton annonce la dernière partie. On y apprend la véritable origine de la princesse, qui va tenter de connaître à nouveau le bonheur, qu'elle a touché du doigt dans l'enfance.

   C'est une magnifique histoire, hélas desservie (à mon avis) par les chants (qu'ils soient en japonais ou doublés en français, dans la version que j'ai vue). Si les paroles sont porteuses de sens et la musique d'accompagnement en général agréable (je pense notamment aux morceaux joués sur un koto), les parties chantées m'ont semblé désespérément languissantes.

09:12 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 06 juillet 2014

Palerme

   La coupe du monde de football est une bonne incitation à fréquenter les salles obscures, d'autant plus que certains cinémas font des efforts de programmation... et que certains distributeurs choisissent judicieusement le moment de la sortie de leurs films. Le début de l'été 2014 ressemble un peu à celui de 2006, quand avait débarqué sur les écrans français Leçons d'amour à l'italienne.

   La comédie transalpine est encore à l'honneur aujourd'hui, avec Palerme, dont l'action se déroule dans la capitale de la Sicile. Pour être plus précis, la majorité de l'action se déroule Via Castellana Bandiera (titre du film en italien), une ruelle à double sens de circulation... mais où deux voitures ne peuvent pas se croiser.

   Avant d'en arriver à l'affrontement homérique qui constitue le coeur de l'histoire, on nous présente les protagonistes. A ma gauche se trouvent les Calafiore, famille modeste, où les hommes parlent fort, sont un peu truqueurs sur les bords, mais où les femmes peuvent arriver à leurs fins, à condition d'être malines et tenaces. A ma droite se trouve un couple en crise, composé de deux citadines pur sucre. La plus jeune, Clara, est illustratrice (on voit d'ailleurs plusieurs de ses croquis, censés être pris sur le vif... et très jolis). La plus âgée, Rosa, est une femme (mûre) de caractère, interprétée par la réalisatrice Emma Dante, qui est l'auteure du roman qui a inspiré le film. Notons qu'elle ne se donne pas le beau rôle, n'hésitant pas à se faire filmer sans chichis.

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   La film démarre par une magnifique séquence, presque muette, qui nous présente l'autre protagoniste du duel, Samira, une vieille femme d'origine albanaise. On ne la voit que de dos. On ne distingue donc pas son visage. Mais les mouvements de son corps et de sa chevelure suffisent. On la suit allant au cimetière, jusqu'au moment où, après avoir nourri une troupe de chiens errants, elle part au volant de sa voiture chercher le reste de la famille. (Notons que les deux groupes se déplacent en Fiat, l'une très ancienne -et petite, l'autre plus moderne... et très confortable. Le film est aussi une satire sociale.)

   Quand on découvre celle-ci, on a comme une impression de déjà-vu. C'est qu'on agite les mains et qu'on a le verbe haut chez les Calafiore. On a le sang chaud, aussi. Ils vivent de la pêche et de menus travaux (plus ou moins légaux). Le père (gendre de Samira) est un petit tyran, fort en gueule. (Je recommande la tirade qu'il sort au premier automobiliste qui vient lui demander de déplacer sa voiture !) C'est d'abord lui qui refuse de céder le passage aux deux bourgeoises qui arrivent en face... surtout pas à la conductrice, qu'il surnomme "miss prout prout" !

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   Mais, très vite, on se rend compte que la belle-mère obéissante a décidé de n'en faire qu'à sa tête. En face, Rosa en a plein le dos de cette vie qui ne tourne pas comme elle l'aurait voulu. Cette fois-ci, elle compte bien ne pas se laisser marcher sur les pieds. La tension est à son comble. On est en plein western, où les rétroviseurs mettent en valeur les regards impitoyables des adversaires. Chacune est rivée à son volant mais, quand l'une décide de sortir, c'est pour mettre un "coup de pression" à l'autre... au besoin, en utilisant à l'urine !

   Bien évidemment, les voisins vont s'en mêler, chacun ayant un avis autorisé sur la question. Certains conseillent aux deux femmes de reculer et de s'en aller. D'autres tentent de faire entendre raison au pater familias. Après un moment d'altercations vives, la rue va se calmer, laissant les deux conductrices seules dans leurs véhicules.

   Pendant ce temps-là, les mecs vaquent à leurs petites affaires. Comme on est en Italie et même en Sicile, on ne s'étonnera pas que des paris soient faits sur l'issue du duel entre les deux femmes. On ne s'étonnera pas non plus qu'un groupe soit tenté de fausser le jeu...

   Du côté des deux protagonistes, on commence à gamberger. Samira pense à un être cher, décédé, tandis que Rosa craint de perdre Clara, qui ne comprend pas son obstination. Le soir arrive, la nuit passe... et, au matin, la situation va se dénouer, de manière inattendue. Je vous laisse découvrir comment.

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samedi, 05 juillet 2014

Zero Theorem

   Cela faisait un petit moment que je n'avais pas regardé un film de Terry Gilliam (depuis 2005 et Les Frères Grimm). En dépit de critiques négatives, j'ai eu envie de voir ce que devenait l'ancien membre des Monty Python.

   Dès le premier plan, on sent qu'on n'a pas affaire à un manchot. On est face à la vision d'un trou noir. On se croit dans l'espace... mais la caméra va effectuer un mouvement qui donnera tout son sens à la scène. Peu de temps après, on se retrouve dans la rue, en ville, dans un futur proche où les publicités numériques et ciblées agressent les passants. C'est très emballant.

