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mardi, 30 juillet 2024

Se cultiver avec Radio France

   J'écoute la radio principalement en déplacement, qu'il soit professionnel ou personnel. Je recours aussi au podcast (que l'on a naguère tenté d'appeler balladodiffusion). Cet été, deux des radios publiques proposent, en exclusivité ou en rediffusion, des programmes fort intéressants.

   Commençons par la moins connue, France Culture. En semaine, actuellement, dès 9 heures, on peut écouter Les Grandes Traversées. Le florilège en cours de diffusion est centré sur Al Capone, mais l'on peut aussi écouter avec profit ceux qui l'ont précédé, consacrés à Indira Gandhi puis Mohamed Ali.

   A 12h, pas besoin de changer de radio. On nous propose une demi-heure quotidienne sur Pierre Mendès France, dans le cadre du programme Avoir raison avec... Le parcours de celui qui fut, entre autres, un bref et efficace chef de gouvernement sous la IVe République, est riche d'enseignements.

   En revanche, à 13h30, il faut basculer sur France Inter, pour profiter des rediffusions de Rendez-vous avec X, un programme parfois un peu trop complotiste à mon goût, mais souvent nourri de sources pertinentes.

   A 14h, on retourne sur France Cul', pour Mécaniques du journalisme. Je recommande tout particulièrement l'épisode sur Bellingcat.

   A 15h, on repasse sur Inter, pour Face à l'histoire, de Philippe Collin. Il vient de nous régaler avec « Résistantes », qui met en valeur l'engagement de Lucie Aubrac, Renée Davelly (chanteuse), Geneviève de Gaulle (nièce de Charles), Simonne Mathieu (plus connue comme joueuse de tennis) et Mila Racine. Depuis peu, il nous propose la rediffusion du « Fantôme de Philippe Pétain » un ensemble de dix épisodes qui croise les regards des historiens à la fois sur le Maréchal et le régime de Vichy. (Les séries consacrées à Vladimir Poutine et Jean-Marie Le Pen méritent aussi le détour.)

   A celles et ceux qui n'ont pas la possibilité d'écouter en direct, deux possibilités s'offrent : les redifs du soir, à 20h30 ou 21h... ou bien le podcast, meilleur ami de l'internaute peinant à se plier aux contraintes d'une grille horaire.

dimanche, 16 juin 2024

Les calculs de François Hollande

   L'ancien président de la République vient donc d'annoncer qu'il sera candidat aux prochaines élections législatives, dans la première circonscription de Corrèze, celle dont il fut élu député à quatre reprises, en 1988, 1997, 2002 et 2007. La campagne de 1981 exceptée (qui vit le jeune apparatchik du PS échouer contre Jacques Chirac dans la troisième circonscription, la plus à droite), il n'a connu qu'un échec aux législatives dans ce territoire, en 1993, lors de la pire débandade que la gauche ait connue sous la Ve République.

   Depuis que François Hollande s'y est implanté, la circonscription a été classée "de gauche modérée". Après l'élection de celui-ci à la présidence de la République, en 2012, la candidate socialiste à laquelle il avait confié la circonscription avait été élue au premier tour... mais elle est morte en cours de mandat. Depuis, les divisions de la gauche ont favorisé l'élection d'un macroniste de droite (Christophe Jerretie) puis d'un gaulliste (Francis Dubois), vainqueur en 2022 d'une candidate LFI (la dissidence de gauche modérée ayant été balayée au premier tour).

   Une lecture rapide de ce qui précède pourrait nous faire conclure que la circonscription, jadis fidélisée par François Hollande, s'est désormais éloignée de lui, préférant aux candidats de sa sensibilité des personnalités soit plus marquées à droite, soit plus marquées à gauche. Cela semble conforté par les résultats des récentes élections européennes, qui ont vu le RN arriver en tête en Corrèze, y faisant même un score légèrement supérieur à sa moyenne nationale : 32,58 % des exprimés contre 31,37 %.

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   De surcroît, d'après la carte publiée par La Dépêche du Midi, la liste conduite par Jordan Bardella est arrivée première dans 259 des 279 communes du département, ne laissant que des miettes à ses adversaires : 10 communes pour le PS, 4 pour Renaissance, 3 pour LFI, 2 pour LR et 1 pour l'Alliance rurale.

   Ici, comme à l'échelon national, il convient de nuancer le propos. Certes, dans l'écrasante majorité des communes, la liste RN a remporté la majorité relative, mais seulement trois fois la majorité absolue : à Sainte-Marie-Lapanouze (26 voix, soit 60,47 % des exprimés), à Saint-Julien-le-Pèlerin (36 voix, soit 56,25 %) et à Saint-Cyprien, (92 voix, soit 50,27 %). A Lascaux, cela s'est joué à une voix près... De là à dire que les hommes préhistoriques votent davantage RN, il y a un pas que je me garderai de franchir ! (... Et puis, oui, je suis au courant que la Lascaux de Corrèze n'est pas celle de Dordogne !)

   Souvent, la liste soutenue par le PS fait un meilleur score qu'au niveau national... ou alors c'est le cas de la liste LFI. De plus, en 2022, le département a placé Emmanuel Macron devant Marine Le Pen, aux deux tours. Il y a donc de l'espoir pour une candidature de gauche aux législatives... à condition que celle-ci soit unie. Ce sera le cas, même si, au départ, cela ne devait pas bénéficier à François Hollande !

   Il lui faudra surmonter un autre obstacle, celui représenté par le député (LR) sortant, Francis Dubois. Bien implanté localement, celui-ci était à l'origine un soutien d'Eric Ciotti. Il vient de publiquement se désolidariser de lui.

   Tout dépendra de la participation. Pour se maintenir au second tour, il faudra avoir obtenu au moins 12,5 % des inscrits au premier tour. Si l'abstention est de 50 %, cela signifie (grosso modo, selon l'importance des votes blancs et nuls) qu'il faudra atteindre 25 % des suffrages exprimés (ce qu'une seule des dix candidats a réalisé en 2022). En cas de faible participation, il est possible que seuls les deux candidats arrivés en tête soient qualifiés pour le second tour. Dans la première circonscription, la gauche est assez forte, mais elle était récemment divisée. Son union autour de la candidature Hollande pourrait placer celui-ci en tête, ou pas très loin de la personne arrivée en tête (qu'elle soit RN ou LR).

   S'il était réélu député, l'ancien président pourrait jouer le rôle de "sage" de la gauche de l'Assemblée nationale. Mais, qui sait, peut-être que, secrètement, l'ancien locataire de l’Élysée rêve de se retrouver à Matignon, dans le cas où le Nouveau Front Populaire obtiendrait plus d'élus que le camp macroniste et le RN.

   Début de réponse dans deux semaines.

jeudi, 26 octobre 2023

Second Tour

   Quand j'ai appris quel était le sujet du dernier film d'Albert Dupontel, j'ai d'abord eu une impression de déjà-vu. En effet, il y a un peu plus de quinze ans, l'acteur-réalisateur a campé un homme politique briguant la magistrature suprême dans Président (de Lionel Delplanque).

   Ici, le scénario est plus alambiqué. En démêler les fils est le principal enjeu de la première heure. Deux complots sont à l’œuvre, un pour faire élire Pierre-Henry Mercier (Dupontel, que j'ai connu en meilleure forme), l'autre pour le faire tuer. S'ajoute à cela un secret de famille bien gardé.

   Plus que l'intrigue politique, qui fait un peu cliché, ce sont les pérégrinations du binôme de journalistes qui m'ont intéressé. Cécile de France, en rebelle qui ronge son frein en attendant de tomber sur un scoop, est le véritable moteur de l'histoire, épaulée par Nicolas Marié, caméraman érudit et un peu gaffeur. Tous les deux sont marrants, mais j'ai trouvé leur jeu trop appuyé. (Le sourire surgit aussi lors des interventions d'un duo de gardes du corps, deux impitoyables et charmantes jeunes femmes, formées au Mossad...)

   Les spectateurs les plus attentifs auront deviné avant l'heure fatidique quel est le fameux secret de famille... et la plus grande partie de la salle aura sans peine senti quelle supercherie allait être mise au point. Cela aurait pu être piquant, aérien, mais, malheureusement, Dupontel filme cela avec lourdeur. Cela culmine dans le débat de l'entre-deux-tours, qui oppose le candidat étiqueté libéral à un populiste d'extrême-droite : les interactions sont mal fichues et l'usage d'un dispositif secret n'est pas crédible.

   Pire : je ne retrouve pas le style mordant de Dupontel. La partie critique de l'intrigue manque de relief et, quand le réalisateur verse dans l'émotion, c'est pataud, surligné, avec une musique d'accompagnement limite insupportable.

   Du coup, en dépit de la première partie émaillée d'humour et un poil mystérieuse, je suis sorti de la séance déçu.

samedi, 21 octobre 2023

Bernadette

   Je n'éprouve pas vraiment de sympathie pour l'ancienne Première Dame qui, à mon avis, avait une trop haute opinion d'elle-même (de par son statut social). Mais l'idée de tourner une comédie politique sous l'angle de l'épouse du président Chirac m'a paru bonne, surtout vu la distribution.

   Catherine Deneuve nous livre une nouvelle facette de son talent... et elle contribue à donner de son personnage une image un peu trop belle à mon goût. Ceci dit, j'ai quand même de la compassion pour l'épouse archicocufiée, aux ordres de son mari et (au départ) méprisée par l'entourage politique. Les images d'archive nous rappellent que Bernadette Chirac fut une jeune femme dotée d'un certain charme et, avec son caractère et son engagement, elle aurait très bien pu mener une vraie carrière politique sans se contenter d'évoluer dans l'ombre de son mari.

   Celui-ci est incarné avec un plaisir évident par Michel Vuillermoz qui, lui aussi, a tendance à rendre son personnage un peu trop sympathique. Toutefois, comme l'épouse finit par prendre un peu d'indépendance, la seconde partie du film est l'occasion d'égratigner (gentiment) un homme politique menteur, égocentrique et malhonnête, dont le bagout (et certains choix judicieux en politique étrangère) a fait oublier bien des défauts.

   La Comédie française est décidément bien représentée dans ce film, puisque outre M. Vuillermoz, on trouve Denis Podalydès en conseiller de la Première Dame et Laurent Stocker en Nicolas Sarkozy. Les apparitions de ce dernier sont toujours une source d'amusement.

   Dans la faune des conseillers de Chirac, il faut distinguer François Vincentelli, lui aussi visiblement ravi d'incarner Dominique de Villepin. A noter, dans la masse des seconds rôles, l'excellente performance d'Olivier Breitman en Karl Lagerfeld.

   Du côté féminin le casting est beaucoup plus restreint. (Ce film est d'ailleurs l'occasion de vérifier qu'au tournant des années 1990-2000, l'élite politique française est principalement constituée d'une meute de mâles dominants.) Sara Giraudeau est très bien en Claude Chirac (bien que moins tranchante que la vraie), cette fille au prénom androgyne qui est en fait le fils que Chirac n'a pas eu. J'ai trouvé aussi Maud Wyler convaincante dans le rôle de "l'autre fille", celle qu'on ne montre pas.

   Quand on a connu cette époque, on revit des moments de son passé, sous un angle particulier. Le film fourmille de situations cocasses et de bons mots. Cela ne va pas révolutionner l'histoire du cinéma, mais on passe un bon moment.

mercredi, 05 juillet 2023

La guerre des cagnottes

   La mort du jeune Nahel, à Nanterre, n'a pas fini de faire des vagues. Une conséquence inattendue est la rivalité qui est née entre plusieurs initiatives dont, au départ, il est légitime de penser que les organisateurs n'envisageaient pas qu'elles prennent de telles proportions.

   La première cagnotte a été créée dès le mercredi 28 juin, le lendemain de la mort du jeune homme, la veille de la "marche blanche" qui semble avoir été si bien organisée (avec, rappelez-vous, des T-shirts déjà imprimés). Intitulée « Soutien à la maman de Nahel », elle a vu son montant rapidement augmenter, pour atteindre, au moment où j'écris ces lignes, le total de 444 201,97 euros, pour 22 542 contributeurs, soit une moyenne de 19,7 euros par personne.

   Cependant, dès le lendemain jeudi, des personnalités d'extrême-droite ont lancé ce qu'on pourrait appeler une "contre-cagnotte", au départ en soutien au policier auteur du coup de feu, modifiée ensuite (pour des raisons juridiques) en « Soutien pour la famille du policier de Nanterre ». La création de cette cagnotte a suscité un fort rejet... mais aussi une forte adhésion, puisque son montant a rapidement dépassé celui de la première cagnotte. Il a atteint la somme de 1 636 110 euros, pour 85 101 contributeurs, soir une moyenne de 19,2 euros... quasiment la même que celle de la première cagnotte.

   Ce montant n'est plus destiné à augmenter : l'ajout de nouveaux dons a été bloqué par l'organisateur, peut-être en raison de la plainte qui a été déposée par l'avocat de la famille. (A ce sujet, on se demande ce qui agace le plus les partisans du délinquant décédé : qu'une contre-cagnotte ait été créée, ou qu'elle ait remporté un bien plus grand succès que la leur ?)

   De surcroît, quand on regarde la liste des dons, on constate qu'au-delà d'une minorité de sommes assez importantes (un apport de 3000 euros et quelques dizaines de plusieurs centaines d'euros), l'écrasante majorité des contributions est comprise entre 5 et 20 euros. Il s'agit bien d'un mouvement (relativement) populaire, en tout cas autant que celui qui s'est porté sur la première cagnotte... et c'est en contradiction avec ce que nombre d'internautes affirment sans preuve sur la Toile.

