dimanche, 21 avril 2013
Promised Land
Gus Van Sant a réalisé un film à la fois hollywoodien et subtil sur la question du gaz de schiste. Co-écrit par l'interprète principal, Matt Damon, le scénario se veut ouvertement écologiste... et pourtant... le début ne fait en rien penser à un film militant... et c'est très bien !
Pendant environ trois quarts d'heure, on suit les employés de la puissante compagnie gazière Global dans leur travail de prospection... de signatures (celles des propriétaires qu'il faut convaincre de vendre). A ma grande surprise, c'est le ton de la comédie qui domine dans cette partie. Le duo formé par Frances McDormand (l'organisée, la tenace, la citadine) et Matt Damon (le créatif, l'émotif, le rural) fonctionne à merveille, les deux acteurs s'étant visiblement plu à se chambrer mutuellement.
Au niveau de la réalisation, dès le début, on comprend qu'on n'a pas affaire à un manchot. Soyez attentifs à la séquence du restaurant, qui voit le héros décrocher une nouvelle mission, susceptible de lui valoir une grosse promotion. Cela commence par une contreplongée du fond du lavabo, où semble bouillonner de l'eau. (A cette scène répond une autre, dans l'avant-dernière séquence du film.) Cela continue par le parcours qui mène des toilettes à la table, où Steve/Matt se retrouve face à son supérieur hiérarchique, puis au patron lui-même.
D'autres moments savoureux confrontent Frances McDormand au gérant de la supérette (qui vend de la nourriture, des fringues, des armes... et des guitares !). Là encore le ton de la comédie l'emporte, sur fond de possibilité de romance. Signalons la performance de Titus Welliver :
L'habileté de Gus Van Sant est de ne pas diaboliser ces employés, qui ne savent visiblement pas tout du gaz de schiste. C'est là que le film devient vraiment puissant, puisqu'il va opposer des "gens bien", qui ont tous d'excellentes raisons de défendre leurs idées.
Les "héros" voient plusieurs personnes se mettre en travers de leur chemin. La première d'entre elles est Frank Yates, un ingénieur à la retraite, qui enseigne bénévolement les sciences aux jeunes du village. Il est incarné par le vétéran Hal Holbrook, que l'on a vu récemment dans Lincoln :
Mais la menace la plus grande vient d'un inconnu, qui se présente comme un fils de fermiers victimes des compagnies gazières devenu militant anti-gaz de schiste. Il est incarné par le co-scénariste du film, John Krasinski :
Curieusement, il a une apparence qui m'a fait penser à celle du réalisateur de Gasland, Josh Fox (que l'on voit aujourd'hui davantage en costume-cravate) :
Au conflit socio-politique qui oppose le commercial gazier à l'écologiste s'ajoute la rivalité sentimentale. En effet, l'une des institutrices locales (Rosemarie DeWitt, impeccable), qui possède de surcroît une belle propriété, semble très sensible au charme des deux hommes. Steve Butler paraît moins flamboyant, lui l'employé à qui tout réussissait jusque-là. A ce propos, je pense que le choix du nom n'est n'est pas le fruit du hasard. Ce n'est pas tant lié à l'un des personnages d'Autant en emporte le vent qu'à la signification, en anglais, du mot "butler" : le majordome. Le héros se fait le valet d'une puissante compagnie, qui n'a que faire de la qualité de vie des habitants de cette contrée perdue.
Le film bascule dans cette deuxième partie, qui voit une partie grandissante des habitants repousser les commerciaux, parfois avec violence. Le contraste est d'autant plus saisissant que, la crise aidant, ils semblaient au départ très réceptifs aux arguments (principalement pécuniers) de Matt Damon et Frances McDormand. Tout à coup, on perçoit les formules de politesse et les plaisanteries pour ce qu'elles sont : un moyen d'endormir la méfiance du client, de gagner sa sympathie, pour arriver à ses fins. Il reste que Steve est intimement persuadé de rendre service à ces ruraux qui vivent dans la précarité. Il leur apporte la sécurité financière, un avenir pour leurs enfants, voire la fortune.
La troisième partie du film, plus courte que les deux premières, s'articule autour de deux retournements, que je me garderai bien de révéler ici. Elle donne plus de force à l'histoire, même si la fin est un peu convenue (mais ouverte). Les auteurs ont voulu montrer que le plus important était de dire la vérité, que c'est aux populations de faire leur choix, pas aux grands groupes. Du coup, le message véhiculé par le film est plus largement politique que strictement environnemental, ce qui pourrait décevoir certains militants purs et durs. Mais, selon moi, cela rend le film meilleur.
P.S. I
Où en est-on de l'exploitation des gaz de schiste en France ? Le sujet pourrait redevenir d'actualité, si la technologie de l'arc électrique s'avère efficace (et rentable).
P.S. II
L'exploitation du gaz de schiste n'est pas la seule activité qui recourt à la fracturation hydraulique. C'est le cas aussi de la géothermie. Même si les quantités d'eau mises en oeuvre sont bien moindres, la "stimulation" s'effectue à des profondeurs comparables.
P.S. III
Le combat des ruraux pour protéger leur cadre de vie contre l'installation d'une activité polluante (mais créatrice d'emplois et de richesses) ne concerne pas que le gaz de schiste. Il me semble que les questions soulevées par Promised Land ne sont pas sans parenté avec la situation dans le département de l'Orne, même si, dans ce cas précis, les défenseurs de l'environnement sont davantage des "pipoles" et des gens de la "Haute"...
P.S. IV (Après j'arrête, c'est promis !)
Une partie (minoritaire) du financement du film vient d'Imagenation Abu Dhabi, une société sise aux Emirats arabes unis, qui, d'après le rapport annuel de British Petroleum, figurent parmi les dix premiers producteurs de pétrole et possèdent d'énormes réserves aussi bien de gaz que de pétrole. On pourrait donc suspecter le film de partialité, les monarchies du Golfe arabo-persique n'ayant pas intérêt à ce que l'exploitation de gaz non conventionnel se développe. Mais le scénario semble avoir été écrit indépendamment du financement et Matt Damon a répondu aux accusations, notamment dans les colonnes du Figaro.
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samedi, 20 avril 2013
Effets secondaires
Ce polar médico-sentimental de Steven Soderbergh a décontenancé une partie de la critique. On va voir qu'il n'est pas tout à fait ce à quoi l'on pouvait s'attendre... mais est-ce un mal pour autant ?
L'action tourne autour de quatre personnages principaux. Ronney Mara incarna Emily, l'épouse perturbée, aux multiples facettes. L'actrice, que je n'avais vue auparavant que dans The Social Network, m'a impressionné par la variété de son jeu :
L'autre personnage féminin de premier plan est la psychiatre, jouée par Catherine Zeta-Jones, dont la quarantaine épanouie a de quoi faire enrager toutes les "pisseuses" d'Hollywood :
Face à ces dames, il fallait du lourd, physiquement et intellectuellement. Pour le physique, la production a choisi un beau gosse aux muscles saillants, Channing Tatum, qui incarne le mari d'Emily :
Le pauvre garçon casse un peu son image dans ce film, puisqu'il y est présenté comme un type assez crédule (il s'est fait piéger par un collègue de travail), pas super-performant au pieu (son agent ne lui a pas dit qu'on risquait de l'associer à l'éjaculation précoce ?)... et qui, de surcroît, se fait poignarder comme une buse.
Le "héros" est donc l'autre mâle dominant, le psychiatre aux idées généreuses, j'ai nommé Jude Law, que l'on a récemment vu exceller dans Anna Karenine (et que Soderbergh avait fait tourner dans Contagion) :
L'acteur nous révèle un nouvel aspect de son talent : il parle français. On peut le constater en regardant le film en version originale sous-titrée. Au début, le psychiatre, qui est accrédité comme expert auprès de la police et de la justice, est requis pour interroger un drôle de client, censé être haïtien. Notons que l'acteur (sans doute américain ou canadien) qui incarne ce dernier s'exprime nettement moins bien que Jude Law dans la langue de François Hollande.
L'intrigue entremêle plusieurs thématiques : le désarroi d'une partie de la bourgeoisie américaine, le rôle de la spéculation boursière, la puissance des groupes pharmaceutiques, le manque d'éthique de certains professionnels de la médecine et la difficulté de faire durer une histoire d'amour.
Il est donc d'abord question de tromperie(s). L'histoire semble commencer de manière limpide, assez linéaire, sans guère de surprise. Mais, très vite, à quelques signes, on comprend que la réalité est plus complexe que ce que l'on voit. Le jeu consiste à trouver qui trompe qui. Attention toutefois : on peut être trompeur et se faire tromper à son tour. De même, on peut avoir été trompé et devenir trompeur. C'est très habile sur le plan scénaristique et, comme c'est très bien joué, j'ai passé un excellent moment.
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vendredi, 19 avril 2013
La Religieuse
Guillaume Nicloux s'est donc lancé dans une nouvelle adaptation du roman de Denis Diderot. Ce réalisateur a pris le risque de changer de style, lui qui a réussi dans le polar (voir notamment La Clef, injustement "descendu" par des critiques crétins à sa sortie).
Le film baigne logiquement dans une atmosphère religieuse : le fond a déteint sur la forme, d'un classicisme épuré (comme on dit dans les revues pédantes). Ce n'est pas sans rappeler d'autres œuvres comme le Thérèse d'Alain Cavalier et surtout La Vie de Marianne de Benoît Jacquot. Hélas, la comparaison ne joue pas en faveur de La Religieuse, dont le rythme, volontairement lent, est moins maîtrisé que dans les deux "modèles" cités.
Il est cependant un point commun qui explique l'intérêt que chacun de ces films a suscité : le talent de la jeune actrice principale. Thérèse avait révélé Catherine Mouchet (auparavant seulement connue des théâtreux) et La Vie de Marianne Virginie Ledoyen (déjà remarquée dans L'Eau froide, La Cérémonie et La Fille seule). Il va falloir suivre la petite Pauline Etienne. On lui souhaite un meilleur avenir que ses deux consœurs, les carrières de ces dernières n'ayant pas totalement confirmé leurs débuts étincelants. (Même si Ledoyen était très bien récemment dans Les Adieux à la reine.)
Cette jeune femme se retrouve confrontée à de fortes personnalités, deux mères supérieures aux influences très différentes. La "méchante" est incarnée par une Louise Bourgoin surprenante... une véritable saleté, très loin de son rôle dans Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec ! La "gentille" est jouée par Isabelle Huppert, qui semble enfin consentir à vieillir... mais avec un personnage finalement très coquin !
N'oublions pas les interprètes des seconds rôles, parmi lesquels je distingue Françoise Lebrun (adorable) et Agathe Bonitzer (piquante).
Il est donc dommage que la réalisation (et le montage) n'aient pas un peu mieux servi cette brochette d'actrices de talent. Le film n'en reste pas moins efficace dans la dénonciation du totalitarisme religieux qui sévissait dans certains couvents français, au XVIIIe siècle. Mais il aurait pu être encore plus fort.
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mardi, 16 avril 2013
Le Repenti
Le cinéaste algérien Merzak Allouache s'est penché sur l'histoire récente de son pays de naissance : les conséquences de la guerre civile, qui a ensanglanté l'Algérie principalement dans les années 1990.
On suit d'abord un "blédard", Rachid, ancien des maquis islamistes, qui rejoint sa famille et espère bénéficier d'une amnistie.
Dès le début, on comprend que la "concorde civile" prônée par Abdelaziz Bouteflika ne suscite pas l'enthousiasme de la population... surtout qu'un homme habitant le village des parents du "héros" a vu sa famille massacrée par les islamistes.
Son salut va peut-être venir du commissaire de police auquel il s'est rendu. Mais celui-ci veut obtenir des informations en échange du nouveau statut. Il lui trouve quand même un petit boulot, en ville, dans un café, auprès d'un vieux sage qui le loge en sous-sol. Durant cette partie du film, on se demande dans quelle mesure ce jeune homme très discret a dit la vérité aux autorités. N'était-il vraiment qu'un sous-fifre ? Ne sait-il vraiment rien ? Quel est le secret qui semble le hanter ?
Dans le même bourg travaille un pharmacien encore jeune :
Il semble proche de la population, vit à l'occidentale (dans la mesure du possible). L'appartement qu'il habite est mal entretenu, quasiment pas meublé... et il s'y alcoolise presque tous les soirs, en regardant la télévision chinoise ! Il finit par y mettre un peu d'ordre lorsque débarque, à sa demande, une ravissante jeune femme, Djamila (Adila Bendimered, lumineuse) :
Qu'est-ce qui relie ces deux êtres et qu'est-ce qui va les rapprocher de Rachid ? Je vous laisse le découvrir. Le réalisateur excelle à faire monter la tension. Il part d'une scène a priori anodine, fort bien jouée. Puis il l'étire de manière à faire ressortir la douleur. De plus, il laisse planer une part de mystère, jusqu'à la conclusion de l'histoire, logique mais assez inattendue.
