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jeudi, 11 janvier 2018

Un Homme intègre

   Cet homme à l'honnêteté chevillée au corps est Reza, un modeste pisciculteur, installé avec sa ravissante épouse (directrice d'école) et son fils dans le nord de l'Iran. On apprend un peu plus tard que les deux parents ont été étudiants à Téhéran, où vivent encore certains de leurs amis.

   Par petites touches, on découvre le quotidien de cette classe moyenne modeste, plutôt moderniste : même si la directrice d'école porte le voile, elle en fait le moins possible, tandis que son mari (pas plus qu'elle d'ailleurs) ne fait montre du moindre zèle religieux. Pis encore, Reza fabrique en douce de l'alcool de pastèque (scènes magnifiques à la clé), qu'il consomme dans le plus grand secret, dans un lieu connu de lui seul, où il échappe aux pesanteurs villageoises... et à la surveillance des nervis de la mosquée.

   Ceux-ci sont liés à un entrepreneur local, une fripouille (faussement dévot) avec lequel le héros va avoir maille à partir. Le placide Reza, qui ne veut pas transiger sur ses principes, commet néanmoins une erreur, dès le début : il utilise la violence face à l'injustice et refuse de faire la moindre concession.

   Le grand talent du réalisateur Mohammad Rasoulof est de mettre en place la mécanique de l'engrenage, à l'aide de scènes du quotidien. Petit à petit, on perçoit l'écheveau de compromissions qui lie certains des notables locaux (qui voient le couple comme des intrus, voire des empêcheurs de tourner en rond). Une simple altercation entre deux personnages peut déboucher sur une cascade de conséquences, l'argent étant évidemment le nerf de la guerre.

   Au-delà de la chronique tendue d'un coin de province, c'est donc d'abord un film politique et social, qui trace un portrait au vitriol de certaines élites iraniennes. L'intrigue balance entre deux tendances : d'un côté, on nous suggère à intervalle régulier qu'il ne faudrait pas grand chose pour que tout s'arrange, d'un autre, on sent comme le poids du fatum qui nous précipiterait vers une fin tragique.

   Le réalisateur (bien aidé par des acteurs inconnus mais épatants) parvient à suggérer beaucoup de choses avec peu d'effets... et il va nous surprendre jusqu'à la fin, au moment où l'on comprend que tout ce que nous avons vu jusqu'alors n'était peut-être que le produit d'une manipulation.

   C'est vraiment un excellent film, à voir absolument.

jeudi, 04 janvier 2018

Le Musée des merveilles

   Ce n'est que récemment que j'ai pu voir cette nouvelle adaptation d'une oeuvre de Brian Selznick (six ans après la sortie de Hugo Cabret, de Scorsese), en version originale sous-titrée. L'originalité de l'histoire vient de la superposition de deux intrigues se déroulant à cinquante ans d'écart, autour de New York, autour du thème de la surdité (qui frappe les deux personnages principaux). Bien évidemment, les deux intrigues sont liées. Des indices sont laissés ici ou là pour permettre aux spectateurs de faire le lien. Soyez attentifs aux personnages féminins qui écrivent...

   D'un point de vue formel, c'est incontestablement la partie se déroulant en 1927 qui est la plus belle. C'est un superbe noir et blanc, tourné du point de vue de Rose, l'enfant sourde séparée de sa mère et de son frère aîné. Elle se réfugie dans l'imaginaire, la construction de maquettes et le cinéma muet. A l'image de ce qui se passe dans ce dernier, la musique remplace les sons. On n'entend aucun dialogue... et cela passe sans problème.

   Dans le rôle de Rose, la jeune Millicent Simmonds est mimi tout plein, épatante de fraîcheur... d'autant plus que, comme je l'ai appris après avoir vu le film, elle est elle-même sourde (depuis l'âge d'un an) :

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   Les deux garçons sont les héros de la partie se déroulant en 1977. A droite se trouve Ben, orphelin recueilli par son oncle et sa tante. Il souffre beaucoup du récent décès de sa mère (incarnée par Michelle Williams)... mais il ignore tout de son père. La réponse se trouve peut-être dans les étranges cauchemars qu'il fait.

   A gauche se trouve Jaimie, une rencontre fortuite que fait Ben à New York, et qui va devenir son ami. Jaden Michael est d'un naturel confondant, preuve que le réalisateur Todd Haynes (auquel on doit, entre autres, Loin du paradis et I'm not there) a su diriger avec beaucoup de doigté son équipe juvénile. L'un des nombreux attraits de ce film est d'ailleurs la naissance de cette amitié, très bien mise en scène.

   Dans cette partie ("normalement" sonorisée, pour une raison que je laisse à chacun le soin de découvrir), les spectateurs plus âgés retrouveront peut-être avec nostalgie l'ambiance des années 1970, plus particulièrement de l'été caniculaire de 1977, qui est aussi la période d'activité d'un célèbre tueur en série (objet du film Summer of Sam). Cela pourrait expliquer que Jamie, dont les parents sont divorcés, réside à cette époque davantage chez son père, dans le centre de New York, plutôt que chez sa mère, dans le Bronx.

   De mon côté, je ne risque pas de regretter les horribles coupes de cheveux de l'époque, pas plus que les baskets moches, les pantalons à pattes d'éléphant et, l'hiver, les insupportables sous-pulls. Sur le personnage du jeune Ben, on peut voir quelques traces du mauvais goût en vigueur ces années-là.

   Les deux intrigues vont finir par se rejoindre, grâce notamment à un livre consacré aux "cabinets des merveilles", qui traverse les époques. La conclusion, émouvante, intervient dans un musée, où a été construite une hallucinante maquette de la ville de New York.

   Poétique et mystérieux, ce conte transgénérationnel n'a hélas pas trouvé son public en France. N'hésitez pas à tenter votre chance, s'il est diffusé près de chez vous.

22:36 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Prendre le large

   Ce long-métrage a fini par arriver à Rodez, presque deux mois après sa sortie en salles. J'en reparlerai sans doute dans un autre billet, mais les cinéphiles ruthénois nourrissent quelques inquiétudes depuis le rachat de Cap Cinéma par CGR.

   En attendant, revenons au film. Sandrine Bonnaire (quasiment pas maquillée) incarne une ouvrière textile sur le point d'être licenciée. Elle n'est pas particulièrement belle ou intelligente et s'habille de manière conventionnelle pour pas cher. On est donc loin ici d'un personnage d'héroïne flamboyante. Il s'agit plutôt d'une antihéroïne, travailleuse honnête, pas militante syndicale pour deux sous... et surtout une femme qui se sent seule : elle est veuve et son fils unique a quitté la région lyonnaise pour Paris, où il mène sa vie à l'écart de sa mère. Celle-ci a de surcroît noué peu de liens d'amitié dans son univers professionnel. Il lui reste sa maison, sa voiture... et son travail.

   Plutôt que de perdre celui-ci (avec le risque de ne plus jamais en retrouver de semblable), Edith préfère accepter un reclassement au Maroc, suscitant l'incompréhension autour d'elle. (C'est un aspect de l'intrigue qui n'est pas sans rappeler le récent Crash Test Aglaé.) Vu son ancienneté dans la boîte (25-30 ans apparemment), elle pouvait compter toucher une indemnité de licenciement représentant deux ans et demi à trois ans de salaire. C'est là qu'intervient le premier trait de caractère de l'héroïne : elle croit à la valeur travail et préfère tenter une nouvelle vie de l'autre côté de la Méditerranée plutôt que de se morfondre seule dans la campagne rhodanienne. Dans cette première partie de l'histoire, la mise en scène suit le mode documentaire, qu'elle retrouvera par la suite.

   La deuxième partie montre l'installation et les premiers pas de la Française à Tanger. Le réalisateur réussit à creuser un fossé entre Edith, qui voit presque tout sous un jour favorable, et les spectateurs, qui ressentent un malaise face à ce qu'ils perçoivent comme une dégradation de ses conditions de vie. Plusieurs scènes ont pour fonction d'enfoncer le clou.

   Et puis, petit à petit, de petits bonheurs se font jour. C'est un après-midi de congé ensoleillé, c'est un peu de réconfort et d'amitié de la part d'une collègue, de l'hôtelière ou de son fils. C'est un peu de liberté retrouvée grâce à une mobylette d'occasion.

   Mais, comme ce n'est pas un conte de fées, la cruelle réalité va reprendre le dessus. Gaël Morel en profite pour nous faire découvrir différentes catégories de travailleurs pauvres (des femmes notamment) et nous faire toucher du doigt les aspirations d'une jeunesse qui étouffe dans un Etat patriarcal. On a toutefois évité de trop politiser le propos.

   C'est vraiment un beau film, à la fois cruel et empreint d'humanité.

00:03 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 01 janvier 2018

Tout l'argent du monde

   Voici donc le premier film tourné avec Kevin Spacey, sans que celui-ci apparaisse à l'écran (sauf dans la bande-annonce d'origine, toujours accessible sur la Toile). Il faut reconnaître que, quelle que soit la performance de l'acteur de Swimming with sharks, Seven, Usual Suspects, American Beauty et (plus récemment) Baby Driver, le vétéran Plummer le remplace avantageusement.

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   Dans le film, s'il est un Plummer qui ne joue pas très bien, c'est le jeune Charlie, qui interprète le petit-fils de l'homme le plus riche du monde, celui qui se fait enlever. C'est peut-être le seul point faible d'une distribution très professionnelle, où l'on retrouve, entre autres, Mark Wahlberg, Romain Duris... et surtout Michelle Williams, presque méconnaissable et qui livre une excellente composition dans le rôle de la belle-fille du milliardaire.

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   Le film vaut d'abord pour le portrait d'un homme d'affaires misanthrope, égoïste, radin... et amateur d'art. Christopher Plummer est vraiment très bon dans ce registre, servi par un scénario aux petits oignons. Je recommande tout particulièrement l'histoire de la statue prétendûment achetée sur un marché d'Héraklion et le coup de la cabine téléphonique payante... dans un hall de la maison du château de campagne de Getty senior.

   La tension vient davantage des scènes italiennes, se déroulant à Rome et en Calabre (la pointe de la botte), celles-ci tournées (au moins en partie)... en Jordanie (la défiscalisation italienne n'ayant sans doute pas été jugée assez alléchante par la production yankee).

   C'est un bon suspens, qui s'accompagne de scènes quasi documentaires sur le fonctionnement traditionnel de la 'Ndrangheta. Il y a bien quelques facilités çà et là mais, comme c'est bien joué (et qu'on a gardé les dialogues en italien dans la version française), on ne voit guère le temps passer.

dimanche, 31 décembre 2017

Les "Riton" 2017

   Voici venu le temps... des palmarès cinématographiques. Je suis toujours aussi dubitatif vis-à-vis des cinéphiles qui réussissent à distinguer un ou trois films marquants sur une année complète. Même une liste limitée à dix "pépites" me paraît difficile à établir. Voici donc mes coups de coeur de 2017.