   Ces derniers jours, une troisième cagnotte a fait son apparition, en soutien aux familles des émeutiers arrêtés par la police. (La formulation, prudente, tient compte de ce qui a été reproché à la deuxième cagnotte : elle vise officiellement à aider les familles, pas les personnes mises en cause par la justice.) Au moment où j'écris ces lignes, elle a atteint le montant de 82 519 euros, pour 1995 contributeurs, soit une moyenne de 41,4 euros par personne... eh, oui, plus du double des autres ! Contrairement à ce qu'affirment certains des contributeurs, c'est cette cagnotte-ci qui est la plus bourgeoise. On y relève quantité de dons de plusieurs centaines d'euros, proportionnellement bien plus nombreux que dans la cagnotte de soutien à la famille du policier.

   Une certaine bourgeoisie gauchisante soutient volontiers les (familles des) émeutiers, tandis que les contributeurs modestes se répartissent entre le soutien à la famille du délinquant et le soutien à la famille du policier. Contrairement à ce qu'affirment certains militants d'extrême-gauche, cette affaire n'est pas l'illustration d'une opposition de classe. La bourgeoisie est divisée, entre celle qui soutient le gouvernement, celle qui soutient les émeutiers et celle qui penche pour le RN (et trouve le gouvernement trop mou). Il en est de même pour les catégories populaires. Certaines éprouvent plutôt de l'empathie pour le jeune homme décédé et sa famille, d'autres sont ulcérées par les actes de délinquance et la sauvagerie à l’œuvre dans des émeutes qui n'ont plus rien à voir avec la défense de valeurs démocratiques.

vendredi, 30 juin 2023

Une mère éplorée ?

   C'est ce que je me suis demandé en voyant cette image (tirée du direct de BFM TV) :

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   Cette femme est Mounia Merzouk, la mère du jeune Nahel, récemment tué par un policier, à Nanterre. En cherchant un peu sur Twitter, vous pourrez trouver d'autres photographies de la dame, vraiment très en joie, comme si elle venait de gagner le gros lot. Sur le compte du journaliste Amaury Brelet, je suis même tombé sur une incroyable vidéo, tournée au téléphone portable le jour même, montrant la maman enfourcher une mini-moto... et (visiblement) kiffer sa race !

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   Au départ, j'ai pensé à un canular : on ne voit pas le visage de la personne... mais elle est coiffée et vêtue comme l'était la mère de Nahel le jour de la manif (29 juin) !

   Je pense qu'elle ne doit pas être très intelligente. La mort de son fils la place au centre de toutes les attentions, la valorisant. Ça lui a peut-être fait un peu tourner la tête... et l'a fait tomber dans les filets de personnes qui ont intérêt à faire monter la mayonnaise, comme on peut s'en apercevoir en écoutant son appel à manifester, diffusé sur Tik Tok et relayé par la très grande majorité des médias :

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   La maman (pas très) éplorée parle d'abord d'une « marche blanche » (sous-entendu : pacifique), avant qu'une voix (sans doute celle de la personne qui tient le smartphone) ne la corrige : « C'est la marche de la révolte » (beaucoup moins pacifique, donc). Telle un perroquet, la maman reprend la voix de son maître, ici sa maîtresse, qu'on pense liée au clan Traoré. Cette impression est renforcée par l'inscription sur le T-shirt (lancé moins de deux jours après le décès de Nahel... ou comment l'envie de pognon s'assoit sans vergogne sur la période de deuil), qui rappelle le « Justice pour Adama ».

   Soudain, les médias dominants se sont presque tous mis à nous livrer un portrait élogieux de l'adolescent défunt. (Voir par exemple La Dépêche d'avant-hier. Comme on est dans le Sud-Ouest, on insiste lourdement sur la récente conversion du jeune à la pratique du ballon ovale...)

   Cette série d'articles a fusé comme une rafale, quasiment sur commande. C'est toujours mieux que les ragots qui circulent sur les réseaux sociaux... mais ceux-ci contiennent parfois un fond de vérité, ce que même Libération (c'est la fôte à la sôciété !) a fini par reconnaître, dans un article de fact checking qui, sous couvert de minimiser la carrière de délinquant du jeune Nahel, finit par conclure que les avocats de la famille n'ont pas dit toute la vérité...

   Bref, même si, dans l'état actuel de nos connaissances (et sous réserve de révélations issues de l'enquête en cours), le tir du policier n'était sans doute pas justifié, nous assistons actuellement à une grosse tentative de récupération, menée à la fois par la gauche radicale (LFI en tête) et certains mouvements communautaristes. Mais les Français ne sont pas si bêtes...

mercredi, 05 avril 2023

La tête à l'envers

   Le 16 mars dernier, l'image avait fait le tour des rédactions. A l'Assemblée nationale, un peu plus de vingt minutes après le début de la séance, la Première ministre Elisabeth Borne venait de monter à la tribune, pour engager la responsabilité de son gouvernement. Dans un premier temps, elle fut empêchée de prendre la parole par une Marseillaise venue des rangs des députés de La France Insoumise, qui s'étaient auparavant levés, brandissant chacun(e) une pancarte.

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   Ces députés viennent de recevoir une (légère) sanction. Toutefois, plus que cette médiocre péripétie de la vie parlementaire française, ce sont deux détails de la scène qui ont attiré mon attention. En effet, quand on regarde de près certaines photographies prises à cette occasion, on s'aperçoit que deux députés brandissent leur pancarte... à l'envers !

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   A (l'extrême) gauche se trouve Sébastien Delogu, élu des Bouches-du-Rhône.

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   Depuis le mois dernier, il est visé par deux plaintes pour acte de violence. Il est aussi en conflit avec celle qui est toujours officiellement sa suppléante, Farida Hamadi. Vu le profil du gars, je me suis dit que cette inversion de sens était sans doute involontaire. Néanmoins, un esprit facétieux pourrait faire remarquer qu'à l'envers, 64 donne presque 49...

   Le jour même, un journaliste de gauche (sans doute présent dans les tribunes) avait pointé le geste maladroit sur son compte twitter. La photographie donne l'impression que le député croit tenir la pancarte dans le bon sens.

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   Un peu plus haut dans l'hémicycle se trouve Michel Sala, élu du Gard.

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   Il ne brandit pas la même pancarte que son collègue LFI Delogu, mais son geste est tout aussi "désorienté" que le sien. Le plus cocasse est que personne ne semble l'avoir relevé... en tout cas pas le média local (Objectif Gard) qui mentionne l'action de M. Sala, sans l'illustrer d'une des photographies prises dans l'hémicycle, ce qui évite sans doute d'embarrasser le député...

lundi, 03 avril 2023

Leçons d'Ariège

   Avec le recul, le résultat du second tour se lisait déjà dans celui du premier, comparés à la précédente élection législative dans cette circonscription ariégeoise, en 2022. L'analyse est facilitée par le fait que les cinq candidats principaux étaient identiques aux deux scrutins.

   La grande perdante est la candidate LFI, Bénédicte Taurine. Au premier tour, entre 2022 et 2023, elle a perdu un peu plus du tiers des voix qui s'étaient portées sur elle, passant de 10347 à 6778 suffrages. Entre temps, la participation a baissé de 30 % ou, si vous préférez, l'abstention est passée de 43,58 % à 60,40 %.

   Mais la candidate qui a subi le plus cinglant revers est la macroniste Anne-Sophie Tribout, éliminée dès le premier tour, alors que l'an dernier, elle s'était qualifiée pour le second. Entre temps, son score est passé de 6237 à 2323 voix, soit une chute de près de 63 % !

   L'autre grosse gamelle est celle de François-Xavier Jossinet, de Reconquête, qui a perdu  47 % de ses voix en un an (passant de 1134 à 602). Peut-être une partie d'entre elles s'est-elle portée sur le candidat RN Jean-Marc Garnier, qui n'a perdu que 842 voix entre les deux scrutins (passant de 6229 à 5387, soit une baisse de 13,5 %). Cela ne fut toutefois pas suffisant pour se qualifier pour le second tour (qu'il avait raté de neuf voix en 2022).

   Celle qui a damné le pion aux trois précédents est la socialiste dissidente Martine Froger, qui a réussi le petit exploit de gagner des voix (95), passant de 5647 à 5742 suffrages en un an. Cela lui a permis de se qualifier pour le second tour, pour lequel elle semblait disposer de réserves plus importantes que sa concurrente LFI, qui ne la devançait que de 1036 voix. Mais, là encore, un sursaut de participation pouvait tout changer.

   Ce n'est pas ce qui s'est passé. Hier dimanche, la participation a légèrement baissé (peut-être en raison de l'abstention d'une partie de l'électorat d'extrême-droite... intuition à vérifier), passant de 39,60 % à 37,87 %. En 2023, au second tour, l'abstention fut donc largement supérieure à celle du second tour de 2022 (62,13 % contre 46,98 %).

   Concernant le duel, le principal enseignement est l'effondrement (en moins d'un an) de la candidate LFI, Bénédicte Taurine, passant de 14746 à 7776 voix, soit une baisse de 47 % !  (Le nombre de suffrages exprimés lui n'a diminué que de 27 % entre les deux seconds tours.) Contrairement à ce que j'ai lu ou entendu de la part de représentants de LFI, la principale cause de la défaite de la députée sortante n'est pas une improbable coalition d'électeurs de centre-gauche, du centre, de droite et d'extrême-droite, c'est le rejet net de Mme Taurine par une partie de l'électorat de gauche. (Cela dit, pour être totalement honnête, la lecture des résultats commune par commune m'incite à penser qu'il y a sans doute un petit report RN sur la candidate socialiste dissidente : dans les communes où le candidat RN a réalisé de très bons scores au premier tour, au second, la participation a chuté et le score de Mme Froger a davantage progressé que celui de Mme Taurine.)

    Face à elle, Martine Froger fait un peu moins bien que la candidate macroniste en 2022 : 11758 voix contre 11917. Il semble qu'une partie de l'électorat de droite n'ait pas fait de différence entre les deux concurrentes (de gauche) du second tour et ait préféré s'abstenir... ou voter blanc/nul : 2155 au second tour, contre 955 au premier (mais c'était plus de 3800 au second tour de 2022).

   Le bilan de cette élection législative partielle est donc multiple. C'est d'abord une petite claque pour la majorité gouvernementale, qui voit l'électorat de centre-gauche "rentrer au bercail" socialiste, sans doute en raison de la droitisation du pouvoir macroniste, qui semble désormais beaucoup plus proche de feue l'UMP que du PS. C'est aussi  un nouvel échec du RN (malgré le jeu de vases communicants avec Reconquête). C'est enfin une gifle pour LFI et ses alliés de la Nupes. L'électorat de gauche ne s'est pas laissé dicter son vote.

samedi, 25 mars 2023

De Grandes Espérances

   Doté d'un titre évoquant un roman de Charles Dickens avec lequel l'intrigue a (à mon avis) peu de points communs, ce film est présenté comme un thriller politique servi par une brillante distribution.

   Le début n'est pourtant pas très engageant. On nage en pleine boboïtude : des candidats à l'ENA aux préoccupations sociales (ne visant ni l'Inspection des Finances ni le Conseil d'Etat), des vacances en Corse dans une très chic villa... et un dîner de famille où les deux "jeunes" font montre de leur fibre sociale, à grand renfort d'anticapitalisme bourgeois.

   J'ai de plus un problème avec le personnage d'Antoine (Benjamin Lavernhe, dont le jeu ressemble un peu trop à ce qu'il a déjà produit dans d'autres films, comme Antoinette dans les Cévennes). Il a au moins dix ans de plus que sa compagne Madeleine. Or, ils préparent tous les deux le concours externe de l'ENA. On ne nous dit rien quant à d'éventuelles précédentes (longues) études d'Antoine... de surcroît fort antipathique. Il est hypocrite, suffisant, lâche... et assez égoïste. Né une cuillère en argent dans la bouche, il n'a jamais eu besoin de beaucoup forcer dans la vie... sauf peut-être pour conquérir (et tenter de garder) la belle Madeleine. Dans ce rôle-ci, Rebecca Marder est assez convaincante, davantage dans les deuxième et troisième parties que dans le premier tiers. Au repas, sa déclamation est très scolaire et, dans la voiture, avant et pendant « l'événement », son jeu manque de naturel. (Elle était bien meilleure dans Simone, le voyage du siècle.)

   Heureusement, il finit par se passer quelque chose en Corse... et sur l'écran. On sent la montée de tension, avec des dialogues mieux écrits et des acteurs plus percutants.

   Toutefois, la deuxième partie manque de rythme. L'ascension politique de Madeleine n'est pas inintéressante, mais surtout en raison de la personnalité de Gabrielle (Emmanuelle Bercot, formidable). La comédienne excelle à transmettre un tas de choses avec un minimum de jeu (Rebecca a encore des progrès à faire...). J'ai aussi beaucoup aimé le personnage du père, que l'on voit moins. Il est interprété par une autre pointure, Marc Barbé. Tout ce qui se passe aussi autour de l'usine suscite l'intérêt... et nous sort du huis-clos entre CSP+ progressistes.

   Clairement, c'est la troisième partie qui emporte le morceau... et, du coup, je suis peut-être moins sévère que prévu avec ce film. Là, on est vraiment dans le thriller politique. Les rebondissements sont mieux maîtrisés et l'on sent même un poil de subtilité. Pour moi, cela culmine dans la visite du père à la prison, où, à l'aide d'un simple morceau de tissu, il fait comprendre à sa fille le geste extraordinaire qu'il a accompli pour elle. (Les spectateurs les moins stupides comprendront qu'il a fait un petit séjour en Corse...)

   Du coup, ce n'est pas si mal que cela. Le film bien-pensant du début s'est transformé en quelque chose de moins politiquement correct, mais de plus authentiquement humain.

La Syndicaliste (le livre)

   Rédigé par la journaliste de L'Obs Caroline Michel-Aguirre (qui, à l'époque, a suivi une partie de l'affaire), ce livre-enquête a visiblement inspiré les scénaristes du film. Il n'est donc pas illogique que sa sortie en poche soit illustrée d'une image issue de celui-ci.