P.S.
Les spectateurs attentifs s'amuseront à relever l'occurrence de la France, à travers sa langue (jusque sur les panneaux de cette petite ville située loin d'Alger), ses productions (par exemple les voitures) ou la trace coloniale (le nom d'un café, par exemple) qu'elle a laissée.
20:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
dimanche, 14 avril 2013
La Maison de la radio
Nicolas Philibert est l'un des très bons documentaristes français contemporains. Le grand public (moi compris) l'a découvert à l'occasion du superbe Etre et avoir, en 2002. Plus récemment, il a réalisé Retour en Normandie et surtout Nénette.
Aujourd'hui, il s'est attaqué à un "monument", le bâtiment qui abrite les différentes stations de radio du service public : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, FIP, RFI et (normalement) Le Mouv'. Cependant, comme le film a été tourné au début de 2011 (juste après le transfert à Paris de la radio "jeunes" du groupe), celle-ci est absente à l'écran, tout comme FIP me semble-t-il.
On commence par un florilège de voix, d'abord distinctes, mais qui finissent par s'entrecroiser, se mélanger. La suite détaille la vie de cette fourmilière.
On pourra le regretter mais, vu la richesse du personnel et la diversié des programmes diffusés, seule une partie du matériau est montré à l'écran.
Comme il s'agit de radio, le travail sur le son est mis en valeur. On assiste donc à divers enregistrements musicaux (classiques bien sûr, mais aussi modernes). Cette partie est très réussie. Les artistes sont excellents, jusque dans leur perfectionnisme. J'ai aussi apprécié les moments capturés d'une fiction radiophonique (sans doute pour France Culture).
Une assez grande place est donnée à la gestion de l'information. Je regrette toutefois que l'accent soit mis sur la matinale, alors qu'il existe d'autres programmes, plus riches, en matière de traitement de l'actualité. Ceci dit, découvrir le travail quotidien des anonymes, loin des vedettes de l'antenne, est très intéressant.
D'un point de vue logistique, les spectateurs constateront avec surprise que les techniciens du son sont presque tous des hommes, alors que le secrétariat (au sens large) est assuré par un personnel quasi exclusivement féminin.
Les "petites mains" ne sont pas oubliées, l'accent étant mis sur le service du café.
En dépit des séquences humoristiques dont le film est émaillé, mon intérêt est souvent retombé à cause du choix des émissions dont une partie de la "cuisine" nous est montrée. Souvent, ce ne sont pas celles que j'écoute et les plus populaires sont, sauf exception, absentes du film. C'est globalement assez "intello bobo". Du coup, en dépit de l'intérêt factuel de telle ou telle séquence, j'ai été un peu déçu.
22:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 13 avril 2013
Inch'Allah
L'histoire de ce film canadien, tourné en Jordanie, se déroule entre Israël et Palestine (la Cisjordanie). L'action est principalement menée par trois personnages féminins. Chloé est une jeune et compréhensive sage-femme canadienne :
Elle est incarnée par une actrice à suivre, Evelyne Brochu. La soldate israélienne Ava est jouée par Sivan Levy :
Plus connue est la Française Sabrina Ouazani, révélée jadis dans un rôle de "tchatcheuse" dans L'Esquive et vue récemment dans Des Hommes et des Dieux. Elle interprète Rand, la Palestinienne enceinte, dont le compagnon est en passe d'être jugé par les Israéliens :
Les personnages masculins ne sont pas transparents mais ils sont plutôt placés au second plan, à l'inverse de ce qui se passe d'habitude dans le cinéma commercial. (Précisons que la mise en scène est l’œuvre d'une femme, Anaïs Barbeau-Lavalette.)
L'intrigue s'appuie sur des éléments "classiques" de la représentation du conflit proche-oriental : la présence militaire israélienne en Palestine, la construction du mur de séparation, l'organisation des check-points, l'énergie brouillonne des gamins palestiniens et le recours aux attentats-suicides d'une partie des nationalistes arabes.
Le film démarre par une séquence en apparence anodine, interrompue par un événement inattendu. On découvre ensuite les personnages principaux. On est d'abord conduit à penser que tout se passe dans la continuité et que, par exemple, la femme que Chloé voit en pleurs de la fenêtre de son appartement a un lien avec ce que l'on vient de nous montrer à l'écran. En réalité, sans que cela soit dit, il s'agit d'un retour en arrière. On reverra cette séquence initiale à la fin du film, mais d'un autre œil.
Entre les deux, on aura appris à connaître la jeune sage-femme, qui tente de tout concilier : elle habite en Israël mais travaille en Palestine, où elle passe aussi une partie de son temps libre... sans parvenir à oublier son Québec natal, avec lequel elle a besoin de rester en contact. Elle aime la compagnie des femmes et des hommes, palestiniens comme israéliens.
Elle côtoie une drôle de soldate, mélange de garçon manqué et d'enfant gâtée, un peu pétasse, un peu bêtasse, mais pas mauvaise au fond. Des trois femmes, c'est le personnage le moins fouillé.
Rand fait ce qu'elle peut pour joindre les deux bouts. Elle tente de récupérer ce qu'elle peut dans une décharge et aimerait bien revoir le plus vite possible son chéri, emprisonné par l'occupant israélien auquel il s'est visiblement fortement opposé.
Tout n'est pas réussi dans le film. Le propos est parfois trop appuyé. Certaines séquences émergent toutefois, comme celles tournées dans le dispensaire, ou encore cette sortie de l'autre côté, que Chloé parvient à organiser pour ses amis palestiniens. (C'est un thème que l'on retrouve aussi dans le récent Zaytoun.)
Si la réalisatrice se garde de présenter tous les Palestiniens comme des anges victimes de démons israéliens, on sent néanmoins clairement l'engagement du propos. Pour elle, la posture de l'Occidental généreux et détaché, qui sait faire la part des choses, ne tient pas à moyen terme. Trop d'horreurs et d'injustices surviennent dans ce petit bout de terrain... au point de transformer certains individus en bombes humaines. On n'est pas obligé d'adhérer entièrement à la démonstration, mais le film a le mérite de poser certaines questions.
22:57 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
dimanche, 07 avril 2013
Estremoni
Vendredi soir, à Rodez, la venue de Zinedine Zidane n'était pas le seul événement notable. Au cinéma Le Royal a été projeté un documentaire d'Yves Garric et Georges Berte, consacré à l'église Saint-Austremoine, située sur le territoire d'une des plus vastes communes de l'Aveyron, Salles-la-Source (entourée en rouge), proche de Rodez (en noir) :
La salle 1 était presque comble, principalement remplie d'habitants du coin. Le village, pittoresque, se trouve à la limite du Causse comtal et du Vallon de Marcillac. La campagne est donc marquée par les moutons et la viticulture.
Cette église a été restaurée à l'initiative d'habitants du cru. Certains ont fondé une association, "Les amis d'Austremoine". Trois de ses présidents successifs interviennent dans le film :
Le fondateur Jean Poujade (absent le soir de la projection)
Marcel Maillé
... et l'actuel président Pascal Hubert, que l'on voit "mettre le pied à la pâte" à un moment du film :
Leurs propos alternent avec ceux de spécialistes, notamment Louis Causse, architecte des Bâtiments de France :
Précis et "pointus", ses commentaires sont très intéressants. Ils sont complétés, pour la partie intérieure, par ceux de Claire Delmas, ancien conservateur des Antiquités de l'Aveyron :
Elle utilise sa connaissance de l'histoire de l'art et de la symbolique religieuse pour présenter dans toute leur richesse les oeuvres situées dans l'église. L'une des plus belles est le retable, datant du XVIIIe siècle :
Il est intact et présente des scènes faisant allusion à la vie de Jésus sur trois époques : avant qu'il ne se fasse connaître, dans ses derniers jours et après la résurrection. Deux bustes encadrent l'objet : celui de saint Austremoine, à gauche, et celui de saint Amans (premier évêque de Rodez selon la tradition), à droite. En regardant attentivement l'image, vous remarquerez que le second buste est trop grand pour sa niche. Il n'est donc sans doute pas d'origine.
Quant à saint Austremoine, il est présent bien au-delà de l'Aveyron. Il est réputé avoir mené l'évangélisation de l'Auvergne. Une église abbatiale lui est consacrée à Issoire, dans le Puy-de-Dôme. Le documentaire se plonge dans cette passionnante digression. On découvre les splendides peintures murales du bâtiment. (On peut en voir d'autres, ainsi qu'une centaine d'images de l'édifice, sur un site dédié à l'art roman.)
La façade extérieure est aussi joliment ouvragée. On peut notamment y voir une représentation des signes du zodiaque. Voici par exemple celui des Gémeaux :
A cette occasion, on apprend qu'un treizième signe a été sculpté, sans doute pas à l'origine. Plusieurs hypothèses sont citées quant à sa présence et à sa signification :
De retour en Aveyron, le film s'attarde sur certaines pièces de l'église rouergate, comme la Croix des vignerons, autrefois située à l'extérieur :
Mais c'est sans conteste un Christ du XIIe siècle, aux lignes épurées, qui suscite les commentaires les plus riches :
Plus proche des gens apparaît une magnifique statue de la Vierge (du XIXe siècle), en bois d'ormeau :
Les croyants se rendaient parfois dans l'église pour des raisons plus anecdotiques, comme celle qu'évoque l'une des paroissiennes, Josette Croizat :
Sachez qu'il est question d'énurésie !
Le documentaire, parfois austère, se veut néanmoins vivant. Il ne cache pas les petites tensions qui existaient dans le village, entre les différentes églises, chaque section (le bourg de Salles, Pont-les-Bains, Cougousse, Mernac et bien sûr Saint-Austremoine) étant attachée à la sienne :
Au fil du documentaire, des anecdotes sur la vie quotidienne des habitants de jadis s'ajoutent aux histoires, plus érudites, évoquant les liens avec le comte de Rodez, ou son évêque ou encore l'église Saint-Amans. Les périodes troublées voient l'église devenir un refuge, un entrepôt ou un bien à préserver.
L'époque contemporaine a vu le site se garnir d'une croix, oeuvre d'un sculpteur local, Henri Duffourg :
Il s'est inspiré de l'histoire locale et des symboles religieux pour réaliser une oeuvre ambitieuse, foisonnant de détails.
L'atmosphère religieuse est rendue par la musique d'accompagnement, souvent sacrée... et de très bonne qualité. Parmi les différents morceaux, j'ai particulièrement apprécié le Salve Regina du choeur masculin de l'abbaye de Sylvanès, dont voici un extrait :
Moins renommé, mais tout aussi remarquable, est le Petit Choeur du Dimanche, qui, enregistré dans les conditions du direct (comme plusieurs autres artistes), nous livre une performance originale :
Pour clore ce chapitre musical, je propose une devinette : de quel instrument joue le baryton dans l'extrait qui suit ?
A l'image du fond musical, l'image est soignée, même si l'on peut trouver certaines incrustations un peu trop rudimentaires. Le commentaire, lu par Yves Garric, est toujours utile, jamais envahissant.
Sachez enfin que le film est déjà disponible en DVD au prix de 10 euros.
D'après Yves Garric, les trois quarts des sommes récoltées seront consacrés à l'entretien de l'église.
15:36 Publié dans Aveyron, mon amour, Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire, société
mardi, 26 mars 2013
Week-end royal
Dans la seconde moitié des années 1930, le président des Etats-Unis Franklin Roosevelt s'entiche d'une lointaine cousine (Daisy). Une maison de campagne est le théâtre de leurs rencontres... et un pique-nique très spécial y est organisé, peu avant la guerre, en l'honneur du roi d'Angleterre (George VI... oui, celui du Discours d'un roi).
Le scénario fait donc se percuter ces deux trames historiques. Pépé Roosevelt, bien qu'handicapé moteur, avait gardé l'entier usage de son appendice pénien... et cherchait ailleurs que dans les bras de son épouse Eleanor les occasions de le mettre en action. Dans le rôle du président coquin, (faussement ?) passionné de timbres, Bill Murray excelle. Il s'est parfaitement coulé dans le personnage et fait oublier ses précédentes incarnations. Face à lui, Laura Linney (une habituée des seconds rôles) se débrouille très bien, tout comme les autres membres de l'entourage présidentiel, notamment Olivia Williams, brillante en épouse indépendante et lucide. La meilleure scène de la première partie est sans doute la "conclusion" de la romance entre le vieil homme et la cousine coincée (et fauchée... un aspect qui a peut-être pesé plus qu'il n'est dit), en voiture, dans un pré, devant un paysage magnifique... et à la force du poignet !
