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dimanche, 19 octobre 2014

Les Fantastiques Livres volants de M. Morris Lessmore

   Sous ce titre nous sont proposés cinq courts-métrages d'animation, le dernier donnant son nom à l'ensemble. Il raconte l'histoire d'une sorte de "gardien des livres", qui  va vivre dans une gigantesque bibliothèque, isolée en pleine campagne, entouré de livres volant comme des papillons :

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   C'est d'une grande maîtrise formelle, avec des couleurs chatoyantes. On sent aussi un peu de nostalgie pour un monde qui, nouvelles technologies aidant, est menacé de disparaître.

   Mais c'est une autre histoire qui m'a le plus emballé, celle contée par le premier court-métrage, M. Hublot, qui a obtenu l'oscar dans sa catégorie en 2014. Signalons que c'est une oeuvre française.

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   Le héros est un vieux célibataire (peut-être veuf), d'une maniaquerie maladive... et bourré de TOC. Il vit dans un monde hyper-mécanisé, bruyant et plutôt pollué. Il se rassure en se barricadant chez lui, entouré de ses livres, de sa télévision, de ses photographies... et de ses obsessions. Mais, un jour, par la fenêtre, il aperçoit un animal abandonné...

   Le deuxième film (dans l'ordre de projection) est Le Petit Blond et le mouton, dont le titre est directement inspiré du long-métrage Le Grand Blond avec une chaussure noire... et cela tombe bien, puisque le scénariste n'est autre que l'acteur Pierre Richard. Le héros est un garçon rêveur, un peu solitaire, qui s'ennuie à l'école. Je n'ai pas été particulièrement enthousiasmé. C'est plutôt destiné aux petits.

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   Le suivant, Dripped, nous fait suivre la vie d'un cambrioleur très spécial, puisqu'il ne s'intéresse qu'aux peintures, qu'il dévore littéralement :

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   Le graphisme s'inspire de différents styles picturaux, de Picasso à Jackson Pollock (auquel est dédiée l'histoire), en passant par les classiques des siècles précédents. Hommage à la peinture, le film tente de nous faire saisir l'émerveillement que peut éprouver un amateur d'art, le tout sur un fond jazzy.

   On termine par Luminaris, une création italienne, sans doute filmée image par image. On y découvre la vie terne d'employés des deux sexes. Le héros va tenter de "changer sa vie". Un vent de romantisme souffle sur cette histoire un peu passéiste.

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11:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

vendredi, 17 octobre 2014

Gone Girl

   Le titre est à l'image du film : il joue sur l'ambiguïté. Cette "fille partie" est-elle disparue ? morte ? enfuie ? Si elle est morte, s'est-elle suicidée ? Est-ce le résultat d'un accident ? d'un assassinat ? Dans ce cas, qui est le meurtrier ?

   On peut donc voir le début comme une bonne partie de Cluedo. Presque tous les personnages principaux peuvent faire figure de suspect, au premier rang desquels le "colonel" Ben Affleck, mi-balourd, mi-faux-cul :

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   Son épouse disparue, "Madame (Amy) Leblanc", n'est pas tout à fait nette non plus :

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   ... à moins que ce ne soit le "Docteur Olive" Collins, l'ex-petit ami de la dame, un brin harceleur, un brin dissimulateur :

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   ... ou alors cette pulpeuse étudiante, "Mademoiselle Rose-Andie", peut-être pas aussi innocente qu'elle en a l'air :

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   On pourrait aussi parler de la voisine qui se dit bonne copine de l'épouse disparue. Est-elle aussi stupide qu'elle le paraît ? D'autres pistes nous sont suggérées, même si l'attention finit par se concentrer sur un petit nombre de protagonistes.

   La première partie alterne les séquences qui tournent autour du mari et de l'enquête de police et les retours en arrière, qui nous permettent d'en apprendre davantage sur ce couple qui était sur le point de célébrer ses cinq ans de mariage. Petit à petit, on découvre aussi le journal intime tenu par l'épouse. Le problème est qu'on ne sait pas quand il est rédigé. Est-ce avant la disparition ? En même temps que l'enquête se déroule ? Après les faits ? De la réponse à cette question dépend une partie de la résolution de l'énigme.

   Derrière la caméra, David Fincher "maîtrise", alternant les styles. On a ainsi droit aux débuts romantiques, assaisonnés d'une pincée de sarcasme, les deux héros se montrant parfois délicieusement caustiques (et l'épouse grossière). Puis vient le temps de l'usure et enfin le déchirement du couple. Mais ce n'est pas tout. A l'ambiance de série policière (il est fait référence à New York Police Criminelle... ou Judiciaire, je sais plus) s'ajoute un poil de paranoïa. L'intrigue bascule dans le thriller, pour notre plus grand plaisir : l'un des personnages est un psychopathe... et je pense que la personne qui l'incarne mérite une statuette, tant sa palette de jeu est grande (et convaincante).

   C'est d'autant plus brillant au niveau du scénario que le dispositif mis au point par le psychopathe va un peu foirer. (Il faut toujours se méfier des parties de mini-golf...) Les auteurs jouent avec les codes, les films de genre et, suprême culot, n'hésitent pas, plus d'une heure avant la fin, à casser le mystère (et le suspense... du moins le croit-on, dans un premier temps), pour s'engager dans une autre voie, toute de tension psychologique.

   Cerise sur le gâteau, on nous offre une satire de la télé-poubelle (les chaînes d'infotainment merdiques qui prospèrent outre-Atlantique) et une (discrète) remise en cause de l'élitisme "côte Est".

   Le problème est que c'est long. Le soir, veillez à manger deux bonnes heures avant le début, histoire de pratiquer une vidange correcte aux toilettes juste après les publicités. Sinon, au bout d'1h30-2h, votre corps risque de se rappeler à votre bon souvenir. Mon conseil : profiter d'une scène entre le héros et son médiatique avocat pour se libérer de l'essentiel. (Au besoin, se rendre à la séance en compagnie d'une bonne âme, qui se fera un plaisir de vous dire, à votre retour des toilettes, qu'il ne s'est rien passé durant votre absence.) Une second passage risque de s'avérer nécessaire après le film, tant la dernière partie de l'histoire est tendue.

   Oh, mais... voilà que je réalise que j'allais vous quitter sans mentionner le véritable personnage principal de ce film, une magnifique (et très docile) chatte rouquine :

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18:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 12 octobre 2014

Pride

   Cette "fierté" évoquée par le titre du film est celle des mineurs en lutte et celle des homosexuels qui revendiquent le droit à la différence. Ce long métrage britannique commence et s'achève donc fort logiquement par des séquences se déroulant pendant une Gay Pride (fort différente l'une de l'autre). Au départ, je n'étais pas trop emballé à l'idée d'aller voir ce film. Tentait-on de renouveler le succès de The Full Monty en voguant sur l'air du temps ? Le contexte de la grève des mineurs de 1984-1985 m'a intéressé, d'autant plus que l'histoire qui nous est contée est vraie.

   A la manière d'un Ken Loach, le réalisateur Matthew Warchus (un illustre inconnu) campe le monde des mineurs dans sa dureté et sa camaraderie. Il n'en cache pas les côtés déplaisants : l'homophobie affichée (qui s'étend aussi largement à la classe moyenne de province) et la bigoterie de certaines épouses. Autre point commun avec le metteur en scène rebelle : la mise en valeur d'une minorité, ici les Gallois de Swansea.

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Source : Le Monde diplomatique

   Les acteurs qui campent les mineurs et leur famille sont excellents. Qui distinguer dans le groupe ? Par exemple Paddy Considine, dans le rôle du syndicaliste de bonne volonté, dévoué mais un peu coincé :

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   Je pourrais citer l'épouse obèse d'un mineur timoré, qui va s'épanouir dans la lutte. J'ai aussi retrouvé avec plaisir Bill Nighy, vu l'an dernier dans Il était temps. J'ai adoré les mamies pleines de fougue, au premier rang desquelles Imelda Staunton, connue depuis sa participation à la saga Harry Potter, à Hotel Woodstock... et que l'on a pu voir cet été dans Maléfique.

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   Ce petit monde assez traditionnel au fond entre en contact direct avec une bande d'homosexuel-le-s londonienne, pas si déjantée que cela. On a visiblement voulu éviter la caricature, même si l'on rencontre quelques "folles". Le groupe est mené par un jeune homme charismatique, très bien interprété par Ben Schnetzer (qui, dans un autre contexte, aurait pu faire un joli premier communiant) :

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   A ses côtés évoluent des personnalités très diverses, parmi lesquelles je distingue celle qui fut, au départ, l'unique gouine lesbienne de la bande, Steph :

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   Les amateurs de séries policières seront peut-être quelque peu décontenancés de retrouver Andrew Scott, l'irritant Moriarty du Sherlock produit par la BBC, en bibliothécaire d'origine galloise, homosexuel et introverti !

   L'histoire est celle de deux luttes, mais aussi celle des apprentissages. Il y a le jeune homo qui se découvre et grandit dans le militantisme. Il y a ces épouses de mineurs qui touchent du doigt une vie un peu moins triste que ce à quoi elles sont destinées au fin fond de leur province machiste... et il y a ces mineurs qui se mettent à danser pour séduire les filles ! La musique joue un rôle non négligeable dans l'habillage du film. Elle lui donne une saveur de bonbon sucré, surtout pour ceux qui ont connu cette époque.

   Au sein de l'intrigue, c'est toutefois le combat des homosexuels qui prend le dessus. Je ne pense pas en dire trop en écrivant que la lutte des mineurs ne débouche pas sur une victoire politique. Par contre, les "gays" ont gagné en visibilité et en respectabilité. Le pays s'est aussi un peu "décoincé". La dernière séquence vient à point pour réunir tout le monde : l'expérience de la solidarité et de l'amitié a embelli la vie des personnages.

   P.S. I

   Pour préserver l'authenticité de l'histoire, on a pris soin de ne pas nous proposer des héros au physique irréprochable. Certain-e-s sont très beaux ou très belles, mais la majorité sont des gens ordinaires, qui ne correspondent pas forcément aux individus que l'on voit en couverture des magazines.

   P.S. II

   Sur la grève des mineurs, on peut s'amuser à lire deux récits d'inspirations opposées, l'un néolibéral, paru dans Le Point, l'autre, issu de la mouvance syndicaliste, publié sur le site de la CGT.

 

jeudi, 09 octobre 2014

Dracula Untold

   La légende du comte Dracula est toilettée dans cette nouvelle tentative cinématographique. Celle-ci s'appuie sur des éléments historiques pour tenter d'imaginer comment le jeune Dracula de fiction a pu devenir un vampire.

   J'ai trouvé la première partie particulièrement réussie. On y évoque le contexte de la progression de l'Empire ottoman dans les Balkans, à laquelle s'était opposé le père de Vlad, surnommé Dracul ("le dragon" en latin... mais "le diable" en roumain). Le fils hérite du tempérament du père, jusque dans son costume :

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   Là s'arrête la vraisemblance historique. L'intrigue évacue les rivalités entre Roumains et entre Roumains et Hongrois. On a aussi choisi de mêler Valachie et Transylvanie, sans doute pour éviter de perdre certains spectateurs pas très pointus en géographie des Balkans.

   On a aussi déformé les relations entre le prince et les hauts responsables de l'Empire ottoman. Pour les besoins de l'histoire, on fait de Vlad un ancien janissaire, dont l'adversaire principal va être Mehmet, le fils du sultan Mourad II (qui s'est fait connaître par ses exploits militaires et, en 1453, la conquête de Constantinople).

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   La rivalité qui oppose les deux hommes ne constitue pas le meilleur du film, et je trouve que le prince ottoman apprend un peu trop vite à se battre contre un vampire.

