vendredi, 10 juillet 2020
Histoire d'une erreur judiciaire
On en apprend tous les jours, notamment grâce à la bande-dessinée, devenue à la fois un véritable art et un excellent moyen de se cultiver. Je suis donc récemment tombé sur celle-ci :
Ce roman graphique est signé Xavier Bétaucourt (au scénario) et Olivier Perret (au dessin). De larges extraits sont lisibles ici.
A Atlanta (en Géorgie, État du Sud-Est des États-Unis), en 1913, le corps d'une adolescente de 14 ans est découvert dans le sous-sol d'une usine. Elle a été violée. Très vite, la ville s'enflamme. Deux principaux suspects émergent : un employé noir de l'usine et le patron (Leo Frank). Celui-ci est juif... et c'est un Yankee, un Américain venu du Nord vainqueur de la Guerre de Sécession, dont les stigmates font encore souffrir.
L'histoire nous est racontée sur trois temporalités : les événements de 1913, les souvenirs de celui qui n'était qu'un jeune coursier à l'époque (et qui témoigne en 1982)... et l'année 2017.
Le dessin n'a rien d'éblouissant. Par contre, je trouve que les ambiances sont très bien campées. On nous fait bien sentir quels étaient les préjugés de l'époque (le racisme, l'antisémitisme). L'enquête a été mal menée, sous la pression de l'opinion, des médias de l'époque (la presse, dont nombre d'organes vont s'adonner au sensationnalisme sans retenue)... et de quelques "faiseurs d'opinion".
Entre le juif et le "nègre", la populace blanche balance. Les supposées "élites" locales, elles, ne se sont pas posées trop de questions et ont adopté un comportement radical.
Cette injustice a été passée sous silence pendant des années. Même lorsque le principal témoin des faits a enfin osé raconter ce qu'il avait vu, on lui a demandé de se taire.
13:56 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, livre, livres, bd, bande dessinée, bande-dessinée, états-unis, etats-unis, amérique
mercredi, 08 juillet 2020
Hitler doit mourir
C'est le titre d'un roman graphique de Philippe Chapelle (dessin) et Thomas Oswald (scénario), publié aux éditions du Rocher :
Le héros de cette histoire est Claus von Stauffenberg, connu pour être l'auteur d'un attentat contre Hitler, en juillet 1944. Cet épisode a d'ailleurs fait l'objet d'un film de Bryan Singer (Walkyrie), sorti il y a plus de onze ans.
L'histoire commence peu après la Première Guerre mondiale, alors que l'aristocrate est encore tout jeune homme. Il appartient à cette frange de la population allemande "nationale-conservatrice", outrée par le traité de Versailles, mais pas forcément attirée par le mouvement nazi... sauf s'il est perçu comme un moyen de restaurer la "grandeur de l'Allemagne".
C'est en noir et blanc. Le dessin est de qualité, avec un talent incontestable pour représenter les visages ou mettre en scène une perspective. Plus loin dans l'histoire, on se rend aussi compte que le dessinateur n'est pas malhabile dans les scènes de guerre :
Les auteurs évitent de tomber dans les deux écueils du roman graphique : la représentation littérale d'une oeuvre écrite et le roman historique prenant beaucoup de libertés avec son sujet. Cette bande dessinée est très documentée, tout en étant une véritable oeuvre visuelle. Les amateurs d'histoire y apprendront pas mal de choses, de la gestation du complot anti-hitlérien à son impitoyable répression... et même l'existence d'une femme pilote d'avion, Melitta, l'épouse de l'un des frères de Stauffenberg. Le cas de cette femme est extraordinaire : bien qu'étant d'abord considérée comme juive par les nazis (son père était un converti au protestantisme), elle a été autorisée à servir dans la Luftwaffe.
Parmi les anecdotes qui parsèment le récit, on peut trouver celle (apparemment authentique) de la découverte par des soldats allemands, lors de l'offensive contre l'URSS, d'un étendard de la Grande Armée... napoléonienne ! Sachez d'ailleurs qu'on continue encore de nos jours à trouver des cadavres de soldats de Napoléon en Europe, par exemple en 2010 (en Lituanie) et en 2015 (en Allemagne).
15:05 Publié dans Histoire, Livre, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, allemagne, bd, bande dessinée, bande-dessinée, dessin
lundi, 06 juillet 2020
Mosquito
Ce moustique est Zacarias, 17 ans, portugais, engagé volontaire (en 1917) dans l'armée de son pays qui a rejoint l'Entente, contre les empires centraux, en particulier l'Allemagne. Le jeune homme a saisi l'occasion de fuir la vie morne et sans espoir que lui offre sa province. Il veut défendre sa patrie et les valeurs démocratiques. On comprend aussi qu'il espère être envoyé en France... et il se retrouve en partance pour l'Afrique, où se concentre ce qui reste de l'empire colonial portugais. L'une de ses possessions, le Mozambique, est d'ailleurs voisine du Tanganyika allemand :
Sur la carte des empires coloniaux ci-dessus, je n'ai fait figurer que les possessions allemandes (en rouge) et portugaises (en vert).
On découvre d'abord la troupe de bras cassés que le gouvernement portugais envoie outremer. Ils sont sous les ordres d'un vieux de la vieille, un sergent qui a fait les campagnes coloniales, du genre paternaliste et truculent (en plus d'être alcoolique et bedonnant). Celui-ci se désole de n'avoir pour renfort que des "joueurs de fado". Il tient en plus haute estime ses supplétifs africains, ses "nègres" comme il dit.
Ce film est donc une plongée dans l'univers colonial du début du XXe siècle. On est immédiatement saisi par la scène du débarquement des troupes, les soldats étant portés par des serviteurs noirs. En plus d'être signifiant, c'est superbement filmé, le réalisateur João Nuno Pinto affectionnant les plans nocturnes ou crépusculaires, en lumière naturelle. C'est souvent d'une beauté à couper le souffle.
Le plus intéressant survient quand le héros (incarné par João Nunes Monteiro, qui a beaucoup payé de sa personne) plonge au coeur du Mozambique, d'abord avec deux serviteurs africains, puis un, puis tout seul. A partir de ce moment-là, les temporalités s'entrecroisent... ainsi que les réalités alternatives. A plusieurs reprises (parce qu'il est malade ou parce qu'il a consommé des substances psychotropes), le héros a des hallucinations. Comme le réalisateur nous place dans la tête du soldat, c'est à nous de déterminer si ce que l'on voit à l'écran est la réalité ou bien la déformation de celle-ci... voire un délire complet.
Zacarias finit par atterrir dans un village gouverné par les femmes, où il va faire office d'esclave, avant d'être intégré à la communauté. Le retournement de situation est piquant, bien mis en scène, d'autant plus que seuls les dialogues en portugais sont sous-titrés. Lorsque les Africains parlent en makonde ou makua, c'est par leur gestuelle qu'on peut arriver à les comprendre. Là, le film se fait quasiment ethnographique.
Notre petit soldat va finir par rencontrer un Allemand. Les pérégrinations de ces deux Robinson de l'Afrique ne manquent pas de saveur, avant que le drame contemporain ne les rattrape. En quelques mois, Zacarias aura mûri de dix ans. Notons que le réalisateur a voulu une fin morale à son histoire. Je n'en dirai pas plus, mais sachez qu'il est question d'un lion.
Pour qui s'intéresse à la représentation de la colonisation, cette oeuvre de plasticien ne manque pas d'envergure.
22:41 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
mardi, 30 juin 2020
L'Ombre de Staline
Cette ombre s'étend sur l'Europe de l'Est et au-delà, puisque, à cette époque (le début des années 1930), le régime soviétique suscite l'admiration de milliers d'idiots utiles occidentaux, en particulier du correspondant du New York Times (très bien interprété par Peter Sarsgaard). C'est pour éclaircir le mystère des étourdissants succès économiques de l'URSS (alors que l'Occident s'enfonce dans la crise des années 1930) que le journaliste britannique Gareth Jones part pour Moscou, espérant au passage réussir la "passe de deux", à savoir obtenir une entrevue avec Staline, après celle décrochée avec Hitler.
Le jeune homme est incarné par James Norton, que les téléspectateurs connaissent pour ses rôles (très différents) dans les séries Happy Valley et Grantchester. Au cinéma, on l'a aperçu dans Mr Turner et Les Filles du docteur March. Dans la version originale, on entend le personnage principal s'exprimer en gallois, anglais et russe : c'est une coproduction britannico-polono-ukrainienne, très soucieuse de reconstituer le contexte de l'époque. (En tendant un peu l'oreille, au cours d'une séquence de partouze à Moscou, on entendra même un peu parler français, par une "participante" peu farouche...)
Au niveau de la distribution, je signale aussi la présence de Vanessa Kirby (vue récemment dans Fast & Furious : Hobbes & Shaw et Mission impossible - Fallout), dans un rôle marquant.
Ce film vaut le détour en raison de la peinture de l'aveuglement des Occidentaux (vis-à-vis de Staline comme d'Hitler, dont le pouvoir de nuisance est terriblement sous-estimé) et de la reconstitution d'un régime totalitaire encore un peu "artisanal".
Le plat de résistance est bien entendu le séjour que le héros effectue clandestinement en Ukraine (alors intégrée à l'URSS). Par étapes, il y découvre les conséquences d'une des plus terribles famines que le monde ait connue, une famine que les historiens accusent le régime stalinien d'avoir volontairement accentuée, voire créée (notamment pour briser le peuple ukrainien, rebelle à l'autorité russe). Pour moi, la séquence la plus poignante est sans conteste celle des enfants abandonnés, qui parviennent à survivre dans des conditions que je ne révèlerai pas.
Le paradoxe est que ces horreurs côtoient de la beauté, celle de la campagne ukrainienne enneigée et celle des chants tragiques des enfants, dont le héros va finir par comprendre le sens.
J'ai entendu des commentaires désobligeants de certains critiques à propos de la mise en scène d'Agneszka Holland (connue pour avoir réalisé des épisodes des séries Cold Case et House of Cards, ainsi que le long-métrage Europa Europa). Je ne partage pas ces points de vue négatifs. Les épisodes caméra à l'épaule ont leur sens : ils transmettent la vision d'un drogué, la peur d'un homme traqué ou le désarroi du héros tenaillé par la faim. Le reste du temps, c'est classique et plutôt bien fichu.
A une époque où le pouvoir poutinien remet Staline à l'honneur et où, en Allemagne, une poignée d'inconscients en appelle à Lénine, la sortie de ce film est un acte d'éducation civique.
14:56 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 06 juin 2020
Archéologie précolombienne
Durant la période de confinement, j'ai pris l'habitude d'explorer les possibilités de la télévision de rattrapage. En matière de documentaire, incontestablement, c'est l'offre des chaînes publiques qui est la plus intéressante.
Ainsi, j'ai récemment découvert que, bien avant les Incas, une autre civilisation avait occupé les alentours du célèbre lac Titicaca, à la frontière du Pérou et de la Bolivie. Il s'agit des Tiwanaku. France 5 propose pendant encore quelques jours un documentaire retraçant une campagne de fouilles autour et au fond du lac. Outre les enseignements civilisationnels qu'il offre, le film est une passionnante leçon d'archéologie sous-marine :
On retrouve presque les mêmes protagonistes dans un documentaire plus récent, diffusé sur Arte. On voit ce que sont devenues les premières découvertes et l'on suit une nouvelle campagne de fouilles, toujours menée avec l'accord des communautés locales (des Aymaras) :
Ce deuxième film fait partie d'une série documentaire, Enquêtes archéologiques, présentée par le Belge Peter Eeckhout, qui se révèle à la fois pertinent et agréable à écouter. L'un des volets de la série permet d'ailleurs de suivre ses propres fouilles, elles aussi au Pérou, au sud de Lima, sur le site de Pachacamac, un sanctuaire inca qui eut son heure de gloire, avant de subitement péricliter.