Le film décolle avec l'arrivée du couple royal. Le réalisateur sait jouer sur le contraste entre l'aristocratie très attachée aux apparences et l'élite décontractée d'outre-Atlantique. Samuel West et Olivia Colman sont épatants, le premier réussissant (presque) à faire oublier Colin Firth. Une scène magnifique voit le roi et le président partager quelques verres dans un bureau, le soir, après le dîner. Chacun est conscient de ses faiblesses et, la franchise aidant, un courant de sympathie passe entre les deux hommes. Marquant est le moment qui voit Bill Murray passer d'un canapé à un fauteuil par la seule force de ses bras, en s'appuyant sur une série de meubles, sans doute pas disposés au hasard dans la pièce. Durant ce moment magique, la qualité de la mise en scène s'ajoute à la beauté de la photographie, au talent des interprètes et aux dialogues piquants.
Bref, cette heure et demi passe en douceur, sans déplaisir. On peut juste regretter la trop grande présence de la voix-off (celle de Daisy) dans le dernier tiers du film.
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dimanche, 24 mars 2013
Mystery
C'est le nouveau film de Lou Ye, cinéaste né à Shanghaï, remarqué il y a quelques années pour Une Jeunesse chinoise. En à peine plus d'1h30, ce long-métrage réussit à entremêler les thématiques : drame bourgeois, portrait social, polar urbain.
La séquence initiale est indicatrice de ce que va être la suite. On commence avec une musique douce, des personnages jeunes et riches, dans des voitures luxueuses. L'action se situe sur l'une des autoroutes urbaines qui enserre la ville de Wuhan (située sur le fleuve Yangzi) :
Survient un événement qui va bouleverser la vie des personnages... et révéler leur véritable tempérament. Mais c'est d'autres personnes dont il va être principalement question durant le reste du film. Petit à petit, le réalisateur dévide sa pelote, nous montrant les tenants et les aboutissants de cette séquence initiale.
On passe aux véritables personnages principaux. Ils incarnent la bourgeoisie chinoise en pleine expansion. Ils sont riches, ont un bel appartement et une ravissante petite fille (politique de l'enfant unique oblige... ce n'est pas sans importance). Attention toutefois : ce tableau idyllique est trompeur. La suite du film va nous montrer ces personnages sous un autre jour, soit qu'ils cachent leur jeu, soit qu'ils évoluent. Mention spéciale pour Hao Lei (déjà vue dans Une Jeunesse chinoise), que l'on pourrait comparer à Kate Winslet : elle peut tout jouer.
Le drame bourgeois tourne autour de l'infidélité et de la double vie. Le réalisateur donne la part belle aux actrices, (principalement les deux jeunes femmes, mais aussi l'étudiante, sa mère et celle du héros). Je le trouve néanmoins trop indulgent pour l'un de ses personnages masculins, qui est un bel enfoiré.
Le portrait social est soigné. La grande bourgeoisie est présente à travers les fils à papa et l'une des épouses. A l'écran, un spectateur attentif notera la présence des marques étrangères : le téléphone portable de l'une des femmes (qui joue un rôle non négligeable dans l'intrigue) est de marque japonaise (Sharp), les voitures sont souvent américaines (Ford) et les vêtements chics viennent de Corée du Sud. La musique même est européenne (on entend L'Hymne à la joie, de Beethoven)... et on la voit jouée une fois sur un piano de marque Strauss. On remarque la différence de classes au niveau des loisirs : les rejetons de la bourgeoisie fréquentent les jardins d'enfants, ont des cours de musique et de danse. Les pauvres jouent au football sur un terrain vague.
Plus bas dans l'échelle sociale se trouvent la seconde jeune femme, qui ne possède pas de voiture (ni sans doute de permis de conduire), ainsi que la mère de l'étudiante. On rencontre aussi un garagiste et un policier qui, lui, bénéficie d'un bel appartement, dans un immeuble donnant sur le fleuve. Mais sa paie ne lui permet visiblement pas de faire des folies. Il s'en sort toutefois bien mieux que le sans-abri, qui survit dans les bois en récupérant des déchets urbains. Cependant, il est flagrant que, dans le film, l'argent ne semble pas faire le bonheur... ou plutôt il ne suffit pas.
Le titre indique que l'intrigue est aussi celle d'un polar. Au départ, on ne comprend pas tout ce qui s'est passé autour de l'événement auquel sont confronté les gosses de riches en voiture. Le mystère prend donc deux formes. D'un côté, les spectateurs cherchent à comprendre qui a fait quoi... et surtout qui sait quoi (les personnages ont furieusement tendance à se mentir ou à dissimuler). De son côté, le policier (et son copain le garagiste) cherchent d'abord à établir les responsabilités dans un accident, avant de s'intéresser à ce qui ressemble à une tentative de meurtre.
Certains spectateurs un peu mous du bulbe ont été désorientés par ce foisonnement scénaristique. Le film réclame certes de l'attention, mais il est bigrement bien construit et interprété. Au niveau du style, on retrouve les marottes du réalisateur : la caméra à l'épaule pour suivre les personnages qui marchent, les prises de vue aériennes pour montrer la ville et l'usage du flou et du fondu quand il est question des sentiments. Cela se situe quelque part entre Claude Sautet et Michel Deville, avec une touche d'Assayas.
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vendredi, 22 mars 2013
No
1988. La Guerre Froide touche à sa fin. Les États-Unis savent qu'ils ont gagné. Du coup, ils deviennent plus sensibles aux aspirations des populations dans les dictatures qu'ils soutiennent, quand ils n'ont pas contribué à les mettre en place. C'est le cas de la Corée du Sud, en voie de démocratisation. C'est le cas de plusieurs pays d'Amérique latine, à commencer par l'Argentine (dès 1983) et le Brésil (en 1985). Voilà donc le Chili d'Augusto Pinochet prié de présenter une image plus "convenable", en organisant un référendum.
Après Santiago 73, Pablo Larrain nous propose l'histoire de la campagne en faveur du "non" (au maintien de Pinochet au pouvoir), vue de l'intérieur... mais aussi du camp d'en face. Cela nous vaut d'ailleurs l'une des plus belles scènes du film, au début : les artisans de la campagne du "oui" (ministres, officiers, conseillers) sont réunis dans une pièce aux boiseries luxueuses. Le réalisateur nous donne à entendre leurs arguments (certains étaient de bonne foi). On perçoit aussi nettement leur anticommunisme primaire, qui tournait à la paranoïa. L'humour est pince-sans-rire (comme dans le reste du film). On sourit du décalage entre tel propos et la réalité ou entre l'écart qui existe entre les différentes manières de percevoir les événements.
Je pense aussi à une scène qui voit le patron du héros (favorable au "oui") discuter, avec un ministre, des partisans du "non". Les deux hommes marchent à proximité d'un bâtiment officiel et finissent dans un jardin. L'homme de pouvoir vieillissant ne comprend pas la symbolique de l'arc-en-ciel choisi par ses adversaires ("un truc de pédés" voire de "Mapuches pédés" ?). La discussion, très drôle au second degré, s'achève devant un canon décoratif, dans le fût duquel le ministre dépose ses pelures d'orange. (On peut y voir aussi le symbole de la décrépitude du pouvoir militaire.)
La mise en scène est habile. On peut cependant contester le choix d'une image "qualité d'époque", qui rappellera aux téléspectateurs un peu âgés certains épisodes de la série Starsky et Hutch. Par contre, la caméra n'est pas placée au hasard, et certains mouvements sont savamment calculés. Je pense notamment à une scène qui montre le héros en train de souper avec son fils. Tous deux sont assis devant le poste de télévision, à proximité duquel est placé, de manière symétrique, un four à micro-ondes. A certains moments, on se demande quel est l'écran qui passionne le plus le duo... d'autant plus que l'émission diffusée pendant le repas est tout à la gloire de Pinochet. De surcroît, quand on voit l'aspect de ce qui sort du four, on comprend que, pour le réalisateur, le contenu du discours n'est pas plus appétissant.
L'intrigue tourne autour du fait que la campagne du "non", au lieu de marteler à l'ancienne les thèmes de prédilection des opposants (principalement) de gauche, prend un tour ludique et commercial, sous l'impulsion du héros. Il a compris que, plus que sur le passé, le vote allait se jouer sur l'avenir. Il va donc mener une campagne sur le thème de la joie. La confrontation de ses idées aux présupposés des opposants est restituée avec une certaine subtilité (le héros n'a pas toujours raison... ouf !).
Partis de bouts de ficelles, les "nonistes" font preuve d'imagination. Ils vont avoir droit, pendant un mois, à 15 minutes quotidiennes qu'il faut remplir de manière convaincante. L'humour est de leur côté. Ils introduisent dans leur quart d'heure une séquence d'information, intitulée "no... ticias" (les news ou les nouvelles). Pour inciter les électeurs à voter non, ils détournent la forme des bulletins :
Cela se dit "no mas", c'est-à-dire "plus" : non pas "davantage de", mais "plus du tout de" ("Plus du tout de Pinochet" par exemple). En face, les partisans du dictateur (beaucoup plus nombreux que ce que l'on imagine en Europe) écrivent ici ou là des "PIN 8". Il ne s'agit pas du code d'un téléphone portable, pas plus que de la taille d'un pénis (au repos ou en érection). Cela se prononce "Pine-otcho"... naaan, pas Pinocchio ! Cela sonne comme Pinochet et cela fait référence aux huit ans de prolongation du pouvoir qu'il réclame ("ocho" signifie huit).
A intervalles réguliers, le film évoque les pressions dont les partisans du "non" ont fait l'objet. Quasi inexistantes au début, elles ont monté en puissance au fur et à mesure qu'a grandi l'agacement du régime, dont certains défenseurs ont fini par prendre au sérieux cette campagne de publicitaires.
Il faut dire quelques mots de l'interprète principal, que j'avais déjà vu dans Babel, La Science des rêves et surtout l'excellent Carnets de voyage (de Walter Salles). Gael Garcia Bernal incarne à la perfection ce "pubard" cool et doué, fils d'opposant de gauche à Pinochet, pas engagé au départ et qui, s'il voit sa vision de la campagne l'emporter, ne connaît pas le même succès dans sa vie privée.
Cependant, je regrette que le réalisateur prenne si peu de recul avec la communication politique moderne. Ici, elle n'est pratiquement présentée que sous un jour positif : c'est nouveau, dynamique, jeune, drôle. On ne dit pas assez que la forme l'emporte sur le fond. Seules quelques touches sont chargées de faire comprendre aux spectateurs un peu grincheux que le réalisateur n'est pas dupe. A deux reprises, le héros se comporte en véritable perroquet : quand il critique la campagne de son adversaire de la même manière que son ex (communiste) critiquait la sienne (au début)... et à la toute fin, qui montre qu'on peut recycler la rhétorique des "nonistes" dans la campagne de promotion d'une série télévisée. (Mais Les Inconnus l'ont démontré avec brio il y a bien longtemps déjà.)
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vendredi, 15 mars 2013
Le Grand Retournement
Ce court film (1h17) est conçu de manière originale. Les personnages (banquiers, politiques, conseillers), qui parlent de la crise financière, de ses tenants et aboutissants, s'expriment en alexandrins, habillés en costumes-cravates pour la plupart.
Parmi les acteurs, on trouve quelques têtes d'affiche, comme Jacques Weber (le plus constant au niveau de la qualité de la diction), François Morel (très inégal, avec quelques éclairs de génie) et Edouard Baer (inconsistant). D'autres trognes sont connues, davantage que les noms : Franck de La Personne et Thibault de Montalembert notamment. D'autres sont de parfaits inconnus pour moi. Parmi ceux-ci, j'ai remarqué Patrick Mille.
Je vais sans doute hérisser le poil des militants altermondialistes qui lisent ce billet, mais je me suis globalement fait chier durant ce film. Dans la première partie, j'ai même piqué du nez ! Et il n'est pas possible de faire porter la responsabilité de ce ratage aux comédiens, certains étant très bons. Il n'en reste pas moins vrai que la qualité du jeu est très inégale... et que cela se sent.
L'autre problème est l'écriture des dialogues. Il ne suffit pas de construire une phrase de 6, 12 ou 24 pieds et de faire rimer deux d'entre elles pour prétendre avoir versifié. C'est trop souvent boursouflé, maladroit. Au lieu de les aider, les phrases ont considérablement compliqué la tâche des acteurs. Un auteur de talent (genre Racine ou Corneille - non, pas le chanteur) est capable de produire un texte (aussi subtil soit-il) sur lequel un bon acteur doit pouvoir s'appuyer.