   C'est au début que l'histoire est passionnante, avec la découverte du mystérieux et redoutable habitant de la caverne de haute montagne, avec lequel Vlad va signer un contrat quasi faustien :

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   Derrière le monstre de la montagne se cache une organisation dont on ne saura rien, si ce n'est qu'elle semble très puissante et qu'elle complote à l'insu de tous. La "naissance" du vampire s'accompagne d'effets spéciaux bluffants. L'histoire acquiert un autre rythme. A l'image, c'est superbe.

   Mais on nous gâche un peu le plaisir. J'ai eu l'impression qu'on se dépêchait de boucler ce premier volet uniquement pour lancer une nouvelle série de films. C'est dommage, parce que vu les moyens qui ont été investis, on aurait pu approfondir davantage certains aspects de l'histoire.

   Je n'ai pas non plus été convaincu par la relation qui unit Vlad à Mirena (incarnée par Sarah Gadon, récemment vue dans Enemy). Ce couple est un peu trop "moderne" pour l'époque, tout comme la manière que ces parents ont de se comporter vis-à-vis de leurs enfants. Au bout d'un moment, j'ai réalisé qu'on avait transformé l'histoire horrifique et sensuelle de Dracula en une oeuvre d'heroic fantasy.

17:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

vendredi, 03 octobre 2014

Enemy

   ... ou comment un polar d'apparence anodine cache l'un des scénarii les plus retors de ces dernières années. A la base, il est question de double, voire de gémelléité. Deux hommes que presque tout sépare découvrent qu'ils sont l'exacte réplique physique l'un de l'autre.

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   Au départ, l'enquête est menée par le prof de fac, puis l'acteur raté va prendre la relève. Le problème est que, plus les démarches des deux hommes progressent, plus le mystère semble s'épaissir. De plus, au fur et à mesure que l'intrigue se déploie, un spectateur attentif commence à comprendre qu'on lui suggère de fausses pistes et qu'il y a quelques incohérences, soit dans les dialogues, soit dans certains plans.

   On peut regarder ce film comme une adaptation du roman de José Saramago. Cela oriente la compréhension de l'histoire. Il est question d'un mystère à éclaircir, avec une tension qui monte progressivement, soutenue par une musique au cordeau.

   On se demande si les deux hommes sont des jumeaux, ou des clones... à moins qu'une partie de ce que l'on nous montre à l'écran soit de l'ordre du subjectif. Un indice : certaines scènes sont des hallucinations ou des fantasmes. L'exemple le plus parlant est celui de l'araignée, figure récurrente (sous plusieurs formes), qui est associée à des personnages féminins dominateurs ou perçus comme menaçants. Ce sont des substituts de la mère et de l'épouse de l'acteur raté (superbement incarnée par Sarah Gadon (que l'on peut actuellement aussi voir dans Dracula Untold). La rivale de celle-ci est la maîtresse (Mélanie Laurent, très bien, mais à qui on n'a confié que peu de texte), une femme de tête placée toutefois sous la dépendance du héros.

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   Le dénouement peut se comprendre au premier degré. De surcroît, il semble résoudre une grande partie des problèmes des personnages... mais...

 

LA SUITE REVELE DES ELEMENTS CLES QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAITRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM

 

   Si certains points de l'intrigue suscitent des débats passionnés sur la Toile, il en est un sur lequel tous les spectateurs qui ont un peu réfléchi s'accordent : il n'y a pas de double ; c'est le même homme, soit dans deux états psychologiques différents, soit à des moments différents de sa vie. Je pense que les scènes sont agencées sans souci particulier de la chronologie... et que cela n'est pas évident à la vision du film.

   L'un des détails révélateurs est une photographie, dont un exemplaire intégral est exposé dans l'appartement de l'acteur raté (curieusement luxueux, alors que le prof de fac vit dans un truc miteux), alors que le prof n'en possède qu'une version déchirée, sur laquelle on ne distingue que lui, et pas la seconde personne, qui est l'épouse de l'acteur raté. Sauf erreur de ma part, on voit cette photographie déchirée avant que le prof ne se lance à la recherche de son "double".

   D'autres indices sont apportés par le personnage de l'épouse, qui, lorsque l'acteur raté lui déclare ne pas trop comprendre ce qui arrive, lui répond qu'au contraire il le sait très bien : il souffre d'un dédoublement de la personnalité, comme elle a pu le constater en allant le voir en prof de fac. Dès le premier coup de fil, elle a reconnu sa voix (censée être celle du double).

   La mère, involontairement, nous donne aussi des informations, dans les messages téléphoniques qu'elle laisse à son fils et lors de leur entretien.

   Après, je pense qu'on peut agencer les séquences à son goût, du moment que le principe du dédoublement est respecté. Lorsque les auteurs (notamment le réalisateur Denis Villeneuve, à qui l'on doit un autre film tortueux,  Incendies) évoquent leur travail, on comprend qu'à un moment, ils sont un peu partis dans tous les sens.

   On peut se contenter de la version de l'enseignant déçu par sa vie professionnelle, angoissé par le mariage et la paternité qui se profile à un horizon proche, et qui se crée une seconde vie, au point que son cerveau finit par complètement "compartimenter" les deux existences.

   On peut aussi penser que le héros meurt réellement (ou est gravement blessé) dans l'accident de voiture qu'une de ses personnalités a avec sa maîtresse (Mélanie Laurent). Entre la vie et la mort ou inconscient, il revit une partie de son passé et s'invente une échappatoire rassurante avec son épouse, dont il serait séparé dans la vraie vie (d'où la photo déchirée). Sans que j'y réfléchisse, instinctivement, Enemy m'a fait penser à Mulholland Drive, de David Lynch (plus virtuose au niveau de la mise en scène, mais aussi plus "clinquant").

   En tout cas, ce film a été grandement sous-estimé.

23:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 02 octobre 2014

Extant

   C'est le titre de la nouvelle série américaine de science-fiction (coproduite par un certain Steven Spielberg) diffusée en France par M6 (depuis lundi dernier). Le premier épisode, Retour sur Terre, nous présente les personnages principaux, au premier rang desquels l'astronaute Molly Woods (incarnée par Halle Berry, que l'on a plaisir à retrouver dans un rôle pas trop formaté) :

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   L'héroïne revient chez elle après une longue et solitaire mission dans l'espace... enfin... pas si solitaire que cela, puisqu'on finit par apprendre qu'elle a fait une curieuse rencontre très loin, là-haut... Du coup, on est moins étonné de découvrir que cette femme stérile, qui n'a eu aucun rapport sexuel avec un homme depuis des mois, se retrouve enceinte.

   Cet "heureux événement" risque de perturber grandement sa carrière professionnelle, ainsi que sa vie familiale. Son mari, un petit génie des biotechnologies, remarque que tout ne tourne pas rond, tout comme leur fils adoptif, un androïde ultra-perfectionné qui suscite beaucoup d'interrogations :

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   Le deuxième épisode, Extinction, voit l'héroïne découvrir à quel point sa grossesse inexpliquée perturbe son corps et son psychisme :

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   Dans la boîte où elle travaille, certains dirigeants semblent cacher de lourds secrets, dont un concerne un ancien collègue de Molly, qui a pris contact avec elle et qu'elle va essayer de retrouver. En coulisses manœuvre un discret mécène japonais, qui a choisi de financer le projet un peu fou de l'époux de Molly :

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   Le troisième épisode, L'Enfant venu d'ailleurs, place davantage l'androïde Ethan au centre de l'action. Il en devient même inquiétant :

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   De son côté, sa mère adoptive Molly constate la détérioration de son état physique et psychique. Une soirée entre amis va cristalliser les tensions :

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   J'ai été "pris" par cette série, dont le scénario est de qualité. La distribution s'appuie sur un mélange d'acteurs expérimentés et d'inconnus pas maladroits. Au niveau de la réalisation, on a soigné les effets spéciaux, en particulier ceux qui concernent les corps humains et le séjour dans l'espace, régulièrement porté à l'écran à coups de retours en arrière et de cauchemars.

   Sur le fond, pour autant qu'on puisse en juger, l'histoire mélange la science, le paranormal et les secrets familiaux. On a envie de connaître la suite !

dimanche, 28 septembre 2014

Get on up

   Ce nouveau biopic est consacré à James Brown. Plus qu'une biographie intégrale (un défi très difficile à relever, même en 2h20), on nous propose un portrait psychologique d'une vedette d'origine modeste. Le montage nous fait faire des allers-retours entre plusieurs époques : la fin des années 1930, les années 1950, la fin des années 1960, celle des années 1980. La dernière partie de la vie du chanteur n'est que brièvement évoquée.

   Que dire de l'ensemble ? Eh bien que la musique est bonne, même si je pense que, dans un océan de variétoche à destination (d'abord) du public noir américain, surnagent quelques morceaux très entraînants. Je ne connaissais pas l'acteur Chadwick Boseman (qui incarne James Brown). Je trouve que c'est un bon choix. Même s'il est plus grand que son modèle, le visage et la coiffure ont été travaillés de manière à le rendre très ressemblant. Il a de plus appris à danser comme James Brown... épatant !

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   Les allers-retours se justifient pour comprendre la mentalité de la vedette. C'est un ancien enfant des rues, qui a été abandonné par sa mère (dont on comprend qu'elle a fini par se prostituer) et par son père (un alcoolique égocentrique et violent). Signalons la performance de Viola Davis, que l'on avait déjà remarquée dans La Couleur des sentiments... réalisé par... Tate Taylor, qui est aussi aux manettes sur Get on up !

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   Dans le rôle de la tante, on retrouve une autre actrice du même film : Octavia Spencer, excellente en mère maquerelle à la fois autoritaire et généreuse.

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   Du coup, James va passer sa jeunesse au milieu des loubards et des prostituées. Il commence à virer délinquant quand une rencontre va changer sa vie. Ses débuts sont montrés comme ambivalents : le groupe qu'il rejoint a un répertoire inspiré du gospel et chante plutôt pour les Noirs... et quelques Blancs BCBG qui ont envie de s'encanailler gentiment. (Excellente séquence, avec ces jeunes adultes aux visages rayonnants stéréotypés, dans des tenues kitschissimes !)

   Les scènes de chant et de danse sont bien filmées. On perçoit à la fois le jeu de jambes de J. Brown et son implication au niveau de la voix. Les gros plans légèrement obliques s'avèrent judicieux.

   Ceux qui connaissent un peu le personnage attendent sans doute les auteurs au tournant. Que dit le film de ses relations avec les femmes, avec l'argent ? Et la politique dans tout ça ? Faudrait tout de même pas oublier qu'il éclate en pleine contestation de la ségrégation et connaît la gloire pendant la guerre du Vietnam. Le film veut montrer que, s'il était sensible à "la cause", il était d'abord un artiste de divertissement. Quant à ses relations avec la gent féminine, elles me semblent correspondre à la norme dans ce milieu : il peut s'attacher, mais n'est que brièvement monogame (tout en attendant une totale fidélité de sa partenaire). Si son imprégnation religieuse a laissé des traces, ce n'est pas au niveau des relations sexuelles, mais dans sa manière de considérer les femmes.

   On le découvre aussi très exigeant avec ses collaborateurs, limite tyrannique et de mauvaise foi. (Sur la forme comme sur le fond, j'ai souvent pensé à un autre biopic, Cloclo.) Comme il n'a pas eu le destin de nombre de vedettes de son époque (mortes en pleine gloire), il connaît le déclin et une certaine déchéance physique, même s'il a essayé de tenir son rang jusqu'au bout.

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   Toutefois, en dépit de ses qualités graphiques et sonores, le film m'a paru trop long. Il aurait fallu couper dans les digressions et raccourcir certaines scènes de dialogues (en particulier dans la séquence qui tourne autour de l'utilisation des toilettes). On peut regretter que Spike Lee (pressenti pour la réalisation) n'ait pas pu aller au bout du projet. Il aurait sans doute proposé quelque chose de plus "pêchu".

   P.S.