Ici encore, les recherches des archéologues permettent de comprendre que le site a été occupé par d'autres peuples, avant qu'il n'atteigne son apogée sous les Incas. Parmi ces peuples se trouvent les Ichmas, auteurs d'étranges sculptures :
Le documentaire est passionnant à suivre, certaines des découvertes étant stupéfiantes :
Mais le plus étonnant est l'aura dont a bénéficié le site, qui a accueilli des pèlerins venant d'un territoire beaucoup plus étendu qu'on ne l'aurait pensé, de prime abord :
Cette succession de civilisations est aussi présente dans Le secret des lignes de Nazca, qui traite d'un sujet qu'on pourrait croire rebattu... eh bien, non ! L'archéologue qui accompagne l'animateur explique avec de grandes qualités pédagogiques comment ces oeuvres impressionnantes ont pu être réalisées avec des moyens modestes. Il en fait la démonstration avec un géoglyphe en forme de spirale :
On comprend aussi qu'il n'était pas nécessaire de disposer d'un aéronef pour visualiser le résultat. En grimpant de quelques dizaines de mètres, sur une colline proche, les deux hommes ont une vue très nette du modeste tracé qu'ils viennent de réaliser :
La dernière partie du film, tout aussi palpitante, s'attache à de mystérieux tumuli, dont la création semble liée à celle des géoglyphes :
Si ce périple sud-américain ne vous a pas lassés, je vous recommande, en guise de dessert, un énième documentaire (diffusé sur France 5) consacré à un site emblématique de la région : Machu Picchu, le secret des Incas. Les auteurs abordent toutes les hypothèses (sérieuses) émises concernant le fonctionnement des lieux : observatoire astronomique, résidence impériale, refuge, centre administratif, site sacré ?
En même temps, on découvre des aspects plus pratiques, comme le lien entre architecture et mouvements solaires, les techniques de construction, la création des terrasses agricoles, l'approvisionnement en eau et le réseau de voies de communication.
Que la télévision est belle quand elle se fait éducative !
01:49 Publié dans Histoire, Télévision | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, médias, télévision
samedi, 16 mai 2020
Sherlock au Moyen Age
Récemment, je butinais dans les rayons d'une librairie, en quête de nourriture spirituelle divertissante, lorsque je suis tombé sur ceci :
C'est le titre qui a attiré mon attention. C'est une référence transparente à la première enquête de Sherlock Holmes publiée par Arthur Conan Doyle, Une Étude en rouge. Ce n'est qu'ensuite que j'ai lu le petit texte, qui évoque les aventures d'un Edward Holmes et d'un Gower Watson. Ils évoluent au début du XVe siècle (dans les années 1420), en France, le plus souvent à Paris, un Paris gouverné par les Anglais et leurs alliés Bourguignons. Nous sommes en pleine guerre de Cent-Ans.
L'auteur Jean d'Aillon (qui utilise un pseudonyme) est un économiste de formation, ancien haut-fonctionnaire reconverti dans le polar historique. Sa documentation semble solide, ce qui ajoute de l'intérêt à ses intrigues policières inventées.
Le tout début du livre présente la manière (supposée) dont l'auteur a découvert l'existence putative de ce Sherlock médiéval. C'est à la fois facétieux et érudit, à la manière dont Jean d'Aillon construit ses intrigues.
La particularité de ce polar est que l'histoire qui nous est contée ne consiste pas en la progressive découverte de la manière dont un criminel a agi (ni de son identité). Non, ici, il s'agit d'un complot, qui fait intervenir les rivaux français (armagnacs et bourguignons), la corporation des bouchers de Paris (acteur à part entière, qu'il est bon de ne pas négliger), les Parisiens "ordinaires", les autorités anglaises... et d'autres ressortissants d'outre-Manche, dont les intentions semblent louches.
C'est donc un roman fouillé, avec un arrière-plan historique travaillé et de multiples intrigues secondaires. Tout va se jouer dans une mystérieuse demeure, la Maison de Mélusine, où vont se croiser (parfois sans se rencontrer) des bouchers criminels, un aristocrate ivre de vengeance (ce qui relie ce roman à celui de Conan Doyle), un bourgeois prétentieux, des complotistes anglais... et nos enquêteurs.
Edward Holmes est un clerc désargenté, dont deux des demi-frères viennent de décéder (à cause de ces Bloody Frenchies !). Il se cherche une occupation rémunérée... et rencontre un archer, Watson, vétéran de la bataille d'Azincourt, de glorieuse mémoire pour les sujets de la perfide Albion. C'est d'ailleurs l'originalité de cette série de romans (d'un auteur français) que de mettre à l'honneur des personnages de l'autre camp, celui qui combat le dauphin, futur Charles VII.
Dans cette aventure-ci, on croise des personnages historiques, certains connus comme la reine Isabeau de Bavière et le dauphin Charles, d'autres plus anonymes comme Tanneguy du Châtel et Jean Chuffart, un chanoine auteur présumé du Journal d'un bourgeois de Paris (hostile aux Armagnacs et donc, plus tard, hostile à Jeanne d'Arc). Ces figures de l'Histoire croisent des personnages inventés, parfois avec malice comme ce greffier (et logeur) Jacques Bonacieux, dont la jeune épouse Constance fait tourner quelques têtes...
Cela donne une idée des influences littéraires de Jean d'Aillon. Il mêle Conan Doyle à Alexandre Dumas et, globalement, au roman populaire du XIXe siècle. Les chapitres sont courts, avec un aspect feuilletonnant. L'importance de l'arrière-plan historique et le souci du détail "vrai" rapprochent ce roman d'autres séries, comme les Napoléon Bonaparte d'Arthur Upfield (le héros étant un inspecteur métis évoluant dans l'Australie de la première moitié du XXe siècle), les aventures du juge Ti de Robert van Gulik, les oeuvres de Tony Hillerman situées en réserve Navajo ou, plus récemment, les enquêtes du brahmane Doc de Sarah Dars ou celles de Nicolas Le Floch, par Jean-François Parot.
J'ai lu cette étude en écarlate en moins de deux jours, malgré le boulot, au risque d'écourter une nuit, tellement j'ai trouvé cela passionnant.
16:31 Publié dans Histoire, Jeanne d'Arc, Livre, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, littérature, livre, livres
lundi, 11 mai 2020
Hommage à Jean Moulin
C'était à la Une du quotidien aveyronnais Centre Presse, vendredi 8 mai :
Était-ce un anniversaire particulier pour le fondateur du CNR, ancien préfet de l'Aveyron ? A priori, non. Il est né le 20 juin 1899 et l'on pense qu'il est décédé des suites des tortures infligées par la Gestapo le 8 juillet 1943. Mais, bon, la capitulation allemande (qui n'a pas mis fin à la Seconde Guerre mondiale, rappelons-le : les combats ont continué en Asie-Pacifique) constitue une sorte d'aboutissement de l'oeuvre résistante de Jean Moulin.
Un problème surgit à la lecture de la légende de la photographie placée en Une :
L'an dernier (tout comme en 2015...), je m'étais amusé à relever les approximations dont ce jour emblématique est victime, au niveau national aussi bien que local. Comme les Alliés refusaient de signer le moindre traité de paix avec l'Allemagne hitlérienne, la conclusion des combats (en Europe) ne pouvait venir d'un armistice, mais d'une capitulation.
La photographie est par contre intéressante. Peu connue, elle a été prise lors d'un passage de Jean Moulin à Conques. Sur une autre photographie (visible dans le corps de l'article, qui occupe toute la page 5 du numéro de Centre Presse), on le voit en ces lieux, pas très loin de l'église abbatiale, en compagnie de sa mère. Comme tant d'autres, le haut-fonctionnaire républicain a été séduit par la beauté et l'authenticité du village aveyronnais.
Si certaines de ces photographies sont méconnues, la plupart ont pourtant été déjà présentées au public, en particulier en 2013, année du soixante-dixième anniversaire de sa mort. Ainsi, à Rodez, une chouette exposition était visible aux Archives départementales (où a été prononcée, quatre ans plus tard, une passionnante conférence sur les préfets de l'Aveyron). A Paris, le musée Jean-Moulin avait proposé quelque chose de plus complet. On peut ajouter un dossier téléchargeable sur le site du ministère de l'Intérieur.
La plupart des photographies (en particulier celles qui montrent Jean Moulin avec ses proches) sont issues de la "collection Escoffier", des cousins de l'ancien préfet évoqués dans un numéro spécial (aujourd'hui introuvable) de la revue Études héraultaises. A tous les Aveyronnais un peu âgés, le nom de cette famille fait immédiatement penser à une ancienne préfète (ancienne sénatrice et ancienne ministre), Anne-Marie Escoffier (née Simon), qui fut membre du PRG, un parti héritier de celui dont fut proche Jean Moulin. Mais je n'ai connaissance d'aucun lien entre André Escoffier (l'époux de l'ancienne préfète) et les cousins de Jean Moulin.
Quoi qu'il en soit, cet homme-clé de la Résistance a laissé sa trace à Rodez et dans l'Aveyron. On pense évidemment au collège ruthénois qui porte son nom. On pense aussi au récent portrait réalisé en son honneur, et qui a rejoint le salon qui porte son nom. Pas très loin de là, sur un mur extérieur, figure un médaillon (inauguré par Charles de Gaulle en 1961)... qui a jadis subi une petite retouche :
Le chiffre 3 semble avoir été gratté ou blanchi. En réalité, à l'origine, je crois que c'est l'année 1944 qui avait été gravée, tant on était peu sûr de la date exacte du décès de Jean Moulin. Les Allemands eux-mêmes ont à l'époque entretenu le mystère à ce sujet. Par la suite, quand il est devenu certain qu'il était mort peu de temps après avoir été torturé par les gestapistes (début juillet 1943), l'année de décès a été corrigée sur le bas-relief.
Comparé aux fausses gloires sportives ou télévisuelles actuelles, Jean Moulin est un exemple autrement plus inspirant pour les jeunes... et les moins jeunes.
17:50 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, actualite, actu, actualites, actualité, actualités
samedi, 02 mai 2020
LBJ (VOD)
Ces initiales (au sens évident pour un spectateur américain) masquent (pour les autres) l'identité du 36e président des Etats-Unis, Lyndon Baines Johnson, qui a eu droit a un mini-biopic, il y a deux ans. En France, il est sorti directement en vidéo, sous le titre L.B. Johnson, après Kennedy. Je n'en avais même jamais entendu parler.
Et pourtant, la distribution est prestigieuse. Le couple (pas encore présidentiel au moment où démarre l'histoire) est incarné par Jennifer Jason Leigh (méconnaissable) et Woody Harrelson (excellent). Je signale aussi la très bonne composition de Jeffrey Donovan en John Kennedy. (Le même acteur avait interprété Robert, le frère de John, dans le J. Edgar de Clint Eastwood !). Parmi la pléiade de seconds rôles, on remarque aussi Bill Pullman (en sénateur démocrate très progressiste), Thomas Howell ou encore Wallace Langham, un ancien des Experts incarnant ici l'un des conseillers du jeune président, un certain Arthur Schlesinger :
La première partie est conçue comme une série d'allers-retours entre la journée du 22 novembre 1963 et les années précédentes, de la campagne présidentielle de 1960 aux premières réalisations de l'administration Kennedy. Johnson n'y paraît pas particulièrement à son avantage. Certes, il dirige la majorité démocrate au Sénat (sous le républicain Eisenhower), mais les élites de son parti le snobent. C'est un gars du Sud, pas très cultivé, un Texan avec un drôle d'accent et des manières jugées parfois un peu frustres.