   S'ajoute à cela la prestation remarquable d'un acteur formidable, Christopher Waltz (excellent aussi bien dans Django unchained que dans Carnage), dont l'aspect physique n'est pas sans rappeler celui de Fétide dans La Famille Adams.

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   S'il est, comme son quasi-jumeau de la comédie macabre, introverti et agoraphobe, son personnage est moins clownesque. Gilliam en fait un type très intelligent, qui se pose des questions sur "le sens de la vie". Il travaille pour "le Management", une mystérieuse autorité supérieure qui finit par s'incarner en Matt Damon, remarquable dans le rôle.

   La vie très réglée de Qohen Leth va être chamboulée par l'irruption d'une jeune femme excentrique, croisée au cours d'une fête un peu spéciale. Celle-ci est interprétée par Mélanie Laurent Thierry, véritable bombe sensuelle qui a pourtant bien du mal à briser la glace du héros (elle m'a tellement tourné les sens que je m'en suis trompé sur son nom) :

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   Il faut dire que, lorsqu'elle débarque dans l'église désaffectée qu'occupe le héros, vêtue d'une tenue d'infirmière hyper-moulante, malgré des godasses immondes, tous les mâles hétérosexuels de la salle ont les yeux qui sortent de leurs orbites et la langue qui pend jusqu'aux chaussettes. C'est évidemment un pur fantasme du réalisateur, auquel l'actrice s'est prêtée avec un incontestable talent. Plus loin dans le film, on la voit sous un autre jour, signe qu'elle sait jouer autre chose que les aguicheuses.

   Je signale aussi la performance de Tilda Swinton, formidable en psychologue un peu déjantée, qui part même totalement en vrille dans une scène où elle finit par se muer en rappeuse ! (Je crois que, depuis que j'ai remarqué cette actrice au cinéma, dans Orlando en 1993, je n'ai jamais été déçu par ses prestations, que ce soit dans Michael Clayton, L'Etrange Histoire de Benjamin Button, Moonrise Kingdom, Snowpiercer ou The Grand Budapest Hotel.)

   Toutefois, l'histoire subit quelques "coups de mou". La quête de sens du héros n'est guère palpitante. On est plutôt captivé par les péripéties et le talent des acteurs à incarner des personnages forts. Tout cela est un peu absurde... sauf si l'on se dit que Qohen Leth est le double d'un Terry Gilliam vieillissant, qui se pose des questions existentielles et voit dans la relation avec une jeune et belle femme un moyen de retrouver le génie créateur de ses débuts.

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mercredi, 02 juillet 2014

L'Aveyron dans la réforme de la carte régionale

   Ce billet s'appuie sur un passionnant article du Monde, de l'excellente rubrique des "Décodeurs". Il y est question de la réforme territoriale proposée par le gouvernement Valls... mais aussi des solutions avancées par les formations politiques plus ou moins en opposition à la majorité actuelle.

   On commence par la carte du projet gouvernemental, qui ferait passer le nombre de régions métropolitaines de 22 à 12 :

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   L'Aveyron, département excentré de Midi-Pyrénées, se retrouverait dans un grand Languedoc en compagnie des voisins lozérien, gardois et héraultais. Ce n'est pas illogique... mais cela met en fureur les Montpelliérains, qui perdraient le chef-lieu, au profit de Toulouse. Pourquoi ne pas avoir plutôt rapproché Midi-Pyrénées de l'Aquitaine ? En raison des équilibres démographiques.

   Comme le rappelait le rapport du Comité Balladur (dès mars 2009), ce n'est pas tant la taille des régions françaises de métropole qui pose problème que leur relative faible population. (Rappelons que la France est -de loin- le pays le plus vaste de l'Union européenne.)

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   Le Comité Balladur avançait l'idée qu'il fallait atteindre les 3-4 millions d'habitants pour (sauf exception liée à une configuration géographique particulière) être visible (et peser) au niveau européen. L'Aquitaine atteint (de justesse) ce seuil, alors que ce n'est le cas ni de Midi-Pyrénées ni surtout de Languedoc-Roussillon. La fusion des deux (peut-être allégée d'un ou deux départements) permettrait d'atteindre 5 millions d'habitants, dans un ensemble pas si incohérent que cela. (Pour les Aveyronnais, c'est une bien meilleure solution que la fusion avec l'Aquitaine qui, si elle aurait préservé le chef-lieu toulousain, aurait accentué la localisation périphérique de notre département.)

   Dans le même ordre d'idée, l'Alsace, trop faible démographiquement, est rapprochée de la Lorraine (elle aussi sous-peuplée), avec une partie de laquelle elle partage une longue histoire commune. Voilà pourquoi d'autres régions comme les deux Normandie, l'Auvergne, le Limousin, la Picardie, la Bourgogne, Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, Centre et le Poitou-Charentes ne peuvent rester en l'état. Il restait les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire, dont la population avait atteint le pallier fatidique. Les rapprocher n'est toutefois pas illogique. Par contre, dans le projet gouvernemental, deux nouvelles régions ont des formes absurdes : l'ensemble Centre-Limousin-Charentes et la Picardie-Champagne. De ce point de vue, le premier projet, que l'hebdomadaire Challenges avait révélé en avril dernier, était plus sage :