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   A celles et ceux qui n'ont encore vu le film, je précise que l'image est extraite de la première partie, d'une scène se déroulant en Hongrie, où se rend l'héroïne, afin que les femmes licenciées par le sous-traitant local d'Areva bénéficient de conditions dignes.

   C'est le principal avantage du livre, dans ce cas-ci comme dans d'autres : il développe davantage certains aspects sur lesquels le film passe plus brièvement. Ainsi, on en sait plus sur le contexte politique du conflit, les arcanes des rivalités au sommet de l’État mais aussi dans le petit monde de l'industrie nucléaire. La sensibilité "de gauche" de Maureen Kearney (« guerrière courageuse ») est plus apparente : elle avait pris sa carte du PS en 2011.

   La journaliste a aussi été sensible à ce qu'on pourrait appeler une « connivence de classe » au cours de son enquête. Élus, hauts fonctionnaires, cadres supérieurs du privé, patrons, médecins et magistrats sont parfois dépeints comme issus du même milieu, limite parlant la même langue. On sent qu'au-delà du propos féministe, Caroline Michel-Aguirre veut aussi dire que Maureen Kearney a été incomprise parce que ne venant pas du même monde que les personnes qui l'ont interrogée, à divers degrés.

   On comprend encore pourquoi l'un des aspects importants de sa vie personnelle a été passé sous silence dans le film : les agressions subies par son fils aîné. Dans le long-métrage, on ne voit explicitement que le second enfant, la fille étudiante.

   Concernant les adversaires de la syndicaliste, on ne découvre rien de particulier sur le PDG d'Areva... et absolument rien de négatif sur sa prédécesseure, alors que le film se montre plus ambigu sur la manière dont celle-ci s'est comportée. C'est surtout intéressant quand il est question d'EDF, de son PDG de l'époque (Henri Proglio)... et de celui qui est présenté comme son bras droit (pas mentionné dans le film). Directeur de la branche Asie-Pacifique, il vivait à mi-temps entre la France et la Chine. (Il a été mis fin à ses fonctions chez EDF en 2016.)

   Le cinéphile que je suis trouve toujours de l'intérêt à comparer une œuvre écrite à son adaptation sur grand écran. J'aime voir comment on a modifié, ajouté ou supprimé des détails et essayer de comprendre pourquoi.

   Ainsi la topographie de la maison où l'agression de Maureen Kearney a été commise est légèrement différente. Peut-être n'a-t-on pas réussi à trouver l'équivalent pour le tournage... ou peut-être, en situant le viol dans une sorte de cave, a-t-on voulu en accentuer l'aspect sordide.

   Autre modification importante : la rencontre avec la première victime d'agression, l'épouse d'un ancien cadre supérieur de Veolia. Dans le film, c'est l'héroïne qui va à sa rencontre. Dans le livre, c'est la journaliste. Je pense qu'évacuer ce personnage-ci rendait l'intrigue plus lisible, et permettait de davantage mettre en valeur Maureen Kearney.

   L'édition de poche est enrichie d'une préface inédite. On y trouve aussi une postface signée Pierre Péan, qu'il avait sans doute rédigée peu de temps avant sa mort.

mardi, 14 mars 2023

Jeux de pouvoir

   C'est le titre d'une "vieille" série télévisée (datant de 2003) de la BBC... que je ne connaissais pas. Je l'ai découverte par l'entremise du site d'Arte, une véritable caverne d'Ali Baba du cinéphile, où j'ai récemment déniché White Wall.

   Le même jour, à Londres, se produisent deux décès qui, en apparence, n'ont rien avoir l'un avec l'autre. Dans un quartier populaire, un "jeune de cité" se fait descendre par un pro, tandis qu'à quelques kilomètre de là, une femme meurt sous une rame de métro. Accident ? Suicide ? Meurtre ? On ne sait. Toujours est-il que cette jeune femme était l'assistante d'un important député de la majorité travailliste, qui préside une commission d'enquête sur l'énergie. Le jour de sa mort, elle a reçu un appel... du jeune de cité assassiné peu de temps après.

   En six épisodes, nous suivons l'enquête menée par une équipe de journalistes pugnaces, sous la tutelle d'un rédac' chef au flegme incommensurablement britannique, incarné par le formidable Bill Nighy (vu il y a peu dans Vivre) :

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      Sous son apparence policée, cet homme tiré à quatre épingles, maniant volontiers la litote (à savourer en version originale sous-titrée, of course !), cache une furieuse envie de faire éclater la vérité. Sur l'image ci-dessus, on le voit en conversation avec l'un de ses meilleurs enquêteurs de terrain, interprété par John Simm, qu'on a pu voir plus tard dans Le Code du tueur. Autour de lui se constitue une équipe de journalistes qui "ont les crocs" :

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   Il y a du beau monde. A gauche se trouve le jeune James McAvoy (vu en 2019 dans Glass). Le futur professeur Charles Xavier est accompagné de la charmante Kelly MacDonald (accent écossais pur malt !), découverte jadis dans Trainspotting (souvenir ému...), vue ensuite dans Gosford Park, No Country for old men, Dans la brume électrique, Line of duty et La Ruse. Au centre se trouve Benedict Wong, qui tient désormais un rôle récurrent dans les films du Marvel Universe. Ferme la marche, à droite, Amelia Bullmore, que les téléspectateurs connaissent pour ses rôles dans Scott & Bailey, Happy Valley et Les Carnets de Max Liebermann. Avec le recul, c'est fou de constater le nombre de comédiens auxquels cette série a servi de tremplin.

   D'autres visages connus apparaissent au détour d'un second rôle, comme celui de Marc Warren, l'actuel commissaire Van der Valk (sur France 3), vu aussi récemment sur TF1 dans Safe.

   La qualité des interprètes s'ajoute à l'habileté du scénario. Parfois, on est dans une ambiance qui rappelle celle des Hommes du président, d'Alan Pakula. J'ai avalé les six épisodes d'une traite.

vendredi, 17 juin 2022

Le concours continue !

   Les résultats du premier tour des élections législatives ne cessent de susciter des commentaires (plus ou moins profonds). Cette année, il me semble que le nombre de candidatures atypiques/farfelues (rayer la mention inutile) est plus important que d'habitude. L'une des « minimares » publiées dans le dernier numéro du Canard enchaîné affirme en avoir relevé 14, exemples à l'appui :

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   Le premier, Nicolas Muller (candidat du Mouvement de la ruralité, ex-CPNT) semble s'être un peu emmêlé les pinceaux dans la gestion de sa campagne (qui n'a visiblement pas rencontré le succès).

   Le deuxième, Olivier Roussel, est resté un inconnu pour la quasi-totalité des habitants de sa circonscription. Il semble que ses bulletins aient été absents des bureaux de vote parce qu'il n'avait pas les moyens d'en financer l'impression. (Pourquoi se présenter à l'élection, alors ? Il aurait fallu y songer avant.)

   La troisième, Annie Chassain, étiquetée « divers gauche », est arrivée dernière dans la quatrième circonscription de Charente-Maritime. Au second tour, le député sortant Raphaël Gérard (LReM) est opposé à un candidat RN. Bien que celui-ci le talonne, la candidate Nupes arrivée troisième s'est refusée à toute consigne de vote, d'après la recension effectuée par Le Monde. (On ne s'étonnera pas d'apprendre que cette candidate Nupes est membre de LFI...)

   La quatrième, Élisa Moré, étiquetée « régionaliste », s'est elle aussi présentée dans une circonscription (vosgienne) qui verra un candidat de la « Majorité présidentielle » affronter un RN au second tour. Mais, là, la candidate Nupes éliminée, Charlotte Moreau, sans appeler à voter Ensemble, a déclaré que le vote RN était exclu.

   Toujours dans Le Canard enchaîné, un peu plus bas, sur la même page, il est question d'un autre de ces « candidats à 0 voix » :

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   Son cas rappelle celui de l'Aveyronnais Thierry Noël, qui avait adopté la même attitude... avec le même résultat (1 seule voix recueillie... mais 0 espérée). Les deux hommes ne sont toutefois pas de la même sensibilité politique, comme on peut l'apprendre dans le dernier numéro de L'Agglorieuse, l'hebdomadaire satirique de Montpellier :

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   La démarche de Jean-Luc Duret est bien expliquée dans un article de L'Est Républicain.

   Je termine ce florilège par un cas déjà présent dans un article auquel menait un lien inséré dans l'un de mes précédents billets. Ce cas est cité dans le même numéro de L'Agglorieuse, avec une perspective "historique" :

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   En faisant des recherches sur ce candidat, je suis tombé un billet de blog qui évoque le binôme qu'il formait avec son suppléant... Bruno le Gaulois ! Soit cette candidature est une farce, soit le gars m'a l'air bien allumé !

   ... ou alors, il y a anguille sous roche, me suggère le petit malin assis au fond de la classe, près du radiateur climatiseur. En effet, dans la quatrième circonscription de l'Hérault, l'un des principaux candidats n'était autre que... Sébastien Rome (Nupes-LFI). En ajoutant à la liste (déjà bien fournie) une candidature farfelue, presque homonyme, aurait-on cherché à détourner de Nupes les suffrages d'électeurs mal renseignés ou un peu trop prompts à saisir le premier bulletin dont l'intitulé ressemble à celui pour lequel ils sont venus voter ? Ce serait tomber un peu vite dans le complotisme. Notons toutefois qu'une situation similaire (plus caricaturale encore) s'est produite dans la neuvième circonscription de Paris, où les électeurs ont eu à choisir entre treize prétendant(e)s... dont deux Sandrine Rousseau. Cela n'a pas empêché la candidate Nupes-LFI d'arriver largement en tête.

mardi, 14 juin 2022

Des candidats à 0 voix

   Hier, j'ai reparlé du cas du candidat aveyronnais qui n'a recueilli qu'une voix, au premier tour des législatives, dans la troisième circonscription de l'Aveyron. Eh bien, certains ont fait encore mieux ! Voici ce sur quoi je suis tombé ce matin en lisant Midi Libre :

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(Je sais : la photo est dégueulasse.)

   Vous noterez que, contrairement à son homologue aveyronnais, ce candidat semble avoir veillé à ce qu'aucun bulletin imprimé à son nom ne figure dans les bureaux de vote. Sa démarche n'en est pas moins étrange... et un peu méprisante pour l'exercice du suffrage universel.

   En cherchant un peu, j'ai trouvé d'autres cas de "candidat sans voix", notamment quatre en Bretagne. Les raisons de leur "bulle électorale" ne sont pas les mêmes...

   ... Mais le phénomène est encore plus développé que ce que je croyais, en Midi-Languedoc : on y compterait dix candidats "sans voix" et sept ayant recueilli moins de dix suffrages (dont l'Aveyronnais Thierry Noël).

lundi, 13 juin 2022

Le candidat à une voix

   Hier, j'ai ironisé à propos d'un candidat écologiste de la troisième circonscription de l'Aveyron. Celui-ci n'a obtenu qu'une seule voix au premier tour des élections législatives. Aujourd'hui, en lisant Centre Presse, j'ai découvert que, non seulement la seule voix qui s'est portée sur lui n'était pas la sienne... mais qu'il avait pour objectif de n'en recueillir aucune !

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   Je confirme que c'est dans bien dans la commune de Nant (située dans le Sud-Est de l'Aveyron, aux confins du Gard et de l'Hérault) que Thierry Noël (qui n'y réside pas) a obtenu sa seule voix :

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   La démarche de ce partisan de la décroissance m'apparaît quelque peu contradictoire. Sa candidature, quand bien même elle n'avait vocation à recueillir aucun suffrage, a eu pour conséquence l'impression de bulletins (et peut-être de professions de foi). Pas terrible comme bilan carbone (sans parler du gaspillage de papier et d'encre) !

   D'autre part, je ne suis pas certain que la seule et unique personne à avoir voté pour lui l'ait fait par adhésion à ses idées tout en méconnaissant son souhait de finir à 0. Il n'est pas impossible qu'un mauvais esprit résidant à Nant ait voulu ainsi l'empêcher de réaliser son pari. (« C'est le genre de connerie qu'un sale type comme toi pourrait faire » m'a déclaré une personne qui me connaît bien.) Je rassure ce monsieur : je vote à Rodez et j'y ai dimanche dernier exprimé un suffrage qui ne va peut-être pas dans le sens de ses aspirations profondes.

dimanche, 12 juin 2022

Aveyron : la Nupes bien placée... mais sans député ?

   C'est l'un des enseignements que l'on peut tirer des résultats du premier tour des élections législatives, dans le département de l'Aveyron. Voyons ce qu'il en est dans le détail.

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   Dans la première circonscription (qui s'étend de Rodez à l'Aubrac), le sortant LReM Stéphane Mazars est sans surprise arrivé en tête... et même très largement, recueillant presque deux fois plus de voix que son principal concurrent (un jeune Nupes que, dans le coin, on s'est mis à surnommer "le roi du paracétamol"...).

   Toutefois, par rapport à 2017, Stéphane Mazars a perdu environ 12% des voix qui s'étaient portées sur lui. C'est peut-être l'effet de l'abstention (et c'est beaucoup moins que nombre de ses collègues de la majorité présidentielle). En comparaison, la chute de la droite est bien plus importante : - 45 % pour Magali Bessaou par rapport à Yves Censi. (Les t-shirts près du corps n'ont pas suffi...)