Dans la version originale, cela donne lieu à quelques quiproquos savoureux, comme lorsque Johnson dit à un conseiller démocrate : "Call my taylor !" (Appelle mon tailleur !)... son interlocuteur se demandant quel "Mac Taylor" il doit joindre. Plus drôle encore est cet échange téléphonique rageur, au cours duquel Johnson essaie de faire comprendre à son correspondant qui il est : "I'm fucking him !" (Mais, putain, je suis lui !)... l'interlocuteur semblant comprendre qu'il "baise" Johnson... Le film ne cache pas que le futur président était un peu brut de décoffrage, continuant de régler ses affaires aux toilettes, porte ouverte :
Quoi qu'il en soit, dans la course à l'investiture démocrate, l'homme le plus influent du Sénat des Etats-Unis se fait damner le pion par le fils de bourges de la côte Est. Dans la foulée, il accepte de devenir le numéro 2 du ticket démocrate, seule solution pour rassembler un électorat hétéroclite et ainsi parvenir à battre le principal adversaire, le vice-président sortant, un certain Richard Nixon.
Les acteurs et le metteur en scène montrent très bien les ambiguïtés du ticket Kennedy-Johnson. Le premier veut neutraliser celui qui pourrait contrecarrer ses projets au Congrès... et peut-être aussi avoir à proximité de lui un autre son de cloche que celui des intellos progressistes qui l'entourent. De son côté, Johnson pense que sa connaissance du monde parlementaire, de ses coutumes et son habileté à créer des compromis feront de lui l'homme indispensable. Il surestime sa marge de manoeuvre en tant que vice-président. A l'un de ses proches qui lui affirme que c'est une tâche ingrate, il répond que cela ne peut pas être pire que d'enseigner à des gamins du comté de Blanco. C'est une allusion aux débuts de Johnson dans la vie active. Avant de se consacrer pleinement à la politique, il a été quelques temps instituteur au Texas (dans de petites villes comme Cotulla et Pearsall, mais aussi brièvement à Houston).
A la fin de 1963, alors que Kennedy s'est déjà lancé dans la campagne pour sa réélection, Johnson semble sur le déclin. Il est de moins en moins écouté en haut lieu et, du côté des démocrates texans, on le considère de plus en plus comme un traître. L'assassinat de JFK rebat les cartes. A la stupeur de certains de ses amis politiques, Johnson a non seulement endossé le programme de son prédécesseur, mais il l'a amplifié, lui donnant une coloration plus sociale. Ce film vise donc à réhabiliter ce président méconnu (souvent calomnié dans les productions hollywoodiennes).
Hélas, ce fut un cuisant échec commercial. Sa production coûta 20 millions de dollars et il en rapporta moins de trois.
01:46 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinma, cinema, film, films, histoire
dimanche, 19 avril 2020
Le Covid-19 au miroir de la grippe espagnole
Dans le numéro de ce dimanche du quotidien aveyronnais Centre Presse, on peut lire un article (signé Jean-Michel Cosson) consacré à la grippe espagnole, avec un éclairage particulier sur le département de l'Aveyron. Cet article fait suite à ceux des semaines précédentes (publiés aussi dans La Dépêche du Midi), l'un consacré à la lèpre, l'autre au choléra (toujours avec un angle aveyronnais).
L'article consacré à la grippe dite espagnole n'est pas exhaustif (pour approfondir, je conseille d'aller puiser aux sources que j'ai mentionnées il y a deux semaines). Mais il établit avec notre époque quelques points de comparaison qui me semblent très pertinents.
Ainsi, alors comme aujourd'hui, ce sont les déplacements humains qui ont favorisé le développement de la pandémie. Au XXe comme au XXIe siècle, on a tardé à prendre des mesures drastiques. La vox populi a aussi répandu l'idée qu'il existait des remèdes miracles, fluatine et rheastar à l'époque, (hydroxy)chloroquine aujourd'hui. Enfin, des théories du complot ont émergé. En 1918-1919, on accuse des agents allemands, en 2020 un laboratoire chinois (sans la moindre preuve).
O tempora, o mores !
14:00 Publié dans Aveyron, mon amour, Histoire, Presse, Science, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, presse, médias, journalisme
dimanche, 05 avril 2020
La peste à Paris
C'est le sujet d'un passionnant article paru hier dans le supplément magazine du Monde, dont il a d'ailleurs fait la Une :
Ces dernières semaines, on a beaucoup entendu parler d'une autre pandémie (que celle de covid-19), celle de grippe espagnole, en 1918-1919. Or, en 1920, à Paris, alors que le pays peine à sortir de la guerre, une jeune scientifique (Yvonne de Pfeiffel) constate la réapparition d'un mal qu'on croyait disparu en Occident.
L'article est signé Zineb Dryef, à qui l'on doit un ouvrage historique sur les rats à Paris. On y suit la progression des travaux des scientifiques de l'époque. On y (re)découvre l'extrême pauvreté dans laquelle vivaient les habitants de la ceinture de taudis qui entourait jadis la capitale. On y retrouve aussi (hélas) la pulsion antisémite, activée par des hommes politiques peu scrupuleux. (Toute ressemblance avec le XXIe siècle est bien entendu fortuite...)
Au final, la maladie a fait peu de victimes, mais elle n'a pas totalement disparu.
PS
Sur la grippe espagnole, il est désormais facile de trouver de quoi assouvir sa soif de connaissances. Sur le site de France Culture, on peut encore écouter une émission datant de 2018. Elle est un peu longue (52 minutes environ), pas très palpitante dans la forme, mais fort intéressante sur le fond (avec notamment des échanges approfondis sur le bilan humain de la pandémie).
Plus grand public est La Marche de l'histoire (diffusée sur France Inter), dont l'émission du 10 mars dernier était consacrée à la pandémie. Le format est plus court (28 minutes) et Jean Lebrun est un animateur talentueux (qui, de surcroît, prépare bien ses sujets).
Un autre récent article du Monde aborde un aspect méconnu : les conséquences de la grippe espagnole sur le sport (notamment en France et aux Etats-Unis).
Enfin, sachez que le virus de cette grippe n'a pas été supprimé. Il a même été reconstitué en laboratoire.
18:01 Publié dans Histoire, Presse, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, presse, médias, journalisme, actu, actualite, actualites, actualité, actualités, épidémie, pandémie
samedi, 14 mars 2020
De Gaulle
2020 est un peu l'année de Gaulle. Dans quelques mois, on célèbrera le 80e anniversaire de son célèbre Appel. En novembre prochain, on commémorera successivement le 50e anniversaire de sa mort et les 130 ans de sa naissance.
Se pose alors une question de taille. Laquelle ? Ben, une question de taille. Toutes les photographies présentant Charles de Gaulle en compagnie d'autres hommes le montrent les dépassant presque d'une tête. A Saint-Cyr, l'apprenti-officier avait hérité de surnoms en rapport avec sa taille : "grande asperge", "double mètre". En réalité, il ne mesurait "que" 1m93 - 1m94, ce qui, pour l'époque (le début du XXe siècle) était gigantesque, ses camarades de promotion à Saint-Cyr culminant en moyenne à 1m64 ! Se posait quand même la question du choix de l'acteur pour incarner de Gaulle. Lambert Wilson n'est-il pas un peu petit ? En réalité, non. J'ai appris à cette occasion qu'il mesure 1m90. Mais, à notre époque, les hommes (tout comme les femmes) sont plus grands. L'écart (en taille) qui sépare l'acteur de ses contemporains est moins élevé que celui qui séparait de Gaulle des siens.
Quoi qu'il en soit, on a veillé à ce que le comédien ressemble à son modèle. Il porte plusieurs prothèses au visage (au nez, aux lèvres, aux oreilles et peut-être au cou). Sa coupe de cheveux reproduit scrupuleusement celle du Général et il a même acquis quelques tics de comportement propres à son modèle (notamment sa manière de fumer). L Wilson a fait du bon travail.
Le film démarre de manière originale, par un de Gaulle en famille. Cette séquence introduit deux personnages qui vont jouer un rôle important dans la suite de l'histoire (et dans la vie du héros) : son épouse et leur fille benjamine, Anne, handicapée mentale. Pour celles et ceux qui ne connaissaient pas bien la biographie du couple, ce sera une révélation, tout comme l'attachement du futur chef de la Résistance à sa famille. C'est l'un des apports de ce film, qui ensuite alterne les scènes d'action politique et les scènes de famille, celle-ci devant se débrouiller en Métropole loin de Charles. Dans le rôle de l'épouse, Isabelle Carré est formidable... peut-être même un peu trop : la véritable Yvonne de Gaulle n'était sans doute pas aussi sympathique.
Par contraste, les premières scènes "historiques", qui voient de Gaulle rencontrer des ministres, des généraux et un président du Conseil, sont moins réussies. Je trouve quand même qu'Olivier Gourmet (chargé d'incarner Paul Reynaud) s'en sort assez bien dans le rôle de cet homme politique très influent à l'époque, mélange de courage et de veulerie... et qui, au moment crucial, a fini par oublier où il avait rangé sa paire de couilles. (Pour la petite histoire, je signale que la femme qui partage ses journées à Matignon est sa maîtresse "officielle", un personnage qu'on a pu apercevoir -comme celui de Georges Mandel- dans le récent Je ne rêve que de vous.)
Si ces séquences sont utiles aux spectateurs profanes (pour comprendre les ressorts de l'intrigue, en particulier les oppositions sur la conduite de la guerre), elles ne sont pas d'une folle inventivité au niveau de la mise en scène. Le pire est atteint au cours d'une "scène d'urinoir", qui voit Pétain et Weygand comploter en soulageant leur vessie puis en se lavant les mains. Peut-être cette scène est-elle authentique, en tout cas, à l'écran, elle n'est pas très vraisemblable. (Sur le fond, elle est l'occasion de découvrir l'antisémitisme d'une partie du haut commandement militaire français, qui n'a jamais encaissé la manière dont s'est conclue l'Affaire Dreyfus.)
Dans la deuxième partie du film, tout cela s'améliore. Gabriel Le Bomin (qui jadis réalisa Les Fragments d'Antonin) réussit à créer un véritable suspens historico-politique. On s'attache évidemment aux actes du héros, mais l'on se passionne aussi pour les pérégrinations de sa famille, dont j'ai découvert certains détails.
Evidemment, l'action débouche sur l'écriture et la lecture (l'enregistrement) du fameux Appel. La séquence fait écho à une scène du début, durant laquelle de Gaulle, colonel dirigeant (avec des blindés) une contre-offensive en mai 1940, découvre l'outil radiophonique. Notons que la naissance du texte fut encore plus chaotique que ce qui nous est raconté, les Britanniques étant sans doute parvenus à imposer au général d'adoucir la première version de son Appel, différente de celle qui a ensuite été diffusée. Mais l'ensemble n'en constitue pas moins une belle leçon d'histoire et de courage.