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   Notons que, pour l'Aveyron, cela ne changeait rien. Par contre, le grand Sud-Ouest aquitain (peut-être un peu trop vaste) semblait plus cohérent, laissant une région centre-ouest se former aux portes de la Bretagne, agrandie de la Loire-Atlantique. Dans le Nord-Est, la Picardie était rapprochée du Nord-Pas-de-Calais, tandis que la Champagne-Ardenne était ajoutée à l'ensemble alsacien-lorrain. Mais certains barons du P.S. ont visiblement fait pression pour que la carte soit "adaptée". Du coup, les autres partis politiques s'y sont mis. Voici (toujours d'après Le Monde) la carte proposée par les communistes :

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   C'est d'un conservatisme affligeant, la seule retouche concernant les deux Normandie. Il est vrai que le PCF a déjà bien du mal à obtenir des élus dans les conseils régionaux actuels. Cela risquerait d'être encore plus difficile dans des ensembles plus vastes. Les écologistes sont beaucoup moins timides :

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   Il semble qu'ils aient été sensibles à certains aspects "identitaires". Cela donne une très grande disparité territoriale, qui ne tient pas compte des réalités économiques. Cette carte s'appuie aussi sur un non-dit : le rattachement potentiel de portions du territoire français (côtés basque et catalan) à des régions étrangères (espagnoles). Quant à l'Aveyron, il ferait partie d'une grande région toulousaine, aux côtés notamment de la Lozère et de l'Hérault. Ce n'est pas idiot. Je pense par contre que la fusion du Limousin et de l'Auvergne, pour créer une entité identifiée au Massif Central, si elle est séduisante sur le papier, ne serait pas porteuse de dynamisme. De surcroît, l'ensemble pèserait à peine 2 millions d'habitants, ce qui serait insuffisant. On verra plus loin qu'un autre parti propose une solution plus ambitieuse à ce sujet.

   Passons à présent aux radicaux de gauche, dont le projet est mi-chèvre mi-chou :

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   On ne toucherait pas à Midi-Pyrénées, mais l'on garderait les deux anomalies du projet gouvernemental (centre-Charentes et Picardie-Champagne). Bof... Les propositions des centristes de l'U.D.I. paraissent plus audacieuses :

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   Côté positif, on trouve de vastes régions cohérentes, avec une Bretagne élargie, un Nord étendu vers le sud-est, une grande Alsace-Lorraine, un territoire construit autour de l'axe Saône-Rhône et une zone méditerranéenne concentrée sur les départements littoraux.

   Côté négatif, il y a ce gigantesque Sud-Ouest bordelo-toulousain, qui s'arrêterait aux portes de l'Aveyron, rattaché à une espèce de Massif Central sans les "poignées d'amour", organisé selon un axe nord-sud. Enfin, ce projet créerait une vaste région parisienne, qui écraserait encore plus le pays que l'actuelle Ile-de-France.

   Quant à l'UMP, il se borne à envisager une fusion Alsace-Lorraine :

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   Pourquoi soutiendrait-il la diminution du nombre de régions, alors qu'il pense que les élections de 2015 vont lui permettre de prendre le contrôle de presque la totalité d'entre elles ? C'est un calcul politique à courte vue. Le niveau de réflexion est encore plus faible avec le Front national, qui prône la disparition des régions :

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   L'actuel projet gouvernemental est imparfait. Le précédent (celui de mars-avril) paraissait plus abouti. C'est plutôt sur cette base (avec certains apports de l'U.D.I.) qu'il faudrait réfléchir pour refondre la carte régionale de la France métropolitaine.

mardi, 01 juillet 2014

Caricaturistes

   Ce documentaire de Radu Mihaileanu suit le dessinateur de presse Plantu et une douzaine d'autres caricaturistes, qui, pour la plupart, n'ont pas la chance d'exercer dans des pays où les droits individuels sont aussi bien respectés qu'en France.

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   Le Russe Mikhail Zlatkovsky a commencé à exercer sous le régime communiste. Il raconte la pesanteur de la censure, qui a commencé à s'atténuer sous Gorbatchev. Il a ensuite connu une époque bénie, dans les années qui ont suivi l'éclatement de l'URSS. L'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine correspond à une "reprise en mains" de l'opinion :

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   Jeff Danziger vit dans le pays qui est censé être le paradis de la liberté d'expression, les Etats-Unis. S'il dispose d'une latitude dont nombre de ses collègues aimeraient bénéficier, il reconnaît néanmoins qu'il ne peut pas tout dire. Il est de plus un cas particulier, puisqu'il a "fait" le Vietnam, en tant que soldat :

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   Au Mexique, les dessinateurs sont, comme la population, victimes de la violence protéiforme qui sévit dans le pays. Angel Boligan tente d'y faire entendre sa voix :

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   Sur le même continent, Rayma Supran exprime ses critiques vis-à-vis du régime chaviste (au Venezuela, donc), avant comme après la mort du "Commandante". Elle aussi a subi des pressions assez fortes, qu'elle a contournées non sans causticité :

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   En Chine, c'est sur la Toile que Pi San a pu développer son art, notamment dans de petits dessins animés très virulents. La police du régime veille, mais il semble avoir su jouer avec le système pour faire vivre sa petite entreprise :

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   Vient ensuite celui qui est peut-être mon préféré, Slim, un Algérien farouchement anti-islamiste, auteur jadis d'un album hilarant intitulé Le Monde des barbus :

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   On nous présente aussi l'un de ses compatriotes (arabophone, celui-là), Baki Bouckhala :

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   L'Afrique du Nord est décidément à l'honneur, avec la (charmante) Tunisienne Nadia Khiari, créatrice d'un personnage devenu emblématique, Willis from Tunis :

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   Au Burkina Faso, c'est un Français d'origine (Damien Glez) qui a créé un hebdomadaire satirique, le Journal du jeudi :

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   Il reconnaît facilement les limites auxquelles son activité est confrontée. Dans la Côte-d'Ivoire voisine, son collègue Lassane Zohore semble disposer de plus de liberté (tout est relatif) :

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   Le tableau serait incomplet sans un détour par le Proche-Orient. On nous présente un Israélien francophone de gauche, Michel Kichka, et un Palestinien laïc, Baha Boukhari :

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   Plantu est mis en scène à plusieurs reprises. Il fait le lien entre les différents auteurs. On évoque son travail au Monde et, bien évidemment, l'affaire des caricatures de Mahomet... où le rôle de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo me semble quelque peu édulcoré.