Au niveau de la mise en scène, au départ, j'ai trouvé intéressant le contexte de l'usine abandonnée. Cela avait du sens. Mais l'utilisation de cet espace devient vite maladroite, le comble étant atteint lorsque l'un des conseillers du président, devenu trop critique, se fait virer.
Parlons enfin du fond. Le film se veut pédagogique. On commence par les causes de la crise financière, référence à l'affaire Kerviel à l'appui. On continue avec le renflouage des banques et la bêtise des politiques. Plus que les banquiers, la cible est ici l'exécutif français en place en 2009-2010, à savoir le président Sarkozy (un peu trop sobrement campé par Elie Triffault) et le premier ministre Fillon (Montalembert, très bon). Le tour des banquiers vient juste après, quand il est question de l'introduction de nouvelles normes et du rôle de la BCE.
Le problème est que tout cela m'a semblé très manichéen. Ce n'est de plus pas destiné à un public profane, parce que, aussi simpliste soit la description des mécanismes de la crise, le fait qu'elle soit véhiculée par un langage ampoulé n'aide en rien à sa compréhension. Bref, le propos est destiné à un public plutôt cultivé, et/ou déjà convaincu.
Quelles solutions propose l'auteur ? Rien de moins que la Révolution. En gros, les seuls vrais contestataires sont ceux qui manifestent cagoulés, qui cassent des vitrines et renvoient les bombes lacrymos à la police. Cette fin est malheureusement symbolique de l'ensemble du film, qui manque singulièrement de finesse.
PS
Sur la crise financière, Inside Job est plus fouillé. Cleveland contre Wall Street montre ce que peut être un vrai film de cinéma sur des questions politiques, financières et sociales. Tout aussi réussi est Margin Call, qui place le spectateur au coeur du processus. Moralité ? Louez un bon DVD.
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samedi, 09 mars 2013
Zaytoun
La critique a en général été plutôt sévère avec ce film israélien, dont le réalisateur Eran Riklis a été salué naguère pour La Fiancée syrienne et Les Citronniers. Le genre du film (une fable politique) a pu dérouter. Il est question d'un olivier (zaytoun en arabe) qu'un jeune Palestinien du Liban voudrait planter dans la propriété familiale... en Israël. Dans quelle mesure le pilote israélien récemment fait prisonnier va-t-il lui être utile ?
La première partie du film tente de restituer l'ambiance dans le Liban du début des années 1980, au moment de l'intervention israélienne. Il y est bien entendu question des réfugiés palestiniens (et du camp de Chatila), dont les enfants sont embrigadés très jeunes dans des organisations para-militaires supposées patriotiques. On nous fait aussi comprendre que les Libanais "de souche" n'apprécient guère cette population turbulente, maintenue à l'écart des autres habitants.
Comme dans d'autres films ayant pour sujet les déshérités du monde musulman (Les Chevaux de Dieu, par exemple), un coup de projecteur est mis sur de jeunes garçons fans de football. Le héros Fahed est d'ailleurs surnommé Zico (aujourd'hui, son modèle serait peut-être Lionel Messi) et il ne se sépare pratiquement jamais d'un ballon en cuir. Si les scènes avec les gamins sont très convenues, il faut signaler la performance du jeune Abdallah El Akal (entraperçu, comme un autre acteur du film, dans Lebanon), qui incarne à merveille ce gamin palestinien révolté, un peu dépassé par les événements, mais qui tient à aller au bout de son projet.
Le réalisateur a l'honnêteté de montrer toute la difficulté de la vie quotidienne des civils palestiniens, ainsi que les drames auxquels ils sont confrontés. C'est pourquoi il faut un peu de bonne volonté pour croire à l'argument principal : l'alliance de circonstance entre l'orphelin de guerre et l'aviateur. Si l'on adhère à cet élément de l'histoire, on suivra avec plaisir le périple de cet improbable duo, qui va devoir louvoyer pour éviter divers groupes armés (palestiniens, libanais et même syriens). C'est souvent drôle, parfois émouvant.
La fin est moins réussie. J'ai trouvé assez mauvaises les scènes qui font intervenir Alice Taglioni (qui porte l'uniforme de l'ONU). La séquence du village palestinien détruit ne m'a convaincu qu'à moitié. On sent aussi que le réalisateur a voulu montrer que les deux camps ont souffert des guerres. Je ne dirai rien sur le choix final qui est fait par l'un des personnages principaux. Ceux qui connaissent la suite de l'Histoire savent qu'ils est lourd de conséquences.
16:05 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
mercredi, 06 mars 2013
Công Binh
Ce documentaire (un brin fictionné) est sous-titré "La longue nuit indochinoise". Il n'est toutefois question que du Vietnam (composé du Tonkin, de l'Annam et de la Cochinchine), pas du Laos ni du Cambodge. Ceux qu'on a appelés les Công Binh ("ouvriers-soldats", en vietnamien) ont été envoyés en France métropolitaine au début de la Seconde guerre mondiale. Il y sont restés bloqués au moins jusqu'en 1946. Certains ne sont même jamais retournés dans leur patrie.
Cinq types d'images composent ce film. Classiquement, on y trouve des documents d'archives (datant de la fin des années 1930 au Vietnam indépendant) et des entretiens avec certains des anciens travailleurs envoyés en France (âgés de 89 à 103 ans, si je ne m'abuse). On y entend (et voit) aussi une petite-fille de travailleur déporté lire des extraits de textes anticoloniaux, au premier rang desquels Les Damnés de la Terre (de Franz Fanon) et Discours sur le colonialisme (d'Aimé Césaire). A cela s'ajoutent des scènes de fiction, restituant des situations du passé, et jouées par des (petits-)enfants des travailleurs déportés. Enfin, régulièrement, vient s'intercaler un extrait de spectacle de marionnettes aquatiques, en liaison avec le sujet.
Le plan est chronologique. Le film revient d'abord sur les conditions du recrutement, forcé dans la majorité des cas. On est ensuite effaré par les conditions de vie qui furent celles de ces jeunes hommes. A peine débarqués en métropole, ils sont parqués dans la prison des Baumettes, tout juste construite... mais dont l'intérieur n'a pas été encore aménagé. Ils ont ensuite été envoyés dans différentes usines (des poudreries, entre autres), notamment à Bourges et Clermont-Ferrand. Ils ont été logés dans des camps spéciaux, dans des conditions là encore précaires.
Parmi les multiples anecdotes que contient le film, il y a l'histoire du développement de la culture du riz en Camargue, dû à l'initiative de certains travailleurs d'origine rurale, qui ont vu là l'occasion d'améliorer leur ordinaire... à condition toutefois de faire tout le boulot.
Un des plus beaux passages raconte le processus d'alphabétisation des travailleurs, arrivés en métropole pour la plupart illettrés.
Après guerre, l'enjeu devient politique. De 1946 à 1954 s'est déroulée la guerre du Vietnam. Ces 20 000 jeunes hommes sont une masse à ne pas négliger. Au départ, le gouvernement français n'a pas envie de renvoyer au pays ces bras vigoureux qui pourraient renforcer la rébellion vietminh. A cet égard, le film montre que la petite troupe était divisée. Il n'évoque toutefois que trois groupes : la minorité favorable au colonisateur et les rebelles, communistes ou trotskystes, eux-mêmes rivaux. L'expression "gouvernement fantoche" fait allusion à l'empereur Bao Daï. Est négligée une partie du mouvement nationaliste, celle qui n'était pas d'obédience marxiste et qu'on a parfois qualifiée de "troisième voie".
La fin du documentaire est consacrée à la vie dans le Vietnam indépendant (ou la France, pour ceux qui s'y sont définitivement installés) et la quête de reconnaissance.
Sur le plan formel, c'est correctement filmé et le montage varie suffisamment les types d'images pour qu'on ne s'ennuie pas (trop). Mais le rythme est lent et certaines scènes m'ont paru inutiles. (Concernant le théâtre de marionnettes, si les premiers "interludes" m'ont intéressé, l'accumulaton a fini par me lasser.) On sent bien les deux heures passer !
23:46 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
mardi, 05 mars 2013
Les Chevaux de Dieu
Ce film de fiction ambitionne de mettre en scène les éléments qui expliquent que de jeunes Marocains, pour la plupart inconnus des services de police, aient participé aux attentats de Casablanca du 16 mai 2003.
L'histoire s'attache au destin d'une demi-douzaine de garçons du bidonville de Sidi Moumen (8 des 14 kamikazes en sont issus), dont une partie seulement va verser dans le terrorisme. Le début du film, maladroit, m'a fait un peu peur. Les images des gamins fans de football, prêts à en venir aux mains... ou à détaler dare-dare, sont proches du cliché. Mais le réalisateur fait preuve d'une incontestable maîtrise derrière la caméra, avec de très beaux plans du bidonville à la clé.
Petit à petit, la psychologie des personnages est creusée, les situations deviennent plus complexes... et le film passionnant. Il faut souligner l'interprétation remarquable des acteurs principaux, qui incarnent les garçons devenus de jeunes adultes.
Abdelilah Rachid est celui dont la palette de jeu est la plus variée. Seul véritable délinquant de la bande au début de l'histoire, son personnage (Hamid) est le premier du groupe à se convertir à l'islam radical, sans doute en prison. (Voilà qui rappellera des choses à nos amis toulousains.)
Comme à d'autres "jeunes en recherche", la religion donne un cadre, pas forcément négatif au départ. Mais ses "maîtres" ont un projet politique en tête. J'ajoute que, dans la troisième partie du film, ce personne recommence à évoluer, dans un sens que je ne révèlerai pas ici. Sachez que l'acteur rend vraisemblables les trois facettes.
L'autre personnage "solaire" est son petit frère, interprété par Abdelhakim Rachid.
Dans le quartier, Tarek est surnommé Yachine, en raison de son poste de gardien de but, au football, où il n'est d'ailleurs pas maladroit. Il idolâtre le Soviétique, seul de sa catégorie à avoir décroché le ballon d'or. Là encore, l'évolution du jeune homme (moins abrupte que pour son frère) est restituée par l'acteur avec subtilité.
Le "troisième homme" de l'histoire est Nabil, le meilleur ami de Tarek-Yachine. Il ne semble pas connaître son père et sa mère a très mauvaise réputation dans le quartier. On finit par comprendre qu'elle monnaye ses "services". Le fils subit la réprobation attachée à sa mère (qui est protégée par le chef de la police)... et son côté efféminé, ainsi que l'amitié extraordinairement forte qui le lie à Tarek, lui valent moqueries et avanies.
Dans le groupe évoluent aussi notamment Fouad, grand-frère (très) protecteur de Ghislaine (dont Tarek est amoureux) et un drôle de lascar, qui ne pense qu'à s'amuser (et qui va résister à l'influence des "Frères").
Ces jeunes ne sont pas bien encadrés par les adultes du bidonville. Le père des deux héros semble frappé d'Alzheimer (et le frère aîné est un peu dérangé... mais pas bête sur le fond). La mère est dépassée par les événements et ne voit pas ce que la nouvelle orientation religieuse de ses gamins peut avoir de menaçant. Les autres parents sont plutôt absents.
Ils laissent donc la place aux propagandistes islamistes, qui en imposent par leur constance, leur charisme... voire leur maîtrise des arts martiaux. (On n'attrape les mouches avec du vinaigre !) On sent aussi que le chef du groupuscule est fin psychologue : il comprend vite quel est le profil de chaque gamin et comment il peut les utiliser.
Mais le réalisateur n'oublie pas la vie quotidienne du bidonville, dans ce qu'elle a de plus sordide. Les gamins sont d'abord des victimes des caïds locaux et de la police, à moitié corrompue et pas franchement respectueuse des droits de l'homme. (Le chef local est surnommé "Pitbull", c'est dire.) Entre eux, enfants comme adolescents sont parfois sans pitié. (Cela va de la bagarre au viol... et le meurtre n'est pas loin.) Hors cadre familial, la solidarité est l'exception. Chacun essaie de se sortir de la misère (qui n'est pas totale, dans ce bidonville un peu aménagé), au besoin en passant sur les autres.
On pourrait regretter que le film ne dénonce pas suffisamment l'influence pernicieuse d'une conception extrémiste de la religion. On aurait aussi pu souhaiter que soit posée la question de la démocratie au Maroc... mais cela aurait peut-être empêché le film de se faire. Il a le grand mérite d'exister et il témoigne d'une certaine habileté.
P.S.
Les cinéphiles français auront l'impression de se retrouver devant une version cousine, d'outre-Méditerranée, de l'excellent long-métrage de Philippe Faucon La Désintégration. On peut aussi être frappé par la ressemblance avec le film palestinien Paradise now.