   Dans la catégorie "les femmes ont (parfois) une vie de merde et tentent de la changer"

- Riton du film d'emmerdeuse extrême-orientale : I am not Madame Bovary

- Riton du film d'emmerdeuses afro-américaines : Les Figures de l'ombre

- Riton du film d'emmerdeuses européennes : Les Conquérantes

- Riton du film d'emmerdeuse proche-orientale : Tempête de sable

- Riton du film de victimes moyen-orientales : Des Rêves sans étoiles

  

   Dans la catégorie "films à valeur documentaire"

- Riton du film bourré de puces : Kedi - Des chats et des hommes

- Riton du film garanti sans puce : L'Empereur

- Riton du film bourré de paysages exotiques : Nés en Chine

- Riton du film bourré de graisses : Le Fondateur

- Riton du film bourré de testostérone : Borg/McEnroe

- Riton du film bourré de talents vocaux : L'Opéra

- Riton du film bourré de talent pictural : La Passion Van Gogh (un des films de l'année)

- Riton du film bourré de pellicules : Lumière ! L'aventure commence (un des films de l'année)

 

   Dans la catégorie "les guerres inspirent de très belles oeuvres"

- Riton du film de famille : Cessez-le-feu

- Riton du film d'ambiance de guerre : Dunkerque

- Riton du film d'après-guerre : Au revoir là-haut (un des films de l'année)

- Riton du film d'après-guerre lointaine : Lumières d'été (un des films de l'année)

- Riton du film d'avant-guerre : Dans un recoin de ce monde

 

   Dans la catégorie "les oeuvres d'animation sont souvent bien mieux conçues que le tout-venant des fictions"

- Riton du manga qui porte le genre à un niveau rarement atteint : Your Name (un des films de l'année)

- Riton du manga qui traite de sujets délicats : Hirune Hime

- Riton de l'animation qui ne prend pas les enfants pour des imbéciles : La Bataille géante de boules de neige

- Riton de l'adaptation d'une bande dessinée : Zombillénium

- Riton de la meilleure continuation d'une série : Moi, moche et méchant 3

- Riton du plus gros délire animé : Lego Batman, le film

 

   Dans la catégorie "les comédies ont du mal à nous surprendre, mais certaines y parviennent, parfois"

- Riton de la satire provinciale : Citoyen d'honneur

- Riton de la fantaisie mondialisée : Crash Test Aglaé (un des films de l'année)

 

   Dans la catégorie "certaines oeuvres grand public m'ont particulièrement touché"

- Riton du biopic musical : Dalida

- Riton du biopic tiers-mondiste : Lion

- Riton du film de science-fiction plus ambitieux sur la forme que sur le fond : Passengers

- Riton du film de super-héros : Logan (un des films de l'année)

 

   Dans la catégorie "les films de genre réservent encore de bonnes surprises"

- Riton du Frenchie qui se débrouille bien : La Mécanique de l'ombre

- Riton de l'Espagnol qui n'est pas maladroit non plus : L'Homme aux mille visages

- Riton de l'Espagnol qui se débrouille encore mieux : Que Dios nos perdone

- Riton de l'Egyptien qui déchire sa race : Le Caire confidentiel (un des films de l'année)

 

   On termine avec la catégorie des "films coup-de-poing"

- Riton du meilleur film avec une fin ratée : The Square (un des films de l'année)

- Riton du meilleur film rural : Petit Paysan (un des films de l'année)

- Riton du meilleur film urbain : A Beautiful Day

- Riton du meilleur film "ethnique" : Get out

- Riton du meilleur film étouffant : Detroit

- Riton du meilleur film de scénariste-monteur : K.O. (un des films de l'année)

- Riton du meilleur film en costumes : The Young Lady (un des films de l'année)

- Riton du meilleur film de gonzesses : Grave (un des films de l'année)

 

   Archives :

- les Riton 2016 ... ben y en a pas eu

- les Riton 2015

- les Riton 2014

- les Riton 2013

- les Riton 2012

- les Riton 2011

- les Riton 2010

- les Riton 2009

- les Riton 2008

- les Riton 2007

- les Riton 2006 (ce qui ne nous rajeunit pas)

15:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 30 décembre 2017

Kedi - Des chats et des hommes

   Le titre est un mot turc désignant les chats, les matous... plutôt des mâles donc (castrés ou pas). Que l'on se rassure : dans ce bref documentaire (1h20), il est aussi amplement question des femelles, parfois très caractérielles !

   Nous voici plongés dans certains quartiers d'Istanbul (à proximité d'une zone portuaire dédiée à la pêche et le long de rues commerçantes traditionnelles), où des chats errants ont élu domicile, nourris, câlinés voire logés par les résidents ou les clients de passage. Ce sont très majoritairement des chats de gouttière, des bâtards, même si l'on voit quelques bêtes racées (dont une abandonnée).

   Les caméras (l'une d'entre elle montée sur une petite voiture télécommandée !) suivent plus particulièrement une dizaine de bêtes à poils. Même si elles ne sont pas toutes belles, la réalisation leur rend hommage, grâce notamment à de superbes (très) gros plans. On a aussi l'occasion d'admirer la souplesse de plusieurs animaux. Mais l'objectif principal du film est de nous faire découvrir leur caractère.

   Il y a la "patronne" du magasin de vêtements, qui sait pouvoir y faire la sieste... et qui n'hésite pas à apostropher les passants pour obtenir de la nourriture, dont elle réserve une partie à sa progéniture.

   Il y a les quatre chatons orphelins, dont s'occupe un père de famille modeste. Il va pouvoir compter sur l'appui d'un matou de passage, un mâle sans attaches qui décide de devenir le papa et la maman de la progéniture !

   Il y a encore ce couple asymétrique, avec la minette en dominante, qui se nourrit en premier et veille à ce que monsieur ne soit pas tenté de culbuter la première chatte de passage ! Elle se laisse toutefois approcher par un artisan, qui apprécie son indépendance.

   On s'attache aussi au "protecteur des terrasses", un matou vigilant qui traque les souris. Il semble plus efficace que la mort-aux-rats et a obtenu le droit de déambuler à sa guise entre les chaises.

   D'autres bêtes ont pris pour cible un appartement situé au premier étage, qui abrite un chat d'intérieur tout timidou, que sa maîtresse fait, de temps en temps, cohabiter avec certaines "racailles" de la rue. C'est entre ces "invités" qu'un conflit va éclater...

   L'exception à la règle est le chat distingué, qui a sa place réservée sur une chaise, à l'entrée d'un restaurant où il veille à ne pas pénétrer pendant le service. Très digne, il toise la clientèle sans émotion apparente... sauf quand, à travers la fenêtre, il voit le cuistot s'approcher des aliments dont il raffole. A ce moment-là, il sait parfaitement se faire comprendre !

   Le film s'attarde aussi sur ceux qui caressent ou qui nourrissent les animaux (souvent des personnes âgées). Cela donne de très belles scènes, pleines de poésie. Cela contrebalance la précarité de la vie des félins urbains. Beaucoup meurent écrasés par une voiture ou... de cancer. Il faut dire qu'ils ont le nez au niveau des pots d'échappement... Leur espace de vie est aussi menacé par la rénovation urbaine, qui supprime nombre d'espaces verts (en particulier les jardins) et remplace les immeubles traditionnels (pleins de recoins) par de gros machins modernes sans âme.

   C'est très correctement filmé, sur une musique bien choisie. Sur grand écran, les chattes et les chats sont vraiment attendrissants.

lundi, 25 décembre 2017

Ferdinand

   Par un étrange détour du destin, ce film d'animation sort en France juste après l'annonce du rachat de la Twentieth Century Fox par Disney. Or, il est produit par Blue Sky, la filiale animation de la Fox... et, dans l'adaptation du conte pour enfant, il succède à Disney, qui, en 1938, avait livré un court-métrage sur le même sujet.

   Aux manettes, on a Carlos Saldanha, qui a co-réalisé les trois premiers Age de glace. Il est aussi l'auteur de Robots, de Rio et de sa suite Rio 2. Son savoir-faire est visible assez tôt, au cours de la séquence de la Fête des fleurs, à la fois brillante et drôle.

   Petits et grands peuvent prendre plaisir à cette histoire, qui évoque l'amitié, la virilité et les différences. Tout le monde ne rit pas forcément en même temps : les petits adorent la chèvre et les hérissons débrouillards ; les adultes goûtent davantage les scènes faisant intervenir les trois canassons maniérés à l'agzent chermanique. J'ai quand même un faible pour le taureau génétiquement modifié, présenté au départ comme une véritable machine à tuer, et qui va considérablement évoluer...

   Au chapitre des séquences emballantes, il faut ajouter celle de l'abattoir, une improbable opération de secours qui va se transformer en délirant ballet taurin !

   Tout cela nous conduit à la dernière partie du film, la plus risquée selon moi, puisqu'elle tourne autour d'une corrida. Au départ, je me disais que les auteurs allaient se contenter de ménager la chèvre et le chou, pour ne déplaire à personne. Dans un premier temps, le torero est présenté comme antipathique, arrogant. Petit à petit sont instillés des éléments de l'univers tauromachique, qui tendent à le montrer sous un jour plus favorable. Mais (heureusement), au cours du combat dans l'arène, se produit un retournement totalement inattendu (et fort bien mis en scène).

   Du coup, j'ai trouvé ce film assez habile et, par moments, très drôle. C'est une bonne détente, pas idiote sur le fond.

18:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 24 décembre 2017

Médiocrité enseignementale

   Ce n'est qu'aujourd'hui qu'une anecdote croustillante a été portée à ma connaissance, par un article de La Dépêche du Midi. Les faits se sont déroulés mercredi 13 décembre dernier. Les professeures d'une école (publique ?) de Gironde ont emmené leurs chères têtes blondes (brunes, rousses...) au cinéma, sans doute dans un but hautement éducatif.

   Il est toutefois permis d'en douter quand on sait que le film au programme était L'Etoile de Noël, une animation certes très divertissante, mais dont l'intérêt pédagogique ne saute pas aux yeux. Cela ressemble bigrement à une sortie-prétexte, histoire de ne pas avoir à faire cours une demi-journée par semaine. (Entre le transport aller, l'installation dans la salle, la durée du film, le pipi de la fin et le retour au bercail, on a bien 3 heures - 3 heures 30 d'écoulées...) Nous savons bien combien le retour à la semaine de quatre jours et demi, imposé sous le quinquennat Hollande, a suscité d'oppositions égoïstes parmi certains parents, enseignants et élus locaux...

   Rappelons que, même avec le passage de 4 à 4,5 jours de classe, les petits Français font partie des élèves européens (et même de l'OCDE) à avoir le moins de jours d'école dans l'année. Ailleurs (comme c'était la règle en France il y a quelques générations de cela, à une époque où l'école primaire remplissait mieux sa mission qu'aujourd'hui), les cinq jours complets sont de mise, mais avec un emploi du temps quotidien moins chargé. Voilà qui permet aux élèves plus lents (ou moins doués) d'assimiler les notions que les enfants favorisés arrivent à ingurgiter en quatre jours de scolarité chargés.