   Sur la forme, on peut dire que c'est plaisant parce que le montage fait alterner les dessinateurs, en tentant de tracer des ponts entre leurs styles ou les pressions qu'ils subissent. Cela n'est toutefois pas toujours passionnant, parce que tous ne sont pas aussi habiles en paroles qu'en dessins. Restent les caricatures, encore plus impressionnantes lorsqu'elles sont projetées sur un écran de salle de cinéma.

22:16 Publié dans Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 29 juin 2014

The Rover

   Ce "vagabond" est Eric, un homme qui semble avoir (presque) tout perdu, dans une Australie devenue une jungle sans pitié. Au mitan de sa vie, il est seul, sans travail, avec peu d'argent... et on lui pique sa bagnole ! Il décide de tout faire pour la récupérer.

   On se demande pourquoi cet acharnement. Après tout, il a mis la main sur le pick-up des voyous. Il pourrait s'en contenter, d'autant plus que sa caisse n'est pas une voiture de luxe. On se demande ce qu'elle peut bien avoir de si important pour lui (on ne le découvre vraiment qu'à la fin du film). Après tout, c'est peut-être la poursuite qui le motive. Elle donne un sens à sa vie, qui n'en a plus depuis de récents événements qui ne nous sont contés que plus tard.

   C'est à la fois hyper-violent et drôle. L'humour ne réside toutefois pas dans les scènes d'affrontement armé, mais dans la confrontation des caractères. Les personnages (majoritairement des hommes) ont des "tronches" et, face à eux, le héros se révèle en général mutique, ce qui crée des situations embarrassantes.

   Guy Pearce (un habitué des seconds rôles, vu dans Iron Man 3, Prometheus, Le Discours d'un roi et Démineurs) est excellent en homme mûr taiseux, violent et désespéré. Dans son périple, il s'attache un drôle de compagnon : le frère cadet de l'un des braqueurs (Robert Pattinson -récemment aperçu dans Maps to the stars- pas mal, bien qu'un peu caricatural), jeune homme immature, surtout en quête d'un protecteur, au fond.

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   En cours de route, le héros rencontre un nain trafiquant, de vieux commerçants âpres au gain, un médecin très méfiant, une hôtelière maladroite, une mère maquerelle et des militaires pointilleux mais imprudents. Cela contribue à créer une sorte de tableau impressionniste de la société de ce coin perdu de l'Australie méridionale, pas franchement joyeux.

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   C'est remarquablement réalisé. Un grand soin a été apporté à la construction des plans. On ne met pas n'importe quoi dans le cadre. C'est aussi parfois très joli à regarder : j'ai encore en mémoire deux très belles scènes, l'une qui voit le héros rouler dans une zone désertique, au crépuscule, l'autre qui montre le duo au réveil, à l'aube, dans un coin paumé. La photographie est très belle, avec des teintes ocres et bleutées.

   Ce n'est pas le film du siècle, mais une découverte à faire. Je pense qu'on reparlera du réalisateur, David Michôd.

11:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 28 juin 2014

Black Coal

   Ce polar chinois a reçu l'Ours d'or cette année, au festival de Berlin. Plusieurs assassinats sont au coeur de l'intrigue. Ils ont eu lieu à cinq ans d'écart, en 1999 et 2004. A chaque fois, des morceaux du corps de la victime ont été retrouvés en plusieurs endroits (liés à l'exploitation du charbon).

   La première partie du film présente le héros, policier sûr de lui en 1999, qui va perdre sa femme, plusieurs de ses collègues-amis... et son boulot. Cette enquête non résolue a provoqué sa déchéance, mais, cinq ans plus tard, il va tenter d'aller au bout, à l'aide d'anciens collègues, restés dans la police.

   Sur son chemin, il retrouve la veuve de la première victime, dont il finit par découvrir qu'elle est liée à chaque personne assassinée. Le tout est de découvrir pourquoi.

   L'intrigue est assez complexe... mais le public européen fan de séries policières ne sera pas dérouté. Il faut du temps pour en démêler tous les fils... et c'est assez surprenant. C'est aussi un polar social, qui brosse un portrait sans concession de la Chine du début du XXIe siècle. Si quelques liens d'amitié existent, au fond, quand les problèmes graves surgissent, c'est un peu chacun pour soi. On ne peut pas dire que les personnages fassent preuve de compassion envers plus faible qu'eux.

   Au niveau de la réalisation, c'est maîtrisé. On s'en rend compte dès le passage d'une époque à l'autre, qui s'effectue au même endroit, où une saison succède à l'autre : la torpeur estivale du début est suivie d'un hiver très rigoureux. Cela nous vaut plusieurs scènes très réussies, notamment autour d'une patinoire, ou encore dans une nacelle de la grande roue.