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samedi, 02 mars 2013
7 Psychopathes
Si vous aimez les histoires faciles à comprendre, qui vous prennent par la main d'un début clairement identifiable à une fin sans ambiguïté, si vous tenez à des personnages d'une seule trempe, qui évoluent peu... alors évitez ce film.
Martin McDonagh, à qui l'on doit l'excellent Bons Baisers de Bruges, récidive avec un thriller parodique qui louche sur Pulp Fiction (de Tarantino) et Barton Fink (des frères Coen). La construction prend une forme proche du puzzle. Mais commençons par les personnages principaux.
On suit l'action à travers les pérégrinations d'un improbable trio. Le héros (Marty) est un scénariste en panne d'inspiration (alcoolique de surcroît), interpété par Colin Farrell, qui a un peu tendance à jouer toujours sur le même registre :
Si j'étais mauvaise langue, j'écrirais que ses "qualités physiques" sont pour beaucoup dans sa présence à l'écran.
Le véritable héros de l'histoire est son meilleur ami, Billy, un beauf rigolo, parfois complètement givré, incarné avec talent par Sam Rockwell (que l'on a pu voir dans Iron Man 2 et L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) :
Pour compléter le trio, on a une pointure, Christopher Walken, très classe en vieil époux attentionné... et plein de mystère :
A cause de l'enlèvement d'un chien (le gagne-pain des deux derniers membres du trio), la fine équipe va se retrouver confrontée à un chef de gang ultraviolent, hystérique et immature, incarné à merveille par Woody Harrelson (remarqué dans A Scanner darkly et No Country for old men) :
Une fois de plus, hélas, les femmes sont au second plan, que ce soit la copine blonde du héros, ou la petite amie brune du mafieux (Olga Kurylenko, toujours aussi charmante). Ne parlons pas de l'employée noire obèse. Seule l'épouse de Christopher Walken dispose d'une part de jeu intéressante.
Les autres personnages sont des rencontres virtuelles ou réelles du scénariste, qui essaie de constituer son "équipe" de sept psychopathes, support du scénario qu'il tente d'écrire. (Mention spéciale pour Tom Waits, le tueur de tueurs en série... qui affirme avoir liquidé le Zodiac !) Il faut donc prendre soin de distinguer les scènes d'imagination pure des scènes se déroulant dans la vie réelle. Au début, cela va. Mais on finit par se rendre compte que ce qui a été raconté auparavant a des répercussions dans la vraie vie des personnages. Les deux mondes se croisent... et le film devient plus compliqué, un peu dingo... J'ai aimé !
Les amateurs de film d'action auront leur lot de meurtres. Les dialogues sont de surcroît fort bien écrits. C'est très souvent drôle, parfois de manière complètement inattendue. J'ai ainsi en mémoire une discussion entre Marty et Billy. Le premier voudrait écrire un thriller, dans lequel domineraient les discussions. Le second lui répond que cela risque d'être hyper-chiant... il n'est tout de même pas en train de faire un film français ! Plus loin dans l'histoire, dans le désert, Christopher Walken parle d'une vision qu'il a eue, dans une ambiance grise. Son interlocuteur lui demande : "Gris ? Comme en Angleterre ? " L'autre lui répond : "Pire."
La fin du film coïncide avec la conception de la fin du scénario. Billy nous offre sa vision d'un finale grandiose, avec beaucoup de détonations et d'hémoglobine. Marty n'est évidemment pas du tout de cet avis. Tout se joue autour du comportement des mafieux, décidément bien imprévisibles. Je vous laisse découvrir dans quelle direction leur intervention conduit le film...
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mercredi, 27 février 2013
5 caméras brisées
Ce documentaire (israélo)palestinien est autobiographique. Son auteur, Emad Burnat, n'est pas cinéaste de formation. Ni journaliste. Il est devenu les deux pour défendre la terre de son village, Bil'in, situé dans l'ouest de la Cisjordanie, pas très loin de Ramallah :
Vous aurez remarqué qu'il est très proche de la frontière avec Israël... dont le tracé suscite maintes polémiques, d'autant plus que les gouvernements israéliens laissent (ou poussent à) s'installer des colons au-delà de cette limite... et qu'ils ont lancé la construction d'un mur englobant des terres appartenant aux villageois palestiniens des environs :
Cela se voit mieux sur une image extraite de GoogleEarth :
En rouge est soulignée la frontière de 1949-1967. En noir est souligné le tracé originel de la "barrière de séparation" (tantôt une clôture, tantôt un mur). Voici ce que cela donne au niveau du village de Bil'in :
Les cinq caméras brisées sont celles d'Emad Burnat. D'une manière ou d'une autre, c'est l'armée israélienne qui est responsable de leur endommagement. Le film raconte les circonstances dans lesquelles ce jeune paysan va devenir l'un des fers-de-lance de la lutte contre la construction de la barrière et la spoliation des terres du village.
Bien que de mauvaise qualité visuelle (c'est de la vidéo bas de gamme), le film est intéressant par ce qu'il veut montrer... mais aussi par ce qu'il laisse à voir, involontairement.
Cela n'apporte rien de nouveau pour qui suit l'actualité du Proche-Orient, mais, pour les ignorants, c'est une bonne description des inconvénients de la présence israélienne pour les Palestiniens de la frontière. Les héros du film ont choisi la lutte non-violente. Dans le groupe se distingue une grande gueule démonstrative, véritable bête de scène, qui ferait presque sourire les soldats de Tsahal. Il y a aussi "el-fil" (l'éléphant), qui sait enthousiasmer les enfants. Et il y a le réalisateur, qui va payer de sa personne... et frôler la mort à plusieurs reprises.
Le ton du commentaire se veut neutre. Mais il est trop monotone à force de vouloir éviter l'indignation.
Sur la forme, on est quand même étonné que l'armée israélienne, dont l'action est parfois plus que contestable, accepte une telle proximité des médias, dans ce village. Dans bien peu de pays du monde des quidams seraient autorisés à filmer d'aussi près des situations aussi tendues.
On s'aperçoit aussi que les personnes mises en valeur (ou qui ont accepté d'être filmées) appartiennent plutôt à la (petite) classe moyenne. Soyez attentifs aux voitures présentes dans le village. L'intérieur de la maison du héros est par ailleurs assez coquet.
Les partis politiques traditionnels sont eux soigneusement tenus à l'écart, même si tous finissent par venir faire leur petit tour dans le village, sans doute en quête de popularité... ou de voix.
On note aussi une différence très grande entre les hommes, omniprésents dans la rue, habillés à l'occidentale (certains gamins palestiniens portent même un T-shirt avec une inscription en hébreu !), et les femmes, le plus souvent confinées à l'intérieur... et toutes voilées.
En dépit de ses maladresses, le film a été nommé aux Oscar 2013, dans la catégorie documentaire. (Il n'a pas été primé.) Sur le site de l'Académie, on peut lire les réponses d'Emad Burnat au questionnaire des nominés. Il a toutefois failli ne pas pouvoir assister à la cérémonie, ayant été retenu à la douane de Los Angeles. (En complément, on peut lire le récit du co-réalisateur israélien.)
P.S.
Si vous avez observé attentivement la dernière illustration, vous avez noté la présence d'un second tracé, en pointillés. Son explication est à chercher dans le film.
23:32 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
mardi, 26 février 2013
Syngué Sabour
... "Pierre de Patience" en français. Le titre évoque l'objet auquel on confie ses plus intimes secrets, qui les absorbe sans les révéler... mais qui finit par exploser.
L'héroïne est une femme, mariée très jeune à un moudjahidine afghan, dont elle a eu deux filles. Elle est incarnée par une actrice franco-iranienne (superbe brune), Golshifteh Farahani.
On n'entend pas le mari, plongé dans le coma après qu'il a reçu une balle dans la nuque. Sa famille ayant fui Kaboul, c'est à sa femme que revient la charge du malade (et des deux enfants). Cette situation nouvelle, dangereuse, est néanmoins source de liberté : échappant (partiellement) à l'autorité des hommes, l'épouse va pouvoir gérer sa vie un peu plus à sa guise. Comme elle en a gros sur la patate (et personne à qui se confier), elle va vider son sac devant son mari étendu.
La première partie du film dépeint les difficultés de la vie quotidienne en temps de guerre. Par la bouche de l'héroïne, on découvre aussi les misères d'une jeune mariée, qui n'a pas choisi son époux et qui ne semble pas avoir été bien accueillie par sa belle-famille.
La deuxième partie voit arriver des moudjahidines. En tant que femme, elle est un butin potentiel. Je ne vais pas raconter quel stratagème elle emploie pour éviter de se faire brutaliser par la soldatesque. Mais, à partir de ce moment, va se nouer une drôle de relation entre l'héroïne et l'un des jeunes combattants. Lui-même est une victime : orphelin, enrôlé de force, il subit les brimades d'autres soldats, en particulier de son commandant. Les confidences que l'héroïne fait à son époux, dont elle cache le corps derrière un rideau, deviennent plus érotiques... et les hommes en prennent pour leur grade ! La jeune femme peut aussi s'appuyer sur une tante, qu'elle a fini par retrouver, et dont la situation... spéciale... est le résultat du mépris dans lequel sont tenues les femmes.
La troisième partie est celle des coups de théâtre. La parole et le comportement de l'épouse sont de plus en plus libres. Elle oublie parfois de porter le voile, ne sait plus où se trouve l'exemplaire du Coran familial et ose se maquiller. C'est le moment qu'elle choisit pour révéler à son époux son plus terrible secret. La "pierre de patience" finit par exploser... mais je ne vous dirai pas comment.
Après Wadjda, voilà donc un deuxième film sur les femmes en terre d'islam qu'il ne faut pas manquer. Ici, le réalisateur a su alterner les scènes de monologue (que l'actrice réussit à rendre intenses) et les scènes où surviennent des péripéties qui relancent l'action.
19:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
lundi, 25 février 2013
Les Oscar 2013
Plus que les César français, dont le palmarès 2013 me paraît particulièrement marqué par un certain parisianisme bien-pensant, les Oscar de cette année sont révélateurs de l'état du cinéma... et de la société américaine.
Je ne suis pas mécontent qu'Argo ait été primé, même si ce n'est pas pour moi le meilleur film de l'année écoulée. J'aurais préféré que Django unchained obtienne la statuette, de même que celle du meilleur réalisateur pour Quentin Tarantino, même pas nommé dans cette catégorie (tout comme Ben Affleck). Qu'on lui attribue l'Oscar du meilleur scénario original n'est pas illogique mais, pour avoir revu récemment Django, je confirme que la mise en scène est vraiment très travaillée. (Suprême élégance, après avoir reçu le gros presse-papier, Tarantino a surtout pensé à remercier ses acteurs.) Je pense que, vu le contexte de violence par armes à feu (et le débat qu'elle provoque), il a paru peu opportun à nombre de membres de l'Académie de promouvoir un film qui traite avec autant de désinvolture l'usage des révolvers. (Zero Dark Thirty a été évincé du palmarès pour des raisons approchantes.) On se consolera avec le deuxième Oscar du second rôle pour l'excellent Christopher Waltz.
C'était couru d'avance et c'est mérité : Daniel Day-Lewis est récompensé pour sa performance dans Lincoln, film qui repart beaucoup moins pourvu que ce qui était annoncé. Cela ne m'étonne qu'à moitié : Steven Spielberg a fait trop long, trop verbeux, même si c'est globalement du bel ouvrage (notamment grâce aux acteurs). Peut-être aussi certains votants n'ont-ils pas goûté cette vision de la politique, faite de compromis voire de compromissions. A Hollywood, on semble préférer Spielberg quand il fait rêver.
Je ne suis en revanche guère emballé par la brochette de récompenses attribuée à L'Odyssée de Pi, film très surévalué à mon avis. Qu'Ang Lee ait obtenu l'Oscar du meilleur réalisateur pour ce long-métrage, où il n'est pas toujours à l'aise derrière la caméra, est limite un scandale, surtout quand on a vu ce qu'ont fait Tarantino ou même Spielberg. Pour les effets spéciaux, le prix paraît plus mérité... mais les votants ont peut-être été trop sensibles à certains aspects clinquants.
En cette époque difficile de crise économique et de violences diverses, on a cherché un peu de bonheur dans les salles obscures... et l'on a récompensé ceux qui ont apporté juste un peu de joie, d'espoir. Cela permet de comprendre le choix des actrices (Jennifer Lawrence et Anne Hathaway), pour le premier comme le second rôle, ainsi que la statuette obtenue par le court-métrage d'animation Paperman, très réussi sur le plan visuel, mais assez passéiste sur le fond. Je me réjouis néanmoins que Jacqueline Durran ait été honorée pour les costumes (splendides) d'Anna Karenine.