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vendredi, 13 mars 2020
Radioactive
Sous ce titre choc se cache une biographie de Marie Curie adulte (de son arrivée en France à son décès). Derrière la caméra officie Marjane Satrapi, auteure de The Voices et surtout de Persepolis. Elle nous offre un mélange de fresque historique et de film militant (féministe), avec un arrière-plan scientifique.
Dans le rôle de Marie Curie, Rosamund Pike est é-blou-i-ssante. Elle est crédible aussi bien en jeune femme craintive qu'en épouse mûre et en vieillarde certes affaiblie, mais diablement intelligente et lucide. La comédienne, remarquée jadis dans Gone Girl (et qui était aussi très bien dans HHhH et Hostiles) y fait montre de son talent pour ressusciter une scientifique incomparable et entêtée, une femme farouchement indépendante... et une amoureuse qui n'hésite pas à écrire qu'elle aime le sexe (avec son compagnon).
C'est dire si le film embrasse une matière riche. L'une des premières séquences est particulièrement réussie. Il s'agit d'un spectacle de danse (celui de Loïe Fuller), auquel assistent (entre autres) la jeune Maria Sklodowska et un homme qu'elle a croisé peu de temps auparavant dans la rue : Pierre Curie. Le dialogue entre les deux héros est savoureux.
La suite montre la progression des recherches du duo, qui finit par devenir un couple. La réalisatrice prend bien soin de montrer qu'au sein de celui-ci, la plus douée est Marie. C'était aussi une travailleuse acharnée. D'un point de vue scientifique, le film tente de rendre accessibles des notions de physique comme la radioactivité ou la réaction en chaîne. Pour le profane que je suis, c'est convaincant.
Le plus étonnant, pour le public du XXIe siècle, est la fascination naïve que les découvertes du couple Curie vont exercer. Des commerçants se mettent à sortir des tas de produits au radium, du dentifrice à la crème pour visage... Marie elle-même n'échappe pas au fétichisme imprudent : la fiole dans laquelle elle a placé un échantillon de l'élément qu'elle a isolé pour la première fois lui sert de "doudou", accompagnant et éclairant ses nuits. A l'écran, c'est superbe...ment dangereux !
Cela m'amène à l'autre propos du film : la mise en perspective des recherches de l'époque (Pierre et Marie n'étant pas les seuls à travailler sur l'atome). Si les apports ne sont pas cachés (en radiographie et lutte contre le cancer), il est quand même surtout question des conséquences négatives, d'Hiroshima à Tchernobyl. Même si le propos est louable, ce n'est pas (à mon avis) la partie du film la plus réussie.
Marjane Satrapi excelle dans les portraits de femmes, ceux de Marie, de sa soeur, de sa fille aînée Irène (qui a marché sur ses traces) et de sa cadette Eve (qui s'engagea des années plus tard dans la France Libre). D'ailleurs, c'est poussée par sa fille aînée que la scientifique a fini par s'engager durant la Première Guerre mondiale. C'est un aspect moins connu de sa vie que le film a le mérite d'aborder.
Celle qui fut détestée comme Polonaise et femme libre finit par être reconnue pour son apport à la science, au point de figurer (seule femme !) parmi l'équipe de chercheurs réunie aux conférences de Solvay. Le film nous propose une photographie datant de 1927. En voici une autre de 1911, sur laquelle figure aussi un certain Albert Einstein (avant-dernier, à droite):
P.S.
Cerise sur le gâteau : ce film féministe, à l'image de son héroïne, ne reste pas dans les clous. Ainsi, lorsque Marie Curie se rend en Suède (avec Irène) pour recevoir son second prix Nobel (celui de chimie), elle déclare, dans la salle d'attente, qu'une partie du public n'a pas su séparer en elle la femme de la scientifique... une autre manière de dire qu'elle pensait qu'il fallait séparer l'homme de l'oeuvre... Bravo au dialoguiste !
lundi, 09 mars 2020
Je ne rêve que de vous
En fin de parcours, ce film est enfin arrivé au CGR de Rodez. En dépit du sujet en or (le dernier grand amour de Léon Blum, sous l'Occupation allemande), le bouche-à-oreille n'est pas très favorable. Je me suis quand même laissé tenter, tant la distribution est alléchante.
Le personnage principal est Jeanne Reichenbach, déjà mariée deux fois, femme libre issue de la bourgeoisie juive. Elle est interprétée par Elsa Zylberstein, dont on sent qu'elle s'est beaucoup impliquée dans le rôle. Hélas, le résultat n'est guère emballant, surtout en raison des scènes avec Léon Blum, incarné par Hippolyte Girardot. On a beau lui avoir fait la tête de l'ancien président du Conseil, le comédien n'est guère convaincant dans le rôle. On ne sent pas vraiment la passion qui aurait animé les deux amants.
Je dirais qu'il faut faire porter la responsabilité de cet échec à la direction d'acteurs (il aurait fallu faire rejouer certaines scènes, tant elles semblent approximatives) et aux dialogues, trop littéraires ou simplement manquant de naturel.
Ce sont les personnages secondaires qui m'ont paru plus réussis. A la volée, je signale Emilie Dequenne en belle-fille de Blum, Thomas Chabrol en ex-mari de Jeanne, Gregori Derangère en second ex-mari et surtout Philippe Torreton en Pierre Laval. Son face-à-face avec Jeanne/Elsa est peut-être la meilleure scène du film. (Je profite de l'occasion pour suggérer aux nombreux producteurs qui lisent ce blog de se lancer dans la mise en chantier d'un film consacré à Pierre Laval, avec Torreton dans le rôle. Il y a une sacrée matière à traiter.) A signaler aussi les à-côtés de la vie privée des hauts personnages, la captivité mettant à jour certains "accommodements" avec la morale officielle. C'est parfois croustillant, avec de beaux portraits d'épouses et de maîtresses.
Le contexte historique n'est pas trop mal planté. Si l'on connaît un petit peu cette histoire, on retrouve l'épisode de la Débâcle (de mai-juin 1940), celui de l'embarquement sur le Massilia et, surtout, le procès de Riom, une machine de propagande anti-républicaine qui a tourné à la déconfiture pour le régime de Vichy. L'arrivée des Allemands dans la zone non-occupée, aggrave le sort des prestigieux prisonniers (Blum et Mandel, entre autres). Certains apprendront peut-être avec surprise que Blum a toujours refusé de fuir, préférant affronter le régime de Vichy de sa prison, jusqu'à partir en déportation (à Buchenwald, mais dans une annexe un peu protégée par rapport aux conditions atroces infligées aux résistants incarcérés). C'est l'un des rares mérites de ce long-métrage poussif, qui s'apparente à un médiocre téléfilm de début de soirée sur France 3.
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samedi, 15 février 2020
Les chasseurs noirs
J'ai récemment découvert la série Les Rivières pourpres, dont France 2 vient d'achever la diffusion de la deuxième saison. Dans la foulée ont été reprogrammés les épisodes de la saison 1, en particulier La Dernière Chasse, encore visible pendant quelques jours sur le site internet de la chaîne.
A celles et ceux qui ne connaîtraient pas cette série, il faut préciser qu'elle est dérivée d'un film de Mathieu Kassovitz, lui même adaptant un roman de Jean-Christophe Grangé. L'ambiance est la même que dans la série : il s'agit d'une enquête policière particulièrement trouble, avec des aspects sordides. Le mystère y côtoie la folie et l'extrémisme. C'est rocambolesque mais parfois à la limite du vraisemblable...
Le duo d'enquêteurs est constitué du commissaire Niemans (comme dans les films) et de la lieutenante Delaunay. Il paraît qu'Olivier Marchal n'était pas le premier choix de la production ni de l'écrivain, qui auraient voulu que Jean Reno (qui incarnait le personnage dans les films) rempile. Quoi qu'il en soit, je trouve que l'ancien policier reconverti dans le cinéma se débrouille très bien en vieux flic anar, bougon et érudit. Je suis moins convaincu par la prestation d'Erika Sainte, que je trouve trop chétive pour le rôle, même si elle a su rendre crédible son personnage de policière gauchiste, mère célibataire un peu paumée dans sa vie privée. Entre les deux héros s'est tissée une sorte de complicité, faite d'ambiguïté : lui la considère comme la fille qu'il n'a pas eue, elle admire le professionnel... et ne serait peut-être pas contre un rapprochement plus "physique"...
Dans l'épisode qui nous concerne, le duo enquête sur un meurtre survenu lors d'une chasse à courre, à la frontière franco-allemande. L'une des hypothèses envisagées est que les responsables seraient les héritiers d'un groupe de tueurs nazis, les chasseurs noirs, une unité créée à l'initiative d'Heinrich Himmler, en 1940 et qui s'est révélée (à partir de 1942) encore plus cruelle et redoutable que les SS déployés en Europe de l'Est, auxquels elle a d'ailleurs fini par être rattachée.
Même si l'intrigue de cet épisode double est fantaisiste, de surcroît émaillée de quelques invraisemblances, j'ai trouvé original qu'un scénario de polar contemporain puise dans ce micro-aspect de la Seconde Guerre mondiale. Le suspens est suffisamment bien entretenu pour qu'on prenne plaisir à cette enquête aux multiples rebondissements. Sur les deux saisons, j'estime que c'est l'un des meilleurs épisodes, tous n'étant pas de ce niveau-là.
P.S.
Une saison 3 est en chantier.
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jeudi, 13 février 2020
Cuban Network
Pour sa sortie en France, le dernier film d'Olivier Assayas n'a pas bénéficié d'un titre porteur. Il aurait été plus pertinent de l'appeler "Le Réseau cubain", puisqu'il est question d'espionnage, l'intrigue étant concentrée sur les années 1990-2000, qui ont vu la fin de la Guerre froide et la mise en place d'un "nouvel ordre mondial".
La première partie prend quasiment la forme d'un documentaire-fiction. On suit plusieurs groupes de Cubains et de Cubano-Américains. Nombre d'entre eux quittent Cuba pour s'installer aux Etats-Unis, plus précisément en Floride. Qu'ils fuient la misère ou la dictature, ils sont accueillis par des associations anticastristes, qui tentent de recruter certains d'entre eux pour mener des actions de déstabilisation du régime communiste en place à Cuba.
J'ai trouvée fort bien mises en scènes ces vagues d'exil et les difficultés nées de la séparation d'avec la famille, tout comme les débuts de ces nouvelles vies, chez Oncle Sam. Evidemment, quand on s'est un peu renseigné avant d'aller voir le film, on sait que, parmi ces exilés, certains sont des agents communistes chargés d'infiltrer les groupes anticastristes.
Grâce à de bons acteurs, Assayas réussit aussi dans sa peinture des groupes familiaux. On pense bien sûr au couple incarné par Penelope Cruz et Edgar Ramirez (qu'on voit au début et surtout dans la seconde partie). Mais je trouve que celui que finissent par former les personnages interprétés par Ana de Armas (vue récemment dans A couteaux tirés) et Wagner Moura (aperçu dans Elysium) est encore plus fort, parce que subsiste entre eux une part d'incertitude, même quand l'infiltration est découverte.
Sur le fond, le début de l'histoire semble manifester la volonté de traiter équitablement les deux camps. A la longue, on finit par comprendre que le cinéaste penche du côté castriste. La violence exercée par le régime communiste est à peine esquissée, à travers une simple évocation du cas d'Arnaldo Ochoa et l'arrestation de miliciens anticastristes (avant qu'ils ne perpètrent des attentats). Même si, dans la seconde partie, une scène montre des MIG abattre des avions de tourisme affrétés par des Cubano-Américains, c'est plutôt l'aspect illégal des activités de ceux-ci qui figure à l'écran. L'empathie penche du côté des espions cubains.