   Il reste quelques maladresses, notamment au niveau du jeu des acteurs. Certaines péripéties m'ont de plus paru un peu téléphonées (notamment l'un des meurtres). J'ai aussi l'impression que le réalisateur se complait dans la noirceur et le désespoir.

   Cela reste un bon film, mais, à mon avis, A Touch of sin (de Jia Zhang Ke) était meilleur.

20:52 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

Transcendance

   D'après le Trésor de la langue française, la transcendance se définit par le "caractère de ce qui est transcendant, de ce qui se situe au-delà d'un domaine pris comme référence, de ce qui est au-dessus et d'une autre nature". Dans ce film, il est question d'une "sur-humanité", incarnée par un programme informatique sur lequel s'est greffée une personnalité humaine.

   Depuis 2001, L'Odyssée de l'espace jusqu'au récent Her, on se demande si les ordinateurs ont une âme. Transcendance part du principe qu'il faut intégrer une pensée et un vécu humains à un programme pour y parvenir.

   La première partie du film est une longue introduction, chargée de nous présenter les personnages principaux, le contexte (c'est un film d'anticipation) et de nous amener au choix décisif qui fait basculer l'histoire. Côté distribution, y a du lourd, avec bien entendu Johnny Depp (mal doublé en français, je trouve), Rebecca Hall (un clone approximatif de Scarlett Johansson... mais elle joue bien), Paul Bettany (qui en fait un peu trop, parfois), Cillian Murphy (dans un rôle assez stéréotypé ; il était mieux dans Time Out), Morgan Freeman (qu'on ne présente plus... du coup, il passe la moitié du film avec des lunettes de soleil sur le pif) et une vieille connaissance des séries américaines, Kate Mara (vue aussi dans Iron Man 2).

   A l'écran, dans une grande salle, on prend son pied. Wally Pfister (le réalisateur) est directeur de la photographie de formation. Il a travaillé notamment sur Memento, Insomnia, Batman Begins, Inception et The Dark Knight Rises. Les décors sont vraiment superbes et les effets spéciaux très réussis.

   L'intrigue est prenante. Le scénario nous laisse dans l'incertitude quant à l'opinion qu'il faut avoir du groupe de rebelles, à la fois militants avertis et adeptes des solutions radicales. Dans la deuxième partie du film, on suit la montée en puissance du "nouveau" Will Caster / Johnny Depp, ses inventions se matérialisant de manière parfois étonnante.

   Mais l'histoire peine à se conclure. On s'est visiblement demandé qui il fallait garder en vie et comment terminer le film de manière "morale". Les vingt dernières minutes m'ont franchement déçu. On peut toutefois voir l'ensemble comme un bon divertissement.

10:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 26 juin 2014

Con la pata quebrada

   Ce documentaire espagnol revient sur 80 ans de cinéma ibérique, sous l'angle de la place de la femme. Le titre, que l'on pourrait traduire par "avec la patte cassée" serait une référence au roman Don Quichotte (de Cervantès) et plus précisément à une formule qui évoque la place de la femme à la maison.

   Les années 1930 furent très riches, avec la liberté acquise sous la République, avant que n'éclate la guerre civile. On y voit un reflet de la société, avec des femmes qui agissent, qui jouent même un rôle politique : elles avaient obtenu le droit de vote (bien avant les Françaises), celui de divorcer et, dans certaines régions, d'avorter (bien avant les Françaises).

   Entre 1936 et 1939, le cinéma est le reflet de la division du pays, avec deux visions du rôle de la femme. Aux républicains s'opposent les franquistes, traditionalistes, qui vont triompher. En attendant cette funeste conclusion, on voit des enfants jouer une scène d'anthologie, avec des garçons qui défendent majoritairement l'inégalité des sexes, tandis qu'une charmante petite fille annonce vouloir être... la Pasionaria !

   La suite est la partie la plus développée du film, qui court de la fin des années 1930 aux années 1970. Si l'on était en Allemagne, on parlerait des "trois K" : Kinder (les enfants), Küche (la cuisine) et Kirche (l'église). Paradoxalement, d'après ce qui est montré dans le documentaire, on exalte assez peu le rôle de mère. La propagande conservatrice insiste sur celui de femme au foyer et d'épouse docile. Son attitude doit de plus être conforme à la morale définie par la Sainte Eglise catholique. Réjouissante est par ailleurs la scène qui voit un vieil ecclésiastique dire le fond de sa pensée sur le deuxième sexe.

   C'est l'une des qualités du film : son humour. Avec le recul, on s'amuse de cette scène qui voit de jeunes Espagnoles légèrement vêtues venir remercier leurs visiteurs d'outre-Atlantiques, fins gastronomes, en clamant : "Merci aux Américains qui aiment les moules espagnoles !" Un peu plus loin, on ricane en voyant la tête consternée du mari qui récupère sa belle chemise de soie... pas tout à fait bien repassée. Encore plus loin, c'est l'effarement d'une mère face à sa fille qui, de retour de vacances, lui avoue avoir eu des relations sexuelles. A l'époque de la Movida, cela devient plus "corsé", avec une scène qui montre une jeune actrice (destinée à une belle carrière) s'amuser dans son bain, avec un jouet animé, qui remonte entre ses jambes...

   L'époque franquiste est suffisamment longue pour avoir été variée. On découvre donc l'ambiguïté des cinéastes de l'époque qui, tout en faisant l'éloge de l'épouse fidèle, irréprochable mère au foyer, aimaient parfois à filmer lascivement des femmes dévoyées. Les religieuses sont aussi bien mises en valeur. A l'inverse, les célibataires endurcies, les femmes indépendantes sont montrées de manière négative. Elles ne sont jamais heureuses, dans les fictions de l'époque.