   Mais, en Gironde comme parfois dans l'Aveyron, l'élite enseignementale fait de la résistance... en emmenant les gamins au cinéma le mercredi... ou le vendredi, comme j'ai déjà pu le constater à Rodez. Entendons-nous bien : le cinéphile que je suis accepte évidemment que ce genre de sortie fasse partie des activités pédagogiques. C'est de plus enrichissant sur le plan culturel. Encore faut-il au préalable avoir vu le film que l'on destine aux bambins... et préparer une (plusieurs ?) séance(s) de travail en lien avec la sortie. Visiblement, ça n'a pas été le cas de ces profs girondines quelque peu pusillanimes.

   Sur la Toile, la droite identitaire s'est déchaînée, contribuant à orienter le débat sur le thème de la laïcité. Mais le véritable problème est le manque de conscience professionnelle de ces enseignantes.

   PS

   Curieusement, dans les écoles privées (catholiques), la projection de ce film n'a soulevé aucun problème, notamment dans le Morbihan (à Carentoir) et dans le Finistère (à Brest).

lundi, 18 décembre 2017

Star Wars VIII - Les Derniers Jedi

   Deux ans après le très respectueux Réveil de la Force, la plus célèbre saga du cinéma revient avec un titre ronflant et évidemment trompeur. Aux manettes se trouve un nouveau réalisateur, Rian Johnson, qui s'est fait connaître il y a quelques années avec l'excellent Looper. Dès la première séquence (une baston dans l'espace), on nous en met plein la vue, avec, au premier rang, le personnage de Poe, mélange de Han Solo et de Luke Skywalker jeune. Du déjà vu donc, avec un élément particulièrement irritant : une tendance lourdingue à recourir au "juste-à-temps". On sait évidemment ce qu'il va advenir de la télécommande en équilibre au-dessus de la soute à bombes... et le sacrifice qui suit est mis en scène de manière particulièrement appuyée.

   Heureusement surviennent les scènes de l'île, avec Skywalker âgé et la jeune Rey (Daisy Ridley, toujours excellente, incontestablement la révélation de cette nouvelle trilogie ; c'est fou ce que cette actrice arrive à faire passer à travers son personnage). En alternance avec le calvaire des résistants traqués dans l'espace, on assiste à la formation de la nouvelle apprentie, qu'une étrange communion relie à distance à Kylo Ren. Celui-ci est toujours incarné par Adam Driver, un très bon acteur que je ne trouve hélas pas vraiment à sa place ici. Il faut dire qu'il est très difficile d'incarner un successeur au charismatique Dark Vador, peut-être le meilleur vilain que le cinéma ait jamais inventé.

   D'autres moments sont réussis, comme la séquence sur la planète-casino, avec en particulier l'évasion à dos de fathiers, sortes de gigantesques chevaux de l'espace. C'est l'occasion de signaler la qualité de la représentation des personnages animaliers, très expressifs, comme les fathiers, mais aussi les adorables porgs de l'île-refuge (qui vont s'attacher à Chewbacca) et les superbes renards de cristal, dont l'apport est déterminant en toute fin d'histoire.

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   Au chapitre des bonnes retrouvailles, il y a BB 8, R2-D2 (fugacement)... et Yoda (hélas trop peu présent). Je suis cependant beaucoup plus mitigé concernant Carrie Fisher, à qui on a confié essentiellement un rôle de potiche. Mon Dieu qu'elle est statique ! J'ai par contre apprécié une (fausse) nouveauté : le personnage de trafiquant interprété par Benicio Del Toro, évidemment calqué sur Lando Calrissian.

   Au chapitre des déceptions, je mettrais aussi le duel avorté entre Kylo Ren et son ancien mentor (ce qui n'est pas sans rappeler une scène du tout premier film sorti dans les salles). J'ai même été parfois désagréablement surpris par un aspect technique. (J'ai vu le film en 2D.) Au cours de certaines scènes, un changement de mise au point intervient (entre le premier plan et l'arrière-plan), rendant subitement net ce qui était auparavant flou et vice versa. Au moment du changement, on a l'impression que les dimensions de l'image sont déformées. Je pense que c'est dû à une mauvaise intégration de gros fichiers numériques, les plans regorgeant d'effets spéciaux. Il est dommage que cela survienne dans ce genre de grosses productions.

   Mais il reste la séquence de la planète de sel, vraiment très bien mise en scène, avec une bonne intensité dramatique. Elle rattrape ce qui précède et permet au film de se conclure sur une bonne note. Ce n'est pas un chef-d’œuvre, mais il relance la trilogie de manière intéressante, avec, toujours au centre, l'étrange relation entre les deux héros antagonistes.

23:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 16 décembre 2017

Les Gardiennes

   Xavier Beauvois (Des Hommes et des Dieux) s'est décidé à adapter, à sa manière, le roman éponyme d'Ernest Pérochon (paru en 1924). Il a le mérite de mettre au premier plan ce que, pendant la Première guerre mondiale, on appelait "l'arrière". Cette histoire est donc celle des femmes qui, dans les campagnes, ont fait "tourner la boutique" pendant que les hommes étaient au front, ne pouvant s'appuyer que sur les vieillards, les enfants et les soldats en permission.

   Ces femmes de tout âge (de la gamine en chaussettes à la veuve vêtue de noir) sont incarnées par une pléiade d'actrices talentueuses. On a, avec raison, souligné la performance de Nathalie Baye (formidable). On a un peu moins parlé de la révélation de ce film, Iris Bry, totalement inconnue, mais qui irradie aussi bien dans les scènes d'intérieur que dans les prises de vue extérieures. Cette orpheline, placée chez des patrons successifs, va se révéler une excellente fermière... et elle possède un joli filet de voix !

   Je suis par contre moins convaincu par Laura Smet, qui n'a vraiment pas la tête d'une paysanne... non pas qu'elle doive être laide ou grossière, mais on sent trop la citadine. Même si je comprends le choix de la distribution (réunir la mère et la fille dans une histoire familiale), je trouve que cela n'apporte rien au film.

   Celui-ci revêt souvent un aspect documentaire. On suit les travaux et les jours, dans cette grosse exploitation où les femmes triment du matin au soir. Ainsi, à l'époque, il faut avoir les bras solides pour tenir la charrue tirée par les boeufs. L'essentiel des travaux se fait à la main, y compris la moisson, le seul outil étant à la faucille (et le fléau, pour le battage). L'intrigue s'étendant sur plusieurs années (de 1915 à 1920), on voit débarquer les premières machines : la moissonneuse-lieuse McCormick (tirée par les boeufs) et un tracteur (rudimentaire) Ford (sous la marque Fordson). Heureusement, à cette époque, dans les campagnes, on se serrait un peu les coudes. Mais le film est assez subtil pour nous faire entrevoir les jalousies.

   L'amour va se greffer sur cette histoire pleine de deuils. L'un des hommes de la maison est l'objet de convoitises... tout comme, à partir de la fin de 1917, les jeunes et vigoureux soldats américains venus au secours des Français. Cela donne un tour sensuel à certaines scènes.

   Le principal défaut du film est son rythme, très lent. A trop vouloir restituer le mode de vie rural, Beauvois peine parfois à se débarrasser de l'accessoire. Il s'attarde aussi un peu trop sur certains plans. Cela n'enlève rien aux qualités mentionnées plus haut, mais cela creuse un fossé entre ce qui reste un bon film et ce qui aurait pu être un chef-d'oeuvre.

vendredi, 15 décembre 2017

Santa & Cie

   Alain Chabat s'est lancé dans la comédie de Noël. Au départ, je n'étais pas trop partant (peut-être à cause du souvenir très mitigé que je garde de Bad Santa). Mais, comme le bouche-à-oreille est bon, je me suis laissé tenter.

   Le début m'a mis dans de bonnes dispositions. La première séquence dans le monde du Père Noël est éblouissante, avec une profusion de trucages numériques au service du merveilleux : il est question de la fabrication des cadeaux de Noël. La suite est vraiment drôle, avec le premier séjour de Santa au commissariat. Signalons que Chabat a recruté une pelletée de seconds rôles efficaces.

   J'ai trouvé que la rencontre avec la "famille idéale" (les parents étant incarnés par Pio Marmai et la délicieuse Golshifteh Farahani) fonctionnait moins. C'est un peu surjoué. Les gamins s'en sortent bien, surtout au début. Ensuite, ils m'ont un peu cassé les pieds.

   Mais, bon, le film regorge de clins d’œil à destination des adultes ; il y a des jeux de mots ; l'action est rythmée et les rennes sont mignons comme tout. Chabat a veillé à ne pas aller trop loin, afin que cela reste une comédie familiale, à la fin relativement prévisible. Elle contient néanmoins la superbe scène du "chargement" des cadeaux, très inspirée.

   Cela ne va pas révolutionner le cinéma, mais cela permet de passer un très bon moment.

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vendredi, 08 décembre 2017

Paddington 2

   Trois ans après la sortie du premier volet de ses aventures, le plus vivant des ours en peluche revient sur les écrans, dans une comédie d'aventures à la fois très britannique et universelle par les thèmes qu'elle aborde.

   On commence par retrouver le héros en famille, avec une scène de salle de bains cocasse même si elle fait un peu "déjà-vu". J'aime bien la caractérisation des personnages : le père ancien rebelle devenu cadre sup' frustré, la mère dynamique qui a rogné ses ambitions, la fille qui cherche à se démarquer (et qui va finir par y arriver) et le frangin en pleine crise d'identité, qui tente de se faire passer pour un djeunse.

   La mise en scène est très soignée, avec notamment une scène étourdissante autour du livre animé (appelé ici livre pop-up), le dialogue débutant dans le monde réel (avec Paddington !) pour se poursuivre "dans" le livre, devenu la scène. C'est bluffant. (A l'origine, cela devait figurer dans le premier volet, selon Allociné.) Notons que le personnage de l'ourson est toujours aussi bien inséré à l'écran, interagissant parfaitement avec les personnages en chair et en os.

   L'humour revient rapidement à l'assaut, avec les déboires de Paddington dans le monde du travail. C'est d'abord chez un coiffeur qu'il va faire des dégâts, avant d'officier en tant que laveur de carreaux, une activité pour laquelle il se révèle "anatomiquement" doué...

   Les scènes les plus attendues étaient sans doute celles se déroulant en prison. Victime d'une injustice, le héros se retrouve entouré de criminels... dont il va se finir par se faire des alliés, voire des amis ! La manière dont le retournement de situation se produit est bien amenée, d'autant plus que, dans la maison d'arrêt, l'ourson commence par commettre une énorme bourde... En tout cas, il y rencontre un cuistot pas comme les autres, gros dur au cœur tendre (Brendan Gleeson, très bien dans le rôle), et une brochette de "gueules" qui mérite le détour. Attention toutefois : le vrai méchant de l'histoire ne se trouve pas en ces lieux (en tout cas, pas au début) ; il habite tout près de la famille du héros. Il est incarné avec un plaisir évident par Hugh Grant.