   L'histoire est émaillée de clins d’œil. On voit ainsi James Brown croiser le jeune Mick Jagger, au temps où les Rolling Stones tentent de percer aux États-Unis. Des années plus tard, la star mondiale britannique produit le biopic ! On peut aussi penser que le choix de Dan Aykroyd pour incarner le premier manager de Brown n'est pas le fruit du hasard. Il y a plus de trente ans de cela, le jeune acteur avait côtoyé la star du funk dans The Blues Brothers.

samedi, 27 septembre 2014

Sin City : j'ai tué pour elle

   Frank Miller et Robert Rodriguez sont de retour pour une deuxième adaptation d'un roman graphique du dessinateur le plus prisé d'Hollywood. (Les spectateurs ont déjà pu voir cette année 300 - La Naissance d'un empire.) Comme le scénario est un peu léger, on a pensé à engager une brochette d'actrices pas trop laides, à commencer par Jessica Alba :

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   Elle retrouve Rosario Dawson (elle aussi présente dans le premier volet, sorti en 2005), qu'il est difficile de qualifier de repoussante :

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   Mais, pour moi, la meilleure (actrice) des trois est sans conteste Eva Green, qu'on a récemment pu voir très à son aise aussi bien dans 300 que dans The Salvation. La "petite nouvelle" apporte une salutaire touche de venin à cette histoire trop formatée :

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   Aux mâles hétérosexuels qui ne se contenteraient pas de ce trio, je conseille de s'intéresser aux seconds rôles ainsi qu'aux figurantes, qu'on n'a visiblement pas recrutées pour leur maîtrise du théâtre shakespearien.

   Ces beautés sont censées nous faire oublier à quel point le scénario est stéréotypé (il mélange les références aux films noirs des années 1940-1950 et l'univers de la BD pour ados attardés). S'ajoutent à cela des dialogues assez faibles. Souvent, les personnages prennent la pose, ont des attitudes. Cela pourrait être terriblement énervant... et pourtant, cela passe.

   Cela passe, parce que l'image est superbe, associant les fonds noirs-gris-blancs aux jaillissements rouges, bleus ou verts. C'est de surcroît bien filmé. On a varié les situations et les angles de prise de vue. Une pincée d'ultraviolence vient de temps à autre pimenter certaines scènes un peu trop convenues. Pour accompagner le tout, on a ajouté une zique pas dégueu.

   Un soir, dans une grande salle, c'est un bon moment de cinéma... plutôt pour mecs.

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lundi, 22 septembre 2014

Deepsea Challenge 3D

   Les distributeurs n'ont pas été foutus de trouver un titre français à ce documentaire sur les aventures de James Cameron dans le monde noir et humide des grandes profondeurs. Attention, ce n'est pas le cinéaste canadien qui tient la caméra. Lui est l'initiateur du projet et le héros de l'histoire.

   A l'aide de courtes scènes de fiction, on nous fait comprendre que, tout petit déjà, James était intrigué par les profondeurs abyssales. Bien avant de cartonner avec Terminator ou Titanic, le futur réalisateur s'inventait des mondes à l'intérieur... d'un carton.

   Certains événements ont sans doute contribué à faire naître sa vocation. Il y a eu l'expédition sur la Lune, mais aussi la première descente dans la fosse des Mariannes, par Jacques Piccard et Don Walsh, en 1960. Cela nous vaut l'une des plus belles séquences du film, autour de ces deux hommes aux moyens beaucoup plus limités que ceux du cinéaste multiprimé. Vient ensuite le passage obligé par l'exploration du Titanic (à près de 4 000 mètres de profondeur... moins de la moitié de celle de la célèbre fosse !), occasion de voir enfin de belles images océaniques. D'autres sont diffusées dans la dernière partie du film, mais c'est globalement décevant.

   Parce que ce que l'on nous montre essentiellement à l'écran, c'est... James Cameron. A lui seul, ce film constitue l'équivalent de la collection des livres consacrés à Oui-Oui. Nous avons donc droit à :

James Cameron est un inventeur génial

James Cameron trouve la solution aux problèmes

James Cameron mène la vie dure à ses employés

James Cameron est quand même un type sympa

James Cameron travaille très tard le soir

James Cameron se lève

James Cameron sort de sa cabine (tout habillé)

James Cameron se gratte les couilles

(une scène hélas coupée au montage)

James Cameron bisoute sa femme, qui tremble pour lui

James Cameron la tête en haut

James Cameron la tête en bas

   Certes, des péripéties sont survenues au cours de la réalisation du projet. Des difficultés à construire l'habitacle aux caprices de la météo, en passant par la mort accidentelle de deux réalisateurs, on peut dire que ce ne fut pas une entreprise de tout repos ! Mais, même si la 3D est nette et sans bavure, son utilisation est loin de susciter le même enthousiasme qu'Avatar. Du coup, ce documentaire d'1h30 m'a semblé très long. Réduit à une cinquantaine de minutes, il aurait pu constituer un bon programme de début de soirée sur Arte. Sans plus.

18:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 07 septembre 2014

Hippocrate

   C'est sans doute à la rigueur et à l'engagement professionnel du plus célèbre médecin de l'Antiquité que le titre de ce film fait allusion. On y suit les débuts d'un jeune interne, Benjamin. A travers son regard, on découvre (si on l'ignorait) les difficultés des différents personnels soignants, mais aussi la formidable aventure humaine que constitue l'acte médical consciencieusement pratiqué.

   Attention, ce n'est pas un film angélique. Les médecins ne sont pas systématiquement montrés sous un jour favorable. Parfois, ils commettent même des erreurs qui peuvent se révéler dramatiques. Fort heureusement, à intervalle régulier, un peu d'humour carabin vient contrebalancer la noirceur de certaines situations.

   Le personnage principal (interprété par Vincent Lacoste, meilleur que dans Jacky au royaume des filles) est un peu à cette image. Au début, on le sent mû par la foi du combattant... et l'espoir mal dissimulé d'une grande reconnaissance sociale. Il y a peut-être aussi un peu de conformisme dans son choix de carrière, puisque son père (Jacques Gamblin, impeccable) est l'un des mandarins de l'hôpital.

   Le jeune homme entre en contact avec un monde plus diversifié qu'il ne l'imaginait. Les infirmières et aide-soignants sont plus ou moins motivés... et hiérarchiquement soumis aux prescriptions des médecins, même jeunes et peu expérimentés. Les "vieux" cinéphiles auront aussi plaisir à retrouver Marianne Denicourt, dans la peau d'un personnage écartelé entre sa formation médicale et ses responsabilités managériales.

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   Une catégorie se détache, celle des étrangers assimilés à des internes, alors qu'ils étaient titulaires dans leur pays d'origine. Le véritable personnage principal est sans doute Abdel Rezzak, cet Algérien à la fois ombrageux et compatissant, incarné à la perfection par Reda Kateb.

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   Le propos devient militant quand est dénoncée la gestion néo-libérale des établissements de soins. On nous propose aussi quelques jolis portraits de malades, de l'alcoolique SDF à l'ancienne danseuse en phase terminale. Ces numéros d'acteurs sont au service d'une vision humaniste de la médecine, qui ne cache pas les grandes difficultés dans lesquelles certains hôpitaux publics se débattent aujourd'hui.

   S'il faut apporter une nuance, ce sera au niveau de la réalisation, assez plate. On a parfois du mal à distinguer ce film d'un reportage d'Envoyé spécial.

vendredi, 05 septembre 2014

The Salvation

   Le Salut vient-il des armes ? Un shérif est-il le mieux placé pour protéger les corps de ses concitoyens ? Jusqu'où doit-on mener une vengeance ? Ce western américano-danois de Kristian Levring tente de répondre à ces questions, en prenant pour cadre la seconde moitié du XIXe siècle, aux États-Unis, période d'arrivée massive de migrants européens (notamment danois)... mais aussi période d'essor d'un capitalisme sans foi ni loi.

   Au niveau du style, c'est bien léché. C'est vraiment joli à regarder. La forme est assez classique, même si, ici ou là, le réalisateur fait quelques allusions aux westerns-spaghetti. Toutefois, loin de tomber dans le parodique, il ancre son histoire dans le drame.

   Il s'agit d'une vendetta... et pas uniquement parce que, dans la troupe des "méchants", on rencontre celui qui est surnommé "le Corse" (Eric Cantona, ma foi très convaincant). L'une des victimes est le héros, interprété avec talent par Mads Mikkelsen, qui n'a pas besoin de porter une arme pour faire viril. (Il veut juste s'en servir pour éclater la tronche inculquer un peu de savoir-vivre à ses ennemis.)

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   Au début de l'histoire, il accueille son épouse et son jeune fils, en provenance d'Europe. Avec son frère, il pense avoir réussi à "faire son trou" dans ce coin paumé de l'Ouest américain. Je ne vous dirai pas dans quel état se trouve le noyau familial à la fin du film...

   Nombre de personnages secondaires (ceux du village comme les truands à la gâchette facile) sont savoureux, particulièrement bien campés. Il y a bien sûr le chef de la bande, mais aussi le maire, qui fabrique (et vend) des cercueils "dans le civil". Dans ce dernier rôle, Jonathan Pryce (que l'on a notamment vu en médecin dans Oh my God !) est excellent.

   Mais, plus que ces mâles dominants, c'est l'envoûtante Eva Green qui impressionne, dans un rôle muet mais ô combien expressif.

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   Au départ, on est plutôt sur la thématique "à violent, violent et demi". Puis semble l'emporter le "à malin, malin et demi", au fur et à mesure que l'ampleur des turpitudes se dévoile, sur fond de spéculation foncière.

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mardi, 02 septembre 2014

Blue Ruin

   Cette "ruine bleue" est une voiture (une Pontiac), qui, au premier regard,  semble en très mauvais état. Echouée à l'arrière d'une plage, elle sert de maison à un drôle de gars, sorte de clochard barbu, solitaire et débrouillard.

   Une nouvelle parue dans la presse va provoquer un grand changement en lui. Par la même occasion, on découvre ce qui l'a mené dans la rue. La suite du film nous fait toucher du doigt ce que devait être son ancienne vie, avec laquelle il reprend contact.

   C'est là que cela devient saignant. L'agneau perturbé se mue en tueur maladroit... mais tueur quand même ! Un ancien pote va lui donner un coup de main... et il en a bien besoin, parce qu'il s'attaque à une famille de tarés. Ce n'est que très tard que l'on nous raconte la cause première de cette histoire de vengeance.

   En attendant, le réalisateur prend plaisir à faire durer les scènes. A rebours de tous les films d'action contemporains, il évite le plus possible de recourir à l'ellipse. On suit ainsi le personnage principal dans sa quête quotidienne, des gestes les plus anodins aux plus transgressifs. C'est assez original, mais il faut aimer ce style, fait de tension languissante.

17:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mardi, 26 août 2014

Dix par jour

   C'est le titre du documentaire consacré par Yves Garric et Georges Berte (auxquels on doit notamment Estremoni) aux soldats aveyronnais morts pendant la Première guerre mondiale. Cela représente un peu moins de 15 000 tués, sur une durée dépassant légèrement les 1 500 jours. D'où le titre.

   Sur fond de musique classique mélancolique, on nous montre plusieurs très beaux monuments aux morts, en particulier (au début et vers la fin) celui de Sainte-Geneviève-sur-Argence :

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   Mais le principal intérêt réside dans les histoires que ce film raconte, celles de poilus pour la plupart morts au combat (ou de maladie ou des suites de blessures), à travers les yeux et la voix de leurs enfants (ou neveux, nièces), aujourd'hui très âgés.