   On perçoit aussi les évolutions socio-culturelles. Les films mettent en scène l'essor du tourisme, avec des tenues plus légères et des comportements nouveaux. De son côté, l'irruption de l'électro-ménager dans les foyers est montrée comme une conquête féminine... (On n'est pas loin du "Moulinex libère la femme" que la France a connu à cette époque.)

   A la mort de Franco succède une époque foisonnante, qui brûle parfois ce qui avait été adoré auparavant. On tourne en dérision la monarchie catholique (du Moyen Age ou de l'époque moderne, hein, attention) et les bonnes soeurs, dans des parodies pas toujours très fines. On présente aussi une vision plus moderne de la société. Les années 1930 ressurgissent, modifiées. L'érotisme est plus présent. On évoque aussi le thème des femmes battues avec, parmi les extraits servant d'illustration, celui d'un film mettant aux prises Carmen Maura et Sergi Lopez, bien plus jeunes qu'aujourd'hui !

   Notons que l'auteur du documentaire n'est pas tombé dans la facilité qui aurait consisté (surtout pour la période récente) à collecter des extraits avec des vedettes ou futures vedettes. Il y en a, bien sûr, mais la grande majorité des films sur lesquels s'appuie la démonstration sont inconnus du public français.

   Le début du XXIe siècle est marqué par de nouveaux questionnements, notamment sur la place des femmes aux postes de commandement.

   Ce n'est pas très long (1h20 environ), c'est rythmé, fort instructif... et parfois très drôle !

mercredi, 25 juin 2014

Zidane entraîneur du Real

   Attention, hein : ce n'est pas l'équipe première que l'ancien footballeur vedette va entraîner (il était l'assistant de Carlo Ancelotti jusqu'à présent), mais l'équipe seconde, le Real Castilla. Celui-ci vient de connaître une saison très décevante, avec 13 victoires, pour 10 matchs nuls et 19 défaites, finissant à la vingtième (et antépénultième) place de la Liga Adelante (la Ligue 2 espagnole).

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   La conséquence en est la relégation en division 3... un défi à relever pour Zizou ! Ce n'est pas sans parenté avec le parcours de l'actuel sélectionneur de l'équipe de France, Didier Deschamps, qui avait jadis pris les rênes de la Juventus de Turin alors rétrogradée en série B italienne. Là s'arrêtent les similitudes. Dès ses débuts d'entraîneur, Deschamps avait géré une grosse équipe (l'AS Monaco), avec laquelle il avait rencontré le succès.

   Zinedine Zidane, comme à l'accoutumée, fait preuve de prudence. Il s'est placé sous l'aile d'un prestigieux aîné, a décroché son diplôme et se lance vraiment avec une équipe modeste. Ce parcours a de quoi étonner les amateurs d'histoire à paillettes. Depuis des mois, on a successivement annoncé la venue de Zidane comme entraîneur à Marseille, Monaco, Bordeaux... et même Rodez... mais c'était le 1er avril ! Cette dernière information paraissait tellement invraisemblable qu'elle a servi de matière à un article parodique de La Dèche du Midi.

   Des raisons familiales sont peut-être aussi entrées en ligne de compte dans le choix de Zidane de poursuivre sa carrière à Madrid. En effet, l'équipe A junior du Real a récemment intégré le jeune Enzo Fernandez... du moins c'est ainsi qu'il est présenté sur le site de l'équipe madrilène :

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   Né à "Burdeos" (Bordeaux !), ce jeune joueur pourrait être rapidement amené à figurer dans la réserve du Real, en attendant mieux. A ceux qui l'ignorent, il faut préciser qu'Enzo a choisi de garder le nom de famille de sa mère, Véronique Fernandez, qui n'est autre que l'épouse de Zinedine Zidane. Cela fait plusieurs années que l'on parle du fils aîné de Zizou comme d'un futur prodige. En tout cas, le papa semble avoir choisi, pour l'instant, de lier sa reconversion à la carrière de ses enfants.

Orthographe journalistique

   Les journaux se plaignent de perdre des lecteurs. Je le regrette tout comme eux, mais encore faudrait-il que les articles soient correctement rédigés. Régulièrement, les quotidiens et hebdomadaires aveyronnais me font penser que le français n'est plus la "langue de Molière", mais plutôt celle de Nabilla Benattia.

   La Dépêche du Midi de ce mercredi en est l'illustration. L'exemple le plus flagrant en est l'article consacré à la manifestation d'agriculteurs devant la préfecture, annoncé dans le déroulé du site internet avec deux "héneaurmes"  fautes :

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   Bien entendu, il aurait fallu écrire : "On n'en peut plus !"