   Mais le plus étonnant pour moi a été de constater que les auteurs ont fait du héros une sorte de réincarnation de Charlot (le personnage de Chaplin). Paddington a un peu la même démarche que lui, il porte un chapeau minable, qu'il soulève quand il s'excuse d'avoir commis une gaffe... et il est assez souple et imaginatif pour se sortir des pires situations. Enfin (et surtout), à un moment (au début de la séquence d'évasion), il se retrouve piégé dans un engrenage, dans ce qui est une référence explicite aux Temps modernes.

   Quoi qu'il en soit, ce n'est pas pour la subtilité du scénario que l'on va voir ce film. Le gros de l'intrigue est cousu de fil blanc. On comprend très vite tout ce qui va se passer, à l'exception du mystère lié au livre animé, qui donne un côté enquête mystérieuse à l'histoire. Celle-ci trouve son dénouement dans une excellente séquence de trains, pleine de rebondissements.

   Ce n'est pas la comédie la plus hilarante à l'affiche, mais elle fait passer un très bon moment.

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lundi, 04 décembre 2017

L'Etoile de Noël

   Cette animation de Sony Pictures suscite des réactions contrastées, notamment en raison du sujet sur lequel s'appuie l'intrigue : les mois qui auraient précédé la naissance de Jésus. Voilà pourquoi, dans un souci d'impartialité, je vais vous proposer non pas une, non pas deux, non pas trois mais quatre critiques différentes de ce film.

   On commence par Jean-Hubert, un identitaire de droite qui a emmené ses sept enfants voir le film.

   En cette approche du temps béni de Noël, il est bon qu'un film d'animation rappelle à notre saine jeunesse les fondements de notre Civilisation. Ainsi, loin du matérialisme putride dans lequel baignent tant de productions destinées au peuple, cette oeuvre spirituelle fait le pari d'élever l'âme des spectateurs. A plusieurs reprises, l'intervention divine est visible à l'écran, rappelant aux fourmis que nous sommes combien nous sommes dépendants du Très-Haut. Celui-ci ne fait pas de distinction entre les créatures vivantes pour indiquer Son dessein. Comment ne pas voir la marque divine dans l'ardeur à faire triompher le bien manifestée par un âne chatouilleux, une colombe bavarde, une brebis bondissante et des dromadaires mal coiffés ? En dépit de l'horrible menace qui pèse sur la Sainte Famille (curieusement représentée sous des traits "orientaux"), le destin de l'humanité était en marche !

   On continue avec la critique de gauche insoumise, par Karl-Georges-Boris ("KGB" pour les intimes).

   Fonctionnant à la marge du système capitaliste hollywoodien, Sony Pictures nous propose une lecture révolutionnaire des textes considérés par certains comme sacrés. Joseph et Marie sont deux prolétaires victimes de l'impérialisme romain, dans lequel tout le monde reconnaîtra son lointain avatar états-unien. Ils forment un couple égalitaire, se partageant les tâches du quotidien. Tous deux appartiennent aux "minorités visibles", ces Français issus de l'immigration africaine spoliés par l'histoire, auxquels un glorieux destin est promis. Pour cela, ils vont devoir s'unir et s'unir avec ceux qui, de prime abord, apparaissent très éloignés d'eux. Cette puissante métaphore appelle les réprouvés de toute origine, humains, dromadaires, colombes, moutons, chèvre, ânes, chevaux, boeufs et chiens, veaux, vaches, cochons, à se fédérer pour renverser l'ordre établi. Cette animation, en dépit de quelques désagréables aspects superstitieux, est un véritable appel à la révolte !

   Je m'en voudrais de ne pas vous communiquer la critique islamo-fasciste, rédigée par Tariq-Alain.

   Le complot américano-sionisto-croisé tente à nouveau de déverser sa propagande infâme dans la tête des enfants d'Allah. (Loué soit Son nom !) Ce film a sans nul doute été produit dans le but de faire croire qu'Issah, ce prophète de deuxième catégorie, était le véritable élu de Dieu, alors que tout le monde sait qu'il s'agit de Muhammad. (Bénie soit son action !) Mais nous avions prévu cette tentative. Nous avons infiltré des frères dans la grande machine hollywoodienne à fabriquer du mensonge. Voilà pourquoi cette oeuvre au départ impure s'est parée des couleurs de l'Islam. Ainsi, le couple de héros, Youssouf et Myriam, forme incontestablement une famille palestinienne qui suit la voie de l'obéissance à Allah. Ils n'élèvent pas de porc, cet animal impur. De plus, lorsqu'elle sort du domicile, Myriam se couvre comme toute bonne musulmane doit le faire (et non comme tant de pécheresses en Occident, ces vipères lubriques qui tentent d'échapper à la saine domination de l'homme). Ce couple est pourchassé par des militaires cruels armés jusqu'aux dents, au service d'un pouvoir oppresseur. Il s'agit bien évidemment de l'occupant sioniste. L'ingéniosité dont font preuve les personnages animaux n'est pas sans rappeler les efforts méritoires et souterrains menés par les combattants d'Allah pour faire triompher la Vraie Foi.

   Je termine par la critique la plus objective, la plus érudite, la plus argumentée, celle de Jérémie, 8 ans (et demi) : "C'est trop rigolo !"

vendredi, 01 décembre 2017

A Beautiful Day

   A première vue, le titre du film sonne comme une antiphrase. Le héros Joe (Joaquin Phoenix, transfiguré) semble ne vivre que des journées de merde. Il faut dire qu'il cumule les passifs : il a eu une enfance difficile et c'est un ancien soldat, miraculeusement rescapé d'une embuscade au Moyen-Orient. Son corps en porte encore les stigmates.

   Le poids de cette culpabilité explique peut-être son comportement suicidaire : les risques qu'il prend à tuer et les semi-tentatives qu'on le voit exécuter. C'est d'ailleurs par l'une d'entre elles que commence l'histoire, avec un superbe gros plan sur une tête dans un sac plastique.

   C'est la marque de la réalisatrice Lynne Ramsay, très attentive à la construction de ses plans. La première partie du film est riche en trouvailles, comme cet enchaînement entre la vision du héros prostré dans une penderie et une autre du même, perçu en contre-plongée par-delà les rails du quai d'une gare. Entre les deux plans, l'acteur n'a pas changé de posture ni de place.

   Il est donc possible de (presque) complètement s'abstraire de l'intrigue (au demeurant guère inventive) pour goûter pleinement le savoir-faire de la réalisatrice... et la performance de l'acteur principal. De surcroît, le scénario a des aspects nauséabonds. Joe, qui vit avec sa mère (qui perd les pédales), s'est reconverti dans le meurtre sur commande, façon grands coups de marteau dans la gueule. Petite précision : il semble ne s'en prendre qu'à des crapules.

   Le voilà bientôt mêlé à une affaire sordide, faite de corruption politique et de pédophilie. C'est bien dégueu... et la réalisatrice frôle le caniveau : il est évident qu'on ne peut qu'adhérer à la croisade que Joe va mener, sans subtilité, contre la bande de salopards. Signalons toutefois que L Ramsay a l'élégance d'introduire quelques ellipses, qui nous évitent de voir trop de sang gicler. (Grosse déception pour le spectateur en quête de catharsis après une journée de boulot irritante.)

   Et puis, au détour d'une scène, elle ose, comme cette improbable (et fugace) communion entre deux tueurs de bords opposés, l'un aidant l'autre à adoucir ses derniers instants, sur le sol d'une cuisine. C'est totalement inattendu, gonflé... et réussi. (Je recommande aussi la scène des funérailles lacustres.)

   Je m'en voudrais de ne pas signaler la composition d'Ekaterina Samsonov (futur petit canon hollywoodien), qui incarne la gamine que le tueur mutique va prendre sous son aile. Malheureusement, la réalisatrice peine à conclure son histoire. Elle tente même, par un artifice scénaristique, de suggérer deux fins possibles, mais c'est décevant, au regard de ce que le film a fait entrevoir auparavant.

   PS

   L'un des personnages secondaires possède un très joli matou auquel, fort heureusement, il n'arrive rien de désagréable, contrairement à nombre d'humains.

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jeudi, 30 novembre 2017

Le Brio

   J'ai un peu tardé à aller voir ce film, qui a bénéficié d'une promotion quasi-hollywoodienne. La vision de la bande-annonce m'avait donné l'impression de connaître déjà toute la trame de l'histoire, ce qui enlève quand même un peu l'envie. Mais, certains éléments laissaient présager une intrigue pas trop "politiquement correcte" et le bouche-à-oreille est très bon. Va donc pour Le Brio.

   La première (agréable) surprise arrive dès le début, avec ces extraits d'émissions télévisées, avec Serge Gainsbourg, Claude Lévi-Strauss, Romain Gary et surtout Jacques Brel, qui parle de la bêtise et du bonheur.

   Très vite, le principal argument de cette comédie sociétale surgit : la confrontation entre l'étudiante beurette banlieusarde pugnace et le prof de fac grand-bourgeois de droite. Les échanges entre les deux personnages sont souvent savoureux, notamment grâce au talent des interprètes, Daniel Auteuil (que je n'ai pas vu aussi  bon depuis longtemps) et la révélation Camélia Jordana (qui n'était jusqu'à présent pour moi qu'une -jolie- voix, celle qui interprète la chanson accompagnant le dernier film de Cédric Klapisch, Ce qui nous lie). On peut aussi signaler la prestation de Yasin Houicha en Mounir, le petit ami de Neïla.

   A ceux qui pensent que le pire (question propos stigmatisants) sort de la bouche de Pierre Mazard, je conseille de tendre l'oreille au début du concours de plaidoiries, lorsque le premier adversaire de l'héroïne Neïla soutient la thèse que "l'habit ne fait pas le moine". (C'est d'autant plus fort que le petit con en costume-cravate est très bien interprété.)

   Il y a toutefois un aspect conte de fées dans l'histoire. L'héroïne habite une cité du Val-de-Marne où il n'y a ni trafic ni agression, où presque aucune femme n'est voilée. Quant aux deux principaux protagonistes qu'au départ tout oppose, ils vont petit à petit surmonter leurs aprioris et changer, intérieurement comme extérieurement. Fort heureusement, le scénario ménage quelques retournements. La vie n'est pas aussi simple et, parfois, on peut tirer grandement profit de situations désagréables.