   Paradoxalement, alors que, dans les jours qui viennent, on risque de nous présenter le score de Léon Thébault (Nupes) comme une performance, en comparant celui-ci avec ceux de l'ensemble des candidats de gauche (opposés à Stéphane Mazars) en 2017, on s'aperçoit qu'il y a plutôt baisse, en nombre de voix : 8922 contre 9597 (répartis entre cinq candidats, ceci dit). La baisse de 7 % ressemble plutôt à une stagnation, surtout si l'on tient compte du contexte de l'abstention (passée, en gros, de 42 % à 46 %). Néanmoins, pour un jeune homme de 21 ans, se qualifier pour le second tour à son premier essai reste une prouesse.

   La vraie progression spectaculaire a été réalisée par l'extrême-droite. En cinq ans, le FN-RN a gagné plus de 2000 voix (+ 67 %). La progression est même de 110 % si l'on inclut les suffrages qui se sont portés cette année sur Reconquête. On sait donc où sont passées une partie des voix de droite qui ont manqué à la candidate LR (pourtant soutenue par les caciques locaux).

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   Dès l'annonce de résultats partiels sur la deuxième circonscription, on a pu lire et entendre sur divers médias des déclarations triomphalistes de l'extrême-gauche. En effet, le candidat Nupes arrive en tête... mais pas aussi largement que certaines estimations le laissaient présager. Le score de l'extrême-gauche est toutefois en nette progression par rapport à 2017 (+ 28 % si l'on compare avec les suffrages obtenus par LFI et les écologistes, à l'époque : 10534 contre 8228). L'ensemble de la gauche (en incluant tout le PS et le PRG) est aussi en progression (de 12795 à 14369, soit + 12 %).

   Cependant, la question se pose du devenir des voix qui se sont portées sur Eric Cantournet au premier tour. Celui-ci a refusé l'union sous domination LFI. Son électorat est sans doute écartelé entre la Nupes et LReM. Celle-ci sera présente au second tour, avec un candidat qui a recueilli 45 % de voix de moins que sa prédécesseure en 2017. (Gros désaveu pour Anne Blanc.) Mais le principal déçu de ce premier tour est sans doute André At (LR), finaliste théorique il y a cinq ans, et qui a vu son score baisser de 27 %. Je doute fort que ces électeurs-là se tournent vers le candidat Nupes.

   Ici encore la plus forte progression est celle du RN : + 51 % par rapport à 2017 (en comptant uniquement les suffrages RN : 3212 et 4865), + 89 % en incluant les suffrages qui se sont portés sur Reconquête. Dans cette circonscription-là, lors de la dernière présidentielle, j'ai constaté une certaine porosité entre une partie des électorats de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. La haine du macronisme sera-t-elle le ciment de la victoire électorale de Nupes ?

   Tant qu'on est sur l'extrême-droite, je signale l'échec cinglant du candidat des Patriotes dans cette circonscription (753 voix... soit 2 %). L'ophtalmologue s'est bien mis le doigt dans l’œil jusqu'au coude...

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   Terminons par la troisième circonscription, orpheline d'Arnaud Viala, qui semble avoir eu raison de s'approprier le fauteuil de président du Conseil départemental : le candidat LR Christophe Saint-Pierre (ancien maire de Millau) termine troisième et est éliminé. Par rapport à 2017, LR a recueilli 53 % de voix en moins (6818, contre 14525) ! On peut penser qu'une partie s'est reportée sur l'extrême-droite : le candidat RN a progressé de 73 % en voix par rapport à 2017... et l'extrême-droite de 111 % si l'on inclut les suffrages qui se sont portés sur Reconquête. La droite aveyronnaise s'est donc fait siphonner une partie de son réservoir électoral par les marinistes et les zemmouriens, ce qui devrait inciter ses dirigeants à quelques remises en question.

   Le second tour opposera les candidats Nupes et LReM. Le premier réalise une progression de 36 % par rapport aux voix obtenues par les candidats de gauche en 2017 (10493 contre 7742). En revanche, le candidat LReM a rassemblé 26 % de voix de moins que son prédécesseur en 2017 (9741 contre 13122)... mais il est peut-être mieux placé pour l'emporter. Je pense que le candidat Nupes dispose de peu de réserves. Je ne crois pas à un sursaut des abstentionnistes d'ici au second tour... mais je peux me tromper. La principale question est le devenir des voix du RN. Dans cette circonscription-là (fortement marquée par l'implantation militaire), je vois mal des électeurs attachés au respect de l'ordre voter pour un candidat membre d'un parti dont certains dirigeants tiennent des propos anti-flics.

   Je ne voudrais pas terminer ce billet de manière trop acrimonieuse. Voilà pourquoi je signale aux amoureux du détail croustillant la dernière place, dans la troisième circonscription. Elle est occupée par un écologiste indépendant (qui s'était déjà présenté en 2015 et 2017), qui a recueilli... une voix (qu'on présume être la sienne) ! Mes amitiés à la famille et aux proches du candidat.

lundi, 25 avril 2022

Contrastes aveyronnais

   Le second tour de l'élection présidentielle française n'a pas donné lieu à beaucoup de surprises... mais l'interprétation des résultats a parfois manqué de rigueur.

   Si l'on se fie aux chiffres publiés sur le site du ministère de l'Intérieur, le civisme est globalement resté de mise en Aveyron, neuvième département du pays en terme de participation : 77,45 % (contre 71,99 % à l'échelle nationale). La palme revient au Gers, avec un taux de participation de 78,95 %, devant les Côtes-d'Armor, la Lozère, l'Ille-et-Vilaine... Au premier tour, sauf erreur de ma part, l'Aveyron était en sixième position, avec 80,03 % de participation.

   Au niveau des suffrages exprimés, la victoire d'Emmanuel Macron est claire et nette, avec environ 60 % des bulletins. C'est toutefois en forte baisse par rapport à 2017 : le futur président avait obtenu près de 73 % des suffrages et surtout 109 000 voix, contre 90 000 dimanche dernier. Entre temps, Marine Le Pen est passée de 27% à 40 % et de 41 000 à 60 000 voix.

Castelmary.jpg

   C'est à Castelmary, petite commune située aux confins de l'Aveyron et du Tarn (Rodez étant coloriée en noir sur toutes les cartes), qu'Emmanuel Macron a obtenu son meilleur score départemental : 75,68 %. Le contraste est saisissant avec Mirandol-Bourgnounac, la commune tarnaise voisine (en bleu sur la carte ci-dessus), où Marine Le Pen a obtenu 50,46 % des suffrages exprimés. Pas très loin de Castelmary se trouvent Bournazel (dans l'ouest du département), avec 74,87 % et Mounes-Prohencoux (plein sud), où le président sortant a obtenu 74,45 % des voix. Au passage, ces résultats sont en contradiction avec certains commentaires (y compris de responsables du RN, jamais avares de désinformation) : de nombreuses communes rurales ont placé Emmanuel Macron largement en tête. A l'inverse, parmi les communes (minoritaires) qui ont voté majoritairement pour Marine Le Pen, on trouve des communes du bassin (urbain) decazevillois : Aubin, Cransac et Viviez.

Arnac.jpg

   Néanmoins, en pourcentage, c'est dans une toute petite commune rurale (située à la frontière de l'Hérault et du Tarn) que la candidate du RN a réalisé son meilleur score : Arnac-sur-Dourdou (qui, du coup, porte bien son nom) : 84,62 % pour Marine Le Pen, soit... 55 des 65 suffrages exprimés. La notion de raz-de-marée est ici toute relative.

Florentin-la-Capelle.jpg

   Je termine par une autre curiosité des résultats aveyronnais : l'égalité parfaite (100 voix chacun) à Florentin-la-Capelle, une commune limitrophe de l'Aubrac (où il a été aussi dénombré 26 bulletins blancs et 4 nuls).

   P.S.

   Dans l'Aveyron, entre le premier et le second tour, Marine Le Pen est passée de 34 357 à 59 789 voix, soit une progression de 74 %. Dans la grande majorité des communes du département, cette progression fut moindre (le plus souvent comprise entre 40 et 70 %). Ainsi, à Rodez, entre les deux tours, le score de Marine Le Pen n'a augmenté "que" de 64 % (de 1626 et 2760 voix).

   Dans le bassin decazevillois, on peut faire d'autres constatations. A Aubin, la candidate d'extrême-droite a progressé de 80 % entre les deux tours. A Cransac, de 88 %. A Decazeville, de 78 % (mais, dans ce dernier cas, cela n'a pas suffi à faire passer Marine Le Pen devant Emmanuel Macron). J'ai oublié de préciser que, dans ces trois communes, au premier tour, c'est Jean-Luc Mélenchon qui était arrivé en tête (parfois largement).

   Se pose donc la question de l'attitude des électeurs mélenchonistes du premier tour. Certains ne se sont pas déplacés (d'où l'augmentation de l'abstention, indéniable mais pas spectaculaire). D'autres ont voté blanc/nul (d'où la forte augmentation du nombre de bulletins de ce type). Mais d'autres, aussi voire plus nombreux, ont visiblement fait le choix du pire... alors que le candidat de LFI avait exclu cette possibilité. Il est fort possible qu'une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon se contrefiche de ses consignes de vote (ce qui est tout à fait leur droit). (C'est d'ailleurs sans doute aussi le cas de celles et ceux qui viennent des partis de la gauche de gouvernement, qui ont "voté utile" au premier tour -c'est-à-dire Mélenchon plutôt que Jadot, Roussel ou Hidalgo- mais qui vont peut-être réintégrer le bercail à l'occasion des législatives.) Je n'ose imaginer qu'il y ait une autre explication, à savoir que des cadres LFI auraient officiellement rejeté le vote Le Pen au second tour, tout en l'encourageant secrètement, localement...

lundi, 21 février 2022

Le Canard à l'orange... ou au gros rouge ?

   Cette semaine, L'Obs a voulu frapper un grand coup en annonçant, dès mardi après-midi, le dossier principal du numéro devant paraître le jeudi : "L'espion qui venait du Canard enchaîné".

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   Au passage, on notera l'habileté du timing : même si la direction du Canard a été consultée, l'annonce de la parution le mardi après-midi (au moment ou l'hebdomadaire satirique est bouclé) le prend de court. Il va falloir attendre mercredi 23 février pour lire sa réponse.

   Cet opportunisme éditorial (dont l'objectif est de réaliser un coup médiatique pour doper les ventes) a beau manquer d'élégance, il est compréhensible... et il n'est pas sans rappeler la méthode du Canard, pour lancer certaines "affaires" : dès le mardi soir (ou le mercredi matin), des médias annoncent une partie du contenu du nouveau numéro de l'hebdomadaire, qui a toujours pris soin de contacter auparavant les personnes incriminées, tout en veillant à ne pas trop dévoiler son jeu.

   Voilà pourquoi je recommande la lecture du dossier de L'Obs, une série d'articles que j'ai confrontée aux ouvrages que je possède sur l'histoire du "Volatile" : une monographie d'historien (plutôt en empathie avec son sujet)

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   ... et un livre plus polémique, se livrant à une critique "de gauche" :

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   Les deux ouvrages commencent à être anciens (le premier date de 2001, le second de 2008), mais ce n'est nullement gênant au vu du sujet, qui tourne autour de la personnalité de Jean Clémentin, qui a travaillé pour Le Canard de la fin des années 1950 à la fin des années 1980.

   Selon L'Obs, entre 1957 et 1969, ce journaliste aurait été stipendié par les services secrets tchécoslovaques (communistes), à l'époque soumis à la "bienveillante" tutelle du KGB. Après lecture des articles, il semble que les accusations soient fondées. Plusieurs questions restent toutefois en suspens, concernant les motivations du journaliste et les causes du début et de la fin de sa collaboration. L'argent et l'idéologie sont entrés en ligne de compte.

   L'année 1957 est visiblement une charnière. C'est à ce moment-là (d'après le livre de Karl Laske et Laurent Valdiguié) que Clémentin commence sa chronique "Allô, ici Bidasse", qui évoque la Guerre d'Algérie dans un sens que n'apprécie pas le commandement militaire français. C'est aussi l'année où il commence à recevoir de l'argent de la StB. Mes lectures ne me permettent pas pour l'heure de trancher à propos de l'antériorité : Jean Clémentin était-il déjà en contact avec les services secrets tchécoslovaques quand il est entré au Canard, ou bien n'a-t-il été "pris en main" qu'après son arrivée dans l'équipe de l'hebdomadaire ? Le flou est d'autant plus grand qu'à l'époque, un pigiste pouvait contribuer à certaines rubriques sans être mentionné, même sous un pseudonyme.

   Des incertitudes subsistent aussi parce qu'on connaît mal la jeunesse de Clémentin, né en 1924 en Normandie. Le dossier de L'Obs (s'appuyant sur les documents de la StB) le présente comme le fils d'un ancien militaire catholique, anticommuniste, tandis que Laske et Valdiguié évoquent un fils d'agriculteur normand, passé par une école de commerce. On trouve à peu près les mêmes informations chez Laurent Martin, qui précise que l'écolier est passé par les Jésuites et qu'il a appris l'allemand. Son séjour en Indochine (au cours de la guerre de 1946-1954) semble l'avoir dégoûté de l'armée et de la colonisation. Cela explique son engagement à propos de l'Algérie et peut-être son entrée au Canard à cette époque. Depuis son retour en métropole, le jeune homme est surveillé par la police, qui le considère comme un sympathisant communiste. Il semble toutefois que, plus que ses convictions politiques, ce soient ses besoins d'argent qui aient incité Clémentin à accepter de travailler pour les Tchèques.

   Qu'a-t-il fait pour eux ? Transmettre des informations. Rien de secret, mais, à l'époque de la Guerre froide, chaque camp utilisait toutes les ressources disponibles pour se renseigner sur les adversaires. D'après le dossier de L'Obs, Clémentin a su se faire mousser auprès de la StB, alors qu'il ne lui a pas apporté grand chose. Plus gênante est l'affirmation qu'il a contribué à véhiculer de fausses informations, à trois occasions : après la démission du chancelier allemand Adenauer, à propos de l’Éthiopie et lors de l'affaire Ben Barka. (Je laisse à chacun le loisir de lire le détail dans L'Obs.) Étrange coïncidence : l'opposant marocain était lui aussi lié à la StB. C'est plutôt sur ces points-là qu'on aimerait des éclaircissements, y compris venant de l'actuelle rédaction du Canard.