Néanmoins, je reconnais que le propos n'est pas unilatéral. D'un point de vue technique, c'est une oeuvre bien mise en scène, bien jouée et qui propose une représentation d'événements méconnus en France.
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vendredi, 31 janvier 2020
Jojo Rabbit
Quand le réalisateur (talentueux) de Thor : Ragnarok se lance dans la comédie dramatique historique, cela donne ce film inclassable, qui ambitionne de passer des messages importants en recourant (notamment) à la farce.
Le héros est un bon petit Allemand, dont le papa est parti sur le front de l'Est. L'action se déroule la dernière année de la Seconde Guerre mondiale... et l'on envie un peu ce gamin, parce que sa maman est Scarlett Johansson. Très vite, le gamin, bouffé par la propagande nazie, se retrouve dans les Jeunesses hitlériennes (dans la section réservée aux pré-adolescents). Il a pour confident un ami imaginaire : Adolf Hitler. (Quelqu'un aurait dû déconseiller au réalisateur d'interpréter ce personnage...)
La première partie de l'intrigue se veut cocasse, misant sur le grotesque. Le problème est que cela ne marche pas (à de très rares exceptions près). On rit vraiment peu aux mésaventures des gamins comme à la stupidité des adultes qui les encadrent. Je me suis demandé ce que je faisais dans cette salle...
L'intérêt s'accroît lorsque le garçon fanatisé découvre qu'une pièce secrète de la chambre de sa sœur aînée abrite... une adolescente juive, pour laquelle il se met à éprouver des sentiments ambivalents. Celle-ci est dotée d'un solide caractère. Les échanges avec le gamin sont assez réussis et jouent sur les stéréotypes accolés aux juifs. (Il convient donc de réserver la vision de ce film aux personnes aptes à comprendre qu'il s'agit de second degré...) Je pense qu'on reparlera un jour de Thomasin McKenzie, la ravissante et talentueuse comédienne néo-zélandaise qui incarne Elsa.
En dépit du regain d'intérêt, je trouve que la satire n'est guère plus évoluée qu'en début d'histoire. Fort heureusement survient l'une des meilleures séquences du film : l'arrivée d'agents de la Gestapo, qui viennent fouiller le domicile de la mère du héros, qui est soupçonnée de distribuer des tracts antinazis. C'est l'occasion de profiter du meilleur gag, la récurrence ridicule des "Heil Hitler !"... dans laquelle tous les cinéphiles verront un pompage éhonté d'une excellente scène de To be or not to be (celui d'Ernst Lubitsch). Jojo Rabbit fait vraiment pâle figure à côté de ce prestigieux ancien... sans parler même de The Great Dictator, le chef-d’œuvre de Chaplin.
Néanmoins, j'ai apprécié le changement de ton, à partir d'une scène assez bien fichue, qui voit le gamin découvrir une paire de chaussures familières se balançant au-dessus de sa tête. Cela oriente l'intrigue dans un sens plus dramatique, lorsque l'Allemagne est en pleine déliquescence, jusqu'à l'arrivée des troupes alliées. La relation entre Jojo et Elsa prend encore plus de force, même si j'ai trouvé la conclusion un peu nunuche.
Voilà. Ne vous attendez pas à une œuvre d'exception. Les décors sont certes soignés et quelques moments méritent le détour, surtout si, comme à Rodez, vous avez accès à la version originale sous-titrée.
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jeudi, 30 janvier 2020
1917
Sam Mendes est un de ces cinéastes qui mettent trois à quatre ans pour créer une oeuvre. Sa filmographie est donc assez restreinte, se limitant à huit longs-métrages, les derniers sortis étant Skyfall et 007 Spectre. Ici, on s'éloigne de l'univers de James Bond pour se plonger dans la Première Guerre mondiale.
Pour immerger les spectateurs dans l'univers apocalyptique dans lequel évoluent les personnages, le réalisateur a recouru aux plans-séquences. Pas un seul, contrairement à ce que certains commentateurs imprudents ont affirmé. Si l'on est attentif, on distingue plusieurs coupures, la première intervenant peut-être au sein d'une scène de tranchées, lors d'un croisement. Par la suite, c'est une explosion, puis une fusillade et deux plongées dans l'eau d'une rivière qui permettent au cinéaste de poser sa caméra. Un oeil exercé remarquera aussi que l'obscurité de certains plans est propice à des raccords subtils (comme lorsque l'un des héros court la nuit dans une ville en ruines, ou quand il quitte une cave en remontant un escalier sombre).
Le procédé n'a rien d'artificiel, d'abord parce qu'il se passe plein de choses autour de la caméra (qui, souvent, suit ou précède les personnages principaux), au premier plan et à l'arrière-plan. La minutie avec laquelle les scènes sont construites est parfois stupéfiante, comme cette sortie d'un tunnel, qui débouche à l'arrière des lignes allemandes, sans doute au niveau d'une ancienne batterie d'artillerie. La caméra continue d'évoluer autour des deux messagers anglais, après que l'un deux a lancé une fusée d'alerte, qui s'échappe du cadre. Un moment plus tard, les deux hommes repartent alors qu'au loin, derrière eux, on voit la fusée retomber. Les détails de ce genre sont assez nombreux.
C'est un film de guerre atypique. On y voit très peu de combats. Par contre, les conséquences de ceux-ci sont omniprésentes. On ne nous épargne ni la boue, ni la crasse, ni les rats, ni les cadavres gonflés. C'est l'une des grandes qualités de ce film que de nous faire toucher du doigt toute la réalité de la guerre, à partir d'une histoire somme toute anecdotique.
Visuellement, on suit les deux jeunes messagers (des acteurs quasi inconnus, pour moi), dans le labyrinthe des tranchées, d'abord britanniques, ensuite allemandes. C'est l'occasion de découvrir (pour ceux qui l'ignoreraient) que les aménagements des Allemands étaient plus élaborés que ceux de leurs adversaires (français comme britanniques). Au niveau des décors, ce sont toutefois les villes et villages en ruines qui impressionnent le plus. J'ai encore en mémoire les déambulations du héros dans une localité fantomatique, éclairée uniquement par des fusées lancées au pistolet et un gigantesque incendie. Marquante aussi est la scène de la ferme abandonnée, qui est le théâtre d'un combat aérien et d'une péripétie qui fait basculer l'intrigue. Enfin, la rencontre entre le héros et celle que l'on prend d'abord pour une jeune mère éplorée est touchante au possible... et c'est surtout l'occasion de voir enfin une femme !
Si les rôles principaux sont tenus par des figures méconnues, quelques vedettes viennent densifier la distribution : Colin Firth, Mark Strong, Andrew Scott et Benedict Cumberbatch (tous deux anciens de la série Sherlock). Tous les interprètes sont irréprochables. Comme la photographie est soignée et que la musique s'ajoute sans s'imposer, l'ensemble forme un excellent film de guerre, qui échappe au tintamarre héroïsant comme à l'introspection nombriliste. C'est pour moi (déjà) l'un des films de l'année.
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lundi, 30 décembre 2019
Une Vie cachée
Je ne connaissais pas l'histoire de Franz Jägerstätter, que Terrence Malick a choisi de nous conter en partie sous la forme d'une introspection. J'ai eu quelques réticences à aller voir ce film. Le réalisateur est, en général, encensé par la critique. De lui, je n'ai vraiment aimé que Les Moissons du ciel (pour le coup un pur chef-d'oeuvre), alors que Le Nouveau Monde et Voyage of Time m'ont fait piquer du nez.
Cette fois-ci, j'ai tenu bon... contrairement à nombre de personnes âgées qui occupaient la salle obscure, à mes côtés. A défaut de rires, la séance a été agrémentée de ronflements...
Vous voilà prévenu.e.s. Malick ne nous livre pas un film d'histoire, ni même un film sur la résistance au nazisme. Plus que de résistance, il est ici question d'opposition (passive, active). De cette opposition, le réalisateur ne retient que le fondement religieux (le héros est un fervent catholique), négligeant les aspects strictement politiques. Le personnage de Franz est un martyr, au sens étymologique du terme : il témoigne de sa foi, étant prêt à mourir pour elle, quand bien même une solution de repli lui serait proposée.
L'histoire démarre dans une Autriche rurale éternelle, une sorte de paradis perdu où les humains vivaient en harmonie avec la nature. C'est la partie où l'on retrouve le talent de Malick pour la mise en scène de ces grands espaces. Incontestablement, cela ne manque pas de souffle.
Cela se gâte à partir du moment où le cinéaste décide nous faire entrer dans la tête du héros. Cela devient pompeux, répétitif, maladroit. C'est dommage, parce qu'il y avait un beau sujet derrière : dans quelle mesure une foi authentique conduisait-elle un croyant de l'époque à rejeter le nazisme ? Le problème est que Malick néglige les explications extérieures et semble en empathie totale avec le personnage qu'il met en scène.
Ainsi, on ne saura pas vraiment dans quelle mesure ce qui perce du front de l'Est (en 1943, l'armée allemande a été vaincue à Stalingrad et le génocide des juifs est déjà bien entamé) a influé sur sa détermination. On ne comprend donc pas pourquoi celui qui a accepté de porter l'uniforme pour se battre en France en 1940 se braque aussi fortement en 1943. Il n'y a aucun recul critique sur son obstination, qui nuit à sa famille. Par contre, les persécutions qu'il subit (de l'attitude grossière de certains villageois aux tortures infligées par les nazis) sont bien montrées.
Malgré certaines qualités (indéniables), je suis resté sur ma faim. Le film est plutôt décevant.
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jeudi, 05 décembre 2019
Chichinette, ma vie d'espionne
Ce court documentaire (1h25) a été pour moi l'occasion de découvrir l'histoire de cet étonnant bout de femme (mesurant 1m50, selon une ancienne carte d'identité visible à l'écran), née Marthe Hoffnung à Metz juste après la Première Guerre mondiale, résistante puis espionne une vingtaine d'années plus tard.
La première partie du film nous fait découvrir la nonagénaire entre voyages et conférences avec, en parallèle, sa "vie d'avant" (la Seconde Guerre mondiale). On fait la connaissance d'une petite fille juive, plutôt rebelle, qui n'aimait pas l'école et se destinait au métier d'infirmière. Elle est d'ailleurs tombée amoureuse d'un futur médecin.
Le déclenchement d'un nouveau conflit avec l'Allemagne incite la famille à se replier sur Poitiers. Pour les parents de Marthe, la vie devient plus compliquée, parce qu'ils ne parlent quasiment qu'allemand, vu qu'ils ont vécu toute leur jeunesse en Lorraine annexée. Marthe elle est parfaitement bilingue, une aptitude qui va lui sauver la vie et permettre d'en sauver d'autres.
Mais la guerre est d'abord source de douleurs, avec l'arrestation puis la déportation de la soeur aînée de notre héroïne, puis la mort de son amoureux, engagé lui aussi en résistance. Quant à Marthe, grâce à des faux papiers sur lesquels ne figure pas la mention de sa judéité, elle passe entre les gouttes.
Si cette histoire ancienne s'avère passionnante, la vie actuelle de l'arrière-grand-mère de 96 ans (le film a été tourné en 2016) ne manque de sel non plus. Comme elle aime à le préciser, dans son couple, Chichinette a vu la relation s'inverser. Pendant toute sa vie professionnelle, elle a assisté son époux américain (médecin). Depuis que son histoire a été rendue publique, à sa retraite, c'est elle qui mène la danse, l'époux prévenant s'étant transformé en majordome de l'icône de la Résistance.