   Dans un premier temps, on se dit que c'est une coquille due à l'inattention ou la fatigue mais, quand on accède à l'article, on constate dès le titre que ce n'est pas une simple étourderie :

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   On en a la confirmation à la lecture du corps du texte :

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   Le même auteur (J.-L. P.) se fait remarquer par sa maîtrise approximative de la langue (ou son manque de rigueur dans la relecture) à d'autres occasions, notamment dans l'article consacré à la candidature de Jean-Louis Grimal aux sénatoriales :

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   Sur le fond, les observateurs avisés auront remarqué que la refonte de la carte cantonale a des conséquences insoupçonnées, en particulier sur la course aux sénatoriales. Ainsi, il n'est pas étonnant que le cumulard conseiller général de Salles-Curan se présente : la nouvelle carte fusionne son territoire d'élection avec les cantons de Vezins-de-Lévézou (dont l'élu est Arnaud Viala, entre autres vice-président du Conseil général) et de Saint-Rome-de-Tarn (dont l'élu est Alain Marc, député et lui aussi vice-président du Conseil général). Comme tout ce beau monde fait partie de la majorité départementale, on a compris qu'en 2015, parité oblige, il risquait d'y avoir deux morts et un miraculé à l'issue des élections départementales. Voilà donc Jean-Louis Grimal qui sort du bois, suivi bientôt dit-on par Alain Marc lui-même (qui sent peut-être que sa circonscription de député n'est plus aussi sûre qu'auparavant)... voire par Arnaud Viala, à qui l'on prête aussi des ambitions sur le Conseil général...

   ... à condition que l'actuel président s'en désengage. Il semble bien que, depuis plusieurs mois, Jean-Claude Luche mène, aux frais des contribuables, une campagne sénatoriale qui ne dit pas son nom. Elu du canton de Saint-Geniez-d'Olt, il voit celui-ci fusionné avec celui de Laissac et une partie de celui d'Espalion. Nous revoilà avec trois élus de la majorité départementale (J-C Luche, Jean-Paul Peyrac et Simone Anglade) pour cette fois-ci deux places en 2015, puisqu'il sera possible de former un "ticket" Peyrac-Anglade, si celle-ci souhaite se représenter et si elle choisit le nouveau canton "Lot et Palanges" plutôt que "Lot et Truyère" (auquel a été attribuée l'autre partie de son actuelle circonscription et notamment la commune d'Espalion).

   Ces considérations, qui éclaireraient les lecteurs de La Dépêche, sont malheureusement absentes de l'article. On se contentera de regretter que, dans un autre papier du même auteur (qui se contente de relayer la bonne parole de la "majorité départementale"), on retrouve une nouvelle coquille énorme :

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   Vive la presse libre... et alphabétisée !

mardi, 24 juin 2014

Les Soeurs Quispe

   Ce film chilien est très original. Il ressemble par moments à un documentaire rural, mais c'est une sorte de polar, dont l'arrière-plan est historique. On nous le précise dès le début : l'histoire s'inspire d'un fait divers qui s'est produit au Chili, en 1974. On ne nous dit bien évidemment pas lequel. Le contexte est celui des débuts de la dictature d'Augusto Pinochet.

   Mais l'action se déroule très loin des villes et de leurs turbulences. On est sur l'Altiplano, dans un espace assez aride, balayé par les vents, pas très loin de la frontière argentine.

   Les soeurs Quispe étaient quatre, mais ne sont plus que trois, l'aînée ayant disparu. (On comprend par la suite comment et pourquoi.) Justa, (la plus âgée de celles qui restent) joue le rôle de mère de substitution, la véritable étant déjà morte, tout comme le père. Au début, elle incarne la sagesse, mais, petit à petit, on réalise que, face aux nouveautés du moment, elle commence à perdre pied. Signalons qu'elle est incarnée par une petite cousine des vraies soeurs Quispe.

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   Lucia la cadette est un garçon manqué. Elle s'est parfaitement adaptée au milieu hostile. Elle sait très bien s'occuper des chèvres, au besoin en employant la force. Son passe-temps préféré est la recherche de fossiles, auxquels elle fait la conversation.

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   La benjamine est la plus jolie des trois, même si elle s'arrange mal. On sent qu'elle aspire à autre chose et qu'elle est fascinée par le monde urbain que pourtant elle redoute. Elle est magnifiquement interprétée par Francisca Gavilan, que l'on avait déjà remarquée il y a deux ans dans Violeta.

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   Le début du film nous fait découvrir "les travaux et les jours" de ces éleveuses de montagne. Elles doivent gérer un assez gros troupeau de chèvres laitières, auxquelles s'ajoutent quelques ovins. On les suit aux pâturages, pendant la traite et le soir, un moment délicat puisqu'il faut parvenir à récupérer tout le troupeau... sans oublier de séparer (pour la nuit) les petits des mères, pour pouvoir pratiquer la traite le lendemain matin. Des racines et des branches séchées sont utilisées pour élaborer une sorte d'enclos.

   On voit aussi les femmes fabriquer (de manière très artisanale) leur fromage, qu'elles consomment et qu'elles vendent, à l'occasion. Elles mangent aussi de la viande de lama. Leur mode de vie est plutôt l'autoconsommation. Si l'on ajoute les vents violents et l'isolement montagnard, on se dit que (l'humidité en moins) l'Aubrac devait un peu ressembler à cela il y a quelques dizaines centaines d'années.

   Ce quotidien monotone est perturbé par un mystère, celui de la disparition progressive des "voisins" (qui habitent à des dizaines de kilomètres !) et de leurs troupeaux. Un marchand ambulant assez roublard apporte un élément de réponse : le nouveau gouvernement a imposé une loi anti-érosion, qui vise à l'éradication des troupeaux de montagne, accusés de provoquer la disparition des terres. Derrière, il y a aussi la volonté de contrôler une population en marge... et de "sécuriser" la frontière avec l'Argentine, par où transitent parfois de drôles de citoyens.

   Dans la dernière partie, les soeurs sont amenées à prendre une décision capitale. On sent bien qu'au départ, vu leurs tempéraments, elles ne sont pas d'accord, parce qu'elles n'ont pas tout à fait les mêmes aspirations. La fin est assez surprenante... et très forte.