   Cela commence dans un club de retraités de Villecomtal (au nord de Rodez). On y entend la belle-fille d'un médecin, Maurice Bieulac, qui a dû lui raconter jadis les conditions dans lesquelles il opérait, à la guerre. Plus marquants encore sont les propos de Calliste Dellus, dont le père a survécu au conflit, mais qui a vu mourir devant lui son frère aîné... dont il a épousé la promise ! Son nom figure sur le monument aux morts local. Il fait partie des premières victimes de la guerre : il a été tué le 19 août 1914, pendant la "bataille des frontières", qui fut si meurtrière pour les troupes françaises :

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   Vient ensuite, à Rodez, Marie-Paule Bessière, qui évoque son oncle puis son père. Celui-ci est revenu en vie, mais gravement blessé. On n'a jamais retrouvé le corps de l'oncle, dont il ne reste qu'un portrait d'époque :

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   La fiche du soldat nous apprend qu'il a été tué en mars 1915, dans le département de la Marne. Son frère a survécu, mais non sans souffrances, d'après ce que raconte sa fille.

   A Clairvaux-d'Aveyron, le fils d'un autre survivant a découvert le carnet rempli par son père défunt de notes sur ce qu'il  a vécu durant la guerre. L'homme n'était qu'un modeste muletier, mais il écrivait remarquablement bien.

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   Après une escale à Marcillac-Vallon, pour une cérémonie mémorielle, direction le Sud-Est et la commune de Nant. Cette séquence illustre la tragédie que fut cette époque pour certaines familles, qui perdirent tous leurs hommes jeunes. Dans l'Ouest, à Najac, on perçoit les conséquences sur le monde agricole. La guerre a accentué la déprise rurale. Comme on est en terre militante, le réalisateur en profite pour montrer un couple de néo-ruraux, installés en agriculture biologique. Le fils de poilu lui évoque la place de l'occitan.

   Avec Geneviève Rigal-Saurel, c'est le cas des "gueules cassées" qui est évoqué. En famille, on découvre aussi la correspondance des poilus de la famille. On se souvient aussi du rôle que les femmes ont joué à cette époque.

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   Après le parcours des anonymes, c'est le tour de celui d'un (futur) notable, Raymond Bonnefous, alors étudiant en médecine. (Par la suite, il fut -entre autres- maire de Rodez, député puis sénateur.) Sa petit-fille, Nathalie Bauer, a recueilli une masse impressionnante d'objets et documents divers sur son aïeul, comme cet appareil photographique :

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   De passage à Rodez, le film nous montre une cérémonie au monument aux morts, avant qu'il ne soit question du célèbre soldat inconnu de Rodez, Anthelme Mangin. C'est l'historien local Jean-Michel Cosson qui est mis à contribution pour raconter cet incroyable destin :

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   A Villefranche-de-Rouergue, on nous conte une belle histoire d'amour, entre une Aveyronnaise de bonne famille (Rose) et un soldat originaire du Loiret (Maurice). Je vous laisse découvrir comment les tourtereaux se seraient connus. Un enfant est vite mis en route, puis un second (après le mariage, celui-là)... Maurice, parti au front, écrit souvent à Rose. Leur petite-fille lit quelques-unes de ces missives, qui témoignent de l'intelligence de ce soldat. Il est mort en... août 1918, dans l'Aisne :

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   Une fois de plus, on passe de l'humble au notable, et pas n'importe lequel. Pierre Ginisty évoque la vie d'un membre de sa famille, Charles Ginisty, originaire de La Roque-Valzergues (commune de Saint-Saturnin-de-Lenne), devenu évêque de Verdun et initiateur de la construction de l'Ossuaire de Douaumont.

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   On se rapproche de la fin du film. Les auteurs tracent des ponts entre la Première guerre mondiale et les conflits suivants : guerre d'Algérie et surtout Seconde guerre mondiale. L'avant-dernière séquence (plutôt maladroite) s'attarde dans le Sud du département, en particulier à Saint-Jean-d'Alcas. L'évocation de la Grande Guerre est l'occasion de parler de la transmission aux jeunes générations. On entend aussi parler des fusillés, ces autres victimes dont les noms sont absents des monuments aux morts. Yves Garric termine par une note personnelle : l'un de ses oncles est mort à proximité de Nancy, des suites de ses blessures, dès septembre 1914.

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   C'est un documentaire de bonne facture, riche en anecdotes dont ce billet ne rend que partiellement compte.

mercredi, 20 août 2014

Des chevaux et des hommes

   Cette comédie nordique a pour cadre la campagne islandaise, certes très jolie, mais parfois hostile. Les humains y sont peu nombreux et isolés les uns des autres. Pensez que le plus proche voisin habite en général à plusieurs kilomètres. Mais, par temps dégagé, avec de bonnes jumelles, on peut savoir (presque) tout ce qui se passe dans la contrée...

   On ne peut donc pas ne pas remarquer Kolbeinn (Ingvar Eggert Sigurdsson, déjà vu dans Jar city), célibataire endurci, bien de sa personne... et très fier de sa jument, qu'il prend plaisir à monter chaque jour :

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   Je signale aux observateurs attentifs qu'il ne s'agit pas d'un poney. Tous les chevaux visibles dans ce film sont de plus petite taille que ceux que l'on a l'habitude de voir en France. C'est une race locale, capable de prendre une grande variété d'allures. Le héros est d'ailleurs ravi de montrer aux autres habitants avec quelle grâce sa monture se déplace. Il n'avait pas prévu qu'elle exciterait les ardeurs d'un mâle particulièrement bien pourvu par la nature. C'est le début d'une seconde intrigue, qui va courir tout le long du film : la propriétaire de l'étalon va tenter de se rabibocher avec Kolbeinn.

   D'ici là, on aura découvert d'autres spécimens locaux... à commencer par un drôle de cavalier, qui se lance en pleine mer avec son cheval... dans un but que je me garderai bien de révéler :

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   C'est le moment de signaler que les paysages sont magnifiques. Les animaux sont aussi très bien filmés. Le réalisateur réussit même à transmettre l'idée que, parfois, ce sont les chevaux qui observent les humains. Certains sont particulièrement obstinés, comme ces deux pépés que la clôture d'un chemin public oppose... et qui ne sont pas prêts au compromis. Cette séquence fait un peu "règlement de comptes à Iceland Corral" !

   La quatrième histoire nous permet de découvrir plus en détail un personnage féminin aperçu dans la première séquence. Cette jeune cavalière se révèle elle aussi très obstinée. Certains chevaux sont l'objet de son attention. Elle va déployer des trésors de débrouillardise pour arriver à ses fins. Au passage, elle récupère l'un des deux papys vus précédemment :

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   On s'attarde ensuite sur Juan, un touriste sud-américain visible dans chaque historiette. Cette fois-ci, poussé par le désir de se rapprocher de la charmante jeune femme, il se lance dans une excursion montée. Mais, comme il n'est pas un cavalier émérite, il va lui arriver des bricoles. Lui aussi va devoir faire preuve de débrouillardise. Cet épisode est celui qui montre le plus clairement que, bien qu'appréciant les chevaux, ces hommes les utilisent comme des objets.

   Voilà pourquoi la propriétaire de l'étalon du début, une mère célibataire qui cherche un compagnon, décide de recourir aux grands moyens. Une balade collective réunit presque tous les personnages aperçus plus tôt. On y retrouve deux veuves, qui convoitent le même homme que l'héroïne. Si vous voulez connaître le résultat des courses, il faut aller voir le film !

13:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mardi, 12 août 2014

Lucy

   En moins d'1h30, Luc Besson (qu'il ne faut pas croire à chaque fois qu'il affirme avoir tourné son dernier film) tente de mêler un thriller de science-fiction, une réflexion philosophique et un poil de féminisme.

   L'héroïne a été nommée ainsi en référence à l'australopithèque dont une partie du squelette a été découverte en Ethiopie, en 1974, par une équipe dans laquelle figurait le Français Yves Coppens. A l'époque, les paléontologues avaient été inspirés par une chanson des Beatles, Lucy in the Sky with Diamonds... les initiales des mots principaux formant l'acronyme LSD. Cela colle parfaitement avec l'intrigue du film, qui tourne autour d'une nouvelle drogue de synthèse, le CPH4 (dont le nom a été inventé, selon Besson).

   Sur le papier, cela sonne bien, d'autant plus que la distribution est alléchante. Mais le début ne m'a pas emballé du tout. Est-ce parce que la version française est mauvaise ? Est-ce parce que je suis habitué à la véritable voix de Scarlett Johansson ? Cette dispute entre amoureux s'éternise inutilement. Par la suite, j'ai même eu mal pour l'actrice, qui n'est pas convaincante en étudiante pleureuse.

   Cela devient intéressant quand Lucy se retrouve lestée du paquet de poudre bleue. Le thriller démarre vraiment et, en même temps, le compte à rebours qui la voit acquérir une maîtrise de son cerveau de plus en plus complète.

   Ce début alterne avec des extraits d'une conférence scientifique, où l'on découvre Morgan Freeman, qui "fait le boulot". Les images sont entrecoupées d'extraits (fort jolis) de documentaires, pas tournés par Besson (les sources figurent dans la générique de fin). Science et philosophie se mêlent jusqu'à la fin, qui montre deux "Lucy" entrer en contact. Le scénario fait (intellectuellement) descendre l'espèce humaine de l'australopithèque, ce qui est faux.

   De la part de Besson, le mélange des genres est assez culotté. Mais cela ne m'a guère intéressé. D'un point de vue cinématographique, on est content de retrouver Scarlett bonne actrice à partir du moment où les effets de la drogue se font sentir.

   C'est drôle parce qu'on voit une fragile poupée mettre sa race à une brochette de voyous (et même à des policiers), parfois de manière spectaculaire. Les effets spéciaux sont réussis et les péripéties s'enchaînent. (On sait faire ça, chez Europa Corp.)

   La tension monte jusqu'à un apogée qui m'a déçu. L'histoire se conclut trop vite. Je pense qu'on a dû pratiquer des coupes, pour faciliter l'exploitation en salles. Du coup, on laisse tomber la relation de l'héroïne avec sa mère, on ne développe pas l'ébauche de romance avec le policier français et l'on n'insiste pas sur le corps qui se rebelle (objet pourtant d'une belle scène d'avion).

   Quant au féminisme, il est tout relatif. A part Lucy / Scarlett, aucun personnage féminin ne se détache. Sa meilleure amie, à peine entrevue, semble aussi superficielle que l'héroïne non droguée. Dans l'amphithéâtre où le professeur Norman s'exprime, on aperçoit bien de nombreuses étudiantes, mais tous les scientifiques de renom sont des hommes. Il en est de même des forces de police et des mafieux coréens, qui ne croisent qu'une femme de ménage et une tatoueuse. Si j'étais mauvais esprit, je dirais que le sous-texte du film est que les femmes sont globalement inférieures aux hommes, une seule se détachant du lot.

   Mais chacun (féministe ou pas) peut y trouver son compte, tout comme à propos des drogues. La scène montrant Lucy faire la fête en boîte de nuit est clairement une apologie de la prise de ces substances (tout comme la trame générale, qui explique comment une femme très ordinaire devient surhumaine à l'aide d'une drogue). D'autres éléments en pointent les effets néfastes et dénoncent l'action des groupes criminels. Besson cherche à se concilier tous les publics, pensant ainsi rallier le grand nombre, au risque de ne pas faire le grand film qu'il est pourtant capable de réaliser.

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samedi, 09 août 2014

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?

   J'arrive après la bataille, mais, bon, il n'est jamais trop tard. En fait, j'ai accompagné une personne qui ne se rend au cinéma que deux ou trois fois par an. Elle constitue l'une des cibles de ces longs-métrages familiaux, comédies balisées, dont le destin est d'être diffusées à 20h50 sur TF1 (qui, est-il besoin de le préciser, a produit le film).

   Le prologue est réussi, avec cette succession de passages à la mairie. Pour paraphraser l'une des affiches (et un film célèbre), c'est un peu "Trois mariages et deux têtes d'enterrement" : au fil des unions, le couple bourgeois catholique, qui tentait de faire bonne figure au début, tire de plus en plus la tronche, pour finir par porter une tenue de deuil. Si l'on ajoute à cela le contraste des identités complètes des mariés, on obtient un bon démarrage.