C'est en fin de film que l'on découvre son principal fait d'armes, en Allemagne, en avril 1945. Sa maîtrise de l'allemand, son courage et son sang-froid lui ont permis de rendre de considérables services aux armées alliées qui progressaient en territoire germanique.
C'est à la fois un vibrant morceau d'histoire et une magnifique leçon de vie.
P.S.
Il est regrettable qu'il ait fallu attendre si longtemps pour rendre un hommage filmé à cette courageuse française. Il est encore plus étonnant que ce long-métrage soit une production... allemande !
samedi, 30 novembre 2019
Adults in the room
Le titre reprend une formule utilisée par le personnage de Christine Lagarde. Dans l'histoire, celle qui est à l'époque directrice du FMI (aujourd'hui présidente de la BCE) fait office de Madame Loyale, autorité bienveillante qui tente de concilier les contraires... tout en restant du côté du manche. La formule fait allusion au manque présumé de maturité des hommes qui s'affrontent au cours des réunions ayant pour but de résoudre la crise grecque (en réalité les conséquences de la crise financière de 2007-2008 sur l'Union européenne).
Costa-Gavras nous livre une oeuvre engagée, sous forme de théâtre politique. La musique, omniprésente, souligne les moments dramatiques, cocasses... et a peut-être aussi pour mission de pallier le manque d'action à l'écran. Bien que le film soit long (il dure plus de deux heures), je trouve que le résultat est globalement réussi, sur la forme.
C'est dû à la qualité de l'interprétation, en particulier celle de Christos Loulis, incroyable de charisme en Yanis Varoufakis (le ministre des Finances grec). Le réalisateur fait la part belle à ce personnage, ce qui d'ailleurs fait perdre à son histoire une partie de sa crédibilité. Face à lui, il faut souligner la performance d'Ulrich Tukur en Wolfgang Schäuble, l'omnipotent ministre allemand, ancien rival d'Angela Merkel qui, bien que cloué sur un fauteuil roulant, terrorise la moitié de l'Eurogroupe. Si l'acteur est excellent dans le rôle, je trouve que la représentation du ministre allemand est plutôt caricaturale. On peut faire la même remarque à propos du président (de l'époque) de la BCE, Mario Draghi, un ex de Goldman Sachs qui, à l'usage, s'est révélé beaucoup plus subtil qu'on ne l'avait craint (et qui a sans doute grandement contribué à sauver l'euro... mais c'est peut-être justement là que le bât blesse pour certains abrutis de base).
C'est pire encore concernant d'autres personnages majeurs : le Premier ministre grec lui-même, Alexis Tsipras, est dépeint en type mou et influençable. Costa-Gavras est trop dépendant de sa principale source (le bouquin de Varoufakis, qui a rompu avec son ancien partenaire de Syriza). Concernant les représentants français, les spectateurs hexagonaux qui ne sont pas nostalgiques de la présidence Hollande apprécieront de voir Michel Sapin (le ministre des Finances) caricaturé en hypocrite veule et Pierre Moscovici présenté en notable suiviste (avec une bonne composition d'Aurélien Recoing). Des flèches encore plus acérées sont destinées au président de l'Eurogroupe de l'époque, le ministre néerlandais des Finances (travailliste) Jeroen Dijsselbloem, présenté comme un type suffisant... et un véritable laquais de l'Allemagne. C'est là que l'on mesure (quand on connaît un peu le contexte) la partialité du film (et aussi du livre, je présume). Rien ne nous est dit des difficultés avec lesquelles se débat le gouvernement néerlandais, à l'époque, difficultés qui peuvent (en partie) expliquer l'attitude du ministre dans les réunions européennes.
De manière générale, je trouve que le film porte d'énormes oeillères, se contentant de véhiculer le point de vue de Varoufakis, en passant très vite sur les errements des précédents gouvernements grecs (dont les élus de Syriza, qu'ils le veuillent ou non, doivent gérer l'héritage). Je trouve que les enjeux européens ne sont pas suffisamment expliqués. Ils auraient permis de comprendre l'attitude de certains des acteurs majeurs de ces négociations... mais cela aurait peut-être quelque peu diminué l'éclat de l'auréole varoufakienne.
Au final, on se retrouve avec un film à la dramaturgie élaborée, mais très orienté.
P.S.
La séquence conclusive, qui comprend un ballet métaphorique, est complètement ratée.
09:52 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, économie, europe, union européenne
samedi, 23 novembre 2019
Le Code du tueur
Je ne connaissais pas cette mini-série britannique, créée en 2015, dont France 3 vient de rediffuser les trois épisodes, visibles pendant encore quelques jours en replay. D'une façon légèrement romancée, elle raconte l'émergence de la police scientifique moderne, à travers l'utilisation de la preuve ADN.
Le premier épisode met en parallèle le début d'une enquête sur le viol et le meurtre d'une adolescente (aux environs de Leicester, en 1983) et les recherches d'Alec Jeffreys. Dans son petit laboratoire, cet universitaire tente de séquencer l'ADN, au départ plutôt dans le but de retracer les filiations. La mise en scène montre bien à quel point ce travail pionnier fut ardu. Dans le même temps, à quelques kilomètres de là, le commissaire David Baker (un flic besogneux et compatissant, à l'ancienne) piétine dans son enquête, en dépit des moyens déployés. Dans le rôle, David Threlfall est excellent.
L'épisode s'achève alors que le scientifique est sollicité dans une affaire d'immigration. Les spectateurs comprennent aussi qu'on a affaire à un tueur en série, dont on ne nous montre quasiment rien, principalement l'ornement intérieur de sa voiture :
Le deuxième épisode est celui où l'action progresse le plus. D'un côté, la police pense avoir mis la main sur un suspect crédible, mais pour un seul des deux meurtres. C'est le moment où le commissaire et le scientifique entrent en contact. L'analyse ADN semble capable d'innocenter un accusé comme de dénicher le vrai coupable dans une foule de suspects. Le suspens est bien entretenu à propos de l'identité du tueur.
Le troisième épisode est celui du dénouement. Au départ, les policiers pensent que le test ADN pratiqué à grande échelle va leur donner la clé de l'énigme... mais l'on nous ménage quelques rebondissements. Celles et ceux qui sont familiers des enquêtes criminelles ne seront pas surpris de découvrir le stratagème utilisé par le coupable pour tenter d'échapper à la police. J'ai aussi apprécié que l'on ne s'attarde pas sur la personnalité du violeur. Le film s'attache surtout aux familles des victimes et au quotidien des héros. Ajoutons que les seconds rôles sont campés avec beaucoup de réalisme et que l'ambiance des années 1980 est parfaitement restituée.
L'ensemble est une belle réussite.
15:22 Publié dans Histoire, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, histoire, télévision, cinéma, cinema, film, films
dimanche, 17 novembre 2019
Midway
Trois ans après Independence Day - Résurgence, Roland Emmerich est de retour avec un nouveau blockbuster, consacré aux débuts de la guerre du Pacifique, entre le Japon et les États-Unis.
Les origines du conflit entre ces deux pays sont à peine effleurées. Si l'on souligne la dépendance de l'Empire du soleil levant aux matières premières américaines, si l'on évoque la montée en puissance de l'armée japonaise (sans expliquer l'étendue de l'impérialisme nippon, plus ancien que ce qui est dit et qui s'étendait bien au-delà de la Chine), on a quand même du mal à comprendre pourquoi une attaque aussi secrète que brutale a été déclenchée sur Pearl Harbor.
Ne boudons pas notre plaisir. La séquence consacrée à cet événement traumatique (pour les Américains) est très spectaculaire. Elle permet de surcroît de mettre en scène certains des principaux personnages (qui ont bel et bien existé) et qui ont par la suite joué un rôle important dans la bataille de Midway.
Cependant, si les moments d'action sont parfaitement maîtrisés (en particulier les plans aériens), les scènes de dialogues sont médiocres, pour ne pas dire mauvaises. Certains acteurs, comme Woody Harrelson et Dennis Quaid, s'en sortent mieux que d'autres, confinés dans un rôle caricatural. (Et voir Ed Skrein mâcher des chewing-gums pendant plus de la moitié du film m'a particulièrement insupporté.) Ne parlons pas des personnages féminins, réduits à de jolies potiches, se lamentant pour leur chéri parti au combat. (Cet aspect des intrigues n'a jamais été le fort d'Emmerich.)
Au niveau de la représentation des Asiatiques, on a fait preuve d'un peu de subtilité. Une main est tendue aux alliés chinois (à l'époque). Mais, surtout, l'ennemi japonais est décrit comme puissant et divers dans ses opinions et comportements. (Clint Eastwood est -fort heureusement- passé par là...) Toutefois, dans l'esprit des auteurs, si les Japonais sont aussi redoutables, c'est parce qu'ils ont beaucoup appris... des Américains ! (On oublie de préciser que, depuis l'ère Meiji, les Japonais se sont inspirés des Occidentaux en général, des Allemands en particulier.)
J'ai aussi aimé que l'on ne présente pas les opérations de l'armée américaine comme des promenades de santé menées par des héros infaillibles. Leurs offensives peuvent foirer et les bombes ne touchent pas systématiquement leur cible. Cela renforce le suspens et donne du crédit à l'intrigue.
Le déroulement proprement dit de la bataille de Midway est un véritable feu d'artifice. Les amateurs de film de guerre risquent l'éjaculation précoce. Les autres spectateurs se contenteront de profiter d'un bon spectacle, mais souvent caricatural dans le traitement des personnages.
17:55 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
mercredi, 13 novembre 2019
J'accuse
Epaulé par l'écrivain Robert Harris, Roman Polanski nous livre donc sa vision de l'affaire Dreyfus, dans un film centré non pas sur la principale victime de l'injustice, mais sur l'officier Georges Picquart, qui, bien que convaincu au départ de la culpabilité du capitaine juif, a mené, au péril de sa carrière, une contre-enquête qui a contribué à faire éclater la vérité.
Sur un tel sujet, le risque était de se retrouver face à un film lénifiant, "qualité France", au cours duquel une pléiade d'acteurs connus viendrait faire son petit numéro devant la caméra, avant de s'en aller. Polanski (qui s'est offert un caméo dans une scène de concert de musique de chambre) a tiré profit de l'angle d'attaque original du roman d'Harris, qui nous fait suivre l'histoire dans les pas de Picquart.
L'action démarre dans la cour de l'Ecole militaire, au moment de la cérémonie de dégradation de Dreyfus. Le réalisateur y fait preuve de sa maîtrise habituelle des espaces et du champ/contrechamp. C'est surtout l'occasion de camper le personnage de Picquart (Jean Dujardin, comme on l'a très rarement vu), qui avait de solides préjugés antisémites. (C'est d'ailleurs la principale limite que l'on pourrait trouver à l'histoire, qui semble montrer que ces préjugés ont progressivement disparu, ce qui n'était peut-être pas le cas chez le véritable Picquart.)
La suite nous met en contact avec un univers d'hommes, celui de l'armée et de son service de renseignement, peuplé à la fois d'individus pétris de rectitude et de quasi-racailles. Considéré comme fiable, l'antisémite (modéré) Picquart se retrouve à la tête d'une unité de contre-espionnage, où il envisage très vite de mettre un peu d'ordre. Il ne s'y fait pas que des amis. Par dessus le marché, certaines de ses certitudes vont vaciller.