   Plusieurs scènes m'ont marqué. Il y a celles qui montrent le groupe de potes de banlieue, des jeunes (presque) comme les autres, qui se chambrent et jouent ensemble. J'ai aussi beaucoup aimé le repas de femmes, entre la grand-mère à peine francophone, la fille adolescente attardée et la petite-fille brillante mais habillée comme une souillon. Du point de vue de la mise en scène, c'est une plaidoirie de Neïla qui emporte le morceau, vers la fin. Elle ne survient pas dans le contexte auquel on s'attend, mais c'est quand même un bel hommage à l'enseignement qu'elle a reçu, puisqu'elle y exploite les petits trucs de son agaçant mentor.

   Et puis il y a cet épilogue assez cocasse, qui donne foi en l'avenir.

mardi, 28 novembre 2017

Les Conquérantes

   Ce film suisse évoque le combat des femmes pour l'obtention du droit de vote... et de plus de respect au quotidien de la part des hommes. Le début des années 1970 est une époque de remise en cause, chez nos voisins alpins comme ailleurs. Les spectateurs qui ont un peu de kilomètres au compteur retrouveront dans cette Suisse rurale et patriarcale un peu de la France des années 1970-1980, à ceci près que, dans l'Hexagone, c'est depuis 1944 que les femmes peuvent voter.

   Cela aurait pu donner un film pesant, militant, poussiéreux. Ce n'est heureusement rien de tout cela. C'est évidemment engagé, mais furieusement drôle, malgré la gravité des situations. Il y a d'abord le contraste entre ces femmes de la campagne, soumises bien qu'enragées de leur condition de bonnes à tout faire, et les jeunes qui ne veulent pas de la même vie de leur mère. Il y a aussi la beaufitude ridicule de certains hommes, vraiment pas subtils. Il y a enfin l'irruption de la révolution sexuelle, dans une scène hilarante au cours de laquelle des femmes revendiquent le mot "clitoris" et découvrent, pour certaines d'entre elles, qu'elles ont un tigre dans le moteur...

   On suit plus particulièrement l'évolution de Nora, une timide femme au foyer qui doit se fader un beau-père acariâtre, deux fils égocentriques et un mari gentil mais très sensible au qu'en-dira-t-on. L'une des scènes du début la montre pédalant à vélo, dans l'un des rares moments de totale liberté dont elle jouit. Le déclic est la révolte de sa nièce, dont Nora ne supporte pas la répression. Dans le même temps, elle suit les débats sur le référendum portant sur le droit de vote... et elle se dit qu'elle pourrait reprendre un travail.

   Cela fait beaucoup pour son mari Hans, un beau garçon maladroit qui ne l'a jamais fait jouir. Travailleur consciencieux, il est sur le point de bénéficier d'une promotion dans la scierie dirigée par une vieille bique ultraconservatrice. Son départ pour le service militaire va donner des ailes à Nora... et bouleverser le village.

   L'héroïne va trouver des alliées : une retraitée à moitié sénile mais audacieuse, une restauratrice d'origine italienne de moeurs très libres et même sa belle-soeur, lassée d'un mari décevant.

   Cela donne un ensemble instructif et très plaisant, toujours d'actualité à une époque où l'obscurantisme est loin d'avoir disparu.

   

dimanche, 26 novembre 2017

Thelma

   Visible à Rodez en version française comme en version originale, ce film fantastique nous vient de Norvège. Il débute de manière assez classique, par une scène issue du passé : un père emmène sa fille à la chasse. Rien n'est dit, tout est suggéré, mais l'on comprend que, lorsqu'une biche surgit devant les personnages, la gamine aimerait bien que son père ne la tue pas. Je vous laisse deviner comment cette enfant "un peu spéciale" lui fait comprendre qu'il ne devrait pas tirer...

   On retrouve Thelma des années plus tard. La petite fille de la campagne est devenue un joli brin de femme, étudiante dans une grande ville où elle a du mal à s'intégrer. Le réalisateur Joachim Trier part d'une vie quotidienne anodine pour suggérer que le feu couve sous la glace.

   Thelma a été élevée par des parents très croyants. Elle a été surprotégée. Du coup, elle apparaît un peu coincée à ses camarades de fac : elle est timide, ne boit pas d'alcool, ne sort pratiquement pas le soir et, quand elle s'exprime, a des opinions qui tranchent par rapport à ses camarades. Chaque jour, elle a au moins l'un de ses parents au téléphone. Ce n'est que plus tard que l'on comprend que la jeune femme a un secret, que connaissent ses parents. Les dialogues entre eux sont donc à double sens, suffisamment bien écrits pour que la posture des parents chrétiens hyper-protecteurs tienne la route.

   Cette deuxième partie un peu languissante voit Thelma se faire une amie, étudiante comme elle. Leur relation prend un tour inattendu, le tout filmé avec beaucoup de sensualité.

   Evidemment, cela va finir par déraper. Le passé enfoui ressurgit, déteignant sur le présent. Le fantastique (ou le surnaturel) prend de plus en plus de place, sans que le réalisateur ait besoin de recourir à une tonne d'effets spéciaux. En gros, seules trois scènes (une dans une clinique, une chez l'amie de Thelma et une sur le lac) ont nécessité des retouches numériques. Les autres suscitent le trouble voire la crainte grâce au jeu des acteurs, à la mise en scène et au montage.

   Le seul défaut du film est sa longueur. Je ne me suis jamais ennuyé, mais j'ai trouvé que, de temps en temps, on aurait pu accélérer le rythme. Notons toutefois qu'il se termine de manière surprenante, pas du tout "à l'américaine". Gageons qu'Hollywood va récupérer le scénario pour en produire une version plus conforme aux canons en vigueur outre-Atlantique.

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samedi, 25 novembre 2017

Detroit

   Kathryn Bigelow (la réalisatrice très inspirée de Démineurs et Zero Dark Thirty) s'est penchée sur les émeutes de 1967, dans ce qui était alors la capitale de l'automobile américaine. Le film met principalement en scène les tensions entre (certains) Noirs et (certains) Blancs, alors que la ségrégation venait à peine d'être supprimée.

   C'est une nouvelle fiction à caractère documentaire. La réalisatrice essaie de reconstituer ce qui s'est passé cette nuit-là, quasiment en temps réel, en suivant au plus près les principaux personnages, interprétés par des acteurs criants de vérité. Parmi ceux-ci, on reconnaît John Boyega (vu dans Le Réveil de la Force et The Circle) et Will Poulter (vu dans The Revenant).

   On sent que le film est à la fois très écrit et nourri par une part d'improvisation. C'est vraiment très bien foutu. Bigelow filme Detroit comme une ville en guerre du Moyen-Orient. Et que dire de la montée de tension qu'elle instaure, au point de rendre étouffantes certaines scènes en apparence anodines.

   Trois catégories de forces de l'ordre sont intervenues cette nuit-là : les militaires de la Garde nationale, des policiers de l'Etat de Michigan et ceux de la ville de Detroit, qui font plus penser à une milice désorganisée qu'à des défenseurs de la loi. C'est d'eux que vont surgir les dérapages.

   En même temps, Bigelow ressuscite une époque, celle d'un furieux appétit de liberté de la part d'une partie de la jeunesse, sur fond de musique Black.

   La limite du film est le décalage que j'ai ressenti par rapport à quasiment tous les personnages. Qu'ils soient des "bons", des "méchants" ou des "neutres", je n'ai pu m'identifier à aucun d'eux. Ils me sont apparus bouffis de préjugés ou lâches ou terriblement immatures. Alors que la mise en scène a pour but de nous immerger au coeur de l'intrigue, je suis resté un peu étranger à la représentation de cette flagrante injustice, pourtant très bien filmée.

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mercredi, 22 novembre 2017

Justice League

   DC Comics essaie de la jouer comme Marvel, en lançant une série de films de super-héros liés les uns aux autres. Voilà pourquoi celui-ci contient des allusions à Man of Steel et Batman vs Superman. Cependant, cela ne débute pas sous les meilleurs auspices. Je ne sais pas si c'est la version française qui pêche, mais, franchement, la plupart des dialogues sont à chier... et j'ai vraiment du mal avec la groooossse voix dont on a affublé Ben Affleck (décidément pas le meilleur Batman).

   Heureusement, à intervalle régulier, des traits d'humour viennent égayer l'intrigue, sans toutefois que cela soit aussi désopilant que dans le récent Thor : Ragnarok. L'une de ces saillies figure d'ailleurs dans la bande-annonce, à l'intérieur d'un dialogue entre Batman et un petit nouveau :

- Et vous, c'est quoi votre super-pouvoir ?

- Je suis riche.

   De manière générale, tout ce qui tourne autour de Flash (Ezra Miller, très bien) est réussi. J'ai beaucoup apprécié ce personnage de djeunse maladroit et blagueur, qui n'est pas sans rappeler le Vif-Argent des X-Men.

   L'humour est aussi de sortie à l'occasion de la résurrection d'un autre super-héros, dans une scène où celui-ci dialogue avec sa petite amie :

- Ça fait quoi d'être entre quatre planches ?

- Ça gratte.

[...]

- Tu sens bon !

- C'était pas le cas avant ?

   Enfin, plus loin, au cours d'une baston, deux des valeureux combattants de la liberté échangent des propos de la plus haute intensité :

- Mais t'es dingue !

- C'est pas moi qui suis venu avec une grosse fourchette.

   On retrouve un peu l'ambiance de 300 - La Naissance d'un empire, scénarisé par Zack Snyder, qui est ici derrière la caméra. Voilà pourquoi celle-ci s'attarde autant sur ces corps masculins bodybuildés (sacré Zack !), les personnages féminins étant nettement moins bien mis en valeur... à l'exception peut-être de Wonder Woman, qui a le charme et l'énergie de Gal Gadot, pourtant pas gâtée par son costume.

   Ses congénères amazones sont d'ailleurs au cœur de la première séquence emballante du film, lorsque leur île est attaquée par Steppenwolf, un méchant très très vilain (et costaud). Il faut reconnaître que Snyder sait y faire côté baston. Il est servi par de très beaux décors et des effets spéciaux qui en jettent.

   Bref, au bout d'un moment, on se fiche un peu du pourquoi et du comment et l'on digère agréablement, confortablement installé dans une grande salle.

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mardi, 21 novembre 2017

Carbone

   Olivier Marchal signe un nouveau polar, dont l'intrigue s'inspire de l'affaire la fraude à la TVA sur les quotas de carbone. En août dernier, Le Monde a consacré une excellente série de papiers à cette arnaque tarabiscotée, qui a sombré dans le macabre.

   Par précaution et peut-être aussi pour mieux gérer la tension dramatique, les scénaristes se sont parfois un peu éloignés de l'histoire. Ainsi, le personnage principal, incarné par Benoît Magimel (correct, mais pas transcendant), est un mélange d'Arnaud et de Fabrice (pour ceux qui connaissent l'affaire). On a de plus rendu son personnage plus sympathique que dans la réalité... sinon il n'y aurait pas eu de film : les spectateurs lambdas n'auraient pas pu s'identifier à des escrocs minables et des salauds sans scrupule.