   Quoi qu'il en soit, Jean Clémentin a cessé sa collaboration en 1969. L'Obs semble penser que c'est lié à la défection d'un espion de la StB. On peut aussi estimer que la répression du "Printemps de Prague", en 1968, a joué un rôle. Je note que c'est aussi l'époque à laquelle Clémentin a accédé au statut de rédacteur en chef du Canard, un poste mieux rémunéré, qui l'a sans doute mis à l'abri du besoin. Il en a d'ailleurs profité pour réorienter partiellement l'activité de l'hebdomadaire satirique, développant l'aspect enquête qui a fait son succès.

   Sur le plan politique, les deux ouvrages cités sont d'accord pour dire qu'au sein de la rédaction, Clémentin faisait partie de ceux qui voulaient maintenir un certain équilibre. En clair, il fallait taper des deux côtés (à gauche et à droite). Les sources et fréquentations de Clémentin étaient d'ailleurs éclectiques, puisqu'elles incluaient des personnes classées très à droite comme Jean Montaldo et Claude Paillat. Mais l'époque à laquelle Clémentin dirigea la rédaction fut aussi celle qui vit arriver de nouvelles plumes de sensibilité communiste, en particulier Claude Angeli qui, par la suite, a dirigé la rédaction pendant une trentaine d'années.

   Enfin, le dossier de L'Obs a le mérite de remettre au premier plan l'affaire dite des micros du Canard. Si, en 1973, le ministère de l'Intérieur (français) a décidé d'espionner l'hebdomadaire satirique, c'est peut-être au moins en partie parce qu'il savait que son rédacteur en chef avait naguère été payé par les services secrets tchécoslovaques.

samedi, 01 janvier 2022

La légion d'honneur pour Ben Laden

   La promotion de janvier 2022 de l'ordre de la Légion d'honneur fait chauffer les claviers, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Certaines minorités actives ont ravivé le « Buzyn bashing » contre l'ancienne ministre de la Santé... avec des motivations pas toujours avouées ni avouables. Ces extrémistes masqués reprochent à la ministre sa gestion de la pandémie... dont les dégâts se faisaient à peine sentir au moment où elle a quitté son poste, en février 2020. On semble avoir aussi oublié qu'à l'époque, nombre de spécialistes (ou prétendus tels), le fameux Raoult inclus, minimisaient la gravité de la crise sanitaire.

   Mais revenons à la promotion 2021. Elle comporte beaucoup de noms d'élus, de hauts fonctionnaires et de professionnels de la santé. Mais ce n'est pas ce qui a attiré mon regard. Voici ce qu'on peut lire page 9 de la version pdf du décret :

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   Bien entendu, ce Ben Laden n'est pas Oussama, dont le cadavre gît sans doute quelque part au fond de l'océan Indien, dévoré par les bactéries (un juste retour des choses). Le Ben Laden dont il est question est l'un de ses neveux, Mohamed, avocat de profession. Sa biographie nous apprend qu'il a suivi toutes ses études en France. C'est la troisième présidence française sous laquelle il reçoit une breloque. En 2010, sous Nicolas Sarkozy, il avait (curieusement) reçu les Palmes académiques. En 2013, sous François Hollande, il fut fait chevalier de la Légion d'honneur... quelques années avant que ce même président ne décore l'un des princes saoudiens.

   Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour soutenir nos exportations !

dimanche, 03 octobre 2021

Rendez l'argent !

   Ce matin, je me suis réveillé avec une radio publique, qui a "bousculé " sa programmation pour traiter l'événement du jour : le décès de Bernard Tapie. Déjà, que l'on accorde une grande place à ce petit personnage ne me plaisait pas. Mais, quand j'ai commencé à entendre ce qui se disait de lui, puis à lire ce qui était écrit à son propos, mon sang n'a fait qu'un tour. Comment peut-on rendre hommage à un individu aussi malhonnête ? Par bêtise ? Par calcul politique ? Par méconnaissance ?

   Il est peut-être nécessaire de rafraîchir la mémoire de nos concitoyens oublieux. Il y a dix ans, j'avais consacré un billet à un excellent ouvrage, signé Laurent Mauduit (aujourd'hui à Mediapart) :

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   À celles et ceux qui n'auraient pas la possibilité ou l'envie de se taper un livre entier sur l'un des plus gros magouilleurs de la République, je conseille la vision d'un documentaire datant de 2015, à l'écriture duquel a participé Laurent Mauduit. Il actualise les informations présentes dans le livre (qui date de 2008), sans aller jusqu'à l'époque actuelle. Voilà de quoi faire de tout un chacun un(e) citoyen(ne) correctement informé(e).

   Franchement, je trouve le déluge de louanges à gerber !

   P.S.

   J'ai regardé le documentaire ce dimanche, en début d'après-midi. Il n'avait pas (encore) été vu par beaucoup de monde :

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   Comparez avec le moment où vous y accédez !

vendredi, 02 juillet 2021

Présidents

   Fête du cinéma, acte II.

   Anne Fontaine, dont j'ai beaucoup aimé l'un des précédents films (Les Innocentes) s'est lancée dans une opération casse-gueule : filmer une comédie politique qui ne sombre pas dans la caricature... une gageure quand on sait que ses deux personnages principaux sont des décalques de Nicolas Sarkozy et François Hollande.

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   Le premier (à droite ci-dessus) est incarné par un Jean Dujardin en pleine forme. Certes, il en fait parfois un peu trop au niveau des tics, mais je trouve que, des caricaturistes et comédiens (par exemple Denis Podalydès dans La Conquête) qui ont "singé" l'ancien maire de Neuilly, il est le plus convaincant, tout en nous livrant une véritable interprétation.

   La (bonne) surprise vient de Grégory Gadebois (vu dans un rôle très différent dans J'accuse) dont le jeu, à l'image de "François", se révèle plus complexe que ce qu'il apparaît de prime abord.

   La confrontation puis la connivence entre les deux hommes sont réjouissantes à voir. Les dialogues fourmillent de bons mots et les deux acteurs ont visiblement pris du plaisir à les dire. Les situations cocasses sont nombreuses.

   Sur le fond, le scénario ménage quelques surprises. Les deux personnages principaux évoluent au cours de l'histoire... tout comme le regard qu'ils portent sur leur compagne. À un moment, je me suis demandé jusqu'où la réalisatrice allait pousser la transgression...

   C'est l'occasion de parler des deux actrices : Pascale Arbillot et Doria Tillier.

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   La première incarne Isabelle, la terrienne, vétérinaire, plutôt taiseuse, la tête sur les épaules... et compagne de François, bien entendu. La seconde interprète Natalie, une... chanteuse lyrique (ce qui ne manque pas de sel, quand on pense à la personne qu'elle représente...), une grande bourgeoise, citadine, volubile... mais attention, hein, de gauche !

   Je trouve ces deux personnages très réussis et leur insertion dans l'intrigue masculine des plus plaisantes... sans parler de la conclusion de l'histoire, en forme de pied-de-nez ! Je vous laisse le plaisir de la découvrir.

   Je me suis ré-ga-lé.

samedi, 19 juin 2021

La gare de Rocamadour

   Son existence (ou sa non-existence) a fait l'objet d'une altercation lundi dernier, au cours du débat qui a réuni huit des neuf têtes de liste se présentant aux élections régionales en Midi-Languedoc. Plus précisément, le sujet a opposé Vincent Terrail-Novès, qui mène une liste d'obédience macroniste, à Aurélien Pradier, tête de liste LR.

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   Acte I - A la quarante-huitième minute de la première partie du débat, V. Terrail-Novès fait pertinemment remarquer qu'il n'est pas très efficace de mettre de l'argent dans les TER (notamment pour développer le tourisme) si la gare à laquelle descendent les visiteurs est éloignée du site qu'ils viennent visiter (ou mal reliée à celui-ci). Il prend pour exemple celle de Rocamadour-Padirac.

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   Acte II - Au début de la seconde partie du débat (à partir de la quatrième minute), Aurélien Pradier s'en prend vivement à V. Terrail-Novès, affirmant qu'il n'y a pas de gare à Rocamadour... sous-entendant par là que son adversaire ne connaît pas le territoire qu'il aspire à gérer. (Au passage, je trouve que le député du Lot a raison de rappeler que les déplacements intrarégionaux se font très majoritairement par la route.)

   Vincent Terrail-Novès lui a vertement répondu, ce qui a enclenché une mini-polémique, sous la forme d'un véritable échange (calme mais peu amical) entre les deux hommes. Cela changeait de la succession de contributions des différents candidats, les uns après les autres.

   Alors, qui a raison ? Les deux, mon général !

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   Sur la carte ci-dessus, on remarque la présence d'une gare (encadrée en bleu). Celle-ci se trouve bien sur le territoire de la commune de Rocamadour. Celle-ci est assez vaste, s'étendant sur une cinquantaine de kilomètres carrés (un peu plus qu'Onet-le-Château, mais moins que Salles-la-Source... et deux fois moins que Paris, en gros).

   Pour atteindre le village de Rocamadour, on peut emprunter un petit sentier de randonnée (en pointillés bleus), qui longe des pâturages. Ce sentier aboutit à l'Hospitalet, un des lieux-dits de la commune de Rocamadour, situé en aplomb du village. On y trouve de grands parkings. Il n'y a donc pas de gare dans le village de Rocamadour, mais il y en a bien une sur le territoire de la commune, assez loin de celui-ci. C'est exactement ce qu'affirmait Vincent Terrail-Novès.

   Toutefois, ce n'est pas une véritable gare. Voyons ce qu'en dit la SNCF :

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   Cette "gare" a le statut de halte ferroviaire. C'est une simple desserte, sans personnel (chef de gare) ni possibilité d'acheter un billet. (À une époque pas si ancienne que cela, on pouvait encore acheter un titre de transport sur une borne automatique.)

   Bilan des hostilités ? Aurélien Pradier a raison d'affirmer qu'il n'y a pas de gare de plein exercice (ce qu'il s'est gardé de préciser) à Rocamadour (commune comme village). Vincent Terrail-Novès a raison d'affirmer qu'il existe bel et bien une "gare" sur le territoire de la commune et que cette "gare" est éloignée, mal reliée au bourg touristique.

   Mais, bon, pour qui n'est pas du coin, cette querelle peut paraître picrocholine. Autre chose se cache derrière : Vincent Terrail-Novès et Aurélien Pradier sont issus du même parti, LR (ex-UMP). C'est sous cette étiquette qu'en 2014, le premier a été élu maire de Balma, dans la banlieue toulousaine (avant de se faire réélire comme candidat du camp d'E. Macron en 2020). Aux régionales de 2010, il figurait en deuxième position sur la liste de droite menée par Brigitte Barèges en Haute-Garonne... tandis qu'Aurélien Pradié était le numéro 2 de la liste de même obédience dans le Lot. Rebelote en 2015 : Vincent Terrail-Novès menait la liste soutenant Dominique Reynié en Haute-Garonne, Aurélien Pradié dans le Lot. Les deux jeunes loups du centre-droit sont aujourd'hui des rivaux. La position d'Aurélien Pradié est d'autant plus délicate que, sur sa droite, le RN est mené par un autre ancien UMP (LR) : Jean-Paul Garaud. Dans cette élection régionale, il n'est pas facile d'exister à droite, face à une sortante (Carole Delga) qui semble maîtriser ses dossiers.

dimanche, 09 mai 2021

Le retour de l'article 59

   Il y a environ trois semaines, je m'étais intéressé à l'un des aspects du projet de loi "Lutte contre de dérèglement climatique". Entre le texte issu de la commission des députés et la discussion des amendements en séance plénière, la sagesse semblait l'avoir emporté.

   Après de longs débats (tout à l'honneur de notre démocratie), le texte retouché a été soumis au vote solennel, le 4 mai. La vidéo de la séance est disponible sur le site de l'Assemblée nationale. Celles et ceux que cela tente pourront consacrer un peu de leur temps libre à écouter les dernières péroraisons de certains députés (un par groupe politique). On notera que, lors de cette séance, l'hémicycle était bien garni, contrairement aux journées consacrées au coeur du débat, sur les articles du texte.

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   Cette impression est renforcée par le résultat du scrutin public :

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   Il ne manquait qu'une vingtaine de députés. Pour qui suit un peu les débats parlementaires, c'est assez exceptionnel. La présentation détaillée des votes est accessible ici.

   La première chose qui saute aux yeux est le nombre important d'abstentions : 145. Sur un texte aussi clivant, c'est étonnant. Soit on est pour, soit on est contre et on l'assume. Je soupçonne certains abstentionnistes d'être favorables au texte mais (comme ce ne sont pas des macronistes) d'avoir, par idéologie, calcul ou posture politique, refusé de voter en faveur d'un texte gouvernemental. Sans surprise, c'est le cas de l'écrasante majorité des députés LR (dont l'Aveyronnais Arnaud Viala) et UDI. Chez certains députés non-votants, je pense qu'il y a aussi le souhait d'éviter de mécontenter une frange de leur électorat, quel que soit le vote choisi. C'est le cas des élus non-inscrits d'extrême-droite, dont Marine le Pen, qui, pour une fois, se trouvait dans l'hémicycle.

   Sans surprise non plus, le projet de loi a été voté par les députés LREM (dont les Aveyronnais Anne Blanc et Stéphane Mazars), MoDem et Agir Ensemble (la droite "macron-compatible"). En face, la gauche a massivement voté contre, des socialistes à LFI en passant par la Gauche démocrate et républicaine. Le plus cocasse dans cette histoire est que, dans dix-vingt ans, on estimera cette loi d'inspiration écologiste, alors qu'elle aura été combattue par les partis qui se revendiquent de cette idéologie. Mais, à un an de l'élection présidentielle, il ne fallait surtout pas permettre au président sortant de se draper dans la défense de l'environnement.