C'est la grande réussite à la fois du scénario et du montage que de faire découvrir progressivement au public les dessous de la machination dont est victime Dreyfus, par le biais notamment de retours en arrière, véritables plongées dans la mémoire de Picquart. Le film devient un véritable polar. Picquart enquête, en s'appuyant sur des policiers parisiens. La surveillance qu'il met en place pour piéger le véritable coupable (Esterhazy) est très bien mise en scène. (Les spectateurs technophiles du XXIe siècle souriront peut-être devant la rusticité des moyens dont disposaient les espions de l'époque.)
Quasiment tous les acteurs (dont une floppée provenant de la Comédie française) sont formidables. La musique d'Alexandre Desplat colle parfaitement à l'intrigue. Il reste la question du pourquoi. Pourquoi retourner un film sur cette célèbre affaire ? D'abord, parce qu'il n'est pas inutile de raviver quelque peu la mémoire des Français. Du côté de Polanski, on sent qu'a joué la crainte provoquée par le retour d'un certain antisémitisme. On en perçoit l'écho dans une scène de rue, un autodafé qui prend le tour d'une petite "nuit de cristal". Les spectateurs instruits de l'histoire de la IIIe République ne s'étonneront pas de l'apparition de ce "moment antisémite". Les autres feront le lien plutôt avec la période nazie. (Contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre ici et là, Polanski n'a absolument pas orienté le film dans le sens d'un plaidoyer pro domo. Ce genre de considérations est ici totalement hors-sujet.)
19:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 02 novembre 2019
Le Roman des Goscinny
La récente sortie de La Fille de Vercingétorix (par le duo Conrad-Ferri) est une invitation à se replonger dans les aventures plus anciennes d'Astérix et Obélix, en particulier celles scénarisées par René Goscinny (1926-1977), auquel un roman graphique a été consacré. Il est paru cet été. Je viens d'en achever la lecture.
La couverture annonce parfaitement le contenu du livre. On y voit, de profil, René Goscinny et sa fille Anne, qui ne s'est jamais remise complètement de la mort précoce de son père, qu'elle a de surcroît assez peu connu : elle avait neuf ans quand il est décédé.
Elle en a d'ailleurs beaucoup voulu au cardiologue qui avait fait pratiquer un test d'effort sur son père, au coeur fragile. Cela permet de comprendre les rares séquences dessinées sur fond rose, qui montrent une Anne Goscinny plus jeune, avide de vengeance.
Mais la majorité de cette bande dessinée nous est présentée soit sur fond jaune, soit sur fond bleu. Les chapitres dessinés sur fond jaune montrent l'oeuvre en construction, notamment les discussions entre Anne Goscinny et l'auteure Catel, à laquelle on doit, entre autres, une biographie en images d'Olympe de Gouges. L'artiste est face à un dilemme : soit elle continue à privilégier les projets concernant les femmes, soit elle se lance dans ce travail sur René Goscinny qui, quoiqu'homme, a bercé sa jeunesse et inspiré son travail. Elle a fini par dire oui à la fille du scénariste et a eu accès aux archives familiales.
Cela lui a permis de construire les séquences sur fond bleu, dans lesquelles on voit René Goscinny s'exprimer à la première personne et raconter l'histoire de sa vie.
Ceux qui l'ignoreraient apprendront que la famille de Goscinny est composée majoritairement de juifs ayant fui l'Europe de l'Est antisémite. Les parents de René n'ont d'ailleurs échappé au génocide que parce que, dans l'Entre-deux-guerres, ils sont partis s'installer en Argentine, un pays alors riche en opportunités, en particulier pour un ingénieur comme Stanislas (le père).
Très tôt, le jeune René se révèle un boute-en-train, plutôt bon élève. Mais il est assez vite atteint par le virus du cinéma (notamment Laurel et Hardy) puis de la bande-dessinée. Il se fait la main en reproduisant des planches déjà publiées ou en caricaturant des personnages célèbres.
Ce n'est pas l'un des moindres intérêts de ce livre que d'y trouver des reproductions de documents authentiques, la plupart de la main de Goscinny. Ce n'était pas un dessinateur maladroit, l'un de là.
Après le décès de son père, c'est aux Etats-Unis que René tente de percer dans son hobby. Fort heureusement pour nous, il n'a pas réussi. Mais il a côtoyé les fondateurs de Mad. A la fois dessinateur et scénariste à ses débuts (et même souvent homme à tout faire), René va petit à petit se spécialiser dans l'écriture de scenarii, où son imagination fertile et son humour ravageur vont faire merveille.
Le succès n'est venu qu'en Europe, une fois qu'il s'est associé à plusieurs dessinateurs très talentueux, comme Sempé, Morris et Uderzo. Le livre ne nous raconte que les tout débuts, à savoir la rencontre entre Goscinny et tel ou tel acteur de l'histoire de la bande-dessinée francophone (souvent belge, rappelons-le), ainsi que les premières productions.
Pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'histoire en général et celle de la bande dessinée "française" en particulier, c'est un ouvrage indispensable.
20:15 Publié dans Histoire, Livre, Loisirs, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, bd, bande dessinée, bandes dessinées, bandes-dessinées, bande-dessinée, humour, france, société, caricature, livre
samedi, 26 octobre 2019
La voix d'Alfred Dreyfus
On peut l'écouter sur le site de la BNF, dans le thème "Archives de la parole". L'extrait, qui dure environ deux minutes, a été enregistré en 1912. On peut y entendre le plus célèbre condamné à tort de l'histoire lire un extrait de ses mémoires. Il y évoque l'année 1906, en particulier la remise de sa légion d'honneur, qui bénéficia d'un cadre officiel (une bien modeste compensation aux souffrances qu'il avait endurées). Il fait un petit bilan de l'Affaire qui l'a concerné au premier chef.
J'ai trouvé cette référence dans un passionnant petit livre d'Alain Pagès, L'Affaire Dreyfus, Vérités et légendes, aux éditions Perrin :
23:32 Publié dans Histoire, Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, politique, france, société
mardi, 22 octobre 2019
Le Regard de Charles
Ce regard est celui de Charles Aznavour. On connaissait l'acteur convenable et le chanteur talentueux. On découvre le vidéaste amateur, à qui Edith Piaf avait offert une caméra portative. L'auteur-compositeur-interprète a tourné des dizaines d'heures de petits films, pendant ses moments de loisir (notamment en famille), mais aussi à l'occasion de ses tournées, qui constituent le principal matériau de ce film.
Ce documentaire d'1h20 est le résultat du montage d'images qui s'étalent des années 1950 au tout début des années 1970. En fond sonore, on entend la musique, parfois les chansons d'Aznavour. Un commentaire a été créé à parti de déclarations de l'artiste. Il est lu par Romain Duris, dont la voix grave et posée se révèle un excellent substitut à la parole d'Aznavour. C'est fou ce que les déclarations d'Aznavour se marient bien avec les images qu'il a tournées !
Il y en a pour tous les goûts. Les fans du chanteur le réécouteront avec plaisir, aussi bien avec des titres célèbres qu'avec des chansons méconnues du grand public. Les adeptes d'anecdotes "pipoles" en apprendront peut-être sur sa vie privée, assez chaotique : l'artiste a d'abord donné la priorité à sa carrière même si, sur le tard (après 40 ans), il a accordé davantage de temps et d'attention au cocon familial. La mort de son fils, à l'âge de 24 ans, a peut-être pesé. A contrario, le jeune artiste paraît totalement détaché des responsabilités familiales quand il s'embarque pour le Canada, où son contrat d'une semaine va se prolonger un mois, une année... On découvre aussi des images rares, celles d'un Aznavour en "jam session". On sent l'amoureux de la musique et du rythme.
Quand il ne se faisait pas filmer, Aznavour prenait la caméra pour montrer son entourage, ses épouses, ses enfants (en particulier l'une de ses filles, qu'il filme de manière attendrissante). On le voit aussi aux côtés de vedettes de l'époque, françaises comme étrangères.
Pour moi, les images les plus intéressantes sont celles qui montrent un pays où il s'est produit, il y a 50-60 ans. Hong Kong et Macao ont bien changé depuis ! Que dire aussi des prises de vue d'Afrique du Nord ou des Etats-Unis (New York et Las Vegas en particulier) ! Elles ont une authentique valeur historique, si bien qu'au bout d'1h20, on regrette que le film s'achève déjà.
samedi, 05 octobre 2019
Les Lois de l'hospitalité
L'année 2019 voit la ressortie en salles (en version restaurée) de ce moyen-métrage de Buster Keaton. Celui-ci, un peu oublié aujourd'hui, fut, à l'époque du cinéma muet, le grand rival de Charlie Chaplin, sans doute le meilleur spécialiste du slapstick, un genre comique fondé sur des cascades (Keaton les réalisant lui-même).
Keaton y incarne Willie McKay, un jeune New-Yorkais qui, dans la première moitié du XIXe siècle, se risque dans l'arrière-pays pour y récupérer ce qu'il pense être un héritage magnifique. Une double déception l'attend : l'héritage en question se limite à une bicoque brinquebalante et, sur place, résident encore les membres d'une famille (les Canfield) qui vouent une haine mortelle à la sienne. Or, dans le train qui l'amène depuis New York, le héros fait la connaissance d'une ravissante passagère (avec laquelle il sympathise), Virginia Canfield...
L'intrigue générale est simple (même si elle va suivre quelques détours sinueux). On sent l'influence du Roméo et Juliette de Shakespeare. Et pourtant, à la base, c'est une histoire vraie, celle de la vendetta (feud en anglais) entre les familles McCoy et Hatfield, qui défraya la chronique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. (Des années plus tard, elle a inspiré Morris et Goscinny, auteurs de l'album Les Rivaux de Painful Gulch.)
La première séquence présente le contexte, au tout début du XIXe siècle. Les réalisateurs (John Blystone et Buster Keaton) campent avec force une opposition de classe entre une famille pauvre (avec un seul enfant), les McKay, et une famille aisée (dont on va découvrir au cours de l'histoire qu'elle se compose d'au moins quatre enfants), les Canfield. Le drame qui se déroule cette nuit de 1810 va relancer la querelle qui oppose les deux camps depuis des lustres, et qui semblait s'être atténuée.
Plus de vingt ans passent et nous voilà projetés dans un New York trépidant, avec quelques clins d'oeil comiques de Keaton : sur la circulation hippomobile qui devient infernale, sur l'urbanisation galopante dans le quartier de Broadway (dont pourtant l'aspect contraste fortement avec celui qu'il a acquis par la suite)... et sur les dangers qu'il y a à quitter la métropole pour l' "Ouest sauvage", situé au-delà de Trenton... à moins de cent kilomètres de là.
Le transport en train (en calèche ferroviaire, devrait-on dire) est source de multiples gags. Du personnel vieillissant à la fumée qui asperge les passagers, en passant par le tracer de la voie, acrobatique (et... modulable), on ne s'ennuie pas. Dans le même temps, Keaton/McKay fait montre de son savoir-faire dans le comique de situation.
L'intrigue prend un tour plus dramatique à l'arrivée dans les Appalaches. Au départ, le jeune McKay ne risque rien, puisqu'il n'est pas attendu et que personne ne connaît son identité. Mais il est du genre très poli, se présentant volontiers à des inconnus. De surcroît, la ravissante passagère, tombée sous son charme, l'a invité dans la demeure familiale des Canfield (sans lui avoir révélé son nom).