Au rayon des regrets, je range l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, qui a hélas échappé à A Royal Affair, que je ne saurais trop vous conseiller. Son interprète principale, Alicia Vikander, aurait (au moins) mérité de fouler le tapis rouge californien. Dans un autre genre, j'aurais aimé que Skyfall bénéficie de la reconnaissance des professionnels. Il a déjà eu celle du public, mais, la nuit dernière, on ne lui a pas laissé grand chose.
P.S.
Les curieux pourront s'amuser à chercher les signes de nervosité chez la chanteuse Adele, qui a interprété la chanson-titre en direct, devant ce public exigeant... et des millions de téléspectateurs. On la sent prendre de l'assurance au fur et à mesure qu'elle chante.
13:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
dimanche, 24 février 2013
Lore
Il faut prononcer "Laurè". C'est sans doute une forme écourtée de Lorelei, puisée dans la mythologie germanique. Il n'est pas étonnant que les parents de l'héroïne, qui sont des nazis convaincus, aient choisi ce type de prénom. Ils sont à l'exemple des classes aisées qui ont ardemment soutenu la politique menée par Adolf Hitler. La mère est une femme au foyer prolifique, dont le cinquième enfant est encore un bébé. Son époux est un officier nazi, en poste sur le front de l'Est, dont certaines photographies (qu'il faut désormais détruire) évoquent une action particulièrement ignoble. Nous sommes en 1945, dans le Bade-Wurtemberg, et le IIIe Reich s'effondre.
Le grand mérite de ce film est de nous faire revivre cette époque du côté allemand. A mon avis, la réalisatrice fait preuve d'un peu trop d'empathie pour certains personnages Elle prend toutefois soin de distinguer les catégories de populations. Les Allemands n'ont pas tous été nazis, loin s'en faut et, en 1945, dans les campagnes, c'est un peu chacun pour soi. Cette partie du film, qui voit la famille en fuite tirer le diable par la queue rappellera au public français des fictions consacrées aussi bien aux civils pendant la guerre qu'aux juifs cachés dans la France occupée.
Très vite, c'est à la soeur aînée qu'incombe le rôle de maman de substitution. On sent qu'en dépit de son intelligence et de sa grande maturité, la charge est un peu lourde pour ses fragiles épaules. Il faut dire qu'en très peu de temps, elle découvre des côtés peu ragoûtants de la personnalité de ses parents et qu'elle est confrontée aux aspects les plus sordides de la guerre (égoïsme, meurtres et viols), alors qu'elle vivait jusque-là dans une bulle protégée. La jeune actrice Saskia Rosendahl excelle à restituer les sentiments troublés, parfois contradictoires, qui agitent l'héroïne.
La rencontre d'un jeune juif (ou présumé tel) donne davantage d'épaisseur au périple des enfants. Les relations sont tendues, mais les uns ont besoin des autres... sans compter que les sentiments les plus forts (et déroutants) peuvent surgir quand on ne les attend pas.
Cette deuxième partie est selon moi moins réussie que la première. Il y a une certaine complaisance dans l'accumulation des malheurs. Il me semble aussi que la réalisatrice n'a pas su trop quoi faire du drôle de couple qui était en train de se former. Les scènes deviennent très appuyées, lourdes... et ce bébé qui ne cesse de hurler est in-sup-por-table !
Un quart d'heure avant la fin, une (nouvelle) révélation survient, qui change le déroulement du périple. Cela redonne de l'intérêt à l'histoire. Certains personnages finissent par trouver un refuge, du côté de Hambourg. Mais la réalisatrice n'a pas su terminer son film. Dommage.
22:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 23 février 2013
Antiviral
Le talent (ou son absence) ne se transmet pas. Il peut s'acquérir grâce à une certaine familiarité avec un monde professionnel. Dans la famille Cronenberg, voici donc le fils Brandon, qui a travaillé jadis avec son père et qui signe là son premier long métrage.
On ne sera pas étonné d'y retrouver certaines des obsessions du paternel, notamment le mélange du corps et de la machine (dans une scène d'hallucination qui voit le héros malade fusionner avec l'équipement qui lui permet de mener son petit trafic... et surtout à la toute fin, que je me garderai bien de raconter). Mais elles me semblent présentes à titre d'hommage, le fils ayant déjà un style bien affirmé.
Le tour de force de ce film est de réussir à créer une ambiance de science-fiction avec très peu de moyens "modernes". Vous ne verrez pas ici une débauche d'effets spéciaux et d'incrustations numériques. C'est grâce aux décors, à l'éclairage, à la musique (totalement en phase avec l'ambiance de l'histoire ; elle est signée E.C. Woodley), au cadrage et au jeu des acteurs (Caleb Landry Jones : un nom à retenir) que cet univers est rendu vraisemblable. C'est emballant... et cela m'a un peu rappelé THX 1138, de George Lucas, où la couleur dominante est aussi le blanc.
Cette pureté et cette propreté apparentes masquent la cupidité, les magouilles... et finalement le sang. L'intrigue mêle un polar, une étude de moeurs (très pessimiste sur l'évolution de notre société du spectacle et de l'argent roi), une ébauche d'histoire d'amour et l'expérimentation médicale.
J'ai été "pris" dès le début. Le réalisateur a eu soin de ne pas démarrer trop rapidement pour que tout le monde rentre dans l'intrigue. Elle est plus complexe qu'il n'y paraît. Par contre, dans la seconde moitié du film, quelques coupes auraient pu être pratiquées, non pas que certaines scènes soient inutiles, mais il aurait été judicieux d'en écourter plusieurs, où la caméra s'attarde inutilement.
23:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 22 février 2013
Hôtel Transylvanie
Cette animation grand public joue sur les stéréotypes... et un humour souvent potache : le pipi-caca-prout-morve-vomi... d'où mon intérêt !
Pour le pipi-caca, on a par exemple le changement des couches de l'héroïne (quand elle est bébé)... par le comte Dracula en personne... eh oui, papa met la main à la pâte... mais sans se salir les doigts ! Quel pro !
Au niveau du prout, il faut signaler le gag ÉNORME qui entoure l'arrivée de la momie... à qui le monstre de Frankenstein joue un tour pendable... mais tellement drôle ! (De manière générale, la première demi-heure est excellente.)
Du côté du vomi, c'est la mouche qui se distingue... parfois imitée par des convives un peu bas du plafond. Qu'en pense David Cronenberg ?
Enfin, la morve apparaît au détour de l'intervention d'un horrible cuistot français, accompagné de son rat (clin d'œil moqueur à Ratatouille).
Vous l'aurez compris, cette production Sony est farcie de références aux classiques du cinéma et du film d'animation... mais les (pas trop) jeunes n'ont pas besoin de cela pour apprécier l'histoire.
J'ai aussi aimé le contraste entre l'autoritarisme apparent de Dracula (tantôt d'une raideur glaciale, tantôt diaboliquement infernal) et son côté "papa poule". Ce n'est pas d'une très grande subtilité, mais c'est mis en scène de manière efficace, avec des mouvements rapides, des formes étudiées, tant au niveau des visages que des vêtements des personnages.
On a donné à la fille du comte une apparence un brin "gothique". On a eu la bonne idée de ne pas fringuer la jeune (118 ans !) Mavis comme certaines pétasses des productions destinées à la jeunesse : elle porte une robe moulante courte, des collants bariolés et des chaussures plates... mmm... c'est mimi tout plein, ça. (Dans la version française, c'est Virginie Efira qui lui prête sa voix, avec talent. Rappelez-vous : elle incarnait déjà la délicieuse Kitty dans Le Chat Potté... et d'ailleurs, dans ce film, l'un des personnages nous la joue "chat apitoyeur".) Ajouté aux décors et à la tronche des invités, cela donne un petit côté "Famille Adams" à cette ambiance décalée, teintée d'humour noir.
Par contre, le jeune héros est assez agaçant. C'est un mélange de randonneur "cool" et de DJ. Il est certes sympathique, mais énervant par son obstination à vouloir faire la teuf'. Ne parlons pas de la bande musicale, qui voit alterner titres dance, morceaux de rap et chansons à la guimauve... Beurk !
A ces deux réserves près, c'est un bon divertissement.
21:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
jeudi, 21 février 2013
L'Oscar du court-métrage d'animation 2013
Comme en 2011, la compétition s'annonce serrée. J'ai envie de classer les cinq nominés en trois catégories : les outsiders talentueux, les productions de renom... et mon préféré.
Les outsiders sont au nombre de deux. Les amateurs de cuisine moléculaire se délecteront à la vision de Fresh Guacamole, d'une indéniable habileté visuelle, mais à l'histoire un peu limitée :
Plus fouillé, Head over heels raconte la vie de ce vieux couple qui ne communique plus. La rupture du lien (malgré la poursuite de la cohabitation) est matérialisée par la mise en scène sur deux plans inversés :
Face à ces deux films, on trouve deux productions plus classiques, soutenues par de grosses machines.
Celle qui a suscité le plus de buzz sur la Toile est Paperman (sortie de chez Disney). Ce superbe noir et blanc évoque le début d'une histoire d'amour entre deux employés, l'homme semblant exercer une activité professionnelle particulièrement rébarbative. Mais, un jour, sur le quai d'une station de métro, un "accident" vient mettre un peu de couleur dans sa vie :
De son côté, la Twentieth Century Fox a produit The Longest Daycare (qui a été projeté en salle, en guise d'introduction à L'Age de glace IV). L'héroïne n'est autre que Maggie Simpson, dont l'ingéniosité va se révéler précieuse dans le monde impitoyable de la crèche locale :
Notons que ces cinq minutes sont bien plus drôles que la quasi-totalité des épisodes des Simpson que j'ai pu voir (pas énormément, vu que je ne goûte guère la série).
Mon chouchou reste toutefois Adam and dog, qui narre la rencontre entre le premier homme et ce qui pourrait être le premier chien. Le coup de la domestication est un peu facile, mais les sons comme les images sont vraiment splendides... et l'histoire nous ménage quelques surprises, le véritable héros étant le chien :
20:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 16 février 2013
Comme un lion
Ce lion est un jeune Sénégalais, Mitri Diop, passionné de football, pour lequel il semble avoir des aptitudes (c'est un peu la vedette de son village). Pour l'incarner, le réalisateur Samuel Collardey (remarqué naguère pour son excellent documentaire-fiction L'Apprenti) a choisi un acteur non professionnel, habile au maniement de la balle, qu'il est allé chercher en Afrique :
Il vit avec sa grand-mère, sans que l'on sache ce qu'il est advenu de ses parents. La première partie du film nous montre quelques aspects de la vie au village (où l'on cause dans un wolof mâtiné de français), entre les gamins qui ne pensent qu'au foot et les (grands)mères qui gèrent l'économie locale. (Les hommes adultes sont peut-être nombreux à être partis dans une pirogue.)
Le film s'est inspiré d'une histoire vraie qui, hélas, s'est souvent produite ces dernières années : le trafic de jeunes joueurs africains, par des agents (européens et africains) véreux. On voit donc débarquer un prétendu détecteur de champions, ancien professionnel camerounais, qui va embobiner tout son monde... et escroquer la grand-mère.
La deuxième partie du film montre l'arrivée en Europe, où les ennuis vont s'accumuler pour le héros. Deux personnages vont jouer des rôles antagonistes : l'agent français, incarné avec brio par Jean-François Stévenin, et une jeune (et ravissante) Africaine pleine de répartie, Fatou. L'action se déroule dans l'agglomération parisienne, entre barres de HLM et foyers d'immigrés. On découvre le fonctionnement de la législation française.
La troisième partie est celle des occasions, ratées ou pas. On se retrouve dans le Doubs, entre Sochaux et Montbéliard. Mitri tente de s'intégrer au club de juniors entraîné par Serge, ancien jeune talent qui a mal tourné (interprété par l'excellent Marc Barbé, déjà vu dans Cloclo et L'Ennemi intime) :
Les scènes d'entraînement et de jeu sont vraiment bien filmées. On sent que Collardey connaît un peu le foot et qu'il a compris qu'il fallait mettre en scène la représentation du sport. Il n'oublie pas qu'il est documentariste : cette partie du film dresse un portrait social de la région de Montbéliard, entre fête de province (un mariage qui pourrait se tenir dans n'importe quelle petite ville de France) et travail à l'usine, la "Peuge".
On se rend compte que les deux protagonistes principaux ont leurs failles et, si l'intrigue tourne toujours autour du possible succès du jeune surdoué du foot (qui s'entraîne comme un malade), un coup de projecteur est donné sur la vie des anciens, pas assez riches pour vivre sur un grand pied et frustrés de la (relative) gloire perdue.