   Cela se gâte un peu quand on découvre les trois gendres. Les acteurs en font trop. Je les ai trouvés plutôt antipathiques (Chao un peu moins). Habilement, le scénario les présente avec un défaut principal, mais aussi une grande qualité. Rachid le musulman est un homme moderne, pas du tout intégriste, mais il a très mauvais caractère ; on le sent souvent sur le point de "péter les plombs". Dans sa profession d'avocat, on en fait un homme bon, mais très à cheval sur les principes.

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   David le juif est le plus agaçant, à la fois le plus communautariste (mais il n'a toutefois pas exigé que son épouse embrasse sa religion)... et le plus fort-en-gueule... sans compter qu'il mange comme un malpropre.

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   Chao est obséquieux à l'extrême, pas toujours de manière naturelle. Mais, au fond, c'est un chic type, qui a donné un coup de main bancaire à sa future épouse et qui est prêt à soutenir la nouvelle entreprise de l'un de ses beaufs.

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   Par contre j'ai bien aimé le passage qui voit chacun d'entre eux, pourtant victime de préjugés racistes, se révéler lui aussi pétri d'aprioris sur d'autres communautés : le Franco-Algérien déteste les Marocains et le juif séfarade méprise les Ashkénazes.

   Le message est plus lourd quand il est question du père de famille, incarné par Christian Clavier. De sa bouche sortent la majorité des clichés racistes, qui ne sont pas toujours présentés comme tels dans le film. On a reproché aux auteurs de ne pas avoir clairement dénoncé  certains de ces lieux communs. Quelques-uns sont certes battus en brèche (on voit un Arabe rejeter la drogue, un juif qui tire le diable par la queue et un Asiatique philanthrope), mais il est indéniable qu'à la fin du film, même si Verneuil père a accepté ses gendres, il n'en conserve pas moins nombre de ses préjugés.

   Le second bouleversement vient de la quatrième fille, qui est sur le point d'épouser un Noir, d'origine ivoirienne. Cette fois-ci, on nous épargne la liste des clichés sur les Africains et on nous offre un superbe personnage : le père ivoirien, lui-même bouffi de préjugés, interprété avec talent par Pascal N'Zonzi. Sa réconciliation avec le gaulliste Verneuil est ma foi bien mise en scène.

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   La comédie manque toutefois de folie. On fait référence à Rabbi Jacob (dans un contexte assez cocasse), mais la comparaison ne joue pas en faveur du film le plus récent. (Et Clavier n'a pas le talent de Louis De Funès.) Seule Chantal Lauby, excellente en catho qui s'ouvre au monde, rompt un peu la mécanique prévisible de l'intrigue. (De manière générale, les personnages féminins sont plus sympathiques, plus mûrs.) Je regrette aussi que l'on n'ait pas davantage développé l'histoire du complot des gendres (contre le quatrième). Le quiproquo (à propos d'une photographie) était pourtant porteur.

   Voilà. Ce n'est certainement pas la comédie du siècle (ni même de l'année). Tout en rassurant son public (et en évacuant le contexte social...), elle dit tout de même deux-trois choses pas idiotes.

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jeudi, 07 août 2014

La Planète des singes : l'affrontement

   Ce film est la suite de celui qui était sorti en 2011 (La Planète des singes : les origines). L'action se déroule dix ans après. Un prologue télévisuel nous apprend (ou nous rappelle) que l'épidémie qui s'était déclarée a presque exterminé le genre humain. A l'écran, une animation nous montre la propagation de la maladie, concomitante de la progressive disparition des lumières à la surface de la Terre.

   Le sous-titre français est moins allusif que la version anglo-saxonne, qui évoque le début (l'aube) de la domination des singes. Le conflit principal est celui qui peut opposer les humains aux autres primates évolués. Mais, habilement, l'histoire met en scène les rivalités au sein de la communauté simiesque et (de manière moins développée) les dissensions entre les humains rescapés. Cela nous mène au message le plus intelligent du film : l'amitié et le respect peuvent naître entre des individus qu'au départ tout sépare, alors que les êtres en apparence semblables n'ont parfois pas grand chose en commun. Dans le rôle du chef charismatique et sage, Andy Serkis / César est excellent, meilleur en tout cas que Jason Clarke (remarqué dans Zero Dark Thirty), dont le jeu est un peu stéréotypé.

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   L'ambiance est post-apocalyptique. C'est devenu très convenu, le sujet ayant été déjà abordé par une floppée de films et de séries télévisées, dernièrement, Revolution, qui semble avoir inspiré une brochette de scénaristes hollywoodiens (ceux de Divergente et de Transcendance notamment). Notons que la musique est de Michael Giacchino, qui a aussi composé une partie de celle de la série Fringe et celle de plusieurs autres productions de JJ Abrams. D'ailleurs, les fans en reconnaîtront l'un des acteurs principaux, Kirk Acevedo, qui incarne ici un gros blaireau.

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   Je suis un peu déçu par le contexte post-apocalyptique. Les groupes, qu'ils soient humains ou simiesques, ont donné naissance à des organisations très hiérarchisées, dans lesquelles un chef domine la masse, en s'appuyant sur un groupe de fidèles. Cela nous mène à un autre message du film : la dénonciation de l'ambition dévorante et de la fascination pour les armes à feu. En poussant un peu loin, on pourrait voir en César un double de Barack Obama, qui dénonce la violence sanguinaire au début, avant que l'exercice du pouvoir et les nécessités du moment ne le poussent à s'adapter...

   Lorsqu'il n'est pas question de politique, ce sont les relations familiales qui sont mises au premier plan. Sans surprise, la cellule de base de la société est présentée comme LE refuge face à la dureté de l'époque. Cela peut-être une famille classique (comme celle de César) ou une recomposée, comme celle de Malcolm, qui a perdu son épouse, alors que sa nouvelle compagne a vu mourir son époux et sa fille. Chacun a ses petits soucis : César doit gérer la crise d'adolescence de son fils aîné, alors que Malcolm doit faire accepter sa nouvelle compagne à son fils, lui aussi adolescent. L'un des publics cibles des producteurs peut donc s'identifier à un singe ou un humain de sa génération.

   Par contre, les femmes sont globalement au second plan. Du côté des singes, on ne voit guère que la compagne de César, soumise et courageuse. Du côté des humains, seule Ellie émerge.

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   Sinon, on peut faire abstraction de tout cela pour se plonger dans un film d'action à rebondissements. C'est techniquement très au point. Les mouvements des singes sont criants de vérité. Plusieurs séquences sont particulièrement marquantes, comme l'incendie d'un village et l'assaut d'une cité fortifiée. Cela culmine dans le duel final, bien mis en scène mais au déroulement un peu convenu.

   P.S.

   Je ne pense pas trahir un secret en affirmant qu'il y aura une suite... et puis, tendez l'oreille pendant le générique de fin.

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dimanche, 03 août 2014

Planes 2

   Je n'ai pas vu le premier épisode (à l'époque, j'avais préféré me contenter du francophobe mais habile Turbo). Le début du film a failli me faire regretter de m'être laissé tenter pour le numéro 2. On y retrouve l'équipe d'amis qui entoure le héros (véhicules et avions), très très inspirée de Cars... mais sans la saveur qui avait fait la réussite de ces films.

   L'histoire "décolle" lorsque le héros Dusty rejoint l'équipe de pompiers volants, composée de personnages hauts en couleur. Evidemment, des conflits surgissent, mais aussi des situations comiques, notamment avec le vieux camion de pompiers, qui veut vraiment montrer son pot d'échappement à ses camarades (qui n'en demandaient pas tant) et qui, lorsqu'il tente de prouver qu'il est à nouveau "bon pour le service", nous gratifie d'une sirène flatulesque...

   Comme John Lasseter est le producteur exécutif, on peut se douter qu'il a veillé à la qualité de l'animation. Elle n'est pas toujours flagrante. Elle apparaît particulièrement au cours des séquences d'intervention. La première voit l'équipe de pompiers volants (des avions ou hélicoptères dont les pare-brise sont remplacés par des yeux) effectuer une mission de routine. Dusty y découvre ses limites, et le courage de ceux qui chaque jour risquent leur vie. On continue par son apprentissage, plutôt laborieux, mais parfois spectaculaire.

   L'intrigue culmine dans une longue séquence d'incendie, qui s'inspire des films catastrophe et de ceux d'épouvante. C'est bien mené et souvent remarquable à l'écran. Les scènes où l'on voit, de nuit, les flammes progresser dans la forêt sont superbes. Le fond n'est pas idiot non plus. On dénonce la cupidité et l'arrivisme de l'homme d'affaires qui méprise l'environnement. Cela donne un film plaisant, mais en-dessous des chefs-d'oeuvre dont Pixar nous a gratifiés naguère.

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mercredi, 30 juillet 2014

Boyhood

   Pendant douze ans, chaque année, le réalisateur Richard Linklater (auteur notamment de l'excellent A Scanner Darkly) a filmé les mêmes acteurs... pendant une semaine seulement. Le projet était de montrer l'évolution d'une famille, en s'appuyant sur une équipe qui vieillissait avec les personnages. Au coeur de l'histoire se trouve le fils cadet, Mason, que l'on suit de l'enfance à l'entrée à l'université. (On pourrait traduire le titre par "Garçonnitude".)

   Si la plupart des acteurs sont très peu connus voire inconnus, pour incarner les parents, le réalisateur a choisi deux pointures : Patricia Arquette et Ethan Hawke, deux bons professionnels, mais qui sont un peu à la marge du "star system".

   L'un des intérêts du film est de voir l'évolution de ces acteurs connus. On redécouvre ainsi Patricia Arquette en ex-jeune première (très mince), puis on la voit ressembler à la mère de famille de Medium, avant qu'elle n'acquière le physique qu'on lui connaît actuellement. J'ai aussi ressenti un je-ne-sais-quoi de fascinant à regarder grandir ces enfants, devenus adolescents. On est même touché par les changements qui s'opèrent chez l'un des hommes de la vie de l'héroïne, ancien soldat en Irak (pour payer ses études), puis compagnon et époux qui se veut modèle, enfin alcoolique aigri, dépassé par l'évolution de la société américaine.

   L'autre force du film est de montrer que, sans effets spéciaux, on peut mettre en scène une chronique familiale et la rendre aussi passionnante qu'un blockbuster. C'est évidemment dû au talent des acteurs et aussi au montage de chaque séquence annuelle. Il a fallu de plus tracer des liens d'une séquence à l'autre, tout en faisant évoluer les personnages. Le tour de force est réussi, avec quelques moments comiques savoureux.

   Pour nous Frenchies, certaines scènes ont aussi valeur documentaire, sur nos amis d'outre-Atlantique. Rien n'est vraiment nouveau, mais l'histoire collecte un ensemble de faits (sur les relations parents-enfants, l'organisation de l'école, les distractions...) que l'on a déjà vus ailleurs, dans des séries ou des longs métrages.

   Qu'en retire-t-on ? Eh bien qu'il est difficile d'être une mère américaine et de mener la carrière de ses rêves. Que les hommes sont quand même souvent des gros cons alcooliques. Que les adolescents peuvent être particulièrement casse-couilles... mais aussi sympathiques. Que l'argent détermine beaucoup de choses. Qu'une partie des Etats-Unis vit avec la Bible et les armes chevillées au corps. Là encore, rien de nouveau sous le soleil, mais le fait que l'on suive, année après année, ces personnages et ces acteurs a un charme inexplicable, celui de la vie.

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lundi, 21 juillet 2014

A la recherche de Vivian Maier

   Par le plus grand des hasards, un jeune Américain, John Maloof, met la main sur un paquet de négatifs puis de pellicules non développées. Il se rend rapidement compte que les photographies sont de grande qualité, très originales... mais que leur auteure est totalement inconnue. Ce documentaire est le récit de sa découverte, des recherches entreprises pour reconstituer la vie de Vivian Maier (1926 - 2009) puis de sa reconnaissance posthume.