On attend donc avec impatience la séquence du dîner, qu'un détail sociologique va contribuer à épicer : les lois de l'hospitalité interdisent de s'en prendre à un invité dans l'enceinte de la maison (mais pas dans le jardin ni devant l'entrée). La tension monte et le héros déploie des trésors d'inventivité pour échapper aux griffes pistolets du père et des frères de sa dulcinée. Cela devient de plus en plus rocambolesque. C'est absolument délicieux.
J'ajoute que l'image restaurée (en noir et blanc) est superbe et qu'on a réenregistré la musique d'accompagnement. C'est un film à ne pas manquer s'il passe près de chez vous !
13:47 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 28 septembre 2019
Kersten, médecin d'Himmler
C'est le titre d'une bande dessinée en deux tomes, que l'on doit à Patrice Perna et Fabien Bedouel. Elle est parue il y a environ quatre ans et elle a pour objectif de rendre justice à l'un des héros méconnus de la Seconde Guerre mondiale, Félix Kersten.
Jusqu'à la lecture de cette bande dessinée, le nom de Kersten n'était pour moi qu'une courte apparition (ou une note de bas de page) dans des livres consacrés au nazisme, à la guerre ou à Himmler. Il était connu que le chef de la SS avait un médecin particulier, parfois qualifié de masseur, limite rebouteux... le plus étonnant étant l'hostilité de ce médecin au nazisme.
Le premier tome met en scène la rencontre (en 1939) entre le Reichsführer et le médecin finlandais évoluant entre les Pays-Bas et l'Allemagne. En alternance, une autre trame chronologique nous est proposée, après guerre, quand il est question de faire reconnaître les mérites de Kersten.
Le dessin est de facture classique, sans être particulièrement réaliste. On remarque toutefois que, dès que le héros est au contact des nazis, l'ambiance se fait plus sombre. Le petit monde des maîtres du IIIe Reich est un panier de crabes pourris d'ambitions. A son corps défendant, Kersten va se retrouver au milieu.
Il bénéficie d'une assez grande liberté de mouvement, grâce à la protection d'Himmler, particulièrement reconnaissant des soins qu'il lui procure. Entre les deux hommes naît une relation de dépendance mutuelle, faite de confiance, d'hypocrisie et d'intérêts bien compris. Kersten est même approché par des espions alliés.
Le tome 2 démarre sur l'assassinat d'Heydrich (relaté dans le film HHhH) C'est un coup de chance pour Kersten, qui voit disparaître l'un de ses adversaires les plus acharnés (et l'un des chefs nazis les plus redoutables). Himmler étant devenu extrêmement dépendant de ses soins, il s'enhardit à exiger de plus en plus de faveurs en échange. Ces faveurs sont essentiellement la libération de prisonniers, d'abord civils (des otages), puis résistants... et même juifs (des milliers !). En alternance, la quête pour la reconnaissance des mérites de Kersten se heurte à des oppositions aussi inattendues qu'obstinées. L'histoire s'achève sur le plus extraordinaire des sauvetages, Kersten réussissant à faire plier Himmler, qui en même temps pense jouer une carte personnelle, à la fin de la guerre.
Cette bande dessinée est absolument passionnante.
18:21 Publié dans Histoire, Livre, Loisirs, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, bd, bande-dessinée, bande dessinée, seconde guerre mondiale, deuxième guerre mondiale
jeudi, 29 août 2019
La première cinéaste
En son temps, cette Française fut la femme la mieux payée des Etats-Unis (25 000 dollars de l'époque par an !). Elle innova beaucoup dans le cinéma, tourna des centaines de films. Elle fut même décorée de la légion d'honneur et rédigea son autobiographie. Pourtant, elle a été oubliée... jusqu'à ce que le XXIe siècle ne la redécouvre. Cette femme est Alice Guy :
J'ai appris son existence grâce à un article d'Emmanuelle Lequeux, publié il y a quelques semaines dans Le Monde, dans le cadre d'une série d'été consacrée aux femmes artistes oubliées. Cet article est le dernier d'une série commencée en 2014 par Hélène Février pour TV5 Monde. On peut compléter par la lecture d'un billet paru l'an dernier sur le site du CNC et celle d'un récent article de Ouest France, plus centré sur la vie privée de la pionnière.
C'est dès 1896 qu'Alice Guy a réalisé son premier court-métrage, La Fée aux choux. Aujourd'hui, il nous paraît très daté, mais ce fut le premier film de fiction. La cinéaste s'est essayée à tous les genres, recherchant aussi à chaque fois l'innovation technique. Ainsi, on est saisi par la fraîcheur de Miss Dundee et ses chiens savants (datant aussi de 1902) et de Madame a des envies (1906), dont le personnage principal est une femme enceinte qui s'autorise toutes les folies : voler la sucette d'une gamine, boire le verre d'absinthe du client d'un café, s'emparer du morceau de hareng d'un clochard et même de la cigarette d'un colporteur ! On le voit, la Française maîtrisait les saynètes avant même l'apparition des Keaton et Chaplin. (Ce film est aussi resté dans les mémoires pour son usage des plans rapprochés.)
L'année 1906 fut décidément fructueuse pour Alice Guy. Elle réalisa ce qui est considéré par certains spécialistes comme son chef-d'oeuvre, La Naissance, la vie et la mort du Christ, qui est à la fois le premier péplum jamais tourné et un film d'une durée faramineuse pour l'époque : 35 minutes au total.
Toujours en 1906, la réalisatrice suscita des réactions contrastées avec Les Résultats du féminisme, une fable sarcastique qui ne plut ni aux militantes féministes pures et dures ni aux misogynes. L'histoire fonctionne sur le principe du retournement des stéréotypes : les femmes sont violentes, fument et picolent, tandis que les hommes sont de petites choses dévouées aux tâches ménagères. Avec le recul de plus d'un siècle, je pense qu'on peut apprécier la charge contre la société patriarcale... et une fin "politiquement correcte" (pour l'époque), sans doute imposée par son employeur Léon Gaumont.
J'aime aussi beaucoup Une Héroïne de quatre ans, une oeuvre parfois (comme tant d'autres) attribuée à l'un de ses collaborateurs, ici son assistant Louis Feuillade, dont elle a contribué à lancer la carrière. Dans ce flm, on découvre une gamine intrépide, qui échappe à la surveillance de la gouvernante de la famille. Elle va déjouer une agression commise à côté du jardin public où elle se promène, puis aider un vieillard à traverser un canal et enfin éviter à quelques poivrots de se faire renverser par un train. Je me demande si ce personnage n'a pas inspiré celui que Walt Disney a ensuite mis en scène dans Alice Comedies. Dans ce cas, le nom de l'héroïne pourrait être une référence aussi bien à la cinéaste française qu'au personnage de Lewis Carroll. (A ceux que cela intéresse, je signale que, cet été, France Culture a consacré une passionnante série d'émissions à celui qui fut l'un des fondateurs du dessin animé.)
Cela nous mène tout naturellement aux liens entre Alice Guy et les Etats-Unis, où elle vécut pendant près de quinze ans d'affilée au début du XXe siècle. Elle y fonda une société de production (sur la Côte Est), devint riche et célèbre, puis perdit mari et fortune, en même temps qu'émergeaient les studios d'Hollywood, en Californie. Falling Leaves est un bon exemple d'oeuvre qu'elle a réalisée là-bas. Moins classique, A Fool and his money a la particularité de n'avoir été tourné qu'avec des acteurs noirs :
Sur cet épisode comme sur d'autres, les sources anglo-saxonnes nous sont précieuses : le talent d'Alice Guy est davantage reconnu outre-Altantique (où elle est d'ailleurs enterrée) que dans son pays d'origine. C'est sur un site académique états-unien qu'on lira le plus de détails sur son aventure américaine. Pour une courte biographie, on peut consulter la vidéo d'un universitaire du Nebaska. On ne s'étonnera pas non plus que ce soit une Américaine qui ait récemment tourné un documentaire sur Alice Guy. On espère que le film de Pamela Green, Be Natural : The Untold Story of Alice Guy-Blaché, va bientôt sortir sur les écrans français.
samedi, 24 août 2019
La Mort d'Hitler
C'est le titre d'une enquête historique, signée Jean-Christophe Brisard et Lana Parshina, publiée l'an dernier aux éditions Fayard et sortie en collection de poche il y a quelques semaines :
Ce livre, d'une lecture très agréable, revient sur les conditions de la mort du dictateur allemand ainsi que sur le trajet suivi par ses restes présumés, en Allemagne... et en URSS (puis Russie). C'est d'ailleurs à Moscou, dans trois séries d'archives (d'Etat, de l'armée et du FSB, ex-KGB) qu'ils ont effectué une grande partie de leurs découvertes. L'introduction appâte les lecteurs avec la photographie d'un morceau de crâne...
Dans les premiers chapitres, les auteurs commencent par revenir sur les théories survivalistes farfelues, avant d'aborder ce qui va devenir le fil rouge de l'enquête : les zones d'ombre volontairement entretenues (pour différentes raisons) par les Soviétiques sur la mort d'Adolf Hitler... et la survivance d'une attitude d'obstruction aux demandes des chercheurs occidentaux. Les récentes tensions entre la Russie de Poutine et les gouvernements occidentaux n'arrangent pas les choses.
Puis, les auteurs refont le récit détaillés des derniers jours d'Hitler, dans le bunker de Berlin. Je pense que les personnes qui ont déjà beaucoup lu sur le IIIe Reich n'apprendront pas grand chose. Pour les autres, ce sera une plongée dans la vie quotidienne d'un petit village urbain, peuplé de dignitaires nazis au bord de la crise de nerfs. Ces rappels sont toutefois essentiels à la compréhension des débats qui ont agité les historiens concernant la mort d'Hitler.
L'autre grosse moitié du livre décrit les efforts parfois désespérés des auteurs pour accéder aux documents les plus importants sur cette époque-clé. Ce sont des textes, des photographies (prises à l'époque par les Soviétiques), des plans (parfois annotés par des nazis tombés entre les mains du NKVD)... et même des morceaux d'un meuble, celui sur lequel Hitler s'est suicidé.
Cette enquête historique prend donc la forme d'un triple polar, le premier sur les circonstances exactes de la mort d'Hitler, le second sur le devenir de ses restes, le troisième sur l'épreuve d'obstacles supportée par les journalistes pour accéder aux sources. Une fois de plus, force est de constater qu'en 2016, il reste un fort parfum d'URSS dans la Russie de Poutine.
Au bout du compte, la contribution de Philippe Charlier (le célèbre médecin légiste, qui a notamment enquêté sur Henri IV et Jeanne d'Arc) a été déterminante. Les auteurs finissent par avoir accès... aux dents d'Hitler, ainsi qu'à ce qu'il reste du crâne. Cependant, s'ils ont pu (dans des circonstances particulièrement rocambolesques) analyser correctement les dents, cela n'a pas été le cas du crâne. Aucun prélèvement ADN n'a pu être effectué. L'enquête a aussi permis de confirmer ce qu'il est advenu des corps d'Eva Braun et du dictateur.
Au final, c'est un livre aussi intéressant par ce qu'il révèle de la Guerre froide que de la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi, dans le dernier chapitre, une plongée dans la science médico-légale. Hitler s'est bien tiré une balle dans la tête (mais pas dans la bouche). Il est possible qu'il ait en plus pris du cyanure (associé aux mystérieuses traces bleues trouvées autour de ses dents), mais ce n'est pas certain.
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