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lundi, 23 juin 2014

Jersey Boys

   Ces garçons du New Jersey sont majoritairement des Italo-américains, qui ont passé leur enfance en osmose avec la mafia locale. A priori, leur horizon professionnel paraissait bouché : l'un était apprenti-coiffeur, deux autres commençaient à tâter de la prison et le quatrième ne parvenait pas à placer ses chansons. La formation du groupe, autour du chanteur Frankie Valli, va les porter au pinacle puis les plonger dans le désespoir. Grandeur et décadence du show business, vues par un Clint Eastwood très très académique.

   La réalisation est certes correcte, mais je n'ai pas retrouvé la "patte" de ce bon vieux Clint. Et, même si les acteurs font le boulot, je trouve que le film souffre de nombreux défauts.

   Le premier d'entre eux est le personnage principal, que l'on entend à longueur de film couiner avec sa voix de châtré nasillard. Il est de plus incarné par un clone raté de Tom Cruise, John Lloyd Young, à qui on a régulièrement envie de filer des tartes.

   Et que dire des chansons ! Imaginez que Didier Barbelivien ait composé, il y a 20-30 ans, une série de bluettes pour midinettes à l'intention de Patrick Bruel. Bon, dans le tas, il y a deux-trois trucs à sauver (comme le célèbre Sherry ou encore Can't take my eyes off you... même si je préfère la version de Gloria Gaynor), mais, globalement, je trouve que c'est de la variétoche bas-de-gamme.

   Au passage, à deux reprises, on entend un air familier aux oreilles françaises. Il s'agit de December 1963, dont Claude François a interprété une adaptation devenue célèbre sous le titre Cette Année-là.

   La suite ? Ben, Clint nous raconte comment le succès a tourné la tête des jeunes hommes. Argent, alcool et filles à volonté... même pour le bon père de famille. Des tensions finissent par naître au sein du groupe, principalement pour des questions d'argent. Bref, rien de nouveau sous le soleil.

   Un film dispensable... Rendez-nous le vrai Clint Eastwood !

23:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 22 juin 2014

Archer

   Non, il ne va pas être question de Guillaume Tell... ni de Robin des Bois. D'ailleurs, le titre de ce billet n'est pas un nom commun, mais un nom propre, celui d'un agent très spécial travaillant pour le compte d'une boîte privée (l'ISIS), sous contrat avec le gouvernement des Etats-Unis. Voici donc Sterling Archer (prononcer "aartcheur") :

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   C'est un beau gosse, égocentrique, alcoolique et gros queutard. C'est aussi un très bon agent. Voilà pourquoi sa maman, Malory Archer, l'a engagé dans l'agence qu'elle dirige :

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   Cette brave dame, dont on sent qu'elle fut une beauté, n'est que douceur et compréhension, se plaisant à traiter ses employés plus bas que terre. Tout comme son fils, elle aime à se gaver d'alcool. Ah, j'oubliais : elle ignore l'identité du père du héros, vu qu'à l'époque de sa conception, elle multipliait les parties de jambes en l'air. Mais le chef du KGB croit dur comme (rideau de) fer qu'il est le géniteur de Sterling.

   L'agent très spécial a une collègue non moins spéciale, la pulpeuse et redoutable Lana Kane :

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   C'est une ex d'Archer... et une rivale dans la course au titre d'agent le plus dangereux des Etats-Unis. Elle a une sexualité très libre et sait comment clouer leur bec aux mecs un peu lourds. Au siège de l'ISIS, question "bombasse", la concurrence est rude, avec Cheryl, nymphomane impénitente et adepte de pratiques extrêmes :

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   Pour compléter le tableau féminin, il manque Pam, une autre secrétaire, mais beaucoup moins bien gaulée que les précédentes. Elle déploie des trésors d'ingéniosité pour tenter de parvenir à se faire honorer (même par accident) par l'un des mâles de l'agence.

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   Du côté des hommes, justement, il faut noter la présence d'un faux "gendre idéal", sorte de caricature de bureaucrate boy-scout... sauf qu'il est doté d'un appendice pénien qui excite la curiosité des dames et qu'il s'est découvert une addiction au sexe :

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   Toutes ces personnes ne seraient rien sans l'éminent scientifique qui dirige les labos. Son aspect physique comme la nature des expériences qu'il mène ont tout pour rassurer ses collègues :

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   Je pourrais aussi parler du collègue homosexuel, ainsi que du majordome héroïnomane, mais je crois que vous avez compris le principe. Tous ces personnages sont des caricatures, des individus odieux et déjantés, principalement mus par la satisfaction de leurs désirs immédiats. On ne peut donc que se réjouir de les voir soumis aux pires tourments.

   Les intrigues d'espionnage ne sont que des prétextes. Le coeur de l'action est composé de fric, d'alcool et de sexe, le tout enrobé dans un langage à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Dans chaque épisode, on entend ainsi fréquemment parle de "salopes", de "putes", de "pouffiasses" ou de "connasses", qui voisinent avec des "connards", "enculés", "bâtards" et autres "fils de pute". C'est donc à la fois grossier et vulgaire.

   Cette série nous vient des Etats-Unis, où elle a été créée en 2009. Depuis quelques mois, c'est France 4 qui diffuse (au compte-gouttes) les épisodes en version française (moins bonne que l'originale, paraît-il), le samedi soir, très tard... mais on peut les revoir sur le site pluzz.

   Si vous avez une vingtaine de minutes à perdre (et des oreilles pas trop chastes), vous pouvez vous laisser tenter...