   Ce ne sont toutefois pas ces chicaneries politiciennes qui m'ont de prime abord intéressé. Comme l'indique le titre de ce billet, je me suis rapidement dirigé vers le fameux article 59, qui concerne les menus des cantines. (Le texte intégral du projet de loi retouché est accessible ici.) Le début n'a pas changé par rapport à la version issue de la discussion des amendements : l'obligation de proposer un menu végétarien n'est qu'hebdomadaire, à charge pour les collectivités locales d'expérimenter (ou pas) une version quotidienne.

   En poursuivant la lecture, on arrive au sixième paragraphe, qui introduit une nouveauté :

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   Il est prévu qu'en 2023 le menu végétarien devienne obligatoire tous les jours dans les cantines qui en proposent plus d'un aux élèves (c'est-à-dire le plus souvent deux). Cette proposition, évacuée il y a trois semaines par la porte, est donc mystérieusement revenue par la fenêtre, en laissant toutefois de côté le cas des cantines ne proposant qu'un menu. (Sauf erreur de ma part, c'est à la députée LREM Célia de Lavergne que l'on doit ce rajout.)

   Cela confirme qu'il va falloir que les sénateurs soient vigilants dans l'examen du texte, qui aura lieu durant la seconde quinzaine du mois de juin.

vendredi, 07 mai 2021

Du rififi au Conseil départemental de l'Aveyron

   Les élections départementales approchent... pas dans la sérénité, en particulier au sein de la "Majorité départementale" (de droite). Je pense que les électeurs les plus âgés doivent avoir, comme moi, l'impression de retomber quinze-vingt ans en arrière. Commençons donc par remonter le temps.

   Le mode de scrutin (majoritaire uninominal puis binominal) et le découpage des circonscriptions (qui avantage les territoires ruraux, surreprésentés dans l'assemblée départementale) expliquent une certaine stabilité / permanence (rayer la mention inutile) au sein de l'institution : elle est dirigée par une majorité de droite, incluant des centristes, des non-encartés... et parfois quelques transfuges de gauche. De 1976 à 2008, ce que l'on appelait alors le Conseil général a été présidé par Jean Puech, auquel a succédé Jean-Claude Luche, de 2008 à 2017.

   À l'époque, la succession de Jean Puech avait été disputée, comme cela a été plutôt bien raconté dans un article de La Dépêche du Midi. Pour décrocher la timbale, Jean-Claude Luche avait dû écarter plusieurs rivaux dans son propre camp, à commencer par un certain Arnaud Viala. Mon petit doigt me dit que l'élu du Lévézou en a éprouvé un grand dépit, encore perceptible quelques années plus tard quand il a manifesté un évident désintérêt pour le discours que prononçait à l'époque son ancien rival à la présidence.

   Rebelote en 2017 (au moment du départ de J-C Luche) alors qu'on pensait l'époque plus apaisée. Là encore, la menace pour la droite ne venait pas tant d'un(e) candidat(e) de gauche (même si le "camp d'en face" s'était renforcé) que d'une division interne. La désignation, à l'issue d'une "primaire à droite locale", de Jean-François Galliard fut extrêmement serrée... et une petite surprise, le nouveau candidat de droite à la présidence du Conseil départemental n'étant pas celui bénéficiant du meilleur réseau. Ainsi va la démocratie...

   Nous voici rendus en 2021. Les prochaines élections départementales pourraient rebattre les cartes, sans toutefois bouleverser les grands équilibres : il n'y aura sans doute aucun(e) élu(e) d'extrême-droite ni d'extrême-gauche au Conseil départemental et la droite devrait y être (plus ou moins) majoritaire, l'opposition se répartissant entre la gauche et quelques macronistes. Cette configuration a semble-t-il aiguisé les appétits, en particulier ceux d'Arnaud Viala, l'élu local devenu député en 2015 (et réélu en 2017). Des bruits de couloirs circulaient dans le département, jusqu'à la présentation, en avril dernier, de la liste des candidats soutenus par A. Viala... de futurs élus qui, en retour, ne manqueront pas de soutenir son accession à la présidence. Il est intéressant de croiser cette liste avec celle des actuels conseillers départementaux rouergats et avec celle de l'ensemble des candidatures déclarées, accessible sur le site de la préfecture de l'Aveyron.

   Arnaud Viala présente des candidats dans 19 des 23 cantons. Intéressons-nous d'abord aux quatre d'où sa "mouvance" sera absente. Deux de ces cantons sont tenus par la gauche : Lot et Montbazinois d'un côté, Enne et Alzou de l'autre. Dans ces deux cas les sortants (Bertrand Cavalerie, Cathy Mouly, Hélian Cabrolier et Gaziella Pierini) se représentent, avec de bonnes chances d'être reconduits. (C'est même certain pour le premier binôme, qui n'aura pas de concurrent.) Les deux autres cantons sont tenus par des caciques de la droite non ralliés à la candidature Viala : Vincent Alazard et Annie Cazard pour Aubrac et Carladez, Michèle Buessinger et Christian Tieulié pour Lot et Dourdou. Tous se représentent. Je vois mal le premier binôme perdre cette élection : il est opposé à une doublette dont l'une des membres fut suppléante d'un candidat LFI aux législatives de 2017. Le second binôme doit affronter une doublette de gauche et une d'extrême-droite. Un deuxième tour pourrait être nécessaire pour les départager.

   Je signale un cas particulier : le canton Tarn et Causses. Les actuels titulaires appartiennent à la "Majorité départementale". L'un d'entre eux ne rempile pas : Camille Galibert, qui semble s'être retiré de la vie politique à la suite du désaveu subi aux dernières élections municipales (à Sévérac-d'Aveyron). En revanche, sa partenaire Danièle Vergonnier remet le couvert, affirmant son soutien au président sortant. Arnaud Viala a lancé contre elle un binôme de nouveaux en politique, où figure un poids lourd de l'agroalimentaire local.

   Passons à présent aux "candidats Viala". Le potentiel (si tous sont vainqueurs) est de 38 élus (sur les 46 du Conseil départemental). Je ne suis pas voyant, mais je me crois autorisé à affirmer qu'il n'y aura pas de "grand chelem". Mais la probabilité est forte qu'au moins la moitié de ces binômes soient élus. La première raison est qu'une partie des "candidats Viala" sont des sortants, membres de la majorité menée par Jean-François Galliard... mais qui avaient peut-être voté pour son concurrent J-C Anglars en 2017. Ces sortants ont souvent de fortes chances d'être reconduits : ils sont au nombre de 18... Donc 9 binômes ? En fait 11. Ah bon, pourquoi ? Parce que 11 des 19 binômes estampillés Viala comptent au moins un(e) sortant(e). 7 d'entre eux sont composés des mêmes élus, 4 comprennent un(e) sortant(e) et un nouveau.

   C'est le cas dans le canton Causses-Rougiers, où le sortant Christophe Laborie est désormais accompagné par Monique Aliès, qui remplace Annie Bel... qui figure néanmoins sur le ticket, en tant que suppléante. Dans le canton Lot et Palanges, c'est la "retraite" de Jean-Claude Luche qui explique la présence de Christian Naudan aux côtés de la sortante Christine Presne. Leur victoire est assurée, faute de concurrents. La (petite) surprise est venue du canton de Millau-2, où les sortants sont Jean-François Galliard et Sylvie Ayot. Arnaud Viala soutient bien un binôme dans cette circonscription, un binôme "mixte" (sortant-nouveau)... mais contre Jean-François Galliard, qui se représente accompagné de Karine Orcel, alors que son ancienne partenaire forme un binôme concurrent avec Christophe Loubat. Tout à coup, la campagne a pris un ton plus aigre. Je laisse chacun juge des positions des sortants, celles de Sylvie Ayot et celles de Jean-François Galliard. Au-delà de la polémique, on peut se poser la question de l'élégance de la manoeuvre. J-F Galliard n'a pas, à ma connaissance, tenté de monter une candidature contre celle d'Arnaud Viala dans le canton Raspes et Levezou (où d'ailleurs un seul binôme est en lice...). La réciproque n'est pas vraie. Je le rappelle : ces hommes sont (en théorie) dans le même camp politique !

   Quoi qu'il en soit, l'analyse de la situation donne l'impression qu'Arnaud Viala a littéralement déplumé le président (du Conseil départemental) sortant. Si la victoire de la droite ne fait guère de doute, l'incertitude demeure quant à l'étendue et la nature de la majorité. Je pense que cela pourrait se jouer dans les cantons où les "candidats Viala" ne sont pas (tous) des sortants : Ceor-Ségala (où le maire de Baraqueville est un "candidat Viala"), Millau-1 (face à une gauche divisée...), Monts du Réquistanais, Rodez-1, Rodez-2 (où le binôme soutenu par A. Viala est composé du sortant Serge Julien et d'Émilie Saules... fille de l'ancien conseiller du canton !), Tarn et Causse (voir ci-dessus), Vallon (où le scrutin semble très ouvert) et Villefranche-de-Rouergue.

   Il est désormais évident que la candidature d'Arnaud Viala et le "déplumage" de la majorité départementale à son profit ont été préparés de longue date. (Au moins, maintenant, on sait ce que le faisait le député quand il ne siégeait ni en commission ni en séance plénière au Palais Bourbon.) À la manoeuvre, derrière, il y a sans doute Jean-Claude Luche.

   C'est mal parti pour Jean-François Galliard. Je pense qu'au minimum 8-9 binômes soutenant officiellement (même si quelques-uns ont peut-être été un peu "poussés"...) A. Viala seront élus, ce qui donne une base de 16-18 votes en sa faveur lors du scrutin qui désignera le président du Conseil départemental. (Et cela pourrait être 4 de plus...) Cela permet de comprendre pourquoi, dans certains cas, les caciques de droite qui ne se sont pas ralliés n'ont pas "hérité" d'un binôme concurrent : Arnaud Viala compte sur leur soutien, après coup, quand il n'y aurait qu'une seule véritable alternative : la présidence Viala 100% de droite, ou une (improbable ?) alliance droite-gauche-macronistes autour de Jean-François Galliard.

samedi, 17 avril 2021

L'article 59

   Celles et ceux qui suivent l'actualité parlementaire savent qu'il va être question de la discussion autour du projet de loi "climat et résilience", actuellement, à l'Assemblée nationale. Trois séances se sont déroulées vendredi 16 avril. L'essentiel de la deuxième (trois heures !) a été consacré à ce fameux article 59, dont la rédaction a été modifiée en cours de séance :

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   Ci-dessus figure la version à laquelle avait abouti la commission parlementaire, dont on peut voir et entendre plusieurs membres s'exprimer dans la vidéo de la séance, déjà mise en ligne. Cette volonté de soutenir la mise en place de menus végétariens quotidiens dans les cantines scolaires se plaçait dans la continuité de la loi Égalim de 2018 (entrée en vigueur en 2019), qui avait imposé (ou plutôt tenté d'imposer), pendant deux ans, l'obligation d'un repas végétarien hebdomadaire. Cela a d'ailleurs suscité un fort mécontentement chez les éleveurs aveyronnais, en particulier quand un collège rural a suivi le mouvement. (Dans cette affaire, il serait bon de savoir si la cantine du collège concerné propose un menu unique ou, à chaque repas, le choix entre deux menus.)

   Suivre cette séance de débat et de vote est d'un grand intérêt civique. On notera qu'elle n'a pas été dirigée par le président de l'Assemblée nationale (Richard Ferrand), mais par l'un des vice-présidents, Sylvain Waserman (un élu Modem, allié donc à LREM).

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   Pendant plus de trois heures (ainsi que pendant les autres séances du jour), stoïque, il a mené les débats avec calme et professionnalisme, devant un hémicycle pas très bien garni, puisqu'à son apogée, il a dû compter quelque 130 députés sur 577...

   À l'écoute des interventions et des propositions d'amendement, il apparaît que plusieurs sensibilités politiques sont divisées : le parti présidentiel, mais aussi la "gauche de la gauche" (LFI et la Gauche démocrate) et la droite non gouvernementale. Il me semble que le vrai clivage est entre les députés des métropoles et les députés des circonscriptions rurales. Ainsi, en entendant certains élus LREM urbains, j'avais l'impression que c'étaient des écologistes, en opposition avec un membre du même groupe, issu de la Creuse, et fervent défenseur de l'élevage extensif. De même, à gauche, l'Auvergnat André Chassaigne n'était pas sur la même ligne que la Francilienne Mathilde Panot.

   Dans un premier temps, les élus ruraux ont tenté de faire rejeter la poursuite de l'expérimentation des repas végétariens. Ils n'y sont pas parvenus. Mais les plus écologistes de leurs collègues n'ont pas non plus réussi à imposer leurs vues. Cela est dû à l'influence modératrice de la rapporteure du projet de loi, la députée LREM Célia de Lavergne, élue de la Drôme (et ingénieure de formation).

   Avant la séance, elle a dû "se cogner" les centaines de propositions d'amendement (certaines différant parfois d'un mot ou d'une virgule) et préparer des réponses argumentées à ceux qui ont été discutés ce jour-là (certains députés n'étant même pas présents pour défendre leur proposition !).

   La séance a parfois pris un tour cocasse, quand, par exemple, des élus ont soutenu des propositions d'amendement qui auraient été écrites par des élèves d'école primaire... sous la direction forcément impartiale de leur professeure des écoles, bien entendu... J'ai aussi souri en voyant ce représentant normand défendre (maladroitement) l'introduction, un jour par mois, d'un menu avec de la viande de venaison (française) ! Plusieurs députés ne m'ont pas semblé très à l'aise avec leur texte... l'avaient-ils tous écrit ? Derrière plusieurs contributions se cache soit une association environnementaliste comme Greenpeace, soit le lobby de la chasse, soit un syndicat agricole...