   Le début est un peu lourd, avec l'insistance mise sur ce courageux chef de PME que le fisc emmerde et qui, de surcroît, doit supporter la morgue de son richissime beau-père (Depardieu, potable). Les meilleures scènes surviennent quand il se retrouve avec ses potes, très bien interprétés. Parmi eux, je distingue Mickaël Youn et surtout Idir Chender, qui incarne le mec immature, qui ne va pas parvenir à gérer la pression et à qui le succès va faire perdre les pédales. Il est vraiment très convaincant. Signalons aussi la composition de Dany en matrone juive. Laura Smet n'est pas mal non plus en compagne du vainqueur du jour.

   Le principe de l'arnaque est expliqué sans trop de détails. Le but n'est pas de créer une fiction à caractère documentaire. Marchal veut manier la pâte humaine, à l'américaine, et brosser le tableau de l'ascension et de la chute d'une bande de potes. Au passage, il se vautre un peu dans la représentation du luxe ostentatoire (musique assourdissante, filles affriolantes, sexe, drogue, alcool, grosses voitures et montres rutilantes). Mais, comme c'est filmé avec style, ça passe. La tension monte efficacement, notamment à partir du moment où des truands patentés vont vouloir prendre leur part du gâteau... voire celle des autres.

   Le fait que cette arnaque ait été mise en oeuvre par des minorités (et que Marchal n'ait pas cherché à atténuer cet aspect communautaire) a gêné certains critiques (notamment celui du Monde). Oui les premiers arnaqueurs étaient presque tous des juifs du Sentier, oui leurs associés étaient des trafiquants maghrébins et oui les blanchisseurs de l'argent sale étaient d'origine chinoise. Et alors ?

   On peut très bien s'émanciper du contexte et se contenter de savourer un film d'action efficace, comme le cinéma français en propose peu.

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dimanche, 19 novembre 2017

Borg/McEnroe

   Au tournant des années 1970-1980, la rivalité entre ces deux joueurs de tennis a contribué à augmenter l'intérêt du public pour ce sport, de mieux en mieux servi par la télévision. Cette fiction à caractère documentaire est une véritable tranche de vie, une sorte de coupe géologique d'une époque, au coeur de laquelle se trouve le tournoi masculin de Wimbledon, en 1980. Le réalisateur est Janus Metz Pedersen, auquel on doit un très bon documentaire (sorti en 2010), Armadillo.

   Sans surprise, le début insiste sur ce qui oppose les deux hommes. John McEnroe (Shia LaBeouf, pas mal) est le jeune qui monte. Il a du tempérament (trop, disent certains), aime le rock'n'roll et déploie un tennis d'attaque qui en fait un adversaire très dangereux sur surface rapide. Il gagne déjà assez bien sa vie, mais ne peut pas (encore) se permettre de vivre dans le grand luxe. Il n'est pas très populaire en dehors des Etats-Unis.

   Au contraire, Björn Borg, la vedette du moment, fréquente les palaces, est l'objet de l'adulation des foules, en particulier les jeunes femmes et les fans de tennis. Il est calme, poli, intraitable sur le court, mais sans émotion apparente, jouant un tennis moins flamboyant que son jeune adversaire... mais diablement efficace. Il est incarné par Sverrir Gudnason, la révélation de ce film : j'ai vraiment eu l'impression de me retrouver face à la réincarnation du champion suédois.

   En lisant ce qui précède, les plus jeunes seront tentés de faire le rapprochement avec la rivalité Nadal-Federer. Mais, dans ce cas précis, c'est le joueur de fond de court (l'Espagnol) qui est explosif, l'attaquant (le Suisse) étant doté d'un tempérament plus flegmatique, ce qui (en plus de son jeu très agréable à regarder) lui a d'ailleurs valu les faveurs du public de Wimbledon.

   Le film gagne en épaisseur quand il dépasse l'opposition apparente, pour montrer ce qui rapproche les deux joueurs. Comme c'est une production suédoise, c'est la jeunesse de Borg qui est le plus montrée (et la finale de 1980, plutôt que celle de 1981). Les fans de tennis seront peut-être surpris d'apprendre que, dans son enfance et au début de son adolescence, Björn Borg était un gamin très expansif, hargneux, dont le caractère fougueux a failli torpiller la carrière tennistique. De surcroît, c'était un amateur de hockey sur glace, une pratique qui lui a servi dans le tennis, mais qui n'a pas contribué à en faire un type calme. L'un des enjeux de l'intrigue est de nous montrer comment il a changé, comment il a été façonné par son mentor. Des années plus tard, en dépit des apparences, il se reconnaît un peu en McEnroe.

   Celui-ci est issu d'une famille aisée, mais qui ne tient pas le tennis en très haute estime. Le père a semble-t-il des ambitions scientifiques pour son fils, auquel il fait travailler le calcul mental et les échecs. Lorsque le jeune John se prend de passion pour le tennis, les médias commencent à parler d'un prodige suédois dont les photographies vont orner la chambre de l'Américain : Borg.

   Le film montre bien que, pour réussir au plus haut niveau, les deux jeunes hommes ont dû "se battre contre". Pour eux, le tennis n'est pas qu'un sport, un moyen de rencontrer des filles ou de (bien) gagner sa vie : c'est une question de survie, au moins pendant l'adolescence et le début de l'âge adulte. On comprend mieux les sacrifices que chacun a dû faire.

   Incidemment, l'histoire pointe du doigt les dérives de ce sport-spectacle, avec l'arrivée massive de l'argent des sponsors et le poison de la presse de caniveau (mais la grande, la respectable, n'est pas gâtée non plus par le film). Les "partenaires commerciaux" des joueurs les poussent à disputer de juteux matchs-exhibition, sans se soucier du contexte politique. A la longue, c'est épuisant et cela a sans doute contribué à écourter la carrière de Borg, qui n'a vécu que pour le tennis de 15 à 25 ans et qui n'a sans doute pas supporté de risquer de ne devenir que le numéro 2 ou 3 mondial.

   Sur le plan de la réalisation, on peut signaler la qualité des échanges de tennis mis en scène (à Wimbledon), malgré leur brièveté. Alors que, comme dans le football, la représentation de ce spectacle a atteint aujourd'hui un haut degré de savoir-faire (sur le plan technique), ce modeste film de fiction réussit à rendre compte du mouvement et de la tension créés par un match. Il mérite vraiment le détour.

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lundi, 13 novembre 2017

Zombillénium

   C'est l'adaptation de la bande dessinée d'Arthur de Pins (par lui-même, entre autres). Dès 2010, pour la sortie du tome 1, une courte vidéo avait été mise en ligne sur Youtube. Plus récemment, les personnages de l'histoire ont été mêlés aux membres du groupe Skip The Use, dans le clip (très sympa) illustrant la chanson Nameless World.

   Le style des dessins est assez original, avec un grand soin apporté à leur animation. Alors que nombre de productions numériques se contentent de mouvements hachés, manquant de fluidité, ici, le résultat est vraiment remarquable, avec de surcroît un bon sens du rythme. C'est en partie lié à la musique, qui mélange le rock et un ersatz de classique usuel dans les films d'action.

   Ceux qui connaissent rien à cet univers seront parfaitement mis dans le coup par le générique de début, qui raconte à lui seul tout une histoire. On comprend très vite que derrière l'humour noir (lié à la mort et aux monstres) se cache une virulente critique sociale, que je laisse à chacun le plaisir de découvrir. (Ce n'est pas pour rien qu'une des musiques d'accompagnement s'inspire d'une célèbre chanson de Pierre Bachelet...)

   Très vite, on découvre une galerie de personnage hauts en couleur : un loup-garou menaçant, une sorcière (horriblement gothique et sexy), une momie farceuse, un squelette syndicaliste, des zombis maladroits, un patron vampire... et des humains, notamment un père de famille carriériste, qui s'occupe trop peu de sa fille, malgré le décès de la mère de celle-ci.

   Le bureaucrate va se retrouver piégé dans le parc d'attraction devenu le repaire de divers monstres, dont les vampires tentent de prendre le contrôle, sous la houlette d'un beau gosse infatué qui a les traits d'un héros de Twilight ! C'est l'occasion de préciser que les scènes regorgent de clins d'oeil, à des vedettes du "chaud bise", à des films de fiction... et aux travers de nos contemporains. J'ai particulièrement aimé la propension des visiteurs du parc à se prendre en photographie à n'importe quelle occasion.

   Attention toutefois : il y a des méchants dans l'histoire, au premier rang desquels figure le Diable, qui communique avec ses subordonnés (et sa fille en stage) par visioconférence sulfureuse... Il peut s'appuyer sur quelques créatures maléfiques, comme ce terrible chien à trois têtes, qui, dans une scène hilarante, va finir par trouver son maître...

   C'est vraiment drôle, entraînant et porteur de sens. Les (pas trop) petits rigoleront de bon coeur et les grands passeront un bon moment.

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samedi, 11 novembre 2017

Brooklyn Yiddish

   Cette courte (1h20 environ) fiction américaine fera découvrir à certains spectateurs la communauté hassidique new-yorkaise, plus précisément celle (originaire d'Europe orientale) parlant le yiddish, ce mélange d'allemand et d'hébreu dont on a pu entendre quelques phrases ces dernières années dans des films aussi différents que A serious man, Sous la ville, L'Antiquaire, l'excellent Fils de Saul et, l'an dernier, Les Enfants de la chance. A ce sujet, on remarque qu'à certaines occasions, le yiddish se mâtine d'anglo-américain et l'on reconnaît des mots comme homework, business, telephone ou job.

   Le héros Menashe est incarné par un acteur qui a vécu à peu près la même histoire : son épouse est décédée et on lui a retiré la garde de son fils. C'est une sorte de loser juif, maladroit, gaffeur, un peu obèse et pas d'une hygiène irréprochable. Mais c'est un chic type, qui tente de s'en sortir avec ses moyens et de vivre sa vie de père avec son gamin, sur lequel la belle-famille a mis la main. Au-delà du caractère communautaire de l'arrière-plan, c'est un sujet universel.

   Le film nous fait découvrir la communauté hassidique, excessivement pieuse... et assez réac. Les croyants en sont à se disputer à qui sera le plus fidèle à la Torah. Au début, on voit le héros se montrer très pointilleux quant à l'alimentation casher et l'observation du shabbat (devant ses coreligionnaires)... avant de se retrouver, plus tard, en difficulté face à son beau-frère hyper-rigoriste.

   L'histoire réserve aussi quelques moments poétiques, en particulier autour du poussin recueilli par le héros et qui va servir de lien avec son fils. Au départ, je trouvais cela un peu bateau, mais les scènes suivantes m'ont convaincu, tant elles sont réussies.

   Même si le ton n'est pas franchement à la comédie, on rit assez souvent, notamment des erreurs de Menashe... mais aussi de certaines situations. Je pense en particulier à une cérémonie commémorative, autour d'un déjeuner principalement constitué d'un kugel affreusement brûlé... et arrosé de vodka.