C'est donc un "petit" film remarquable, qui a l'intelligence de ne pas traiter du football que sur le mode sportif, dans un monde de mecs où les femmes jouent un rôle important.
P.S.
Parmi les histoires qui ont inspiré Samuel Collardey, il y a sans doute celle d'un Camerounais de 20 ans, Stéphane, qui a eu un parcours encore plus chaotique que celui du héros du film.
P.S. II
L'association Foot Solidaire tente de protéger les jeunes joueurs des maquignons du football, qui s'enrichissent sur le talent et la crédulité d'autrui.
15:36 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
vendredi, 15 février 2013
The Master
De Paul Thomas Anderson, j'ai beaucoup aimé Boogie Nights, Magnolia et There will be blood. C'est un véritable auteur, capable de développer un univers original. Dans son dernier film, il s'inspire de la vie du fondateur de la secte scientologue, Ron Hubbard (dont le premier prénom Lafayette, est transformé en Lancaster), pour mettre en scène la relation trouble qui va naître entre deux hommes, le Maître et le disciple, incarnés par deux acteurs de poids, Philip Seymour-Hoffman et Joaquin Phoenix.
La première heure est un régal. On découvre des soldats américains désoeuvrés... et traumatisés par ce qu'ils ont vécu durant la Seconde guerre mondiale. Une séquence m'a particulièrement marqué : la construction et "l'entretien" d'une sculpture de sable de femme, sur une plage. En accord avec le désordre intérieur des personnages (dont le principal), la musique dysharmonique convient parfaitement à la première moitié du film.
Quell-Phoenix ne parvient pas à se réinsérer dans l'Amérique de la fin des années 1940. Photographe dans une galerie commerciale, il se fait virer à cause de ses sautes d'humeur. Travailleur saisonnier dans l'agriculture, il s'attire l'hostilité de certains ouvriers à cause de son alcool frelaté... parce qu'il faut dire que le monsieur est une véritable éponge. Cumulé à sa maladie mentale, son alcoolisme fait de lui un être instable par essence, qui semble voué au malheur.
La rencontre avec le gourou de la Cause est un tournant. Le tempérament peu ordinaire de Quell s'accommode très bien du fonctionnement étrange des groupes placés sous l'influence de Lancaster Dodd. Philip Seymour Hoffman est excellent... mais rendu trop sympathique à mon avis. Il est entouré d'une pléiade de femmes, toutes très bien jouées. Sans que cela soit trop montré, il est évident que sexe et pouvoir spirituel sont liés. Là encore une séquence est particulièrement forte, celle qui présente le héros, sous le coup d'une hallucination, voyant toutes les femmes nues lors d'une soirée. Un peu plus loin, la nouvelle épouse du Guide (Amy Adams, très bien) tente de reprendre le dessus sur son homme en le "finissant" à la main. Elle estime que le dernier ami de son époux occupe trop de place... et qu'il exerce une mauvaise influence, en raison du breuvage qu'il fabrique.
A partir du moment où la secte (et son gourou) décident de s'occuper de Quell (pour le "guérir"), l'ambiance retombe. C'est une grosse déception. Les scènes deviennent inutilement longues. Phoenix en fait des tonnes, façon actors studio. C'est à ce moment-là que je me suis souvenu que je l'avais pas tellement aimé dans La Nuit nous appartient. Pourtant, il y avait de l'idée dans cette opposition du gras et du maigre, du charismatique et de l'introverti, du réfléchi et de l'impulsif. Dans la seconde moitié du film, seule la séquence du désert (avec la moto) redonne un peu de souffle à l'ensemble. Mais Anderson ne parvient pas à terminer son film et l'on sort de là finalement dépité.
19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
jeudi, 14 février 2013
Lincoln
Steven Spielberg enchaîne les films à gros budget ; Lincoln succède aux Aventures de Tintin et au Cheval de guerre. Par contre, il change de genre. Il s'agit ici d'une tentative de reconstitution historique, minutieuse, sans guère de spectacle. Et pourtant, en toile de fond se trouve la Guerre de Sécession, dont la conclusion pèse sur l'aboutissement d'un projet cher au coeur du président des Etats-Unis : le vote du treizième amendement, abolissant l'esclavage.
Les interprètes sont souvent excellents, à commencer par Daniel Day-Lewis, auteur une nouvelle fois d'une prestation remarquable. (Il me manquait depuis There will be blood.) Il campe à la perfection ce grand idéaliste à la morale inflexible, qui va devoir se faire plus dur et plus manipulateur pour parvenir à ses fins. Il va être aidé par les "gauchistes" de l'époque (appelés "radicaux"), qui vont accepter de modérer leur attitude. Dans ce groupe se distingue Thaddeus Stevens, incarné avec talent par Tommy Lee Jones. Ce personnage nous réserve des surprises... jusqu'à la toute fin !
Trois autres groupes épaulent le président : les proches, les républicains conservateurs (qu'il faut toutefois convaincre... voire tromper) et un trio d'employés véreux, chargés de faire basculer certains votes (chez les démocrates, dont l'écrasante majorité est contre le projet de Lincoln). Leurs interventions sont savoureuses... et rappellent qu'il est difficile d'envisager de faire de la politique à un haut niveau sans parfois se salir les mains. Le film aborde ces questions délicates, sans aller toutefois au fond des choses.
La description du processus parlementaire alterne avec les moments familiaux. Spielberg a voulu montrer que ce président si populaire, qui a marqué son temps, n'a pas été heureux. Il a perdu un fils, a vu s'effilocher son mariage. (Sally Field, qui joue l'épouse, en fait un peu trop à mon goût.) Les relations avec son fils aîné ne sont pas très bonnes non plus. (Dans le rôle, Joseph Gordon-Levitt m'a paru moins convaincant que dans Looper.)
2h30, c'est toutefois un peu long et, si certains morceaux de bravoure parlementaire méritent le détour, on aurait pu (dû) pratiquer quelques coupes. Notons que si le matériau est historique, le film peut aussi se voir comme un polar politique. La réalisation en est soignée, Spielberg semblant avoir été particulièrement attentif au placement de la caméra. Il est néanmoins desservi par une musique trop présente, qui a tendance à surligner. On a l'impression d'avoir déjà entendu des dizaines de fois certains passages. (John Williams nous a habitués à mieux.)
Bref, c'est plutôt un bon film, mais avec quelques défauts notables.
20:07 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
mercredi, 13 février 2013
Hiver nomade
Ce documentaire est consacré à une pratique qui ne cesse de décliner, la transhumance ovine (hivernale) en Suisse romande. On suit, sur une saison de quatre mois, deux bergers et leurs animaux de compagnie (ânes et chiens), dans leur périple professionnel.
Le berger en chef est un Français (corrézien de naissance), Pascal, la cinquantaine, autodidacte, débrouillard, paternaliste, charismatique, amoureux de la nature. Il dirige le troupeau de main de maître... et forme son assistante, Carole, une Bretonne pleine de courage, mais parfois un peu dépassée par les événements... et on la comprend.
Le film montre la dureté de la vie au quotidien face aux éléments : le froid, la neige (précoce cette année-là), la pluie. L'installation des bâches, le soir, est une étape-clé : elle va donner un peu de répit aux bergers, même si, en période de transhumance, on doit toujours rester sur le qui-vive. On apprécie d'autant plus certains petits plaisirs, comme ces huîtres dégustées au tournant de la nouvelle année.
Les humains sont très dépendants de l'aide que leur apportent les ânes et les chiens. Les premiers, pas toujours dociles, transportent leur "kit de survie". Ils sont fortement mis à contribution, au point que l'un d'entre eux doit être remplacé, en cours de transhumance.
Les chiens, eux, sont indispensables à la conduite et la surveillance du troupeau (qui atteint 800 têtes au plus haut)... mais certains canidés ont tendance à n'en faire qu'à leur tête. Le parcours est donc aussi l'occasion de parfaire leur dressage... et de commencer celui du dernier venu, qui a la chance de débuter le voyage dans la poche du vêtement ample de la bergère ! (Il est mignon tout plein.) On découvre certaines pratiques des bergers, comme le choix dans le troupeau de "poissons-pilotes", des moutons leaders, qui bénéficient d'une nourriture d'appoint et entraînent le reste du groupe là où les humains veulent les mener.
Entre les deux bergers, les relations sont parfois un peu tendues. Incontestablement, ils s'entendent bien, mais le "chef" voudrait bien que son assistante devance ses demandes. Elle aussi est un peu en formation. Ceux qui ont vu Entre les Bras ne seront pas étonnés que des proches soient parfois sans concession l'un pour l'autre dans le cadre de l'activité professionnelle.
La photographie est superbe. Il faut dire que le sujet s'y prête. On est dans les Alpes suisses, enneigées la majorité du temps. Avec les bergers, on goûte la quiétude des pâturages d'altitude. On apprécie le silence de la campagne. Les rencontres que l'on fait sont parfois enrichissantes, parfois sources de tension, comme celle de paysans locaux qui, sans le dire explicitement, font comprendre à nos héros qu'il faudrait qu'ils dégagent rapidement, sans empiéter sur leurs terres.
Notons que le périple est géré à distance par un patron (qui a constitué le troupeau). Il vient de temps à autre voir comment cela se passe sur le terrain... mais aussi pour récupérer des bêtes engraissées et les vendre après abattage.
Ce n'est pas long (1h25), c'est joli à regarder et on apprend des choses. Un film à découvrir, un peu comme Jon face aux vents, l'an dernier.
20:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
dimanche, 10 février 2013
Wadjda
Première surprise concernant ce film : il cartonne à l'Utopia de Toulouse. J'ai dû faire la queue pour acheter la place et, lorsque la séance a commencé, la salle 1 (la plus grande) était presque pleine... de femmes ! Des (très) jeunes (venues avec leur maman) et des très âgées, qui ont parfois réussi à entraîner leur compagnon. L'un d'entre eux a d'ailleurs roupillé à côté de moi pendant une bonne partie du film !
Le début m'a un peu inquiété. J'ai redouté un film illustrant le "féminisme de salon", dénonçant les méchants islamistes qui empêchent les femmes de se maquiller et de porter des hauts talons. La jeune Wadjda apparaît comme attirée par ce qui choque les conservateurs : elle ne peut pas se séparer de ses baskets Converse, écoute de la musique occidentale, porte des piercings (discrets) et rechigne à ajuster le voile (quasi) intégral dans lequel l'idéologie fondamentaliste veut enfermer les femmes. Au quotidien, elle se fait taquiner par l'un de ses voisins, pas très sympathique de prime abord... et ses parents (appartenant visiblement à la classe moyenne) ne semblent pas beaucoup s'occuper d'elle.
Mais, au fur et à mesure que l'on découvre les personnages, que nous est révélée la vie quotidienne de certaines femmes saoudiennes, cela devient passionnant. C'est d'abord dû à l'interprète du rôle-titre. Cette petite Waad Mohammed est pétrie de talents et sait magnifiquement faire passer à l'écran l'ironie frondeuse que la réalisatrice Haifa Al Mansour a distillée dans l'intrigue.
Pourtant, la vie n'est pas drôle pour les femmes dans ce pays. Si, à l'intérieur de leur logement, elles évoluent dans les habits de leur choix, dès qu'elles sortent, elles doivent se soumettre à l'un des plus rétrogrades codes vestimentaires qui soient. Mais ce n'est pas tout. On sent la domination des hommes au quotidien : les femmes sont dévolues aux tâches ménagères et à la procréation. (C'est d'ailleurs parce qu'elle ne peut pas donner de fils à son mari que la mère de l'héroïne va devoir accepter qu'il prenne une deuxième épouse. Ajoutons que l'arbre généalogique familial ne mentionne que les hommes.) Elles n'ont pas le droit de vote et rencontrent de grandes difficultés pour exercer une activité professionnelle.
Les scènes d'école sont très réussies. On y voit le contraste entre la bigoterie imposée aux filles et leur désir de vivre la vie de leur choix (du moins pour les plus rebelles). La petite Wadjda réussit à se faufiler entre les gouttes. Elle y mène ses petites affaires... et n'hésite pas à monnayer ses services ! Suprême habileté, elle va faire croire à son nouveau zèle religieux, pour tenter de remporter un concours portant sur la connaissance et la récitation du Coran ! Pour cela, elle achète un DVD-quiz et s'inscrit à des séances de psalmodie. Son véritable but est de gagner suffisamment d'argent pour pouvoir acheter le vélo de ses rêves.