   Toutefois, même si c'était souvent passionnant, à d'autres moments, le propos était barbant... et pas que pour le public. Certains plans larges permettent de voir des élus quitter l'hémicycle une fois leur minute de célébrité passée. Pour celles et ceux qui doivent se fader toute la séance, il est plus difficile de ruser :

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   Ci-dessus l'on distingue clairement le fonctionnaire de l'Assemblée affecté à la présidence des débats se laisser distraire par son téléphone portable...

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   ... et ce n'est pas le seul, puisque le ministre de l'Agriculture lui-même (Julien Denormandie) a été pris en flagrant délit de "textotage" pendant que Célia de Lavergne (à gauche) s'adressait aux députés. Les plus malins avaient ouvert le parapluie l'ordinateur portable, supposé outil de travail... mais qui offre de multiples distractions.

   L'observation de la procédure de vote ne manque pas non plus d'intérêt. Beaucoup d'amendements ne bénéficient que d'un vote à la va-vite, à main levée, tandis que d'autres font l'objet d'un scrutin public (donc d'un vote électronique). D'ailleurs, voici ce qu'a donné le dernier d'entre eux (avant la suspension de séance), sur l'ensemble de l'article 59 :

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   L'article 59 réécrit a donc été voté à une large majorité des présents. Il a une ampleur plus limitée que celle de la version de travail (rédigée en commission). Il valide la poursuite de l'expérimentation du menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires (avec la possibilité d'un choix, c'est-à-dire le maintien d'un menu avec viande dans les structures qui proposent deux menus) et permet aux collectivités locales qui le souhaitent d'étendre la mesure à d'autres jours... d'où l'intérêt de suivre les élections départementales et régionales à venir, puisque ce sont les exécutifs qui se mettront en place en 2021 qui décideront de la manière d'appliquer la nouvelle loi (dans les collèges et lycées)... si le Sénat la vote dans les mêmes termes.

jeudi, 25 février 2021

Curiosité électorale

   Cela fait des parties des anecdotes qui "épicent" une campagne électorale. Cette semaine, le Rassemblement national a désigné Jean-Paul Garraud comme tête de liste aux élections régionales en Occitanie-Pyrénées-Méditerranée. L'ancien député UMP aura la lourde tâche de défier la sortante, Carole Delga, qui a un bilan à défendre et une majorité de gauche relativement soudée (par rapport à ce qui se fait ailleurs).

   Mais l'information la plus intéressante ne réside pas dans le choix d'une tête de liste d'ouverture. L'article du Monde auquel mène le lien précédent révèle qu'aussi dissemblables soient Jean-Paul Garraud et Carole Delga, ils ont en commun la commune de Martres-Tolosane, située dans le département de Haute-Garonne. L'actuelle présidente du Conseil régional en a été maire, entre 2008 et 2014. Elle a, comme lointain prédécesseur, un certain Henri Dulion (curieusement prénommé Louis sur un site généalogique et un annuaire des maires) :

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   D'après Le Monde, ce serait le grand-père de Jean-Paul Garraud. D'après Sud-Ouest, ce serait plutôt son arrière-grand-père. Je penche pour cette solution. Comme il a débuté son premier mandat en 1896, il était déjà adulte à cette époque. Or, Jean-Paul Garraud est né en 1956. L'écart me paraît trop grand pour qu'il puisse être son grand-père.

   Pour la petite histoire, je signale qu'en 2018, lors de la commémoration de l'Armistice du 11 novembre (à laquelle assistaient Carole Delga et des descendants d'Henri Dulion), le maire en place a lu un discours de son lointain prédécesseur, discours marqué par la formule "Aimez-vous les uns les autres"... un petit pied-de-nez à celui qui, à l'époque, s'était déjà rapproché du RN ?

   Quoi qu'il en soit, si Carole Delga sort victorieuse des prochaines élections régionales, elle pourra dire sans crainte qu'elle a "bouffé Dulion" !

mardi, 16 février 2021

Donald Trump pas "empêché"

   Donald Trump est non seulement le premier président des États-Unis soumis deux fois à la procédure d'impeachment, mais aussi le premier à avoir été deux fois "acquitté". Voilà un résultat qui peut surprendre quand on sait que 57 des 100 sénateurs l'ont déclaré coupable d'avoir "incité à l'insurrection". Mais, pour qu'un accusé soit condamné, il faut qu'au moins 67 sénateurs votent dans ce sens.

   Pourquoi une telle majorité ? Pour éviter que ce soit un procès politique, avec jugement partisan (même si, à l'usage, c'est quand même un peu le cas). En gros, les élus (représentants et sénateurs) d'un parti disposant de la majorité simple seraient tentés de vouloir renverser le président appartenant au parti opposé. Pour qu'une majorité de 67 voix soit atteinte au Sénat, il faut que le président en place soit complètement discrédité, soit par la défaite totale de son camp aux élections législatives intermédiaires (ce qui donnerait une écrasante majorité au camp opposé), soit par le retournement d'une partie des élus de son camp, prêts à voter contre lui avec le bord opposé. C'est ce sur quoi comptaient les démocrates dans le cas Trump.

   Mais revenons un peu en arrière. En 1998-1999, les mêmes questions s'étaient posées lors du procès de Bill Clinton (président démocrate). Le Sénat (à majorité républicaine 55-45) l'avait déclaré coupable de «parjure» à seulement 45 voix (contre 55) et d'«obstruction» à 50-50. En allant regarder le détail des votes, on s'apercevait qu'à chaque fois, les démocrates avaient fait bloc derrière "leur" président. Ce sont donc uniquement des républicains qui ont voté "contre leur camp" (mais peut-être avec leur conscience), dix pour le premier chef d'accusation, cinq pour le second.

   Cela nous amène à Donald Trump et à son premier impeachment. Il était accusé d'«abus de pouvoir» et d'«obstruction au Congrès». À la Chambre des représentants (l'équivalent de notre Assemblée nationale), le vote de la mise en accusation a presque parfaitement suivi le découpage politique : presque tous les élus démocrates (à deux exceptions près) ont voté pour, alors que tous les élus républicains l'ont rejetée. Les premiers étant majoritaires, le procès a eu lieu.

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   Au Sénat, les résultats furent sans appel... mais dans l'autre sens. Tous les sénateurs démocrates et indépendants (ceux-ci classés à gauche, comme Bernie Sanders) ont voté la culpabilité de Donald Trump (pour les deux chefs d'accusation) et tous les sénateurs républicains ont voté son acquittement... tous sauf un, Mitt Romney, qui a voté coupable pour l'abus de pouvoir (d'où le léger écart entre les deux verdicts) :

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   Comme les républicains détenaient à l'époque la majorité des sièges au Sénat (et que Trump avait encore fortement prise sur le Parti républicain), c'était couru d'avance. Mais le geste de défi de Mitt Romney mérite d'être expliqué. Ce milliardaire est un mormon, élu de l'Utah (et autrefois du Massachusetts), ancien candidat à la présidence de la République contre Barack Obama, en 2012. (Il n'avait d'ailleurs pas fait un si mauvais score que cela.). En tant que gouverneur du Massachusetts, il a eu l'image d'un républicain plutôt centriste. Au sein du Parti républicain, c'est un représentant du big business, mais il n'est ni un extrémiste religieux ni un adepte des théories complotistes. On va voir qu'il a fait preuve d'une certaine constance.

   Nous voilà en 2021, pour le second impeachment de Donald Trump. Le vote de la mise en accusation (cette fois-ci pour avoir "incité à l'insurrection", en liaison avec l'invasion du Capitole) n'a pas plus posé de problème qu'en 2019 à la Chambre des représentants :

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   Vous remarquerez que c'est quasiment la même répartition des cotes qu'en 2019... sauf, qu'entre temps, les républicains ont grappillé quelques sièges... certains d'entre eux ayant même, sur ce sujet, rejoint le camp démocrate. Ils sont dix.

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     Sur la carte ci-dessus, j'ai croisé l'État d'élection de ces dix "rebelles" avec le résultat de la présidentielle 2020 : les États où Donald Trump est arrivé en tête sont coloriés en rouge, ceux où Joe Biden l'a devancé sont coloriés en bleu. Résultat ? Sept des dix "frondeurs" ont été élus (sous l'estampille républicaine) dans des États qui ont placé Biden en tête. Ceci a pu influencer cela.

   Intéressons-nous aux trois autres, élus dans des territoires républicains. Tom Rice (Caroline du Sud) ne doit pas sa carrière à Donald Trump, puisque sa première élection remonte à 2012. Quant à Liz Cheney (Wyoming), en tant que fille de l'ancien vice-président de George W Bush (Dick Cheney), elle bénéficie d'appuis qui la rendent relativement indépendante. C'est une néo-conservatrice, pas une populiste.

   De son côté, Tom Rice est tellement perçu comme un républicain fidèle que, dans un premier temps, ses collègues ont pensé qu'il s'était trompé de vote ! Comme Liz Cheney, il doit s'attendre à une prochaine campagne législative difficile, avec un opposant républicain dans les pattes. (Rappelons que les représentants sont élus pour deux ans.)

   Il reste Anthony Gonzalez, élu en 2018 dans l'Ohio. On va le voir avec les sénateurs : la "promotion 2018", au creux de la vague trumpiste, est proportionnellement la plus fidèle au président sortant (plus encore que celles de 2016 et de 2020). Le concernant, on a pu remarquer au cours des derniers mois du mandat de Trump qu'il prenait de plus en plus souvent ses distances avec le président sortant. Mais son avenir politique est compromis.

   Passons à présent au Sénat (dont les membres sont élus pour six ans). Même si la culpabilité de Donald Trump n'y fut pas légalement reconnue, elle a quand même réuni davantage de suffrages qu'en 2019 :

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   Sept sénateurs ont eu le courage de passer outre les consignes et les pressions qui s'exerçaient sur eux. Seulement deux d'entre eux ont été élus dans des États "bidenistes". Les cinq autres sont issus de bastions républicains :

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   Sans surprise, on retrouve Mitt Romney, une des rares figures du Grand Old Party à s'opposer ouvertement au président battu. C'est aussi le seul à avoir été (ré)élu en 2018. Tous les autres sénateurs de cette "promotion" ont voté pour l'acquittement. C'est dans les "cuvées" 2016 et 2020 que l'on trouve les autres rebelles (3 pour chaque année d'élection).

   Parmi les élus (républicains) de 2016, il y a un représentant de Pennsylvanie ("bideniste"), un de la Caroline du Nord (dont l'avenir politique est lui aussi compromis) et une de l'Alaska, Lisa Murkowski, qui avait appelé Trump à démissionner après l'assaut du Capitole... et qui a fini par déclarer qu'elle n'avait pas voté Trump ! (Bon courage pour la suite, madame !)

   Terminons par les "bébés 2020". Signalons d'abord que l'écrasante majorité de cette promotion (18 sur 21 sénateurs républicains élus cette année-là) a voté l'acquittement du président battu. L'une des trois non-conformistes est issue du Maine, État plutôt démocrate. Mais Bill Cassidy vient de Louisiane et Ben Sasse du Nebraska. Le premier avait été réélu comme pro-Trump. Son vote a suscité la même stupeur que celui du représentant Tom Rice. Les deux hommes ont ceci en commun d'avoir des principes et de s'être prononcés pour la défense des institutions démocratiques états-uniennes. Le second (Ben Sasse), dont le conservatisme ne fait aucun doute, est depuis un moment déjà critique du président sortant, auquel il reproche l'instauration d'une sorte de culte de la personnalité et l'attachement aux théories du complot.

   Pour moi, le Parti républicain est encore fortement marqué par le trumpisme. La suite nous dira si ces francs-tireurs auront été la graine du renouveau ou un feu de paille vite éteint par les grandes gueules populistes.

jeudi, 03 décembre 2020

Quadruple affront

   Le matin, en partant au boulot, j'ai l'habitude de passer chez un marchand de journaux. En général, j'achète Centre Presse, parfois accompagné d'un autre journal ou d'une revue. Mais, aujourd'hui, mon regard fut attiré par la une de La Dépêche du Midi, consacrée au décès de l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing. Du coup, j'ai acheté un exemplaire du "journal de la démocratie"... et je me suis régalé.

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   Volontairement ou involontairement, le quotidien a bafoué à quatre reprises l'ancien président de la République. La première banderille se trouve dans le titre. Cet "AU REVOIR..." est une allusion transparente au dernier discours de VGE en tant que président (en 1981), conclu par une sortie théâtrale que beaucoup ont trouvée ridicule.

   Le deuxième trait vindicatif réside dans la manière de désigner VGE, à droite sur la Une numérique, en page 2 de l'édition papier. L'expression "président Giscard" dénie à VGE le droit d'être appelé "d'Estaing". La particule nobiliaire fut rachetée par son père et son oncle dans les années 1920... mais les spécialistes (notamment les généalogistes) sont plus que réservés quant à l'authenticité du lien de parenté qui existerait entre la famille Giscard et la branche (éteinte) d'Estaing.

   La volonté de La Dépêche de ne pas tomber dans l'idolâtrie posthume atteint un sommet dans le choix de la photographie de couverture. Le défunt est représenté très âgé (ce qu'il était)... mais avec les poils qui dépassent du nez ! Franchement, cette photo-là, il fallait la trouver !

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   Le quatrième affront se trouve en page 3 de l'édition papier, mais, là, il se retourne contre le quotidien. En effet, à côté de photographies et d'articles relatant certains épisodes de la vie de VGE figure, sur la colonne de droite, une série de repères chronologiques. C'est écrit petit et il y a fort à parier que la majorité des acheteurs du journal ne vont pas lire cette partie très attentivement.