   On sait à quoi elle ressemble parce que, parmi les milliers de photographies qu'elle a prises, se trouvent des dizaines d'autoportraits, presque jamais classiques. Elle joue toujours sur les reflets ou les ombres :

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   Dans le lot, on trouve aussi beaucoup de vues d'enfants, noirs comme blancs, riches comme pauvres. Peut-être est-ce par déformation : Vivian Maier a vécu comme domestique, notamment "nounou". Les auteurs du film ont retrouvé certains des enfants qu'elle a gardés. Les témoignages sont très variés, pas toujours à l'avantage de la dame, qui a semble-t-il souvent changé d'employeur, soit qu'elle ait eu envie d'autre chose, soit qu'elle ait été renvoyée.

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   Elle a arpenté les rues des différents quartiers de New York et de Chicago, dont elle laisse un témoignage foisonnant. Elle était visiblement attirée par les "gueules", les physiques qui sortaient de l'ordinaire :

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   Elle a eu l'art de saisir l'essence des travaux et des jours de ce petit peuple de New York ou de Chicago, mais aussi des paillettes dont la ville se parait, à certaines occasions. Excellente cadreuse, elle savait montrer les inégalités d'un coup d'oeil :

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   A force de pratiquer, cette autodidacte de l'objectif a acquis un grand savoir-faire technique, apprivoisant la lumière et sachant capter les mouvements de la vie :

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   La très grande majorité de son oeuvre est constituée de clichés en noir et blanc, mais il en existe aussi en couleurs, ainsi que quelques films... et même des enregistrements audio. Vivian Maier garde toutefois une part de mystère.

   Physiquement, c'était une femme impressionnante. Assez grande, elle était de surcroît dotée d'un gros caractère, tout en passant pour quelqu'un de farfelu. Il faut imaginer un équivalent féminin du M. Hulot de Jacques Tati, avec une pincée de Charles de Gaulle. Ces références à la France ne sont pas innocentes, puisque sa mère était française et qu'elle-même passa la majeure partie de son enfance dans notre pays, dans un coin perdu des Alpes où John Maloof finit par débarquer... et même par organiser une exposition !

   Elle n'a jamais été mariée, ne semble pas avoir eu d'enfant. Elle rejetait les hommes à tel point que, lorsque l'un d'entre eux, croyant bien faire, voulu l'aider à se stabiliser sur une plate-forme où elle était montée pour pouvoir prendre des photos, elle le repoussa violemment. On pense qu'elle a dû connaître un traumatisme grave. S'est greffé là-dessus un tempérament solitaire et une activité (la photographie) qui l'a coupée du monde. Elle semble avoir voulu mettre un écran entre elle et la vraie vie, se contentant de la suivre en spectatrice.

   Au cours de son enquête, John Maloof découvre qu'elle fut aussi une collectionneuse compulsive d'articles de journaux (entre autres), allant jusqu'à piquer une crise devant ses employeurs après qu'ils eurent donné une pile de vieux papiers à leur voisin. Il semble que, sur le tard, ses traits caractériels se soient accentués, au point qu'elle a dû arrêter de travailler. Elle a été temporairement sauvée de la misère par d'anciens enfants qu'elle avait gardés. Ils ont même loué un garde-meuble pour y stocker ses affaires. Elle est finalement morte pauvre, seule et oubliée.

   Un autre mystère demeure : aurait-elle voulu être reconnue pour son oeuvre ? Il semble qu'au début, oui. Maloof a retrouvé une correspondance avec la France, dans laquelle il est question de l'édition de cartes postales à partir de certains de ses clichés. Puis, plus rien. L'événement traumatique est-il survenu à cette époque, après son retour à New York ? On ne le sait pas.

   Il reste une oeuvre magnifique, tant sur la forme que sur le fond, preuve qu'une grande artiste peut venir d'un milieu modeste et mourir inconnue, à l'inverse de tant de pédants médiatiques sans talent.

   P.S.

   Toutes les illustrations de ce billet sont issues du site créé par John Maloof, qui est une véritable mine.

jeudi, 17 juillet 2014

Le Procès de Viviane Amsalem

   Si le titre français fait allusion à l'ambiance kafkaïenne dans laquelle baigne l'intrigue, le titre israélien (Le Guet, c'est-à-dire l'acte de divorce) est plus explicite (pour le public local), puisque l'histoire tourne autour d'un couple qui se déchire, elle, Viviane (Ronit Elkabetz, formidable) voulant divorcer, lui, Elisha (Simon Abkarian, sobre mais pas toujours convaincant) ne voulant pas et s'appuyant sur la loi de son pays.

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   Il est donc question de la place de la femme juive dans la société israélienne. Alors que le débat devrait porter sur la pérennité du couple, on examine la personnalité de l'épouse sous toutes les coutures. L'habileté du film est de faire en sorte que les autres protagonistes finissent aussi par passer à la moulinette. Je recommande notamment le personnage de l'avocat d'Elisha (qui est aussi son frère), interprété par Sasson Gabai, excellent dans Le Cochon de Gaza. (Il avait joué aux côtés de Ronit Elkabetz dans La Visite de la fanfare.)

   Cela ressemble un peu à du théâtre filmé, puisque tout se passe soit dans une petite salle de tribunal, soit dans les couloirs adjacents. On a varié les intervenants : outre les juges, les époux et leurs avocats, on fait défiler devant nous une belle brochette de témoins.

   L'un des intérêts de leurs auditions réside dans le retournement possible du témoignage. C'est d'abord le frère de l'épouse qui n'apporte (involontairement) que de l'eau au moulin du mari. C'est ensuite un ami de l'époux, très louangeur sur celui-ci, qui finit par le trahir. Ce sont aussi quelques personnages hauts en couleur, comme la belle-sœur de l'épouse, qui nous livre un numéro de toute beauté ! L'un des moments-clés est le passage des voisins, d'abord l'homme, puis sa femme, qui va finir par parler franchement hors de sa présence.

   Etant donné la sobriété de la mise en scène, le moindre détail est signifiant. On sera donc très attentif aux évolutions de la coiffure de Viviane, ainsi qu'à la grande diversité de ses tenues (et de ses chaussures), qui ne laissent pas indifférents certains des hommes présents dans la salle.

   Les dialogues sont savoureux aussi par l'enchevêtrement des langues : l'hébreu, le français, l'arabe... Une partie de ce petit monde est originaire d'Afrique du Nord, où l'on a le sang chaud. Face aux plaignants, les juges religieux forment un trio incongru de barbus (censés être) respectables, scrupuleux au-delà du raisonnable et dont la patience va être mise à rude épreuve.

   La procédure s'éternise, de reports en demandes supplémentaires. Je ne dirai pas comment cela se termine, mais sachez être attentif aux expressions du visage de Viviane... Qui a vraiment gagné ?

mercredi, 16 juillet 2014

Circles

   Ces cercles concentriques sont les ondes de choc provoquées par un événement traumatique, à l'image de ce que l'on voit d'un plan d'eau où l'on a jeté une pierre. Comme le dit l'un des personnages du film, malheureusement, ce sont plutôt les mauvaises que les bonnes actions qui ont ce genre de répercussions.

   Tout commence en Bosnie-Herzégovine, en 1993. Un soldat serbe revient chez son père, voir aussi sa fiancée. Dans le village multiconfessionnel, la cohabitation semble se passer assez bien. Mais un groupe de paramilitaires (serbes) fait des siennes :

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   Dans la première partie du film, on ne voit pas comment cette scène se termine. On fait un bond de 12 ans et l'on retrouve presque tous les protagonistes, désormais éparpillés. Certains sont restés en Bosnie, comme ce vieil homme qui s'acharne à reconstruire une église sur le point d'être engloutie à cause d'un barrage. Quand on finit par voir le bâtiment d'origine (et le lieu où il se trouve), on comprend mieux l'acharnement du vieil homme. Il est aidé par un jeune ouvrier... et bientôt l'un des amis de celui-ci, dont le vieillard ne veut pas, au début. On se demande pourquoi et l'on se dit qu'il y a sans doute un lien avec le père disparu du jeune homme. Une drôle de relation va se nouer entre les deux.

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   Ce saut dans le temps fonctionne très bien parce que les personnages ont réellement vieilli à l'écran, à tel point que certains d'entre eux sont méconnaissables. On a joué sur la chevelure, la barbe, la moustache, les vêtements, sans doute aussi le maquillage. Je pense qu'en réalité on a "rajeuni" les acteurs pour les faire rentrer dans les rôles de l'année 1993. (On a peut-être même demandé à quelques-uns de mincir un peu pour faire plus jeunes.) En tout cas, avec peu de moyens, on a fait du bon boulot.

   Pas très loin de la première histoire s'en déroule une autre, à Belgrade, en Serbie. Un accidenté de la route est amené aux urgences de l'hôpital central. Le médecin chef finit par reconnaître son patient. Les souvenirs rejaillissent. Il se retrouve face à un dilemme.

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   Le troisième sommet de ce triangle narratif se trouve en Allemagne. L'un des protagonistes du départ (on a du mal au début à déterminer lequel) y a refait sa vie. Il a un boulot correct, une épouse, deux filles. L'arrivée d'une femme des Balkans va bouleverser son quotidien. Elle est accompagnée d'un jeune enfant et fuit le père de celui-ci, qui est aussi une vieille connaissance.

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   Les trois histoires s'entrecroisent avec habileté. C'est de surcroît très bien joué, même si, de temps à autre, on verse un peu trop dans le mélo. Mais le réalisateur compense cela par un réel savoir-faire. Que se passe-t-il dans la tête de ces hommes filmés de dos, gros plan sur la nuque ? Pourquoi ces personnages apparaissent-ils si écrasés par leur environnement, que ce soit un paysage de montagne ou un quartier urbain ? Je pense aussi à cette conversation téléphonique, coupée en deux. On en perçoit une partie, à un moment du film, dans le contexte bosnien et l'autre, plus tard, dans le contexte allemand.

   Petit à petit, les fils se dénouent. C'est brillant parce que magistralement monté. Ajoutez à cela une musique excellente et vous obtenez l'une des découvertes de cet été, à ne pas rater si le film est programmé près de chez vous.

   P.S.

   Même si l'intrigue a été travaillée pour rentrer dans le cadre d'un long métrage, elle s'inspire d'une histoire vraie, ce qui donne encore plus de force au film.

lundi, 14 juillet 2014

Gaudi, le mystère de la Sagrada Familia

   Ce documentaire hispano-suisse (à moins qu'il ne soit helvético-espagnol) est consacré à la célèbre église barcelonaise, dont le nom complet est "Temple expiatoire de la Sainte Famille". En un peu moins d'1h30, il tente de nous exposer l'histoire du bâtiment et les controverses dont il est l'objet.

   On associe la basilique à son plus ardent promoteur, l'architecte Antoni Gaudi, qui a consacré une grande partie de sa vie à sa construction. Il a vite compris qu'il n'en verrait pas la fin, mais il avait laissé des plans et surtout quantité de maquettes, pour permettre à ses successeurs de poursuivre son oeuvre.

   Le film montre l'originalité du personnage, l'ampleur de ses talents, son engagement ainsi que sa modestie. Il a fini par vivre dans l'église en chantier, s'habillait de manière ordinaire, à tel point qu'à sa mort (il a été renversé par un tramway), ceux qui ont découvert son corps ont pensé qu'il s'agissait de celui d'un miséreux.

   Après la mort de l'architecte, la guerre civile espagnole porta ce qu'on croyait être le coup de grâce à la construction. La basilique fut dégradée et la majeure partie des archives de Gaudi détruite. Par la suite, la question s'est posée de l'intérêt d'en reprendre la construction... puis de l'affectation du bâtiment : église ou musée ?