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vendredi, 10 novembre 2017

Dans un recoin de ce monde

   Ce film d'animation japonais est l'oeuvre de Sunao Katabushi, qui a auparavant travaillé pour des studios prestigieux. Ici, il adapte le manga éponyme, créé par une dessinatrice née à Hiroshima, Fumiyo Kono. La particularité de cette histoire est que l'héroïne est une jeune femme d'Hiroshima, douée pour le dessin et dont nous allons suivre la vie dans les années 1930-1940.

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   Au départ, j'ai trouvé le dessin un peu naïf et pas particulièrement brillant. C'était trompeur. Certaines scènes voient le brio de l'auteur éclater, comme quand il montre l'héroïne en train de dessiner. Sous nos yeux, l'animation prend forme, avec une précision déconcertante.  Superbes aussi sont les scènes décrivant la manière dont l'observation de la nature inspire la jeune dessinatrice.

   L'intrigue nous conduit à suivre l'histoire japonaise à travers le regard de l'adolescente qui devient femme. Elle est bientôt mariée (sans qu'on lui demande trop son avis) au fils d'une famille de Kure, une grande ville proche d'Hiroshima et qui constitue la principale base navale de la mer Intérieure.

   La militarisation du Japon et son entrée en guerre (d'abord contre la Chine, puis contre les Etats-Unis) nous sont montrées par les yeux d'une épouse soumise et travailleuse... qui ne renonce pas toutefois à son passe-temps artistique, d'autant plus que l'époux qu'on lui a choisi se révèle un type attentionné. Délicates sont les scènes qui évoquent l'intimité du couple.

   Avec le reste de la belle-famille, les relations ne sont pas toujours faciles, d'autant qu'avec la guerre, la population souffre de pénuries grandissantes. La jeune Suzu va faire son apprentissage de femme au foyer, de belle-fille, de belle-soeur et de voisine. Touchante aussi est sa découverte de la grande ville, au cours d'une sortie qui la voit se perdre dans le quartier des prostituées.

   C'est donc moins "engagé" que le Gen d'Hiroshima de Keiji Nakazawa. On n'en perçoit pas moins les échos de la politique japonaise (avec l'intrusion de la redoutable Kempetai) et de la guerre, avec notamment les bombardements de la base navale de Kure, la voisine (et industrielle) Hiroshima semblant curieusement préservée.

   Vous vous doutez bien que, petit à petit, le film mène les personnages vers le 6 août 1945. L'explosion est filmée de manière indirecte, mais les conséquences elles sont clairement montrées à l'écran. Cela donne certaines des scènes les plus fortes de ce film, qui n'est pas sans rappeler le récent Lumières d'été.

vendredi, 03 novembre 2017

Opération Casse-noisette 2

   Comme le premier volet (sorti il y a trois ans et récemment diffusé sur France 4) m'avait plu, je me suis laissé tenter par la suite des aventures des animaux sauvages en environnement urbain. Dans cet épisode, ils vont devoir affronter un maire cupide, sa fille psychopathe et des sbires violents (mais pas très futés).

   Quoi qu'en aient dit certains critiques, l'animation est plutôt de bonne qualité : les mouvements des personnages sont très bien rendus et le pelage des deux écureuils est superbe sur un grand écran. Ce n'est certes pas aussi splendide que les meilleures productions Pixar, mais cela se regarde avec plaisir.

   L'intrigue est pétrie de morale. Il y a tout d'abord la condamnation de l'oisiveté des animaux, au début, qui se contentent de satisfaire leurs désirs immédiats en fournissant le moins d'effort possible. L'opiniâtre et charmante Roussette se charge de leur rappeler les vraies valeurs de la vie, celles du travail et de la persévérance. Voilà un message digne d'être entendu par nos chères têtes blondes (brunes, rousses...).

   Par certains côtés, c'est un film de gauche, pourfendant le capitalisme sans scrupule, la corruption des politiques et le non-respect de l'environnement. La charge est même très appuyée, les grands méchants de l'histoire étant un rouquin obèse et sa fille, non moins rouquine et déjà bien grasse. J'ai été un peu gêné par cette caricature. Il aurait été plus audacieux (et moins stigmatisant) de camper un duo de vilains plus proche de la réalité, avec par exemple un maire portant beau et une gamine mince et jolie, histoire de montrer que la méchanceté peut se cacher sous des dehors engageants.

   La principale nouveauté de cet opus est l'introduction de M. Feng et de sa "petite" communauté, une armée de souris aussi mignonnes qu'impitoyables :

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   C'est l'occasion de préciser que la coproduction américano-sud-coréenne s'est enrichie d'un partenaire chinois (une boîte de Shanghai), ceci expliquant peut-être cela. Quoi qu'il en soit, l'animation des visages (en particulier des yeux) des personnages est très réussie (même si, depuis la série des Shrek et Le Chat Potté, on est moins surpris).

   L'histoire est rythmée, avec de l'action, des rebondissements, de l'humour (les enfants ne comprendront pas forcément les jeux de mots). Ce n'est pas aussi drôle que le premier film, mais j'ai quand même passé un agréable moment.

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jeudi, 02 novembre 2017

Laissez bronzer les cadavres

   Ce film de genre se place visiblement dans la lignée des oeuvres de Sergio Leone, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. On ne s'étonnera donc pas de la profusion de (très) gros plans, de la construction en puzzle ni des retours en arrière. On ne s'offusquera pas non plus que les femmes soient filmées comme des objets sexuels (et incarnées par des actrices au corps sublime), ni que les hommes soient de gros durs mal rasés et/ou d'horribles traîtres (pas mieux rasés).

   Dans le lot, les cinéphiles reconnaîtront Bernie Bonvoisin, Marc Barbé et Elina Löwensohn (dont on a entendu la voix l'an dernier dans La Jeune Fille sans mains). ll ne faut cependant pas attendre des miracles des dialogues, pas d'une grande finesse et  pas toujours déclamés avec une ardente conviction.

   C'est essentiellement une oeuvre visuelle (s'appuyant sur une bande son "morriconienne"), filmée au plus près des corps et des visages. Il y a une volonté évidente de recherche (au-delà de l'hommage). Alors c'est parti pour des angles inhabituels, le contre-jour et un découpage volontairement déstabilisant.

   Cela aurait pu constituer un bon film de débutants, fraîchement sortis de l'école de cinéma. Le problème est que les auteurs commencent à avoir de la bouteille. Ils auraient donc pu un peu mieux travailler leur scénario... et faire rejouer certaines scènes.

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mardi, 31 octobre 2017

Thor : Ragnarok

   En dépit de tous les efforts déployés par Disney-Marvel pour inciter le public à voir tous les films de l'univers des super-héros (ou à acheter les DVD), il n'est pas nécessaire de s'être tapé l'ensemble des superproductions du genre (loin d'être toutes des réussites d'ailleurs) ni d'avoir des connaissances très fraîches sur leurs intrigues. Il y a juste quelques allusions (notamment au premier Avengers), mais qui n'ont guère d'importance dans le déroulement des péripéties.

   Cela commence par une séquence très enlevée, qui montre le héros apparemment en mauvaise posture face à un gros méchant diabolique. Cela va évidemment se conclure par une baston d'enfer, remportée (est-il utile de le préciser ?) par le dieu au marteau. Entre temps, on a pu goûter les pointes d'humour qui donnent toute sa saveur à une histoire un peu trop balisée.

   La dérision est d'ailleurs au cœur d'une des séquences suivantes, qui se déroule chez Docteur Strange. (Une scène post-générique du film sorti en 2016 annonçait les prochaines aventures de Thor.) Les dialogues sont bien écrits, mais, dans ce cas, ils sont plus que complétés par un montage facétieux.

    Les scènes se déroulant sur Asgard sont moins intéressantes. C'est en général de l'heroic fantasy de base. J'en excepte les interventions de Cate Blanchett, qui a visiblement pris du plaisir à incarner la maléfique (et excitante) Hela. J'ai aussi aimé la scène qui la voit se bâtir une armée, dans les tréfonds du palais. (Les inconditionnels de mythologie scandinave seront définitivement fâchés avec Marvel quand ils découvriront la généalogie de la méchante, complètement farfelue, tout comme celle de Loki d'ailleurs.)

   Mais la partie la plus dense de l'intrigue se joue sur une sorte de planète-déchetterie, dirigée par un tyran organisateur de combats de gladiateurs. Jeff Goldblum est très bien et les relations entre Thor et Hulk sont une source appréciable d'effets comiques. Leur affrontement est l'un des plus spectaculaires moments du film. C'est aussi l'occasion de découvrir un autre personnage attachant, celui d'une valkyrie... alcoolique ! (Elle est incarnée par Tessa Thompson, qu'on pu voir dans Selma.)

   Évidemment, les personnes qui se disputent vont finir par unir leurs efforts pour vaincre la méchante... et son redoutable animal domestique, hélas peu exploité dans le film. Cela n'en reste pas moins un divertissement plaisant à voir, pas tellement pour les scènes d'action que pour les chamailleries et l'ironie qui émaillent l'intrigue, la plus belle trouvaille scénaristique étant peut-être le moyen grâce auquel les héros vont fuir la planète-déchetterie : un énorme anus ! (Quoi de plus logique pour sortir du trou du cul du monde ?)

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lundi, 30 octobre 2017

Numéro Une

   Emmanuelle Devos a été longtemps considérée comme "une actrice Desplechin". Heureusement pour elle, elle est bien plus que cela. C'est sous la direction d'autres metteurs en scène qu'elle a joué ses plus beaux rôles, dans Sur mes lèvres (de Jacques Audiard), Ceux qui restent (d'Anne Le Ny), Le Fils de l'autre (de Lorraine Lévy) et, plus récemment Moka (de Frédéric Mermoud).

   Ici, Tonie Marshall lui a confié le personnage d'Emmanuelle Blachey, une cadre supérieure d'une entreprise du secteur de l'énergie (qu'elle contribue à développer dans le secteur des éoliennes), à laquelle on va suggérer de viser plus haut et de briguer le poste de PDG d'une très grosse boîte, Anthéa (un décalque d'Engie ou de Vivendi).

   Son style comme son parcours ne sont pas sans rappeler ceux d'Anne Lauvergeon (ancienne PDG d'Areva), même si le film s'ingénie à brouiller les pistes. L'histoire n'est pas inspirée de la vie d'une seule femme. Les témoignages de plusieurs dirigeantes ont été mis à contribution. L'écriture du scénario a aussi bénéficié du renfort d'une journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué, qui connaît bien les arcanes du pouvoir parisien.

   C'est d'ailleurs à proximité de celui-ci que se déroule la majeure partie de l'action, que ce soit dans de luxueux immeubles de la capitale ou dans l'une des tours du quartier de la Défense, dont la terrasse constitue le dernier refuge des fumeurs (les cadres sup, la valetaille allant s'en griller une sur l'esplanade, en bas)... et un lieu où s'isoler du reste du monde. De temps à autre, on voit qu'Emmanuelle est un peu seule, comme lorsqu'elle attend ses collègues, dans la salle de réunion où elle est arrivée la première (toujours se montrer meilleure que les autres...) et où elle a le temps d'observer la collection de photographies représentant les cadres dirigeants, tous masculins...