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   Ils auraient tort. J'y ai appris quantité de choses que j'ignorais à propos de l'ancien président de la République. Ainsi, il aurait été conseiller municipal de Sainte-Féréole (en Corrèze), puis conseiller général et député... de la Corrèze. La confusion est à son comble quand on lit qu'en mai 1974, il a été nommé Premier ministre. En fin de colonne, les lecteurs un peu mous du bulbe (et qui ont continué leur lecture jusque-là) ont sans doute découvert le pot-aux-roses en voyant ceci "7 mai 1995-16 mai 2007 : Président de la république" ! C'est la chronologie de Jacques Chirac !!!

   TROP NULS FORTS LES JOURNALISTES DE LA DÉPÊCHE ! Quant à VGE, Chirac l'aura fait chier jusque dans la mort !

   Je termine par une anecdote personnelle. Il y a une quinzaine d'années de cela, après le décès de mon père, j'ai eu l'occasion de fouiller dans ses affaires personnelles. J'y ai retrouvé un objet insolite, dont mon paternel m'avait un jour reparlé, mais en m'affirmant qu'il l'avait sans doute perdu :

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   Cette antiquité patriotique remonte à la campagne de 1974. Mon père était à l'époque un ardent giscardien. Il avait voulu à tout pris assister à la venue du candidat VGE, en compagnie de son jeune garçon, qu'il avait même porté sur ses épaules à cette occasion. La légende familiale raconte que le pauvre gamin avait eu l'honneur de porter le couvre-chef montré ci-dessus... ce qui aurait incité le candidat Giscard à venir de ce côté-ci du public... et à serrer la main du garçonnet ! Mon père pensait que cela porterait bonheur à "son" candidat...

   En tout cas, je n'ai gardé aucun souvenir de cet événement traumatisant !

samedi, 28 novembre 2020

Une bonne loi

   Je veux bien entendu parler la loi relative à la sécurité globale, dont la première version a été récemment adoptée par l'Assemblée nationale. Dans certains médias, sur les réseaux sociaux et dans la rue, elle est caricaturée d'une manière qui laisse à penser que, soit les personnes ne l'ont pas lue (et répètent, tels des perroquets, la leçon qu'on leur a apprise), soit elles mentent sciemment.

   Pour se faire sa propre opinion, rien de tel que de consulter le texte brut, accessible ici. Téléchargeable en version pdf, il s'étend sur une cinquantaine de pages.

   Les premiers articles sont consacrés aux polices municipales (qui vont disposer de davantage de latitude pour réprimer les délits de voie publique liés notamment à la suralcoolisation, un véritable fléau de notre société, quoi qu'en disent les bien-pensants). La suite du texte vise à mieux encadrer le fonctionnement des sociétés de sécurité privées, un milieu où l'on peut croiser toute sorte d'individu...

   On en arrive aux trois articles les plus vilipendés, les numéros 21, 22 et 24. L'article 21 évoque l'usage qui pourrait être fait des images tournées par les "caméras-piétons" des policiers. Leur généralisation est prévue d'ici l'été 2021... et c'est une bonne chose, puisque ces dispositifs filme(ro)nt les interventions des forces de l'ordre et seront donc opposables aussi bien aux délinquants qu'aux policiers "baveurs". (Et cela incitera celles et ceux qui ont le coup de matraque facile à réfléchir avant de choisir la manière de réagir à une situation conflictuelle.)

   Mais, pour les opposants, le problème est que les images tournées par ces caméras pourront être utilisées contre des manifestants "indélicats", par exemple celles et ceux qui provoquent les forces de l'ordre en les insultant ou en les bombardant de projectiles divers, cherchant à faire naître un incident susceptible de "faire le buzz" après avoir été filmé, non pas par la police, mais par un ami judicieusement placé... et qui a tout loisir de monter les images pour leur faire dire ce qui arrange les provocateurs.

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   Vous remarquerez que la loi prévoit que ces enregistrements vidéo ne soient pas modifiables (pour éviter toute manipulation). Voilà une attitude déontologique que l'on espèrerait trouver du côté des éructeurs antiflics des réseaux sociaux.

   L'article 22 est consacré aux "caméras aéroportées", essentiellement placées sur des drones. Le texte contient des garde-fous, que les opposants ne semblent pas avoir lus. Le premier est qu'en règle générale, l'utilisation de ce dispositif doit être annoncée à la population.

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   La règle générale est celle qui s'appliquera durant les manifestations. Les exceptions (la non-annonce de la mise en place du dispositif) concernent les situations où il s'agit éviter de donner des informations à des délinquants (ou des terroristes) objets de poursuites.

   Un autre garde-fou est la destruction des images (si elles ne sont pas utilisées dans une procédure judiciaire) au bout d'un mois :

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   C'est déjà la règle qui s'applique déjà aux images issues des caméras de vidéosurveillance fixes. En résumé :

- la loi prévoit le même usage des images des caméras-piétons que celui des autres caméras

- les caméras-piétons fournissant les images intégrales des interventions policières permettront de faire le tri dans les déclaration des uns et des autres concernant de supposées bavures policières (ce que permettent déjà de faire, parfois, les images de caméras fixes)

- la généralisation des caméras-piétons incitera policiers comme civils à adopter un comportement moins agressif

   On termine par l'article 24, qui a été, lui aussi, victime de déformations :

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   Dès le début, il est indiqué que l'article ne peut pas être opposé à la liberté d'informer. Les diffuseurs d'images de policiers seront passibles de poursuites s'il est évident qu'ils cherchent à nuire. Au passage, vous noterez qu'il reste possible de photographier/filmer le numéro de matricule, ce qui laissera aux journalistes (professionnels comme amateurs) une grande latitude pour dénoncer d'éventuels comportements scandaleux de la part des forces de l'ordre.

   L'opposition à cette proposition de loi est donc le fait d'ignorants ou d'extrémistes, qui ne réalisent pas à quel point le travail des forces de l'ordre est, dans certaines parties de notre pays, sérieusement compromis.

mercredi, 25 novembre 2020

20 kilomètres de liberté

   ... et trois heures pour décompresser. Profitant d'une (légère) décrue de la pandémie, le gouvernement a choisi de lâcher du lest et de rendre la vie quotidienne des habitants de ce pays un peu moins étouffante.

   A partir de ce samedi (28 novembre), il sera donc possible de sortir gambader jusqu'à vingt kilomètres de son domicile, pendant trois heures. En ce qui me concerne, ce n'est pas tant la distance qui importe que le temps pendant lequel je vais pouvoir (légalement) pratiquer mon sport préféré.

   Je me suis quand même amusé (à partir d'un simulateur accessible dans un article du Monde) à observer jusqu'où je serai susceptible de me rendre, sachant que je réside à Rodez :

20 km 2.jpg

   Sans surprise (la commune de Rodez occupant une position relativement centrale en Aveyron), le rayon à l'intérieur duquel je pourrai évoluer exclut les départements voisins, mais aussi le bassin decazevillois (ce dont je me remettrai sans peine), les agglomérations de Millau, Saint-Affrique et Villefranche-de-Rouergue ainsi que l'Aubrac (ce qui me chagrine davantage).

   En zoomant sur la carte, j'ai pu constater que le vallon de Marcillac me sera accessible (chouette !), ainsi qu'une bonne partie du Lévézou (au sud-est du chef-lieu). En revanche, il ne faut pas compter pouvoir explorer le Ségala très en avant (jusqu'au Baraquevillois).

   C'est toujours mieux que rien, d'autant que, dans le département, certains de mes concitoyens adoptent parfois un comportement irresponsable. L'anecdote qui suit m'a été contée par un ami, dont un membre de la famille a été contaminé par le covid à l'issue... d'une partie de chasse. Je n'en ai pas trouvé trace dans la presse locale, curieusement silencieuse à ce sujet.

   Récemment, ce mois-ci, une brochette de chasseurs (une quinzaine ?) se seraient réunis pour partager leur passion (le motif le moins inavouable), lutter contre la prolifération de gibier (l'excuse invoquée)... et se taper une petite bouffe bien arrosée entre copains (sans doute l'objectif réel de cette sortie). L'équipée ne fut pas marquée par l'acharnement à respecter les consignes de sécurité visant à limiter la propagation du virus. En clair : les masques n'auraient pas été très visibles, les gestes barrières vaguement pratiqués et la distanciation sociale réduite à la portion congrue. Problème : l'un des participants (au moins) était porteur du virus. Résultat ? Une semaine plus tard, presque toute la troupe était contaminée, plusieurs membres étant placés sous assistance respiratoire. Voilà peut-être qui pourrait expliquer la curieuse discordance entre la décrue annoncée au niveau national et le petit pic constaté dans l'Aveyron. (Les chasseurs inciviques n'en sont sans doute pas les seuls responsables, puisque les forces de l'ordre ont aussi récemment dû verbaliser plusieurs groupes de jeunes ayant organisé des fêtes clandestines, alcoolisées et "chichonnisées").

dimanche, 15 novembre 2020

Le bluff de Jean-Luc Mélenchon

   La semaine passée, le chef de la France Insoumise a réussi à créer en emballement médiatique autour de l'annonce de sa candidature à la prochaine élection présidentielle. A la condition officielle (obtenir au moins 500 parrainages d'élus), il en a jouté une seconde : le soutien d'au moins 150 000 "citoyens".

   De prime abord, le nombre paraît élevé. En réalité, il était évident qu'il serait facilement atteint puis dépassé. À l'heure où j'écris ces lignes, on en est à plus de 171 000 soutiens :

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   150 000 signataires, ce n'est rien par rapport au nombre d'électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2017 (plus de sept millions) :

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   J'en profite pour rappeler que c'est à cette occasion que le candidat LFI a peut-être raté le coche : il ne lui a manqué qu'un peu plus de 600 000 voix (quand même quatre fois plus que ce qu'il a exigé au titre d' "investiture populaire"...) pour se qualifier pour le second tour (dont je doute qu'il serait sorti vainqueur). Il avait mené une campagne percutante, profitant de l'effondrement du PS, de l'absence de candidat.e EELV et du retrait de François Hollande. Cela avait suffi pour attirer à lui une partie de l'électorat de gauche traditionnel (une autre partie s'étant portée sur Emmanuel Macron). L'erreur commise par LFI a été de miser presque exclusivement sur l'élan créé par la campagne de J-L Mélenchon, sans chercher à bâtir une alliance à gauche dès avant le premier tour.

   L'intérêt suscité par le leader de la France Insoumise n'est pas retombé. Son compte twitter est très suivi, par plus de deux millions de personnes (même si ce n'est pas lui qui l'alimente) :

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   Même sa chaîne Youtube pèse davantage que le soutien populaire qu'il a demandé, puisqu'elle compte plus de 470 000 abonnés (huit à neuf fois plus que ceux de la chaîne LFI) :

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   Bref, Jean-Luc Mélenchon n'a pris aucun risque en s'imposant le soutien de 150 000 personnes. De surcroît, au vu des informations demandées pour une signature, il est fort probable que certains de ces soutiens ne soient pas électeurs à la prochaine présidentielle, puisqu'on ne leur demande qu'un nom, un prénom, une adresse électronique et un code postal.

   Ceci dit, je trouve qu'ajouter aux parrainages d'élus le soutien de citoyens est une bonne idée. En revanche, il faudrait que ces soutiens soient des électeurs inscrits et que leur nombre soit plus important, entre 500 000 et 1 000 000, selon moi. Cela donnerait effectivement une assise démocratique aux candidatures, tout en écartant quelques farfelus.

   Un autre paradoxe est que cette annonce a été formulée sur TF1, une chaîne appartenant au groupe Bouygues, dont on ne peut pas dire qu'il jouisse d'une grande popularité auprès des dirigeants de LFI. Il en est de même de BFM TV, propriété d'un conglomérat à la tête duquel se trouve Patrick Drahi, mais où Jean-Luc Mélenchon se rend régulièrement.

   Il a raison de le faire, puisque ce sont des chaînes populaires, dont certains spectateurs sont des électeurs LFI... ou sont susceptibles de le devenir. Mais la diversité des personnalités politiques s'exprimant sur ces chaînes contredit l'affirmation qu'en France, dans les médias "traditionnels", le débat politique serait verrouillé et qu'un seul discours politique serait autorisé.

   Ainsi, cela fait plusieurs années que, principalement sur la Toile (par exemple ici), circule la dénonciation de la concentration des médias français, qui auraient les pieds et poings liés par neuf (ou dix) "milliardaires". L'affirmation est inexacte sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, les personnes possédant au moins une partie de médias jouant un rôle important en France sont bien plus que dix, comme on peut le constater sur un schéma publié par Le Monde diplomatique l'an dernier. De plus, la majorité de ces propriétaires sont plutôt des millionnaires que des milliardaires. Sur la forme, le fait qu'une personne richissime possède tout ou partie du capital d'un média n'implique pas nécessairement que les équipes de journalistes aient perdu toute autonomie. C'est très variable d'un journal à un autre. Les cas de censure me semblent au contraire assez peu nombreux. Néanmoins, je reconnais que la tendance à la concentration est réelle.

   Enfin, aux médias privés supposés à la botte d'une poignée de milliardaires (et donc en théorie de droite), on pourrait opposer les médias publics (en particulier les radios), où la parole "de gauche" est bien plus répandue (et même très répandue, si l'on ne considère que les radios). Mais le service public radiodiffusé est censé faire preuve de neutralité. Cela implique que ces médias (qui portent à gauche, comme on dit) se montrent critiques aussi bien à l'égard de la France Insoumise que de ses adversaires politiques. Or, ces dernières années, il me semble que les relations entre LFI et France Inter sont assez tendues, les néo-marxistes français supportant visiblement mal de ne pas faire l'unanimité dans "leur" camp.