   Le documentaire nous présente aussi deux des continuateurs de Gaudi, des contemporains au profil atypique. Le portail de la Nativité a été réellement achevé par le Japonais Etsuro Sotoo, qui a fini par se convertir au christianisme. Son parcours est particulièrement intéressant. Lui a cherché à se placer dans les pas de Gaudi. Plus indépendant est le sculpteur Josep Maria Subirachs (mort il y a quelques mois), qui se disait agnostique, mais de culture chrétienne. Il a été chargé du portail de la Passion, une grande réussite à mon avis, avec ces figures géométriques qui ne sont pas sans rappeler certaines toiles cubistes.

   Aujourd'hui, on utilise les techniques les plus modernes, en particulier l'informatique (notamment des logiciels appliqués à l'aéronautique). Cela n'empêche pas l'architecte américain (Mark Burry, je crois) d'être lucide : ce sont les parties anciennes qui ont le plus d'âme et, si l'édifice ne manque pas d'allure, ce n'est qu'un monstre de béton. Le film s'achève sur les travaux en cours, sur la façade de la Gloire qui, même terminée, sera privée du grand parvis que Gaudi voyait déployé à ses pieds. La spéculation immobilière a eu raison des aspirations artistiques... Mais une autre menace pèse sur le bâtiment : la construction d'une voie ferrée (souterraine) à grande vitesse !

   Au niveau de la réalisation, c'est très bon. A l'intérieur, l'église a été filmée à différents moments de la journée. On perçoit la variété des éclairages. Les jeux d'ombres et de lumière sont bien rendus. Les vitraux contribuent aussi à embellir l'édifice. On suit leur conception et leur réalisation.

   A l'extérieur, on a filmé la basilique en hauteur, sous plusieurs angles et avec une grande précision. On distingue des détails que, même lors d'une visite approfondie, on ne verrait pas avec autant de précision.

   La musique d'accompagnement, d'inspiration religieuse, se marie parfaitement avec les images. (On appréciera aussi la pertinence des interventions de Jordi Savall.) Le commentaire n'est pas dit sur un ton neutre... et c'est tant mieux. Autre atout de ce film : on a interrogé des non-spécialistes et des sans-grade. Au final, tous les témoignages ne se valent pas, mais c'est enrichissant.

00:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, art

jeudi, 10 juillet 2014

Big Bad Wolves

   En dépit de certaines critiques négatives, je suis allé voir ce film israélien, incité par les louanges de Quentin Tarantino. On comprend assez vite pourquoi le meilleur réalisateur de sa génération a aimé : c'est un polar, parfois très complaisant avec la violence... et porté par une bonne bande son. On n'est pas très loin de Reservoir Dogs, même si le contexte est différent.

   Cela commence par une séquence très réussie, muette. Trois enfants jouent à cache-cache. L'un d'entre eux ne sera pas retrouvé... du moins dans l'immédiat. Dans le même temps, la police locale enquête sur une série de meurtres pédophiles. Un suspect finit par être arrêté... et interrogé avec brutalité, sans que cela débouche sur quoi que ce soit. Un scandale éclate.

   Vient ensuite la seconde partie du film, qui prend la forme d'une traque et d'une vengeance. Le père de l'un des enfants disparus joue un rôle déterminant. Mais son entreprise est régulièrement entravée ou perturbée par des éléments extérieurs : l'action maladroite d'un ancien flic, les coups de fil de sa maman, caricature de mère juive... et même la venue de son père, personnage qui se révèle plein de surprises !

   L'humour réside dans ces effets inattendus et dans le décalage entre certains dialogues, quasi anodins, et l'horreur des situations. Franchement, j'ai bien aimé, même si je trouve que les auteurs abusent de la violence gratuite. (D'ailleurs, je ne place pas Reservoir Dogs très haut dans la filmographie tarantinienne.)

   D'un point de vue formel, c'est très bon. J'ai déjà parlé de la musique, bien choisie, emballante. Les auteurs ont aussi construit méticuleusement leurs plans. Les focales comme les angles des prises de vue accentuent l'étrangeté ou le grotesque de certaines scènes.

   On peut aussi s'amuser à tenter de deviner qui est le pédophile. C'est l'un des hommes montrés à l'écran. Mais est-ce le suspect ? Aucune preuve n'a été recueillie contre lui et, en face, certains des "justiciers" sont de sérieux clients. Il y aurait bien aussi cet Arabe à cheval mais, autant le dire tout de suite, c'est un personnage faussement menaçant.

   C'est la grande habileté de ce film, la leçon qu'il donne, au second degré, qui n'a malheureusement pas été comprise par nombre de critiques. Le papa vengeur est un ancien de la guerre au Liban. Le grand-père a lui aussi combattu autrefois... et tous les policiers ont reçu une formation guerrière (sans parler du service militaire, qui, pour les garçons, dure trois ans).

   Insidieusement, les auteurs montrent que la violence qui a été mise en oeuvre dans le conflit israélo-palestinien rejaillit sur la vie interne du pays. C'est par d'autres juifs que le suspect (juif aussi) est interrogé sans ménagement. C'est par d'autres juifs qu'il est enlevé et torturé... et c'est par un juif que les enfants ont été violés et assassinés.

mardi, 08 juillet 2014

Le Conte de la princesse Kaguya

   Cofondateur du studio Ghibli, Isao Takahata ne jouit pas en Occident de la même réputation qu'Hayao Miyazaki. Et pourtant... Dans sa jeunesse, il a créé la série Heidi (qui a fait beaucoup pleurer dans les chaumières). Plus tard, il est passé aux longs-métrages d'animation, avec Kié la petite sorcière et surtout Le Tombeau des lucioles, un véritable chef-d'oeuvre. Par la suite, il s'est aussi fait remarquer avec le superbe Pompoko et l'hilarant Mes Voisins les Yamada.

   D'un point de vue formel, c'est moins flamboyant que les créations de Miyazaki. Les visages des personnages sont assez rudimentaires, à l'image de ce que l'on trouvait dans les productions japonaises des années 1980 :

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   Par contre, c'est du "fait main" (on dirait des peintures), avec un grand souci du détail et une véritable science du mouvement des personnages. Je pense à cette scène qui montre la princesse s'amuser avec un chat, d'une fluidité étonnante, ou ces moments où le bébé fait l'apprentissage de la marche (cul nu !), à coups de cabrioles plus vraies que nature.

   L'atmosphère est celle d'un conte. Les amateurs des frères Grimm ou de Charles Perrault ne seront donc pas déboussolés, même si c'est ici tourné à la sauce japonaise, avec des références au bouddhisme et au shintoïsme. On notera aussi le grand soin apporté à la description des animaux (insectes, batraciens, poissons, oiseaux, mammifères...).

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   Le début de l'histoire baigne dans le merveilleux, avec la découverte de la princesse par un vieux couple de paysans, dans une bambouseraie. La gamine se révèle vite être un phénomène, grandissant à vue d'oeil. Cette enfance est aussi placée sous le signe de la joie, "Pousse-de-bambou" s'amusant avec les enfants du village et profitant des plaisirs simples de la vie, comme de déguster un succulent melon par une journée caniculaire :

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   Mais, au bout de 45 minutes environ, une rupture de ton intervient. La princesse a du mal à supporter le destin que des gens pourtant bien intentionnés lui ont tracé. Le dessin se fait moins lisse, révélateur des tourments internes de l'héroïne :

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   La jeune femme, dont la beauté est l'objet de spéculations dans tout l'empire, va apprendre à ruser avec l'étiquette très contraignante qui lui est imposée. Le dessin se fait plus traditionnel, s'inspirant visiblement des estampes qui ont fait la renommée du Japon :

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   Très drôles sont les séquences faisant intervenir les cinq prétendants, qui vont connaître des fortunes diverses... que je me garderai bien de révéler. Ici, on sent plutôt l'influence des Mille et une nuits dans la ruse dont la jeune femme fait preuve pour éviter d'avoir à se marier contre son gré. C'est ensuite au tour de l'empereur lui-même de s'intéresser à la princesse. Toute cette partie du film voit le personnage principal mûrir. Il a renoncé à certaines choses et appris à "vivre dans le système", tout en se ménageant des espaces de liberté. Ce conte est aussi une histoire d'apprentissage.

   Une nouvelle rupture de ton annonce la dernière partie. On y apprend la véritable origine de la princesse, qui va tenter de connaître à nouveau le bonheur, qu'elle a touché du doigt dans l'enfance.

   C'est une magnifique histoire, hélas desservie (à mon avis) par les chants (qu'ils soient en japonais ou doublés en français, dans la version que j'ai vue). Si les paroles sont porteuses de sens et la musique d'accompagnement en général agréable (je pense notamment aux morceaux joués sur un koto), les parties chantées m'ont semblé désespérément languissantes.

09:12 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 06 juillet 2014

Palerme

   La coupe du monde de football est une bonne incitation à fréquenter les salles obscures, d'autant plus que certains cinémas font des efforts de programmation... et que certains distributeurs choisissent judicieusement le moment de la sortie de leurs films. Le début de l'été 2014 ressemble un peu à celui de 2006, quand avait débarqué sur les écrans français Leçons d'amour à l'italienne.

   La comédie transalpine est encore à l'honneur aujourd'hui, avec Palerme, dont l'action se déroule dans la capitale de la Sicile. Pour être plus précis, la majorité de l'action se déroule Via Castellana Bandiera (titre du film en italien), une ruelle à double sens de circulation... mais où deux voitures ne peuvent pas se croiser.

   Avant d'en arriver à l'affrontement homérique qui constitue le coeur de l'histoire, on nous présente les protagonistes. A ma gauche se trouvent les Calafiore, famille modeste, où les hommes parlent fort, sont un peu truqueurs sur les bords, mais où les femmes peuvent arriver à leurs fins, à condition d'être malines et tenaces. A ma droite se trouve un couple en crise, composé de deux citadines pur sucre. La plus jeune, Clara, est illustratrice (on voit d'ailleurs plusieurs de ses croquis, censés être pris sur le vif... et très jolis). La plus âgée, Rosa, est une femme (mûre) de caractère, interprétée par la réalisatrice Emma Dante, qui est l'auteure du roman qui a inspiré le film. Notons qu'elle ne se donne pas le beau rôle, n'hésitant pas à se faire filmer sans chichis.

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   La film démarre par une magnifique séquence, presque muette, qui nous présente l'autre protagoniste du duel, Samira, une vieille femme d'origine albanaise. On ne la voit que de dos. On ne distingue donc pas son visage. Mais les mouvements de son corps et de sa chevelure suffisent. On la suit allant au cimetière, jusqu'au moment où, après avoir nourri une troupe de chiens errants, elle part au volant de sa voiture chercher le reste de la famille. (Notons que les deux groupes se déplacent en Fiat, l'une très ancienne -et petite, l'autre plus moderne... et très confortable. Le film est aussi une satire sociale.)

   Quand on découvre celle-ci, on a comme une impression de déjà-vu. C'est qu'on agite les mains et qu'on a le verbe haut chez les Calafiore. On a le sang chaud, aussi. Ils vivent de la pêche et de menus travaux (plus ou moins légaux). Le père (gendre de Samira) est un petit tyran, fort en gueule. (Je recommande la tirade qu'il sort au premier automobiliste qui vient lui demander de déplacer sa voiture !) C'est d'abord lui qui refuse de céder le passage aux deux bourgeoises qui arrivent en face... surtout pas à la conductrice, qu'il surnomme "miss prout prout" !

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   Mais, très vite, on se rend compte que la belle-mère obéissante a décidé de n'en faire qu'à sa tête. En face, Rosa en a plein le dos de cette vie qui ne tourne pas comme elle l'aurait voulu. Cette fois-ci, elle compte bien ne pas se laisser marcher sur les pieds. La tension est à son comble. On est en plein western, où les rétroviseurs mettent en valeur les regards impitoyables des adversaires. Chacune est rivée à son volant mais, quand l'une décide de sortir, c'est pour mettre un "coup de pression" à l'autre... au besoin, en utilisant à l'urine !