   C'est filmé avec soin. L'image est propre, bien léchée, même quand ce qu'elle montre est dégueulasse. C'est un peu à l'image de ce milieu, où les apparences brillantes cachent des appétits sordides... et des manoeuvres plus ou moins légales. C'est que la désignation du nouveau PDG d'Anthéa fait l'objet d'une intense lutte d'influence, dans laquelle (presque) tous les coups sont permis. Les principaux adversaires d'Emmanuelle sont incarnés par Richard Berry et Benjamin Biolay, un beau duo d'enfoirés !

   Le film met aussi en valeur la vie intime de l'héroïne. Elle doit gérer l'éducation des enfants, la maladie de son père (un ancien prof de philo de gauche que le CAC 40 ne fait pas vibrer...), sa relation avec son compagnon avocat d'affaires... et ses propres interrogations, comme celles suscitées par la mort d'une inconnue, sur une plage de Deauville. L'ingénieure férue de mandarin, habituée à évoluer dans un monde d'hommes, n'est au départ pas particulièrement féministe. Une série de rencontres (des femmes de pouvoir aux employées d'un chantier de construction d'éoliennes) va la faire changer d'avis.

dimanche, 29 octobre 2017

Au revoir là-haut

   Quatre ans après la sortie de 9 mois ferme, j'attendais avec impatience la nouvelle œuvre d'Albert Dupontel. L'an dernier, on l'a vu jouer dans Les Premiers, les Derniers, mais, là, il a adapté l'excellent roman de Pierre Lemaitre (disponible en collection de poche).

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   Faut-il avoir lu le roman avant d'aller voir le film ? Non, d'autant plus que Dupontel a opéré plusieurs modifications dans l'intrigue et qu'il en a changé la fin. Ne pas avoir lu le roman laisse le plaisir total de la découverte... mais l'avoir lu avant permet d'en savourer mieux l'originalité.

   La première est ce grand retour en arrière, sur lequel est bâtie l'histoire. Il n'existe pas dans le roman, dont la trame suit une chronologie classique des événements. L'arrestation d'Albert Dupontel/Maillard est elle aussi une invention scénaristique. L'intrigue (bien que simplifiée par rapport au roman) étant foisonnante, l'ajout du commentaire de l'un des personnages principaux est apparue nécessaire pour faciliter la compréhension des péripéties par le grand public.

   Comme l'action débute pendant la Première guerre mondiale, Dupontel se savait attendu au tournant à propos des scènes de tranchées. Il ne déçoit pas, même si cet épisode fondateur est considérablement allégé : le romancier avait beaucoup développé la psychologie des personnages, un aspect que Dupontel n'a conservé que pour celui qu'il incarne !

   Ceci dit, les autres personnages principaux sont servis par des interprètes haut de gamme, certains correspondant parfaitement à l'image que je me faisais d'eux en lisant le roman. C'est le cas pour Niels Arestrup (Marcel Péricourt, le père du défiguré), Albert Dupontel, Héloïse Balster (la Gavroche à laquelle l'artiste ancien combattant va s'attacher) et surtout Laurent Lafitte (le rôle du lieutenant -puis capitaine- Pradelle semblant avoir été écrit pour lui). Nahuel Perez Biscayart est une révélation pour moi, dans le rôle de la "gueule cassée". On peut signaler aussi les excellentes compositions de Mélanie Thierry, de Michel Vuillermoz, de Philippe Uchan et d'Emilie Dequenne. Comme les dialogues sont très bien écrits (un peu moins truculents que dans le roman, toutefois), cela nous vaut d'excellents moments de comédie et quelques morceaux de bravoure, en matière de confrontation d'acteurs.

   Quand j'y réfléchis, dans presque toutes les scènes majeures intervient Laurent Lafitte. Il y a sa manière de persécuter les poilus, sa rivalité avec Péricourt/Arestrup et sa relation ambiguë avec la fille de celui-ci, qui débouche sur une scène magistrale, dans la chambre à coucher, se concluant par un plan filmé de derrière le lit, la caméra saisissant l'expression de Pradelle à travers les barreaux.

   C'est dire si la réalisation est soignée. Dupontel n'abuse pas des effets de caméra, mais c'est souvent brillant, les plans étant visiblement construits avec une extrême minutie, notamment au niveau des déplacements des personnages. Ajoutez à cela une photographie vraiment superbe et vous obtenez une œuvre ambitieuse sur le plan graphique.

   Sur le fond, Dupontel reprend la petite musique antimilitariste du roman, ainsi que la dénonciation des puissants. Il y ajoute une dose d'anticléricalisme, particulièrement sensible lors du séjour d'Edouard à l'hôpital militaire. Albert doit se jouer des religieuses pour parvenir à soulager son camarade de combat.

   Ensemble, les deux hommes vont monter une arnaque "héneaurme", autour de la fabrication (fictive) de monuments aux morts, pendant que le désormais capitaine Pradelle s'enrichit de son côté grâce à un autre type de fraude, lié à la création des cimetières militaires. (Historiquement, la première est fausse, alors que la seconde s'inspire de faits réels.)

   Pour faire tenir son film en deux heures, Dupontel a dû pratiquer quelques coupes (la plupart judicieuses... j'aurais néanmoins aimé qu'il en laisse davantage sur l'affrontement Pradelle-Péricourt). Les changements qu'il a opérés dans la dernière partie de l'histoire sont sans doute liés aux messages qu'il veut faire passer. Dupontel est un moraliste, ce qui permet de comprendre ce qui arrive à l'un des "méchants"... et pourquoi l'arrestation d'Albert prend un tour très inattendu, à la toute fin.

   C'est incontestablement l'un des meilleurs films de l'année.

samedi, 28 octobre 2017

CoeXister

- Aujourd'hui, pas de guerre, quelle qu'elle soit, pas de film d'animation, pas de film de gangster non plus... et pas de documentaire iranien svp !

- On va voir quoi, alors ?

- Une co-mé-die ! Et basique de préférence.

- Française ?...

- Il y en a de bonnes !

- Je sais bien ! On a vu Le Sens de la fête il n'y a pas longtemps !

- Il y en a d'autres au programme... On va quand même éviter Les Nouvelles Aventures de Cendrillon...

- Ça c'est bon pour tes collègues de boulot, les gros beaufs !

-Tsss... et je ne te sens pas très "chaud" pour L'Ecole buissonnière...

- Celui-là, tu iras le voir avec ta mère !

 - Pendant ce temps-là, toi, tu iras voir tout seul un film art et essai ouzbek sur un mendiant borgne qui découvre une caisse à outils dans un hamburger !... Bon, du coup, il ne nous reste plus que... CoeXister, tiens ! Un curé, un imam et un rabbin qui chantent ensemble ! Tu vas a-do-rer !

   Et c'est parti pour une séance de cinéma populaire, dans une salle assez bien garnie, de personnes âgées de dix à soixante-dix ans, à peu près.

   Je dois dire que le début m'a agréablement surpris. Certes, j'ai toujours un problème avec Fabrice Eboué. Il sait écrire un scénario qui tient à peu près la route, il filme correctement, mais, franchement, il ne joue pas très bien. Il aurait dû embaucher un mec pour tenir le rôle de Nicolas.

   Par contre, les gugusses qu'il a recrutés pour former le trio de chanteurs font le boulot avec un bel entrain. Pour moi, le meilleur des trois est Jonathan Cohen (vu l'an dernier dans Papa ou maman 2). Son personnage souffrant de sautes d'humeur assez importantes, il lui a fallu interpréter tantôt le juif dépressif, tantôt le rabbin arrogant, tantôt le type survolté. Il s'en sort très bien. Les deux autres jouent davantage sur leurs acquis. Ramzy fait du Ramzy (en faux imam). Guillaume de Tonquédec incarne de nouveau un mec coincé du cul (le curé). Mais, à travers les trois, Eboué fait passer quelques messages salutaires et se moque (gentiment) des religions. (Au passage, comme je sais que les producteurs français se ruent régulièrement sur ce blog, je leur conseille de dégoter un scénariste qui bâtisse une histoire solide autour d'un tueur en série ou d'un flic torturé, lequel aurait les traits de Guillaume de Tonquédec, un excellent acteur hélas sous-utilisé.)

   Le début m'a plu parce qu'il contient une séquence tordante, celle de la découverte des "démos" envoyées par d'apprentis-artistes qui se croient bourrés de talent. On a donc droit à des rappeurs homosexuels très très virils, une lolita vulgaire et un couineur boboïsant, sorte de mélange de Grégoire, Bénabar et Vincent Delerm (vidéos à l'appui). Dans sa voiture, Nicolas écoute la suite, un pot-pourri de ce que l'industrie du disque produit de plus débile... C'est réjouissant, tout comme les auditions qui suivent !

   C'est d'autant plus drôle que, lors de cette séquence, on découvre Sabrina, l'assistante du héros, interprétée par Audrey Lamy, qui est sensationnelle. En réalité, c'est elle qui porte le film, avec sa gouaille et son charme... ses gaffes aussi. Dans un rôle complètement différent (la patronne autoritaire et âpre au gain), Mathilde Seigner est elle aussi très bonne.

   Evidemment, au début, rien ne marche. Bien que Nicolas et Sabrina pensent avoir trouvé les bons chanteurs, ceux-ci ne s'entendent pas. Au-delà des opinions généreuses que chacun professe, il y a beaucoup de préjugés et des rancoeurs. Eboué en profite pour lancer quelques piques, tout en restant dans le registre de l'humour. Du coup, c'est parfois ambigu, puisque toutes les idées reçues et les propos dégradants ne sont pas explicitement condamnés. Chacun y voit ce qu'il veut y voir. Le film cherche visiblement à ratisser large. Quant aux premières productions du groupe, elles sont nunuches et sans saveur. Le clip vidéo constitue un bon moment de dérision.

   La suite semble être un décalque de Stars 80. Cette bande de branquignols va finir par rencontrer le succès, mais à partir du moment où les abcès auront été crevés et où c'est la sincérité qui l'emporte sur le produit fabriqué. Le succès va poser d'autres problèmes, sources de nouveaux gags. Le tout se dirige vers une fin prévisible (avec la formation d'un couple qu'on sent venir à des kilomètres), mais, franchement, j'ai passé un bon moment.

   PS

   Au niveau du message, j'ai apprécié que Fabrice Eboué ne tombe pas dans le politiquement correct à la mode, à savoir que la tolérance consiste à accepter les différences des autres (y compris celles qui nous paraissent parfois choquantes). C'est l'amour et les plaisirs de la vie qui réunissent les personnes de toutes origines et de toutes opinions (sauf les extrêmes).

22:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films