Trois beaux personnages entourent celui de Wadjda : sa mère, son voisin et la directrice de l'école. La première est sans cesse sur la brèche, entre un mari qui la délaisse, un travail qui l'éloigne de sa fille et un transporteur indélicat. (Elle fait un geste magnifique, pour sa fille, à la fin du film.) Le deuxième est finalement plus sympathique qu'il n'y paraît. On comprend rapidement qu'il en pince pour cette voisine anticonformiste, un peu chieuse sur les bords, mais qui a tellement de charme. La troisième est le personnage le plus ambigu. A l'intérieur de l'école, l'apparence qu'elle se donne pourrait la faire passer pour une parfaite occidentale. Et pourtant, c'est la plus acharnée à faire respecter le règlement, dans ses aspects les plus stricts. On finit par apprendre qu'elle eut une jeunesse sans doute tapageuse et que sa vie privée n'est peut-être pas aussi conforme à la morale islamique qu'on pourrait le croire.
C'est donc un film riche de contenu, avec un aspect documentaire, mais souvent drôle. La réalisatrice sous-entend que, pour les femmes de 30-50 ans, la cause paraît perdue, mais que si celles-ci se battent, l'espoir est permis pour la génération suivante.
13:36 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film
samedi, 02 février 2013
Django unchained
Dans son nouveau film, Quentin Tarantino pratique l'hommage, le calque et le retournement. Django unchained est donc formaté comme un western spaghetti. C'est particulièrement sensible au niveau des incrustations à l'écran et de la musique. Sergio Leone n'est pas loin, notamment dans un plan sur les yeux de Django-Jamie Foxx qui, de surcroît, est là pour régler de vieux comptes.
Cependant, à la différence de ses illustres devanciers, Tarantino choisit de placer au centre de l'action un Noir. Il pousse le vice jusqu'à montrer celui-ci châtiant d'immondes Blancs racistes. Voilà le retournement. Comme dans Inglourious Basterds, il réécrit l'histoire au profit des victimes.
La première séquence est une véritable merveille. Il y a tout : une ambiance nocturne chiadée, un souci du détail, aussi bien dans les scènes de dialogue que dans la baston (assez brève... ce n'est que la mise en bouche, voyons !). Et parlons-en, des dialogues (en vo sous-titrée, c'est mieux : on savoure les passages en français, entendus dans la seconde partie) : Christopher Waltz (qui confirme tout le bien que je pensais de lui déjà dans Carnage) se pourlèche les babines des répliques que lui a concoctées Tarantino. Le plaisir continue dans la bourgade de péquenots, qui nous montre une seconde fois le "docteur" Schultz dans ses oeuvres.
En dépit du titre, c'est donc bien le personnage incarné par Christopher Waltz qui est le héros de la première partie. Il mène l'action, tel un deus ex machina sorti de sa roulotte de dentiste (excellente trouvaille). Les plus belles répliques sortent de sa bouche. Mais, petit à petit, Django, au départ timoré et interloqué (mais ravi de sa nouvelle liberté), va prendre de l'assurance. Si la qualité des dialogues s'en ressent, l'action gagne en intensité : la sauce tomate jaillit davantage des corps (jusqu'à tapisser les murs) et l'on voit encore plus de cadavres propulsés ou déformés par la balle qui les atteint. On aura compris qu'il ne faut pas chercher trop de vraisemblance dans les scènes de baston. On est juste là pour prendre son pied.
Les bons esprits regrettent l'abus de violence gratuite... mais on est chez Tarantino. (N'y emmenez donc pas vos gamins !) Il n'est pas moins ambigu que dans ses précédents films. C'est évidemment bourré d'humour. Les drogués de mise en scène apprécieront particulièrement certains moments, comme le service de la bière (dans la première partie) ou "le spectacle d'intérieur", qui voit nos héros rencontrer un gros enculé efficacement interprété par Leonardo DiCaprio. Toutefois, côté acteurs, dans la seconde partie, c'est Samuel L. Jackson qui casse la baraque. Il joue une sorte d' "Oncle Tom" odieusement servile... machiavélique au fond.
Son arrivée à l'écran coïncide avec le retour des dialogues percutants. La parole, comme toujours chez Tarantino, permet de faire basculer l'action. Elle va d'ailleurs sauver la mise à l'un des héros et faire rebondir une nouvelle fois l'action, histoire que le film se conclue sur un ultime massacre.
Et les femmes, là-dedans ? On les voit peu. C'est étonnant, parce que Quentin nous avait habitué à des personnages féminins plus étoffés. Ici, elles jouent les utilités (comme dans les westerns spaghetti dont il s'inspire). On se pose néanmoins des questions sur la "femme masquée", qui fait partie de la troupe de soudards employée par Candie-DiCaprio. On la voit à l'occasion de la capture d'un évadé, dans le transport qui suit vers la propriété du maître, ainsi qu'à la fin, dans une baraque où s'entassent les employés : elle y visionne des images touristiques de la Grèce. Tarantino avait visiblement prévu de consacrer quelques scènes à ce personnage... Va falloir se ruer sur les bonus du DVD !
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jeudi, 31 janvier 2013
Zero Dark Thirty
Le titre évoque un moment de la nuit, celui durant lequel on imagine que les Navy Seals ont pris d'assaut le refuge d'Oussama ben Laden, au Pakistan, en mai 2011.
Le film était attendu pour ce qu'il était censé montrer. Il est d'abord intéressant par ce qu'il ne montre pas à l'écran. Cela commence par la référence aux attentats du 11 septembre 2001, présentés uniquement par voie sonore, avec un écran noir. N'oublions pas que la réalisatrice est américaine et que, pour son public national, ces événements constituent peut-être la plus terrible catastrophe humaine de l'histoire du pays. Il leur faudra encore un peu de temps pour réaliser que, dans d'autres pays du monde, des horreurs bien pires ont été perpétrées. Ce "noir" visuel nous pousse néanmoins à tendre l'oreille. L'un des coups de fils choisis est celui d'un jeune homme, qui tente de rassurer sa famille en précisant que, si un avion a bien percuté la tour n°1, lui se trouve dans la tour n°2... en sécurité.
Le film, bien que minutieusement construit, fourmillant de détails, reste très évasif sur son personnage principal , l'agent de la CIA Maya (incarnée par Jessica Chastain, une nouvelle valeur sûre de Hollywood, déjà remarquée pour ses prestations dans L'Affaire Rachel Singer et La Couleur des sentiments). Quand bien même ce personnage est la fusion de plusieurs personnes réelles, on aurait pu nous en dire plus sur son passé. On comprend qu'elle a été recrutée très jeune par la CIA, en 2000 ou 2001. Vu l'obstination dont elle fait preuve dans la traque de ben Laden (et sa réaction tout à la fin, après la découverte de son cadavre), on en déduit qu'elle a perdu un ou plusieurs proches le 11 septembre 2001. L'actrice donne de la vraisemblance à ce personnage de moine-soldat au féminin, mais le scénario la dessert un peu.
A ce propos, on notera que la caméra ne filme jamais entièrement le chef terroriste, et surtout pas en gros plan. Si l'on conçoit que ce n'est pas l'homme qui est le plus dangereux, mais les idées qu'il véhicule, c'est logique. On nous a aussi épargné la scène de largage du corps en pleine mer (si cela s'est réellement passé ainsi). De ce point de vue toutefois, le film se situe dans la lignée de la politique américaine, qui a voulu éviter de faire du terroriste une icône, mais qui est arrivée au résultat exactement opposé. La découverte de ben Laden dans le sac mortuaire m'a irrésistiblement fait penser à la mort d'Ernesto Guevara... joli paradoxe qui voit un révolutionnaire athée et un intégriste musulman devenir des figures christiques !
Il n'est pas non plus question des trois plus terribles attentats antioccidentaux qui ont succédé à ceux du 11 septembre 2001 : Bali (en octobre 2002), Madrid (en mars 2004) et Londres (en 2005). On pourrait justifier ces omissions en précisant que leurs auteurs avaient des motivations plus nationales qu'internationales. On pourrait aussi relier ces oublis à ce que déclare Maya (dans le film) à l'un des pontes de l'espionnage yankee : tuer ben Laden désorganiserait le réseau d'Al Qaïda et réorienterait sans doute l'action de certains groupes vers des objectifs nationaux. En gros, les Etats-Unis seraient un peu plus peinards, alors que leurs alliés auraient davantage de soucis à se faire...
Le film nous propose par contre de vivre du côté de la CIA deux attentats dont on a entendu parler, sans en saisir tous les enjeux à l'époque. Cela commence avec l'explosion d'un camion piégé à l'hôtel Marriott d'Islamabad, au Pakistan, en 2008. Présenté à l'époque comme une démonstration anti-occidentale de force, l'attentat semble avoir aussi eu des cibles très précises. Il en est de même avec celui de la base Chapman (en Afghanistan), en 2010. Dans le film, on le sent venir à des kilomètres. Ce manque de subtilité est contrebalancé par l'efficacité de la réalisation (Bigelow avait fait ses preuves avec Démineurs) et la qualité de l'interprétation.
C'est assez révélateur de l'ensemble du film : un produit bien fichu, documenté, mais très ambigu sur le fond. Le cas de la torture est exemplaire. On nous montre de longues scènes d'interrogatoire ou de mise sous pression. On peut à la fois féliciter la réalisatrice pour sa volonté de montrer la fange dans laquelle certains de ses personnages se vautrent. Mais un mauvais esprit pourrait objecter que la réussite de la traque de ben Laden reposerait, au moins en partie (selon le film), sur ces séances de torture...
Les amateurs de cinéma sont heureusement servis par plusieurs très bonnes séquences, comme la filature du messager de ben Laden, en pleine jungle urbaine pakistanaise (reconstituée en Inde !), détecteurs ultra-sophistiqués à l'appui. J'ai aussi particulièrement aimé la séquence de l'assaut du refuge pakistanais, filmé de nuit (avec une caméra spéciale) et dans un silence étouffant... à travers lequel, dans un premier temps, on ne perçoit que quelques bruits. Élément positif supplémentaire, le scénario se démarque ici de la version officielle de Washington, pour s'inspirer du récit d'un Navy Seal, ancien membre du commando, qui a révélé que ben Laden a été abattu alors qu'il ne représentait pas de menace directe pour les soldats. Cette expédition était donc bien une vengeance, pas du tout un acte de justice. C'est d'ailleurs l'impression qui se dégageait du titre originel de ce (très) long métrage, "For God and Country".
21:22 Publié dans Cinéma, Histoire, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, histoire
samedi, 26 janvier 2013
Le Roi du curling
Quelque part entre les Deschiens et Groland, cette comédie provinciale norvégienne pratique l'humour à froid... ce qui n'est guère surprenant dans ce pays spécialiste des sports d'hiver. Le curling est l'un d'entre eux. Pour les Européens de l'Ouest et du Sud, c'est une curiosité ethnologique, un peu comme le cricket ou le base-ball. Très populaire dans certains pays, on pourrait rapprocher sa pratique de celle de la pétanque ou des quilles chez nous : l'élite goûte peu ces activités sportives, alors qu'elles réclament beaucoup de concentration et d'habileté.
Ici, le héros, Truls Paulsen, est un monomaniaque qui considère ce sport comme un art. La moindre contrariété peut le faire disjoncter. La première partie du film nous montre donc la déchéance du champion, qui entraîne avec lui les membres de son équipe. Les hommes ont tous (plus ou moins) du bide... et souvent des problèmes psychologiques. Truls est un obsédé du rangement, son numéro 2 n'arrive plus à dormir, un troisième ne pense qu'à observer des oiseaux et le quatrième membre de l'équipe, véritable érotomane, saute sur tout ce qui bouge.
La deuxième partie du film montre ces gaillards en train de vivoter. On s'attarde tout particulièrement sur Truls, persécuté par sa mégère de femme. (Les séquences de salon, face à la télévision, valent leur pesant de cacahuètes !) Par contre, au boulot, on le ménage. Bourré de cachets, il fréquente un club de parole, où il rencontre un tas de dingos sympathiques... notamment un pépé atteint du syndrome de Tourette et une sorte d'artiste, très mignonne, qui va s'amouracher de lui... on se demande bien pourquoi !
La troisième partie est celle de la renaissance. Afin d'y parvenir, Truls va devoir s'émanciper de la tutelle de sa femme, remédier au problème de sommeil de son second, récupérer l'ami des oiseaux et canaliser l'énergie sexuelle du dernier acolyte. Le nouveau championnat approche. L'équipe la plus dangereuse est menée par l'éternel rival de Truls, un gros vantard permanenté, qui se prend pour le roi du monde... et que l'acteur norvégien a visiblement pris un grand plaisir à incarner !
Si le comique de situation basique (et un brin puéril) ne vous rebute pas, si vous avez apprécié un film comme Norway of life, ne ratez pas cette petite comédie, qui réussit à rendre passionnante une partie de curling !
22:01 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, cinema