   Bien évidemment, les voisins vont s'en mêler, chacun ayant un avis autorisé sur la question. Certains conseillent aux deux femmes de reculer et de s'en aller. D'autres tentent de faire entendre raison au pater familias. Après un moment d'altercations vives, la rue va se calmer, laissant les deux conductrices seules dans leurs véhicules.

   Pendant ce temps-là, les mecs vaquent à leurs petites affaires. Comme on est en Italie et même en Sicile, on ne s'étonnera pas que des paris soient faits sur l'issue du duel entre les deux femmes. On ne s'étonnera pas non plus qu'un groupe soit tenté de fausser le jeu...

   Du côté des deux protagonistes, on commence à gamberger. Samira pense à un être cher, décédé, tandis que Rosa craint de perdre Clara, qui ne comprend pas son obstination. Le soir arrive, la nuit passe... et, au matin, la situation va se dénouer, de manière inattendue. Je vous laisse découvrir comment.

14:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 05 juillet 2014

Zero Theorem

   Cela faisait un petit moment que je n'avais pas regardé un film de Terry Gilliam (depuis 2005 et Les Frères Grimm). En dépit de critiques négatives, j'ai eu envie de voir ce que devenait l'ancien membre des Monty Python.

   Dès le premier plan, on sent qu'on n'a pas affaire à un manchot. On est face à la vision d'un trou noir. On se croit dans l'espace... mais la caméra va effectuer un mouvement qui donnera tout son sens à la scène. Peu de temps après, on se retrouve dans la rue, en ville, dans un futur proche où les publicités numériques et ciblées agressent les passants. C'est très emballant.

   S'ajoute à cela la prestation remarquable d'un acteur formidable, Christopher Waltz (excellent aussi bien dans Django unchained que dans Carnage), dont l'aspect physique n'est pas sans rappeler celui de Fétide dans La Famille Adams.

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   S'il est, comme son quasi-jumeau de la comédie macabre, introverti et agoraphobe, son personnage est moins clownesque. Gilliam en fait un type très intelligent, qui se pose des questions sur "le sens de la vie". Il travaille pour "le Management", une mystérieuse autorité supérieure qui finit par s'incarner en Matt Damon, remarquable dans le rôle.

   La vie très réglée de Qohen Leth va être chamboulée par l'irruption d'une jeune femme excentrique, croisée au cours d'une fête un peu spéciale. Celle-ci est interprétée par Mélanie Laurent Thierry, véritable bombe sensuelle qui a pourtant bien du mal à briser la glace du héros (elle m'a tellement tourné les sens que je m'en suis trompé sur son nom) :

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   Il faut dire que, lorsqu'elle débarque dans l'église désaffectée qu'occupe le héros, vêtue d'une tenue d'infirmière hyper-moulante, malgré des godasses immondes, tous les mâles hétérosexuels de la salle ont les yeux qui sortent de leurs orbites et la langue qui pend jusqu'aux chaussettes. C'est évidemment un pur fantasme du réalisateur, auquel l'actrice s'est prêtée avec un incontestable talent. Plus loin dans le film, on la voit sous un autre jour, signe qu'elle sait jouer autre chose que les aguicheuses.

   Je signale aussi la performance de Tilda Swinton, formidable en psychologue un peu déjantée, qui part même totalement en vrille dans une scène où elle finit par se muer en rappeuse ! (Je crois que, depuis que j'ai remarqué cette actrice au cinéma, dans Orlando en 1993, je n'ai jamais été déçu par ses prestations, que ce soit dans Michael Clayton, L'Etrange Histoire de Benjamin Button, Moonrise Kingdom, Snowpiercer ou The Grand Budapest Hotel.)

   Toutefois, l'histoire subit quelques "coups de mou". La quête de sens du héros n'est guère palpitante. On est plutôt captivé par les péripéties et le talent des acteurs à incarner des personnages forts. Tout cela est un peu absurde... sauf si l'on se dit que Qohen Leth est le double d'un Terry Gilliam vieillissant, qui se pose des questions existentielles et voit dans la relation avec une jeune et belle femme un moyen de retrouver le génie créateur de ses débuts.

00:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film

mardi, 01 juillet 2014

Caricaturistes

   Ce documentaire de Radu Mihaileanu suit le dessinateur de presse Plantu et une douzaine d'autres caricaturistes, qui, pour la plupart, n'ont pas la chance d'exercer dans des pays où les droits individuels sont aussi bien respectés qu'en France.

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   Le Russe Mikhail Zlatkovsky a commencé à exercer sous le régime communiste. Il raconte la pesanteur de la censure, qui a commencé à s'atténuer sous Gorbatchev. Il a ensuite connu une époque bénie, dans les années qui ont suivi l'éclatement de l'URSS. L'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine correspond à une "reprise en mains" de l'opinion :

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   Jeff Danziger vit dans le pays qui est censé être le paradis de la liberté d'expression, les Etats-Unis. S'il dispose d'une latitude dont nombre de ses collègues aimeraient bénéficier, il reconnaît néanmoins qu'il ne peut pas tout dire. Il est de plus un cas particulier, puisqu'il a "fait" le Vietnam, en tant que soldat :

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   Au Mexique, les dessinateurs sont, comme la population, victimes de la violence protéiforme qui sévit dans le pays. Angel Boligan tente d'y faire entendre sa voix :

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   Sur le même continent, Rayma Supran exprime ses critiques vis-à-vis du régime chaviste (au Venezuela, donc), avant comme après la mort du "Commandante". Elle aussi a subi des pressions assez fortes, qu'elle a contournées non sans causticité :

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   En Chine, c'est sur la Toile que Pi San a pu développer son art, notamment dans de petits dessins animés très virulents. La police du régime veille, mais il semble avoir su jouer avec le système pour faire vivre sa petite entreprise :

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   Vient ensuite celui qui est peut-être mon préféré, Slim, un Algérien farouchement anti-islamiste, auteur jadis d'un album hilarant intitulé Le Monde des barbus :

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   On nous présente aussi l'un de ses compatriotes (arabophone, celui-là), Baki Bouckhala :

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   L'Afrique du Nord est décidément à l'honneur, avec la (charmante) Tunisienne Nadia Khiari, créatrice d'un personnage devenu emblématique, Willis from Tunis :

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   Au Burkina Faso, c'est un Français d'origine (Damien Glez) qui a créé un hebdomadaire satirique, le Journal du jeudi :

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   Il reconnaît facilement les limites auxquelles son activité est confrontée. Dans la Côte-d'Ivoire voisine, son collègue Lassane Zohore semble disposer de plus de liberté (tout est relatif) :

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   Le tableau serait incomplet sans un détour par le Proche-Orient. On nous présente un Israélien francophone de gauche, Michel Kichka, et un Palestinien laïc, Baha Boukhari :

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   Plantu est mis en scène à plusieurs reprises. Il fait le lien entre les différents auteurs. On évoque son travail au Monde et, bien évidemment, l'affaire des caricatures de Mahomet... où le rôle de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo me semble quelque peu édulcoré.

   Sur la forme, on peut dire que c'est plaisant parce que le montage fait alterner les dessinateurs, en tentant de tracer des ponts entre leurs styles ou les pressions qu'ils subissent. Cela n'est toutefois pas toujours passionnant, parce que tous ne sont pas aussi habiles en paroles qu'en dessins. Restent les caricatures, encore plus impressionnantes lorsqu'elles sont projetées sur un écran de salle de cinéma.

22:16 Publié dans Politique, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 29 juin 2014

The Rover

   Ce "vagabond" est Eric, un homme qui semble avoir (presque) tout perdu, dans une Australie devenue une jungle sans pitié. Au mitan de sa vie, il est seul, sans travail, avec peu d'argent... et on lui pique sa bagnole ! Il décide de tout faire pour la récupérer.

   On se demande pourquoi cet acharnement. Après tout, il a mis la main sur le pick-up des voyous. Il pourrait s'en contenter, d'autant plus que sa caisse n'est pas une voiture de luxe. On se demande ce qu'elle peut bien avoir de si important pour lui (on ne le découvre vraiment qu'à la fin du film). Après tout, c'est peut-être la poursuite qui le motive. Elle donne un sens à sa vie, qui n'en a plus depuis de récents événements qui ne nous sont contés que plus tard.

   C'est à la fois hyper-violent et drôle. L'humour ne réside toutefois pas dans les scènes d'affrontement armé, mais dans la confrontation des caractères. Les personnages (majoritairement des hommes) ont des "tronches" et, face à eux, le héros se révèle en général mutique, ce qui crée des situations embarrassantes.

   Guy Pearce (un habitué des seconds rôles, vu dans Iron Man 3, Prometheus, Le Discours d'un roi et Démineurs) est excellent en homme mûr taiseux, violent et désespéré. Dans son périple, il s'attache un drôle de compagnon : le frère cadet de l'un des braqueurs (Robert Pattinson -récemment aperçu dans Maps to the stars- pas mal, bien qu'un peu caricatural), jeune homme immature, surtout en quête d'un protecteur, au fond.

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   En cours de route, le héros rencontre un nain trafiquant, de vieux commerçants âpres au gain, un médecin très méfiant, une hôtelière maladroite, une mère maquerelle et des militaires pointilleux mais imprudents. Cela contribue à créer une sorte de tableau impressionniste de la société de ce coin perdu de l'Australie méridionale, pas franchement joyeux.

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   C'est remarquablement réalisé. Un grand soin a été apporté à la construction des plans. On ne met pas n'importe quoi dans le cadre. C'est aussi parfois très joli à regarder : j'ai encore en mémoire deux très belles scènes, l'une qui voit le héros rouler dans une zone désertique, au crépuscule, l'autre qui montre le duo au réveil, à l'aube, dans un coin paumé. La photographie est très belle, avec des teintes ocres et bleutées.

   Ce n'est pas le film du siècle, mais une découverte à faire. Je pense qu'on reparlera du réalisateur, David Michôd.

11:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 28 juin 2014

Black Coal

   Ce polar chinois a reçu l'Ours d'or cette année, au festival de Berlin. Plusieurs assassinats sont au coeur de l'intrigue. Ils ont eu lieu à cinq ans d'écart, en 1999 et 2004. A chaque fois, des morceaux du corps de la victime ont été retrouvés en plusieurs endroits (liés à l'exploitation du charbon).

   La première partie du film présente le héros, policier sûr de lui en 1999, qui va perdre sa femme, plusieurs de ses collègues-amis... et son boulot. Cette enquête non résolue a provoqué sa déchéance, mais, cinq ans plus tard, il va tenter d'aller au bout, à l'aide d'anciens collègues, restés dans la police.

   Sur son chemin, il retrouve la veuve de la première victime, dont il finit par découvrir qu'elle est liée à chaque personne assassinée. Le tout est de découvrir pourquoi.

   L'intrigue est assez complexe... mais le public européen fan de séries policières ne sera pas dérouté. Il faut du temps pour en démêler tous les fils... et c'est assez surprenant. C'est aussi un polar social, qui brosse un portrait sans concession de la Chine du début du XXIe siècle. Si quelques liens d'amitié existent, au fond, quand les problèmes graves surgissent, c'est un peu chacun pour soi. On ne peut pas dire que les personnages fassent preuve de compassion envers plus faible qu'eux.

   Au niveau de la réalisation, c'est maîtrisé. On s'en rend compte dès le passage d'une époque à l'autre, qui s'effectue au même endroit, où une saison succède à l'autre : la torpeur estivale du début est suivie d'un hiver très rigoureux. Cela nous vaut plusieurs scènes très réussies, notamment autour d'une patinoire, ou encore dans une nacelle de la grande roue.

   Il reste quelques maladresses, notamment au niveau du jeu des acteurs. Certaines péripéties m'ont de plus paru un peu téléphonées (notamment l'un des meurtres). J'ai aussi l'impression que le réalisateur se complait dans la noirceur et le désespoir.

   Cela reste un bon film, mais, à mon avis, A Touch of sin (de Jia Zhang Ke) était meilleur.

20:52 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film